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  • Mercedes Roffé | Les Lanternes flottantes



    LAS LINTERNAS FLOTANTES 1
    Ph., G.AdC






    LAS LINTERNAS FLOTANTES


    VII.


    He llegado hasta aquí.
    A la herida del ala.
    Contradicción perfecta
    donde todo es posible
    donde todo danza su danza-vórtice
    de silencio y vacío.


    La luz apenas
    juega a deslumbrarnos.
    A idear las formas que nos guían
    rotundas e ilusorias
                      — mesa, silla, espejo…. : rama del paraíso…
    rama
    del sueño en la vigilia
    — abierto y entregado.


    No entres por ahí.
    No acerques tu mano tibia y trémula
    al dorado picaporte.
    Verás la escena que te fue destinada
    —precisamente aquella que debías
    ver y no ver.
    Tu Alejandría siniestra y familiar.
    Roma bombardeando la casa de tu infancia.
    Una Babel de mutismos.
    No entres.
    No abras los ojos.


    Desnudeces.
    ¿Quién dice cuerpo?
    ¿Quién dice eros o amor?
    Ágape
                   interrupto en su descenso.


    Todo vuelve.
    Como aquí,
    todo vuelve.
    ¿Pero a qué?


    Oh loto bienoliente salpicado
    de sangre y barro.
    Escombros, miembros, esquirlas, ojos
    infectando
    el sagrado
                    estanque de la vida
    su corriente sagrada y estancada
    en una fosa común.


    En las paredes de la caverna,
    entre estalactitas de sangre y barro, esquirlas y miembros cercenados,
    un jazmín proyecta su sombra blanca trémula.
    Oh jazmín bienoliente y perfecto,
    abierto y entregado.


    Mercedes Roffé, Las linternas flotantes (fragmento), Buenos Aires, ediciones Bajo la luna, 2009.






    LES LANTERNES FLOTTANTES
    Ph., G.AdC






    LES LANTERNES FLOTTANTES


    VII.


    On est arrivé jusqu’ici.
    À la blessure de l’aile.
    Contradiction parfaite
    où tout est possible
    où tout danse sa danse-tourbillon
    de silence et de vide.


    La lumière joue
    presque à nous aveugler.
    À figurer les formes qui nous guident
    rotondes et illusoires
                – table, chaise, miroir… : branche du paradis
    branche
    du rêve dans la vigile
    – épanoui et offert.


    N’entre pas par là.
    N’approche pas ta main tiède et tremblante
    du loquet doré.
    Tu verras la scène qui te fut destinée
    – justement celle que tu devais
    voir et ne pas voir.
    Ton Alexandrie funeste et familière,
    Rome bombardant la maison de ton enfance.
    Une Babel de mutismes.
    N’entre pas.
    N’ouvre pas les yeux.


    Nudités.
    Qui dit corps ?
    Qui dit éros ou amour ?
    Agape
                        interrompu dans sa descente.


    Tout revient.
    Comme ici,
    tout revient.
    Mais à quoi ?


    Ô lotus odorant éclaboussé
    de sang et de boue.
    Décombres, membres, esquilles, yeux
    infectant
    l’étang
             sacré de la vie
    son courant sacré et stagnant
    dans une fosse commune.


    Dans les murs de la caverne,
    entre stalactites de sang et de boue, esquilles et membres rognés,
    un jasmin projette son ombre blanche tremblante.
    Ô jasmin odorant et parfait,
    épanoui et ouvert.


    D.R. Traduction inédite de l’espagnol (Argentine) de Nelly Roffé
    pour Terres de femmes





    MERCEDES ROFFÉ


    Mercedes_ter
    Source



    ■ Mercedes Roffé
    sur Terres de femmes

    Naître à nouveau (+ bio-bibliographie établie par Cécile Oumhani)
    Paysage
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Mercedes Roffé



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au poème)
    Mercedes Roffé par Nelly Roffé Guanich
    → (sur Terres de femmes)
    Nelly Roffé | Argia



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  • 25 janvier 1896 | Mort de Frederic Leighton

    Éphéméride culturelle à rebours




         Le 25 janvier 1896 meurt à Londres le peintre britannique Frederic Leighton, baron de Leighton of Stretton.
         Fils d’un médecin réputé, Leighton reçoit une éducation classique soignée, complétée par de nombreux voyages en Europe. Formé par le nazaréen Steinle dont il suit l’enseignement pendant trois ans ― de 1849 à 1852 ―, Leighton étudie également à Rome ― de 1852 à 1855, puis à Paris.
        En 1855, Leighton réalise le fameux tableau intitulé Madone de Cimabue portée en procession à Florence. Cette toile, qui remporte aussitôt un très vif succès, assure au peintre une situation éminente. Leighton est l’auteur de toiles pour l’essentiel inspirées de l’Antiquité et de la Renaissance italienne : Hercule combattant la mort pour le corps d’Alceste (1871), Jardin des Hespérides (1892).







    Leighton 2
    Frederic Leighton
    Madone de Cimabue portée en procession à Florence, 1855
    Huile sur toile, 222 x 521 cm
    Leighton House Museum, Londres
    (Dépôt de la National Art Gallery, Londres)







    MADONE DE CIMABUE PORTÉE EN PROCESSION À FLORENCE


         Exposée à la Royal Academy en 1855, aussitôt achetée par la reine Victoria et propriété de Buckingham Palace, la grande toile de Frederic Leighton, intitulée Madone de Cimabue portée en procession à travers les rues de Florence (1855), est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Ne serait-ce que par les problématiques qu’elle soulève.
         Œuvre de Frederic Leighton (1830-1896), maître de l’Académisme passionné de classicisme, cette toile dont le sujet est emprunté à l’histoire de l’art pictural italien du Trecento, met en scène une procession dans les rues de Florence. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une procession donnée en l’honneur de la Vierge, un 15 août, jour de l’Assomption de la mère du Christ. Mais, s’inspirant des Vite de Giorgio Vasari, le peintre britannique a imaginé de représenter le transport de la Maestà de Cimabue (exécutée de 1280 à 1285 pour l’église Santa Trinità de Florence *), portée en cortège à travers les rues de la ville. D’où le titre du tableau : Madone de Cimabue portée en procession à travers les rues de Florence.

         Cimabue (Cenni di Pepi) ― que Vasari fait naître en 1240 ― ouvre le cortège, tout de blanc vêtu, la tête ceinte de lauriers. Il donne la main au petit Giotto, son élève. Derrière eux, de nombreux artistes florentins, regroupés autour de la Madone en majesté, hissée sur un brancard de procession recouvert de draps et de tapis : l’architecte et sculpteur Arnolfo di Cambio (Arnolfo di Lapo), originaire de Colle Val d’Elsa, Gaddo Gaddi, peintre et mosaïste florentin, père du peintre Taddeo Gaddi, Nicola Pisano, considéré aujourd’hui comme le « père de la sculpture moderne », Andrea Tafi et son élève Buonamico Buffamalco, Simone Martini. Sur la droite, nonchalamment appuyé contre un mur, Dante Alighieri assiste au spectacle. À l’arrière, monté sur un cheval blanc, le roi Charles 1er d’Anjou (1227-1285), roi de Sicile. À l’avant de la procession, musiciens et nobles dames, enfants qui dansent, hommes d’église forment un autre groupe. Au balcon d’une demeure, une famille se penche pour voir passer le cortège.

         La procession semble se dérouler selon un agencement bien défini : ordre, calme, concentration et beauté. Noblesse florentine. Cependant certains détails de cette immense toile détournent l’attention portée à la procession et suscitent le questionnement. Ainsi les personnages qui assistent au cortège, en spectateurs, du haut du balcon, surprennent. Lord Leighton a introduit, comme cela se fait souvent en peinture, des signes de sa propre époque. Les coiffes des femmes, leur attitude, la présence du petit chien renvoient à l’Angleterre victorienne. Et aux préraphaélites anglais. Clin d’œil du peintre. Signature du peintre.





    Cimabue_Trinita_Madonna
    Cimabue
    Maestà de l’église Santa Trinità, 1280-1285
    Détrempe sur bois, 385 x 223 cm
    Florence, Galerie des Offices





         Autre curieux synchronisme : la date de mort (1285) du roi Charles d’Anjou et celle de l’achèvement de la Maestà de Cimabue (1285). La présence de Charles d’Anjou à cette procession serait-elle pure invention de Giorgio Vasari ? Quoi qu’il en soit, il est plus que probable que cette procession triomphale du domicile du peintre vers l’église Santa Maria Novella, évoquée par Vasari dans ses Vite, ait plutôt concerné une toile de Duccio di Buoninsegna (peintre originaire de Sienne) dont la Madone dite Madonna Rucellai était en effet destinée à la chapelle Rucellai, dans l’église Santa Maria Novella de Florence. Commanditée le 15 avril 1285 par les recteurs de la Compagnie des Laudantes de Santa Maria Novella, la Madonna Rucellai, inspirée par la Maestà de Cimabue, fut longtemps attribuée à ce dernier. Cette légende « dorée » (ou imposture ?), inventée par Vasari pour glorifier Florence, sa ville natale, et qui a perduré bien longtemps après qu’un document eut identifié clairement la Madonna Rucellai comme œuvre de Buoninsegna, s’est perpétuée dans l’œuvre du peintre britannique. Persuadé d’avoir représenté la Madone de Cimabue ― à moins qu’il ne s’agisse d’une erreur volontaire ―, Leighton a intitulé son tableau Madone de Cimabue portée en procession à travers les rues de Florence. C’est pourtant bien la Madonna Rucellai de Buoninsegna qu’il a représentée sur sa toile.





    2312
    Duccio di Buoninsegna
    Madonna Rucellai, vers 1285
    Détrempe sur bois, 450 x 290 cm
    Florence, Galerie des Offices





         Deux détails au moins permettent de l’affirmer. Derrière la Vierge, le feston dessiné par l’armature très ouvragée qui soutient les tentures ; sur les genoux de la Vierge, la position de l’enfant, bras droit tendu devant lui, sur la poitrine de la Vierge. Ces détails, très visibles sur la toile de Leighton, appartiennent bien à la Madonna Rucellai de Duccio di Buoninsegna et non pas à celle de Cimabue. Ce feston est absent de la Maestà de Cimabue. L’Enfant assis sur les genoux de la Vierge y tient son avant-bras replié sur sa poitrine. Et c’est la Vierge qui, de la main droite, montre l’enfant.

        Tableau dans le tableau, la Madone de Cimabue portée en procession à travers les rues de Florence est peut-être aussi une mise en abyme du peintre Leighton par lui-même. En mettant ostensiblement l’accent sur le peintre Cimabue (dont la notoriété dépassait celle de Duccio di Buoninsegna), Leighton n’a-t-il pas voulu se placer sous l’égide du célèbre peintre italien. Et tout en le reconnaissant comme son maître, en détourner sur lui, par effet de miroir, le talent et la gloire ?


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    * Il existe d’autres Maestà de Cimabue, dont celle, précoce (1270), réalisée pour l’église San Francesco de Pise (conservée aujourd’hui au Musée du Louvre).



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  • Carole Darricarrère | Élévation du feu


    - le regard sans -ge que tu poses doucement sur elle.
    Ph., G.AdC






    ÉLÉVATION DU FEU, I



    T
    u regardais la mer, tu voyais que la mer, te regardait.

    On ne sait jamais ce qui va vous atteindre dès lors que l’on lève les yeux sur le monde, quelle averse de lumière, quel champ de blé, quelle balle pure cherchant à se loger.

    Ni pourquoi ce moment-là fut qui demeure seul vivant entre les morts.

    Comme un chien orphelin survivant jusqu’à son maître avance distrait dans le jadis abstrait et calme.

    Combien de vers iront ton chemin, combien d’âmes mortes, combien de reflets.

    Dans le grain de tes yeux s’additionne tout ce qui se refuse, le nombre creux, la somme basse mordante de toutes les marées.

    La mer devant s’agite comme un sang benêt s’épuise à se penser loi et reine.

    Quand de grands végétaux mobiles, poursuivent leur chemin, et qu’une étoile souple, s’appuie contre ton dos.

    Tu me dictes la rime au henné, et tu dors dans les parts, comme un qui n’est plus rivé à la forme.

    Ce parfum de rose sous tes aisselles, quand midi mégère par le fond aigre des paniers, et que terre déborde, les urines et les selles, la couronne chauve et le pain des pieds.

    Une lune est là, et bientôt une autre, puis toutes.

    Tu mensonges un aveu depuis la chambre : les mots ne laissent pas de traces.

    Qu’est-ce qui retient la mer de s’en aller, le regard sans âge que tu poses doucement sur elle.


    *


    Je voudrais rêver les yeux ouverts sur l’étoile naine qui luit à Obock […]




    Carole Darricarrère, « Élévation du feu, I » (extrait) in Demain l’apparence occultera l’apparition, Éditions Isabelle Sauvage, 2009, pp. 102-103.






    Carole Darricarrère, Demain l’apparence occultera l’apparition, Éditions Isabelle Sauvage, 2009





    CAROLE DARRICARRÈRE

    CAROLE DARRICARRERE





    ■ Carole Darricarrère
    sur Terres de femmes

    [Bleu est un chemin d’ambiance dans le rouge] (extrait de Beijing Blues)
    Les doubles jeux du (Je) (note de lecture sur le recueil Le (Je) de Léna)
    Face à face avec mes mains
    Imagine qu’un matin… (notice bio-bibliographique)
    Je coupais souvent à travers champs
    Nous vécûmes
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ulysse (Joyce remixed)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Carole Darricarrère (+ un extrait du recueil Demain l’apparence occultera l’apparition)




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  • Jackie Plaetevoet | Ras de la terre


    Po-me  bl-me arpente la muraille

    Ph., G.AdC

                  





    RAS DE LA TERRE



                Ras de la terre
                un souffle blanc
                à peine audible
                exténue
                sa lenteur
                en rythme balbutié

                un désordre
                presque
                se pose
                s’enlise
                altérant la mémoire
                de ses cargaisons
                sans épures

                jubilation
                du néant incertain
                quand le silence
                encore
                tamise comme
                un cri


                       ***

    Mordre la nuit et puis rien.


                       ***


                Poème
                blême
                arpente la muraille
                cherche sans échéance
                la trace
                de l’onction monacale





            Jackie Plaetevoet
                D.R. Texte inédit
                Jackie Plaetevoet
                pour Terres de femmes



    JACKIE PLAETEVOET

    Plaetevoet_Jackie



    Voir aussi :
    – (sur Terres de femmes)
    Jackie Plaetevoet/Poèmes inédits ;
    le site de Jackie Plaetevoet



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  • Françoise Clédat, Une baie au loin (Turnermonpère)

    par Angèle Paoli

    Françoise Clédat, Une baie au loin (Turnermonpère),
    Tarabuste Éditeur, 2009.




    UNE BAIE AU LOIN . W. TURNER
    Image, G.AdC
    Source







    UNE ÉCRITURE DE LA RÉSISTANCE ET DU REFUS ?



         Dernier ouvrage de Françoise Clédat, Une baie au loin (Turnermonpère) est une œuvre qui déroute. La bipolarité du titre déconcerte, qui offre une double entrée, du côté d’un paysage marin, du côté d’un personnage hybride. Mis entre parenthèses, le sous-titre ou titre second (Turnermonpère) distrait momentanément le regard, le faisant basculer de la « baie au loin » à une focalisation sur une entité trinitaire dont les composantes sont soudées l’une à l’autre. Turner, le père, je. Entre Turner et le père, le possessif « mon » sert de jonction, de lien d’appartenance à une voix qui dit « je », et soude ensemble le père au peintre, l’enfant à son père, l’enfant au peintre. Pour ne former qu’un. Étonnant équipage dont l’esprit cartésien cherche d’emblée à comprendre comment il fonctionne et ce qu’il recèle de mystère dans sa forme consubstantielle.

         Le nom de Turner, inclus dans le titre second, oriente d’emblée la lecture de l’ouvrage de Françoise Clédat vers la peinture, ramenant, de l’arrière-pays de la mémoire, la « Baie au loin » à un tableau de paysage du peintre anglais. Peut-être s’agit-il d’un récit biographique ? Interrogation aussitôt contrebalancée par la relation parentale incluse dans l’amalgame « Turnermonpère » : s’agit-il d’une autofiction, mélange de rêve et de réel ?

         La table des matières, révélatrice de la construction polyphonique très agencée du recueil, révèle aussi, par deux fois, la présence du titre premier. « Une baie au loin ». Mais ce qui donne son titre à l’ouvrage et que l’on prenait donc pour l’essentiel, appartient ici à la catégorie de l’ « intermède ». Le premier intermède venant s’insérer dans la section centrale « Apprentissage biographique ». Le second intermède venant conclure l’ensemble des cinq chapitres de cette section. En revanche, le nom de Turner ou de (Turnermonpère) est absent de cette page. Énigme de la table des matières dans le lien étroit qu’elle entretient avec le titre et avec la matière même de l’œuvre. Énigme de l’œuvre de Françoise Clédat qui suggère l’anamorphisme, le trompe-l’œil, la variation des points de vue et des angles d’approche, de près de loin, les glissements sujet/objet en même temps que le glissement d’un genre à l’autre.

         Les termes de « Prologue », « Fiction », « Apprentissage », « Biographique » qui jalonnent la table des matières et la structurent, font davantage écho au roman qu’à la poésie. Si l’« Envoi » ramène la poésie au premier plan, le terme d’« Intermède » évoque le divertissement dramatique ou musical. Le terme d’« Intention » ouvre à lui seul sur une double connotation : religieuse et musicale. Quant au terme de « Désapprentissage », section quasi conclusive en trois chapitres, il induit l’idée d’une déconstruction, d’un détachement de la fiction romanesque. Son envers immédiat. Françoise Clédat brouille les pistes et démultiplie à l’envi les possibilités de lecture. Les lectures contradictoires. À ce point de mon investigation, un détail (mais en est-ce vraiment un ?) retient le regard. Détail typographique. Le premier intermède (l’intermède existe-t-il en peinture ?) ouvre sur le titre, « une baie au loin », en bas de casse, même police de caractères, mais dans un corps inférieur. Le second intermède ouvre sur UNE BAIE AU LOIN, écrit en grandes capitales. Ce choix typographique induit-il une lecture topo-graphique (dans l’espace de l’œuvre ou dans un espace autre) ou est-ce là pur choix d’ornement ?

         « Petite suite paysagère » en onze tableaux, le premier intermède décline ― disposé en colonne, comme des marginalia, en marge gauche de la page, mais aussi du texte courant ― le portrait de Turnermonpère en adolescent, ses traits de caractère récurrents, son talent de dessinateur et d’aquarelliste, sa carrière de dandy et de peintre. Partie droite de la page, texte courant ― des correspondances, des échos de mots en rapport avec la peinture, des équivalences :

    « Peindre
    comme écrire
                          ― son propre passage dans le temps ―
    Écrire
    comme peindre »

    mais s’en éloignant pour rejoindre le « Je » dans sa vision fragmentée du monde, une vision évidée qui laisse émerger la fascination pour la peinture de Turner, l’eau et les arbres, ciels et couchants, séparation et délimitation, mues de la réalité, absorption des matières les unes par les autres.

         (Roman de l’eau), le second intermède d’UNE BAIE AU LOIN procède du même principe : en marge se déroule la vieillesse de Turnermonpère, son travail de malaxage de l’eau et des couleurs, les bleus et les jaunes, les palettes et les planches, la petite maison au bord du fleuve.

         En vis-à-vis, le « roman de l’eau » roule ses eaux originelles, amniotiques, qui mêlent aux images d’une vie d’avant la vie les images de naissance de mort. Car « eau plus que ne sépare rejoint ― axe d’aquatique symétrie ― » qui rend poreuses les membranes du corps, père et enfant, femme fille plongeuse, pris dans un même mouvement de houle éminemment sexuée.

         C’est bien en amont de ces deux intermèdes en contrepoint que se forge la figure trinitaire de Turnermonpère. En amont, « Intention » pose, visuellement, l’équivalence de Turner et du père de la narratrice.

    (Turner ‹—› mon père)
    (mon père ‹—› Turner)

         Équivalence abolie dans les deux poèmes qui s’insèrent à l’intérieur de ces deux formules équationnelles. Car le père est l’envers de Turner, son miroir inversé ; image en négatif qui donne à lire l’absence de volontés du père et son absence d’œuvre. Et pour le « je » désirant et se niant tout à la fois, la volonté d’atteindre ― par la fluidité visuelle des flèches ―, le père à travers le peintre et de réaliser ainsi « l’amoureux apparentement ». Désir qui aboutit sur une page blanche à l’affirmation : « en l’un est l’autre l’un et l’autre ».

         Typographiquement confirmée dans l’« Envoi », cette inclusion de l’un dans l’autre appelle le « Moi » à se glisser et à s’interposer entre Turner et son père. Éternelle recherche d’appropriation du père par l’enfant, immixtion quasi incestueuse de la fille à son père.

         La lecture d’Une baie au loin permettra-t-elle de répondre à la question : Françoise Clédat cherche-t-elle un subterfuge pour contourner l’inévitable tentation de l’autobiographie en elle ? S’agit-il au contraire d’une réelle résistance à l’autobiographique ? Les deux possibilités s’entremêlent sans doute, confirmées par cette note dans les « Remerciements » :

    « Dire enfin, quant à la tentative biographique, la stimulation apportée par la lecture de
    Mes bien-aimé(e)s de Liliane Giraudon ».

         Ainsi dans/sous/en la figure de Turner le peintre se lit la présence obsédante du père (le « sempiternel paternel ») à laquelle se fond le « Je » gisant de la fille. Laquelle, derrière le miroir oblique (myope ?) de son regard, compose en surimpression ― dans un incessant jeu de loupe qui facilite distanciation et rapprochement ― un récit sans cesse démultiplié.

         Prise entre deux formes d’écriture ― le biographique/l’autobiographique ― qui se refusent à s’affronter et à se définir comme telles, Une baie au loin est une œuvre composite difficile qui tente de tresser ensemble éléments de biographie personnelle et éléments appartenant à l’époque de Turner – 1783, « l’histoire du Zong ». À l’histoire mouvementée de sa vie amours, paternité

    (filles) t
       evelin/A

            georgi/Ana


         À son œuvre, à ses carnets érotiques. D’autres « fictions intermédiaires » ― celle étonnante détonante de l’américaine Kathy Acker, sketchs de vie et d’œuvre de la punk féministe bisexuelle ― viennent se greffer aux figures centrales de l’œuvre.

         De ces tentatives d’écriture et de non-écriture, ― genres qui se cherchent et s’abhorrent ― naît le caillebotis complexe d’Une baie au loin : écriture paraliptique et anamorphique qui donne à lire le père tout en le dissimulant sous les traits du peintre. Jusqu’à la disparition finale ― celle du paysage de Turnermonpère, celle du peintre et, partant, celle du père lui-même. Disparition derrière laquelle peut-être se fond celle de l’homme aimé, l’amant : « en l’un est l’autre l’un et l’autre » ; celui-là même avec lequel le « Je » qui dit gésir a vécu l’apprentissage de la mort :

    « Je dit
    j’entre  dans  la  lumière  pour  m’éteindre  j’entre  dans
    l’aveuglement
    peut-être une terreur déjà passée au-delà de la terreur
    une
                       glaciation
    de la terreur                La topographie contre se heurte. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    FRANÇOISE CLÉDAT


    Fran-oise Cl-dat



    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante [lecture de Marie Fabre]
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    La nuit de l’ange (lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
    L’Ange Hypnovel (extrait)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (lecture d’AP)
    (où le chant sans l’organe) (extrait de EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
    Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d’AP)
    [Se calmer. Reprendre souffle] (extrait de Mi(ni)stère des suffocations)
    Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)





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  • Cristina Castello/Bajamar

    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »
    « « «  Anthologie poétique Terres de femmes (39)



    1 Soy un desliz de la Natura

    Ph., G.AdC





    BAJAMAR


    Con tijeras me corté del alfabeto
    Me castré de ma patrie de tinta y savia
    Sin que adónde y sin que nada en este Sur
    Exiliada del eco de mi alfa
    Soy un suicidio de metáforas
    Una letra ciega un verbo sin raíz


    El plenilunio materno erró su itinerario
    Y me alumbró en esta tierra austral
    Soy un desliz de la Natura


    Después de cada viaje
    Desvestida de piel templo sin Dios
    En el vapor oxidado de una sombra
    Escribo sobre esquirlas del infierno
    Con sangre bendita mis manos sangran
    Pero arden. No hay cenizas sino fuego
    Soy el gemido de la Tierra en celo
    Implorante de la lluvia viril de ma patrie

    Buenos Aires, 2 de febrero de 2008


    Cristina Castello
    © Cristina Castello. Poema inédito a publicarse en el tercer poemario bilingüe francés-castellano de Cristina Castello.







    2 Exil-e de l--cho de mon alpha

    Ph., G.AdC





    BASSE MER


    Aux ciseaux je me coupai de l’alphabet
    Je me châtrai de ma patrie* d’encre et de sève
    Sans où et sans rien dans ce Sud
    Exilée de l’écho de mon alpha
    Je suis un suicide de métaphores
    Une lettre aveugle un verbe sans racine


    La pleine lune maternelle se trompa de route
    Et me donna le jour en cette terre australe
    Je suis un faux-pas de la Nature


    Après chaque voyage
    Dévêtue de ma peau temple sans Dieu
    Dans la vapeur oxydée d’une ombre
    J’écris sur des esquilles de l’enfer
    Du sang bénit gicle de mes mains
    Mais elles brûlent. Pas de cendres, que du feu
    Je suis le gémissement de la Terre en rut
    Implorant la pluie virile de ma patrie*

    * en français dans le texte

    Buenos Aires, le 2 février 2008
    Traduit de l’espagnol (Argentine) par Pedro Vianna



    Cristina Castello
    © Cristina Castello. Poème inédit à paraître dans le troisième recueil bilingue (français-espagnol) de Cristina Castello.





    CRISTINA CASTELLO

    VIGNETTE  cristina castello


    Voir aussi :
    le site de Cristina Castello ;
    – (sur Danger poésie d’André Chenet)
    Orage à Paris ;
    – (sur Les risques du journalisme)
    Présentation du recueil de Cristina Castello (Orage) par Jean-Pierre Faye (8 janvier 2010) ;
    – (sur Francopolis)
    Cristina Castello dans la rubrique Une vie, un poète ;
    – (
    sur Les Carnets d’Eucharis) « Vent/Viento » de Cristina Castello (extrait du recueil Orage/Tempestad, ed. Bod, 2009) dit merveilleusement par Nathalie Riera
    – (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    le Portrait de Cristina Castello (+ un poème extrait du recueil Orage/Tempestad).


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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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  • Marcel Migozzi | je dis ce que je vois


    JE DIS CE QUE JE VOIS



    PEINTURES DE MARIO VILLANI
    Source






    j
    e dis ce que je vois



    la porteuse de peau
    au buisson des ardents



    même si dans le rosier
    le rouge-gorge est en haillons
    peindre n’a pas de limites



    car le peintre a un prochain




    les formes sont encore nues
    dans les intuitions de la main

    pour en surprendre les limites
    le corps sera le seul voyage

    on s’approche ainsi d’un jardin
    où la nuque se détache d’un oiseau
    par une pincée d’intuition

    sans repères qu’une bouche
    attelée à une autre bouche

    et la langue pour faire un vœu.




    Marcel Migozzi, Les Intuitions de la main in Revue Nu(e), 42, 2009, pp. 188-189. Numéro coordonné par Arnaud Beaujeu.




    ______________________________________
    NOTE D’AP : les poèmes Les Intuitions de la main ont été lus par Marcel Migozzi le 30 juin 2007 en hommage au peintre MARIO VILLANI lors de l’exposition de peinture qui s’est tenue dans les locaux de la faculté des Lettres de Nice.






    MARCEL MIGOZZI


    Marcel migozzi




    ■ Marcel Migozzi
    sur Terres de femmes

    Comment savoir si ton visage te ressemble ? (poème extrait de À qui le corps ?)
    Des heures froides (lecture d’AP)
    [Depuis trois jours vieillir est dépassé] (poème extrait de Des heures froides)
    [Quand tu plonges ton visage] (poème extrait de Des jours, en s’en allant)
    [Voici que maintenant…] (poème extrait de Vers les fermes, ça fume encore)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du cipM)
    une fiche bio-bibliographique sur Marcel Migozzi
    → (sur Poètes au potager)
    une page Marcel Migozzi
    → (dans La Gazette du Basilic, 6)
    un entretien d’Alain Freixe avec Marcel Migozzi
    → (sur le site Pierre Jean Jouve)
    Mario Villani, Tableaux/Béatrice Bonhomme, Sur la trace légère de quelques oiseaux



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  • Sylvia Plath | Ariel



    Lady Godiva Coventry England
    Source






    ARIEL



    S
    tasis in darkness.
    Then the substanceless blue
    Pour of tor and distances.

    God’s lioness,
    How one we grow,
    Pivot of heels and knees! ― The furrow

    Splits and passes, sister to
    The brown arc
    Of the neck I cannot catch,

    Nigger-eye
    Berries cast dark
    Hooks ―

    Black sweet blood mouthfuls,
    Shadows.
    Something else

    Hauls me through air ―
    Thighs, hair;
    Flakes from my heels.

    White
    Godiva, I unpeel ―
    Dead hands, dead stringencies.

    And now I
    Foam to wheat, a glitter of seas.
    The child’s cry

    Melts in the wall.
    And I
    Am the arrow,

    The dew that flies,
    Suicidal, at one with the drive
    Into the red

    Eye, the cauldron of morning.




    Sylvia Plath, Ariel, Faber & Faber, London, 1965, page 28.







    U
    n moment de stase dans l’obscurité.
    Puis l’irréel écoulement bleu
    Des rochers, des horizons.

    Lionne de Dieu,
    Nous ne faisons plus qu’un,
    Pivot de talons, de genoux ! ― Le sillon

    S’ouvre et va, frère
    De l’arc brun de cette nuque
    Que je ne peux saisir,

    Yeux nègres
    Les mûres jettent leurs obscurs
    Hameçons ―

    Gorgées de doux sang noir ―
    Leurs ombres.
    C’est autre chose

    Qui m’entraîne fendre l’air ―
    Cuisses, chevelure ;
    Jaillit de mes talons.

    Lumineuse
    Godiva, je me dépouille ―
    Mains mortes, mortelle austérité.

    Je deviens
    L’écume des blés, un miroitement des vagues.
    Le cri de l’enfant

    Se fond dans le mur.
    Et je
    Suis la flèche,

    La rosée suicidaire accordée
    Comme un seul qui se lance et qui fonce
    Sur cet œil

    Rouge, le chaudron de l’aurore.




    Sylvia Plath, Ariel, Éditions Gallimard, Collection Du monde entier, 2009, pp. 45-46. Traduit de l’anglais, présenté et annoté par Valérie Rouzeau.






    Sylvia Plath, Ariel






    SYLVIA PLATH


    Sylvia plath vignette
    Source




    ■ Sylvia Plath
    sur Terres de femmes


    Sylvia Plath, La lionne de Dieu (une chronique d’AP)
    I am vertical
    Winter trees
    11 février 1963 | Mort de Sylvia Plath (+ un autre poème extrait d’Ariel [Edge])
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvia Plath (+ le poème Wuthering Heights extrait de Crossing The Water)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits nomades)
    Sylvia Plath, Chronique d’une stigmatisée
    → (sur Terres de femmes)
    Ted Hughes | The Thought-Fox



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  • Nauro Machado | Antologia poética


    Portrait de Nauro Machado

    Image, G.AdC






    FOME

    II

    As vigias, de branco,
    resguardam a honra.

    Resta, da que ficou,
    a usura do uso.

    – Salva-se, na paciência,
    o fulcro da morte.


    Extrait du recueil O exercicio do caos, 1961.




    FAIM

    II

    Les vigiles, tout de blanc,
    veillent sur l’honneur.

    De celle qui demeura ne subsiste
    que l’usure de l’usage.

    Patience qui ne rachète
    que le levier de la mort.






    TRAGÉDIA


    A  grande aventura do poeta
    consiste em seu tão pequeno rio
    a voltar para a imensa fonte dele.


    Extrait du recueil Necessidade do divino, 1967.




    TRAGÉDIE


    La grande aventure du poète
    est bien de faire rentrer le sien
    ruisseau en son immense source.






    CORRUPÇÃO


    O tempo resta
    sem fome nem sede:
    nenhuma coisa
    se ganha ou perde
    impronunciada.

    (O abstrato mata
    quando a fala chega.)


    Extrait du recueil Décimo divisor comum, 1972.




    CORRUPTION


    Le temps n’est
    affamé ni assoiffé;
    pas une chose
    gagnée ou perdue
    sans qu’on la nomme.

    (L’abstrait tue
    lorsque advient la parole.)






    O MONSTRENGO


    O alfabeto não faz ninguém feliz.
    Nenhuma letra sabe do infinito.
    Dormir com cabras, cego dos dois olhos,
    bebendo o peito do rio, é bem melhor.


    Extrait du du recueil A antibiotica nomenclatura do Infernon, 1977.




    LE MONSTRE


    L’alphabet ne rend personne heureux.
    Les lettres ne savent rien de l’infini.
    Dormir avec les chèvres c’est bien mieux,
    aveugle des deux yeux,
    en s’abreuvant aux seins de la rivière.




    Poèmes extraits de Nauro Machado, Antologia poética, Fundação Biblioteca Nacional : Imago Editora/Universidade Mogi das Cruzes, Rio de Janeiro, 1998. Mise en vers français d’André Rougier.






    NAURO MACHADO

    MACHADO


    Voir aussi :
    – (sur germinaliteratura)
    une fiche bio-bibliographique (en portugais) sur le poète brésilien Nauro Machado ;
    – (sur Guesa Errante)
    une autre fiche bio-bibliographique (en portugais) ;
    la rubrique Le billet de Nestor (André Rougier/André Jean Nestor) sur Terres de femmes.


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  • Rita R. Florit | Varchi del rosso

    Printemps des poètes 2010 – « Couleur femme »
    « « «  Anthologie poétique Terres de femmes (38)




    s'échapper en éclats synaptiques | se déchaîner en vitalités ivres et ruisselantes

    Ph., G.AdC






    VARCHI DEL ROSSO



    Nel maggio arioso avrei pensato
    un cielo allontanato dal biancore
    surfactante, in interiore celeste tessuto,
    in cerca di una quieta via di bruchi,
    di insett’assalto ai pollini dorati,
    d’onnipresente cinguettar dell’aria
    in disperati morsi al cuore delle attese.

    Nel centro avviluppante della luce
    è il senso vellutato delle rose muscose e
    variamente inclini a spudorata offerta
    ai varchi più funamboli del rosso;
    fiammanti più che roghi circoscritti,
    esili nel levarsi fil di fumo
    d’antichi cori funebri e cinerei…

    Altro senso, alto, affinato, pago di curvature,
    in folto percorribile carminio, rorido,
    mai sazio di lucore in lembi e stami,
    in sghembe arricciature a risaltare
    nell’umido lunare delle notti.

    Avrei deciso che sommesse crespe volute
    districarsi potessero dai nidi del colore
    più accanito, guizzare di sinaptiche scintille
    a scatenar vitalità ebbre e stillanti,
    dai vinti artigli assilli liberate.

    Che acuminate dalie m’attirassero nei vuoti
    vortici di ben setosi aculei, quasi metalliche
    scarlatte lame non supposi; che gonfie
    ortensie roteassero in stelle piluccanti oltre
    i giardini, estese in solitudini boschive
    non sapevo; né che cerulei sentori oltremare
    travalicando i muri ad occidente stabilissero
    di lì abitare, e in rosso trasmutarsi.

    Dalle serali inclinazioni frangenti
    sillabai con cautela i riflessi…
    Appresi che il segreto delle porpore
    è il rintanarsi in pozze di clamori,
    in mormoranti buche e avvallamenti,
    sonorità minori e accattivanti.

    Strariparono infine i miei passati
    intendimenti ché i varchi sanguigni
    dalle tue proprie vene emanano.
    Precipitarono nei baratri cromati del
    giallume, negli steli in fiato corto
    di calure, negli infinitesimi brillii d’ali
    vetrose, multicolori iridescenze inferte.

    Preludio di amnistie autunnali
    mi rifugiai in scrigni vermigli melograni.
    La mia dimora estiva s’instellò cerata,
    poi carta velina gonna papavera,
    mattiniero squillo di tromba in sordina,
    quasi asfissia d’arancio furente.

    Nel latte e sangue dei gigli marini rinvenni,
    in candore di garze riposati occhi straziati,
    polsi e caviglie sprigionati, dagli scoscesi dirupi
    immersavvolta in sonno tiepido m’arresi.

    Allertate rose settembrine attesero, minacciose
    d’insinuar varchi del rosa… addirittura…



    Rita R. Florit
    D.R. Texte Rita Regina Florit
    pour Terres de femmes







    TROUÉES DE ROUGE




    Dans l’air de mai me serait venu à l’esprit
    un ciel qu’éloigne la blancheur
    surfactante, à l’intérieur tissé de bleu céleste
    en quête d’un quiet cheminement de chenille,
    d’un assaut d’insectes aux pollens dorés,
    d’un babil omniprésent de l’air,
    morsures désespérées au vif de l’attente.

    Au cœur des volutes de lumière
    veloute le sens des roses moussues,
    diversement enclines à d’impudiques offrandes
    aux funambulesques trouées de rouge ;
    plus flamboyantes que des brasiers circonscrits,
    minces comme le fil de fumée qui se lève
    d’antiques chœurs funèbres et cinéraires.

    Autre sens, élevé, affiné, enorgueilli de courbes,
    en sillon touffu de carmin, humide de rosée,
    que jamais n’assouvit la splendeur des limbes et étamines,
    des fronces obliques jaillissant
    dans l’humidité lunaire des nuits.

    J’aurais voulu que des volutes crêpelées et soumises
    puissent se démêler des nids de couleur
    plus exaltée, s’échapper en éclats synaptiques
    se déchaîner en vitalités ivres et ruisselantes,
    griffes vaincues hantises libérées. […]

    D.R. Traduction inédite [extrait] d’Angèle Paoli





    RITA R. FLORIT

    Rita Regina Florit



    Voir aussi :

    → (sur Imperfetta Ellisse)
    le poème Varchi del rosso (+ une lecture-vidéo par Enrico Frattaroli)
    Rita R. Florit/D’effimero oblio
    Imus (extrait de Nyctalopia)
    Rita R. Florit/I giorni accatoni
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes)
    le Portrait de Rita R. Florit (+ un autre extrait de Lezioni inevitabili) ;
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    d’autres poèmes de Rita R. Florit



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    (Printemps des poètes 2010 « Couleur femme »)

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