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  • Sophie Loizeau / Poèmes paniques, Anthologie 1999-2020.

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Rouge

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Aquatinte : G.AdC 

     

     

     

     

     

    Libera me des tâches

    hors celle d’écrire elle étant
    la liberté toute nue

    car je n’ai pas comme l’homme qui écrit d’épouse
    d’ange
    sur les épaules les ailes de qui
    décharger tout le poids de la vie domestique

    Libera me des tâches

    hors cell d’écrire ell’étant
    la liberté tou-te nue

    car je-n’ai pas comm l’h[ͻ]-mme qui écrit d’épouse
    d’ange
    sur les épau-les les ai[l] de qui
    décharger tout le-poids de-la vie domestique

    dans mon bain évoluent d’excellents
    petits nuages rouge sang

    ma cuisse ruisselante porte les mêmes motifs de l’eau
    que Rahan
    les mêmes motifs de l’ombre les grandes palmes découpées

    dans mon bain évoluent d’excellents
    pe-tits nua[ʒ] rou[ʒ] sang
    ma cuiss ruisslan[t] p[ͻ]-rte les même motifs de l’eau
    que Rahan
    les même motifs de l’om-bre les gran[d] pal-lmes découpées

     

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    Sophie Loizeau, « Ma Maîtresse forme/ Naturewriting, Ma maîte[ɛ] – sse forme, Naturewriting » Édition bilingue Écrit/dit, 2013-2016 in Poèmes paniques, Anthologie 1999-2020, éditions LansKine, 2024, pp. 72,73.

     

     

     

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    Sophie Loizeau sur  => TdF 

     

  • Régis Lefort / Nuit blanche

                                                                 << Poésie d'un jour

     

     

     

     

    Nuit-d-ete

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo : G.AdC 

     

     

     

     

     

    on marche dans le noir
    sous un manteau obscur
    on marche on ne sait où
    sous lourde carapace
    épaules incertaines
    on marche jusqu’au mur

    la nuit te rend une âme
    comme la mort mutine
    à son tour tournoyant
    et plongeant dans le feu
    agglutinante énigme
    qui condense le jour

    *

    ils sont pris dans la nuit
    comme chat tigre ou chien
    les escargots du souffle
    qui rampent tout petits
    et bavent et se retournent
    salissant la blancheur

    d’une lacération
    j’ai voulu tout changer
    j’ai voulu je voulais
    je n’ai pas même appris
    je n’ai fait que sombrer
    plus profond dans ma nuit

    *

    parce que tout fut détruit
    parce que tout disparut
    parce que de vif aimant
    je croyais t’oublier
    et tuer jusqu’au trouble
    de la nuit blanche amor

    mots comme cailloux
    et dans la nuit jetés
    mots comme des algues
    des cailloux comme sable
    assemblés en château
    mais sans les contreforts

    *

    ce qui surgit de l’autre
    et rencontre ta nuit
    trouble la sensation
    de toucher pour un temps
    attentif et léger
    le ciel battant feuillage…

     

    Lefort

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Régis Lefort, Nuit blanche, ©peinture de Nicolas Ruelle, la tête à l’envers, 2024, pp.40,41,42,43.

     

    R É G I S    L E F O R T

    Régis Lefort

    Voir aussi sur  = >  TdF 

     

     

     

     

  • Corinne Le Lepvrier / La petite distance

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

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     " me lèverait même s’il se faisait tard " 

     photo Corinne Le Lepvrier:  source 

     

     

     

     

    ; longtemps ai maintes fois regardé vers toi la mer

     

    que de toi ?
    au lieu en lieu de

    quelle ?

    qui prendrait mes yeux prendrait mon visage corps physionomie
    forme belle et rondeur-douceur
    que je profusément
    non-récit vent ciel
    et d’alors rien ne serait plus comme
    comme cette chose deviendrait
    et me lèverais même s’il se faisait tard

     

    j’ai vu ;
    cela
    tu tiens le gouvernail du voilier gros chandail lunettes de soleil et
    l’océan et le ciel on le sent bien les lèvres fines tout petit vent il n’y
    a pas de pluie tu viens ainsi
    je n’y suis pas
    mais ce n’est pas tant cela
    puisque tu suffit
    regarde par ici ;

     

    très adossée contre talons cheveux gonflés tu poses
    ton sac t’accroupis tes bras je m’y
    suis la toute petite fille toute vêtue de blanc et
    plusieurs fois me jette je recommence je suis celle qui a grandi tu
    me tends tes bras je repasse en profite
    est apparu

    et ce n’est plus c’est après
    d’autant plus et même qu’aussi
    tu fais un autre pas et
    cette fois ta voix je crois
                mon prénom en toi
    bien ainsi
    je regarde j’en souris

     

    j'ai vu nouvelle belle;

     

     

    Aigrette

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Corinne Le Lepvrier, La petite distance, Illustration de couverture : Malgorzata Pawlikowska, Éditions de l’Aigrette 2024,pp.44,45.

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    CORINNE LE LEPVRIER

    Corinne Le Lepvrier 2
    Source

    ■ Corinne Le Lepvrier
    sur Terres de femmes

    Compte de femmes, Approches éditions, Collection Textes nus, 2015.

    → [Je me suis arrêtée, je tourne à vide](extrait de Pourquoi la vie est si belle ?), Éditions LansKine, 2013)
    → Sophie Eustache, Corinne Le Lepvrier | El blâd el medina le pays la ville (extrait des Allantes)

     

    ■ Voir aussi ▼

    le site de Corinne Le Lepvrier
    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Corinne Le Lepvrier

     

     

  • Angèle Paoli / Caroline François-Rubino / Mont Ventoux, vues et variations / Lecture de Sabine Péglion

    Angèle Paoli & Caroline François-Rubino
    Mont Ventoux, vues et variations
    Voix d’encre 2024.

    Lecture de Sabine Péglion in La Revue des deux mondes,
    septembre 2024,pp. 183,184

     

     

     

     

    A

     

     

     

     

     

     

     

    Peinture de Caroline François-Rubino

     

     

     

    « Haut est le mont/ et Ventoux est son nom/ qui siffle/ à son étrave dure/ et fend sans coup férir/ les terres/ de Provence »

    Dans son nouveau recueil, Angèle Paoli nous entraîne à ses cotés autour du Mont Ventoux. Certes, la réalité concrète, visible, géographique du lieu est évoquée mais le langage poétique, la musique des mots, le choix des images vont au-delà de la simple description d’une formation géologique. En effet, la poète nous restitue un paysage sensible où « toute une cartographie/de vignes de tuiles ocres/d’oliviers au vert tendre /de lavandes vibrantes/ d’abeilles//déploie ses ors/ses mauves ses parfums/sa nonchalance /sa douceur de vivre/ à l’ombre des platanes. »

    Silhouette que l’on guette, dont on suit les variations saisonnières : « l’automne est là »[…]

    « toile mosaïque// subtils dégradés/

    d’ors de bruns », les fluctuations nuageuses soulignant le parcours de la lumière : « Il arrive qu’un brouillard//- aussi dense que par nuit d’hiver-// enveloppe le Ventoux/ le camoufle absorbe/ sa lourde carrure » dont il ne reste plus qu’ « une épure ». Attendre alors qu’« un rai de lumière/ filtre » pour que le mont retrouve « sa noble puissance » ou qu’il surgisse tel un navire qui « navigue/ plein ciel// et sa carène blanche/ se dresse fière et pure ».

    Évocation dans l’espace et le temps car Angèle Paoli n’oublie pas que ce lieu fut traversé de randonneurs, illustres poètes, que ce soit « Pétrarque le Toscan », ou « au lendemain de la Libération […]/René Char » et ce sont leurs vers qui l’accompagnent tout au long des drailles.

    Déambulation poétique merveilleusement accompagnée par les peintures de Caroline François-Rubino. Celles-ci dépassent la fonction d’illustration des poèmes. Par la simplicité subtile des traits, le travail sur les nuances, les contrastes, elles créent dans ce recueil un véritable dialogue entre peinture et poésie. Le choix de l’éditeur de les déployer en double page permet d’entrecroiser les regards, les perceptions, et laisse le lecteur retrouver avec bonheur, du Mont Ventoux, « l’idée de son être/ rivé en majesté/ depuis des ères/ posé là sur son socle/ qui domine la Provence. »

    => Sabine Péglion

     

     

    Voir aussi liens:

    Poesiebao

    Terreaciel

     

     

     

     

     

  • Emmanuel Echivard / Images Anne-Laure H-Blanc / À quel moment du village

    <<Poésie d'un jour

                                                     

     

     

     

     

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    Image Anne-Laure H-Blanc

     

     

     

     

    Le jardin

    Non        ce n’est pas un roman
    pas une histoire d’amour
    pas les héros d’un temps imaginaire

    Pas un récit pour oublier
    ton regret secret        le gouffre
    où tu aimes habiter seul

    Mais le poème
    qui est là
    sans autre justification

    Comme une pierre tombale
    nue
    écrite

    Sans autre justification
    que d'être gravé
    par la pointe des vies

    Sans autre justification
    que de se laisser lire
    se laisser ouvrir

    Car dans le jardin
    il suffit d’avoir été une fois
    et tout change pour toujours

    Le présence de François ici
    est une cicatrice     rien
    ne l’effacera

    Et l’amour de Brigitte et François
    le poème ne l’invente pas
    mais il témoigne

    Le tilleul et le marronnier
    le lichen et la mousse
    le silence des nuits

    De chacun
    la présence un instant
    rien ne l’effacera

    C’est ici

    la joie d’avoir été

     

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    Emmanuel Echivard /Images Anne-Laure H-Blanc, À quel moment du village, Cheyne éditeur 2024, pp.70,71,72.

     

     

     

  • Gilles Jallet / Les Utopiques 2

     << Poésie d'un jour

     

     

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    Miklos Bokor

    Dans le Lot, péril sur la chapelle "testament" d'un peintre hanté par la Shoah ©

     

     

    DEUX FIGURES

    figure n’est pas humaine
    mais elle ressemble
    à une femme un homme un enfant
    figure n’a pas de visage
    telle est l’incertitude qui demeure
    entre l’apparition et la disparition
    de la personne humaine

    fig.I est folie meurtrière
    déployant amplement son bras droit
    qui tient un poignard
    sa main gauche fait tournoyer
    un large cimeterre blanc et luisant

    fig.2 a la tête et le buste
    rejetés en arrière
    et lève la main au ciel
    le sang jaillit autour de son cou
    tel un collier de perles

    figure n’a pas de visage
    figure signifie l’impossibilité
    de retourner en arrière
    l’impossibilité de croire
    l’impossibilité de l’être

     

    TROIS FIGURES

    il n’y a pas de paysage
    il souffle une tempête de sable
    qui les tire en arrière
    dans l’air brun irrespirable
    elles descendent
    au royaume des morts

    dans la spirale de l’enfer
    centaure à deux bras
    et quatre jambes
    mais ce sont des figures non des corps
    ces branchages blancs
    pareils à des ossements
    et non des visages
    ces têtes sphériques
    mais des casques de guerriers

    figures transparentes
    sans aucune consistance
    de chair et d’os
    bras et jambes
    inextricablement mêlés
    dans l’impossibilité
    d’enrayer la machine-à-tuer

     

    JE NE SAIS PAS

    figure affalée
    sur un fauteuil d’eau morte
    la tête repliée
    croise le bras
    pendule
    parmi des cruches vides

    sous l’œil de l’ombre
    transparaît
    sa solitude infinie
    il est cet homme énigmatique
    infiniment moins
    & infiniment plus ressemblant
    qu’un ange déchu

    dans l’impossible attente
    ce qui lui est arrivé
    recommence sans fin
    ce qui a déjà eu lieu
    se précède et se suit
    au même instant
    où il prononce « je-ne-sais-pas »

     

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    Gilles Jallet, XXV-XXVI in Les Utopiques, 2, La Spirale de l’histoire, En couverture : Miklos Bokor, Chapelle de Maraden (détail),
    Éditions La rumeur libre 2024, pp. 48,49,50.

     

     

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    ■ Gilles Jallet 

       sur Terres de femmes▼

    Les Utopiques, I,→ La Rumeur Libre Éditions, 2023

     

    Gilles Jallet est né en 1956. Enfance à Rocamadour et Cahors, études de lettres et de philosophie à Toulouse, puis à Paris.
    Ses livres de poésie furent publiés tout d'abord aux éditions Seghers en 1985 et 1988, puis par les éditions Comp'Act en 2004-2006,
    et La Rumeur Libre éditeur en 2014.

     

     

     

  • Fabienne Raphoz / Infini présent / l’insecte

    << Poésie d'un jour 

     

     

     

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    Source 

     

     

    COLÉOPTÈRES
    Dascillidae

    Le dascille de mon-t- Fuji

    c’est un hasard orienté de trouver l’espèce recherchée sur l’écran
    c’est une coïncidence de découvrir une espèce qu’on ignorait chercher
    parfois ça s’appelle un souvenir
    c’est un Dascille montagnard sur une ombellifère inconnue
    au pied d’un sapin dont le faîte se prolonge dans le moucheté tendu
    d’un pipit
    Pipit des arbres – si l’on aime la précision
    le sapin faseye légèrement nous fait imaginer qu’il fasèye au rythme
    de son chant

    l’ensemble ombellifère-dascille-sapin-pipit forme un tout qui n’est pas
    encore une image car l’oreille peut garder le chant de l’oiseau en voix de
    tête tandis que l’œil fait loupe et que le soleil commence à
    chauffer les reins

    mais rien n’empêche de reculer d’un pas et d’avoir tout le panorama
    devant soi
    l’ensemble ombellifère-dascille-sapin-pipit se relièfe alors face à
    l’éblouissant blanc – encore entièrement blanc du Mont –Blanc

    on apprendrait plus tard que les neiges ne sont plus éternelles et que
    le Dascille montagnard est un enfant unique ou plutôt séparé de ses
    parents par un océan
    on apprendrait encore que c’est un privilège d’atteindre l’âge des
    souvenirs sélectifs
    on prendrait un Dascille pour le talisman mémoriel de
    l’instant du poème

    [Dascillus cervinus ( Linnaeus, 1758)

     

     

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    Fabienne Raphoz, « Coleoptères »in Infini présent / l’insecte,  En couverture dessin de : Anna Andréadis, Éditions Héros-Limite,2024, pp.69-70

     

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    FABIENNE  RAPHOZ

    PORTRAIT DE FABIENNE RAPHOZ
    Image, G.AdC

       Fabienne Raphoz dirige, avec Bertrand Fillaudeau, les éditions José Corti.
    Elle a notamment publié : Les Femmes de Barbe-bleue, une histoire de curieuse, Métropolis, Genève, 1995 ; 
    Poussière du ciel, édition Filigranes, 1997 ; Des belles et des bêtes, Corti, 2003 ; Pendant 1-62, éditions Héros-Limite, Genève, 2005, 
    L’Aile bleue des contes : l’oiseau, Corti, 2009, Blanche baleine, éditions Héros-Limite, 2017 et Parce que l'oiseau, Corti, 2018.

    ■ Fabienne Raphoz
    sur Terres de femmes ▼

    «Migrations» in La Saison des moussesBiophilia, José Corti, 2023
    Géologie (extrait de Blanche baleine)
    → « Leçons semblables aux oiseaux » (note de lecture d'AP sur Jeux d’oiseaux dans un ciel vide)
    → Parce que l’oiseau(note de lecture d’AP)
    → 
    Terre sentinelle (note de lecture d’AP)

    → [Qui voit ?] (extrait de Terre sentinelle)
    Ce qui reste de nous, En couverture : dessin de Ianna Andréadis, Éditions Héros-Limite

     

     

  • Catherine Weinzaepflen / D’Ailleurs

                                                                                   <<Poésie d'un jour

     

     

    Merit-Menthol

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     "je fume des Merit"

     

     

     

     

    sur la route vers la mer
    un groupe de maisons en construction
    ont été abandonnées
    et dans mon rêve
    elles reviennent
    avec le chat roux
    de chez moi
    posé sur un rebord
    de fenêtre

                                                          ***

    l’antiquité m’est donnée
    sur cette terre insulaire
    chapelle byzantine
    en forme de croix
    c’est Giuseppina qui
    m’emmène marcher dans
    la campagne
    champs d’oliviers
    figuiers de barbarie
    leurs oreilles de Mickey
    et le myrte
    et les lentisques

    chiasetta avec
    puits romain sacré
    fait corps avec le sol de l’île
    au loin le bleu de la mer
    ici la ligne horizontale
    du volcan arasé

    j’aurais voulu
    naître dans le sud

    ***

    j’ai perdu Vroum
                           alias Fria
    mais dans la nuit
    la chouette plisse l’air
    du jardin
    ailes déployées

    c’est la nuit de San Lorenzo
    les étoiles pleuvent

    je fume des Merit

    ***

    toutes ces voyelles
    Traversent le citronnier
    Remuent l’olivier

    Un oiseau caquette
    Caché dans le cyprès
    Ou le figuier ?

    Leopardi hier
    a hanté la soirée
    l’a contaminée
    d’infelicità
    un père mauvais/une vie
    misérable/ un grand œuvre
    le malheur n’est pas toujours
                         où l’on croit
    caché comme les oiseaux
                       dans la haie

    allons à la montagne
    confier nos pauvres têtes au vent nouveau
    qui s’est levé

     

    D ailleurs

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Catherine Weinzaepflen, « Santadi » in D’Ailleurs, Éditions LansKine, Collection L’Instantané, 2024, pp.40,41,42.

     

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    Photo by – Bracha L. Ettinger

    Catherine Weinzaepflen sur  => TdF 

     

     

  • Jean-Pierre Chambon / Étant donné / Lecture d’Angèle Paoli

     

    Jean-Pierre Chambon / Étant donné/
    Éditions Al Manar 2024
    Lecture d’Angèle Paoli

     

                                     
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      " Étude pour un paysage tourmenté N. 6" par Philippe Cognée 
        Galerie Templon  :  Source 

     

     

     

    La geste du ricochet poétique

     

    Étant donné……. la multiplicité des scènes et tableaux, circonstances et signes, traces et empreintes, qui peuplent la mémoire du poète, il n’est pas possible de proposer une suite unique à cette expression, laquelle ouvre sur la multitude des propositions éventualités rencontres et poèmes qui constituent le dernier recueil de Jean-Pierre Chambon. À chacun de nous, lecteur ou lectrice, de poursuivre à sa guise ou/et de prolonger à l’infini par sa propre rêverie le suspens amorcé par la locution prépositionnelle du titre. Étant donné.

    Composée de poèmes brefs introduits par un titre qui en synthétise l’objet et capte le regard, la liste des objets et situations pris dans les rets de la sensibilité du poète n’est sans doute pas close. Mais elle donne une idée de ce que sont les mille et un éclats, pépites de pensées, divagations imaginations et rêveries du poète. Les mots de Françoise Ascal, proposés en exergue par le poète, en sont un excellent résumé. Ils définissent dans le même temps l’état d’esprit ou la position exacte de la lectrice que je suis :
    « Entrer dans un espace suspendu, juste là,
    derrière la main qui écrit, à portée du souffle.»

    Dès lors, tout un arrière-pays mental émerge à portée de regard, qui dessine ses contours. Et fait émerger ses paysages. Lesquels sont accompagnés des aquarelles de Philippe Cognée qui décline fenêtres et chevelures, rideaux et vagues, sous-bois peuplés de silhouettes animales graciles, le tout dans des dominantes arborées de verts et de bruns, de bleus et de noirs. Aux aquarelles de Philippe Cognée j’associe volontiers de manière totalement subjective – sans doute à cause du « bruit rose » et de la « vapeur verte» – les derniers vers du poème I Jouvence I :

    « dans ce lit d’eau glacée et vivifiante
    qui semble s’épancher d’une source
    d’éternelle jouvence et de joie pure
    pour aller disperser dans la pente
    son bruit rose sous la vapeur verte
    exhalée de l’ombre des frondaisons »

    Le regard du poète est un regard d’observateur minutieux qui se saisit et se penche sur tout ce qui survient à sa portée. Souvent derrière la vitre d'un train, une fenêtre ou à travers un feuillage. Le ciel et la lumière, les miroirs et les reflets d’eau, nimbent les objets, les modifient, les entraînent ailleurs ; les bruits surgissent, comme un fond sonore inédit, rumeurs des villes et des champs, cris d’oiseaux et feulements de bêtes, qui peuplent les poèmes, décors et choses, moments privilégiés. Les images et les mots qui les génèrent sont d’une richesse inépuisable et d’une inépuisable beauté. Le rêveur, souvent mélancolique, se laisse happer, hypnotisé par ses pensées vagabondes.

    « Dans une trouée entre des saules
    dont la rousseur infuse l’eau
    deux canards de leur sillage
    décomposent en paillettes d’or
    l’étincellement de la lumière… » I Au fil de l’eau I

    Ce qui fascine dans ces poèmes, c’est leur facture. Et donc leur déroulement. Brèves mais tout d’une pièce, les scènes se déroulent d’un seul tenant sans aucune ponctuation. À partir d’une amorce temporelle ou spatiale, parfois par le biais de personnes entrant en action, elles se déploient grâce à un enchaînement discret, quasi imperceptible si l’on n’y prend garde, participes présents et subordonnées infléchissent subtilement le parcours. Jusqu’ à ce que survienne une première modification puis une seconde ainsi de suite jusqu’au dénouement ou à la chute. Ou au contraire, au rétablissement du point initial. Ainsi le poète, tout en observant la scène de l’enfant au ricochet, adopte-t-il dans son écriture, la geste du ricochet poétique. Ou comment, à partir de l’impact d’une image qui se répercute sur une autre et rebondit sur une troisième, la phrase se modifie-t-elle, modifiant à son tour l’esprit du poème. Du sourire de l’eau au rictus du crapaud, « sa ritournelle sardonique ».

    Jouant sur les contrastes et les oppositions – temporelles, césure, choc brutal dans la durée, des identités, verticalité/horizontalité, heurt des forces contraires, passage du vaste au minuscule ou l’inverse, de l’individu à l’humanité – le poète joue aussi avec les variations de focales. Muni de sa lunette télescopique, il zoome sur le ciel et sur l’espace pour retomber, à travers le regard filtrant qui est le sien sur le détail des « herbes froissées » et du « papillon bleu ». Du plan d’ensemble à l’insert. Mais aussi dans le mouvement inverse. Il arrive qu’à partir d’une couleur dominante – la rousseur par exemple – laquelle fait le lien entre une « jeune femme » et son chien, entraîne un élargissement de la vision jusqu’à « une madone de Cranach », puis soudain, par resserrement de focale, la scène revienne à la similitude initiale qui a engendré la vision. Dans sa perfection, ce tableau – dont le poète se trouve être un acteur involontaire et discret – n’est pas sans évoquer le très beau poème de Baudelaire, « À une passante ».

    Chacun des poèmes de ce recueil est un bijou minutieusement ciselé alors même que les scènes présentées par le regard du poète sont très souvent empruntées à des situations quotidiennes. Le plus souvent transfigurées par l’âme vagabonde du poète, son sens aigu des correspondances, sa grande sensibilité et son goût artiste. Ainsi, par la structure même du poème – déroulement enroulement – le phrasé du poème entraîne-t-il le poète dans un univers mouvant, en perpétuelle transformation, mais aussi bien la lectrice qui se laisse porter jusqu’à perdre le fil, comme le poète lui-même qui l’accompagne au gré des vers et des images, non seulement de sa lecture mais d’elle-même, difractée et éblouie.

    Parmi les poèmes de ce recueil, il en est un dans lequel Jean-Pierre Chambon donne sa définition du poème, précise quel est l’objet de son travail et définit son écriture. Et résume ma pensée.  Le voici, pour vous, lectrices futures et lecteurs de ce recueil admirable :

    « Bribes de menus événements relégués
    dans l’enchaînement des circonstances
    et dont la rêverie a rogné les contours
    choses vues d’apparence dérisoire
    mémorisées on ne sait trop pourquoi
    impressions jamais vraiment stabilisées
    usées par tant de retours à la conscience
    qu’il n’en persiste que l’empreinte fossile
    c’est de ces traces d’images gardées
    suffisamment vivaces et rayonnantes
    que le poème souhaite transfuser
    dans les mots la lumière résiduelle
    et rendre à la langue la saveur évanouie
    par le tournoiement tourmenté de sa phrase
    et le cliquètement sec de ses syllabes » in I Le poème I

     

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    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

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    Voir également sur TdF 

     

     

    Etant-donné

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Pierre Chambon / Étant donné/ Éditions Al Manar 2004

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    JEAN-PIERRE CHAMBON

    Jean-Pierre Chambon  en vignette
    Source

    ■ Jean-Pierre Chambon
    sur Terres de femmes ▼

    →Je ne vois pas l’oiseau, Encres de Carmelo Zagari, Al Manar2022
    La montagne lumineuse, Peintures Mad, Voix d’encre 2022.

    L’Écorce terrestre (lecture de Cécile A. Holdban)
    L’Écorce terrestre (lecture d'AP)
    [Fleurs dans la fleur]
    [Je touche le grain du silence] (extrait de L’Écorce terrestre)
    → L’invention de l’écriture (extrait de Zélia)
    → Des lecteurs (lecture d’AP)
    → Des lecteurs (extrait)
    → Noir de mouches (extrait)
    → Le Petit Livre amer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → Détour par la Chine intérieure (poème extrait du Petit Livre amer)
    → Fragments d’un règne (poème extrait du Roi errant)
    → [Sur le papier la lumière](extrait de Sur un poème d’André du Bouchet)
    → Tout venant (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → [À partir de l’inaliénable singulier] (extrait de Tout venant)
    → Un écart de conscience, II (extrait)
    → Zélia (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Jean-Pierre Chambon | Marc Negri, Fleuve sans bords (lecture d’AP)

     

     

     

     

  • Guy Goffette / Chanson pour Robert Ganzo

    << Poésie d'un jour

     

     

    ROBERT GANZO

     

     

     

     

     

     

     

     

    Portrait de Robert Ganzo : Source 

                                                                                                                   

    CHANSON POUR ROBERT GANZO

                                               Prosopopée

     

    Tout a commencé comme toujours
    Par le commencement : j’étais seul
    En mon enfance, comme en exil.
    Ébloui de rien, transfiguré
    Ce jour-là par le ruissellement
    De la pluie sur la vitre et l’affiche
    D’un film, je regardais à l’envers
    Délirer les flammes de l’enfer
    Dans la nuit de Maracaībo.

    Maracaïbo, ce mot longtemps
    M’a servi à réchauffer mes jours
    Avec les couleurs de ses voyelles
    Et ses airs de danseur de tango.
    Longtemps sans rien savoir de toi, rien
    Que ce nom inconnu et qui chante,
    Je t’ai attendu comme un vent neuf
    Dans mes voiles, cher Robert Ganzo,
    Et le jour sur Maracaībo.

    Et c’est par un seul de tes Tracts, nets,
    Fraternels et révolutionnaires,
    Que tu m’emportas. Ca tombait pile,
    J’avais vingt ans, je m’ennuyais ferme
    Toi, au même âge, touchais à tout :
    Théâtre, misère, poésie
    Pour rester digne, libre et tonique
    A Montmartre en ces temps héroïques
    Loin, très loin de Maracaïbo.

    Bouquiniste sur les quais de la Seine,
    Robert voyait danser l’Orénoque
    Et Ganzo le chantait sur huit pieds.
    Fargue, Larbaud, touchés en plein cœur
    Le baptisèrent poète unique
    Avec son nom, sa voix et le sel
    De la langue et la terre nouvelle
    Où, du fond des siècles, l’attendait
    La splendide Vénus de Lespugue.

    N’importe la guerre qui s’avance,
    La poésie entre en résistance :
    Ganzo dédie Rivière à ses filles.
    Il écrit Domaine en quatre mois.
    Puis lance ses Chansons et ses Tracts
    Pour remettre Paris dans Paris.
    La Gestapo l’arrête, il s’envole
    Moitié colibri et s’en va peindre
    Le bonheur d’être au cœur du miracle.

    Miracle d’être dans l’univers
    Cette goutte d’eau qui tient la mer
    Par la mer, et qui la fait monter
    Au ciel avec des mots éperdus.
    C’est ceux-là mêmes que tu nous laisses :
    Sept opus pour une symphonie,
    Tous plus vifs et verts que l’Orénoque
    Plus forts que la joie et plus limpides
    Que mes yeux d’enfant cherchant Ganzo

    Dans la nuit de Maracaïbo.

     

                                      Follain

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                Guy Goffette, « Chanson pour Robert Ganzo » in Europe Septembre-Octobre 2024, pp.176,177

     

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    GUY GOFFETTE

    Guy Goffette
    Ph. D.R. Source

    ■ Guy Goffette
    sur Terres de femmes ▼

    →  La Déchirure du ciel, in Éloge pour une cuisine de province, Gallimard, Collection Poésie, 2000
    Jalousie
    → Je me disais aussi…

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes) 23 janvier 1947 | Mort de Pierre Bonnard