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SOLEIL
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<< Poésie d'un jour
Image : G.AdC
C’est vrai nous
avions ouvert
les pages
noircies sans
lire dans
les césures ni
les zones grises
l’empreinte
de l’imploration.
Les demeures
où célébrer
le retour
de ce que chacun
supplie.
C’est vrai
je
cherchais
des ombres
derrière les couchants
ceux encore que
je quitte
doucement avec
les anges les
splendeurs fondues
aux mélancolies
arrachent
un commencement
Soudain il pleut
un jour de colère
nous avions voulu
choisir
la forme
et le songe
nous délivrer de la faim.
J’avais voulu
effleurer
la terre
les plaintes de
dessous
là où sommes
presque
mais ne pouvons
reposer.
Là entre
les pôles
avions voulu
tisser
des ciels.
Esther Tellermann, Selon les sources in Choix de poèmes, Éditions Unes 2025, pp.116, 117, 118, 121
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ESTHER TELLERMANN
■ Esther Tellermann
sur Terres de femmes ▼
→ Selon les sources, poésie, Éditions Flammarion 2024
→ Nos racines se ressemblent, Traduction et Reflets de Michael Bishop,
Éditions VVV Editions, 2022
→ Corps rassemblé (lecture d’AP)
→Corps rassemblé, éditions Unes, 2020, pp. 91-94. Vignette de couverture de Claude Garache.
→ [Jours firent de toi ma teinture] (poème extrait d'Afin qu’advienne)
→ Carnets à bruire in Europe, revue littéraire mensuelle, juin-juillet 2011, n° 986-987
→ Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
→ Éternité à coudre (lecture d’AP)
→ [Un écho un roman] (poème extrait d’Éternité à coudre)
→ Voix à rayures (poème extrait du Poème Meschonnic)
→ Première version du monde (lecture d’AP)
→ Sous votre nom (lecture de Matthieu Gosztola)
→ [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
→ Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
→ [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
→ [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
→ [Onde] (poème extrait de Voix à rayures)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site de la revue de littérature et de critique Le Nouveau Recueil) L'indécise exactitude de la terre : Esther Tellermann, par Michaël Bishop
→ (sur Remue.net) François Rannou / « D’où un homme est-il visible ? » | une approche de la poésie d’Esther Tellermann
→ (sur Recours au poème) une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP
<<Poésie d'un jour
LI
La vie galope vers la mort comme un cheval fou. Suis-je sur ce cheval, aveuglé par sa course ? La vie a faim et soif, veut tout dévorer avant de s’effondrer dans le profond silence. La mort n’a pas de bride, elle fuit et revient, va en tous sens, minaude, lance ses filets dans les recoins obscurs. La mort a des mains plus larges que le ciel et le bleu infini de la peine. Que valent les terrasses ensoleillées sur lesquelles sommeillent des jouets, survivent quelques plantes près du linge qui sèche, où étincellent les mains de femmes le long des cordes qui jouent dans le vent ? Les maris sont partis en haute mer. Toi seul demeures dans une chambre de l’île isolée où tu relis les pages d’un poète. Ce même poète tant admiré pour son silence, qui s’est éteint de vie lasse, congédiant la poésie, toutes les phrases qui n’ont ajouté que du malheur au sien propre, préférant le silence à tout autre chose. Le livre est ouvert au-dessus de la mer. Les pages se tournent sans effort grâce à la brise qui y met tout son cœur. Les lettres noires brûlent au soleil et tu ne lis plus que du blanc sous lequel coule la nostalgie des détresses et des déchirements. Connais-tu le cœur calme, l’âme sans effroi ? La souffrance est un puits où l’on va boire. L’écriture est une épave rouillée dans le sable que l’on découvre par hasard au crépuscule, au détour d’une marche. Les épaves sont un récit exemplaire de l’autrefois et de l’avenir. Elles voilent et dévoilent ; loin d’être muettes, elles parlent à qui passe à leur proximité. Le poète du Nord avait besoin du Sud qu’il a chanté en de brèves phrases qui explosent dans le cœur comme des détonations. Elles traversent la chambre du bruit sourd, puis vont s’éteindre entre les murs, contre les pâles copies de peintres. La voix du poète n’est pas morte, son chant est audible dans ce silence d’outre-tombe. Tu vois les pages une à une que tournent les secondes. Tu lis les signes qui sont comme des fruits que ta main récolte, tandis que ton regard est happé par le bleu de la mer, les plaintes du dehors, les blessures des vagues. Il est des lieux où l’on ne peut entendre la vitesse du chant, sa splendeur élégiaque. Là, tout est voué à la désolation, bien que des mains d’enfant recherchent le soleil, que des femmes rangent le linge avec grande patience. Cette patience a vécu, les hommes sont rentrés de haute mer, les femmes sont à d’autres tâches, délaissant le servage, courant enfin vers l’étendue pour lire les récits de la rouille et du sable.
LII
Les oiseaux, mes alliés fidèles, me poursuivent entre les pins, vont vers la mer, étirant leurs ailes entre les branches. Les oiseaux sont des veilleurs, des éveilleurs. En deviner un au-dessus de mes épaules, m’est un secours indicible. A sa suite, ma vie devient légère et je peux hanter tous les chemins. Les pins ont des visages, il nous suffit d’ouvrir les yeux pour percevoir quelque chose de leur grâce. Nous coucher dans leur ombre, attendre le crépuscule, rentrer à la maison le cœur un peu moins lourd. L’été est loin, l’hiver refoule les promeneurs. Ils ont abandonné ces maisons entre les mains du silence, et les persiennes ne protestent pas de leur départ. Sont si belles ces bâtisses délaissées comme des vieillards ou des enfants. De vieux figuiers cachent leurs murs et des lauriers dansent devant les fenêtres. Elles seront seules dans l’hiver, et alors ? La mer est à leurs pieds, les oiseaux enchantent leurs jardins, des vents s’engouffrent sous les portes. Tout ici entre en conversation. De rares passants se penchent sur leur beauté. Je n’irai pas vers d’autres horizons. Je resterai ici, dans la pénombre terrestre de la neige et du froid. J’ai trouvé la clé dans la lumière des pins et de la mer, sous la gaité des oiseaux buissonniers. J’ai ouvert, poussé une porte, puis j’ai marché dans un silence sidéral, découvrant une chambre sur la mer, intacte comme l’éternité. Là, j’ai posé les sacs, délivré quelques affaires. Une table pauvre n’attendait plus que moi.
Joël Vernet, Copeaux du dehors, Dessin de Vincent Bebert, Fata Morgana 2025, pp.64, 65 66, 67 .
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J O Ë L V E R N E T
■ Joël Vernet
sur Terres de femmes ▼
→Œuvres poétiques, Tome I, Voir est vivre, Poèmes et petites proses (1985-2021),
En couverture Jean-Gilles Badaire, Loire, Avril 2022, La Rumeur Libre Éditions, 2023
→ L’oubli est une tache dans le ciel (lecture d’AP)
→ Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
→ Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
→ [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)
→ 30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert
■ Voir aussi ▼
→ (sur remue.net) Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre
→ (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (fichier Word)
<<Mon poème du samedi
" un filanciu sillonne le ciel "
Photocollage / G.AdC
avec la solitude
s’aiguisent les sens
le vent flagelle
qui fait se dresser
les crêtes de mer
une rumeur sourde
monte vert émeraude
se mêle air et eau
au gris des mousses
tout bouge
le maquis danse
des vagues ondoient
vert tendre vert pâle
sur les pentes
la mer fouette
vert pétrole
les vagues roulent
les mots se refusent
s’absentent
odeur de terre humide
de feuilles mortes
de branches cassées
d’urines fauves
de suint
j’aperçois le rocher
de a Mugliarese
— je pense Alaska
glaciers bleus gris
à la dérive
j’observe les troncs évidés
des chênes
— je pense Totem Pole
le tremblé des pétales
—les linaigrettes cotonneuses
s’effilochent sous mes doigts
je m’allonge sur la roche moussue
—la banquise louvoie
en contrebas
les chèvres s’égaillent
dans le sous bois
—ce sont les élans
qui galopent
un filanciu sillonne le ciel
—le vol du pirague
me frôle
le chien du berger me cajole
—je file plein vent
arrimée aux huskies
yeux pervenche
Angèle Paoli, Rendez-vous à l'arbre bruyère, Peintures de Caroline François-Rubino, Éditions Al Manar 2018, pp.35, 36, 37.
Marc Alyn, Œuvres Poétiques I, II, III
La Rumeur libre Éditions 2024
Lecture de Hugo Bouras-Vignal
MARC ALYN, ÊTRE LE LANGAGE
Maître des mots et artisan d’un verbe habité, Marc Alyn tisse depuis près de sept décennies une poésie où le langage est à la fois recherche et révélation. Avec la parution, en décembre dernier, de ses Œuvres Poétiques en trois volumes, le poète nous invite à parcourir l’intégralité de son univers. Cette somme magistrale témoigne d’une écriture en perpétuel renouvellement, où chaque poème façonne un territoire d’ombres et de lumières, d’énigmes et de fulgurances. Plonger dans ces pages, c’est entrer dans une langue en état de ferveur, où le verbe danse et se métamorphose au gré des âges et des songes.
« L’Aventure initiatique », qui est le sous-titre du premier tome, commence en 1954. Marc Alyn habite Reims, sa cité natale, et grandit dans un monde encore meurtri par les secousses de l’Histoire, où la guerre froide et les conflits de décolonisation nourrissent une atmosphère d’incertitude. Dans cette époque troublée, la jeunesse peine à trouver un horizon d’épanouissement, prise entre les désillusions du passé et les incertitudes de l’avenir. Pourtant, à seulement dix-sept ans, Marc Alyn lutte pour sourire et cherche à réinventer la langue et le regard porté sur le monde. Ainsi se lance-t-il dans une quête essentielle : son langage.
"Chaque jour j’écris le premier mot de mon langage :
je suis neuf jusqu’au crépuscule.
Chaque baiser de l’aube sur les lèvres des feuilles
me fait don d’une peau nouvelle."
L’écriture lui apparaît comme un acte vital, un espace où il se façonne et se renouvelle sans cesse. L’une des plaquettes qu’il publie en 1954 traduit cette aspiration : Rien que vivre. Ce titre est un refus du désespoir : l’acte de vivre se suffit à lui-même et affirme la vie à travers la poésie.
"Où voyez-vous des morts, gisants ?
Je suis la vie !"
Avec ses premières plaquettes, Marc Alyn annonce une poésie habitée par le désir d’embrasser le mystère de l’existence. Dans cette effervescence littéraire, il trace son propre sillage et place son écriture sous le signe d’une aventure initiatique.
Le recueil Liberté de voir, paru en 1956, est une étape importante. C’est le premier « vrai » recueil du poète, alors âgé de dix-neuf ans. Après l’affirmation de la vie dans Rien que vivre, il propose une émancipation du regard, une conquête de la perception. Il nous assure cependant :
"Je reste l’enfant aux yeux vagues
toujours plongés dans un sac de rêves."
Le regard du poète est celui de l’enfant libre, rêveur et détaché des cadres imposés par le réel. Ici l’imaginaire l’emporte sur la perception : voir ne se limite pas à observer mais devient un acte de liberté, une manière d’interroger et de réinventer la réalité à travers la poésie :
"J’écris sur les murs la nuit quand vous dormez.
De mes ongles j’inscris des prophéties sur les pavés
moi, le veilleur illuminé par l’ombre
je clame : mort au rêve !
et les façades à l’infini répercutent mon blasphème."
Le poète, « veilleur illuminé par l’ombre », se positionne en témoin du monde et inscrit sa révolte dans un acte poétique. Son écriture devient un cri, une prophétie gravée sur les murs et les pavés : il interroge le réel par le langage et fait de la poésie un moyen d’action pour transformer le monde.
Tel est l’état d’esprit de Marc Alyn à l’approche de ses vingt ans. Jean Rousselot le considère comme « la révélation poétique de ces derniers mois » et Alain Bosquet le salue comme « le plus fougueux, le plus doué de nos moins de vingt ans ».
Entretemps, Marc Alyn franchit une étape décisive : Pierre Seghers, poète-éditeur et figure importante du paysage poétique, publie son recueil Le Temps des autres. L’année suivante, le 18 mars 1957, jour du vingtième anniversaire du poète, le recueil remporte le prix Max-Jacob, décerné par un jury prestigieux : Jean Cocteau, André Salmon, Jules Supervielle, Pierre Mac Orlan ou encore Jean Paulhan. C’est la consécration d’un langage : à seulement vingt ans, Marc Alyn reçoit la reconnaissance de quelques-uns des plus grands poètes de son temps. Ceci marque l’affirmation d’une voix singulière, inscrivant le poète dans la lignée des grands explorateurs du verbe.
Le Temps des autres est également une prise de conscience : le monde ne se limite pas seulement au propre regard du poète mais il appartient aussi aux « autres », à l’Histoire, ou plutôt aux générations passées et futures. Marc Alyn semble inscrire sa poésie dans une action collective, où le langage devient un moyen de relier les êtres et de donner voix à ceux qui, sans lui, resteraient dans l’ombre. Le poème « La parole me fut donnée » traduit cet idéal :
"La parole me fut donnée
afin de retenir la terre ferme
sous les pas d’une race enfermée dans sa nuit."
Le premier vers suggère que le langage est un don, mais aussi une mission : porter la voix des autres, éclairer l’obscurité du monde et donner un ancrage à l’existence à travers les mots.
"Les mots, il faut les vivre
jusqu’aux proues du délire"
Pour Marc Alyn, la poésie n’est pas une simple construction intellectuelle mais une expérience totale, une immersion dans le langage jusqu’à ses extrêmes (« jusqu’aux proues du délire »). Les mots ne doivent pas seulement être dits ou écrits, mais vécus pleinement, avec toute leur intensité et leur charge émotionnelle. Pour lui le verbe doit être une force vive, indomptable et chargée de passion. Aussi nous précise-t-il :
"L’espérance : c’est avoir
l’humanité dans ses veines."
Ces vers définissent l’espérance comme une force intérieure, une communion avec l’humanité tout entière. Avoir « l’humanité dans ses veines » c’est porter en soi les rêves, les espoirs et les souffrances des autres, en faisant de cette connexion une source de lumière et d’engagement. Dans Le Temps des autres, cette vision s’inscrit dans une poésie qui dépasse l’individu pour embrasser une dimension universelle, où l’acte d’espérer devient un acte de partage et de fraternité.
Le succès du Temps des autres ouvre à Marc Alyn de nouvelles perspectives. En 1957, porté par ce retentissement, Pierre Seghers publie Cruels divertissements, un recueil où le poète explore la prose poétique sous un angle érotique et onirique. Ce choix formel marque une étape importante dans son parcours : loin de s’en tenir au seul vers libre ou classique, Marc Alyn fait de la prose un territoire d’expérimentation, un espace où rêve et désir se mêlent dans une langue libre et sensuelle.
"J’appréhende le monde dépourvu de ton regard de magicienne, de tes géographies de cristal."
Ici le poète exprime son angoisse face à un monde privé de l’enchantement qu’apporte une présence féminine idéalisée. Sans cette muse, tout apparaît nu, désenchanté et dépourvu de sa magie et de ses promesses. Ceci illustre le motif récurrent chez Marc Alyn d’une poésie qui oscille entre émerveillement et perte, où l’amour et le rêve donnent sens au réel, mais en soulignant aussi la précarité.
« Je t’aime, je t’aime », gémissait-elle, et un oiseau, à chaque syllabe, s’échappait de ses lèvres."
Ce vers associe l’amour et le langage à une image d’envol et de liberté. L’expression répétée « Je t’aime, je t’aime » n’est pas une simple déclaration, mais une incantation presque magique qui donne naissance à des oiseaux, symbole du rêve, du souffle poétique et de l’évasion. Chaque mot prononcé devient une création vivante, soulignant le pouvoir transformateur du désir et de la parole amoureuse. Ainsi le réel se mêle-t-il à l’imaginaire et l’amour est-il une force créatrice qui donne un élan poétique à l’existence.
Cette « métaphysique de l’amour physique », selon le mot de Claude Mauriac pour présenter Cruels divertissements, associe l’idée de plaisir, de jeu ou d’évasion (le « divertissement ») à une dimension plus sombre, marquée par la douleur et le désenchantement (« cruels »). Marc Alyn suggère que le rêve, l’amour ou même la poésie, tout en étant sources de fascination et de jouissance, portent en eux une part de trouble, d’illusion et de perte. Le recueil affirme ainsi une poésie où le langage, porté par l’intensité du sensible, devient un espace de métamorphose, prolongeant la quête du verbe si chère à Marc Alyn.
En 1959, le poète publie Brûler le feu chez Seghers, un recueil profondément marqué par son expérience du service militaire en Algérie. C’est sur cette terre de tensions et de violence qu’il rédige ces poèmes, témoignant d’un regard lucide et inquiet sur son époque. Le premier poème, « C’est un mort », est un hommage rendu à un camarade tombé au combat.
"C’est un mort très neuf
que l’on cache en terre
vingt ans à peine
et le cœur à nu."
Ces vers frappent par leur simplicité et leur force brute. Ce soldat, à peine adulte, est déjà réduit au silence définitif. Marc Alyn insiste sur la fragilité et l’innocence de cette vie interrompue, un cœur encore plein d’élan et d’espoir et désormais enseveli. Il témoigne ici de l’amertume et de la désillusion d’une génération confrontée à une violence qui la dépasse et à laquelle elle se croyait épargnée.
"Que sortira-t-il
de tant, tant de graines
semées en ce monde
pour l’absurdité ?"
Brûler le feu s’impose rapidement comme le « Livre d’une génération perdue », celle d’une jeunesse confrontée aux désillusions de l’Histoire et pour laquelle Marc Alyn veut être la voix. Aussi, des artistes comme Serge Reggiani et Jean-Louis Trintignant, sensibles à la force de ses mots, diront-ils certains textes, donnant au recueil une résonance encore plus profonde.
Trois ans plus tard, en 1962, Marc Alyn publie Délébiles aux éditions Ides et Calendes, un ouvrage de grand format et tiré à 1200 exemplaires. Ce livre marque une évolution majeure de son parcours : la parole poétique prend une nouvelle forme, plus épurée, plus incisive, comme si l’expérience de la guerre et du temps avait affûté son regard et son écriture.
"Nous bâtirons sur les morts
entre le muscle et le marbre
le feu dur de nos syllabes ;
Car le cri majeur est craie
sous la fibre des vocables
et le noyau seul résiste
à l’usure de l’obscur."
Ces vers illustrent la poésie comme un acte de mémoire et de résistance. Marc Alyn y exprime la tension entre l’éphémère et l’éternel, entre la fragilité du cri et la solidité du verbe. Le langage, comparé à un feu sculptant la matière, devient le seul rempart contre l’oubli, une force capable de survivre à l’ « usure de l’obscur ». Ceci fait que Délébiles s’impose comme une œuvre charnière, où le verbe se réinvente et affirme la singularité d’une voix qui, loin de s’effacer, s’ancre avec force dans la durée.
Dans son « Salut à Marc Alyn » (Combat, 1962), Alain Bosquet écrit : « Grâce à lui, cette semaine, j’ai pu fuir l’éphémère. Grâce à lui, dans vingt ans, je fuirai d’autres formes de l’éphémère ». Pour Bosquet, la poésie de Marc Alyn, par sa vérité et sa profondeur, offre une échappatoire durable, capable de résister aux changements et de traverser les décennies sans perdre sa force.
En mai 1968, alors que la France traverse une crise profonde, Marc Alyn publie Nuit majeure chez Flammarion, lauréat du prix Camille-Engelmann en 1971, un recueil où la nuit devient un territoire poétique essentiel. Installé à Uzès depuis quelques années, il célèbre cette obscurité que Racine magnifiait déjà dans son célèbre vers « Et nous avons des nuits plus belles que vos jours ».
"Native Nuit désormais nulle, niée, innommée,
reine errante, Graal, à travers les ronces du clair
lacérant l’esprit avec la vue, en vain je relève
les traces de ton pas sur le sol desséché : la Nuit
majeure, privée de lieu, sans fin s’efface et se tait."
La nuit est présentée comme une entité insaisissable et presque mythique, à la fois puissante et fuyante. Elle est niée, privée de lieu, comme si elle échappait au poète qui tente en vain d’en retrouver la trace. Aussi trouble-t-elle la perception et défie-t-elle la raison pour finalement se taire et s’effacer, soulignant son inaccessibilité et laissant le poète face à une quête inachevée, où l’obscurité est une énigme.
Dans Nuit majeure, Marc Alyn explore le mythe du Minotaure dans la section « La Nuit du Labyrinthe », inspiré d’un voyage en Grèce. Donnant parfois la parole à la créature légendaire, il en fait un être déchiré entre humanité et son animalité :
"Nuit animale
je te porte au-dedans de moi
et souvent déplore le sort
qui m’a fait homme pour moitié."
À travers la figure du Minotaure, Marc Alyn interroge la nature humaine, tiraillée entre raison et pulsion, lumière et obscurité. Il évoque une nuit souveraine, à la fois mythique et omniprésente, une nuit qui dépasse la simple obscurité pour devenir un espace de révélation, d’errance et de vision poétique, où se confrontent lumière et mystère. Ainsi la parole s’élève-t-elle avec une force nouvelle.
Infini au-delà paraît en 1972. C’est un recueil de maturité qui vaut à Marc Alyn le prix Apollinaire en 1973. Né d’un « exil émerveillé », ce livre explore la poésie comme une expérience intérieure où chaque promenade devient une initiation. Dans cet univers contemplatif, le silence se fait parole et l’infini se dévoile à travers l’émerveillement du regard et la puissance du verbe :
"la parole luisait, libre, dans sa substance
avide d’inventer sa propre fin — la voix."
Ici la parole devient une force vivante et autonome, « libre dans sa substance », cherchant à se façonner elle-même. Elle aspire à se réaliser pleinement à travers « sa propre fin — la voix », suggérant que l’aboutissement du verbe est son incarnation sonore, sa résonance dans le monde. À travers une aventure initiatique, Marc Alyn explore l’infini du langage et du monde, affirmant la voix comme ultime horizon du poème.
En 1976, il publie Douze poèmes de l’été, un recueil né de la solitude d’Uzès. Ces poèmes marquent une « résurgence triomphale de la parole », où l’écriture, régénérée par l’épure et la lumière estivale des proches Cévennes, atteint une intensité nouvelle :
"J’étais la forme en creux de moi-même, l’empreinte
de quelqu’un d’oublié qui se souvenait d’être
de loin en loin, ainsi que la feuille fossile
dans le charbon revit en rêve la forêt."
Dans un souci d’identité, le poète se perçoit comme une empreinte du passé, une présence en creux, oscillant entre oubli et réminiscence. L’image de la « feuille fossile » suggère que même figée dans le temps, l’âme conserve en elle l’écho d’une existence révolue et désormais vécue dans le rêve. Dans cet espace de retrait, Marc Alyn célèbre un langage libéré, où chaque vers semble renaître avec éclat.
Puis c’est le silence. Les années passent. La parole du poète semble s’être tue. Il faut attendre 1988 pour accueillir Le Livre des amants, imprimé à Beyrouth « au milieu de cette apocalypse » qu’est la guerre. Marc Alyn est parti retrouver celle qu’il aime et qu’il attend.
"Je t’attends. Et je mets tant d’ardeur à t’attendre
que, lorsque tu viendras, ma flamme sera cendre."
Dans ce recueil, Marc Alyn célèbre l’amour et les retrouvailles tant espérées, opposant la ferveur des sentiments au chaos de la guerre. Par une poésie rythmée et rimée, il affirme que l’amour et la joie peuvent triompher du désordre et de la destruction.
De son voyage au Liban, Marc Alyn puise une nouvelle inspiration dans le silence des mots, donnant naissance à la trilogie des Alphabets du Feu. Ce cheminement poétique marque la résurrection du poète, qui adopte une écriture novatrice. « Byblos » (1991), première pierre de ce nouvel édifice verbal, incarne cette renaissance, où la parole se réinvente dans une poésie renouvelée, profondément marquée par le silence et la lumière du Liban :
"et j’ai bu au sein d’ombre le lait solaire de l’Orient
puis le chant a mûri en moi telle une grappe dans l’extase et la prophétie."
Ici l’ombre et la lumière se mêlent pour faire émerger un « chant », une nouvelle parole poétique, profonde et prophétique, fruit d’une illumination intérieure et d’une inspiration mystique.
Dans les deux autres tomes de la trilogie, La Parole planète (1992) et Le Scribe errant (1993), Marc Alyn donne la parole au Poème lui-même à travers les poèmes intitulés « Dit du Poème ». Dans ces écrits, le Poème devient un personnage vivant, qui réfléchit, s’interroge et se définit.
"De qui suis-je le fils ?
Du verbe ou du poète ?
À peine écrit j’aspire à exister plus fort"
En donnant la parole à ce « chant à la poursuite d’un oiseau », le poète inscrit la poésie dans un mouvement d’introspection et de questionnement sur son propre rôle et son essence. Devenu « scribe errant », Marc Alyn voyage à travers le monde des mots et des idées : loin d’être un simple témoin, il façonne et questionne le langage en restant libre et en mouvement, hors des conventions établies.
En 1991, suite à l’ablation d’une corde vocale, Marc Alyn perd l’usage de la parole.
"Mise à mort des vocables…
Je veux que l’on se taise !"
Pourtant le poète retrouve la voix quatre ans plus tard. Dans son recueil L’État naissant (1996), il retrace ses souvenirs, tant d’enfance (« Je vécus dans un livre et c’était l’univers ») que d’hospitalisation. C’est une étape importante de son cheminement poétique : il inverse le cours du temps et fait dialoguer l’Origine et l’Apocalypse. Dans cet écartèlement, le poète avance vers la résurrection de sa parole. Il fait paraître en 1998 L’Œil imaginaire, une « somme de poème » dans laquelle il revient sur cet événement douloureux. Dans le poème « Quelques difficultés du côté de la parole »,
« le poète…
dut se résigner à offrir sa voix en holocauste
aux dieux par contumace des ordinateurs."
Pourtant Marc Alyn reste optimiste. Il oublie sa douleur pour chanter Venise (« La musique en silence édifiait la Ville », commence-t-il), l’Orient, des héros et des poètes, et pour anticiper l’arrivée du troisième millénaire. Il devient cet « Œil imaginaire » tourné vers l’avenir et ses possibles, faisant de son Poème le vecteur d’une perception transcendant les limites du temps et de l’espace, en phase avec les interrogations profondes liées au passage vers un nouveau millénaire.
En 1999, Marc Alyn publie Le Miel de l’abîme, un recueil de poèmes en prose où l’onirisme et le fantastique se côtoient. Ce « grand langage » loué par Joseph Delteil explore des thèmes profonds tels que la mort, l’âme, le corps ainsi que les métamorphoses divines.
La mort des astres nous consolait modérément de la perspective de notre propre dénouement.
Dans ce recueil, le souffle poétique de Marc Alyn demeure puissant et intense, poursuivant son exploration des mystères de l’existence et de l’invisible avec une force toujours aussi vivante. Ensemble, les mots « miel » et « abîme » créent l’image d’une expérience poétique intense et ambivalente, où la beauté et la souffrance se mêlent et où le sublime et l’effrayant coexistent.
Marc Alyn inaugure le XXIème siècle par Le Silentiaire en 2004, un recueil d’aphorismes où il adopte « l’art bref » défini par René Char et caractérisé par sa concision, sa netteté et son tranchant. À travers cette forme, le poète explore mille variations et fait se mêler habilement humour noir, lyrisme et réflexion profonde.
"La mort : faux et usage de faux."
"Tout poète se sent nu à l’idée d’être lu, lui qui fut si longtemps son unique lecteur."
"Aucune grande parole qui ne surgisse de la proximité d’une haute souffrance."
Avec ce recueil, Marc Alyn témoigne de son approche poétique épurée : il parvient à condenser des idées complexes et des émotions intenses en quelques mots percutants. Aussi renouvelle-t-il cette expérience avec Le Dieu de sable et autres textes (2006) où le temps constitue le thème principal du recueil.
"Le temps nous est compté — mais par quel usurier rapace !"
"Poésie : maladie glorieuse, douloureuse et heureusement incurable."
Son troisième recueil d’aphorismes, Le Centre de gravité, paraît en 2017 et se constitue de 467 textes. Devenu le « Rêveur éveillé », Marc Alyn déambule parmi les dédales de l’imaginaire et de l’humour noir.
« "Êtes-vous bien isolé" ? », interroge l’électricien, l’œil allumé.»
"La plupart des ruisseaux font des rêves de fleuves."
L’usage de l’aphorisme offre à Marc Alyn une forme de concentration extrême du langage, où chaque mot est pesé, affûté, dépouillé de tout superflu. Dans sa quête du verbe, c’est aussi un moyen de jouer avec le langage, d’explorer ses paradoxes et d’en révéler les nuances avec précision et mordant.
Avec Le Tireur isolé (2010), Marc Alyn poursuit son chemin de la parole, cette fois-ci en mêlant ensemble la prose et le vers. Métamorphosé en « tireur isolé », le poète se met « en route vers les balcons superbes dominant le temps pétrifié ».
L’expérience de la prose poétique est renouvelée avec l’anthologie Poètes en majesté à Versailles, dans lequel Marc Alyn propose cinq « Fragments d’un tarot de Versailles » (« Lorsque Versailles appareille ou décolle, Chariot triomphal du dieu solaire […] »), puis poursuivie en 2015 avec Proses de l’intérieur du poème. Ce recueil, qui rassemble des textes publiés dans des revues importantes comme la Nouvelle Revue Française et Phenix, témoigne de son art du verbe, où la prose redevient un espace de résonance poétique, oscillant entre méditation, fulgurance et mystère.
"Le temps d’apprendre par cœur la mort, puis de l’oublier, nous n’étions là pour personne — mais demain qui aurait été ?"
Marc Alyn a toujours entretenu un dialogue fécond avec les arts plastiques, côtoyant de nombreux artistes au fil des décennies. Parmi eux, T’ang Haywen, peintre et calligraphe disparu en 1991, fut un ami proche. En 2019, le poète lui rend hommage avec T’ang l’obscur, un recueil où chaque poème répond à une encre de l’artiste. Ici la parole et le trait se rejoignent dans une même recherche de lumière et de mystère, prolongeant l’échange entre le poète et l’artiste dans une alchimie intime.
"Flamboyant parmi les prodiges
Il volait dans les plumes de l’ange"
Enfin, en 2023, Marc Alyn publie Forêts domaniales de la mémoire, un recueil où la poésie retrouve sa puissance orale et incantatoire. Ce retour aux sources du verbe s’accompagne d’une méditation profonde sur la vie, le langage et le souvenir
"Dès l’enfance
j’aspirais à me perdre à travers les forêts
de l’imaginaire
croissant dans le terreau des syllabes"
À travers ces poèmes, le poète, « marcheur des aubes violettes », arpente les chemins de sa mémoire, y explorant les traces d’un passé comme on se perd dans une forêt ancienne, dense de réminiscences et d’échos. Le titre du recueil nous suggère ainsi un territoire intime et collectif, un espace où se croisent les empreintes du temps, à la fois personnelles et universelles.
Marc Alyn est sans conteste un explorateur du verbe, un poète dont l’œuvre, traversée par les métamorphoses du langage, s’inscrit dans une quête inlassable de la parole originelle. De Liberté de voir aux Forêts domaniales de la mémoire, en passant par les fulgurances des Alphabets du Feu ou la profondeur méditative de L’État naissant, son cheminement poétique s’est construit dans une tension entre l’ombre et la lumière, entre l’éphémère et l’infini. À travers l’incantation, l’aphorisme, la prose et le vers libre ou rythmé, il a donné voix à l’invisible, creusé l’obscur pour en extraire l’éclat du langage.
L’édition de ses Œuvres Poétiques en fin d’année 2024 consacre cette trajectoire exceptionnelle, où chaque recueil résonne comme la pierre d’un édifice en perpétuelle élévation. Marc Alyn n’a cessé de questionner, de réinventer la langue, d’y insuffler une dimension sensible et prophétique. Son œuvre, portée d’un souffle rare, s’impose comme l’un des plus grands chants poétiques des XXème et XXIème siècles. Par-delà le temps, elle continue de vibrer, affirmant que la poésie, loin d’être un simple ornement, est avant tout une façon d’habiter le monde et de le réenchanter. Ainsi livre-t-il son œuvre à l’éternité car, nous écrit-il :
"Je suis là peut-être pour des siècles.
Ne me dérangez pas :
j’ai tant de choses à me dire."
MARC ALYN
■ Marc Alyn
sur Terres de femmes ▼
→ Forêts domaniales de la mémoire, Le rumeur libre, 2023l lecture d’AP)
→ [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi] (poème extrait de La Parole planète)
→ « Proses de l’intérieur du poème » (Inédits, été 2010), in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto
Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, page 17 ; in « mots somnambules
[in « La durée circulaire »], Proses de l’intérieur du poème, Le Castor Astral, 201
→ D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
→ Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)
■ Voir aussi ▼
→ (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
→ (sur Wikipedia.fr) un bel article consacré à Marc Alyn
→ (sur books.google.fr) Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol
→ (sur books.google.fr) Marc Alyn, Le Chemin de la parole | Poèmes choisis 1954-1994
→ le site de la revue Phœnix
<<Poésie d'un jour
Photocollage : GAdC
Je pense à vous mes ancêtres, à votre enfance de rabot
et de sciure, à votre corps plié en deux sur la chaise de
votre méditation. Je cherche dans mon désir de voisinage
de quoi sourire aux morts cachés derrière le nylon des
rideaux.
Gens de la fenêtre, je vous parle depuis l’acacia de mon
silence.
Sous mes mains un peu de conscience remue ses écailles,
se faufile, rejoint le ruisseau des pensées, là où des fleuves
de livres attendent qu’on les traverse, à bras- le- corps,
qu’on s’y baigne pour le bénir d’une présence aussi fra-
gile qu’un bouquet de pupilles.
Gens de la fenêtre, votre silence est un pur-sang, votre
mutisme une philosophie de l’incertain, un Orient des-
cendu sur la terre humide des draches.
J’ai hérité de vos belles lettres de ciel et de mort, on m’ac-
cusera de noirceur et de néant inutile.
Je forgerai mot à mot les séquelles de votre amour.
J’apprendrai à énumérer vos hivers
histoire de donner à penser aux guerriers cruels
de votre silence.
J’éveillerai le courage qui m’a manqué enfant pour ouvrir
sans l’assombrir le grand livre de votre visage.
J’écrirai en carré sur le vitrail racontant le chemin de croix
du ciel et des arbres dans votre cour intérieure, votre cru-
cifixion de paille et d’avoine.
Je m’inventerai une noblesse dans la dureté de vos absences.
Dominique Sampiero, La vie éternelle, Frontispice de Godeliève Simons, Le Taillis Pré 2025, pp. 102,103,104.
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DOMINIQUE SAMPIERO
■ Dominique Sampiero
sur Terres de femmes ▼
→ "2. Ciel d’horloge" in On écrit un poème pour embrasser, Dessin Christian Bricka, Cahiers du Loup bleu, Les Lieux-Dits, 2022.
→ [Certains livres se souviennent] (extrait du Maître de la poussière sur ma bouche)
→ Où vont les robes la nuit (lecture de Marie-Hélène Prouteau)
→ Nos lèvres et leurs baisers (extrait de La vie est chaude)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature) une notice bio-bibliographique sur Dominique Sampiero
→ (sur Esprits Nomades) une page sur Dominique Sampiero
<<Poésie d'un jour
" Et tu oseras paraître enfin
Au seuil de l’attente lascive et cruelle "
Photo: G.AdC
L’attesa
Pazientosa mi stò
À l’aguattu di l’ombra
Di quellu ghjornu à vene
In la so eternità
Sopr’à mè cum’è u secretu di un dulore
Si chjinerà
È puru cun ardì t’affaccherai
À l’usciu di l’attesa languida è crudele
Pè l’ortu chì batte crosciu d’azuru
In u fremu di i densi…
T’affaccherai puru
In core a l’Amore stessu
Trà dubbiti è silenzii
Da a notte sgranati…
Brame
Orgogli tribulati
Nantu à a sponda infiarata di un’ aretta
Cusì viva
T’affaccherai
L’attente
Je guette
L’ombre patiemment
De ce jour qui viendra
De son éternité…
Au-dessus de moi comme le secret d’une
douleur
Elle se couchera
Et tu oseras paraître enfin
Au seuil de l’attente lascive et cruelle
Au jardin palpitant baigné d’azur
Dans le frémissement des sens…
Enfin tu paraîtras
Au cœur de l’Amour même
Entre doutes et silences
Distillés par la nuit…
Désirs
Orgueils froissés
Sur le rivage embrasé d’une halte
Si vivante
Tu paraîtras…
Patrizia Gattaceca, in Revue => SPIRLA#2
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PATRIZIA GATTACECA
■ Patrizia Gattaceca
sur Terres de femmes ▼
→“Altri Lati” in Paesi ossessiunali, Collection Veranu di i pueti, Albiana/Centru Culturale Universitariu, 2015,
→ Patrizia Gattaceca, Mosaicu
→ Sextine III (+ une notice bio-bibliographique)
→ So pieni i cascioni | Malles remplies
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Patrizia Gattaceca (+ un poème de l’auteure)
■ Voir aussi ▼
→ (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances) cinq poèmes inédits de Patrizia Gattaceca
→ (sur Recours au Poème) une page sur Patrizia Gattaceca (+ cinq poèmes)
<<Poésie d'un jour
结伴攀登仙首山
人类事物的成功和消亡
他们的来来去去让旧事成为现在
河流和山脉保留着它们的高处
我们这一代人也出现在
普瓦松普特岛的水位正在下降
梦湖远处的天空渐渐变冷
杨祜的碑至今还在
读着读着我的衣裙已被泪水打湿
Montant au Mont Xianshou en compagnie
Les choses humaines se succèdent et flétrissent
Leur va-et-vient fait l'ancien le présent
Fleuves et monts retiennent leurs hauts lieux
Notre génération à son tour s'y présente
Leurs eaux baissent à l'ile du Poissonpoutre
Le ciel se refroidit dans les lointains du lac du rêve
La stèle de Yang Hu est encore là
À sa lecture voilà ma robe mouillée de larmes
Guilhem Fabre, Instants éternels, Cent et quelques poèmes connus par cœur en Chine, Avec la collaboration de Sun Qin'an, Po&psy a parte Erès 2025, p.102.
♦ Voir la note de → l'éditeur
<< Poésie d'un jour
" marchant comme je marchais avant
comme un homme, comme une femme, dans la ville "
Photo: G.AdC
THE STRANGER
Looking as I’ve looked before, straight down the heart
of the street to the river
walking the rivers of the avenues
feeling the shudder of the caves beneath the asphalt
watching the lights turn in the towers
walking as I’ve walked before
like a man, like a woman, in the city
my visionary anger cleaning my sight
and the detailed perceptions of mercy
flowering from the anger
if I come into a room out of the sharp misty light
and hear them talking a dead language
if they ask me my identity
what can I say but
I am the androgyne
I am the living mind you fail to describe
in your dead language
the lost noun, the verb surviving
only in the infinitive
the letters of my name are written under the lids
of the newborn child
1972
L’ÉTRANGÈRE
Regardant comme je regardais avant, en plein cœur
de la rue jusqu’à la rivière
marchant dans les rivières des avenues
éprouvant le frisson des caves sous l’asphalte
observant les lumières qui s’allument dans les tours
marchant comme je marchais avant
comme un homme, comme une femme, dans la ville
ma colère visionnaire clarifiant mon regard
et les images détaillées de la compassion
fleurissant dans cette colère
si j’entre dans une pièce hors de la vive lumière brumeuse
et les entends parler une langue morte
s’ils me demandent de déclarer mon identité
que puis-je dire hormis ceci
je suis l’androgyne
je suis l’esprit vivant que vous échouez à décrire
dans votre langue morte
le nom perdu, le verbe survivant
seulement à l’infinitif
les lettres de mon prénom sont gravées sous les paupières
du nouveau-né
1972
Adrienne Rich, « I-Plonger dans l’épave » in Plonger dans l’épave, Diving into the Wreck, Poèmes 1971-1972, Traduction et préface de Chantal Ringuet, Noroît 2025, pp.46-47.
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A D R I E N N E R I C H
■ Adrienne Rich
sur Terres de femmes ▼
→Adrienne Rich, Paroles d’un monde difficile, Poèmes 1988-2004, La rumeur libre éditions,
Série mεtaphrasi | Domaine américain, 2019. Traduit de l’anglais (États-Unis)par Chantal Bizzini.
→ From An Old House In America (traduction en français d’Olivier Apert)
→ 27 mars 2012 | Mort d’Adrienne Rich (+ un extrait d’Un atlas du monde difficile)
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site des éditions La rumeur libre) une notice bio-bibliographique sur Adrienne Rich
→ (sur Poetry Foundation) une biographie d’Adrienne Rich
→ (sur Modern American Poetry) un ensemble d’articles sur Adrienne Rich
→ (sur En attendant Nadeau) Adrienne Rich, Audre Lorde, Irena Klepfisz, poétesses guerrières,
par Jeanne Bacharach (22 avril 2020)