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  • Angèle Paoli / Rendez-vous à l’arbre bruyère

    <<Mon poème du samedi

     

     

     

     

     

    ANGÈLE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " un filanciu sillonne le ciel "

    Photocollage / G.AdC 

     

     

     

     

     

    avec la solitude

    s’aiguisent les sens

    le vent flagelle
    qui fait se dresser
    les crêtes de mer

    une rumeur sourde
    monte vert émeraude
    se mêle air et eau

    au gris des mousses

    tout bouge

    le maquis danse
    des vagues ondoient
    vert tendre vert pâle
    sur les pentes

    la mer fouette
    vert pétrole

    les vagues roulent

    les mots se refusent
    s’absentent

    odeur de terre humide
    de feuilles mortes
    de branches cassées
    d’urines fauves
    de suint

    j’aperçois le rocher
    de a Mugliarese

    — je pense Alaska
       glaciers bleus gris

    à la dérive

    j’observe les troncs évidés
    des chênes

                                        — je pense Totem Pole

    le tremblé des pétales

     

          —les linaigrettes cotonneuses
            s’effilochent sous mes doigts

    je m’allonge sur la roche moussue

     

    —la banquise louvoie
    en contrebas

    les chèvres s’égaillent
    dans le sous bois

     

    —ce sont les élans
    qui galopent

     

    un filanciu sillonne le ciel

    —le vol du pirague
    me frôle

     

    le chien du berger me cajole

    —je file plein vent
    arrimée aux huskies
    yeux pervenche

     

     

     

     

    RENDEZ-VOUS À L'ARBRE BRUYÈRE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Angèle Paoli, Rendez-vous à l'arbre bruyère, Peintures de Caroline François-Rubino, Éditions Al Manar 2018, pp.35, 36, 37.

     

     

     

  • Marc Alyn, Œuvres Poétiques I, II, III / Lecture de Hugo Bouras-Vignal

     

     

    Marc Alyn, Œuvres Poétiques I, II, III
    La Rumeur libre Éditions 2024

    Lecture de Hugo Bouras-Vignal

     

    MARC ALYN, ÊTRE LE LANGAGE

     

    Maître des mots et artisan d’un verbe habité, Marc Alyn tisse depuis près de sept décennies une poésie où le langage est à la fois recherche et révélation. Avec la parution, en décembre dernier, de ses Œuvres Poétiques en trois volumes, le poète nous invite à parcourir l’intégralité de son univers. Cette somme magistrale témoigne d’une écriture en perpétuel renouvellement, où chaque poème façonne un territoire d’ombres et de lumières, d’énigmes et de fulgurances. Plonger dans ces pages, c’est entrer dans une langue en état de ferveur, où le verbe danse et se métamorphose au gré des âges et des songes.
    « L’Aventure initiatique », qui est le sous-titre du premier tome, commence en 1954. Marc Alyn habite Reims, sa cité natale, et grandit dans un monde encore meurtri par les secousses de l’Histoire, où la guerre froide et les conflits de décolonisation nourrissent une atmosphère d’incertitude. Dans cette époque troublée, la jeunesse peine à trouver un horizon d’épanouissement, prise entre les désillusions du passé et les incertitudes de l’avenir. Pourtant, à seulement dix-sept ans, Marc Alyn lutte pour sourire et cherche à réinventer la langue et le regard porté sur le monde. Ainsi se lance-t-il dans une quête essentielle : son langage.

    "Chaque jour j’écris le premier mot de mon langage :
    je suis neuf jusqu’au crépuscule.
    Chaque baiser de l’aube sur les lèvres des feuilles
    me fait don d’une peau nouvelle."

    L’écriture lui apparaît comme un acte vital, un espace où il se façonne et se renouvelle sans cesse. L’une des plaquettes qu’il publie en 1954 traduit cette aspiration : Rien que vivre. Ce titre est un refus du désespoir : l’acte de vivre se suffit à lui-même et affirme la vie à travers la poésie.

    "Où voyez-vous des morts, gisants ?
    Je suis la vie !"

    Avec ses premières plaquettes, Marc Alyn annonce une poésie habitée par le désir d’embrasser le mystère de l’existence. Dans cette effervescence littéraire, il trace son propre sillage et place son écriture sous le signe d’une aventure initiatique.
    Le recueil Liberté de voir, paru en 1956, est une étape importante. C’est le premier « vrai » recueil du poète, alors âgé de dix-neuf ans. Après l’affirmation de la vie dans Rien que vivre, il propose une émancipation du regard, une conquête de la perception. Il nous assure cependant :

    "Je reste l’enfant aux yeux vagues
    toujours plongés dans un sac de rêves."

    Le regard du poète est celui de l’enfant libre, rêveur et détaché des cadres imposés par le réel. Ici l’imaginaire l’emporte sur la perception : voir ne se limite pas à observer mais devient un acte de liberté, une manière d’interroger et de réinventer la réalité à travers la poésie :

    "J’écris sur les murs la nuit quand vous dormez.
    De mes ongles j’inscris des prophéties sur les pavés
    moi, le veilleur illuminé par l’ombre
    je clame : mort au rêve !

    et les façades à l’infini répercutent mon blasphème."

    Le poète, « veilleur illuminé par l’ombre », se positionne en témoin du monde et inscrit sa révolte dans un acte poétique. Son écriture devient un cri, une prophétie gravée sur les murs et les pavés : il interroge le réel par le langage et fait de la poésie un moyen d’action pour transformer le monde.
    Tel est l’état d’esprit de Marc Alyn à l’approche de ses vingt ans. Jean Rousselot le considère comme « la révélation poétique de ces derniers mois » et Alain Bosquet le salue comme « le plus fougueux, le plus doué de nos moins de vingt ans ».
    Entretemps, Marc Alyn franchit une étape décisive : Pierre Seghers, poète-éditeur et figure importante du paysage poétique, publie son recueil Le Temps des autres. L’année suivante, le 18 mars 1957, jour du vingtième anniversaire du poète, le recueil remporte le prix Max-Jacob, décerné par un jury prestigieux : Jean Cocteau, André Salmon, Jules Supervielle, Pierre Mac Orlan ou encore Jean Paulhan. C’est la consécration d’un langage : à seulement vingt ans, Marc Alyn reçoit la reconnaissance de quelques-uns des plus grands poètes de son temps. Ceci marque l’affirmation d’une voix singulière, inscrivant le poète dans la lignée des grands explorateurs du verbe.
    Le Temps des autres est également une prise de conscience : le monde ne se limite pas seulement au propre regard du poète mais il appartient aussi aux « autres », à l’Histoire, ou plutôt aux générations passées et futures. Marc Alyn semble inscrire sa poésie dans une action collective, où le langage devient un moyen de relier les êtres et de donner voix à ceux qui, sans lui, resteraient dans l’ombre. Le poème « La parole me fut donnée » traduit cet idéal :

    "La parole me fut donnée
    afin de retenir la terre ferme
    sous les pas d’une race enfermée dans sa nuit."

    Le premier vers suggère que le langage est un don, mais aussi une mission : porter la voix des autres, éclairer l’obscurité du monde et donner un ancrage à l’existence à travers les mots.

    "Les mots, il faut les vivre
    jusqu’aux proues du délire"

    Pour Marc Alyn, la poésie n’est pas une simple construction intellectuelle mais une expérience totale, une immersion dans le langage jusqu’à ses extrêmes (« jusqu’aux proues du délire »). Les mots ne doivent pas seulement être dits ou écrits, mais vécus pleinement, avec toute leur intensité et leur charge émotionnelle. Pour lui le verbe doit être une force vive, indomptable et chargée de passion. Aussi nous précise-t-il :

    "L’espérance : c’est avoir
    l’humanité dans ses veines."

    Ces vers définissent l’espérance comme une force intérieure, une communion avec l’humanité tout entière. Avoir « l’humanité dans ses veines » c’est porter en soi les rêves, les espoirs et les souffrances des autres, en faisant de cette connexion une source de lumière et d’engagement. Dans Le Temps des autres, cette vision s’inscrit dans une poésie qui dépasse l’individu pour embrasser une dimension universelle, où l’acte d’espérer devient un acte de partage et de fraternité.
    Le succès du Temps des autres ouvre à Marc Alyn de nouvelles perspectives. En 1957, porté par ce retentissement, Pierre Seghers publie Cruels divertissements, un recueil où le poète explore la prose poétique sous un angle érotique et onirique. Ce choix formel marque une étape importante dans son parcours : loin de s’en tenir au seul vers libre ou classique, Marc Alyn fait de la prose un territoire d’expérimentation, un espace où rêve et désir se mêlent dans une langue libre et sensuelle.

    "J’appréhende le monde dépourvu de ton regard de magicienne, de tes géographies de cristal."

    Ici le poète exprime son angoisse face à un monde privé de l’enchantement qu’apporte une présence féminine idéalisée. Sans cette muse, tout apparaît nu, désenchanté et dépourvu de sa magie et de ses promesses. Ceci illustre le motif récurrent chez Marc Alyn d’une poésie qui oscille entre émerveillement et perte, où l’amour et le rêve donnent sens au réel, mais en soulignant aussi la précarité.

    « Je t’aime, je t’aime », gémissait-elle, et un oiseau, à chaque syllabe, s’échappait de ses lèvres."

    Ce vers associe l’amour et le langage à une image d’envol et de liberté. L’expression répétée « Je t’aime, je t’aime » n’est pas une simple déclaration, mais une incantation presque magique qui donne naissance à des oiseaux, symbole du rêve, du souffle poétique et de l’évasion. Chaque mot prononcé devient une création vivante, soulignant le pouvoir transformateur du désir et de la parole amoureuse. Ainsi le réel se mêle-t-il à l’imaginaire et l’amour est-il une force créatrice qui donne un élan poétique à l’existence.
    Cette « métaphysique de l’amour physique », selon le mot de Claude Mauriac pour présenter Cruels divertissements, associe l’idée de plaisir, de jeu ou d’évasion (le « divertissement ») à une dimension plus sombre, marquée par la douleur et le désenchantement (« cruels »). Marc Alyn suggère que le rêve, l’amour ou même la poésie, tout en étant sources de fascination et de jouissance, portent en eux une part de trouble, d’illusion et de perte. Le recueil affirme ainsi une poésie où le langage, porté par l’intensité du sensible, devient un espace de métamorphose, prolongeant la quête du verbe si chère à Marc Alyn.
    En 1959, le poète publie Brûler le feu chez Seghers, un recueil profondément marqué par son expérience du service militaire en Algérie. C’est sur cette terre de tensions et de violence qu’il rédige ces poèmes, témoignant d’un regard lucide et inquiet sur son époque. Le premier poème, « C’est un mort », est un hommage rendu à un camarade tombé au combat.

    "C’est un mort très neuf
    que l’on cache en terre
    vingt ans à peine
    et le cœur à nu."

    Ces vers frappent par leur simplicité et leur force brute. Ce soldat, à peine adulte, est déjà réduit au silence définitif. Marc Alyn insiste sur la fragilité et l’innocence de cette vie interrompue, un cœur encore plein d’élan et d’espoir et désormais enseveli. Il témoigne ici de l’amertume et de la désillusion d’une génération confrontée à une violence qui la dépasse et à laquelle elle se croyait épargnée.

    "Que sortira-t-il
    de tant, tant de graines
    semées en ce monde
    pour l’absurdité ?"

    Brûler le feu s’impose rapidement comme le « Livre d’une génération perdue », celle d’une jeunesse confrontée aux désillusions de l’Histoire et pour laquelle Marc Alyn veut être la voix. Aussi, des artistes comme Serge Reggiani et Jean-Louis Trintignant, sensibles à la force de ses mots, diront-ils certains textes, donnant au recueil une résonance encore plus profonde.
    Trois ans plus tard, en 1962, Marc Alyn publie Délébiles aux éditions Ides et Calendes, un ouvrage de grand format et tiré à 1200 exemplaires. Ce livre marque une évolution majeure de son parcours : la parole poétique prend une nouvelle forme, plus épurée, plus incisive, comme si l’expérience de la guerre et du temps avait affûté son regard et son écriture.

    "Nous bâtirons sur les morts
    entre le muscle et le marbre
    le feu dur de nos syllabes ;

    Car le cri majeur est craie
    sous la fibre des vocables
    et le noyau seul résiste
    à l’usure de l’obscur."

    Ces vers illustrent la poésie comme un acte de mémoire et de résistance. Marc Alyn y exprime la tension entre l’éphémère et l’éternel, entre la fragilité du cri et la solidité du verbe. Le langage, comparé à un feu sculptant la matière, devient le seul rempart contre l’oubli, une force capable de survivre à l’ « usure de l’obscur ». Ceci fait que Délébiles s’impose comme une œuvre charnière, où le verbe se réinvente et affirme la singularité d’une voix qui, loin de s’effacer, s’ancre avec force dans la durée.
    Dans son « Salut à Marc Alyn » (Combat, 1962), Alain Bosquet écrit : « Grâce à lui, cette semaine, j’ai pu fuir l’éphémère. Grâce à lui, dans vingt ans, je fuirai d’autres formes de l’éphémère ». Pour Bosquet, la poésie de Marc Alyn, par sa vérité et sa profondeur, offre une échappatoire durable, capable de résister aux changements et de traverser les décennies sans perdre sa force.
    En mai 1968, alors que la France traverse une crise profonde, Marc Alyn publie Nuit majeure chez Flammarion, lauréat du prix Camille-Engelmann en 1971, un recueil où la nuit devient un territoire poétique essentiel. Installé à Uzès depuis quelques années, il célèbre cette obscurité que Racine magnifiait déjà dans son célèbre vers « Et nous avons des nuits plus belles que vos jours ».

    "Native Nuit désormais nulle, niée, innommée,
    reine errante, Graal, à travers les ronces du clair
    lacérant l’esprit avec la vue, en vain je relève
    les traces de ton pas sur le sol desséché : la Nuit
    majeure, privée de lieu, sans fin s’efface et se tait."

    La nuit est présentée comme une entité insaisissable et presque mythique, à la fois puissante et fuyante. Elle est niée, privée de lieu, comme si elle échappait au poète qui tente en vain d’en retrouver la trace. Aussi trouble-t-elle la perception et défie-t-elle la raison pour finalement se taire et s’effacer, soulignant son inaccessibilité et laissant le poète face à une quête inachevée, où l’obscurité est une énigme.
    Dans Nuit majeure, Marc Alyn explore le mythe du Minotaure dans la section « La Nuit du Labyrinthe », inspiré d’un voyage en Grèce. Donnant parfois la parole à la créature légendaire, il en fait un être déchiré entre humanité et son animalité :

    "Nuit animale
    je te porte au-dedans de moi
    et souvent déplore le sort
    qui m’a fait homme pour moitié."

    À travers la figure du Minotaure, Marc Alyn interroge la nature humaine, tiraillée entre raison et pulsion, lumière et obscurité. Il évoque une nuit souveraine, à la fois mythique et omniprésente, une nuit qui dépasse la simple obscurité pour devenir un espace de révélation, d’errance et de vision poétique, où se confrontent lumière et mystère. Ainsi la parole s’élève-t-elle avec une force nouvelle.
    Infini au-delà paraît en 1972. C’est un recueil de maturité qui vaut à Marc Alyn le prix Apollinaire en 1973. Né d’un « exil émerveillé », ce livre explore la poésie comme une expérience intérieure où chaque promenade devient une initiation. Dans cet univers contemplatif, le silence se fait parole et l’infini se dévoile à travers l’émerveillement du regard et la puissance du verbe :

    "la parole luisait, libre, dans sa substance
    avide d’inventer sa propre fin — la voix."

    Ici la parole devient une force vivante et autonome, « libre dans sa substance », cherchant à se façonner elle-même. Elle aspire à se réaliser pleinement à travers « sa propre fin — la voix », suggérant que l’aboutissement du verbe est son incarnation sonore, sa résonance dans le monde. À travers une aventure initiatique, Marc Alyn explore l’infini du langage et du monde, affirmant la voix comme ultime horizon du poème.
    En 1976, il publie Douze poèmes de l’été, un recueil né de la solitude d’Uzès. Ces poèmes marquent une « résurgence triomphale de la parole », où l’écriture, régénérée par l’épure et la lumière estivale des proches Cévennes, atteint une intensité nouvelle :

    "J’étais la forme en creux de moi-même, l’empreinte
    de quelqu’un d’oublié qui se souvenait d’être
    de loin en loin, ainsi que la feuille fossile
    dans le charbon revit en rêve la forêt."

    Dans un souci d’identité, le poète se perçoit comme une empreinte du passé, une présence en creux, oscillant entre oubli et réminiscence. L’image de la « feuille fossile » suggère que même figée dans le temps, l’âme conserve en elle l’écho d’une existence révolue et désormais vécue dans le rêve. Dans cet espace de retrait, Marc Alyn célèbre un langage libéré, où chaque vers semble renaître avec éclat.
    Puis c’est le silence. Les années passent. La parole du poète semble s’être tue. Il faut attendre 1988 pour accueillir Le Livre des amants, imprimé à Beyrouth « au milieu de cette apocalypse » qu’est la guerre. Marc Alyn est parti retrouver celle qu’il aime et qu’il attend.

    "Je t’attends. Et je mets tant d’ardeur à t’attendre
    que, lorsque tu viendras, ma flamme sera cendre."

    Dans ce recueil, Marc Alyn célèbre l’amour et les retrouvailles tant espérées, opposant la ferveur des sentiments au chaos de la guerre. Par une poésie rythmée et rimée, il affirme que l’amour et la joie peuvent triompher du désordre et de la destruction.
    De son voyage au Liban, Marc Alyn puise une nouvelle inspiration dans le silence des mots, donnant naissance à la trilogie des Alphabets du Feu. Ce cheminement poétique marque la résurrection du poète, qui adopte une écriture novatrice. « Byblos » (1991), première pierre de ce nouvel édifice verbal, incarne cette renaissance, où la parole se réinvente dans une poésie renouvelée, profondément marquée par le silence et la lumière du Liban :

    "et j’ai bu au sein d’ombre le lait solaire de l’Orient
    puis le chant a mûri en moi telle une grappe dans l’extase et la prophétie."

    Ici l’ombre et la lumière se mêlent pour faire émerger un « chant », une nouvelle parole poétique, profonde et prophétique, fruit d’une illumination intérieure et d’une inspiration mystique.
    Dans les deux autres tomes de la trilogie, La Parole planète (1992) et Le Scribe errant (1993), Marc Alyn donne la parole au Poème lui-même à travers les poèmes intitulés « Dit du Poème ». Dans ces écrits, le Poème devient un personnage vivant, qui réfléchit, s’interroge et se définit.

    "De qui suis-je le fils ?
    Du verbe ou du poète ?
    À peine écrit j’aspire à exister plus fort"

    En donnant la parole à ce « chant à la poursuite d’un oiseau », le poète inscrit la poésie dans un mouvement d’introspection et de questionnement sur son propre rôle et son essence. Devenu « scribe errant », Marc Alyn voyage à travers le monde des mots et des idées : loin d’être un simple témoin, il façonne et questionne le langage en restant libre et en mouvement, hors des conventions établies.
    En 1991, suite à l’ablation d’une corde vocale, Marc Alyn perd l’usage de la parole.

    "Mise à mort des vocables…
    Je veux que l’on se taise !"

    Pourtant le poète retrouve la voix quatre ans plus tard. Dans son recueil L’État naissant (1996), il retrace ses souvenirs, tant d’enfance (« Je vécus dans un livre et c’était l’univers ») que d’hospitalisation. C’est une étape importante de son cheminement poétique : il inverse le cours du temps et fait dialoguer l’Origine et l’Apocalypse. Dans cet écartèlement, le poète avance vers la résurrection de sa parole. Il fait paraître en 1998 L’Œil imaginaire, une « somme de poème » dans laquelle il revient sur cet événement douloureux. Dans le poème « Quelques difficultés du côté de la parole »,

    « le poète…
    dut se résigner à offrir sa voix en holocauste
    aux dieux par contumace des ordinateurs."

    Pourtant Marc Alyn reste optimiste. Il oublie sa douleur pour chanter Venise (« La musique en silence édifiait la Ville », commence-t-il), l’Orient, des héros et des poètes, et pour anticiper l’arrivée du troisième millénaire. Il devient cet « Œil imaginaire » tourné vers l’avenir et ses possibles, faisant de son Poème le vecteur d’une perception transcendant les limites du temps et de l’espace, en phase avec les interrogations profondes liées au passage vers un nouveau millénaire.
    En 1999, Marc Alyn publie Le Miel de l’abîme, un recueil de poèmes en prose où l’onirisme et le fantastique se côtoient. Ce « grand langage » loué par Joseph Delteil explore des thèmes profonds tels que la mort, l’âme, le corps ainsi que les métamorphoses divines.
    La mort des astres nous consolait modérément de la perspective de notre propre dénouement.
    Dans ce recueil, le souffle poétique de Marc Alyn demeure puissant et intense, poursuivant son exploration des mystères de l’existence et de l’invisible avec une force toujours aussi vivante. Ensemble, les mots « miel » et « abîme » créent l’image d’une expérience poétique intense et ambivalente, où la beauté et la souffrance se mêlent et où le sublime et l’effrayant coexistent.
    Marc Alyn inaugure le XXIème siècle par Le Silentiaire en 2004, un recueil d’aphorismes où il adopte « l’art bref » défini par René Char et caractérisé par sa concision, sa netteté et son tranchant. À travers cette forme, le poète explore mille variations et fait se mêler habilement humour noir, lyrisme et réflexion profonde.

    "La mort : faux et usage de faux."

    "Tout poète se sent nu à l’idée d’être lu, lui qui fut si longtemps son unique lecteur."

    "Aucune grande parole qui ne surgisse de la proximité d’une haute souffrance."

    Avec ce recueil, Marc Alyn témoigne de son approche poétique épurée : il parvient à condenser des idées complexes et des émotions intenses en quelques mots percutants. Aussi renouvelle-t-il cette expérience avec Le Dieu de sable et autres textes (2006) où le temps constitue le thème principal du recueil.
    "Le temps nous est compté — mais par quel usurier rapace !"
    "Poésie : maladie glorieuse, douloureuse et heureusement incurable."

    Son troisième recueil d’aphorismes, Le Centre de gravité, paraît en 2017 et se constitue de 467 textes. Devenu le « Rêveur éveillé », Marc Alyn déambule parmi les dédales de l’imaginaire et de l’humour noir.
    « "Êtes-vous bien isolé" ? », interroge l’électricien, l’œil allumé.»
    "La plupart des ruisseaux font des rêves de fleuves."

    L’usage de l’aphorisme offre à Marc Alyn une forme de concentration extrême du langage, où chaque mot est pesé, affûté, dépouillé de tout superflu. Dans sa quête du verbe, c’est aussi un moyen de jouer avec le langage, d’explorer ses paradoxes et d’en révéler les nuances avec précision et mordant.
    Avec Le Tireur isolé (2010), Marc Alyn poursuit son chemin de la parole, cette fois-ci en mêlant ensemble la prose et le vers. Métamorphosé en « tireur isolé », le poète se met « en route vers les balcons superbes dominant le temps pétrifié ».
    L’expérience de la prose poétique est renouvelée avec l’anthologie Poètes en majesté à Versailles, dans lequel Marc Alyn propose cinq « Fragments d’un tarot de Versailles » (« Lorsque Versailles appareille ou décolle, Chariot triomphal du dieu solaire […] »), puis poursuivie en 2015 avec Proses de l’intérieur du poème. Ce recueil, qui rassemble des textes publiés dans des revues importantes comme la Nouvelle Revue Française et Phenix, témoigne de son art du verbe, où la prose redevient un espace de résonance poétique, oscillant entre méditation, fulgurance et mystère.
    "Le temps d’apprendre par cœur la mort, puis de l’oublier, nous n’étions là pour personne — mais demain qui aurait été ?"
    Marc Alyn a toujours entretenu un dialogue fécond avec les arts plastiques, côtoyant de nombreux artistes au fil des décennies. Parmi eux, T’ang Haywen, peintre et calligraphe disparu en 1991, fut un ami proche. En 2019, le poète lui rend hommage avec T’ang l’obscur, un recueil où chaque poème répond à une encre de l’artiste. Ici la parole et le trait se rejoignent dans une même recherche de lumière et de mystère, prolongeant l’échange entre le poète et l’artiste dans une alchimie intime.

    "Flamboyant parmi les prodiges
    Il volait dans les plumes de l’ange"

    Enfin, en 2023, Marc Alyn publie Forêts domaniales de la mémoire, un recueil où la poésie retrouve sa puissance orale et incantatoire. Ce retour aux sources du verbe s’accompagne d’une méditation profonde sur la vie, le langage et le souvenir

    "Dès l’enfance
    j’aspirais à me perdre à travers les forêts
    de l’imaginaire
    croissant dans le terreau des syllabes"

    À travers ces poèmes, le poète, « marcheur des aubes violettes », arpente les chemins de sa mémoire, y explorant les traces d’un passé comme on se perd dans une forêt ancienne, dense de réminiscences et d’échos. Le titre du recueil nous suggère ainsi un territoire intime et collectif, un espace où se croisent les empreintes du temps, à la fois personnelles et universelles.

    Marc Alyn est sans conteste un explorateur du verbe, un poète dont l’œuvre, traversée par les métamorphoses du langage, s’inscrit dans une quête inlassable de la parole originelle. De Liberté de voir aux Forêts domaniales de la mémoire, en passant par les fulgurances des Alphabets du Feu ou la profondeur méditative de L’État naissant, son cheminement poétique s’est construit dans une tension entre l’ombre et la lumière, entre l’éphémère et l’infini. À travers l’incantation, l’aphorisme, la prose et le vers libre ou rythmé, il a donné voix à l’invisible, creusé l’obscur pour en extraire l’éclat du langage.
    L’édition de ses Œuvres Poétiques en fin d’année 2024 consacre cette trajectoire exceptionnelle, où chaque recueil résonne comme la pierre d’un édifice en perpétuelle élévation. Marc Alyn n’a cessé de questionner, de réinventer la langue, d’y insuffler une dimension sensible et prophétique. Son œuvre, portée d’un souffle rare, s’impose comme l’un des plus grands chants poétiques des XXème et XXIème siècles. Par-delà le temps, elle continue de vibrer, affirmant que la poésie, loin d’être un simple ornement, est avant tout une façon d’habiter le monde et de le réenchanter. Ainsi livre-t-il son œuvre à l’éternité car, nous écrit-il :

    "Je suis là peut-être pour des siècles.
    Ne me dérangez pas :
    j’ai tant de choses à me dire."

     

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    MARC   ALYN

    Vignette Marc Alyn

    ■ Marc Alyn
    sur Terres de femmes ▼

     

    Œuvres poétiques, Tome II, Le Rêveur éveillé (1992-2004), En couverture : Youl, 2024, La rumeur libre Éditions

    « Orée » in Œuvres Poétiques, Tome I, L’Aventure initiatique (1956-1991, La rumeur libre Éditions, 2024.

    → Forêts domaniales de la mémoire, Le rumeur libre, 2023l lecture d’AP)
    → [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi] (poème extrait de La Parole planète)
    → « Proses de l’intérieur du poème » (Inédits, été 2010), in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto
        Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, page 17 ; in « mots somnambules
        [in « La durée circulaire »], Proses de l’intérieur du poème, Le Castor Astral, 201
    → D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
    → Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)

    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
    → (sur Wikipedia.fr) un bel article consacré à Marc Alyn
    → (sur books.google.fr) Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol
    → (sur books.google.fr) Marc Alyn, Le Chemin de la parole | Poèmes choisis 1954-1994
    → le site de la revue Phœnix

     

  • Dominique Sampiero / La vie éternelle

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Gens de la fenêtre(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photocollage : GAdC

     

     

     

    Je pense à vous   mes ancêtres,   à votre enfance  de rabot
    et de sciure,    à votre corps plié en deux   sur la chaise de
    votre méditation. Je cherche dans mon désir  de voisinage
    de quoi sourire aux morts     cachés   derrière le nylon des
    rideaux.

    Gens de la fenêtre,   je vous parle  depuis l’acacia de mon
    silence.

    Sous mes mains un peu de conscience remue  ses écailles,
    se faufile, rejoint le ruisseau des pensées, là où des fleuves
    de livres   attendent   qu’on les traverse,  à  bras- le- corps,
    qu’on s’y baigne pour le bénir   d’une présence   aussi fra-
    gile qu’un bouquet de pupilles.

     

    Gens de la fenêtre,    votre silence    est un pur-sang, votre
    mutisme    une philosophie de l’incertain,   un Orient  des-
    cendu sur la terre humide des draches.

    J’ai hérité de vos belles lettres de ciel et de mort, on m’ac-
    cusera de noirceur et de néant inutile.

    Je forgerai mot à mot les séquelles de votre amour.

    J’apprendrai à énumérer vos hivers
    histoire    de donner à penser   aux guerriers cruels
    de votre silence.

     

    J’éveillerai le courage qui m’a manqué enfant pour ouvrir
    sans l’assombrir le grand livre de votre visage.

    J’écrirai en carré sur le vitrail racontant le chemin de croix
    du ciel et des arbres dans votre cour intérieure, votre cru-
    cifixion de paille et d’avoine.

    Je m’inventerai une noblesse dans la dureté de vos absences.

     

    SAMPIERO

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dominique Sampiero, La vie éternelle, Frontispice de Godeliève Simons, Le Taillis Pré 2025, pp. 102,103,104.

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    DOMINIQUE SAMPIERO

    Dominique Sampiero
    Source

    ■ Dominique Sampiero
    sur Terres de femmes ▼

    "2. Ciel d’horloge" in On écrit un poème pour embrasser, Dessin Christian Bricka, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits, 2022.
    [Certains livres se souviennent] (extrait du Maître de la poussière sur ma bouche)
    → Où vont les robes la nuit (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
    → Nos lèvres et leurs baisers (extrait de La vie est chaude)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature) une notice bio-bibliographique sur Dominique Sampiero
    → (sur Esprits Nomades) une page sur Dominique Sampiero

     

  • Patrizia Gattaceca / L’attesa / L’attente

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

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     " Et tu oseras paraître enfin
    Au seuil de l’attente lascive et cruelle "

    Photo: G.AdC 

     

     

    L’attesa

    Pazientosa mi stò
    À l’aguattu di l’ombra
    Di quellu ghjornu à vene
    In la so eternità
    Sopr’à mè cum’è u secretu di un dulore
    Si chjinerà
    È puru cun ardì t’affaccherai
    À l’usciu di l’attesa languida è crudele
    Pè l’ortu chì batte crosciu d’azuru
    In u fremu di i densi…
    T’affaccherai puru
    In core a l’Amore stessu
    Trà dubbiti è silenzii
    Da a notte sgranati…
    Brame
    Orgogli tribulati
    Nantu à a sponda infiarata di un’ aretta
    Cusì viva
    T’affaccherai

     

    L’attente

    Je guette
    L’ombre patiemment
    De ce jour qui viendra
    De son éternité…
    Au-dessus de moi comme le secret d’une
    douleur
    Elle se couchera
    Et tu oseras paraître enfin
    Au seuil de l’attente lascive et cruelle
    Au jardin palpitant baigné d’azur
    Dans le frémissement des sens…
    Enfin tu paraîtras
    Au cœur de l’Amour même
    Entre doutes et silences
    Distillés par la nuit…
    Désirs
    Orgueils froissés
    Sur le rivage embrasé d’une halte
    Si vivante
    Tu paraîtras…

     

    SPIRLA#2(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Patrizia Gattaceca,   in Revue   => SPIRLA#2

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    PATRIZIA GATTACECA

    Patrizia Gattaceca
    Ph. D.R.

    ■ Patrizia Gattaceca
    sur Terres de femmes ▼

    “Altri Lati” in Paesi ossessiunali, Collection Veranu di i pueti, Albiana/Centru Culturale Universitariu, 2015,
    Patrizia Gattaceca, Mosaicu
    → Sextine III (+ une notice bio-bibliographique)
    → So pieni i cascioni | Malles remplies
    → (dans la galerie Visages de femmesle Portrait de Patrizia Gattaceca (+ un poème de l’auteure)

    ■ Voir aussi ▼

    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvancescinq poèmes inédits de Patrizia Gattaceca
    → (sur Recours au Poèmeune page sur Patrizia Gattaceca (+ cinq poèmes)

  • Guilhem Fabre / Instants éternels

    <<Poésie d'un jour

     

     

    Yang_Hu_illustration_Qing

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Source

     

     

    结伴攀登仙首山

    人类事物的成功和消亡
    他们的来来去去让旧事成为现在
    河流和山脉保留着它们的高处
    我们这一代人也出现在
    普瓦松普特岛的水位正在下降
    梦湖远处的天空渐渐变冷
    杨祜的碑至今还在
    读着读着我的衣裙已被泪水打湿

                                                                                                                                                              

    Montant au Mont Xianshou en compagnie

    Les choses humaines se succèdent et flétrissent
    Leur va-et-vient fait l'ancien le présent
    Fleuves et monts retiennent leurs hauts lieux

    Notre génération à son tour s'y présente
    Leurs eaux baissent à l'ile du Poissonpoutre
    Le ciel se refroidit dans les lointains du lac du rêve
    La stèle de Yang Hu est encore là
    À sa lecture voilà ma robe mouillée de larmes

     

    FABRE(1)(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Guilhem Fabre, Instants éternels, Cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine, Avec la collaboration de Sun Qin'an, Po&psy a parte Erès 2025, p.102.

    ♦ Voir la note de →   l'éditeur 

     

  • Adrienne Rich / Plonger dans l’épave

    << Poésie d'un jour

     

     

     

    Asphalte

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " marchant comme je marchais avant
    comme un homme, comme une femme, dans la ville " 

    Photo: G.AdC 

     

     

     

    THE STRANGER

    Looking as I’ve looked before, straight down the heart
    of the street to the river
    walking the rivers of the avenues
    feeling the shudder of the caves beneath the asphalt
    watching the lights turn in the towers
    walking as I’ve walked before
    like a man, like a woman, in the city
    my visionary anger cleaning my sight
    and the detailed perceptions of mercy
    flowering from the anger

    if I come into a room out of the sharp misty light
    and hear them talking a dead language
    if they ask me my identity
    what can I say but
    I am the androgyne
    I am the living mind you fail to describe
    in your dead language
    the lost noun, the verb surviving
    only in the infinitive
    the letters of my name are written under the lids
    of the newborn child

    1972

     

     

    L’ÉTRANGÈRE

    Regardant comme je regardais avant, en plein cœur
    de la rue jusqu’à la rivière
    marchant dans les rivières des avenues
    éprouvant le frisson des caves sous l’asphalte
    observant les lumières qui s’allument dans les tours
    marchant comme je marchais avant
    comme un homme, comme une femme, dans la ville
    ma colère visionnaire clarifiant mon regard
    et les images détaillées de la compassion
    fleurissant dans cette colère

    si j’entre dans une pièce hors de la vive lumière brumeuse
    et les entends parler une langue morte
    s’ils me demandent de déclarer mon identité
    que puis-je dire hormis ceci
    je suis l’androgyne
    je suis l’esprit vivant que vous échouez à décrire
    dans votre langue morte
    le nom perdu, le verbe survivant
    seulement à l’infinitif
    les lettres de mon prénom sont gravées sous les paupières
    du nouveau-né

    1972

     

    RICH(1)(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Adrienne Rich, « I-Plonger dans l’épave » in Plonger dans l’épave, Diving into the Wreck, Poèmes 1971-1972, Traduction et préface de Chantal Ringuet, Noroît 2025, pp.46-47.

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       A D R I E N N E    R I C H

    Adrienne Rich
    Source

    ■ Adrienne Rich
    sur Terres de femmes ▼

    Adrienne Rich, Paroles d’un monde difficile, Poèmes 1988-2004, La rumeur libre éditions,
        Série mεtaphrasi | Domaine américain, 2019. Traduit de l’anglais (États-Unis)par Chantal Bizzini.

    From An Old House In America (traduction en français d’Olivier Apert)
    → 27 mars 2012 | Mort d’Adrienne Rich (+ un extrait d’Un atlas du monde difficile)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La rumeur libre) une notice bio-bibliographique sur Adrienne Rich
    → (sur Poetry Foundation) une biographie d’Adrienne Rich
    → (sur Modern American Poetry) un ensemble d’articles sur Adrienne Rich
    → (sur En attendant Nadeau) Adrienne Rich, Audre Lorde, Irena Klepfisz, poétesses guerrières,
           par Jeanne  Bacharach (22 avril 2020)

  • Terres de femmes n° 241 ―Février 2025

    CLIQUER SUR LA PHOTO
    pour accéder au SOMMAIRE
    du numéro du mois de Février 2025

     

    TDF FEV 2025

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    Responsable de la rédaction : Angèle Paoli
    Coordination éditoriale et mise en pages  Yves Thomas  ( † 2021 ) 
    Direction artistique et mise en images : Guidu Antonietti di Cinarca: G. AdC ) 

     

     

     

  • TdF sommaire du mois de Fevrier 2025 / N° 241


    TDF FEV 2025

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    SOMMAIRE DU MOIS  DE FEVRIER  2025  ♦

    ♦ Cartouche du N°241 de Terres de femmes / fevrier 2025 ♦

                       

    Hélène Sanguinetti / Jadis, Poïena / Lecture d'Angèle Paoli
    Mathieu Bénézet / L'Océan jusqu'à toi
    Iya Kiva / Poèmes
    Béatrice Englert / Jean-Pierre Chambon / Le visage inconnu
    Muriel Pic / Le Dernier Printemps de Rosa Luxemburg…
    Angèle Paoli / Ceneri / Braises
     Anne Sexton / Folie, fureur et ferveur / Lecture de Noémie Antoine
    Angèle Paoli / Synchronicités silencieuses
    Luce Guilbaud / L'une de l'autre
    Jean Le Boël / l'enfant sur la berge
    Emmanuelle Le Cam / Un chant d'hiver
    Bleu de Prusse / Angèle Paoli
    Maylis de Kerangal / Jour de ressac (extrait)
    Pierre Dhainaut / Et pourtant
    inédit | Angèle Paoli | Petite épopée vulcanienne
    Marc Alyn / Le Rêveur éveillé
    Hélène Sanguinetti / Cargo bleu sur fond rouge
    Elisabeth Chabuel / Ombres Portées
    Laurine Rousselet / article d'Angèle Paoli / Claude Ber
    Emmanuel Moses / Et souviens-toi que je t'attends
    Hélène Sanguinetti /Jadis, Poïena / Une poème
    Emmanuel Merle / Leurs langues sont des cendres
    Martine Broda / Éblouissement

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                    ♦ Tdf sommaire du mois de janvier 2024 ( N°240 )
                    ♦ Cartouche du sommaire du mois de janvier 2024 ( N° 240 )  

                          ♦  Voir le  →  répertoire chronologique de tous les numéros de Tdf

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  • Philippe Forest / Et personne ne sait

    Lecture

     

                                                                                           

    TOILE DE PEINTRE  Le vent se lève (Extrait)

     

    Un moment vient où le vent se lève et où il souffle au loin les nuages qui pesaient sur la ville. Leur lourd rideau gris et blanc glisse sur la tringle invisible de l’horizon et, disparaissant sur le côté, laissant place à l’azur sur lequel toute silhouette se détache, il découvre soudainement le formidable spectacle d’une cité héroïquement dressée vers le ciel. Soudainement : comme sur un coup de cymbales qui donne, triomphal, le signal aux musiciens et auquel succède le crescendo presque cacophonique des cordes et des cuivres éclatant en désordre, montant en vagues qui éclaboussent l’oreille depuis le fin fond de la fosse d’orchestre.
    Comme chez Maurice Ravel. Je veux dire le Ravel du Concerto pour la main gauche ou celui du Concerto en sol majeur, du troisième mouvement dont l’énergie claironnante soutenue par le frénétique clapotis du clavier contraste avec la lenteur extraordinairement poignante du deuxième dans lequel les instruments murmurent mélodieusement. Des compositions, qui, à quelques années près, sont plus ou moins contemporaines du roman dont je parle. Tout comme Rhapsody in Blue de George Gershwin, auquel, maintenant, je pense plutôt. Parce que si ma mémoire est bonne – je n’ai pas revu le film depuis l’époque très ancienne de sa sortie -, la musique en accompagne les plans avec lesquels Woody Allen, dans Manhattan, filme en un panoramique majestueux les hautes tours qui surplombent le parc au centre de sa ville. En noir et blanc. Comme si le seul noir et blanc pouvait donner une idée des vraies couleurs de la vie et, anachronique, montrer le monde au présent, dans ce présent qui est de tous les temps.
    La couleur est l’affaire des peintres. Elle donne la vie au dessin. Adams le sait. À l’atelier, on le lui a enseigné. Et comme il s’y connait mieux que moi, pour une fois, je me garderai bien de l’expliquer à sa place. Chaque saison, dit-il, a sa couleur. Le blanc pour l’hiver, on l’a vu et cela va de soi. Mais contrairement à ce que l’on croit, ajoute-t-il, le vert n’est pas la couleur du printemps. Le printemps est plutôt jaune selon la teinte que le soleil naissant donne à l’herbe nouvelle.
    Adams peint comme il n’a jamais peint auparavant. Euphorique. Le noir du dessin qu’il a posé parmi le blanc de la toile se remplit de couleurs qu’il lui donne et où domine le jaune qui n’est pas seulement la couleur du printemps mais aussi celle des songes. Car c’est toujours en jaune que l’on rêve. Je dis « jaune » faute de posséder les termes qu’il faudrait dans mon vocabulaire. Moi, je ne suis pas peintre et j’ignore les mots du métier, ceux qui servent à un artiste et qui lui permettent de nommer toutes les nuances. D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d’une couleur. Plutôt l’éclat que la lumière confère aux êtres, aux choses sur lesquelles elle se pose, selon l’heure du jour et qu’un instant suffit à changer. Le jaune que réfléchit un plan d’eau ou bien un pan de mur, le miroir du trottoir mouillé et celui des fenêtres aux façades que dessèche le vent, celui qui imprègne le bleu du ciel ou le vert des forêts, le jaune de la peau, de la chair qu’enflamme un rayon, qui met un peu de cuivre dans les cheveux bruns et qui ajoute son or aux cheveux blonds… »

     

    Illustration : G.AdC :  " La couleur est l’affaire des peintres." 

     

    Forest 2

    Philippe Forest, Et personne ne sait, roman, Éditions Gallimard 2025, pp.73,74.

     

    OpaleNé en 1962, Philippe Forest est romancier, essayiste , professeur de littérature à l’université de Nantes.
    Si tous ses romans expriment l’expérience du deuil – de L’Enfant éternel (Gallimard, 1997) à Je reste roi de mes chagrins (Gallimard, 2019) –,
    il signe aussi des essais, dont Le Roman, le réel et autres essais (Cécile Defaut, 2007),
    ou des biographies – Aragon (Gallimard, 2015, prix Goncourt de la biographie 2016).
    Parmi ses ouvrages plus récents, l’on peut citer Napoléon. La fin et le commencement et Éloge de l’aplomb et autres textes sur l’art et la peinture,
    tous deux parus en 2020 aux Éditions Gallimard,
    et un texte plus orienté vers les questions sociétales actuelles : Déconstruire, reconstruire. La querelle du woke (Gallimard, 2023).

     

    Photo © Catherine Hélie/
    Gallimard/opale.photo

     

     

     

     

  • Les lucioles / Nikolaj Zabolotskij

    << Poésie d'un jour

     

     

     

                               

    Lumiere

     

     

     

     

     

     

    Photo-collage de lumières méditerranéennes 2015 : G.AdC 

     

     

     

     

    Cветляки

     

    Слова – как светляки с болЬшими фонарями.
    Пока рассеян тъі и не всмотрелся в мрак,
    Ничтожно и темно их девственное пламя
    И неприметен их одушевленнъій прах.

    Но тъі взгляни на них весною в южном Сочи,
    Где олеандры спят в торжественном цвету,
    Где море светляков горит над бездной ночи
    И волныы в берег бьют, рыдая на лету.

    Сливая целый мир в единственном дыханье,
    Там из-под ног твоих земной уходит шар,
    И уж не их огни твердят о мирозданье,
    Но отдаленных гроз колеблется пожар.

    Дыхание фанфар и бубнов незнакомых
    Там медленно гудит и бродит в вышине.
    Что жалкие слова ? Подобье насекомых !
    И всё же эта тварь была послушна мне.

    1949

     

    Le Lucciole

    Le parole sono come lucciole dalle grandi lanterne.
    Finché non sei concentrato e non hai guardato nel buio
    inconsistente e debole è la loro fiamma virginale
    e poco appariscenti sono come un pulviscolo in moto.

    Ma guardale in primavera nel sud, a Soči,
    dove gli oleandri si assopiscono in un sontuoso colore,
    dove un mare di lucciole avvampa sull’abisso della notte
    e le onde sulla riva con un singulto si frangono a volo.

    Riunendo tutto il mondo in un unico respiro
    sotto i tuoi piedi la terra se ne va,
    e non sono le loro luci che parlano dell’universo
    ma in lontani temporali ondeggia la loro fiamma.

    Alito di fanfare e tamburelli non familiari,
    lì lento canticchia e vaga in altezza.
    Cosa sono le misère parole ? Sembianza d’insetti !
    Eppure mi obbedivano queste creature.

    1949

    Poesia / Nikolaj Zabolotskij (traduzione e cura di Amedeo Anelli), pp.116,117.

    Les lucioles

    Les mots sont comme des lucioles aux grandes torches.
    Tant que tu n’es pas concentré et que tu n’as pas regardé dans le noir
    inconsistante et faible est leur flamme virginale
    et peu visibles elles sont comme un grain de poussière en mouvement.

    Mais regarde-les au printemps dans le sud, à Soči,
    où les lauriers-roses s’assoupissent dans une somptueuse couleur,
    où un océan de lucioles s’enflamme sur les abysses de la nuit
    et les vagues sur le rivage dans un sanglot se brisent en vol.

    Rassemblant le monde entier en un seul souffle
    sous tes pieds la terre se dérobe,
    ce ne sont pas leurs lumières qui parlent de l’univers
    mais en de lointains orages ondoie leur flamme.

    Un souffle de fanfares et de tambourins inhabituels
    fredonne là faiblement et s’égare dans les hauteurs.
    Que sont les pauvres mots ? semblant d’insectes !
    Et pourtant, elles m’obéissaient ces créatures.

     

    Traduction inédite de l'italien : Angèle Paoli

     

    REVUE KAMEN

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Kamen’, Rivista di poesia e filosofia, n°66, 2025, Libreria Ticinum Edidore

     

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    NICOLAS .JPEG Nikolaï Alekseïevitch Zabolotski (1903-1958) a été l’un des poètes les plus importants du XXe siècle. Pourtant peu connu en Europe, il fut un innovateur dont la poésie est une brillante combinaison de classicisme et de modernité (qui tient compte, en particulier, de l’expressivité de l’avant-garde). Ses premiers poèmes ont été publiés dès 1927 dans les revues littéraires de l’époque. Dans le même temps il fréquente les cercles littéraires de Leningrad où il se lie d’amitié avec Daniil Harms et Alexandre Vvedenski. Avec ses compagnons ainsi qu’avec Igor’ Bachterev, Boris Levin Konstantin Vaginov, il fonde OBERIOU (acronyme d’Association pour l’art réel), qui se réclame de l’aile radicale du Futurisme, selon Maïakovski et Khlebnikov. Passionné de littérature scientifique et d’art, il entre en contact avec Kasimir Malevitch. La violente critique sociale contenue dans ses poèmes notamment dans « Le Triomphe de l’agriculture » (1933) lui vaut en 1937 d’être accusé d’appartenir à un groupe subversif. Arrêté en 1938, il est condamné et envoyé au goulag de Karaganda (Kazakstan). De retour du goulag en 1944, il se consacre à la traduction en russe moderne russe du médiéval Dit de la Campagne d’Igor ; il traduit ensuite le poème épique géorgien du XIIe siècle Le chevalier à la peau de panthère de Chota Roustaveli, ainsi que nombre d’autres textes de poètes géorgiens. Ses derniers recueils poétiques furent publiés en 1948 et en 1957. Sa poésie riche de philosophie et de réflexions sur la nature est nourrie par l’étude des auteurs les plus divers, russes mais pas uniquement. Zabolotski est un poète de la violence, une violence qu’il ne cesse d’exprimer. La vie n’est qu’un enchaînement de luttes perpétuelles. La nature elle-même est un emprisonnement. Pour échapper à la douleur de l’existence, il faut civiliser la nature, c’est-à-dire l’humaniser et la rendre raisonnable. Cette utopie est conforme aux idéologies de son temps qui vont de pair avec une grande transformation économique et sociale.

     

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    Voir aussi sur → Tdf  et aussi 

       NIKOLAÏ    ZABOLOTSKI

    Nikolaï Zabolotski
    Source

    ■ Nikolaï Zabolotski
    sur Terres de femmes ▼

    Nikolaï Zabolotski, La Fille laide et autres poèmes (1955), traduit du russe par Jean-Baptiste Para et Léon Robel, revue Europe, revue littéraire mensuelle, n° 986-987, juin-juillet 2011,
    Poète (poème extrait du Loup toqué)

    ■ Voir aussi ▼
    → (sur le site de l'Encyclopædia Universalisune notice bio-bibliographique sur Nikolaï Zabolotski,
         par Claude Kastler
    → (sur En attendant NadeauZabolotski : un oubli réparé, par Christian Mouze
    → (sur Œuvres ouvertesNikolaï Zabolotski | Testament
    → (sur Les Hommes sans Épaulesune page sur Daniil Harms