Catégorie : Uncategorized

  • Claudine Bohi / Je cherche un enfant

                                                            <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    je marche dans la neige et je cherche un enfant

    est-ce vous est-ce moi est-ce quelqu’un de plus

    et quelqu’un d’autre encore ?

    je cherche un enfant

    je cherche toujours un enfant

    cet étranger en moi plus intime que moi

    est-ce ma part de neige ?

    est-ce le cœur de l’enfance

    cette tombée de blanc

    tout cet effacement ?

    dans nos désastres partout et qui se multiplient

     

    Roesz

     

     

     

     

     

     

     

    je vous rejoins sans vous connaître

    je vous connais sans vous rejoindre

    le vertige me prend qui balance vos ombres

    qui balance vos noms

    la neige se referme comme un secret

    sur ce qui tremble

     

    Je cherche un enfant claudine bohi

     

     

     

     

     

     

     

    Claudine Bohi, Je cherche un enfant, Peintures de germain Roesz, Collection Bas de page, Les Lieux-Dits, 2024.

     

    CLAUDINE   BOHI

    Claudine Bohi 2
    Source

    ■ Claudine Bohi
    sur Terres de femmes ▼

    → [brouillard n’est pas absence] (poème extrait d’Éloge du brouillard)
    → Secret de la neige (poème extrait de L’Enfant de neige)
    → [Duels de lumière] (poème extrait de La plus mendiante)
    → Le funambule sans son fil (poème extrait de Même pas)
    → Mère la seule (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → [je laisse tomber le mot maman] (poème extrait de Mère la seule)
    → L’invisible (poème extrait de Mettre au monde)
    → Naître c’est longtemps (lecture d’AP)
    → Naître c’est longtemps (lecture de Philippe Leuckx)
    → Corps levé (poème extrait de Naître c’est longtemps)
    → [L’eau son puits étrange] (poème extrait d’On serre les mots)
    → [à force de mots sur la peau] (poème extrait de Parler c’est caresser un corps)
    → [La raison sort toujours de l’irrationnel] (poème extrait de Rêver réel)
    → Une lumière de terre (poème extrait d’Une saison de neige avec thé)
    → Claudine Bohi | Philippe Bouret, Cet enfant sans mot qui te commence (lecture d'AP)
    → Claudine Bohi | Olivier Gouéry [Voici donc le matin]
    → (dans l’anthologie Terres de femmes) si ce n’est pas trembler


    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Claudine Bohi

     

     

    Germain-roesz 2
    Source

    ■ Germain Roesz
    sur Terres de femmes ▼

     

    → « III, Elle pousse la mort au-dehors » in Un silence dans le ventre, Illustrations de Germain Roesz, L’Atelier du Grand Tétras 2024
    → (sur le site de L’Atelier du Grand Tétras) la page de l'éditeur sur La Part de la lumière

    → Germain Roesz Peintre

     

     

  • Philippe Leuckx / Ce fragile chemin des choses

                                                                                <<Poésie  d'un jour

     

     

     

     

    LES BERGES DU LIVRE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " sur les berges du livre"

    Aquatinte de →  G.AdC 

     

     

     

     

    Le poème peut porter
    à plus de clarté
    le cœur
    s’il cède un peu

    J’ai attendu longtemps
    avant de poser des mots
    sur les berges du livre
    comme une main attentive
    à ne pas bousculer
    l’ordre des choses
    le temps de la lumière
    la vie des souffles
    Je venais de boire
    à la source
    la beauté
    les ombres du recours

     

    La brume énonce le jour.
    Le ciel s’évince sans un cri.
    Parfois la peur gomme la parole.
    On se retient à une rambarde.
    On se fait plus petit que la lumière.

     

    Leuckx

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Philippe Leuckx, Ce fragile chemin des choses, Dessin©Philippe Colmant, Bleu d’encre 2024, pp.83, 84, 85.

    ________________________________________________________________________________________________________________________________

    ________________________________________________________________________________________________________________________________

     

     

    PHILIPPE  LEUCKX

    Vignette PHILIPPE LEUCKX
    Ph. Christelle Dossche

    ■ Philippe Leuckx
    sur Terres de femmes 

    → Une rampe de lumière, Oxybia éditions, 2023
    → Philippe Leuckx, Prendre mot, éditions Dancot-Pinchart, 2021
    → Ce long sillage du cœur (lecture d’AP)
    → D’obscures rumeurs (lecture d’AP)
    → [Il reste au-dessus du jour quelque vœu d’enfance](poème extrait de D’obscures rumeurs)
    → [Laisse la nuit s’éclairer sous tes yeux](poème extrait de Doigts tachés d’ombre)
    → [On a vécu sous le verre] (poème extrait de L’imparfait nous mène)
    → [On ose à peine la lumière](poème extrait de L’Effeuillement des choses vers les confins)
    → [J’assume mes greniers d’enfance](poème extrait de Maisons habitées)
    → Le Mendiant sans tain (extraits)
    → Nuit close (extraits)
    → Poèmes du chagrin (lecture d’AP)
    → [Tu marches dans ta ville] (poème extrait de Poèmes du chagrin)
    → Piéton de Rome, 13 (poème extrait de Rome rumeurs nomades)
    → [Parfois il est bon de s’égarer](poème extrait des Ruelles montent vers la nuit)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La tête à l’envers) la fiche de l’éditeur sur Ce long sillage du cœur
    → (sur La Cause Littéraireune lecture de Ce long sillage du cœur par Patrick Devaux
    → (sur le site de la revue Textureune lecture de Ce long sillage du cœur par Jacques Morin
    → (sur le site de la revue Textureune lecture de Ce long sillage du cœur par Michel Baglin

     

     

  • Estelle Fenzy / Le Goût des merveilles

    <<Poésie d'un jour 

     

     

     

    Collage superstitieux.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Collage de G.AdC 

     

     

     

    Nous faisons feu
    des petites voix prisonnières
    (celles de l’intérieur
    d’un cœur qu’on a fermé
    à clé)

    Il s’agit de combattre
    l’ardente révolte
    qui pourrait nous abattre
    la larme interdite
    la sueur à la tempe
    qui perle et qui révèle

    Si la forêt s’évade
    (elle qui laisse
    abandonnés
    les enfants affamés)
    c’est qu’elle cherche
    une terre qui la veut

    un surcroît de racines
    où garder la lumière
    qui saigne de sa sève

     

    Nous avons peur
    que la mort arrive
    avec la nuit
    (ne pas laisser
    le feu s’éteindre
    n’être plus que ses cendres)

    alors nous chuchotons
    et les voyelles glissées
    entre nos lèvres
    sont autant de morceaux
    de nous-mêmes
    dispersés dans le noir

    Plus tard
    nous guetterons
    des jeux l’as de pique
    des nappes le sel renversé
    les années de malheur
    les miroirs brisés

    Nous unirons
    le ciel des vivants
    les crues de nos revenants

    (nous sortirons de l’ombre
    intacts et transformés)

     

     

    Nous bravons
    le temps
    des métamorphoses
    des adieux
    qu’une vieille femme
    traverse
    bras ouverts
    à l’orée de la nuit

    Les silences
    et les cris souvent
    dorment
    dans le même lit

    Il faudrait inverser
    la course des étoiles
    éviter qu’elle ne filent
    et tombent désunies

    dans les yeux des hiboux
    et le panier des fées

     

    Le-gout-des-merveilles-Fenzy-estelle

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Estelle Fenzy, Le goût des merveilles, poèmes, Revue la forge I Éditions de Corlevour, 2024, pp.45, 46,47.

     

    Voir aussi sur  → Tdf 

     

     

  • Patricia PINZUTI-GINTZ / Rétrospective à trois VOIX / Bernadette Engel-Roux / Sylvie Fabre G. / Angèle Paoli

    Rétrospective à trois VOIX autour de l’exposition de dessins de Patricia PINZUTI-GINTZ
    Librairie-Galerie Arthaud, Grenoble, février 2024

    Patricia Pinzuti-Gintz
    Bernadette Engel-Roux
    Sylvie Fabre G.
    Angèle Paoli

     

     

     

     

    Unnamed

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                  à ma petite-fille Maëlys

     

    D’une longue pratique de la couture, Patricia Pinzuti-Gintz a conservé le goût des tissus dans son travail graphique. Mais c’est ici sous forme de voiles qu’ils apparaissent, comme une constante. Une exposition récente à la Librairie-Galerie Arthaud à Grenoble, a permis de découvrir les variations de la recherche de l’artiste, qui pose des voiles sur toutes ses figures.

    Le voile, comme c’est sa nature, dissimule autant qu’il révèle. La figure est voilée car elle ne peut apparaître nue à nos yeux, non plus que disparaître tout à fait, puisque le voile la révèle sous sa transparence. Des axiomes de la Grèce ancienne disent que « la déesse apparaît voilée », ou que « la nature aime à se cacher ». Le visible n’a pas l’évidence qu’on lui suppose.
    Un mystère se joue ici entre secret et révélation, sans qu’on puisse rien décider. La Galerie de Grenoble présentait d’étranges figures, pendues au plafond, comme flottant dans le rien de leur inconsistance, fantômes ou squelettes, corps qui n’en sont plus où la chair manque, et qui obstinément balancent dans le vide de leur désincarnation.
    De longs filaments (dont on n’oserait affirmer qu’ils sont des pattes) pendent d’une demi-sphère, laissant supposer une araignée géante, mais sans maléfice puisque le voile limite tout mouvement, au-dessus de longs fils trop lâches pour faire proie.
    Quand il arrive qu’on s’aventure à discerner un corps humain, c’est pour le voir pris dans un élan de fuite, retenu par le voile où son avancée s’empêtre, comme si sa fuite n’était que rêvée et renoncée.
    Les oiseaux (rares dans les images de Patricia Pinzuti-Gintz ) qui pourraient être l’emblème même de l’envol, de la liberté, de l’immensité comme ils le sont ailleurs, sont pris dans la limite de ces filets transparents qui sont l’enclos de leur liberté contrainte, mais ils bougent pourtant sous un vent invisible.
    Enfin, une courte série de « paysages avec arbres » se détache de l’ensemble, pour notre regard du moins, par la belle mais étrange couleur verte du papier teint qui est leur support graphique. Seuls dans le large ouvert d’une vallée insituable ou posés sur un rocher improbable, ils vibrent tous sous un voile inexplicable, dans la lueur dorée qui laisse filtrer l’espoir d’un jour hors du temps. Ces paysages n’appartiennent à aucun lieu, ces arbres n’ont nulle identité végétale, quand la seule certitude qui nous demeure est de les reconnaître comme « arbres », dans l’hiver où ils attendent transis, en toute absence de feuillage.
    Il arrive aussi que le voile seul demeure où toute figure s’est évanouie ou dissipée.
    Devant ces dessins au crayon ou au fusain et rehaussés de craie blanche, on pense que toutes les figures, minérales, végétales, animales ou humaines qui peuplent l’univers de Patricia Pinzuti-Gintz remontent d’un lointain domaine du rêve ou de la mémoire, teinté de mélancolie, comme si tout ne relevait plus que d’un espace et d’un temps où nous n’avons plus accès.
    C’est là l’univers mystérieux que nous a révélé le travail graphique de Patricia Pinzuti-Gintz, lors de l’exposition qui s’est tenue en février dans la Librairie-Galerie Arthaud à Grenoble, et dont on souhaite qu’elle se renouvèle.

    Photo-b

     

     

    Bernadette Engel-Roux, avril 2024 Dans le cadre de l’exposition Muses de P. Pinzuti-Gintz

     

    _______________________

     

    Le travail de Patricia-Gintz ne cesse de chercher la source invisible du visible, là où se perd le regard dans l’espace, le temps et son humanité. Creusant le lointain par le proche, le réel par le mythe et l’imaginaire, son art unit la main à la pensée, le dehors au dedans, la mémoire à l’histoire, singulière ou universelle. L’artiste y montre le paysage, les choses et les êtres comme offerts à la divination.
    Ainsi dans cette exposition, intitulée Muses, ses dessins et ses installations fraient une fois encore la voie qu’explorent aussi les poètes depuis Orphée. Dans sa familiarité énigmatique, la vie avec la mort nous apparaît, sous son crayon ou ses voiles, en ses figures les plus quotidiennes et les plus symboliques. L’éphémère contient ses éternités. La poésie est déjà là présente, le dialogue des langages peut commencer.

    SFG

     

     

    Sylvie Fabre G.

     

    _______________________

     

    La première fois que j’ai vu les installations de Patricia Pinzuti-Gintz c’était en 2014, au Musée Marc Petit, sis dans l’espace du Lazaret Ollandini à Ajaccio. Je connaissais Patricia de nom, grâce à l’intermédiaire de mon amie poète Sylvie Fabre-G, ici présente, mais je ne l’avais jamais rencontrée. Et j’ignorais tout de ses œuvres. Pourtant, nous sommes issues l’une et l’autre d’une même terre, la Corse. Le Sud pour elle, le Nord pour moi. Mais son nom n’était pas parvenu jusqu’à moi.
    C’était l’été, dans les allées du Lazaret et les visiteurs déambulaient entre les livres et les œuvres d’art qui jalonnaient notre cheminement. Au-dessus de nos têtes, des silhouettes de tulles et de gaze translucides, voiles légers animés par la brise, voletaient alentour, semblables à de grands spis de femmes papillonnant dans les airs. Une invitation au voyage qui continue de m’habiter et m’a longtemps fait rêver de rencontrer l’amie insulaire.
    C’est à nouveau mon amie Sylvie Fabre. G qui a été l’initiatrice de cette nouvelle rencontre. Dans l’atelier grenoblois de Patricia. Aussitôt, un fluide d’inédit est passé entre nous et nous étions déjà comme deux vieilles amies, enfin retrouvées.
    C’était un cadeau inespéré et comme un éblouissement. L’émotion circulait entre nous trois, qui nous guidait à l’improviste d’une œuvre à une autre, de tulles en tulles. Je me souviens du regard pensif de cet animal voilé – âne ou chèvre – l’un et l’autre à la fois, qui nous dévisageait derrière son enchevêtrement de branchages. Peut-être le symbole de notre mémoire partagée. Je revois aussi cette robe fluide, flottant au-dessus du vide, vide de corps féminin mais habitée, bleu sur bleu, par l’absente qui l’avait revêtue.
    Visage voilé au regard triste et pénétrant, ombres tirées de leur sommeil pour revisiter les vivants, corps de statues, figées mais vivantes, sorties de quel souterrain, de quelle tombe, de quel labyrinthe ? Patricia Pinzuti-Gintz possède comme nulle autre cet art inédit de jouer sur les frontières de la vie de la mort, de « transformer l’absence en présence ». Je vois en elle une maîtresse-femme-en-sorcellerie, mystérieuse et bienveillante, inscrite au plus profond de la nature.
    Telle que l’artiste nous donne à l’habiter. Telle que nous l’aimons.

    AP

     

     

     

    Angèle Paoli

     


    ______________________

  • Jean-Louis Bernard / Héritage du souffle / Lecture de Michel Diaz

     

     

    Jean-Louis Bernard, Héritage du souffle
    Éditions Alcyone 2024
    Lecture de Michel Diaz

     

     

     

    NUIT(1)


    " la nuit est son territoire, l’incertitude est son chemin"
    photo:  G.AdC

     

     

     

     

           Jean-Louis Bernard est l’un des rares poètes contemporains qui explore avec autant de constante acuité la question de notre relation au monde dont dépend en grande partie, sinon essentiellement, notre relation au langage, c’est-à-dire aussi à nous-mêmes. Question existentielle à laquelle il accorde un rôle essentiel.

            C’est pourquoi, écrit-il, corrigeant dès les premiers vers du recueil, Héritage du souffle, les premiers mots de la Genèse, Au commencement, ne furent pas le   «Verbe», mais la résonance. Ajoutant aussitôt : pour exister / le verbe / s’y adossa / il lui fallut / au préalable / gravir le souffle. Ainsi, le v(V)erbe, parole faite chair, ne saurait-il prendre corps qu’après la manifestation d’une résonance initiale qui, conduite par le souffle, fleurirait en verbe. Et qu’est-ce que la quintessence de la poésie, ce verbe primordial, sinon ce qui, avant même de se faire phrase, est cette obscure résonance que la voix, portée par le souffle, traduit en rythmes et scansions ? Ce souffle qui, ajoute le poète,  devint ensuite stances / et paraît-il / parole / parure ou creusement. Creusement, pour sa part, dans le sombre terreau de l’imaginaire, car l’imaginaire est terre d’accueil pour le songe dont notre vivre se nourrit tout autant que notre mémoire : un rythme un souffle / en nos vies argile / pour modeler nos songes / immémorables. Et la parole du poème est aussi, en effet, ce qui nous ouvre à notre espace intime, à ses inconnaissables profondeurs (mon souffle dans la nuit / et la nuit dans l’énigme), ce vers quoi les mots (puisque nous n’avons qu’eux) font passage, cette matière d’imaginaire fondamental d’où naissent les « images », lesquelles renouvellent l’appréhension du mot aussi bien que l’approche de l’objet qui les a suscitées, en redonnant commencement au monde. Aussi Jean-Louis Bernard peut-il écrire, muette la ténèbre / la bonne /genèse pure, avant d’ajouter : devant moi ces lieux / inconnaissables / où la lenteur / abreuverait peut-être / mes cavales d’oubli.

           L’écriture poétique de Jean-Louis Bernard cherche donc, entre seuil et passage, se cherche, quête inlassablement la source d’elle-même, cette lointaine et mystérieuse résonance, conduit par ce désir sans illusion qui bâtit une à une les pierres du chemin, sur fond de brumes et de solitude. Elle est celle d’un homme qui va vers l’improbable lieu qui recèle le sens introuvable des choses, d’un homme que l’exil condamne à une nomadisation sans feu ni fin, pousse à ne demeurer qu’un être d’éternelle errance, étranger à lui-même. Sa parole est ce fil d’Ariane qui suit les méandres d’un labyrinthe, qui ne mènent vers d’autres issues que celles où le conduit son souffle, à travers les décombres des jours. Peut-être vers ce qui nous hante et subsiste, perdu, en nous, du langage des origines : J’écris / les mythes et les rites / et mes racines nomadisent / dans l’évanescence / du feu. Cependant, se demande le poète, en relançant par là le sens même de sa quête : l’héritage du souffle / est-il pour l’arbre / ou pour le vent ? À quoi il se hasarde cependant à répondre : Le poème / au péril du naufrage / vogue, en nuançant ainsi sa réflexion, grand silence blanc / du poème / où guette furtive / l’harmonie d’avant le monde.

          Mais l'errance doit faire route en compagnie de la mélancolie, ni tristesse ni nostalgie, mais « mélancolie créatrice », qui n'a rien à voir avec les ténèbres mais tout avec l'obscur – seule manière en vérité de retisser la relation avec tout ce perdu, disposé alors à l'accueil de la blessure originelle, seulement accessible à qui a répondu à l'appel silencieux des signes pour essayer de dire par le chant l’impermanence du rivage / et la clarté / des abysses.

            Aussi, dans une nuit qui s'épaissit, n'est pas encore devenue ténèbres, à travers les régions indéterminées de la quête, les yeux fermés tâtonnent vers leur source et ne fonctionnent plus qu'au souvenir, au plus loin de lui-même, en-deçà de toute mémoire, celui que laissent sur les lèvres les échos disparus d'une langue oubliée, celle d'avant les mots, à l'aube du langage. C’est pourquoi il nous reste / à redescendre / vers ce qui s’abrite / au-dessous du réel / l’obscur et l’abyssal / du monde.

            Si la nuit est son territoire, l’incertitude est son chemin, ses questions et ses doutes son plus sûr viatique. Jean-Louis Bernard n’écrit pas pour « comprendre », car il n’a aucune réponse à offrir sur ce qui nous maintient entre exil et errance, mais pour dire et pour exister par la résonance des mots qu’il assemble dans la chair du poème, ces mouvements de langue, de lèvres et d’air, qui tentent, non de déchiffrer, mais au moins de restituer la parole indicible du monde, dans une parole chair / à l’affût des / réminiscences.

    C'est ainsi que se met en branle le travail du regard, que les yeux s'abandonnent, se fardent d’inconnu, pour mieux valoriser le regard du dedans, et simultanément arrachent l'ombre à la préhistoire de son langage, en allant pour cela où le regard ne porte pas, en allant quérir / l’écheveau des nuits / pour un improbable / démêlage, et inventer des notes de ténèbres / pour dire la clarté. Ainsi peut-on faire céder l'inaccessible, ou tout du moins tâcher de le transformer en étoile guidant le chemin, en le scrutant jusqu'au plus loin, jusqu'à ce que les yeux s'en détachent et poursuivent seuls l'ascension, car vision et aveuglement sont ici les faces jumelles de ce même chemin où la lampe / n’attend plus que nous / pour capter les éclairs / qui nous traversent.

         En vérité, notre mémoire est plus ancienne que nous-mêmes, feuilleté d'innombrables couches de temps entrelacés, et il nous faut la convoquer pour pouvoir parler de l'instant, chercher l'évanescence de ce qui se passe dans l'immobilité du temps, et arpenter / mémoire blanche / l’aride corridor / où l’herbe s’absente, où chaque grain / y a valeur de monde, où toute fin / y est commencement. Comme il nous faut aussi convoquer ces réminiscences dont on devine qu'elles nous construisent, puis nous transmuent en ruines sur lesquelles on marche, comme on le fait parmi les rues des villes dévastées, de celles divisées, mais où l'errance poétique, arpentant de sombres décombres, ou se nourrissant des décors du désastre, y puise ses ressources, jusqu’à cette blancheur qui porte l’écriture. Autant d’images, ramenées du voyage / dans l’hiver intérieur / sous la bannière des présages, évidentes et mystérieuses, mouvements invisibles, imprévisibles et migrants, mis à jour et meurtris dans leur saisissement, comme autant de miroirs qui nous brisent, de corps qui se dissolvent, déchirant leur blancheur, comme le fait la brume aux ramures grises des arbres. Et il ne nous faut, pour les susciter, qu'accepter de se perdre dans son regard, comme l'on accepte de suivre son ombre qui s'avère une exploratrice plus assidue que l'être qui lui est attaché. Il nous faut alors regarder alors ces images sans craindre qu'elles nous transforment en statues de sel ou de pierre, ni qu'elles disparaissent, nous laissant nus et seuls face à la faille du silence et démunis face au néant. Ne nous reste alors qu’à graver gravir / songes moissonnés / sur les pentes des origines sur lesquelles l’inoublié s’attise /au riant des fontaines / à leur murmure inexorable.

           Le chemin poétique de Jean-Louis Bernard nous invite à marcher en bordure d’abîme, rien n’y est balisé qui nous assurerait d’un but, tout y est incertain, et tout nous y égare car cet égarement est le sens même des chemins d’existence et notre seule raison d’être, car toujours nos égarements nous ramènent / à l’inapparu du chemin. C’est-à-dire au mystère de la vie même. Et il ajoute, quelques pages plus loin : la voie / est pure distance / ne pas la parcourir / simplement la / chercher. Quête incessante et inlassable, comme nous l’écrivions plus haut, à travers ces poèmes, composés de vers brefs, dépouillés de tout inutile, finalement de peu de mots. Mais une frappe obstinée, un rythme pour que cela tienne, cet effet d’une sourde énergie, de cette fatigue que le poète impose au langage, comme on brise les mottes d’un champ pour remuer et aérer la terre. C’est une poésie amincie à l’extrême et forgée à l’enclume de l’essentiel, comme aiguisée au feu d’une persévérance qui entend continuer à refuser d’être vaincue. Même si, debout exténué / le poète s’obstine à sa parole / pour dire / l’impossible parole, même s’il sait qu’en jetant sur le blanc de la page ses phrases en péril / sincères et / inconsolables / aux rides du poème / s’accroche l’incertain.

    Mais la poésie de Jean-Louis Bernard ne cherche pas à nous consoler. Elle se contente de parier pour une requalification du monde et des hommes qui y vivent en tâchant d’y trouver quelque sens. Une poésie qui avance, hésite, trébuche, tombe, se relève toujours. Qui opère en rase-mottes du temps et des choses, et dont la lumière tremblée, intermittente toujours, lutte avec la porte fermée des jours. Pour passer. Dessous. Au ras. Éclairer, par la seule force du non-renoncement – et celle, selon la formule de René Char, de ce « désir demeuré désir » –, les seuls chemins qui mènent / à ce qu’on ne voit pas, et qui seuls valent la peine de travailler à vivre.

     

    Michel Diaz
    D.R. Texte Michel Diaz
    pour Terres de femmes

    _____________________________

    ♦  Voir Michel Diaz sur  →  Tdf 

     

     

     

    JEAN LOUIS BERNARD

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Bernard, Héritage du souffle Éditions Alcyone 2024

     

     

     

     

     

     

     

  • Clément Bollenot / Ici l’horizon

       << Poésie d'un jour

     

     

     

     

    HORIZON

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Aquarelle de Dominique Brisson /  en voir d'autres →ICI 

     

     

     

     

    ici
    on ne compte plus les cargos pour s’endormir
    le rail
    a pris le large
    au-delà
    de l’horizon

    l’horizon au-delà de la route c’est une tranche de vert
    une autre de fleurs
    des fougères
    et puis
    les bleus camaïeu
    ligne limpide
    sans voiles ni nuages
    la silhouette lointaines des Pierres-Noires
    pour ne pas oublier
    la peine à fleur d’eau

    l’horizon est un doute
    sur le chemin à suivre
    un équilibre précaire
    sur le fil du rasoir

    ici
    j’ai l’impression d’être
    quelque part
    où nous ne sommes pas
    dépouillés
    du sens
    du sel
    de l’existence

     

     

     

    Rizon

     

     

    Clément Bollenot, Ici l’horizon, Aquarelles de Dominique Brisson, le chat polaire 2023, pp.36, 37, 38, 39.

    381008375_10163293566476038_4361439634519143627_n(1)(1)

    Clement-Bollenot

     Source 

    Non-lieu, Œuvres de Juliette Choné, Collection Grand Ours, L’Ail des ours/ n°13

     

     

  • Matthieu Freyheit / tout près les dinosaures

       <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    DIPLODOCUS

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Source 

     

     

    ce soir nous sommes septembre

    s’élève la pooussière

    le soleil n’y entrera plus
    tu ne m’aimes plus

    chante le   in  saur
    prêt à la recevoir
                   d

                                    e

    (Jean-Loup Labadie, La Chanson d’Hélène.)

     

     

    l’histoire n’est pas longue

    et puisqu’il faut grandir
    ou qu’il faut
    disparaître

    j’ai décidé qu’un jour
    avec mon  i  osau e
    pour aimer la rivière
    et poinçonner le ciel
    nous serions des cranards

    alors
    tout irait bien

                       d

    les  i   s ur s n’ont pas
    besoin que’on les raconte
    ni même
    qu’onn les remonte

    ils savent que pour
    toujours
    et que quoi qu’on en dise
    ils ne saervent à
    rien

    alors ils se
    déguisent
    et laissent derrière eux
    pour des millions d’années
    comme un
    mot
    sur dune table :

             o

    Et là, dans cette nuit qu’aucun rayon n’étoile,
    L’âme, en un repli sombre où tout semble finir,
    Sent quelque chose encor palpiter sous un voile…
    C’est toi qui dors dans l’ombre, ô sacré souvenir !

    (Victor Hugo, Tristesse d’Olympio.)

     

     

    Freyheit-Couv1

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Matthieu Freyheit, tout près les dinosaures, Faï fioc 2023, pp.71,72,73.

     

     

     

     

  • Sabine Huynh / Prendre la mer

     

     

     

    Vietnamese-Boat-People-Monument-Vi-Vi-Vo-Hung-Kiet-2019

     

     

     

     

     

     

     

     

    Source 

     

     

     

     

    Civilian the war is supposedly human
    military too especially and losing is what
    if not those we love when the swallows depart
    stateless the ghosts struggle empty-mouthed
    the sea all around between reflections and shards
    a retina wounded where our fawns lie
    eyelids soft and closed – asleep ? the mothers
    don’t sleep they stand vigil marvelous lanterns
    vigilant and glowing the mothers lay down
    the weight of the bodies on their forehead in their bones
    the shame of still being of this species that kills its young
    recognize that each chikd who dies is my own child
    Anna Akhmatova understood it the silence
    of mothers was that of the dead to come.

    Alone they remain, alone with their torments.

    Civile la guerre il paraît c’est humain
    militaire aussi surtout et perdre c’est quoi
    sinon ceux qu’on aime au départ des hirondelles
    apatrides les spectres luttent à bouches nues
    autour de la mer entre reflets et filandres
    une rétine blessée où gisent nos faons
    paupières douces et baissées – dormir ? les mères
    ne dorment pas elle veillent lanternes mer-
    veilleuses et auréolées les mères allongent
    le poids des corps sur le front dans la moelle la honte
    d’être encore de cette espèce qui tue ses enfants
    entends chaque enfant qui meurt est mon propre enfant
    Anna Akhmatova l’a compris le silence
    des mères est celui des morts de l’avenir.

    Seules elles restent, seules avec leurs tourments.

     

    Prendre la mer

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sabine Huynh, Prendre la mer, 60 sonnets pour les Boat People, Avec une traduction en anglais (Etats-Unis) d’Amy Hollowell,
    Editions Bruno Doucey, 2024, pp.84,85.

     

     

    Sabine-Huynh (1)

     

     

     

     

     

     

    ♦ Sabine Huynh sur  →  Tdf 

     

     

  • Jean-Louis Giovannoni / Choix de poèmes

            <<Poésie d'un jour

     

     

                                                                        

     

     

    MITORAJ

               

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " On t’a donné des yeux pour te perdre"

    PH. → G.AdC 

     

     

                               à Raphaële George et Claude Margat

    De quelle scène suis-je le regard
    pour quelle vision
    m’a-t-on fait venir en ce monde

                                                   °

    On t’a donné des yeux pour te perdre

                                                   °

    Tu parles, tu dis
    mais seul l’effacement de ta parole
    fait chemin vers l’autre rive

                                                    °

    Rien ne t’écoute
    ainsi commence l’entrée dans ce monde

                                                   °

    Et si aller en ce monde
    N’était qu’un immobile voyage

                                                   °

    Tu écris, peut-être, pour voir
    ce que tu ne pourras pas retenir

                                                   °

    Peut-être ne peut-on dire vraiment
    que ce qui s’éloigne

                                                   °

    Nous lisons bleu
    alors que le ciel
    est une pierre changeante

                                                   °

    Si on t’enlevait la douleur
    aurais-tu toujours un corps

                                                    °

    Parmi les mots que tu écris
    y en aura-t-il un seul
    qui t’ouvrira le chemin
    de ce que tu ne peux voir

                                                   °

    Quand seras-tu en toi
    comme vent dans le vent

                                                   °

     

     

     

    GIOVANNONI

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Giovannoni, « Ce lieu que les pierres regardent » in choix de poèmes, Éditions Unes 2024, pp.51,52,53.

     


    JEAN-LOUIS GIOVANNONI

    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source

    ■ Jean-Louis Giovannoni
    sur Terres de femmes ▼

    → [Aucune sortie possible] (extrait d’Envisager)
    → Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
    → Envisager (lecture de Tristan Hordé)
    → L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare (lecture d’AP)
    → [Vue imprenable] (extrait de L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare)
    → Voyages à Saint-Maur (lecture d’AP)
    → [Huitième voyage à Saint-Maur]
    → Îles circulaires
    → [Il faut si peu de chose]
    → Issue de retour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Issue de retour (lecture d’AP)
    → [Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant] (extrait de Journal d’un veau)
    → [Le jour se lève] (extrait de Sous le seuil)
    → Mère
    → [Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
    → [Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
    → [Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
    → Sous le seuil (lecture d’AP)
    → [toujours cette envie de t’ouvrir]
    → [Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
    → [Troisième voyage à Saint-Maur]
    → Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (lecture d'AP)
    → Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (lecture d’AP)

     

     

     


     

     

  • Guillaume Dreidemie / Le Matin des Pierres / Lecture de Michel Ménaché

    Guillaume DREIDEMIE, Le Matin des Pierres
    → La rumeur libre éditions, 2024
    Lecture de Michel Ménaché

     

     

     

     

    Photo-Guillaume-Dreidemie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Guillaume Dreidemie  / Source photo 

     

    Dans Le Matin des pierres, son premier recueil, Guillaume Dreidemie cultive le minimalisme d’une poésie ludique qui recherche subtilement la complicité du lecteur, sollicitant son attention aux références culturelles livrées à demi-mot. Il passe d’une vraie ou fausse confidence grave atténuée par l’humour : « Ce matin ? / Corps perdu. / Simple présent / D’une blessure » à un autoportrait-fantôme nonsensique : « J’ai perdu mon refrain, / mon visage, / oh il n’avait pas d’âge, / ce n’était qu’un dessin. » Pince sans-rire, il confie : « Je ne la retiens pas, / je sais que je pars avec elle. »

    Derrière la légèreté apparente, il décrit en quelques touches la nature dégradée, un monde qui se défait, la vie en lambeaux qui retourne à la froideur minérale : « Il n’y a plus de roses, détache des branches / les feuilles mortes. La chair empiète / sur le matin des pierres. » -Matin premier ? Matin dernier ?-. L’énigme annoncée dès le titre est livrée à l’appréciation du lecteur… L’auteur en philosophe, d’un aphorisme stoïcien nous invite à la mesure en toute chose, voire à l’essentiel : « On ne peut rien / Que tenter de guérir. »

    Le recueil est composé en quatre parties. La troisième est intitulée « Vertèbres » et l’on verra que l’ensemble par là tient debout… Si le poète cerne la condition humaine par le menu, c’est à la manière noire d’un Cioran : « nous sommes des noyés accomplis / nous avons toute la grâce du chien trempé / nous avons même l’odeur ». Ou bien, avec la même comparaison : « dans la rue les gens nous confondent avec les chiens / pourtant nous avons de très beaux manteaux. » Héritier de Baudelaire, en écho à la « charogne infâme », ou au « chat mort » qui roulait à ses pieds, il établit des correspondances en récoltant « des vertèbres » en forêt, comme pour se rassurer lui-même, ou « un ami », d’avoir conservé les siennes ! De l’empreinte morbide à l’empathie, un rien de dandysme ne nuit ni à l’esprit, ni au poème…

    La dernière partie, « Retour », renvoie d’abord à la fin mythique du philosophe Empédocle, banni, et qui se serait précipité dans l’Etna : « Une nuit de brume / Le sage s’est enfui / Est-ce sa sandale / Au bord de l’abîme ? » Quant aux dieux, le poète s’interroge : « Ils ne croient plus en nous ; / Qui d’eux ou de nous / A rompu le lien ? » -Vaste question ! -Ou superstition primitive à tout jamais sans réponse ? De l’arbre de vie à « l’arbre-monde » Guillaume Dreidemie file la métaphore, renouant telle l’araignée avec le thème originel, et prend en poète un engagement audacieux :

    « Au moment où je retrouve le rivage,
    Cet arbre
    À l’ombre franche…
    Sur cette misère de la pierre
    Je rebâtirai
    L’atelier du poème
    Comme au seuil du Temple
    Un nouveau jour… »

    Essai prometteur d’un poète, « araignée miraculeuse », qui tisse finement sa toile… 

     

    Michel Ménaché pour Terres de Femmes 

    _________________________________

     

    Le_matin_des_pierres_dreidemie_guillaume_cover

     

     

     

     

     

     

     Note de l'éditeur → la rumeur libre