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  • Daniel Morvan / Quitter la terre

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    Bis

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     " Je n’irai pas jeter des cris à la face de la nuit " 

    Aquatinte de → G.AdC 

     

     

     

     

    Pour  → Mathilde en juillet

     

    Non je n’irai pas tutoyer le néant comme aux déplorations
    ordinaires
    ni lui adresser la chanson des mercenaires désœuvrés
    qui gardent la porte des villes et lardent de leurs couteaux
    le flanc gras des congres
    je te dirai vous ma fille
    parce que vous serez partout et innombrable
    dans cette ville qui se balance comme les roseaux

     

    J’accueillerai votre propagation irrésistible
    qui se trouvait déjà dans l’eau verte de la fontaine
    et dans les jeux d’eaux du palais d’Orta
    et dans la verdeur des fruits qu’aujourd’hui je cueille
    les eaux assoupies de septembre contiennent
    les larmes à venir Il est doux pourtant de s’y baigner
    Je n’irai pas jeter des cris à la face de la nuit
    ni frapper des cymbales contre sa progression
    Je n’irai pas protester et élever dans l’obscur
    l’ennui d’une plainte contre les éclats de Jupiter
    qui ensoleille les ombres et exhausse de larmes
    le berceau le plus sûr et le moins rebelle

    viendront
    —après les fausses splendeurs et les frayeurs de submersion
    quand nous aurons cessé de prolonger nos bains
    et d’offrir nos corps aux bleus du sel et du limon
    où la menace n’est encore que la vibration lointaine d’un marteau
    sourd qui frappe le bronze là-bas sur la rive opposée
    —Viendront les mois de cendres et des boues étincelantes
    qui me rappelleront nos veilles aux remparts assiégés
    par les eaux jaunes d’un flot qui cette fois ne se pare
    d’aucun artifice et ne se donne pas les beautés
    d’un parfum s’écoulant d’une vasque

    puis
    ce seront les mois noirs la saison des décombres
    les jours de la rumeur montante et de votre rire effronté
    de votre insolente parole opposée aux langues innombrables
    que la souveraine emploie lorsqu’elle ordonne ses divisions
    et entre dans la ville pour établir son trône

    puis ce sera le mois le pire dont chaque jour
    s’annonçait le dernier et pourtant faisant face ainsi qu’un soldat
    aux avant-postes ôte des poussières qui gênent les parvis
    et les placîtres laineux de la nécropole
    d’un doigt léger vous jouerez
    sur une cithare de coquillages votre chanson tendre pour accueillir
    dignement la reine dans son appareil de guerre

    Puis
    ce sera le dernier jour celui où vous me direz
    Père connaissez-vous cet air et voulez-vous que je vous le chante
    encore
    Nous aurons alors atteint le faîte de ce cairn édifié
    tous ces jours qui nous rapprochent
    de l’étoile Elle ajoute ses feux aux ondes jaunes et noires
    et mire ses éclats sur les flancs brillants
    de la nécropole intérieure dont tous les jours sont
    le dernier jour recommencé

     

    Quitter-la-terre

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Daniel Morvan, « Le jeu des étoiles » in Quitter la terre, Éditions Le temps qu’il fait, 2024, pp.88, 89, 90.

    MORVAN-officiel-©Bernard-Galeron

     

     

     

     

     

    Photo: ©Bernard-Galeron

    Mathilde Morvan, chanteuse nantaise connue sous le nom de « Mathilde en juillet », est  morte d'un cancer à l'âge de 25ans .
    C'était la fille de Daniel Morvan.

    ♦ Bio de  → Daniel Morvan
    ♦ Voir aussi sur → Tdf 

     

  • TdF sommaire du mois de mars 2024 / N° 230

     

    TDF MARS 2024

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    ♦ SOMMAIRE DU MOIS DE MARS  2024  ♦

    ♦ Cartouche du N°230 de Terres de femmes / mars 2024 ♦

     

                                   Albertine Benedetto-Eva Maria Berg / Mémoires du Rhin, Der Rhein-Erinnerungen,

                                   Nicolas Pesquès / La face nord de Juliau dix-neuf / Lecture d'Angèle Paoli

    Isabelle Lévesque & Sabine Dewulf / Magie Renversé

    Bernadette Leconte / élémentaire

    Nuno Júdice in « Laurine Rousselet / Nuno Júdice » Réponses à la lumière,

    Hélène Lanscotte / Ma femme, cette animale / Lecture d'Angèle Paol

    Germain Roesz / Un silence dans le ventre

    Chantal Dupuy-Dunier / Parenthèses

    Nicolaj Zabolotskij / Poèmes en trois langues

    Jacques Goorma / Lucarne

    Michel Diaz, Lionel Balard / Éloge des eaux murmurantes

    Christian Bobin / Le Murmure

     Cécile Wajsbrot / Plein Ciel

                                   Béatrice Marchal / Salomé, ma salamandre

    Jérôme Nalet / Tangram

                                   Brina Svit / Les cycles de la révolte / lecture d'Angèle Paoli

                                   Emma Doude Van Troostwijk / Ceux qui appartiennent au jour

    Isabelle Baladine Howald / M

    Hélène Lanscotte / Ma femme, cette animale / L'espérance

    Thierry Pérémarti | Un jour plus loin dans le jour

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                    ♦ TdF sommaire du mois de février 2024 / ( N°229)
                    ♦ Cartouche du sommaire du mois de février 2024 ( N° 229) 

     ♦  Voir le  →  répertoire chronologique de tous les numéro

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  • Chantal Dupuy-Dunier / Parenthèses / Lecture de Gérard Cartier

    Chantal Dupuy-Dunier, Parenthèses
    Éditions Henry  /  Écrits du Nord, 2023)

    Lecture de → Gérard Cartier

     

     

     

     

    Chantal Dupuy-Dunier bis

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Chantal Dupuy-Dunier  Source photo 

     

     

     

     

    Rites de passage

     

    Certains recueils sont de l’ordre des rites – de ceux qu’on a de tous temps voués aux grands passages de l’existence. Quand ils naissent d’un deuil, ils font plus que le sanctifier, plus qu’assister qui en est frappé : ils nous aident, nous lecteurs, à affronter nos propres épreuves, et notre impermanence. Quelques livres, écrits dans le vertige d’un amour précocement arraché, ont ainsi marqué durablement notre époque – Du mouvement et de l’immobilité de Douve, par exemple, ou Quelque chose noir. Pour n’être pas lestés de cet inadmissible, les recueils écrits en mémoire de parents disparus, en donnant voix au chagrin, en nous remplaçant si nous avons manqué, n’en sont pas moins troublants.
    →  Parenthèses est le livre de ce double deuil.

    Chantal Dupuy-Dunier, qui dit n’avoir pas su dans l’occasion trouver les mots pour dire la perte, y revient des années plus tard, dans une composition en diptyque : Passe, impair et manque, sous-titre où, sous le jargon des cartes, qui rappelle que nos vies sont filles du hasard, on entend Passe un père, et manque ; et un explicite Laisse de mère. Ce ne sont pas des thrènes, mais des pages de carnet aux notations rapides, de brefs poèmes « couchés sur le papier dans l’urgence », puis au fil des jours, dont elle fait une cérémonie retenue, sévère, modeste, nécessaire.

    De ses parents disparus, de ces deux parenthèses dans le néant, nous saurons peu de choses, mais ce peu est tourmenté. Un père issu de la campagne, assez brillant pour se faire ingénieur, bientôt happé par la folie, interné, soumis aux électrochocs, longtemps absent au monde et à sa famille, avant de trouver un apaisement tardif. Une mère dont les années sont scandées par les deuils précoces et les abandons, qui fait face sans faillir. Ces événements douloureux, seulement évoqués, colorent légèrement le recueil, lui impriment le sceau de la réalité sans l’arracher à l’universalité. Ces deux vies, moins minuscules que d’autres sans doute, mais à quoi l’on peut s’accorder, ces deux vies à peine individualisées valent pour toutes.

    La section en mémoire du père est très singulière. Ce qui impressionne, chez Chantal Dupuy-Dunier, c’est son matérialisme absolu. Nous sommes chez Lucrèce. Il n’y a pas, dans cette opération de deuil, la moindre transcendance – ¬ pour autant que quelques images figées, des émotions presque aveugles, des paroles du passé qui subsistent en nous, ou qui font résurgence dans l’écriture, ne relèvent pas d’une sorte de transcendance à usage personnel. Son imagination s’attache au corps sans vie, enfermé dans des « parenthèses en bois », livré à la consomption, s’effaçant au fil des saisons. Cette inspiration noire, qui relève d’une longue tradition (qu’on pense aux transis sculptés sur les dalles ou aux vers sépulcraux de Chassignet), s’incarne pourtant dans une forme très tenue, loin de la prolifération d’images qu’appelle chez d’autres ce sujet.

     

    Trois mois déjà.
    Là-haut, ton corps se dissous petit…

    Autour du cimetière,
    quelques bourgeons osent esquisser le printemps.

    À l’intérieur, des cyprès ponctuent les tombes,
    hautes bougies votives.
    Les vœux formés en ces lieux ne se réalisent jamais,
    ils se dissolvent avec les corps.

    La mort prélève hanches, cuisses et sexe,
    artères et cœur,
    comme un boucher.

     

    Quant à la mère, qui est montrée « malade de l’ultime maladie », se délaissant peu à peu, se desséchant, puis s’éteignant seule, sa mort requiert un tout autre registre. Sa fille, en effet, se voit privée de cette amère ressource de l’esprit, l’imagination. L’incinération, violente, rapide (« On préfèrerait […] la lenteur d’un bûcher, / des rites de passage »), l’a réduite à presque rien, à « la plus petite des matriochkas » : une urne posée sur une tombe, qui dissuade d’aller y honorer celle qui n’y est pas, qui trouve son vrai tombeau dans ce livre…

    Sur ton sable :
    des lettres froissées,
    des objets morts.
    Les morceaux de verre dépolis
    voisinent avec un collier décapité,
    la nacre de coquillages écrasés
    et trois bagues coupées.
    Ces anneaux tenaient tes doigts,
    se souvenaient d’un lien.

    Naufrage de tout ce que tu aimais.
    Épave rejetée sur le rivage,
    ma mère.

    …lequel finit sur cette leçon, commune à tous, mais que tous ne s’avouent pas : « Depuis ta mort, / je n’ai plus jamais été enfant. »

     

    → Gérard Cartier  pour Terres de femmes

    Voir aussi  Chantal Dupuy-Dunier   sur → Tdf

     

     

  • Terres de femmes n° 230 ―mars 2024

    CLIQUER SUR LA PHOTO
    pour accéder au SOMMAIRE
    du numéro du mois de mars 2024

     

    TDF MARS 2024

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

    Responsable de la rédaction : Angèle Paoli
    Coordination éditoriale et mise en pages :  Yves Thomas  ( † 2021 ) 
    Direction artistique et mise en images : Guidu Antonietti di Cinarca:( G. AdC ) 
     
     

     

  • Gérard Pfister / Autre Matin suivi de Le monde du singulier

    << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

    Pierre-du-fleuve-bis

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    " … la lumière est cruelle comme un sourire à jamais sans visage … "

    Photographie → G.AdC 

     

     

     

    La vie ne possède rien
    pas même la vie

    Le chevreuil s’avance
    et un seul coup
    l’abat dans la neige

    La mort seule
    ramasse les bois

     

    Il fallait que tout revienne
    au premier jour

    d’un même élan
    que tout soit réuni

    la descente de l’eau
    l’éclosion de la sève

    qu’il n’y ait qu’un seul
    un innombrable chant

     

    Et ainsi
    si parfaite

    est ta douceur, si pure
    la lumière de tes yeux

    que tu ne me quittes pas
    dans chaque mot chaque silence

    -qu’il me faut apprendre à la neige
    à imiter ta voix

     

    Soudain tu vois

    les choses
    comme de l’autre côté du mur

    comme si le choix
    existait

    de naître
    ne pas naître

    le boulevard est beau
    d’une lumière sans lendemain

    la lumière
    est cruelle

    comme un sourire
    à jamais sans visage

     

    IMG_0182

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Gérard Pfister, «Autre Matin, V » in Autre Matin suivi de Le monde du singulier,
    En couverture Reverdir, Photographie de Marie Alloy,
    Le Silence qui roule, 2024, pp.72, 73, 74, 75.

     

    Gérard Pfister


    ■ Terres de femmes▼

    → Le Livre des sources, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2013.

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Pierre-Guillaume de Roux) la page de l’éditeur sur Le Livre des sources de Gérard Pfister
    → (sur le site des éditions Arfuyen) une fiche bio-bibliographique sur Gérard Pfister
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Gérard Pfister

     

  • Albertine Benedetto-Eva Maria Berg / Mémoires du Rhin, Der Rhein-Erinnerungen,

        << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

                                                                                                                      

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    wo der Rhein                                                                                           là où le Rhin
    entsprungen ist                                                                                         a pris sa source
    und sich nach norden                                                                               et se dirige vers le nord
    wendet ist es                                                                                             il n’y a pas
    nicht weit bis                                                                                            loin jusqu’à
    zur quelle der                                                                                            la source du
    Rhone die                                                                                                  Rhône qui
    in umgekehrtter                                                                                         s’en va
    richtung davon fließt                                                                                 dans le sens inverse

    welcher fluss ruft nicht
    den wunsch hervor
    auf und abwärts zu gelangen
    bei tag oder nacht
    durch seine ländereien und länder
    warum nicht einfach folgen
    all den windungen
    begradigten strecken                                                                                       hinabfüren lassen ohne
    stillen seitenarmen                                                                                          jegliche illusion ihr gold
    mit erneut auflebender flora                                                                           beschützen zu können vor
    und fauna wilden stromschnellen                                                                   raubrittern und kriegern
    breitem fließen plötzlichem                                                                            aus allen zeiten und völkern
    stürzen in einen wasserfall                                                                              noch einen der zahllosen ertrunkenen
    in dem jedes wort untergeht                                                                            und grausam versenkten
    bei nebel kein ufer mehr in sicht                                                                     wiederbeleben zu können
    bei niedrigwasser anker werfen                                                                       irgendwann mit nassen augen
    für ungewisse zeit die sonne                                                                            auftauchen und den salzgeschmack
    doppelt am himmel und                                                                                   des meeres im munde spüren
    im wasser sich von nymphen                                                                           bis heute

    quel fleuve n’évoque pas
    l’envie d’y
    monter et descendre
    de jour comme de nuit
    à travers ses terres et pays
    pourquoi pas simplement suivre
    tous les méandres
    des tronçons rectifiés                                                                par des nymphes vers le fond sans
    des bras latéraux silencieux                                                      aucune illusion de pouvoir
    avec une flore et une faune renaissantes                                   protéger leur dos des
    des rapides sauvages                                                                 chevaliers pillards et guerriers
    de larges écoulements une brusque                                           de toutes les époques et de tous les peuples
    chute dans une cascade                                                              ni pouvoir ressusciter un seul
    dans laquelle chaque mot se noie                                              de la foule des noyés et de
    par brouillard plus de rive en vue                                              ceux qu’on a cruellement engloutis
    par basse eau jeter l’ancre                                                          un jour les yeux mouillés
    pour un temps incertain le soleil                                                émerger et sentir le goût du sel
    doublé dans le ciel et                                                                  de la mer dans la bouche
    dans l’eau se laisser guider                                                         qui restera

     

     

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    Albertine Benedetto et Eva Maria Berg, Mémoires du Rhin I Der Rhein – Erinnerungen,
    Présentation Gilles Desnots, Encres de Josette Digonnet photographiées par Marianne Digonnet-Mir,
    Traduction d’Eva-Maria Berg, relecture d’Albertine Benedetto,
    Éditions pourquoi viens-tu si tard ? 2024, pp.58, 59, 60, 61.

     

     

    BENEDETTO

     

     

     

     

     

     

     

     

    Albertine Benedetto → Ici 

     

    Eva maria berg

     

     

     

     

     


                                            Eva Maria Berg →  Bio 

  • Nicolas Pesquès / La face nord de Juliau dix-neuf / Lecture d’Angèle Paoli

    Nicolas Pesquès
    La face nord de Juliau dix-neuf
    Flammarion 2024,

    Lecture d’Angèle Paoli

     

     

     

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    Photo Jean-Luc Bertini © Flammarion

     

     

     

    Entrer dans les yeux comme dans la couleur d'un tableau

     

    J’avais laissé derrière moi La face nord de Juliau. C’était en 2020, avec les numéros 17 et 18. Je la retrouve en 2024 avec le numéro dix-neuf. Dernier numéro. Une suite et une fin. J’ai été surprise et attristée par cet arrêt auquel je ne m’attendais pas. Il me laisse vacante, avec pour simple recours les images anciennes que j’ai gardées de Juliau, tout ce que Juliau véhicule en moi par l’écriture, et même au-delà, tout cet inexploré tout juste ébauché.

    Mais dix-neuf épisodes, c’est déjà une somme. Une œuvre complète. Sur un sujet identique, lu et revisité à chaque nouvel exemplaire sous des angles d’approches, des regards, et une écriture toujours renouvelée. Ce dernier volume ne fait pas exception aux livres qui le précèdent. Il recouvre et complète les années antérieures. Trois années, apparemment, de 2018 à 2020. Cela fait donc déjà 4 années que le poète n’écrit plus sur Juliau. Ou peut-être écrit-il, à notre insu, sous une autre forme, sur un autre support d’images.

    Composé de trente chapitres, le recueil suit une chronologie datée, avec des espacements assortis de silences,-séparations et ruptures peut-être – plus ou moins importants. Nicolas Pesquès, depuis toujours, tient une sorte de journal dont le personnage principal serait/est Juliau. La colline ardéchoise jaune-genêts. Colline aimée, convoitée, ardemment désirée, source et nourriture de son œuvre majeure. Elle est ce qui de tout temps pour lui, précède l’écriture. Elle est ce qui lui survivra ; ce qui restera du poète, le "Maître de Juliau".

    Juliau s’inscrit dans l’antériorité de l’existence. Les années se perdent dans le recul de la colline. Le temps bifurque, qui s’évade et se dilue dans le temps de l’écriture et dans les pages, laissant la colline à sa divagation. Le jaune flamboyant du genêt se nimbe désormais de rose de bleu de mauve.

    J.19 donc. Le journal d’écriture s’ouvre un 1er octobre 2018. La dernière date le clôt au 3 avril (2020). L’année n’est pas notée par l’auteur, raison pour laquelle je la mets entre parenthèses. La question récurrente qui se pose à la lectrice que je suis est celle du pourquoi. Pourquoi cet arrêt ? Il y a sans doute mille raisons à cela. Je sais que la colline a bien des atouts pour disparaître et réapparaître ; pour laisser affleurer ses apparitions jusqu’au cœur de son absence. Mais le mot « Fin » auquel s’ajoute (« Fin des Juliau ») ne fait pas de doute. Peut-être la réponse se dissimule-t-elle entre les pages ? La question s’est sans doute posée au poète antérieurement, au fil du temps au fil de l’écriture. Je n’en ai pas gardé le souvenir. Cela ne m’avait pas marquée au cours de mes précédentes lectures. La voici qui survient au détour d’une page :

    « 27 juin
    -Et maintenant que pouvons-nous faire ? Nous taire ? »
    Ailleurs cette injonction : « Poursuivre la lecture, continuer la colline… » (en marge, au crayon, j’ai noté : OUI)
    Ou encore, cette supplication : « -S’il vous plaît, poursuivez la colline ».

    La question annexe qui vient à l’esprit est celle de « l’inspiration ». Que dire d’autre, que dire de nouveau qui n’ait déjà été dit ou déjà abordé ? Quel dialogue est encore possible avec la colline ? Et pour quelles finalités ? Quoi que l’on dise ou que l’on puisse penser, il existe toujours de multiples ouvertures, des bifurcations insoupçonnées qui soudain s’offrent dans le paysage scriptural. Drainant avec elles de nouvelles finalités.

    Ainsi y a-t-il dans J.19 des finalités discursives :

    « Au début de ce livre, je voulais explorer un dialogue, je le souhaitais ininterrompu et vivre son événement… » (ou avènement ?) 

    Même fragmenté, le dialogue procède par touches sensibles, de réflexion en réflexion, de questionnements en contradictions. « Une sorte de conversation » dont l’on oublie le « qui parle à qui ». Pourtant tout dialogue comporte sa part d’échec, car il est toujours exclusif. Il suffit d’avoir en mémoire les « souffrances du jeune Werther » (Benjamin Constant) ou les échanges de Mr de Nemours avec Madame de Clèves (Madame de La Fayette). Comme le suggère le poète à la suite d’une relecture de Roland Barthes dans ses Fragments d’un discours amoureux :

    « C’est toujours elle/lui pour moi, toujours l’ego versus ce qui l’électrise et le martyrise : jamais nous, jamais un dialogue qui échapperait à l’égoïsme (le même que celui de Mr de Nemours), qui ouvrirait la langue pour deux. »

    Il y a ce travail de forage du langage ; cette énergie qui pousse à l’éprouver jusque dans ses moindres ressorts. À le sentir vivre, ressac de la phrase, dans son passage par le corps:

    « Le travail de la langue est ce forage, cette terre brûlée et ce royaume où plus rien n’est comme avant, ni même vrai, mais répondant à un si puissant désir que vous en cueillez finalement les bienfaits.

    Rose délice au regain, au recollement de l’image sur le corps réel. À la fin de la fiction, comme après l’essartage, tout regagne en vitalité. »

    Il y a ce désir que l’on peut aussi appeler amour et la tentation qui l’accompagne – récurrente à la manière du flux et du reflux de la vague – d’y céder.

    « Peut-être n’y a-t-il pas à choisir entre écrire et aimer, qui seraient deux mondes et deux moments qui se longent et se côtoient, qui veulent s’inventer, balbutier la clarté des choses muettes… » 

    Il y a cette obscure énergie qui se manifeste comme une incitation à laquelle il est difficile de résister :

    « Prolonger, reprendre… écrire pour une vie double, multiple, sans le devoir à une double vie. » 

    Il y a la recherche permanente d’éprouver des similitudes. Entre le paysage et la peinture, le paysage et le dialogue :

    « Le vent sur l’herbe, le jaune partout, les ondulations du dialogue. »

    Il y a chez le poète cette obsession de l’abandon et du retrait :

    « J’ai franchi le bois et maintenant nous sommes dans la tension », confie le narrateur. Avec au cœur, ce paradoxe crucial :
    « Entre temps, le paysage aura vieilli. Écrire ne cesse de nous séparer. À tout instant rayer une ligne est un sourire en plus. » L’écriture ou la vie ? Quelle possibilité autre si ce n’est se résoudre à un choix impossible ?

    « Changer la vie avec le même horizon, ou bien changer d’horizon en retenant la vie. »

    Et moi, égoïstement parlant, comment vais-je me passer de la colline aux genêts ? Lire/relire, les différents recueils. Dans l’ordre ou dans le désordre. Continuer d’annoter, en marge des pages. De relever des phrases que j’aime et qui me parlent. Faire un carnet des Juliau.

     

    En attendant, voici le dernier des Juliau. L’ultime exploration. Avec J.19 s’ouvre un dialogue ininterrompu. Si l’on met à part le préambule et les arrêts sur images que sont les trois interludes et les deux « Pense-bête intermédiaire », proses explicatives et poétiques à la fois.

    « Hyper-lyrique, mais sur papier glacé, vrac de pensées et vrac de pulsions tirées au cordeau. Au millimètre d’une fièvre, d’une inclinaison de tête. À leur amorce, à leur énervement. Un travail d’ajusteur, les mains dans la glu. » Premier « Pense-Bête intermédiaire »

    Le dialogue commence avec une phrase tirée de Luc XXIII – Bible de Jérusalem– : « En vérité, je vous le dis, aujourd’hui, vous serez avec moi sur la colline. »* Première entrée dans la lecture.

    La colline donc. J.19. Sous-titrée J. Princesse de C.

    La colline, habillée en Clèves. D’où la seconde entrée, accompagnée d’une épigraphie extraite des Fragments du Discours amoureux de Roland Barthes :

    « Penser à quelqu’un ? Ça veut dire l’oublier (sans oubli, pas de vie possible).

    Ainsi, par l’entremise de la Princesse de Clèves porteuse d’oubli et d’amour, le poète entre-t-il d’une manière énigmatique et inattendue en dialogue amoureux avec sa colline. Sa colline érotisée en Princesse.

    « -Un amour en dialogue, comme on dirait une Princesse en colline. »

    Et la correspondance entre C et C est confirmée, dans le préambule d’abord par cette adresse :

    « Vous – la plurielle revenue des ombres – êtes occupée dans des images qui agissent et se répètent… Puisque aussi bien la colline est un corps, le vôtre peut en répondre. Vous absorbez l’entière intimité de l’érotique du monde. »

    Puis par cet aveu troublant :

    « Elle se souvint d’avoir dit devant lui qu’elle aimait le jaune. » (Madame de La Fayette)

    Ce dernier volume s’annonce singulier. La première de couverture choisie par le poète n’est pas tout à fait dans la continuité des précédents recueils. On est pourtant toujours dans l’art contemporain. Mais ici, en lieu et place d’une peinture abstraite, on a une présence. Une présence absente car il s’agit d’une robe blanche, privée de tête. Une belle et longue robe parcourue d’un ruban tressé. La robe d’une femme du XIXe siècle, vue de dos, Une image me vient aussitôt à l’esprit. Je pense à la « dame blanche ». Emily Dickinson. Or Emily Dickinson apparaît dans les dialogues du poète avec ceux et celles qui l’accompagnent tout au long de ce volume :

    « J’ai la forte suspicion que les moments que nous n’avons pas connus sont pour vous les plus tendres. » Confie Emily Dickinson dans sa CorrespondanceCe qui rejoint peut-être cette réflexion sur l’écriture et sur la vie :

    « On écrit ce à quoi la vie n’arrive pas, soit la phrase qui vous va. »

    Pour en revenir à cette image, la robe occupe une partie du paysage, un paysage de superpositions de livres-sculptures immenses, posés à l’orée d’un bois. Le fantôme, car la femme sans tête évoque le fantôme, semble se déplacer sur une jonchée de feuilles ou de lianes, un entremêlement de peaux ou d’écorces, peut-être. Je retourne le livre et je lis : Atelier Anselm Kiefer. La silhouette blanche fait partie des œuvres de l’artiste allemand, Les fantômes de l’histoire. Et l’atelier dans lequel apparaissent ces fantômes est celui de son ancienne résidence de Barjac, dans le Gard. Cette image imprime d’emblée à mon esprit de lectrice une impression de mystère mêlée à un sentiment de passé. Et même de mort. Quelque chose a été vécu, une histoire d’amour, peut-être celle d’une rencontre qui s’est évanouie avant que ne se réalise l’amour, laissant place à une forme de tristesse, de chagrin subtil inscrit sous la peau. Un passage. Un effacement lent, un éloignement, une séparation. Ainsi pourrait se définir le livre :

    « Ce livre serait le revenant et le guetteur, l’accroche des mouvements dans le temps des robes peintes ou réelles » 

    C’est aussi ce qui se lit dans ce dernier recueil, qui donne toute sa place à l’entretien dialectique. Un échange parlé à plusieurs niveaux : celui du narrateur avec la colline habillée en princesse de Clèves, et/ou avec ses interlocuteurs anonymes ; avec les auteurs dont les citations servent d’appui à sa réflexion. Alimentant les interrogations sur le langage et sur les images. Sur le rapport que le poète entretient avec ces différentes formes de présence au monde, de traces liées à la mémoire. Il interroge son rapport à l’art, notamment à la peinture et à l’image. En cela, le dernier volume des Juliau est plus complexe, me semble-t-il, que les précédents.

    Le cheminement à travers J.19, extrêmement dense et riche d’une pensée exigeante, se fait en harmonie avec les apports extérieurs greffés sur le dialogue principal. Nicolas Pesquès ne part pas de rien. Ce qui se pense et s’écrit prend appui sur d’autres écrits antérieurs aux siens. Ce qui apparaît dès l’épigraphe empruntée à Roland Barthes va se poursuivre au cours du voyage à travers phrases (en caractère gras) et images et se compléter avec un nombre important de compagnons de route, complicités de partage. Depuis Pascal Quignard jusqu’à Robert Musil en passant par Mme de La Fayette, Anne-Marie Albiach, André Breton, Virginia Woolf, Agnès Rouzier – « une anti-Clèves » (à explorer) – Annie Ernaux, les critiques d’art et philosophes Jean-Louis Schefer, Jean-Christophe Bailly, Georges Didi-Huberman et tant d’autres encore, dont les noms et les titres d’ouvrages sont mentionnés dans le chapitre des « Notes ».
    Dans le chapitre XXVII, le poète éprouve le besoin d’apporter un éclaircissement en forme de justification :

    « Ainsi ai-je pris appui sur maintes citations pour aller vers des phrases au bout desquelles j’espère toujours que quelque chose aura lieu, une ouverture, un seuil, un droit de suite à ce que je viens de lire. Lire relance la machinerie, y injecte de la fièvre ; parfois l’extrait disparaît de lui-même parce que le texte est passé ailleurs […] ; ou bien encore il s’est noyé dans les phrases qui ne cessent d’avouer qu’on écrit que parce qu’on a lu et depuis ce qu’on a lu autant qu’avec ce qu’on voit et ce vers quoi l’on se dirige. Écrire étant une expérience qui, dans le meilleur des cas, intègre tous ces savoirs et toute leur obscurité, lourd bagage retourné en désir, et que le désir bouscule. »

    Lire J.19 c’est mettre la pensée en marche de Nicolas Pesquès en résonance avec la pensée des écrivains de prédilection. C’est procéder à un élargissement de l’horizon de la colline. C’est lancer des passerelles entre le « visible et le discursif ». Mais pas seulement. En introduisant des citations empruntées ailleurs, en s’appuyant sur les phrases des autres, le poète espère relancer sa machine à écrire, « injecter de la fièvre » à ses propres phrases. Lesquelles procèdent des images et du désir qui les alimentent, les recréant à l’envi. Par l’entremise du corps. Or, c’est parce qu’elle a un corps que la colline suscite le désir d’écriture. Il suffit parfois de lui prendre la main, comme d’une amante, pour toucher sa présence. La colline a un corps, un corps sensible, ancré dans son espace naturel auquel elle est parfaitement adaptée. Et le genêt est son allié. Mais elle en a bien d’autres. La pente, le lièvre, le renard, les buses, la lune, la lumière, le jaune. Leurs zigzags. Et tous les assortiments de formes et de couleurs de Juliau. Ensemble ils reprennent place dans le paysage ainsi que dans le discours du poète. Omniprésente, la colline s’impose sous ses innombrables variantes dans des phrases brèves, énumérations nominales (souvent), ternaires ou quaternaires pour la plupart. Ces intrusions descriptives (à peine) ponctuent les interrogations et réflexions multiples que son existence suscite chez le poète. Outre qu’elles témoignent de la quête insatiable du poète, ces incrustations colorées et mouvantes peignent les changements, les écarts, les métamorphoses successives de la colline, ses moindres virevoltes et ses humeurs changeantes.

    « Jaune irritant, colline impartageable, tableaux muets » 
    « Le ravissement, d’image en image, de jaune en jaune » 
    « Jaune retourné, genêt d’outre-fond. Les corps intriguent. »
    « Herbe comme une boisson forte, jaune en majesté, jaune crucial et colline belle » 
    « Jaune calme, jaune mordu, un jour entier de lièvre et de cailloux… » 
    « Inclination de la pente, de la fourrure, du bleu qui rampe. » 

    Et même : « Saule pleureur, colline souple, ventre meuble ».

    Étrange intrusion ici du saule, car il n’y pas de saule sur le mont Juliau. Mais peut-être la présence de cet arbre est-elle annonciatrice de l’émotion qui s’exprime dans la phrase suivante :

    « Les yeux touchent comme des doigts dans la nuit. »

    Le poète travaille ainsi sur le motif minutieux – animal et végétal – qui introduit dans le recueil toute sa force poétique. La brièveté des vers, leur tournure, n’est pas sans évoquer une forme de haïku.

    « L’herbe fétiche, le genêt fétiche, la fin du jour »
    « La huppe souffle trois fois, le lièvre hésite, l’heure tourne » 
    « Brouillage des cigales, brut baiser de pie, muret franchi » 
    « P comme perdrix, zigzag du renard, mauve aux yeux ». 

    Il serait possible de bâtir un cahier poétique avec ces seules variations sur la colline. Un autre cahier pourrait être constitué à partir des suggestions et des injonctions qui jalonnent le texte et proposent parfois une méthode, une marche à suivre :

    « Le lièvre dans les bras, la foudre du « venez ! » 
    « Exacerber une subjugation lectrice, faire revenir les horizons à nos pieds, nourrir notre énergie » 
    « Ne déboucher que sur de l’incorporel » 
    « Passer le muret, écrire ce qui arrive, repartir de l’image et avancer dans la fiction » 
    « Écrire au fleuve, au devenir jaune » 

    « Le buis, le lièvre, le genévrier » se suffisent à eux-mêmes, mais suffisent-ils à celui qui écrit ?

    Il en est du désir comme des images. Il suffit parfois de quelques mots pour poursuivre la route, dans l’attente :

    « Roncier hypnotique, voltes, mèche, regard de fée.
    -Viendrez-vous ? »

    Quant à moi je médite sur ces quelques phrases, qui parlent avec perfection de l’expérience que j’ai faite récemment devant les grandes toiles de Mark Rothko :

    « Regarder ce qui se passe dans un regard, entrer dans les yeux comme dans la couleur d’un tableau ou le grain d’une image, aller au bout de la matière et à la limite de la sensibilité, ouvrir une possibilité de langage pour avancer encore… »

    Merci, cher Nicolas. 

    * La citation empruntée à Luc a été modifiée. Un peu.

     

    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

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    19

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    ♦ Voir aussi sur → Tdf

     

  • Isabelle Lévesque & Sabine Dewulf / Magie Renversée

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

     

     

    C_magie renversée

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lire tari et sanglot cessé,

     

                              les feuilles denses
                          au contour de la figure
                      signifient que l’ordre révolu
                 s’est retourné : la parenthèse
                               (ce seul signe)
                           ne sera plu fermée.

     

                              Si haut qu’il neige,
                          reste un nuage nomade.
                         Il passe et, merveilleuse
                      symétrie, n’est pas coupé.
                                   Que lire ?

     

                         S’il faut tendre et donner
                           la moitié de ce monde,
                              ce nuage est nôtre.
                                      Posé
                          sur les feuilles des hêtres,
                                    il s’expose
                                 farouchement,
                          pris dans le ferment du ciel.

                          (En signe de reconnaissance.

     

    (Où s’ouvre le ciel
    rien ne pourra le clore.
    Dans l’azur battant
    le nuage entier,
    la pluie, irrémédiable
    -traversière.

     

    Depuis longtemps tes yeux ont quitté le nadir.
    Dans le bois tu t’orientes.
    Tu sais qu’étourdira
    la neige des fleurs,
    des alarmes.
    Embrasse le chagrin,
    la joie qui tâtonne.

     

    Nous luttons, recevons,
    pour tomber, rebondir,
    déployer n’importe lequel
    de nos bras.
    Nous apprenons le ciel.
    Toujours nous donnerons le bleu,
    ferment du miracle.

     

     

    Au présent, au futur, tu énonces
        l’éternité. Quelle ponctuation
           placée au zénith pourra
               fondre les temps
                   pour l’azur ?

     

       Pluie éphémère, le nuage se garde
          de tomber plus bas que terre :
             il nous élève et signe
                 sa composition
        (pincée de ciel dans cette potion).

     

    Au chagrin, la joie : de la falaise
              l'écho modifie léger
              la trajectoire du son :
                    tu me réponds.

     

    Discorde, réconciliation,
          apprenons, retenons
                    2 et 1.

         Table d’orientation.

     

     

    La discorde, un rythme inouï
                  de douleur
        dans l’espace tranquille.
               2 et 1 font 21,
           danse du monde,
    table ronde des points cardinaux.
         Au centre nous cherchons
             ce qui n’existe pas.

             Si c’est une onde,
       l’éternité s’enlace au temps :
             une pincée d’écume
           donne goût à l’azur.
          Si elle est particule,
          elle émerge au zénith
    sur la plus fine pointe du présent,
          comme le point du i.

    Tu as ouvert, je soufflerai dans l’air.
                   Nous apprenons
                  à ne rien retenir

     

     

    B_magie renversée  (2).jpg bis

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Isabelle Lévesque et Sabine Dewulf, « XII, La Parenthèse » in Magie Renversée,
    Peintures de Caroline François-Rubino, Préface de Florence Saint- Roch, Collection Duo, Les Lieux-Dits

     

    ♦ Voir aussi sur  →   Tdf

     

     

     

     

     

  • Bernadette Leconte / élémentaires

      <<Poésie d'un jour 

     

     

     

     

     

     

     

    Paysage-8-

     

     

     

     

     

     

    Lavis de Bernadette Leconte 

     

     

     

                                                                                                           

    dansant devant le soleil
    une toile d’araignée
    prolonge le rêve de la feuille

    épine rouge
    le souffle de la rose
    devient larme de sang

     

     

    si je lance très haut
    mon cerf-volant
    sa chute sera un morceau
    d’infini

    tomber est parfois
    le premier geste
    avant de s’envoler

     

    effraction de l’ombre
    l’eau vive du torrent
    délivre ses cavales

    entre la chute et l’élan
    l’eau vagabonde
    accueille la lumière

     

     

    creusant sa nuit
    le chemin de l’eau
    s’élance vers son désir

    il ne sait rien de sa chute
    ni de l’écume ni du fleuve
    il ne sait rient du ciel
    ni du vent ni du temps

    sa folle course
    pour unique savoir
    il est la mémoire des pierres
    la mémoire du monde

     

    E-le-mentaire-couverture

     

     

     

     

     

     

     

     

    Bernadette Leconte, élémentaires, Poésie, Éditions Musimot 2024

    _________________

     

    Bernadette-leconte-2-1-

     

     

     

     

    ♦ Bio-bibliographie  → ICI 

     

  • Nuno Júdice in « Laurine Rousselet / Nuno Júdice » Réponses à la lumière,

        <<Poésie d'un jour

     

                                               

     

                                                        

    Clinamen19_grande

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Clinamen n°19/ 2016 / 52,5 x 41 x 2,5
    Acrylique sur écran polyester et toile
    de Bernard Moninot

    Source 

     

     

     

     

     

     

    Pour Laurine, ce poème de Nuno Júdice

     

    Un bateau avance dans l’estuaire, sans toi,
    sans le vent d’une respiration qui parcourt
    la surface du vers. Et un autre bateau
    le suit, comme s’il avait besoin d’un guide
    pour trouver le point où tu l’attends,
    avec tes mains qui indiquent la route
    impossible des îles silencieuses
    du crépuscule.

    Je t’attendrai là, sur une grève de pierres
    et de sable, touchant le bois des meubles
    comme s’ils étaient des récifs, écartant les rideaux
    comme on écarte la ramure des grands arbres
    tropicaux, ouvrant la fenêtre comme si,
    de son rebord, j’apercevais des horizons faits
    du blanc et du bleu de tous
    les horizons.

    Et dans le cœur des choses j’entends
    pulser ton cœur, donnant aux doigts
    qui écrivent le rythme de cette navigation
    de mots. Alors j’entends ta voix,
    un serein écho de phrases où je bois
    la liqueur de fruits secrets, goûtant
    la saveur jamais révélée de a plus ancienne
    des boissons, jaillissant d’une ferveur
    de désir dans la source de ton corps.

     

    Judice

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Nuno Júdice in « Laurine Rousselet/Nuno Júdice », Réponses à la lumière, I,
    Dessins de Bernard Moninot, Traduction de Catherine Dumas, Éditions de l’Aigrette 2023, p.36.

     

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    NUNO JÚDICE
    ( et mort le 

    Nuno_judice1
    Source

    ■ Nuno Júdice
    sur Terres de femmes ▼

     

    Désir (poème extrait de Geometria Variável)
    Deus (poème extrait de Meditação sobre Ruínas)
    Lisboaxaca (poème extrait de Guia de Conceitos Básicos)
    Semiología (poème extrait de o movimento do mundo)
    Laurine Rousselet / Nuno Júdice, Réponses à la lumière, Éditions de l'Aigrette 2024

     

    ■ Voir | écouter aussi ▼

     

    → (sur le site des éditions de Corlevour) la page de l’éditeur sur Naviguer à vue
    → (sur BiblioMonde) une notice bio-bibliographique sur Nuno Júdice
    → (sur La Pierre et le Sel) une page sur Nuno Júdice
    → (sur lepetitjournal.com) un portrait de Nuno Júdice
    → (sur le site de la Fondation Calouste Gulbenkian) une bio-bibliographie (en portugais) de Nuno Júdice
    → (sur Lyrikline) plusieurs poèmes de Nuno Júdice dits par l’auteur
    → (sur Recours au Poème) cinq poèmes de Nuno Júdice traduits du portugais par Béatrice Bonneville et Yves Humann

     

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    LAURINE  ROUSSELET

    Laurine Rousselet par Hubert Haddad
    Hubert Haddad,
    Portrait de Laurine Rousselet, 2006

    ■ Laurine Rousselet
    sur Terres de femmes ▼

    → [le concret s’avance au creux de la main] (extrait de Nuit témoin)
    → [la débâcle vient du réel] (extrait de Journal de l’attente)
    → [en haut du temple] (autre extrait de Journal de l’attente)
    → Nuit témoin (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) [illisibilité afflux soulèvement]
    Laurine Rousselet / Nuno Júdice, Réponses à la lumière, Éditions de l'Aigrette 2024

    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature) une fiche bio-bibliographique sur Laurine Rousselet
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) une lecture de Ruine balance
    → (sur lelitteraire.com) une lecture de Ruine balance par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage) la page de l’éditeur sur Ruine balance de Laurine Rousselet
    → (sur Levure littéraire 12) Laurine Rousselet, Syrie, ce proche ailleurs (lecture d’AP)