Catégorie : Anthologie poétique « Poésie d’un jour »


  • Valérie Canat de Chizy | [Poésie quand le vert…]




    [POESIE QUAND LE VERT…]



    poésie quand le vert
    déverse l’eau des arbres

    la poche à l’intérieur
    où baignent les tiges

    tête recourbée
    le coquelicot

    j’ai des pétales
    pour sentir

    le monde vibrer




    la grotte est tapissée
    de silhouettes et d’ombres

    femmes sauvages
    vêtues de peaux
    réunies autour du feu


    elles
    chantent et dansent

    la grotte résonne
    de leurs entrailles

    dans un récipient macèrent
    des fleurs des champs





    Valérie Canat de Chizy, Caché dévoilé, Jacques André éditeur, Collection poésie XXI n° 50, 2019, pp. 45-46.






    Valérie Canat de Chizy  caché dévoilé






    VALÉRIE CANAT DE CHIZY


    Valérie Canat de Chizy





    ■ Valérie Canat de Chizy
    sur Terres de femmes

    [Je me tiens à une rampe, pour ne pas tomber] (poèmes extraits de Je murmure au lilas (que j’aime))
    Je murmure au lilas (que j’aime)[lecture d’Isabelle Lévesque]
    [L’écriture s’étiole] (extrait de Pieuvre)
    [La clôture est autour] (poème extrait de Talisman)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Jacques André éditeur)
    la fiche de l’éditeur sur Caché dévoilé de Valérie Canat de Chizy
    le blog de Valérie Canat de Chizy





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  • Luigia Sorrentino | Hypérion, la chute




    IPERIONE, LA CADUTA



    nulla può crescere e nulla
    può così perdutamente dissolversi
    come l’uomo

    (F. HÖLDERLIN, Iperione)




    Coro 1


    tutto stava su di lei
    e lei sosteneva tutto quel peso
    e il peso erano i suoi figli
    creature che non erano ancora
    venute al mondo
    lei stava lì sotto e dentro

    questa pena l’attraversava ancora
    quando venne meno qualcosa

    le acque la accolsero

    e quando si avvicinò alla costa
    della piccola isola, tutti
    portava nel suo grembo




    Coro 2


    c’è una notte arcaica in ognuno di noi
    una notte dalla quale veniamo
    una notte piena di stupore
    quella perduta identità dei feriti
    si popola di volti,
    quell’abbraccio mortale

    in un tempo sospeso tra mente e cuore
    mai la notte fu così stellata

    gettati in mare ingoiarono acqua
    e pietre, e strisciarono sulla sabbia
    e furono in totale discordia
    ebbero passi pesanti
    e sparirono, sottoterra

    il cenno si dissolve
    da sé cade il fragile umano
    frutto effimero, del mortale




    Coro 3


    nella cintura d’acqua
    fluttuava immenso l’indistinto
    inattuato attaccava la nebbia
    melmosa, non era ancora luce ma
    notte continua, durava
    in quello spazio la non luce

    si volse la notte si volse
    bisognosa a noi che aprimmo
    lo sguardo alla forma sollevata

    solo questo gesto che vede
    qualcosa si schiarisce
    illumina e avvicina
    nell’istante posato
    negli occhi che egli chiude




    Coro 4


    si comportava da colosso
    come se dovesse stringersi
    inghiottito dal nero della pietra
    sul confine piantava bastoni inestirpabili

    ci sorpresero le lunghe impronte
    rifugio di mole e di potenza
    fissate
    lastre di pietra

    il volto nostro sovrastò la figura
    altissima,
    negli occhi si schiuse la forma inguainata
    con braccia e gambe saldate contro il corpo

    lo sguardo nostro entrò in quel suo essere
    infinitamente mortale




    Coro 5


    la luce si disperdeva,
    cadeva la massa corporea
    appoggiato alla densità della goccia
    egli era là nel suo confine
    il mutamento fu uno svanire
    arbitrario
    dal fondo del vento sprigionava
    trascinando fuori da sé
    qualcosa che lentamente appare

    così in esso
    ciò che ripetutamente arriva
    entra nel suo sguardo

    nel sollevarsi contro la nebulosa
    divenne la brezza distesa sull’acqua
    a lei si infranse perdutamente
    alla nettezza di lei che si apriva
    davanti a lei si lasciò cadere, infine
    Iperione




    Coro 6


    abbiamo perso tutto
    caduti in un eterno
    frammento
    la prima luce su noi
    infuocata ha bruciato tutto

    la prima creatura di umana
    bellezza è morta, ignota
    a se stessa
    i popoli appartengono alla città
    che li ama
    privi di questo amore ogni stato
    scheletrisce e annera
    la natura imperfetta non sopporta
    il dolore






    IL CONFINE



    Appariva gradualmente scendendo dai ripiani delle scale. Una parte di lei era visibilmente sommersa. La città nuova costruita sulla vecchia dentro l’acqua si rifrangeva, lasciando cadere su di sé l’immagine sfigurata dell’altra. La guardai morente e mutata… se ne andava, ma dove ? Quando mi voltai mi venne di fronte nel suo biancore una divinità decapitata. Dalla roccia il giovane indicava il confine delle’orizzonte terreno, il limite a cui pian piano approdavamo, gonfi di mare.








    HYPÉRION, LA CHUTE


    rien ne peut grandir,
    rien ne peut aussi irrémédiablement disparaître
    comme l’homme

    (F. HÖLDERLIN, Hypérion)




    Chœur 1


    tout reposait sur elle
    et c’est elle qui supportait tout ce poids
    et ce poids c’était ses enfants
    des créatures qui n’étaient pas encore
    venues au monde
    elle se tenait là dessous et dedans

    ce tourment la traversait encore
    quand quelque chose vint à s’évanouir

    les eaux l’accueillirent

    et lorsqu’elle s’approcha du rivage
    de la petite île, elle les portait
    tous dans son giron




    Chœur 2


    en chacun de nous demeure une nuit archaïque
    une nuit d’où nous venons
    une nuit pleine de stupeur
    cette identité perdue des blessés
    se peuple de visages,
    cette étreinte mortelle

    en un temps suspendu entre cœur et esprit
    jamais la nuit ne fut si étoilée

    jetés à la mer ils ingurgitèrent eau
    et pierres, et rampèrent sur la grève
    et furent en totale discorde
    leurs pas étaient lourds
    et ils disparurent, sous terre

    le signe se dissout
    tombe de lui-même le fruit humain
    fragile et éphémère, du mortel




    Chœur 3


    dans la ceinture d’eau
    l’indistinct flottait, immense
    inabouti il se fondait à la brume
    fangeuse, il ne faisait pas encore jour
    mais une nuit inachevée, se prolongeait
    dans cet espace la non-lumière

    se tourna la nuit se tourna
    besogneuse pour nous qui ouvrîmes
    les yeux sur la forme en suspens

    seul ce geste qui voit
    quelque chose se met à briller
    illumine et avoisine
    dans l’instant posé
    dans les yeux qu’il ferme




    Chœur 4


    il se comportait en colosse
    comme s’il eut dû se rapetisser
    englouti par le noir de la pierre
    sur le seuil il plantait des bâtons indéracinables

    nous surprirent les longues empreintes
    refuge de poids et de puissance
    fixées
    dalles de pierre

    la figure dépassa notre visage,
    très haute,
    dans nos yeux s’entrouvrit la forme engainée
    bras et jambes soudés au corps

    notre regard pénétra son être
    infiniment mortel




    Chœur 5


    la lumière se dispersait,
    chutait la masse corporelle
    appuyée à la densité de la goutte
    il se tenait là sur le seuil
    le changement fut un évanouissement
    arbitraire
    du fond du vent se dégageait
    traînant hors de lui
    quelque chose qui lentement apparut

    ainsi en lui
    ce qui ne cesse d’arriver
    entre dans son regard

    en se soulevant contre la nébuleuse
    il devint la brise étendue sur l’eau
    éperdu il se brisa contre elle
    contre la pureté de celle qui s’ouvrait
    devant elle il se laissa tomber, enfin
    Hypérion




    Chœur 6


    tombés dans un éternel
    fragment
    nous avons tout perdu
    la première lumière sur nous
    embrasée a tout brûlé

    la toute première créature à l’humaine
    beauté est morte, sans qu’elle le sût
    elle-même
    les peuples appartiennent à la ville
    qui les aime
    privé de cet amour chacun
    devient noir squelette
    la nature imparfaite ne supporte pas
    la douleur






    LA FRONTIÈRE



    Elle apparaissait descendant pas à pas les marches d’escaliers. Une partie d’elle était visiblement submergée. La ville nouvelle édifiée sur l’ancienne se réfléchissait dans l’eau, laissant tomber sur elle l’image déformée de l’autre. Je la regardai mourante et mouvante… elle s’en allait, mais où ? Quand je me retournai me fit face dans toute sa blancheur une divinité décapitée. Depuis son rocher le jeune homme pointait la ligne d’horizon de la terre, les confins auxquels nous abordions tout doucement, gonflés de mer.




    Luigia Sorrentino, Olympia, éditions Al Manar, 2019, pp. 60-72. Dessins de Giulia Napoleone. Traduit de l’italien par Angèle Paoli. Préface de Milo De Angelis. Postface de Mario Benedetti.






    Olympia





    LUIGIA SORRENTINO


    Luigia Sorrentino
    Source



    Originaire de Naples, Luigia Sorrentino est poète et journaliste. Son métier de journaliste la conduit à réaliser des interviews de personnalités aussi éminentes que les Prix Nobel Orhan Pamuk, Derek Walcott et Seamus Heaney. Productrice de programmes culturels radiophoniques, elle anime sur Rai Radio Uno l’émission Notti d’autore, « viaggio nella vita e nelle opere dei protagonisti del nostro tempo ».

    Poète, elle a publié plusieurs recueils de poésie : C’è un padre (Manni, Lecce, 2003) ; La cattedrale (Il ragazzo innocuo, Milano, 2008) ; L’asse del cuore (in Almanacco dello specchio, Mondadori, Milano, 2008) ; La nascita, solo la nascita (Manni, Lecce, 2009) ; Inizio e Fine, Cahiers de La Collana, Stampa, 2009 ; Varese, 2016 (trad. fr. par Joëlle Gardes, éditions Al Manar, 2018) ; Figure de l’eau | Figura d’acqua, éditions Al Manar, 2017 (traduit en français par Angèle Paoli), Olimpia (Interlinea edizioni, 2013) | Olympia, éditions Al Manar, 2019 (traduit en français par Angèle Paoli).

    En août 2013 a paru aux éditions Interlinea de Novare, le recueil poétique Olimpia (Olympia) préfacé par Milo De Angelis et postfacé par Mario Benedetti. Dans la préface de l’ouvrage, Milo De Angelis souligne l’importance de ce recueil qui touche à l’essentiel, « aborde en profondeur les grandes questions de l’origine et de la mort, de l’humain et du sacré, de notre rencontre avec les millénaires. » De la poète Luigia Sorrentino, il souligne le regard visionnaire : un « regard ample, prospectif, à vol d’aigle ». Mais aussi ses « immersions imprévues dans la flamme du vers ».

    Dans ce parcours initiatique qu’est le « livre orphique » Olympia — de la grotte de la naissance jusqu’à la pleine exposition de soi dans les forces telluriques —, le lecteur est confronté à une perte irrémédiable : celle de la condition humaine. Cette quête conduit à travers un hors-temps et un hors-espace à la recherche « d’époques de notre vie ». La rencontre se fait dans une Grèce — Olympie — démesurée qui, dans les pages du recueil, ressurgit « vivante, intérieure, palpitante ». D’autres rencontres ont aussi lieu : « avec les ombres des corps que nous avons aimés ; puis, parmi les ombres, […] avec nous-mêmes  ». Il importe alors « d’assumer [son] nouveau visage : celui du souffle, de la voix, du vent, des cigales, des rochers, des oliviers ».

    Ainsi, en dépit du fait que tout est désormais accompli, au milieu de notre existence dépouillée, « s’élève un cri d’éternité et d’amour ». Comme le souligne Milo De Angelis, « Olympia parvient à exprimer ce temps absolu, et le fait de manière admirable », avec une grande puissance architectonique mais aussi « avec les éclairs fulgurants de la vraie poésie. Un Temps absolu qui contient chaque temps. » Un recueil qui nous plonge de temps à autre dans diverses périodes de notre vie, comme si nous étions à la fois « des hommes de l’Antiquité et des adolescents, sûrs » de nous et tout à la fois « perdus », et que nous nous immergions « dans ce jour chargé d’attente et de révélation, sans cesse sur le seuil d’une découverte cruciale ».




    ■ Luigia Sorrentino
    sur Terres de femmes

    [tous les jours étaient tombés sur son visage] (extrait de Début et fin | Inizio e fine)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur le recueil Olympia
    → (sur le site des éditions Interlinea)
    une page sur le recueil Olimpia
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    une recension (en italien) d’Olimpia par Alessio Alessandrini
    le blog Poesia de Luigia Sorrentino
    → (sur le blog Poesia de Luigia Sorrentino)
    Luigia Sorrentino lit un extrait du recueil Olimpia : “Giovane monte in mezzo all’ignoto” (+ une note de lecture de Diego Caiazzo)
    → (sur Sulla letteratura | On literature)
    un autre extrait d’Olimpia traduit en anglais par Alfred Corn
    → (sur PostPopuli)
    un entretien de Luigia Sorrentino avec Giovanni Agnoloni
    → (sur Poesia 2.0)
    une recension d’Olimpia par Chiara De Luca
    → (sur le blog du Corriera della sera)
    une recension d’Olimpia par Ottavio Rossani
    → (sur YouTube)
    a creatura perpetua (une vidéopoésie de Chiara De Luca sur un extrait d’Olimpia)





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  • Michel Bourçon | [quelque chose cesse]



    [QUELQUE CHOSE CESSE]




    quelque chose cesse à mesure
    que l’on voit le temps passer
    sur les eaux lentes du fleuve
    tandis que dans l’air
    et les couleurs mouvantes
    ondoient des animalcules



    de vagues pensées naissent
    à l’ombre des hautes herbes



    l’esprit au calme
    baigne dans les lumières
    et le pas suspendu du héron.






    Michel Bourçon, Visages vivant au fond de nous, 44, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2019, page 53. Dessins de Jean-Gilles Badaire.






    Michel Bourçon  Visages vivant au fond de nous




    MICHEL BOURÇON


    Michel Bourçon
    Ph. ©Michel Durigneux
    Source





    ■ Michel Bourçon
    sur Terres de femmes

    [Dès le lever, le corps sent le vide autour] (extrait de Demeure de l’oubli)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Michel Bourçon




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  • Pia Tafdrup | Flamme de coquelicot



    FLAMME DE COQUELICOT




    Je suis le sablier où le sable
    ne se dépose pas pour dormir.
    Je souhaite reposer sur un courant sauvage,
    écouter le rythme de ton sang,

    le battement de ton cœur.
    Je souhaite une étreinte
    qui ne façonne pas l’être étreint

    selon celui qui étreint.
    Je souhaite croire en
    ce qui ne peut être anéanti

    et qui n’anéantit pas.
    Je suis l’aile et le départ
    d’une vie au point d’arrêt.
    Le rêve d’une rencontre

    existe
    flamme de coquelicot dans un champ de blé.
    Le rêve d’atteindre
    une mémoire partagée

    sans se perdre soi-même.
    Je voudrais tellement croire, c’est possible
    mais ça l’est peut-être

    uniquement dans un poème ?
    Au commencement, la langue et les lèvres se contentent
    de le murmurer

    au travers d’une fissure du temps.





    Pia Tafdrup, Le Soleil de la salamandre, Éditions Unes, 2019, page 56. Traduit du danois par Janine Poulsen.






    Pia Tafdrup  Le Soleil de la salamandre




    PIA TAFDRUP


    Pia_tafdrup
    Source




    ■ Pia Tafdrup
    sur Terres de femmes


    Pouls imaginaire (poème extrait des Chevaux de Tarkovski)
    Baptême (poème extrait de La Forêt de cristal)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Unes)
    la fiche de l’éditeur sur Le Soleil de la salamandre
    le site de Pia Tafdrup






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  • Felip Costaglioli | Ce que c’est



    CE QUE C’EST




    C’est ça aussi un peu
    la mélancolie


    C’est une maison mangée
    de l’intérieur


    par les lézards de la pluie


    Ce sont les cailloux
    qui mûrissent dans votre gorge


    Ah enfin
    croire le nom des choses


    Cette petite pastille du
    pouvoir dire :


    la même pour tous


    Et l’on s’attend à ce que la table
    d’elle-même s’achemine vers nous


    Et l’on s’attend à être
    prisonnier d’un verre d’eau


    Et l’on veut bien s’ouvrir les doigts
    sur un peu de souffle gâté


    reconnaître que parfois
    rien


    ne peut être aboli


    C’est aussi accepter quand on traverse
    la rue


    d’être traversé par elle


    Les gens passent


    avec leur laine
    et leur petit exil


    et quand ils toussent
    c’est un peu


    de temps


    et un peu de nous
    qu’on recoud




    C’est ça aussi un peu.






    Felip Costaglioli, « Ce que c’est » in Ce qu’on vaut de poussière, éditions La Boucherie littéraire, Collection La feuille et le fusil, 2018, s.f.






    Felip Costaglioli  Ce qu'on veut de poussière




    FELIP COSTAGLIOLI


    Felip Costaglioli NB
    Source





    ■ Felip Costaglioli
    sur Terres de femmes


    Ne pas jouer avec (poème extrait de Loin de chez soi ?)
    Redécorer la grotte (poème extrait de NU)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de St. Cloud State University)
    une notice bio-bibliographique sur Felip Costaglioli
    → (sur le site de La Boucherie littéraire)
    la fiche de l’éditeur sur Ce qu’on vaut de poussière de Felip Costaglioli [PDF]






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  • Georges Perros | Ken Avo




    Kenavo
    Source






    KEN AVO
    (extrait)





    Ma motocyclette avait de ces ruades
    Comme parfois en ont les choses
    Elles éclairent violemment, crûment
    Notre piste nerveuse
    Le disque tourne fou
    Et se raye ça fait mal
    C’est un peu comme si j’allais mourir
    Toute une vie d’entre mes vies
    Défilait à toute vitesse
    Sur le réseau de mon angoisse
    Je n’avais plus peur de tomber
    Quelqu’un était en train de mourir en moi
    Quelque part, quelqu’un
    Que j’avais détesté
    Qui m’avait fait beaucoup souffrir
    Mais que je ne voulais ni ne pouvais
    En toute occasion, ne pas reconnaître
    Être un homme est ambigu
    Nul masque au monde ne m’en eût
    Caché la froide présence
    Quelqu’un qui était en train de me dire
    Le pire, le cruel,
    L’inacceptable.
    Le réel,
    C’est l’imagination relayée, vérifiée
    Soulagée
    Remplacée
    Poète celui qui pactisant
    Avec la mort
    Oublie qu’il va mourir.





    Georges Perros, « Ken Avo » (extrait), Poèmes bleus (Éditions Gallimard, 1962), Collection Poésie/Gallimard n° 545, 2019, pp. 24-25. Préface de Bernard Noël.







    Georges Perros  Poèmes bleus




    GEORGES PERROS


    Georges Perros portrait
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Poèmes bleus de Georges Perros





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  • Peter Gizzi | Scratch Ticket



    SCRATCH TICKET




    Confetti in April
    Confetti in May

    This was the last party
    the animal sun asleep

    O stymie dewy surprising thing
    Leaf, you have arrived again

    The web is on the vine
    and the cricket clicks

    If the blue toned arc
    inside the vender’s luck

    If time itself doubled back
    and unwound the string

    How is it this afternoon
    being wide be also crystal —

    the total vista bright
    Let this and that begin

    O wind remember the tune
    Bird, enough of your trill





    Peter Gizzi, The Outernationale, Wesleyan University Press, Middletown, CT 06459, 2007, pp. 17-18.







    Gizzi couv








    AU GRATTAGE




    Confetti en avril
    Confetti en mai

    C’était la dernière fête
    le sommeil du soleil animal

    Ô chose mouillée trouée surprise
    Feuille, te revoilà

    La toile est sur la vigne
    et le criquet clique

    Si l’arc aux tons bleus
    dans la chance du vendeur

    Si le temps lui-même faisant demi-tour
    et déroulant sa corde

    Comment se fait-il que cet après-midi
    bien qu’immense soit aussi cristallin —

    la perspective totale et lumineuse
    Que ceci et cela commencent

    Ô vent souviens-toi de la musique
    Oiseau, ça suffit tes trilles





    Peter Gizzi, L’Externationale, Éditions Corti, Série américaine, 2013, pp. 25-26. Traduction de Stéphane Bouquet.






    Peter Gizzi  L'Externationale




    PETER GIZZI


    Peter Gizzi_NewBioImage_Credit-ElizabethWillis
    Ph. D.R. Elizabeth Willis
    Source





    ■ Peter Gizzi
    sur Terres de femmes


    Bolshevescent (autre poème extrait de The Outernationale)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique sur Peter Gizzi
    → (sur YouTube)
    une lecture par Peter Gizzi de huit poèmes extraits de The Outernationale et leur traduction en français (sauf le dernier) par Stéphane Bouquet (“Une panique qui peut encore me tomber dessus”, 1.2.3.4.5 + “Spectre sans titre d’Amherst” + “Un jardin occidental” + “L’Externationale”) [gale­rie éof, 15, rue Saint-Fiacre – 75002 Paris | 29 mai 2012]






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  • Isabelle Alentour | [Jamais d’abord, ni contre]





    [JAMAIS D’ABORD, NI CONTRE]




    Jamais d’abord, ni contre, la densité d’un corps et le geste qui efface.

    Qui tient au poids du silence.

    Tout ce dont la langue fut coupée.

    Tout ce qui se putréfie d’être tu.

    Écrire.

    Peu.

    Donner un nom à ce qui échappe : le trop intime, le monstrueux.

    Écrire avec la retenue des forêts.

    Sans souffrance inutile pour les arbres manquants.

    En dessous des épaules démarrent les brumes.

    Coagule le sang.

    Rien ne s’ouvre qui permette l’avant.

    À mon poignet un autre mutisme.

    Ça ne finit pas, non, ça ne finit pas.

    (Ne pouvoir écrire, seconde mort)





    Douleur       
    dédouble
    chaque
    minute
    casse en deux chaque
    sourire
    ou bourgeon enivré de printemps


    Nul arbre où grimper
    (cabane où s’abriter)
    nulle pluie où tomber
    ni moineau vers le sud pour s’envoler

    Dehors
    le soleil (cet insouciant)
    continue de tourner





    Ne prononcez pas ces mots.

    La seconde mort.

    Celle qui se troue d’un blanc après que tout est fini.

    L’oubli des victimes.

    Non, ne vous fatiguez pas à prononcer ces mots.

    Les égouts de l’histoire s’en chargeront.




    Isabelle Alentour, « V – Comme dans un rêve », Ainsi ne tombe pas la nuit, Éditions iXe, Collection racine de iXe, 2019, pp. 52-54.






    Ainsi ne tombe pas la nuit 2




    ISABELLE  ALENTOUR
    [PELLEGRINI]



    Isabelle Pellegrini





    ■ Isabelle Alentour
    sur Terres de femmes


    [Lac étal comme un épuisement] (extrait de Je t’écris fenêtres ouvertes)
    [Heures douces d’un après-midi d’été] (extrait de Louise)
    Louise (lecture d’AP)
    Makapansgat (lecture de Philippe Leuckx)
    [Je me sens vieillir] (extrait de Makapansgat)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Pour ne pas perdre la pluie] (poème inédit, 2013)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions iXe) la fiche de l’éditeur sur Ainsi ne tombe pas la nuit d’Isabelle Alentour
    → (sur Terre à ciel) une page sur Isabelle Alentour [+ mini-entretien avec Roselyne Sibille]
    → (sur Ce Qui Reste) une page sur Isabelle Alentour





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  • Éric Sautou | [Lire les poèmes]





    [LIRE LES POÈMES]




    103.


    Lire les poèmes (on ne les lit plus guère).


    104.


    j’écris je pense à toi


    quelque chose (comme le souvenir qui nous épuise)
    fleurs (disait-elle) qui nous redonnent l’oubli j’étends mon linge au beau milieu j’étais une enfant une hirondelle dans l’église où j’avançais mon père mes frères et sœur ma mère (tombée du ciel dans sa cuisine)


    il n’y a pas d’autre maison (disait-elle) que celle où tu n’es plus d’autre cœur à mon cœur je m’arrête (m’arrête) au reflet dans l’eau qui me hante car depuis toujours (disait-elle) depuis toujours j’étais là


    les trottoirs les avenues les cinémas comme ils viennent (disait-il) ou le jardin (ensauvagé) la lumière du temps s’y dépose et vivre (disait-il) écrire plus encore m’en éloigne


    la maison (disait-elle) je suis assis (disait-il) au fond du puits de ta maison (mais je ne comprends pas)


    poèmes (disait-il) qui sont toujours un peu la même chose c’est l’arbre (disait-elle) qui brûle dans le froid de la froide saison


    les jours (disait-il) sont-ils les mêmes de ma vie la tristesse (infatigable disait-elle) qui n’est pas toi qui n’est pas mienne (la tristesse de tous)


    105.


    (vers le calme fleuve des morts)





    Éric Sautou, « septembre-décembre (2014) », 103, 104, 105, Les jours viendront, éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2019.






    Sautou  Les-jours-viendront






    ÉRIC  SAUTOU


    Sautou 2
    Ph. Sébastien Solidon
    Source





    ■ Éric Sautou
    sur Terres de femmes


    À son défunt (lecture d’AP)
    Beaupré (lecture d’AP)
    [c’était ça simplement ça] (extrait de Beaupré)
    La vie éternelle, I (extrait d’Une infinie précaution)
    [comme le héron je descends de ma fenêtre] (extrait des Vacances)
    La Véranda (lecture d’AP)
    [assise et seule assise] (extrait de La Véranda)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Éric Sautou
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Éric Sautou





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  • Delfine Guy | Expédiée dans l’Arctique






    Grande Papillon tirage de tête
    Delfine Guy, tirage de tête de La Grande Papillon






    EXPÉDIÉE DANS L’ARCTIQUE




    Après avoir longtemps couru dans la neige
    j’étais devenue transparente
    Les luges tatouaient sur mon dos
    d’amples fleurs noires

    et je m’étalais comme un habit fantôme
    accueillant dans mes manches
    multitude d’enfants

    ils n’étaient pas miens
    riaient d’une grimace de glace
    et tétaient l’absence
    par mes fibres inodores

    Le paradoxe de l’ourse polaire
    s’est maintenu au chaud
    mon pelage est une planète vierge
    L’océan pourtant prisonnier

    me fait don de clefs robustes
    ce sont mes crocs

    ils luisent tout autour de ma langue
    tandis que je m’éveille
    du plus long des hivers

    et que je souris à l’homme au sexe dressé

    Mes deux seins bombés tournent en lune et soleil





    Delfine Guy, La Grande Papillon, Poèmes & dessins, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2019, pp. 34-35.






    Grande Papillon






    DELFINE   GUY


    Delphine Guy




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Décharge)
    une lecture de La Grande Papillon par Jacques Morin
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur La Grande Papillon





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