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  • Michel Diaz / Traverser l’obscur

    <<Poésie d'un jour

     

                                                   

                                                                                   

     

     

     

     

    Pizarnik

                                                                           

                                                                                     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Portrait de Alejandra Pizarnik par  => Guidu Antonietti di Cinarca 

     

     

     

      À Alejandra Pizarnik

     

    Tu es née sur un signe de la lumière qui partage
    toujours avec nous tes moissons, une lumière de feu
    triste où le jour se consume, celle-là qui furtivement
    s’apitoie, au pied des murs blessés, sur les pauvres
    herbes qui s’opiniâtrent

    parfois ton corps s’éclaire de l’intérieur et souvent
    s’obscurcit comme fume une lampe, sans cesser de
    parler la langue silencieuse en mots qui viennent de
    si loin, patiemment tracés à la craie sur le tableau
    noir de tes veilles

    chuchotant toujours la question : où trouver le lieu du
    passage, le cœur même de ton désir, ce désir dont
    personne n’a la couleur ?

                                      *

    Tu ne fus qu’illicite incursion, ailée de vents contraires
    mais sans supplications adressées aux dieux sourds qui
    hantent la pénombre, une aveugle incursion qui ne
    fut rien que vilain temps aux vitres froides de l‘enfance

    depuis lors, tu ne sus jamais regarder le soleil fixe-
    ment, chaque nuit s’achevant en lagune dans les
    radoubs de l’aube

    Tu luttais pourtant à lèvres blessées contre la fatalité
    des bourrasques, les portes qui battaient au vent, et la
    caravane indigente des rêves t’enseigna peu à peu à
    pétrir le pain de ta parole – qui avait goût de cendre,
    la soupe de tes soirs la lenteur du silence et des
    larmes, et souvent tes mains frissonnaient dans l’eau
    grise du temps

                                            *

    Il ne suffisait pourtant pas d’épeler son feuillage pour
    sentir le vent vert féconder l’olivier, ni d’emprunter
    leurs bracelets aux pluies pour mûrir dans la chair
    des saisons

    Un seul fil d’amitié te rattachait au monde, un fil ténu,
    ténu mais opiniâtre que la soif séchait à tes joues…

     

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    Michel Diaz, Traverser l’obscur, Poésie, Préface de Jean-Louis Bernard, Couverture &illustrations : photographies© Marie-Pierre Forrat,

    Éditions Musimot, 2024


     

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    M I C H E L       D I A Z

    Michel Diaz portrait
    Source

    ■ Michel Diaz
    sur Terres de femmes ▼

    Sous l’étoile du jour, Préface d’Alain Freixe, Rosa canina éditions,2023
    → Comme un chemin qui s’ouvre (lecture d’AP)
    → clair-obscur (extrait de Lignes de crête)
    → [de tourbe] (extrait d’Offrandes Olivia Rolde)
    → Le Verger abandonné (lecture d’AP ) 
    → Michel Diaz | Sous l’étoile du jour  (Lecture d’Alain Freixe) 

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Amourier éditions) la fiche de l’éditeur sur Comme un chemin qui s’ouvre
    → le site de Michel Diaz

    ■ Notes de lecture de Michel Diaz
    sur Terres de femmes ▼

    → Jeanne Bastide, La nuit déborde
    → Alain Freixe, Contre le désert
    → Françoise Oriot, À un jour de la source

     

     

     

  • Jeanne Bastide / Je ne cours plus après mon ombre / Roman

    <<Lecture

     

     

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    Il y a les jours où j’ouvre la main et je les sens. La paume vers le
    ciel, je soupèse leur présence. Ce n’est pas lourd – pas léger non
    plus. C’est là, à mes côtés.   Une énergie qui prend appui dans la
    chair. Ce qui circule en moi et que je ne connais pas.  Je sais que
    je les porte.
    Sans pouvoir les nommer. Ne pas leur donner forme.
    C’est là.
    Une présence emmagasinée,   un élan…     que je ne possède pas.

    Parfois je les appelle. Toutes.
    J’ouvre la main et je les sens.    La paume vers le ciel, je soupèse
    leur présence. Les jours   où le vide a pris trop de place.     Je les
    appelle. Elles sont là.
    Sans qualificatif. Sans verbe d’action.
    Pure présence.

    Celle qui a travaillé la terre   pour les propriétaires,    qui a cousu
    pour les riches et qui n’a pleuré que pour elle
    Celle qui est restée emmurée    dans sa chambre     pendant vingt-
    trois ans quatre mois et douze jours
    Celle qui a davantage aimé son mari mort que vivant
    Celle qui pose pour la photo    – raide et empesée – son nouveau-
    né sans les bras
    Celle qui a osé se peindre les ongles en rouge sang
    Celle qui raconte    pour le plaisir d’ouvrir      ses cicatrices et de
    raviver ses blessures
    Celle qui rêve sa vie plutôt   que de la vivre de peur   de salir ses
    pensées
    Celle qui n’a pas le temps d’éplucher ses sentiments,  ni le loisir
    d’aller au vif de sa brûlure
    Celle qui parle sans s’arrêter pour ne pas se poser  la question de
    ce qu’elle a à dire
    Celle qui aimant trop les hommes a oublié qu’elle en a un
    Celle qui,   consciente de l’urgence de la tâche,   les bras chargés
    d’enfant, de lessive et de pot-au-feu   – a dérobé    le droit     à la
    souffrance
    Celle qui enveloppe sa peine dans du papier journal  comme des
    pelures de pommes de terre.

    Je me souviens d’elle. J’étais encore enfant.
    Suzanne. La voisine d’en face. Maman et mes tantes.   Germaine
    et Adélaïde. Oui, c’était leurs noms.
    Chacune me serrait dans ses bras,   me caressait   ou me chantait
    une comptine. Je devenais femme dans leur ombre odorante.
    Particulièrement quand Suzanne me prenait contre elle et que ma
    tête se retrouvait entre ses seins. Souples. Soyeux. Parfumés.
    Emilia, ma cousine, ça la dégoûtait.   Moi,      je devenais vivante.
    J’existais. J’aurais pu rester une éternité dans cette paix tranquille.
    Il y avait de la beauté avec quelque chose de déroutant à vivre dans
    cette compagnie féminine.     Les mains    s’affairaient,      les rires
    fusaient et la pluie sur le carreau ne faisait que renforcer  l’intimité.
    Depuis, quand arrive la crainte ou l’intranquillité,    c’est vers elles
    que je me tourne. Je les appelle. Les convoque.       Magie du nom !
    Elles arrivent.    Elles sont là.     Et m’entourent     d’une tendresse
    renouvelée.
    Le sol de la chambre est froid.    Froid    pour mes pieds nus.
    Ici le sol est froid même quand il fait chaud dehors. Le sol de la
    chambre est en pierres – de larges pierres fraîches.
    Ce sol froid a quelque chose de rassurant –     pas très agréable,
    mais rassurant. Je le sens épais sous mes pieds. Ce n’est pas ma
    propre masse – c’est le poids du monde qui me soutient,   large
    et stable.
    Il y a dans ces grandes pierres l’irruption du dehors.   L’intimité
    repose sur la nature remodelée par l’homme.

     

    Bastide

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L'ouvrage de Jeanne Bastide photographié par Angèle Paoli 

    Jeanne Bastide, Je ne cours plus après mon ombre, Roman, Dessin de Phi, Éditions Domens, 2024, pp.39,40,41.

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    JEANNE BASTIDE

    Jeanne Bastide
    Source

    ■ Jeanne Bastide
    sur Terres de femmes ▼

    L’âpre beauté du paysage, Œuvres de l’artiste Roselyne Sibille, → Collection Grand Ours, L’Ail des ours/ n° 16
    → Un déjeuner de soleil (lecture d’AP)
    → [comme si le temps] (poème extrait du Jour se déplie)
    → Intimité de la lumière (extrait)
    → La Fenêtre du vent (lecture d’AP, parue dans la revue Europe)
    → La nuit déborde (lecture de Michel Diaz)
    → La nuit déborde (lecture d’Alain Freixe)
    → Lucarnes (lecture d’AP)
    → Rouge enfance (lecture d’AP)
    → [La petite fille du passé] (extrait de Rouge enfance)
    → Un silence ordinaire (lecture d’AP)

     

  • Angèle Paoli / Au fil des jours / Editions Musimot

     

     

     

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    Couverture et illustrations : photographies © Marie-Pierre Forrat
    Au fil des jours — © Coll. Textes Courts, Éditions Musimot / 2024 
    13 cm X 21 cm / 16 pages — ISBN 979-10-90536-59-3 — Prix : 10 € 

     

    Parution le 10 octobre 2024,  Éditons Musimot.  Précommande = > ICI

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    ANGELE NB

     Angèle Paoli
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  • Isabelle Lévesque / Michèle Destarac / Passer outre

                                                                                                                         << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    Destarac

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Peinture de Michèle Destarac 

     

    SOUSTRACTIONS

     

    Apprendre est vain.
    Dessine un bureau, poses-y une couleur.
    Il manque deux pieds, il boîte sans fin.

    Ajoute aux points des virgules
    pour structurer la phrase spectrale
    de la dissidence.

    Assume la tenue de ta robe,
    enfance défaite, à vif.
    Ton corps droit sur ses jambes
    a perdu ses pieds lui aussi.
    C’est une addition de soustractions,
    un grabuge bleu de constantes déplacées.

    Une vérité à vérifier.

     

    Isab

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Isabelle Lévesque / Michèle Destarac, Passer outre, L’herbe qui tremble,2024, pp.32,33.

     

    ISABELLE  LÉVESQUE

    Isabelle Lévesque
    Source

    ■ Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes ▼

    → [Oh, ce désordre de disparaître !] (extrait de Nous le temps l’oubli)
    → C’est tout c’est blanc
    → [Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
    → Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
    → Chemin des centaurées (lecture d’AP)
    → Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
    → [Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
    → [Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
    → [Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l'oubli)
    → Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
    → Ossature du silence (note de lecture d’AP)
    → [Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
    → Le Fil de givre (lecture d’AP)
    → Le Fil de givre (lecture de Jean Marc Sourdillon)
    → [Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
    → Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
    → [Les serments] (poème extrait de&#0
    160;Le tue braccia saranno)

    → Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
    → Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    → Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Territoire
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un poème extrait de Va-tout)

    → Je souffle, et rien. Peintures de Fabrice Rebeyrolle ; postface de Jean-Marc Sourdillon. L’Herbe qui tremble 2022.

    La troisième voix, Isabelle Lévesque/Pierre Dhainaut, Peintures de Fabrice Rebeyrolle, L’Herbe qui tremble 2023

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Textureune recension de Voltige ! par Jean-François Mathé
    → (sur le site de la revue Terre à cielune recension de Voltige ! par Claudine Bohi
    → (sur La Pierre et le SelIsabelle Lévesque, de la terre à la lumière, par Pierre Kobel
    → (sur Recours au Poèmeune notice bio-bibliographique sur Isabelle Lévesque
    → (sur Recours au Poèmetrois lectures de Voltige !, par Hervé Martin, Marie-Hélène Prouteau et Lucien Wasselin

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    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque  sur Terres de femmes ▼

     

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    Portrait par G.AdC 

    → Max Alhau, Les Mots en blanc
    → Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    → Gabrielle Althen, Soleil patient
    → Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    → Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    → Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    → Mathieu Bénézet, Premier crayon
    → Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    → Claudine Bohi, Mère la seule
    → Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    → Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    → Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    → Fabrice Caravaca, La Falaise
    → Jean-Pierre Chambon, Zélia
    → Françoise Clédat, A ore, Oradour
    → Colette Deblé, La même aussi
    → Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    → Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    → Pierre Dhainaut, Après
    → Pierre Dhainaut, Ici
    → Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    → Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    → Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    → Armand Dupuy, Mieux taire
    → Armand Dupuy, Présent faible
    → Estelle Fenzy, Rouge vive
    → Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    → Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    → Aurélie Foglia, Gens de peine
    → Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    → Laure Gauthier, kaspar de pierre
    → Raphaële George, Double intérieur
    → Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    → Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    → Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    → Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    → Sabine Huynh, Kvar lo
    → Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    → Mélanie Leblanc, Des falaises
    → Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    → Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    → Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    → Dominique Maurizi, Fly
    → Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    → Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    → Nathalie Michel, Veille
    → Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    → Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    → Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    → Hervé Planquois, Ô futur
    → Sofia Queiros, Normale saisonnière
    → Jacques Roman, Proférations
    → Pauline Von Aesch, Nu compris

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  • Ariane Dreyfus / Le double été / Lecture d’Angèle Paoli

     

    Ariane Dreyfus, Le Double Été,
    Le Castor Astral I POÉSIE 2024
    Lecture d’Angèle Paoli

     

    Dreyfus

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    A  R  I  A  N  E      D  R  E  Y  F  U  S

    Source 

     

     

     

    De l’élan infini dans Le Double Été

    La vie/ la poésie. La poésie / la mort. La mort / l’Amor / la vie. Dans Le Double été comme dans nombre de ses recueils, Ariane Dreyfus mêle vie et poésie. Poésie et amour. Ensemble ces points dessinent et tracent une constellation lumineuse de sens. La vie est là, présente, ardente ou tout simplement sage, sous toutes ses facettes, celles de tous les jours auxquelles se nouent celles que traverse une foule d’images, composées de souvenirs, de lectures, de films ou de spectacles de danse, de références littéraires et artistiques. La poésie d’Ariane Dreyfus est poésie vivante, vibrante, constituée de fragments que la poète assemble de manière subtile, lesquels l’accompagnent de longue date et façonnent son écriture, entre toutes reconnaissable. Le tout s’impose très naturellement au cœur du recueil Le Double été, avec son phrasé et ses rythmes ; ses trouvailles inattendues – comme dans les deux vers suivants :

    « Dès qu’ils arrivent à l’herbe
    Anders quitte son vélo et son passé tombe par terre avec lui… » –

     L’écriture d'Ariane Dreyfus se nourrit des écritures autres, prenant appui, comme sur de solides étais choisis avec soin, sur les ouvrages qui comptent, car ces fragments habitent la poète en profondeur, qui la traversent continument. Ici, peut-être davantage qu’ailleurs, la mort se glisse entre les pages. Elle accompagne l’amour et la vie, l’amour de la vie. L’amour qui perdure au-delà (et malgré) la mort, car, comme le confie la poète dans son « Poème sage » :

    « Le corps qu’on a connu est entré dans les pensées
    Assez souvent pour que la mélodie monte encore »

    Deux œuvres en particulier ont guidé la sensibilité de la poète dans l’écriture de Le Double été. Deux œuvres marquées par le deuil : Ce sentiment de l’été, film de Mikhaël Hers et Une autre Aurélia, œuvre bouleversante du sinologue suisse, Jean-François Billeter. L’un et l’autre, le film et le récit-journal, « abordent la mort d’une compagne, et cette nécessité de continuer à vivre… »:

    « J’étais dans un malheur qui voulait être heureux
    Un malheur qui fait des efforts, heureux
    De faire des efforts, si rare de vivre »,

    pense Anders dans « Rêve (du 3 juillet au 4 juillet) ».

    Et, plus loin, dans le poème intitulé « L’Hésitation », le même Anders s’interroge :

    « Est-ce qu’il veut vivre encore ?
    Il soulève son bras, mais c’est tout le corps
    Qui veut
    Et le lui demande »

    Poésie narrative sans doute que celle de Le Double été, puisqu’il y a une histoire. Mais aussi poésie. Une histoire en trois temps avec trois personnes, trois femmes. Et un axe temporel qui s’étire de 2015 à 2019. Une histoire d’amour de deuil de mort. Mais une histoire qui reprend vie, inattendue, toujours recommencée. Et, au centre, qui fait le lien entre Sasha, Zoé, Lisa, – amante, sœur de l’amante, nouvelle amante – un jeune homme, Anders, que vient ébranler le deuil.

    « Il s’appelle Anders et elle s’appelle
    Mais pourquoi l’appeler puisqu’elle va mourir » (in « Berlin (La Chambre) »

    Ainsi s’ouvre le recueil, sur ces deux vers. ("Terrible", ai-je noté en marge, au crayon de bois, sans trop m’interroger sur le sens à donner à cette interjection).

    Les poèmes ici rassemblés, donnent sur une infinité de mondes, de lieux et de décors (villes, parcs, chambre, atelier, plages…) et de paysages, de découvertes, de voix qui prennent place dans l’espace du poème en même temps qu’elles ouvrent à l’infini sur d’autres possibles. Chaque poème est un tableau dans lequel les scènes, prises sur le vif, offrent des images où le passé vient rejoindre le présent, jusqu’à se substituer à lui, presque :

    « Quand il bouge son corps Sasha revient
    Plus facilement, elle ne prévient pas pour autant… »

    Le temps très bref d’un instant, présence et absence se superposent se rejoignent se frôlent et se fondent, jouant subtilement l’une de l’autre. L’amour la mort,

    « Comme paupières à chaque souffle tressaillent
    Feuilles aussi vivantes
    Que visages se touchent l’une contre l’autre » (in « La Reconnaissance »)

    [Lire A.D, je la lis à la Marine, entre deux baignades deux eaux, modifie l’espace et le temps. Avec elle, je suis ailleurs, rien n’est plus comme avant dans la familiarité des choses connues. C’est une sensation rare, très singulière, jusqu’à lors jamais à ce point éprouvée. De sorte que Le Double été ne me quitte pas. Il navigue avec moi, de la Marine à la plage, du matin délicieux aux après-midi chauffées à blanc.]

    Ce qu’il y a de passionnant dans ce recueil bouleversant, outre les poèmes qui sont très beaux et échappent à tout essai de préhension définitive – ils gardent ainsi leur part de mystère – c’est tout l’appareil du paratexte – exergues et notes, citations finales – qui rassemble toutes les références, page après page. Ainsi, à travers Ariane Dreyfus, lit-on tant d’autres œuvres-échos de Le Double été et ces lectures parallèles et (ou) annexes ne cessent de modifier la lecture de chacun des poèmes du présent recueil. Ainsi la poète invite-t-elle à une lecture démultipliée. Et ouvre-t-elle autant de pistes de lecture à l’ouvrage premier. Une lecture en éventail, en quelque sorte. Où l’on retrouve des fragments de poèmes et de titres de Guillevic, de Pierre Jean Jouve, de Jacques Réda, de Sandro Penna, de Colette, de K. Mansfield, d’Éric Rohmer … de Marilyn Monroe, mais surtout de vastes références au poète Mathieu Bénézet – Ceci est mon corps / Détails / L’Océan jusqu’à toi/ Premier crayon – et à Jean-François Billeter – Une autre Aurélia – dont les extraits et citations reviennent et se glissent – en italiques – entre les vers d’Ariane Dreyfus.

    L’on croise aussi Germaine Dulac, dont la définition qu’elle donne du cinéma pourrait s’appliquer à Ariane Dreyfus :

    « Le cinéma est un œil grand ouvert sur la vie, un œil plus puissant que le nôtre. Il visualise à la fois l’exactitude et l’insaisissable. »*

    Et, parmi d’autres aphorismes, celui-ci :

    « Le cinéma est l’art du mouvement et de la lumière. »**

    Lumière sur laquelle se clôt le recueil :

    « Quelque chose brille sur son dos
    Il la caresse à nouveau
    Mieux qu’une aile ».

    Ou encore, deux pages plus loin, dans ce final qui unit Lisa et Anders,

    «…. Anders ne la quitte pas des yeux,

    Laissant le soleil dire sa tendresse autant que désir
    L’écume la toucher aux genoux, leur nacre »,

    et, consolatrice et légère, cette « Chanson à l’aube » de Paul Fort :

    « Où est donc ma peine ?
    Je n’ai plus de peine.
    Ce n’est qu’un murmure
    Au bord du soleil. »

    Quant à la poésie, comme les autres arts et comme la danse aussi, elle est « mouvement » « qui reflète des impressions successives, qui oppose et relie des sensations et des états d’âme. Les mots, en littérature, peuvent être assimilés aux éléments d’un mouvement, que reconstitue la phrase. Mouvement aussi la musique qui se déroule en harmonies toujours changeantes, toujours animées… »***

    Ainsi de ce poème étrange, dont le titre même interroge – quels signes avant-coureur peuvent bien conduire à l’existence de ce « Jaune Poussin » ? Quelles images sont cachées et incluses derrière ces deux mots ? – qui glissent à l’insu de la lectrice, subrepticement, de la vie à la mort, du présent au passé récent, des suppositions aux certitudes, du mouvement extérieur au mouvement intérieur. Mouvement qui gagne l’espace et le temps, la surface familière des choses et la profondeur – histoire d’un pull qui glisse et tombe, de Sasha qui s’en empare puis glisse et tombe à son tour, de l’avant à l’après, si proches et si indissociables :

    De : « Sasha s’effondre sans un bruit et sans douleur » (in « Mariannenplatz »)
    Á : « Maintenant il est seul à bord » (in « Jaune Poussin ») ; expression empruntée à Une autre Aurélia. Et déclinée dans le recueil sous d’autres formes.
    C’est sur la métaphore de la mer que se clôt ce moment de l’histoire de Sasha et d’Anders et que se réalise la fusion amoureuse avec la mort :

    « Il recule, ramasse le pull avec le courage d’un plongeur
    Vers les grands fonds
    Ainsi je suis plus en toi qu’en moi-même. »

    Grande admiratrice de la poésie d’Éric Sautou, Ariane Dreyfus a aussi sa pratique du silence. Silence du geste et du regard, silence dans la musique et au cinéma, dans les figures corporelles de la danse. Dans la poésie. Elle possède un art personnel de ne pas tout dire. Elle laisse le suspens lever entre les mots. Ainsi de la définition qu’elle donne d’Anders dans « Une blancheur égale » :

    « Dépouillé
    Comme un jeune homme qu’aucune femme encore… »

    La phrase interrompue laisse la pensée de la poète se poursuivre ailleurs.

    De même que le silence fait partie du poème et de la musique, la chute fait partie du mouvement.

    « Le silence fragmenté, est-ce la musique ? » interroge la poète ou la danseuse Maya dans le poème intitulé « Le rythme d’une chute, répétition / Batsheva Dance Company »). La chute finale de Maya renvoie à celle, antérieure et définitive de Sasha :

    « C’est tellement bien quand on n’a pas peur du tout
    Et la gravité de la terre »

    Silence de l'indicible qui affleure entre Lisa (elle) et Anders. Sasha:

    « Elle se déchausse car on approche de la mer

    Anders la laisse y aller, voir tout son corps
    Lui entrer dans la chair à la regarder

    Elle avance son pied, marche dans l’eau si émouvante
    Sait-elle qu’elle bouge en lui,

    Sasha frémit aussi
    Puis se retourne de l’autre côté elle s’y repose… » (in « La plage grande ouverte sur la mer»)

    Qu’en est-il – dans Le Double Été – du manque dans l’amour ? Comment en résoudre l’énigme lorsque la mort a pris toute la place occupée jadis par l’amour ? Ariane Dreyfus, tout comme Jean-François Billeter, tourne autour de ce constat : ne pas enfermer l’autre, ne pas l’enserrer dans un étau ; laisser le suspens agir par surprise. Faire confiance à l’imprévu. Ainsi dans ce dialogue d’Anders avec Sasha :

    « Et c’est à nouveau
    La fraîcheur d’un chemin suspendu entre deux vides
    Mais je n’ai plus peur parce que vois-tu

    Sasha, tu viens de me surprendre
    Je n’espérais pas, je croyais que plus rien ne nous arriverait

    Tu sais comment je vais l’appeler ? Je vais l’appeler
    La sieste heureuse » (in « L’imprévu »)

    Ailleurs la poète prête à Anders les efforts conscients qui l’habitent pour ne pas transformer Sasha en gisante, la réduire à corps de marbre, immobile et froid :

    « Sur le banc où il est assis pour se regarder dans l’arbre
    Ne pas tourner la tête vers Sasha
    Elle n’y est pas, et la main,
    Ne pas l’allonger jusqu’à sa place habituelle
    Á côté de lui
    Ce ne serait, à la seconde même, que gisants,
    tremblements de feuilles mortes
    dans la gorge ****(in « Au Parc Montsouris (Avril) »

    Le plus beau poème d’amour du recueil, celui que je lis et relis chaque jour, est, me semble-t-il, celui de « L’Élan infini », qui fait surgir les images reconnues, d’un passé partagé, vécu entre enfance et érotisme floral, tendresse ludique et aveu. Tremblé d’émotion. Le voici :

    « Anders lance le drap pour qu’il retombe sur le lit

    Ses bras !
    Si légers soudain malgré le gris du jour, ses bras
    Voudraient un geste encore
    Malgré l’ombre sur le mur renversée
    En un instant

    La vie qu’ils ont eue

    Il sait comment elle bougeait sur le lit
    Et s’immobilisait, encore
    Les yeux ouverts

    C’est pour mieux te voir, comment sa bouche
    S’ouvrait, puis se faisait étroite et souple, fleur dans tous les sens,
    Ou quand, au matin si proche,
    Elle se rendormait, posant le bout de son pied sur lui

    Une seule note

    Pas de clavier dans la chambre que lui, tout maigre
    Son tee-shirt toujours trop large, elle s’y glissait
    Sa tête surgissant contre lui

    Le bonheur qu’elle a mis dans ma vie continue à couler à flots *****»

     

    *Germaine Dulac, Qu'est-ce que le cinéma? Light Cone, 2020

    **Germaine Dulac, Avez-vous peur du cinéma, Chroniques (1919-1931), Æncrages &Co 2024, p.25

    ***Germaine Dulac, Avez-vous peur du cinéma, Chroniques (1919-1931), Æncrages &Co 2024, p32

    ****Mathieu Bénézet, Premier crayon, Flammarion, 2014,p.62

    *****Jean-François Billeter, Une autre Aurélia, Allia 2023, p.16

     

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    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

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    A R I A N E   D R E Y F U S

    Ariane Dreyfus
    Image, G.AdC

    ■ Ariane Dreyfus
    sur Terres de femmes ▼

    Le double été, Le Castor Astral I POÉSIE 2024

    Nous nous attendons, précédé de Iris, c’est votre bleu, Préface de Françoise Delorme, Bibliographie commentée par Stéphane Bouquet, Poésie Gallimard, Éditions Gallimard 2023
    → En sens inverse (poème extrait des Compagnies silencieuses)
    → Anatomie (extrait de Moi aussi)
    → Le Dernier Livre des enfants (lecture d’AP)
    → L’Inhabitable (note de lecture d’AP)
    → Épilogue (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    → La nuit commence (autre poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    → La Lampe allumée si souvent dans l’ombre (note de lecture de Matthieu Gosztola)  + L’Amour 1 dans sa graphie originelle)
    → Nous nous attendons (note de lecture de Tristan Hordé)
    → « C’est tout mouillé » (poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    → « Je suis en train d’oublier son visage » (autre poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    → Sophie ou la vie élastique (lecture d’AP)
    → Le beau tapis (poème extrait du recueil Sophie ou la vie élastique)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) SAMI (poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    → Un recoin dans un coin (autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait d’Ariane Dreyfus par Guidu Antonietti di Cinarca  (+ un autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Ariane Dreyfus
    → (sur YouTube) Ariane Dreyfus dans l’émission Du jour au lendemain d'Alain Veinstein (France Culture, 29 décembre 2001)
    → (sur le site de France Culture) Ariane Dreyfus dans l'émission Ça rime à quoi ? de Sophie Nauleau (30 octobre 2010)
    → (sur le site de France Culture) Ariane Dreyfus dans l'émission Du jour au lendemain d'Alain Veinstein (19 mars 2013)

     

  • Danielle Fournier / Il y avait du sel

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    BOIS DUR

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo..: G.AdC

     

     

     

    Il y avait du sel, du feu                                           
    de la glaise

    et des coulées de lave
    plus forts que nous
    heureusement
    plus forts que nous
    qui, à mesure,
    disparaissions
    dérisoires

    debout dans la tempête
    le bois tendre plie
    le dur, lui, résiste

    que se passet-t-il donc
    dans cet univers qui
    s’échappe ?

     

     

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    Danielle Fournier, Il y avait du sel, Éditions.Imprévues,  « Accordéons » 2021, pp. 1,2.

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    DANIELLE  FOURNIER 


    Danielle_fournier

     

     

    ■ Danielle Fournier
    sur Terres de femmes ▼

    → (dans la galerie Visages de femmes) un Portrait de Danielle Fournier (+ un autre poème extrait du même recueil)
    → Le chaos des flammes
    → ton prénom
    → Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris (extrait)
    → Danielle Fournier | Luce Guilbaud [Dis-moi plutôt ce qui nous réunit](autre extrait d’Iris)
    → Danielle Fournier | Luce Guilbaud, Iris (note de lecture d'AP)
    → (dans l'anthologie poétique Terres de femmesPas de mots dans les mots
    ce pourrait être l’été, Méridianes – Collection Duo, avecMireilleFargier-Caruso

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois) une notice bio-bibliographique sur Danielle Fournier
    → (sur Voix d’ici, répertoire audio de la poésie québécoise) deux extraits du recueil Il n’y a rien d’intact dans ma chair, dits par Danielle Fournier
    → (sur remue.net) Rencontre avec Danielle Fournier (soirée enregistrée le 4 décembre 2012 à la Mairie du 2e arrondissement, Paris)

     

  • Doina Ioanid / Une obscurité remplie de lumière

    <<Poésie d'un jour

     

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    Fenêtres à Amsterdam.   D’autres fenêtres   que celles    avec les filles, des
    fenêtres allumées   au-delà   de l’immense acacia   qui dépasse la maison à
    trois étages, des fenêtres-boîtes, des caisses vitrées et éclairées, des caisses
    avec des histoires d’orphelins    dans la cour du    Musée d’Amsterdam. Et
    d’autres caisses  avec des histoires de    familles    fortunées et généreuses.
    Musée avec des caisses raconteuses. Je me souviens du coffre du lit contre
    lequel je m’adossais lorsque je lisais.   Le coffre  capitonné accompagnant
    mes lectures. Et à nouveau, c   es caisses-boites-vitrines avec des histoires.
    Des fenêtres avec des fromages,   un musée du fromage,  des fenêtres avec
    des dentelles,    des chaussures Saint-Crispin   faites à la main (de grandes
    pointures pour hommes grands), des fenêtres avec des canapés confortables,
    garnis de coussins.   Des fenêtres avec des lampes de nuit parmi les arbres,
    fenêtres-façades.    Et tout à coup me reviennent les fenêtres de synagogue
    peintes pas Chagall.   Des fenêtres que je collectionne de partout ainsi que
    des livres, des lettres ou des cartes postales.

    Des petites fenêtres à l’arrière de la maison comme des carrés éclairés dans
    ces jours d’hiver.   J’ai toujours aimé   ces petites fenêtres,     par lesquelles
    je regardais    comme par une lunette les autres,    car elles donnaient     sur
    d’autres jardins. Je me tenais    perchée sur le tabouret   et les regardais. Et
    chaque jour j’avais un petit film.    Tantôt,  c’était assez ennuyeux, travaux
    quotidiens,    tantôt c’était plus animé,    rencontres de parents, cris de joie
    ou jurons.   Et un jour,    je ne sais pas comment c’est arrivé, la petite vitre
    du garde-manger s’est assombrie.    Elle s’obstinait à rester    cendrée. Un
    gris cendré et graisseux à me donner le tournis, voire la nausée.

    Lorsque le cadre    des fenêtres était encore     en bois, nous avions
    une autre relation au bois. Nous l’essuyions,  nous en suivions les fissures,
    les bouchions au mastic, les peignions.    Les fenêtres dont  nous prenions
    soin faisaient partie de notre vie.    C’était quelque chose de normal, aussi
    normal que les saisons et leurs fêtes.    Puis,     nous y mettions    de petits
    rideaux ou des dentelles.    Et ils n’oubliaient     jamais  leur raison d’être.

     

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    Doina Ioanid, « Les poèmes des fenêtres » in Une obscurité remplie de lumière
    Traduit du roumain par Jan H.Mysjkin, Préface Carmen Muşat, Éditions Lanskine 2024, pp.13,18,19.

     

     

    DOINA

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph. Jan H. Mysjkin

    DOINA IOANID SUR   => TdF 

  • Alain Freixe / Quand l’automne dit non, c’est oui que j’entends

      <<Poésie d'un jour

     

                                                                                                                             

     

     

    J’aime l’automne sans que je sache d’où que ça vient comme le
    disait Françoise   au narrateur d’À la recherche du temps perdu.
    Cela  s’impose à moi   comme le sourire    d’un ciel clos sur ses
    nuages   que le vent dessoude    et bouscule.    Vent, réinventeur
    de ciel,    ouvreur des grandes routes   du froid, celui des neiges
    et des gels.   Déchiré et éclairé,   l’automne    va son allant   qui
    est perpétuelle réserve,    retenue,    protection de soi,  de ce qui
    fait son cœur,    porte qui bat    au sein du temps      par laquelle
    j’aime à passer    et me perdre     en ces arrières qui sont devant.

                                                               *
    Tremblements      obscurs,      passages     d’ombres,      brumes,
    sombres parages,    j’aime cette     façon navrée     de porter    le
    temps.     Cette manière qu’a l’air   de laisser venir sur le monde
    la pénombre,    de laisser descendre     les ombres du soir, demi-
    jour    où le décor se floute,     où le silence     prend possession
    des lieux.    Les contours nets    et ceux déjà estompés palpitent
    ensemble,    l’obscur ne dissout pas     les formes,      il les rêve
    plutôt.

                                                                *
    Des brouillards    miséricordieux     paressent     entre les troncs
    nus     des arbres du Bois Noir   en contrebas de la route en leur
    ajoutant     cette distance    qui les doue      de ce lointain où les
    choses du monde se retirent.     Quelque chose       s’abandonne
    non à     une présence vive    mais au contraire à quelque chose
    qui s’est déjà     absenté.     C’est cette présence       enfuie que
    j’aime.

     

    Freixe automne

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Alain Freixe, Quand l’automne dit non, c’est oui que j’entends, Cahiers du Loup bleu, Dessin de Martin Miguel, Les Lieux dits 2022,pp.18,19, 21.

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    ALAIN   FREIXE

    Alain Freixe par Marc Monticelli
    Source

    ■ Alain Freixe
    sur Terres de femmes ▼

    Les mains heureuses, La rumeur libre éditions, 2022
    → Vers les riveraines (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → Vers les riveraines (lecture d’AP)
    → À l’étrangère (extrait de Vers les riveraines)
    → [on serait à couvert sous les arbres] (autre extrait de Vers les riveraines)
    → Bleu plié au noir
    → Contre le désert (lecture de Michel Diaz)
    → Contre le désert (lecture d’AP)
    → Septième pas (extrait de Comme des pas qui s’éloignent)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmesSerge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet, 1918-1939 (lecture d'AP)
    → P/oésie, le blog d’Alain Freixe : La poésie et ses entours

  • Jean-Pierre Siméon / AVENIRS suivi de LE PEINTRE AU COQUELICOT

      <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Pavot

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo : G.AdC

     

     

    Rebelles nous serons

    Rebelles nous serons
    Comme un matin qui piétine la nuit
    A l’entour de la vie
    Ce n’est plus la vie
    Nous serons chez nous
    Au cœur de chaque seconde
    Nous prenons absurdement le temps pour le temps
    Il doit être un lieu
    Si nous n’habitons pas notre souffle
    Nous sommes un feuillage sans tronc
    Nos gestes nos pensées nos désirs
    Tôt desséchés
    Nos paroles des feuilles mortes
    A l’entour de la vie
    Ce n’est pas la vie
    La vie demande l’éternité dans la seconde
    Là où le dedans et le dehors s’épousent
    Là où tout en nous se concentre et s’épouse
    L’air et la lumière
    Le bruit et le silence
    Le vol de l’oiseau
    Et le poids de la pierre
    L’univers et sa question
    Vivre ne peut être qu’habiter la question
    Comme font les amants dans leur étreinte
    Comme fait le dormeur
    Quand le jour tinte à sa fenêtre
    Toute réponse nous dépossède de la vie
    Rebelles nous serons à toute réponse
    Il n’y a pas de différence
    Entre un poème et une poignée de main
    Dit Paul Celan
    Le poème est une question
    La poignée de main est une question
    La vie est une poignée de main

     

     

     

    SIM

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Pierre Siméon, « Déserter la mort » in AVENIRS suivi de LE PEINTRE AU COQUELICOT, Poèmes, Éditions Gallimard, 2024, pp.68,69.

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    JEAN-PIERRE SIMÉON

     

    Jean-Pierre Siméon
    Source

     

    ■ Jean-Pierre Siméon
    sur Terres de femmes ▼

    Une théorie de l’amour, poèmes, Éditions Gallimard, 2021
    → [Chaque pli du matin] (poème extrait de Fresque peinte sur un mur obscur)
    → [Tandis que j’écris ce poème tu dors] (poème extrait de Lettre à la femme aimée au sujet de la mort)
    Retour du refoulé poétique (nrf n° 641)

    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean-Pierre Siméon

     

     

  • François Cheng / Suite Orphique

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    La-place-vide-laissée-vacante-signale-l’absence

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo: G.AdC

     

     

                           6

    Je lève la tête, et tu es là,
    ton être entier en un regard :
    Au milieu des rides, éclate
    un iris taché de rosée…

                            7

    Quand nuitamment nous vient la voix d’un être cher
    depuis longtemps parti, s’ouvre en nous une voie vive,
    Voie de l’âme, voie des larme, source d’un courant
    nous conduisant en secret jusqu’à l’Autre-Rive.

                             8

    Nous sortirons de l’errance ;
    tout n’est plus que retrouvailles.
    Au bout des allées : mésanges !
    et le long de l’étang : cailles !

                              9

    La mort n’efface rien ; Orphée persistera
    A se retourner, tirant de l’ombre l’aimée
    Le Vide-médian tournera le tout en chant,
    Et le corps déchiré en souffle résonnant.

     

                             95

    Être ici les yeux ouverts et le cœur battant
    fût-ce le temps d’un éclair,
    L’univers n’est plus là pour rien. Cet instant nôtre
    vaut en durée l’éternité.

                            96

    Non cycle mais cercle, on avance en ondes concentriques ;
    Non rectiligne mais spirale, on s’élève de sphère en sphère.
    Tout astre suit une orbite, nulle vie n’est à part,
    Dans la longue lignée, on ne succède pas, on rejoint.

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    François Cheng, Suite Orphique, 99 quatrains, Postface de Daniel Henri Pageaux, Gallimard 2024, pp.16,17,18,19,114,115.

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    F R A N Ç O I S     C H E N G

    Cheng
    Source

    ■ François Cheng
    sur Terres de femmes ▼

    Enfin le royaume, quatrains, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2018
    → L’appel de la mer
    Longtemps à longer cette eau sans âge
    → [Oui, nous suivrons le sentier]
    → Rose d’indigo
    → [Suivre le poisson, suivre l’oiseau]
    → Tango toscan

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de l'Académie française) une bio-bibliographie de François Cheng