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  • Gilles Fortier / Nos ombres font parfois des lumières (2015-2025)

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    Grains-de-Lune-1-Gilles-Fortier(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il y a celui que je crois perdu
    Et l’autre qui me semble si fort
    Au final je me trompe

    Il y a ici
    J’y vis depuis si longtemps
    que tout est moi
    et je me surprends à respirer ailleurs.

    Il y a des chiens séquestrés
    Dans des jardins tondus
    Qui aboient la liberté
    Dont ils ne sauraient que faire

    Il y a le cerveau meurtri
    Qui ne s’éveille que dans les rêves
    Savoir sans reconnaître et l’enfance
    Si lointaine

    Il y a trop d’étés empilés
    Et les algues abondent
    Sur la grève

    Il y a cette vie qui a cessé depuis longtemps
    Et celle-là qui ne veut pas commencer

     

    J’ai dû en route oublier
    Quelques raccourcis de l’enfance
    Les chemins creux cachés d’une branche
    Les lieux perdus étaient comme des îles, bien loin,
    Sans ces liens intimes que nous savions par cœur

     

    Comme dans un rêve
    Je te sais avec moi
    Je me retourne
    Comme dans un rêve tu n’es plus là
    Je chasse les noires corneilles
    De mes yeux endormis
    Je tais les rires et leurs éclats
    Projetés au visage
    Comme dans un rêve je sais tout ça

     

    Thumbnail_IMG_2121

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Gilles Fortier, Nos ombres font parfois des lumières (2015-2025, Gravure d’Olivia Quintin, « Grains de lune »,
    La Lune bleue – Trouées poétiques, 2025, pp.7,13,18.

     

     

     

    Gilles-FortierNé en 1973, Gilles Fortier vit à Vannes, en Bretagne. Publié dans plusieurs revues dont Gustave, Arpa, Spered Gouez, il a collaboré à des livres pauvres et à des livres d’artistes dont Mentir de travers avec Yves Jousse (Collection L3V) et La douleur d’être saule avec Yvon Daniel (CMJN, 2017). Musicien, poète, certains de ses textes ont été mis en musique : un album intitulé Arythmie paraît en 2022. Il anime également une émission littéraire de lectures et d’interviews sur radio Larg’. Gilles Fortier inaugure avec Lydia Padellec, la collection DUO L, avec Ce que tes lèvres disent (La Lune bleue/ Trouées poétiques, 2022).

     

     

  • Maya Angelou / Rien ne me fera plier

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Taï-Chi-dessin

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " tes mains
    affamées écrivant des urgences Tai-Chi "

    source

     

     

    Love letter

     

    Listening winds
    overhear my privacies
    spoken aloud (in your
    absence, but for your sake).

    When you, mustachioed,
    nutmeg-brown lotus,
    sit beside the Oberlin shoji.

    My thoughts are particular :
    of your light lips and hungry
    hands writing Tai Chi urgencies
    into my body. I leap, float,
    run

    to spring cool springs into
    your embrace. Then we matche grâce.
    This girl, neither feather nor
    fan, drifted and tossed.

    Oh, but them i had power.
    Power.

     

    Lettre d’amour

    L’oreille des vents
    a surpris mon intimité
    exprimée à haute voix (en ton
    absence, mais pour ton bien).

    Quand toi, emmoustaché,
    lotus brun muscade,
    tu t’assieds à côté du paravent Oberlin.

    Mes pensées sont particulières :
    tes lèvres légères et tes mains
    affamées écrivant des urgences Tai-Chi
    dans mon corps : je bondis, flotte,
    cours

    pour faire jaillir de fraîches sources dans
    ton étreinte. Puis nos grâces s’accolent.
    Cette fille, ni plume ni
    éventail, a dérivé et basculé.

    Oh, mais alors, j’avais du pouvoir.
    Du pouvoir.

     

     

    MAYA

     

     

     

     

     

     

     

     

    Maya Angelou, Rien ne me fera plier, Édition bilingue, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui, préface de Leonora Miano,
    Éditions Seghers 2025, pp. 48, 49.

     

     

  • Angèle Paoli / Dans le clair-obscur de la page

                                                                                                                                                                                                                   << Mon poème du samedi

    Dans le clair-obscur de la page
    voilà que tu t’appliques
    à attraper le temps
    aujourd’hui
    pas dans ta vie à côté
    en retard tu montes
    tu descends
    où la lumière fuit

    DANS LE CLAIR-OBSCUR DE LA PAGE
    Ph., G.AdC

                les rideaux sont tirés
                à l’envers de ta vie
                la lumière tamise
                le secret des jours
                les reflets indécis
                clair-obscur de la page

    DANS LE CLAIR-OBSCUR DE LA PAGE
    Ph., G.AdC

                il a neigé
                dans le lointain des jours
                et la lumière luit
                à l’angle de la page
                feutré du clair-obscur
                silence de l’émoi

    CLAIR-OBSCUR

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph., G.AdC

                lequel de toi de lui
                a fermé à demi
                les volets des jours clos
                sur l’hiver de la page

    DANS LE CLAIR-OBSCUR DE LA PAGE
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Ph., G.AdC

     

     

    Je me penche alentour au-delà de la cage nimbée de blanc nimbée de noir lumière des jours clairs enclose au lent revers d’un passé sans ombrage cachée dans le dessin clair-obscur de la page je nage à la nuit presque au-delà du jour caresse de candeur et ma douce insolence se grise de parfums clair-obscur sans outrage sagement divaguant à l’ombre de la page.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli
    D.R. Ph. Guidu Antonietti di Cinarca

     

     

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  • Virgilio Giotti / soir

    << Poésie d'un jour

     

     

    Exil-2

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo: G.AdC 

     

     

     

     

    A mii fioi morti

    Ombre d’i mii fioi, prima
    che sparisso anca mi,
    stemo qua un poco insieme
    'na volta ancora, insieme
    ciacolemo e ridemo.

    Se gavè pianto, piànzer
    no’ ste più. Ormai sughèmose
    i oci tuti. Andeghe
    far’ una carezza a vostra
    mama. Piànzer no’ servi.

    Xe morti tanti tanti ;
    e papà e mame e fioi,
    tanti, ga pianto e pianzi.
    'Sto qua nassi nel mondo :
    nassi e xe sempre nato.

    Se no go savù darve
    tuto quel che bramavo
    in cuor, oh perdoneme !
    Del ben che de vualtri
    go’ vu, mi ve ringràzio
    adesso, qua, che ancora
    'na volta stemo insieme
    un poco, e insieme, come
    nei nostri ani bei,
    ciacolemo e ridemo.

     

    À mes fils morts

    Ombres de mes fils, avant
    que je disparaisse aussi,
    restons ici un peu ensemble
    une fois encore, ensemble
    bavardons et rions.

    Si vous avez pleuré, en pleurs
    ne soyez plus. Alors séchons
    nos yeux, tous. Et allez
    faire une caresse à votre
    mère. Pleurer à rien ne sert.

    Tant et tant de morts ;
    et pères et mères et enfants,
    tant ont pleuré et pleurent.
    Cela advient dans le monde :
    advient et est toujours advenu.

    Si je n’ai su vous donner
    tout ce que je désirais
    en mon cœur, oh pardonnez-moi !
    De l’amour que de vous
    j’ai eu, je vous remercie
    maintenant, ici, encore
    une fois restons ensemble
    un peu, et ensemble, comme
    en nos belles années,
    bavardons et rions.

     

    Soir(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Virgilio Giotti, « Parte treza/ Troisième partie » in Soir, Préface d’Anna Modena, traduit du Triestin par Laurent Feneyrou & Pietro Milli, postface de Laurent Feneyrou, Éditions Triestiana, 2024, pp. 84,85.

     

    Virgilio_Giotti

     

    Quatrième de couverture : Maître du dialecte triestin, de ses couleurs et de son rythme, Virgilio Giotti (1885-1957) réunit dans Soir les vers qu'il compose entre 1943 et 1948, alors que ses deux fils sont au front, que l'un y meurt et que l'autre n'en revient pas. Ce recueil, bouleversant, le plus court, est aussi son plus dense : seize titres seulement, qui dialoguent et se nouent. Des traits élégiaques demeurent, ainsi que quelques paysages, miroir de l'âme en peine. Mais s'y dessinent surtout la maison et la famille qui l'habite, ses joies simples d'antan, ses regards de plus en plus nostalgiques et ses malheurs à vif, comme un patrimoine humain de sentiments et de morale que préserve le poème.

     

     

     

    Photo :  wikipedia

     

  • Béatrice Bonhomme / Murmurations des oiseaux / Lecture de Michaël Bishop

    Béatrice Bonhomme/Murmurations des oiseaux
    La Rumeur libre éditions, 2025
    Lecture de Michaël Bishop

     

    Bonhomme_beatrice_mediumLivre des murmurantes présences du monde, de tout ce qui, sourdement, subtilement, intimement, nous parle, tantôt confusément, tantôt avec une chatoyante clarté, voix intérieure quoique si délicatement et si fertilement liée aux phénomènes qui sont : arbres, hirondelles, fleurs, insectes, vents, arômes, lumières, nuages, tout autre dont l’inoubliable présence nous hante –

    « Cette danse que l’enfant donne au monde
    Avec son corps de lumière » (31).

    Inscrire de telles expériences – et nous sommes loin de toute théorisation ici – implique une écriture du pluriel, une ouverture, un « entretissement », un « métissement » infiniment bariolé, constellé des sensations du vécu, ce que Béatrice Bonhomme ressent comme une « inséparation » de tout ce qui impacte le corps ou la conscience sous toutes ses formes :

    « J’étais inséparée du corps
    Inséparée du monde
    Des morts et des vivants. »

    L’acte d’écrire devient vite ici une préoccupation majeure des douze suites qui composent le recueil. Il est compris comme générant une immense et rhizomique arborescence des éléments du vécu, chaque suite ajoutant ses miroitements, ses visions, ses métaphoriques approfondissements à la musique, la rythmique « chorale » (131) du recueil. Inutile de souligner qu’au cœur même du poème écrit, tournoie, frémit quelque chose comme un sens indéfinissable, indéterminable, presque sauvage quoique plein de cette grâce dont témoigne toujours la poésie bonhommienne « dormeurs dans la vague des mots », lit-on dans la suite L’œil talisman (127). Et déjà, pour terminer la suite Murmurations, le poème déclare sa propre improbabilité où le tellurique, le terrestre épouse le chimérique, le fantastique, le « merveilleux » (139) :

    « Pour être inspiré, il faudrait être encore un peu bête
    Il faudrait être un peu oiseau, un peu coccinelle
    Être un peu vent et montagne, être folle comme une herbe. » (35)

    Écrire ainsi pour cette auteure de Dialogue avec l’anonyme (2018), Deux paysages pour, entre les deux, dormir (2018) ou Monde, genoux couronnés (2022) entraînerait un naturel, une simplicité puisant dans l’authentique intimité de l’expérience de son être-au-monde, un abandon de toute décorativité formelle ou expressive; oui, une touche de folie, de cette « bêtise » (35) dont parle aussi Rimbaud, cette intelligence de l’enfance, de son innocence, cette accueillante caresse sans présomption qui traverse, à titre d’exemple, les poèmes de mars-mai 1870, son Soleil et chair ou Sensation. Partout chez Bonhomme une certaine légèreté, un volètement, une perspective verticale, visant symboliquement et sensuellement un céleste, un tombal également et sans contradiction, un « éternel » que « tissent » et « brodent » – termes qui parsèment le recueil – choses et mots compris dans ce fusionnement ontologique qui hante chaque page. Si persiste une conscience fatale, viscéralement mémorialisante, comme ailleurs dans les recueils de Béatrice Bonhomme, écrire demeure ce geste donnant corps à une « annonciation / où se poursuivent des travaux de l’infime » (61) – travaux, bonté et amour de tout ce qui est – s’incarnant en chaque syllabe. Nombreux ici les poèmes qui évoquent cet infime inséparable d’une innommable vastitude.

    Voici le poème liminaire de la suite « L’arbre-enfant », où l’écho rimbaldien se fait de nouveau entendre :

    « Les arbres portent le secret d’un sang qui coule
    Le genou ou le coude
    Blessés de gomme
    Résine qui se mâche dans la main
    Amande crue en croûte de lait.

    Les arbres fleurissent mimosa
    Pleins de bonbons roses ou jaunes
    Pleins de coton ou de duvet
    Ce sont des saules pleurant à terre
    Ou les amandiers d’une enfance.

    On y devient arbre et ciel
    On fête sept ans
    Branche et rameau
    Pluie.
    On y devient tronc et feuilles 
    On y devient dans le matin
    Comme l’air bleu qui se respire. » (65)

    Ce qui étonnera peut-être, c’est que, plus loin, dans la suite « Mots d’enfance » (85-97), le poème semble vouloir exiger un lexique plus rugueux, plus « violent », cassé, « contorsionné », « tordu », « amput[é] d’une patte comme des araignées / […] mutil[é] d’un œil ». Mots de l’enfant désireux sans doute d’autre chose, rebelle, rieur, innocent pourtant dans sa recherche d’une nomination adéquate aux turbulentes, secrètes et éblouissantes formations et transformations de tout ce qui est. Mais, si la mort, la souffrance, les grands défis de l’existence ne cessent de jouer un rôle déterminant dans la poétique de Béatrice Bonhomme, son lexique ne frôlera une telle véhémence ou déchaînement que de façon imaginaire, par le biais d’une volonté conditionnelle – « on voudrait ouvrir le ventre des mots, les opérer, les autopsier »; « on voudrait en faire naître d’autres / jamais utilisés, jamais compris » (87). C’est le signe, me semble-t-il, d’un difficile mais fondamental consentement qui donne la préférence au péan, à la louange, à un vocabulaire de la caresse, de la douceur, de la gratitude, refusant toute tentation de lacérer, d’accuser. Optant pour un langage de bienveillance, d’humilité, de confiance même, ceci malgré mais simultanément pour ce qui est vécu ou vivable, le mystère, le sentiment de « l’anonyme », de l’innommé, l’emportant sur tout jugement définitif par rapport à l’être, et s’élaborant au sein du sentiment d’une intime symbiose de l’esprit, du cœur, de leurs mots ressurgissant, implacablement, instinctuellement.
    Ce serait sans doute « l’œil talisman » (121) de l’inoubliée enfant de sept ans qui, intériorisant le vu, le vécu – par le biais du rêve, de l’inventé, du magiquement senti – pour l’extérioriser, le rendre « légende », poesis, « récit merveilleux… sans « plus aucune frontière », « corps pétri de lettres et de dessins / Un corps hybride pour tous les corps à hauteur de planète » (139-40). Murmurations des oiseaux : chant choral du cœur plutôt que de l’intellect tel que l’on peut le concevoir, le diminuant, n’y voyant pas de synonymie, d’ « inséparation ». Et cousant, recousant, don sur don, grâce sur grâce.

  • Pascal Commère / Cenelles…

    <<Poésie d'un  jour

     

     

     

     

    Cenelles1

     

     

     

     

     

     

     

    CENELLES

    C’est à Jules Renard que je dois
    d’avoir lu pour la première fois le mot cenelle,
    découvrant, non sans surprise tant l’écart
    était grand, ses deux syllabes à l’écrit,
    quand à l’oral dans notre langue châtiée
    il n’en laissait entendre qu’une, à l’image
    du noyau unique serti dans la chair
    fade, et qu’on recrache lèvres serrées,
    surpris, si ce n’est contrarié. Aujourd’hui
    qu’elles émaillent de rouge les buissons-
    si abondantes, si légères, je persiste
    malgré moi dans ma diction, incapable
    de leur rendre leurs deux syllabes, ce e
    qui, ravalé, les rapproche de nous, vives
    soudain à portée, quoique touchant au ciel.

     

     

    ***

    Un ru

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    UN RU

    Ne juge pas du bien fondé du poème
    avant d’en avoir transcrit les premiers mots
    quand bien même ils peineraient à resserrer
    le lien qui te relie au monde, n’exige
    pas de lui qu’il affiche d’emblée sa mine
    réjouie de premier de la classe, laisse
    la trame se constituer, les fils entre eux
    s’entrecroiser, se nouer, ce n’est jamais
    après tout qu’une histoire entre toi et lui,
    histoire de presque rien c’est vrai, incluse
    elle-même dans une autre plus infime
    encore et ainsi de suite, tant le poème,
    imprévisible en soi se cherche, un temps croise
    le dédale, unique origine, le fleuve
    bien souvent n’est autre à sa source qu’un ru.

     

     

    ***

    Mains

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    MAIN DANS LA MAIN

     

    De l’enfant qui posait ses pas le dimanche
    sur cette route, tu ne sais rien – ou si
    peu, sinon que ses pas le conduisaient là
    où aujourd’hui les tiens te ramènent, sans
    qu’entre-temps ait changé le gravier crissant
    sous ta semelle, pas plus que dans tes yeux
    les haies, ni les bêtes, à travers qu’on voit
    et qui peut-être te reconnaissent, va
    savoir – mas pourquoi cette image d’un fils
    et d’un père, aujourd’hui, dis, pourquoi, de dos,
    sur cette route, main dans la main, qui marchent…

     

    Photos : Google images 

     

    Contre-allees-n°-50

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pascal Commère in Contre-Allées, Revue de poésie contemporaine, n° 50, Printemps 2025,pp.2, 3, 7.

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    PASCAL   COMMÈRE

    Commere

    source

    ■ Pascal Commère
    sur Terres de femmes ▼

    → Garder la terre en joie, Peintures originales de Djamel Meskache, Tarabuste Éditeur, 2024, Lecture d’Angèle Paoli
    → « Le voyage de la mère » in Garder la terre en joie, Aquarelles Djamel Meskache, Tarabuste Éditeur 2024
    → [La courbe des fumées là-bas] (poème extrait de Territoire du Coyote)
    → [Blanche, la gelée aux quatre coins] (poème extrait de « Songe du petit cheval déplacé en terre franque »)
    → Mémoire, ce qui demeure (note de lecture d’AP)
    → Lettre de la mère (extrait de Mémoire, ce qui demeure)
    → Sur la poussière
    → [Crayonné paysage] (poème extrait de « Sur une ligne de crête en Toscane »)

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur reflets de lumièreJoseph Beuys – Coyote
    → (sur Terre à cielune page consacrée à Pascal Commère (nombreux extraits + notice bibliographique)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Pascal Commère
    → (sur le site de France Culture) Pascal Commère dans Ça rime à quoi de Sophie Nauleau (émission du 13 mai 2012)

     

  • Ouladzimir Stsiapan / Mouettes au-dessus de Minsk

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    FLAG

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photographie d’Alain Blancard

     

     

     

    ЖЫцця не хопіць
    pасказць…Пра малую
    pаку – Вушачку.

     

      La Vouchatchka

      Cette petite rivière –
      une vie ne suffirait pas
      à la raconter.

    Дождж …Пры дарозе
    Маліну мокрую ем –
    Несалодкую

                Pluie … Au bord de la route
                je mange des framboises mouillées –
                pas sucrées du tout.

    АлЬховы лісток
    cтраказу первозіцЬ
    на той бок ракі.

                Une feuille d’aulne
                emmène une libellule
                vers l’autre rive.

    Разам з мурашом,
    што ВЫпаў з букета,
    чЫтаем Басё.

               Cette fourmi tombée
               du bouquet et moi, ensemble
               nous lisons Bashô.

    У ш϶рЫм небе
    гусi ляцяЬ над Менскам.
    Пачатак казкi.

               Ciel gris. Un vol d’oies
               au-dessus de Minsk. Début
              d’un conte de fées.

     

     

    MINSK

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ouladzimir Stsiapian, Mouettes au-dessus de Minsk, Poèmes traduits du biélorusse par Danièle Faugeras et Yana Hultsiayeva, Photographie d’Alain Blancard, PO&PSY, Éditions Éres 2025, pp.36, 39, 40, 42,48.

     

    PORTRAIT

     

    Ouladzimir Stsiapan, né en 1958 à Kastsioukowka, en Biélorussie, est un artiste, écrivain, poète et journaliste biélorusse.
    Diplômé de l’École des arts de А. Hlebaw, puis de l’Académie desarts de Biélorussie, il a pratiqué le graphisme de livres.
    Pendant presque 20 ans, il a travaillé pour la télévision biélorusse à la rédaction des programmes littéraires et dramaturgiques, en tant que rédacteur en chef, auteur de programmes, présentateur, scénariste de documentaires et de longs métrages.
    Il est surtout connu comme un maître de la prose. Il est l’auteur de recueils de nouvelles, dont certains ont été primés, et de deux romans.
    Sa prose et ses poèmes ont été traduits vers le russe, l’ukrainien, l’anglais, l’allemand.

     

     

     

     

  • Muriel Stuckel / Éclipse de mer

     <<Poésie d'un jour

                                                                                                                                       

     

        

    La mer

       

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photo G.AdC

     

     

     

    ÉCLIPSE DE MER

    Comme si le fait d’écrire était une chose qui m’advînt
    Fernando Pessoa

     

    Que ne suis-je parcelle
    du poème qui palpite

    quand fougueuse éclaboussure
    spirale de vagues convulsives

    par l’effondrement
    d’une voûte houleuse

    le souffle des profondeurs
    m’anéantit

    moi l’insondable

                      *

    L’écume impétueuse je propulse
    les sables séditieux je déchaîne
    l’infime goutte je projette

    plus avant plus loin
    jusqu’à dissoudre

    soif de l’ailleurs
    et jouissances des limites

                        *

    Et de la terre et du ciel
    et du ciel et de ce que je fus

    moi la mer insondable
    moi la mer immémoriale

    avec le défi de l’éclipse
    sur la vague vagabonde

                      *

    Moi la mer entre deux terres

    ne me suis-je engloutie
    reformant les arches d’antan

    pupilles stellaires
    suspendues

    en cette éclipse
    qui instaure
    peu à peu

    vibratoire

    le supplice du vide majuscule

    *

    Contre la scansion du néant
    les pas vacillants du poème

    dans la fureur du silence
    les balbutiantes syllabes

    de l’éclipse de mer

    et leurs ardeurs d’envol
    au creux vif de la vague

                      *

    Quand le poète de l’instant
    prenant le temps à deux mains

    bouscule l’éternité meurtrie
    chavire l’immensité dénudée

    que ne suis-je parcelle
    du poème qui palpite

                     murmure la mer

                     *

    La mer entre deux terres
    élancée soulevée précipitée

    le temps du poème

    pas de fracas étincelant

    tout au plus
    les embruns des mots

    qui frêles parfois fulgurent

    là dans la mer
                    entre deux terres

                       *

    Serait-ce pour les relier en secret
    retracer les arches incandescentes

    d’une Atlantide du fond des âges

    que ne suis-je parcelle
    du mythe qui palpite

                   sous le souffle du poème
                      juste avant son éclipse

    Muriel Stuckel, Fragments d’un livre d’artiste, avec des eaux-fortes de Liliane-Eve Brendel in Le Journal des Poètes 1. 2024, 93è année, Éditions Le Taillis Pré, pp. 60, 61, 62, 63.

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     MURIEL STUCKEL

    Muriel Stuckel 3

         ■ Muriel Stuckel
         sur Terres de femmes ▼

     

    Petite Suite Rhénane | Kleine Rhein-Suite, éditions Philonar, 2016.
       Traduction d’Eva-Maria Berg. Eaux-fortes de Liliane-Ève Brendel.
    Eurydice désormais, Voix d’Encre, 2011, page 34. Illustrations de Pierre-Marie Brisson (œuvres). Préface de Hédi Kaddour.
    Dans la césure de tes poèmes (extrait de L’Insoupçonnée ou presque
    → [Demeure précaire] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
    → [Sous le pas d’une ombre vive] (autre extrait de L’Insoupçonnée ou presque)
    → La poétique des failles chez Muriel Stuckel (Chronique d’Isabelle Raviolo)
    → [Ce n’est pas tant] (extrait d’Eurydice désormais)
    → Le risque de la poésie (autre extrait d’Eurydice désormais)
    → [Sous la courbe de la phrase] (extrait de Du ciel sur la paume)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) La poésie échappée


    ■ Notes de lecture de Muriel Stuckel
         sur Terres de femmes ▼

    → Jacques EstagerDouceur
    → Gunvor HofmoTout de la nuit est sans nom
    → Stéphane SangralCirconvolutions

  • 9 juin 1898/ Naissance de Curzio Malaparte

    Éphéméride culturelle à rebours

     

     

     

     

    MALAPARTE

    Image de G.AdC 

     

     

     

    Kurt Suckert de son vrai nom, Curzio Malaparte (antonyme de Bonaparte) (* NB )  est né à Prato en Toscane   le 9 juin 1898 (mort à Rome le 19 juillet 1957). Il est l’un des noms les plus marquants de la littérature italienne de l’entre-deux-guerres.
    Son expérience de correspondant de guerre pour le Corriere della Sera notamment, sur le front du Nord de l’Europe -Ukraine/Finlande/Pologne (de 1941 à 1943) – lui inspire le récit de Kaputt, œuvre majeure, représentative de la riche et foisonnante personnalité de l’écrivain.

    Roman crypté, Kaputt – dont le titre emprunté à l'hébreu Koppâroth signifie « victime ». Au sens littéral, il est traduit par les termes « brisé, fini, réduit en miettes ». Il « ne saurait mieux indiquer ce que nous sommes, ce qu’est l’Europe, dorénavant : un amoncellement de débris ».

    Le récit est composé de six parties aux intitulés surprenants :

    Les Chevaux / Les Rats/Les Chiens/ Les Oiseaux/ Les Rennes / Les Mouches.

    En tout, 19 chapitres, répartis dans chacune d’elles.

    Dans le chapitre préliminaire « Histoire d’un manuscrit », Malaparte définit son œuvre comme « un livre horriblement cruel et gai. Sa gaieté cruelle est la plus extraordinaire expérience que j’aie tirée du spectacle de l’Europe au cours de ces années de guerre. Parmi les protagonistes de ce livre, la guerre n’en joue pas moins le rôle d’un personnage secondaire. Si les prétextes inévitables n’appartenaient pas à l’ordre de la fatalité, on pourrait dire qu’elle n’a valeur que de prétexte. Dans Kaputt la guerre vaut donc comme fatalité. Elle n’y entre pas autrement. Je puis dire qu’elle n’y entre pas comme protagoniste, mais comme spectatrice, dans le sens où un paysage est spectateur. La guerre, c’est le paysage objectif de ce livre. »

    « Kaputt, monstre gai et cruel »

     

    Extrait 1 :

    « Le jour suivant, quand les premières patrouilles de sissit*, aux cheveux roussis, au visage noir de fumée, s’avançant précautionneusement sur la cendre encore chaude à travers le bois carbonisé, arrivèrent au bord du lac, un effroyable et merveilleux spectacle s’offrît à leurs yeux. Le lac était comme une immense plaque de marbre blanc sur laquelle étaient posées des centaines et des centaines de têtes de chevaux. Les têtes semblaient coupées net au couperet. Seules elles émergeaient de la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage. Dans les yeux dilatés on voyait encore briller la terreur comme une flamme blanche. Près du rivage, un enchevêtrement de chevaux férocement cabrés émergeait de la prison de glace.
    Puis vint l’hiver. Le vent du Nord balayait la neige en sifflant, la surface du lac était toujours nette et lisse comme pour un concours de hockey sur glace. Au cours des jours ternes de cet hiver interminable, vers midi, quand un peu de pâle lumière pleut du ciel, les soldats du colonel Merikallio descendaient au lac, et s’asseyaient sur les têtes des chevaux. On eût dit les chevaux de bois d’un carrousel.
    Tournez, tournez, beaux chevaux de bois. La scène semblait peinte par Bosch. Le vent, dans les noirs squelettes d’arbres, faisait une douce et triste musique pour enfants, la plaque de glace commençait à tourner, les chevaux de ce carrousel macabre se mettaient à tourner sur le rythme triste de la douce musique pour enfants, en secouant leur crinière. – Hop là! Criaient les soldats … »

    *guérilleros

    Kaputt, première partie, « Les Chevaux », chapitre III. « Les chevaux de glace », p. 88

    Extrait 2

    « À Cracovie, dit Frau Wächter, mon mari a construit autour du ghetto un mur à l’orientale, avec des courbes élégantes et de jolis créneaux. Les Juifs de Cracovie ne peuvent certainement pas se plaindre. Un mur tout à fait élégant, de style juif.
    Tous se mirent à rire, en tapant des pieds sur la neige glacée.
    Ruhe ! Silence ! Dit un soldat qui, le fusil en joue, était agenouillé à quelques pas de nous, caché par un tas de neige.
    Le soldat visa un trou, creusé dans le mur à fleur de terre. Un autre soldat, agenouillé derrière lui, surveillait par-dessus l’épaule de son camarade. Tout à coup celui-ci tira. La balle atteignit le mur juste au bord du trou.
    -Manqué, s’écria gaiement le soldat en rechargeant.
    Frank s’approcha des deux soldats et demanda sur quoi ils tiraient.
    -Sur un rat ! Répondirent-ils en riant bruyamment.
    -Sur un rat ? ach so ! Dit Frank en s’agenouillant pour regarder par-dessus l’épaule du soldat.
    -Nous nous étions approchés, nous aussi, et les dames riaient et se trémoussaient en relevant leurs jupes à mi-jambe comme font habituellement les femmes quand on parle de rats.
    -Où est-il ? Où est le rat ? Demanda Frau Brigitte Frank.
    Achtung ! Dit le soldat en visant. Par le trou creusé au pied du mur, on vit paraître une touffe de cheveux noirs ébouriffés : puis deux mains émergèrent du trou, se posèrent sur la neige. C’était un enfant.
    Le coup partit. Cette fois-là encore, il manqua le but de peu.la tête de l’enfant disparut.
    -Donne ça, dit Frank d’une voix impatientée. Tu ne sais même pas te servir d’un fusil ! Il s’empara du fusil – et visa.
    La neige tombait dans le silence. »

    Kaputt, Deuxième partie, « Les Rats », chapitre VII. « Cricket en Pologne », pp. 275-276.

    Extrait 3

    « Et c’est ainsi qu’avec un rire canaille le train siffla, ralentit, et s’arrêta devant un monceau énorme de plâtras et de guenilles ensanglantées – et c’était Naples.

    À travers une nuée noire et scintillante de mouches, le soleil tapait à pic sur les toits et sur l’asphalte des rues, des souffles chauds montaient des décombres amoncelés autour des édifices éventrés : une grande poussière séché semblable à un nuage de sable, s’élevait sous le pied des rares passants. La ville, au premier abord, paraissait déserte. Mais, peu à peu, on entendait sortir des ruelles et des cours un bourdonnement, un bruit de voix étouffées, un tapage assourdissant et lointain. En lançant alors un regard investigateur dans le secret des sous-sols, en fouillant du regard ces fissures étroites et hautes séparant les édifices qui sont les rues de la vieille Naples, on voyait un grouillement de gens, des stationnements, une circulation, des gesticulations, des groupes accroupis à terre autour de petits feux allumés entre deux pierres et regardant l’eau bouillir dans un ancien bidon à pétrole, dans une marmite, dansa un plat à œufs, dans une cafetière ; des hommes, des femmes et des enfants formant pèle- mêle, les uns par- dessus les autres, sur des matelas, sur des sommiers, sur toutes sortes de gravats, hors des portes, dans les cours, au milieu des décombres, à l’ombre des murs chancelants où à l’entrée de ces antres creusés dans le tuf humide de salpêtre qui partout, au-dessous de Naples, s’enfoncent dans les entrailles de la terre. À l’intérieur des bassi on voyait des gens debout, assis ou étendus sur de hauts et baroques lits de fer ou de cuivre ornés de paysages, de saints ou de madones. Et beaucoup aussi se tenaient à croupetons sur le seuil de leur porte, en silence avec cet air triste du Napolitain qui ne sait plus que faire, et attend. Au premier moment, la ville ne m’avait pas seulement semblé vide, mais silencieuse. Je voyais les gens courir en gesticulant, je voyais remuer les lèvres, et je n’entendais pas un son, dans l’air poussiéreux, une clameur s’éleva – tout au moins j’en eux l’impression – prit à mon oreille forme et matière, enfin explosa fortement autour de moi avec le grondement égal, continu et compact d’un fleuve en crue.
    Je descendais vers le port par une rue large, droite et longue, étourdi et ahuri par ce tapage infernal dans la grande poussière aveuglante que la brise marine faisait monter des décombres des maisons écroulées … »

    Kaputt, Sixième Partie, « Les Mouches », chapitre XIX. « Le Sang », pp.627,628. Traduit de l’italien par Juliette Bertrand, Édition Définitive, Éditions Denoël, pour la traduction française, 1946.

     

    ***

    Note d'Angèle Paoli 

    Quant à moi, qui avais toujours résisté à ma lecture de ce livre que j’estimais être exclusivement celle de mes frères, je ne parviens pas à m’en séparer. Tant en est dense le récit, tant en est surprenante l’écriture. Malaparte, « témoin et visionnaire » des événements auxquels il assiste, de la barbarie à l’œuvre. Cruel, oui, intensément, de la pire incompréhensible cruauté, insaisissable perversité humaine, osmose parfaite du beau et du mal. Malaparte ne néglige ni n’omet l’un à l’égal de l’autre. Son regard lucide est incisif, lorsqu’il dialogue avec les puissants de ce monde qu’il fréquente de très près, au jour le jour, au cours de ces années terribles. Son regard est glaçant lorsqu’il assiste à des scènes insoutenables. Mais sa plume, qu’elle aille disséquer au scalpel les mœurs des SS ou des fascistes qu’il fréquente, qu’elle décrive la misère effrayante dans laquelle baigne l’Italie qu’il redécouvre à son retour du front de l'Est ou la beauté époustouflante des paysages et de la nature qui viennent à lui, ne peut laisser indifférente. Une grande plume qui joue sur le rythme et les répétitions, l’alternance entre dialogues (c’est sans doute là que je souris) et descriptions de scènes inoubliables, s’attache à rendre sensible « la beauté et l’enfer ». Un très grand livre assurément. Puissant et inoubliable.

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    (* NB )   Suivant Encyclopédie Univeralis 

    Malaparte semble vouloir être toujours du « mauvais côté ». À partir de 1925, il prendra le pseudonyme de « mala parte » (« mauvais côté »), allusion directe à la famille Bonaparte et en référence à un pamphlet de F. Borri paru en 1869, selon lequel les Bonaparte se seraient appelés Malaparte et auraient obtenu du pape le droit de modifier leur nom pour services rendus.

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  • Blues déjantés / Angèle Paoli

     
    <<Mon poème du samedi
     
     
    Blues déjantés

     

    Instables a cappella
    (avant-propos)
    Chjama è rispondi

    Instable_3_dernire_mouture

    Instable 3.
    Blues déjantés
    Bleu bleu bleu sur bleu
    carrés de bleus marbrés de noir
    ombres portées glaciers bleutés
    ice cream de blues déjantés
    blues à l’âme
    édulcorée
    acier
    D.R. Image et texte : G.AdC/angèlepaoli

    >>> SUITE (Instable 4)
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