Blog

  • Maylis de Kerangal / Jour de ressac (extrait)

                << Lecture


    Terminal-de-fret-ferroviaire-uk-conteneurs-d-expedition-intermodal-charges-sur-les-trains-de-marchandises-pour-le-transport-a-felixstowe-port-railhead-tab64g(1)J’ai d’abord voulu savoir ce qui était arrivé à Vinz, et Zambra, on ne peut plus concis, n’a prononcé qu’une parole : narcotrafic. Il conduisait lentement les épaules basses, il mâchait une allumette. Vous ne lisez pas les journaux ? Il a embrassé l’estuaire d’un regard large alors que nous descendions le boulevard maritime : regardez la rade.

    Des années que j’envisageais Le Havre dans la distance, la ville tapie dans un arrière-monde tel un palais dans le brouillard, et pourtant je n’avais pas échappé aux enquêtes qui décrivaient par quel processus le port était devenu l’une des principales portes d’entrée de la cocaïne en Europe, ni aux reportages qui détaillaient le mode opératoire des trafiquants, tentaient d’approcher les complicités ou de saisir l’omerta des quais – j’étais impressionnée par ces documentaires tournés en immersion avec leur lot de voix off dramatiques tournés en immersion avec leur lot de voix off dramatiques, d’images floutées et de caméras cachées qui savaient jouer de la corde sensationnaliste – et voir surgir le nom de la ville dans un article, parfois son nom entier, Le Havre de Grâce, déclenchait toujours en moi une secousse invisible, un émoi ténu, fugace, qui s’évanouissait tout en imprimant son pinçon sur ma peau. Mais assise dans la voiture aux côtés de Zambra, toute distance abolie, j’étais prise dans le truc, j’étais mêlée à tout ça et je voulais savoir.
    Je me suis tournée vers le large. Sept navires se partageaient la rade, dont cinq, effectivement, étaient des porte-conteneurs, la ligne d’horizon se déchiffrant ici tel un répertoire de bateaux, un catalogue dont nous avions appris à identifier les modèles en fonction de leur profil sur l’eau, de leur forme, de leur couleur, un peu comme d’autres enfants apprennent à reconnaître les arbres – s’il y a du bleu sur les cheminées du navire, il s’agira d’un bateau grec, si la coque du cargo est rouge, c’est qu’il est lège, c’est-à-dire vide, une partie de la carène visible, laquelle est souvent recouverte de peinture antifouling couleur brique. Mais les porte-conteneurs, eux, n’ont pas profil de bateaux, c’est autre chose, autre chose qui flotte. Un profil qui ne ressemble à rien, un profil de boîte à chaussures. Pourtant, ils ne vont pas incognito et présentent leur identité : les compagnies maritimes usent ainsi de leur coque comme d’un bandeau publicitaire en y faisant peindre leur nom en lettres visibles à plus de trois milles nautiques – Evergreen, Maersk, CMA CGM-, et leur port d’attache côtoie leur matricule à la poupe. Souvent des noms de ports bizarres, à la fois méconnus et mythiques, des noms que peu d’entre nous savent situer, rattacher à un pays ou à un continent, mais qui clignotent tels des boutons lumineux sur le planisphère du capitalisme mondialisé, établissent d’autres canevas de trajectoires et d’échanges, une géographie de circuits obscurs au verso des parlements à fronton de marbre. Nassau/ Bahamas, Monrovia/ Liberia, Port-aux-Français / Îles Kerguelen. Des grosses boîtes de petites boîtes. D’ailleurs on ne les appelle pas par leur nom de baptême, on les désigne par leur capacité de fret, on dit « un dix-mille-boîtes », un « quinze-mille-boîtes », sachant que les plus grands d’entre eux en chargent plus de vingt-mille pour quatre cents mètres de long et soixante de large – proportions qui déclenchent des comparaisons attendues avec des stades de foot ou de tours Eiffel. Des bateaux dont certains n’ont même plus de pont et vont comme des caddies de supermarché, de simples contenants, la hauteur du chargement telle une paroi de montagne et la cale remplie selon le poids des conteneurs et les ports de destination. Trois millions de boîtes transitent chaque année dans le port du Havre, c’est tout le truc.
    Nous avons quitté la ville par le port du Commerce et longé l’arrière-port après avoir dépassé la gare. Zambra avait mis le GPS, j’ai pensé qu’il n’était pas d’ici, qu’il avait dû prendre l’accent de la ville une fois fondu dans la population, un peu comme les oiseaux adaptent leur plumage aux saisons et aux amours…

     

    Photo: source

     

    Téléchargement

    Maylis de Kerangal, « L’hirondelle » in Jour de ressac, Verticales 2024, pp. 179, 180,181,182.

     

     

    Kerangal(1)

     

     

     

     

    Biographie suivant →   Editions Verticales 

     

    Maylis de Kerangal ©Radio France – Vincent Josse

     

  • Pierre Dhainaut / Et pourtant

     

    <<Poésie d'un jour

     

     

    Glycine

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph: Google image 

     

     

    Sortir de la maison, y revenir,
    pour l’enfant c’est la même affaire,
    de marche en marche, il appuie sur le seul
    élan, le sens inné de l’orientation,
    il est au monde, chez lui, en la glycine
    où l’air en peut se juger en exil,
    non plus que l’ombre, quand le soleil a disparu
    l’enfant admire, il respire un parfum
    et ce parfum circule, passe et repasse.

     

    Des chants de grive autour de la glycine,
    matin ou soir, soir ou matin,
    l’ordre est toujours le bon, ils expriment
    la présence, selon l’ampleur des notes
    et la hauteur, une grappe, tant de grappes,
    la gloire, quand nous nous redressons,
    la lumière a le droit de s’écouter,
    de se multiplier sans faute
    en la floraison, oiseaux comme étoiles.

     

    Une année de glycine, toute une année,
    un rameau puis un autre, couleurs limpides,
    fût-ce en octobre, elle refleurira :
    le temps ne connaît ni retard ni hâte,
    le temps pour toi de rendre grâce
    en lui dédiant comme aux visages que tu aimes,
    qui ne vieillissent pas, la syllabe enchantée
    de trois voyelles, la clé de voûte,
    la clé de résonance.

     

    IMG_1504

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pierre Dhainaut, Et pourtant suivi de Ajouter du noir, ou non et de Ce qui doit venir, couverture Marie Alloy, Glycine, Huile sur toile 2019,
    Éditions Arfuyen 2025, pp.55, 56, 59.

     

    ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

    ________________________________________________________________________________________________________________________________

    PIERRE DHAINAUT

    Pierre dhainaut profil 3

    ■ Pierre Dhainaut
    sur Terres de femmes ▼

     

    →Isabelle Lévesque / Pierre Dhainaut, « Carnet de voyages » in L’invention des couleurs, L’Ail des ours/n° 2, collection’ coquelicot.
         Les poèmes d’Isabelle Lévesque, les poèmes de Pierre Dhainaut, 2024,

    Isabelle Lévesque/ Pierre Dhainaut, « Le conte » in La troisième voix, Peintures de Fabrice Rebeyrolle, L’Herbe qui tremble 2023,
    Retour sur écoute :, Peinture de couverture Caroline François-Rubino, LBF, Le Bateau   fantôme, 2023
    Pour voix et flûte, éditions Æncrages & Co, Collection Voix de chants, 2020. Encres de Caroline François-Rubino.
    Préface à la neige ( Lecture de Sylvie Fabre G. )
    → Après (lecture de Sylvie Fabre G.)
    → Après (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Ici (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → [Que respirent avant tout les mots] (poème extrait d’Ici)
    → [Ce qu’est devenue la couleur] (poème extrait de Progrès d’une éclaircie)
    → [Dès le seuil remercie] (poème extrait de Voix entre voix)
    → Horizons, fontanelles… (poème extrait de Vocation de l’esquisse)
    → [Nous étions seuls, de trop, dans nos miroirs] (poème extrait de De jour comme de nuit)
    → [Ne nous en prenons pas à l’invisible] (poème extrait d’État présent du peut-être)
    → [Sortir sous l’averse] (poème extrait d’Et même le versant nord)
    → [Orage, tempête, séisme] (poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    → Pour voix et flûte (lecture de Sabine Dewulf)
    → D’abord et toujours, 4 (poème extrait de Pour voix et flûte)
    → [Où que tu ailles] (poème extrait de Rudiments de lumière)
    → Passerelles
    → Printemps dédié (poème extrait de L’Autre Nom du vent)
    → Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → [Soudain la tête se redresse] (autre poème extrait de La Nuit, la nuit entière)
    → Rituel d’adoration (poème extrait de Transferts de souffles)
    → Vocation de l’esquisse (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Voix entre voix (lecture d’Isabelle Lévesque)
    → Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino, Paysage de genèse, 10
    → Pierre Dhainaut | Caroline François-Rubino | [Laissons les mots sourdre d’eux-mêmes] (autre extrait de Paysage de genèse)
    → Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    → Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
    →Pierre Dhainaut, « Le jour est courbe » in Un art à l’air libre, aquarelles de Caroline François-Rubino, Al Manar 2022.

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble) la page de l’éditeur consacrée à Après de Pierre Dhainaut

     

     

     

  • Marc Alyn / Le Rêveur éveillé

    <<Poésie d'un jour

     

     

    CONTRASTE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                " arbre à lettres,    frondaisons improbables "

                                     Photo : → G.AdC 

     

     

     

     

                        Une longue pratique de la soif

    Ceux qui eurent soif jusqu’à l’ultime goutte, ayant choisi d’exis-
    ter à l’imparfait,   du côté exposé    des barricades,    ceux-là qui
    nagèrent    à contre-courant,   connaîtront-ils, franchie l’obscure
    flaque,    la révélation     de la haute mer, à la frange des docks ?
    Gagner   de la hauteur ou,    au contraire, apprivoiser les profon-
    deurs- un appel d’air lucide    à la place du cœur – ne se conçoit
    qu’au terme d’une quête initiatique de la densité étagée sur tout
    un destin.

     

                         Mots sauvages

    Le mot chat   ronronnait    à l’ombre d’un tilleul que l’écolier,
    d’une passe magnétique, métamorphosait    en ébénier anthro-
    pophage,   arbre à lettres,    frondaisons improbables. Ni vu ni
    connue, la parole fondait du zénith sur les êtres, les objets, les
    instants, qu’elle égorgeait afin de les contraindre à naître chaque
    fois différent.
    Il importait d’avancer   à voix de loup et de cap de Bonne-Espé-
    Rance, sous les voûtes d’épées croisées de la mousson. S’accou-
    plaient les sonorités   afin de réinventer    à feu neuf   la Genèse.
    Des transfusions   de sens    s’opéraient    au moyen d’un jeu de
    résonances ressuscitant des idiomes    oubliés ou engendrant les
    langues du   Troisième Millénaire.   Tout surgissait  des zones in-
    contrôlées du langage, lui-même submergé par l’océan du Verbe.
    L’encre tissait sa toile où se prendrait la vie.

     

    Assigné à résidence par la fièvre

    « Il sera une fois, dix fois, dix milliards de fois… »,   susurrait la
    rivière.   L’automne, Nemrod   en tenue garance    ne passait pas
    inaperçu   au bal des vendanges,    masqué de raisin noir, sanglé
    de buffleterie.    Un livre à voile emportait la maison.    Dans les
    couloirs, les coursives, la mort glissait sans s’arrêter, perverse et
    court vêtue, pareille à l’avalanche, prenant   les mesures des dor-
    meurs à l’aide d’un mètre-pliant en bois jeune à bouts de cuivre.
    Un grand-père    de papier mâché,    un moutard violoniste, sans
    doute parvenus    à quelque degré     de maturité, disparaissaient
    soudain, cueillis sans avoir le temps de dire ouf.
    L’enfant,    assigné à résidence    par la fièvre, songeait que l’im-
    possible     seul se révélerait supportable  tout au long du périple
    fabuleux   à la poursuite du fin mot de la fin.   « Je vais me taire
    six mille années   pour commencer », décida-t-il avant de se ren-
    dormir, tourné du côté du mur, tandis que redoublait l’ondée.

     

    IMG_1503

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Marc Alyn, Œuvres poétiques, Tome II, Le Rêveur éveillé (1992-2004), En couverture : Youl, 2024, La rumeur libre Éditions,pp.365, 366, 367.

    ______________________________________________________________________________________________________________________________

    ______________________________________________________________________________________________________________________________

    MARC   ALYN

    Vignette Marc Alyn

    ■ Marc Alyn
    sur Terres de femmes ▼

     

     

    → « Orée » in Œuvres Poétiques, Tome I, L’Aventure initiatique (1956-1991, La rumeur libre Éditions, 2024
    → Forêts domaniales de la mémoire, Le rumeur libre, 2023l lecture d’AP)
    → [Un lézard est sorti du sépulcre du Roi] (poème extrait de La Parole planète)
    → « Proses de l’intérieur du poème » (Inédits, été 2010), in Dossier Marc Alyn rassemblé par André Ughetto
        Revue de poésie et de littérature Phœnix, cahiers littéraires internationaux, janvier 2011 ― N°1, page 17 ; in « mots somnambules
        [in « La durée circulaire »], Proses de l’intérieur du poème, Le Castor Astral, 201
    → D’une voix d’aube (poème extrait des Alphabets du Feu)
    → Le temps est un faucon qui plonge (lecture d’AP)

    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une notice bio-bibliographique consacrée à Marc Alyn
    → (sur Wikipedia.fr) un bel article consacré à Marc Alyn
    → (sur books.google.fr) Mémoires provisoires | Entretiens de Marc Alyn avec Marie Cayol
    → (sur books.google.fr) Marc Alyn, Le Chemin de la parole | Poèmes choisis 1954-1994
    → le site de la revue Phœnix

     

  • Hélène Sanguinetti / Cargo bleu sur fond rouge

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    6a00d8345167db69e200e551a309508834-800wi

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Aquatinte de  →  G.AdC 

     

     

     

                         À celui qui

    Et que j’aime

     

    Vésuve ne cesse pas de chuchoter avec le
    ciel. Du vent venu de là et du silence qui
    râpe, une invasion de fourmis lentes, les
    Infatigables. Qu’en vois-tu depuis ta petite
    fenêtre que je ne connais pas ?
    Que reste-t-il de moi dans tes poumons
    quand tu plonges, suis-je air ou vide brûlant
    déjà éponge et corail, déjà douceur et
    douleur, et toujours le bienvenu retour du ciel,
    là, retour enfin aux yeux, aux miens ?
    Les petits pains dorés fabriqués par tes
    doigts, déposés par tes doigts,
    sont sur la coupe, je mords, l’oranger, tes
    doigts. Collés à mon nord et à mon sud, plus loin
    que les boucles parfumées. Plus
    qu’envahie. Ennoiement.

     

    IMG_1502

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Hélène Sanguinetti, « D’ici, de ce berceau », Flammarion 2023, in Cargo bleu sur fond rouge, Anthologie 1999-2017,
    Couverture: Conception graphique Bruno Cahuzac, Dessin, Sylvie Lobato, Éditions LansKine 2024, p.104.

     

    ______________________________________________________________________________________________________________________________

    ______________________________________________________________________________________________________________________________

     

     HÉLÈNE SANGUINETTI 


    Hlne_sanguinetti_par_guidu
    Ph., G.AdC

     

    ■ Hélène Sanguinetti
    sur Terres de femmes ▼

     

    Le Héros, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2008.
    → Alparegho, Pareil-à-rien (note de lecture d’AP)
    → De quel pays êtes-vous ? (extrait d’Alparegho, Pareil-à-rien + bio-bibliographie)
    → De la main gauche, exploratrice (I)
    → De la main gauche, exploratrice (II)
    → De ce berceau, la mer (extrait de D’ici, de ce berceau)
    → À celui qui (extrait de Hence this cradle)
    → Et voici la chanson (note de lecture d’AP)
    → [Automne vivant et adoré] (extrait de Et voici la chanson)
    → [Ma trouvaille de tout à l’heure] (extrait de Domaine des englués)
    → [Premier soleil] (autre extrait de Domaine des englués)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) La vieille femme regarde en bas
    → (dans la galerie Visages de femmesun Portrait de Hélène Sanguinetti par G.AdC (+ un poème extrait de De la main gauche, exploratrice)

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique
    (+ un extrait sonore issu de Alparegho, Pareil-à-rien)
    → un extrait sonore [10 mn] de Et voici la chanson (« JOUG 2 » « Voici la chanson », pp. 22-31) dit par Hélène Sanguinetti. Prise de son : François de Bortoli

     

     

  • Elisabeth Chabuel / Ombres Portées

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    Big-ombre1(1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    écrire

    pour le sentiment de vivre

    en soi
    ce sentiment de puissance
    qui permet de faire face

    tandis que j’erre
    sans bouger

    tournant
    tournant autour
    de mes possessions
    de mes pertes

     

    écrire
    pour laver à grande eau
    les résidus
    qui se sédimentent
    sur l’écorce des choses

    laver

    pour oublier
    ou pour pardonner

    laver pour refaire les armoires

     

    puis vient le temps des armoires

    après la lessive

    étendre
    et ramasser

    jeter
    ou ployer
    ce qui a séché

    et ce qui reste
    l’évaluer

    le laisser en l’état ou le remettre en état ?

    avant de le ranger dans les mémoires vides

        recoudre le bouton
        repriser un accroc
        poser une pièce
       détourner un col

    nos mémoires
    armoires
    peuplées de fantômes

     

    Bigl-couvertureLC

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Élisabeth Chabuel, Ombres portées, Photographies : →  Géraldine DuboisZinzinule Éditions 2024,pp. 11,13,15.

    Note de → l'Éditeur 
    Format A5 relié anneaux
    24 pages
    9 photographies noir et blanc – tirage pigmentaire sur papier Awagami bamboo 180g

     

     


    ÉLISABETH  CHABUEL

    Elisabeth-chabuel(1)

     

     

     

     

     

    Source

    ■ Élisabeth Chabuel
    sur Terres de femmes ▼

    → Et ils sont (extrait)
    → Intime violence
    → [on ne pense pas au présent] (extrait des Passagers)
    → Veilleur (note de lecture d’AP)
    → Je (extrait du Veilleur)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Le Moment



  • Angèle Paoli / Fureur / Poésie Polaroïd

    << Ma poésie du week-end 

    Polaroid_02_tuer
    Polaroid, G.AdC

    Fureur

                                       posée dès le matin

    au cœur des jeux

                                                                           Rien d’autre

                                                                            sinon

    tuer                                                              le rêve

    de mort

    lente

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli


    _________________________________________

    Extrait de   =>  Éclats d’éclats : Poésies polaroïds

     
  • Laurine Rousselet / article d’Angèle Paoli / Claude Ber

     

    Laurine Rousselet, un article d'Angèle Paoli in Invitée du mois ( Janvier 2025 )  de Claude Ber

                        Lire le texte  →   sur le site de Claude Ber 

     

    LAURINE ROUSSELET  /   source 

    860_laurine-rousselet-par-michel-durigneux-2013(1)Comment se décide-t-on à publier, lorsque l’on ne garde rien ? Laurine Rousselet ne se retourne pas sur elle-même, sur ce qu’elle a écrit en amont. Elle s’y refuse. Elle élimine et elle jette. Elle ne garde que ce qu’elle a décidé de choisir. C’est sans doute que Laurine Rousselet vit-écrit — les deux verbes sont inséparables — dans la fragmentation de l’instant, dans le galop de la double tension écrire/vivre. Dans la stupeur que l’étrangeté d’être suscite en elle continûment. Écrire, pour Laurine, est indissociable de la vie quotidienne. Écrire, c’est se laisser emmener par le choc premier de la sidération, c’est se laisser saisir par le fracas du silence. Écrire donc, « à brides abattues », très tôt le matin ou dans cet entre-deux qui sépare la nuit de l’aurore, et galoper, jusqu’au vertige, à la « vitesse du saisissement ».

    À la question qui lui est posée « Que vouliez-vous faire à dix-sept ans ? », Laurine Rousselet répond : « Écrire. Je ne vois que ça ! » Née à Dreux (en Eure-et-Loir) en 1974, l’auteure publie ses premiers poèmes en 1998 dans le numéro 88 de la revue « Digraphe», consacré à la poésie chilienne. Elle n’a cessé depuis d’apporter sa contribution à différentes revues en tant que rédactrice et traductrice. En juin 2002, sur l’invitation de Madame Arlette Albert-Birot, elle participe à la rencontre poétique du Marché de la poésie sur le thème « Rives et Dérives de la Méditerranée ». Laurine Rousselet monte sur le podium pour lire ses poèmes. C’est sans doute l’une des rares fois où la jeune poète, peu encline à s’inscrire dans le tourbillon des rencontres parisiennes de juin, se produit place Saint Sulpice. Pourtant, à partir de ce moment-là, son œuvre prend forme et les publications se succèdent au fil des ans. Tant dans le domaine de la poésie que dans ceux du récit et de l’aphorisme. Pour l’écrivaine, la question des genres, une question purement littéraire selon elle, ne la concerne pas. La poésie est un état. On peut la retrouver partout, sans se préoccuper de la cantonner et de l’enfermer dans un genre particulier.
    L’année 2005 est une année marquante pour la poète. Sur l’invitation d’Arlette Albert-Birot, Laurine Rousselet effectue un voyage à Cuba, en compagnie de Bernard Noël. Tous trois participent à la « Semaine de la Francophonie » qui se tient à La Havane. La poète retournera à Cuba en 2009 en tant que boursière des missions Stendhal.

    Parmi ses ouvrages les plus importants figurent le recueil poétique bilingue français-arabe Mémoire de sel, traduit par Abed Azrié (L’Inventaire, 2004) ; Séquelles (Dumerchez, 2005) pour lequel Bernard Noël souligne qu’il n’y a dans ce recueil « pas d’autre règle que cet ajustement soucieux de réunir dans une même scansion le verbe et la perception, le premier écorchant la seconde pour restituer la vibration nerveuse au lieu de l’imager » (note parue dans le numéro 5 du « Marché des Lettres »), recueil bilingue français-catalan traduit par Manuel Costa Pau (« Llibres del Segle », Gaüses, 2008) ; Journal de l’attente (Isabelle Sauvage, 2013) ; Crisálida, dans lequel figure « Sans lui », un long poème dédié à Hubert Haddad, rencontré à l’âge de 25 ans (« L’Inventaire », 2013) ; Nuit témoin (Isabelle Sauvage, 2016). Parmi les récits, citons L’Été de la trente et unième (L’Atelier des brisants, 2007) ; De l’or havanais (Apogée, 2010) ; La Mise en jeu (Apogée, 2010). Hasardismes enfin, recueil d’aphorismes (L’Inventaire, 2011) et l’essai-poésie Syrie, ce proche ailleurs (L’Harmattan, 2015).

    Laurine Rousselet est aussi à l’origine de nombreux livres d’artistes. L’Ange défunt, illustrations d’Hubert Haddad (Alain Lucien Benoit, 2003) ; Au jardin de la chair cernée, dessins de Thierry Le Saëc (La Canopée, 2008) ; Amaliamour, gravures d’Albert Woda (de l’Eau, 2010) ; Faim et Faim, peintures de Guillaume Guintrand (Approches, 2010) ; Vacarmes, photographies et collages d’Yves Picquet (Double Cloche, 2012), Ce matin six heures, gravures sur bois de Jacky Essirard, l'Atelier de Villemorge, 2013.

    Depuis ses lointains débuts, l’écriture est en chemin. Elle évolue avec le temps dans une voix qui est, selon les mots de l’écrivain Marcel Moreau, une « grande voix ».
    « De poème en poème, Laurine affine son art de grimper aux extrémités du non-dit. Elle a cette souplesse-là, si rare : cette pulsion-là si téméraire. On se demande ce qu’elle fait, dans les hauteurs du non-dit, à quel vertige elle s’initie, mais le certain, c’est quand elle redescend, elle est une Voix, déjà une grande voix. »
    Laurine Rousselet réalise un « Sur les Docks », France Culture, sur Marcel Moreau, qu’elle nomme volontiers son « plus fidèle et vieux compagnon », ce « possédé des mots ». Diffusion le 4 janvier 2016.
    Moreau, Haddad, Noël, les poètes composent une figure trinitaire fondatrice qui a orienté le destin de poète de Laurine Rousselet. Outre ces pères fondateurs, Laurine Rousselet évoque ses amis syriens dont elle épouse la cause. Dont le photographe et ami de Damas, Nassouh Zaghlouleh. Pour l’auteure, s’inscrire dans le monde, dénoncer les horreurs d’un conflit qui s’éternise, dénoncer la destruction organisée et systématique d’un pays, relève d’une volonté métaphysique quotidienne inébranlable. Et l’écriture participe à part entière de cette volonté.
    En amont, parmi les poètes de sa jeunesse, figurent Marina Tsvetaïeva qui l’a autorisée à entrer en poésie et qui ne l’a jamais quittée. Et Alejandra Pizarnik. Antonin Artaud. Mais aussi les grands noms russes du siècle d’argent : Maïakovski, Pasternak, Mandelstam… Plus tard, Paul Celan.

    Aujourd’hui, outre le temps qu’elle réserve à l’écriture de ses ouvrages poétiques, Laurine Rousselet poursuit son travail de revuiste. Elle dirige « Les Cahiers de l’Approche », plaquette de poésie bilingue, depuis 2011. Début 2016, elle a consacré deux articles au poète Serge Pey. L’un, « Manifeste magdalénien », pour la revue papier « L’Actualité Poitou-Charentes » ; l’autre pour le numéro 92 de la revue mexicaine « Archipielago » : « Serge Pey o el vidente del Nierika ».
    France Culture a donné à entendre la voix de Laurine Rousselet à plusieurs reprises. L’émission « L’Effractionnaire » (L’Atelier de la création) est consacrée à son œuvre, au travers des voix d’Hubert Haddad et de Marcel Moreau. Réalisation par le compositeur Abdelhadi El Rharbi, textes lus par Anouk Grinberg.

    ________________________________

     

    ANGÈLE PAOLI

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

    ________________________________

     ♦Voir aussi sur→ Tdf 

     

  • Emmanuel Moses / Et souviens-toi que je t’attends

    << Poésie d'un jour

     

     

    24-divan

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Divan de psy.  Source

     

     

     

     

     

    A.- « En fait, la mort ce sont les déménageurs », voilà ce que m’a dit mon psy. » Ce sont les déménageurs que vous attendez et qui doivent venir et tout emporter avant l’arrivée des nouveaux propriétaires. » « Et l’écrivain ? », lui ai-je demandé. Il n’a pas répondu mais il a hoché lentement la tête comme s’il voulait me montrer qu’il réfléchissait à ma question ou alors que je devais y réfléchir moi-même. 

    B.- « Ne les laisse pas entrer », ai-je pensé. Tu resteras sur place. Qu’ils te délogent au bulldozer, qu’ils te prennent au lasso, ai-je encore encore pensé. J’ai grandi ici, j’ai fumé mon premier joint ici, j’y ai découvert la masturbation, dans la baignoire de la salle de bains du premier étage, j’y ai baisé pour la première fois, puis je me suis transformé en adulte enchaîné par le principe de réalité et maintenant, en raison d’une transaction immobilière, suspecte qui plus est, au profit d’un promoteur qui, sur les photos, a l’air aussi véreux que ses cheveux gominés, on veut que je dégage ? Et l’esprit de papa, l’esprit de maman, l’esprit de Mima, ma grand-mère espagnole, que deviendront-ils sans moi ? Ça, l’agence, représentée par une grosse femme bronzée qui fumait et riait aussi gras que son corps et sans raison, n’a pas su me le dire.[…]

    B.- Il y a longtemps que personne n’est venu. J’espère le jour durant, j’espère une bonne partie de la nuit, jusqu’au moment où le sommeil me terrasse. Personne, jamais personne. Jadis, il en venait du monde ! Ça arrivait de partout. On n’avait pas le temps de dire ouf que le timbre se déclenchait, que la porte était martelée de coups. Mais à présent, nada. Parfois je colle mon oreille au battant, je pense : ça y est, j’entends quelque chose, quelqu’un, puis je déchante et je me dis : C’est dans ta tête, tu prends tes désirs pour des réalités en croyant que le miracle est sur le point de s’accomplir. Parlez-moi d’un miracle ! Jadis, cette agitation perpétuelle, on aurait dit un hall de gare, ma parole, je ma considérais comme une malédiction. Et voilà que j’en fais un miracle. Ah, le cœur de l’homme est changeant, traître à soi-même. Chuuut ! Enfin ! Là, ça ne fait pas le pli. C’est bon ! Hourrah ! Alléluia ! Je prends les devants et j’ouvre ou bien j’attends ? J’attends. Une minute. Deux. Dix. La cloche de l’église du village sonne l’heure suivante. Bientôt il fera sombre. Le soleil a disparu derrière le vieux charme. Je vais tenir combien de temps, ce soir, avant que le sommeil m’assomme, ou plutôt, qu’il me permette d’échapper à la désillusion, à l’amertume, au chagrin, intime de tous les dépités, depuis toujours ? […]

    C.- Quelqu’un viendra comme vient la foudre.

    A.- Comme tombe la neige.

    B.- Comme se lève le soleil sur les jardins étincelant de rosée.

    C.- Quelqu’un viendra comme fouette la pluie.

    A.- Quelqu’un viendra comme arrive un nuage sur le bleu d’un ciel d’été.

    C.- Comme une bourrasque qui dévaste tout.

    B.- Quelqu’un viendra comme souffle une légère brise, au matin, qui apporte le parfum des roses monté des jardins étincelants de rosée.

    A, B et C.- Oui, quelqu’un viendra, comme s’abat la grêle, comme se produit un raz-de-marée.

                                                                                                                                             

    IMG_1449 (1)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Emmanuel Moses, Et souviens-toi que je t’attends,
    Illustration originale de couverture de Jean-Claude Loubières, ©Monologue & l’auteur,
    Collection MONOLOGUE, revue de langue et de littérature 2024, pp.32,33,34,35,37.

    ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

    ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

     

    EMMANUEL   MOSES

    Emmanuel Moses
    Ph. © Jean-Luc Bertini

    Source

    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes ▼

     

    →  L’Auberge du bord de la route, Éditions Le Bruit du temps, 2024, (Lecture d’A P)
    → Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    → [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    → [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    → [Je ferme les yeux](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    → Dona (lecture d’AP)
    → [La pluie donne un soir inachevé](poème extrait de Dona)
    → Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    → [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    → [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    → La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    → Quatuor  (lecture d’AP)
    → [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    → [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    → [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)
    Étude d’éloignement, poèmes, Éditions Gallimard 2023

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar) la fiche de l’éditeur sur Tout le monde est tout le temps en voyage

     

  • Hélène Sanguinetti /Jadis, Poïena / Une poème

    << Poésie d'un jour

     

                                (Poïena est un secret)

     

               (.   .   .)
                    .
                    .

                     ……

                   ……….

                  ………….

              …………….

     

       

     

     

    ELLE
    a sur son visage,
    bien placées
    les couleurs qu’il faut,
    entre les jambes,
    sexe de secret
    Aïe ! un jour
    l’une et l’autre,
    s’aiment
    font confiance à
    Oubli de soi,
    Exploration, Réalité,
    Enchantement,
    Secret bien ciré, d’enfance
    et de vieillesse – souvent se
    Rejoignent,
    ainsi sur toute la terre
    depuis des siècles
    quand les deux
    se tiennent par la main
    pas d’offense pas d’embrouille
    tanguent jusqu’au
    bout du couloir
    au zoo l’une aimait
    l’éléphant, l’ours, l’autre,
    le phoque
    la panthère,
    s’est échappée dans la nuit même
    elle ira où ?

    (Amour de P.)

     

    « J’adore tes yeux »
    c’est matin c’est l’été dans la cuisine,
    Joyeux ricochent, Joyeuses aussi
    à plus de gorges, impossibles !
    ombre de la CUISINE, soleil dehors
    éclate
    L’homme qui chante
    à la radio a une voix de femme
    « J’adore toi »
    .    .    .
    .      .
    .    .
    .
    .

     

    Poiena

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Hélène Sanguinetti, « FILLE DE (1) », Jadis, Poïena, (une poème), suivi de FILLE DE JEANNE-FÉLICIE, Flammarion, 2005,pp. 51, 52.

     

    ______________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

    ________________________________________________________________________________________________________________________________

     

     

    HÉLÈNE SANGUINETTI

    Hlne_sanguinetti_par_guidu
    Ph., G.AdC

     

    ■ Hélène Sanguinetti
    sur Terres de femmes ▼

    Le Héros, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2008.
    → Alparegho, Pareil-à-rien (note de lecture d’AP)
    → De quel pays êtes-vous ? (extrait d’Alparegho, Pareil-à-rien + bio-bibliographie)
    → De la main gauche, exploratrice (I)
    → De la main gauche, exploratrice (II)
    → De ce berceau, la mer (extrait de D’ici, de ce berceau)
    → À celui qui (extrait de Hence this cradle)
    → Et voici la chanson (note de lecture d’AP)
    → [Automne vivant et adoré] (extrait de Et voici la chanson)
    → [Ma trouvaille de tout à l’heure] (extrait de Domaine des englués)
    → [Premier soleil] (autre extrait de Domaine des englués)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) La vieille femme regarde en bas
    → (dans la galerie Visages de femmesun Portrait de Hélène Sanguinetti (+ un poème extrait de De la main gauche, exploratrice)

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique
    (+ un extrait sonore issu de Alparegho, Pareil-à-rien)
    → un extrait sonore [10 mn] de Et voici la chanson (« JOUG 2 » « Voici la chanson », pp. 22-31) dit par Hélène Sanguinetti. Prise de son : François de Bortoli