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  • Le Lion des Abruzzes

    chez Cousu Main


    Cavaliere en nb




    Vient de paraître
    chez Cousu Main



    Le Lion des Abruzzes



    par Angèle Paoli



    Photographies de
    Guidu Antonietti di Cinarca






    IMGP0018 BIS







    IMGP0004 BIS







    IMGP0028 BIS







    IMGP0017 BIS



    12 pages nouées par un ruban.
    ISBN : 2-918958-00-0
    6 € (franco de port)
    Chèques à l’ordre de Cousu Main
    30, rue Thiers
    84000 Avignon


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  • Sapphô | L’adieu


    «  Poésie d’un jour  »


    Poésie choisie en hommage à Yves Battistini,
    mort à Sartène le 2 décembre 2009

    Sappho
    Image, G.AdC






    [94]


    L’ADIEU



    Sans mentir je voudrais être morte.
    En me quittant elle pleurait

    bien des larmes. Elle m’a dit :
    « Ah ! Quelle épreuve cruelle est la nôtre,
    Sapphô, contre mon gré je t’abandonne. »

    Et je lui répondais :
    « Va et adieu, et souviens-toi
    de moi, car tu sais de quels soins nous t’avons poursuivie.

    Mais moi, sinon, je veux te
    rappeler..
    .. aussi les beaux jours du passé :

    les couronnes, souvent, de violettes
    et de roses ensemble, de crocus,
    dont tu ornais ton front, près de moi,

    et les guirlandes odorantes, leurs fleurs entrelacées,
    que tu jetais
    autour de ta gorge fragile,

    toute l’huile parfumée,
    l’onguent précieux dont
    tu frottais ton corps, comme une reine.

    Et sur les lits moelleux,
    dans mes bras, tendrement,
    tu chassais hors de toi ton désir altéré.

    Aux saints rites..
    jamais..
    nous ne faisions défaut, nous n’étions pas absentes

    […]




    τεθνάκην δ᾽ ἀδόλως θέλω•
    ἄ με ψισδομένα κατελίμπανεν

    πόλλα, καὶ τόδ᾽  ἔειπέ [μοι•
    «ὤιμ᾽ ὠς δεῖνα πεπ[όνθ]αμεν,
    Ψάπφ᾽, ἦ μάν σ᾽ ἀέκοισ᾽ ἀπυλιμπάνω.»

    τὰν δ᾽ ἔγω τάδ᾽ ἀμειϐόμαν•
    «χαίροισ᾽ ἔρχεο κἄμεθεν
    μέμναισ᾽, οἶσθα γάρ, ὤς σε πεδήπομεν•

    αἰ δὲ μή, ἀλλά σ᾽ ἔγω θέλω
    ὄμναισαι [  ….  ].[  …  ]..αι,
    ..[      ] καὶ κάλ᾽ ἐπάσχομεν.

    πό[λλοις γὰρ στεφάν]οις ἴων
    καὶ βρ[όδων κρο]κίων τ᾽ ὔμοι
    κα ..[     ] πάρ᾽ ἔμοι περεθήκαο,

    καὶ πό[λλαις ὐπα]θύμιδας
    πλέκ[ταις ἀμφ᾽ ἀ]πάλαι δέραι
    ἀνθέων ἐ[ϐαλες] πεποημμέναις,

    καὶ πόλλωι[     ]. μύρωι
    βρεθείωι.[     ]ν ρύ[ .. ]ν
    ἐξαλείψαο κα[ὶ βασ]ιληίωι,

    καὶ στρώμν[αν ἐ]πὶ μολθάκαν
    ἀπάλαν… πα.[      ]… ων
    ἐξίης πόθο[ν     ]. νίδων,

    κωὔτε τις[    οὔ]τε τι
    ἶρoν οὐδὐ [      ]
    ἔπλετ᾽  ὄππο[θεν ἄμ]μες ἀπέσκομεν

    […]



    Sapphô, Odes et fragments, Galllimard, Collection Poésie/Gallimard, pp. 58-59. Traduction d’Yves Battistini.



    Sapphomengin_1877_1
    ■ Sapphô

    sur Terres de femmes


    Ode de Sapphô à son amie

    Thème et Variations sur Aphrodite




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  • Confins d’empire

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (10)


    sachant que tu as troqué cette fois-ci, peut-être pour la toute première fois, [...] les refuges pour une demeure...
    Ph., G.AdC





    CONFINS D’EMPIRE



    SEVENTIES




    * Tu dormais impérieusement, la houle à ton flanc, dans l’apparence lacérée. Ta paume, ouverte à cette intimité où vacille le sable, semblait attendre.
    J’enviais ton achèvement, ton autonomie, cette intransigeance qui déjà te mettait loin, le dehors où je me cogne à tes plaies, à l’heure close, à tout…
    Car si tu souriais, c’était à la solitude de ton rite, à rien d’autre, pas même aux sévices du voyage, à celle qui te traverse, que tu rachètes, presque, d’être seul en elle.
    Combien de fois, pourtant, ai-je respiré la fissure, entrevu la dérive, dans la lumière de cuivre brûlé, accrue obstinément, et pauvre, où nulle demeure n’osait te rejoindre ?
    Combien de fois me suis-je couché là moi aussi, sans partage ni dégoût, à espérer la fin des simulacres, du mouvement qui mutile, des dispersions sans lieu ?
    Mais aujourd’hui, trop tard venu, ou trop tôt – à tant me perdre dans d’autres inexorables fêtes – j’ai accepté d’être là, là où indéfiniment, je te regarde, et t’envie…
    Je ne sais toujours pas lequel de nous a frôlé la loi, s’est joué de la nuit, s’est reconnu dans sa morsure…
    Car tout est sans détours dans l’inondation muette qui à l’orée de moi, insensée, me lie au risque de t’aborder de face, où le bris sans fin se remplit, où je te ressemble, oui, te ressemble.



    * Ton heure de vol
    Par-delà la chaleur béante
    Des villes

             Cette guerre que tu arraches
             Comme une arcade de doigts noyés

             Pour voir la moitié sûre



          SUTURES


        * Bien avant la distance et le repli, quelque chose qui aurait pu être la vie guettait
        pour toi : des voyages, une maladie secrète et presque oubliée, des ébauches, des refus,
        des projets…
               Lentes bouteilles, lourdes mers, miroirs enfin face à face coagulant les reflets
        comme pour eux seuls, grand saule près du clos ne rassemblant que ce qui EST pour peu
        à peu l’affermir, heure d’à côté, refuge où de toi tout se joue, la frêle clef qu’un geste
        ou un saut donneraient, les soutes, les venins, les tourments, la ferme corruption
        que tu nommas mémoire et qui te fit combler, à force de maux, l’abîme vivace…



        * Tu aimes te souvenir des choses autant que les vivre, les vivre comme en sachant
        qu’elles ne sont jamais perdues, comme si les morts pouvaient arrêter un autre temps que le leur…


        * Dans la nuit qui couve, par ces rues disjointes, siamoises, incernables, que ceux
        qui furent un et qui s’éloignent jamais n’éprouvent cet effacement comme la
        blessure qu’ils se seraient infligés l’un à l’autre…


        * Ô silence des longs navires sans pavois, des cartes où seul demeure ton lent
        voyage à contre-mort…
        Je sais que cela t’attristait de te sentir en marge, de regarder tous ces gens du
        dehors, en patient, obscur entomologue. Mais qu’y faire, c’est toujours la même
        chose, tu as même fini par apprivoiser cette aptitude de ne jamais te compromettre
        jusqu’au fond en quoi que ce soit. Du moins jusqu’à hier…
        Comment puis-je te faire offense en affirmant ou en niant, alors que j’ignore quand
        et comment tu l’as décidé : pourquoi pas dès l’enfance ? Au nom de ces liens que
        années ne parvinrent ni à rompre ni à éclairer, du limpide besoin de parcours éclos
        en ces lointains printemps, je consens enfin à la gaucherie des rumeurs, au vil
        effondrement des preuves, à tant de déserts lucides, sachant que tu as troqué cette
        fois-ci, peut-être pour la toute première fois, les ruissellements pour un seuil, les
        envols pour un mot qui ne soit pas de passe, les refuges pour une demeure…


        * Comme tu les envies, lapidaires, comme indifférentes à ce qui n’est pas la substance
         des choses, hors, non pas du Temps, mais des temps privés et contingents… Ainsi
        de la littérature, de ce fleuve emportant les fléaux et les voix qui l’ourdissent, dont
        la tienne si tant est que, sans exhibition, il en est une que tu reconnaisses telle…
        Une sorte de classicisme si tu osais, non pas nouveau car rien ne l’est vraiment, mais
        charriant l’écho des singuliers et inclassables de toute époque, relevé par tant de noms
        incommensurables, tel celui de l’aveugle qui aurait moqué le terme sans le renier…


        * Pourquoi le sujet aurait-il à se nommer et à se dire autrement qu’à sa façon,
        brouillant les pistes, effaçant les traces, changeant les poteaux indicateurs,
        laissant le chasseur à ses doutes et son néant, en ces forêts sans recours, en cet
        enfer qui, étant de tous, n’est plus rien ni à personne…


        * Qui n’est pas avec toi, dans ta séparation et dans ta nuit, ne t’est rien.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier



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  • Mireille Fargier-Caruso | On a vingt ans




    On a vingt ans on veut voir la mer le long des golfes
    Image, G.AdC







    ON A VINGT ANS



    Cette vie là jetée dans un tiroir piétinée d’images
    On n’en veut pas on a vingt ans on veut voir la mer le long des golfes
    Suivre le fil des cerfs volants au bout du monde

    On lit dans la fleur qui se fane un avertissement
    On cherche une rive autre bien loin de la pensée du soir
    Un abri introuvable la fraîcheur de l’aubier
    Un espace où la mort au jour le jour n’aurait pas place

    On a vingt ans on veut vivre dans l’évidence du soleil
    Sans le sommeil injuste le surplace les chasses gardées par les chiens
    On ne veut pas même jour même heure cette faillite envers l’immense

    Du jour on aime son triomphe on veut dans chaque histoire
    Faire briller l’amour jusqu’à tarir nos soifs vivre vite
    Jouer éperdument avec la langue infinie de l’intime

    Dans nos mains on serre le galet des songes eau et sable mêlés
    Le chant des coquillages qui restitue la vie
    On s’égare sur des chemins jamais tracés on voyage
    On approche de la transparence

    Que ce soit la saison des lilas des myrtilles
    Dans les jardins extraordinaires y’a d’la joie
    Médailles classements défilés bas de laine on en fait l’économie
    On refuse ce qui efface on ne veut pas le trou de la souffrance pas à pas
    On est dans l’absolu de la musique

    Tôt le matin la plage vide petits bouts de bois jetés par la nuit
    On grave nos initiales enlacés sur le sable les pas des amants réunis
    On n’est pas sérieux on a vingt ans on prend le temps en urgence

    Comme un défi on prend le temps
    Avant la trahison des corps avant qu’il ne soit compté
    On suit la libellule aux ailes couleur du ruisseau on lit à voix haute
    Un poème de Maiakovski ses mots éclairent le matin on écoute
    Manu Chao clandestino il fait très beau pour l’insouciance

    Tant de paroles étranglées sur les débris des heures
    Qui peu à peu s’effacent à jamais on le sait on ne sait pas
    L’issue invisible nous paraît si lointaine au bout tout au bout de nous
    Allongé sous l’arbre le ciel comme horizon
    On respire les églantines que reviennent des tableaux d’enfance

    Et si les ruptures auront raison de nous
    Cette vie là éparpillée on n’en veut pas
    On ne veut pas de cette vie stagnante au ras du sol aveugle
    Où le désir a déserté avec l’imprévisible

    Pour cet homme fils de personne qui dort sur le trottoir dans un carton
    Le jour de gloire n’est pas près d’arriver
    On garde au cœur les impostures plantées comme un couteau
    Alors on garde aussi fidélité à la jeunesse
    Avec Ferré on a toujours vingt ans



    Mireille Fargier-Caruso
    D.R. Texte inédit extrait du recueil Un peu de jour aux lèvres (à paraître chez Paupières de terre éditeur en 2010)




    MIREILLE FARGIER-CARUSO


    Mireille Fargier-Caruso  portrait NB
    Source




    ■ Mireille Fargier-Caruso
    sur Terres de femmes


    [Tu avances] (poème extrait du recueil Ce lointain inachevé)
    silence d’avant le souvenir (poème extrait du recueil Ces gestes en écho)
    L’arôme du silence
    Comme une promesse abandonnée (lecture de Michel Ménaché)
    [D’un coup de dent soudain] [L’hiver avance] (extraits de Comme une promesse abandonnée)
    Entendre
    Gorgée d’eau pour les lèvres sèches
    Presque rien… l’eau du poème où se désaltérer (article sur le recueil Ces gestes en écho)
    silence d’avant le souvenir (poème extrait du recueil Ces gestes en écho)
    [S’arracher] (poème extrait d’Un lent dépaysage)
    [sur la plage] (extrait de Couleur coquelicot)



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  • 12 décembre 1821 | Naissance de Gustave Flaubert

    Éphéméride culturelle à rebours



    Il y a cent quatre-vingt-quinze ans, le 12 décembre 1821, naissait à Croisset (aujourd’hui en Seine-Maritime) Gustave Flaubert.






    Portrait de Gustave Flaubert
    Image, G.AdC






    Flaubert est le fils d’Achille-Cléophas Flaubert, chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Rouen, et d’Anne Justine Fleuriot, fille d’un médecin de Pont-l’Évêque, en Normandie.







    À Mademoiselle Leroyer de Chantepie

    [Croisset,] samedi,
    12 décembre 1857.



    C’est ce soir que je prends 36 ans. Je me rappelle plusieurs de mes anniversaires. Il y a aujourd’hui huit ans, je revenais de Memphis au Caire, après avoir couché aux Pyramides. J’entends encore d’ici hurler les chacals et les coups du vent qui secouait ma tente.

    J’ai l’idée que je retournerai plus tard en Orient, que j’y resterai et que j’y mourrai. J’ai d’ailleurs, à Beyrouth, une maison toute prête à me recevoir. Mais je n’en finirais plus si je me mettais à vous parler des pays du soleil. Ce serait trop long. Causons d’autre chose.

    Voilà plusieurs fois que vous me parlez de Jean Reynaud ; je trouve, comme vous, son livre un fort beau livre. Seulement, il a fait son théologien bien complaisant. La forme dialoguée est mauvaise. Elle était peut-être même impossible. Je trouve le tout un peu long. Quant à son explication des peines et des récompenses, c’est une explication comme une autre, c’est-à-dire qu’elle n’explique rien. Qu’est-ce qu’un châtiment dont n’a pas conscience l’être châtié ? Si nous ne nous rappelons rien des existences antérieures, à quoi bon nous en punir ? Quelle moralité peut-il sortir d’une peine dont nous ne voyons pas le sens ?

    Avez-vous lu les Études d’histoire religieuse de Renan ? Procurez-vous ce livre, il vous intéressera.

    Pourquoi ne donnez-vous pas cours, sur le papier, à vos idées ? Écrivez donc ! Quand ce ne serait que pour votre santé physique.

    Vous me dites que je fais trop attention à la forme. Hélas ! C’est comme le corps et l’âme ; la forme et l’idée, pour moi, c’est tout un et je ne sais pas ce qu’est l’un sans l’autre. Plus une idée est belle, plus la phrase est sonore ; soyez-en sûre. La précision de la pensée fait (et est elle-même) celle du mot.

    Si je ne peux rien aligner maintenant, si tout ce que j’écris est vide et plat, c’est que je ne palpite pas du sentiment de mes héros, voilà. Les mots sublimes (que l’on rapporte dans les histoires) ont été dits souvent par des simples. Ce qui n’est nullement un argument contre l’Art, au contraire, car ils avaient ce qui fait l’Art même, à savoir la pensée concrétée, un sentiment quelconque, violent, et arrivé à son dernier état d’idéal. « Si vous aviez la foi, vous remueriez des montagnes » est aussi le principe du Beau. Ce qui peut se traduire plus prosaïquement : « Si vous saviez précisément ce que vous voulez dire, vous le diriez bien. » Aussi n’est-il pas très difficile de parler de soi, mais des autres !

    Eh bien ! Je crois que jusqu’à présent on a fort peu parlé des autres. Le roman n’a été que l’exposition de la personnalité de l’auteur, et, je dirais plus, toute la littérature en général, sauf deux ou trois hommes peut-être. Il faut pourtant que les sciences morales prennent une autre route et qu’elles procèdent comme les sciences physiques, par l’impartialité. Le poète est tenu maintenant d’avoir de la sympathie pour tout et pour tous, afin de les comprendre et de les décrire. Nous manquons de science, avant tout ; nous pataugeons dans une barbarie de sauvages: la philosophie telle qu’on la fait et la religion telle qu’elle subsiste sont des verres de couleur qui empêchent de voir clair parce que : 1° on a d’avance un parti pris ; 2° parce qu’on s’inquiète du pourquoi avant de connaître le comment ; et 3° parce que l’homme rapporte tout à soi. « Le soleil est fait pour éclairer la terre. » On en est encore là.
         Je n’ai que la place de vous serrer les mains bien affectueusement.



    Gustave Flaubert, Correspondance, Éditions Gallimard, Collection folio classique, 1998, pp. 357-358-359.






    Flaubert correspondance
    Ph., G.AdC






    ■ Gustave Flaubert
    sur Terres de femmes

    4 janvier 1839 | Flaubert, Les Mémoires d’un fou
    10 février 1851 | Lettre de Flaubert à Louis Bouilhet (Lettres de Grèce)
    19 septembre 1852 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet
    16 décembre 1852 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet
    26-27 mai 1853 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet
    26 janvier 1861 | Lettre de Gustave Flaubert à Jules Michelet
    18 janvier 1862 | Lettre de Gustave Flaubert à Mademoiselle Leroyer de Chantepie
    7 avril 1872 | Lettre de Gustave Flaubert à Laure de Maupassant
    9 avril 1872 | Lettre de George Sand à Gustave Flaubert
    19 juin 1876 | Lettre de Gustave Flaubert à Edma Roger des Genettes
    8 mai 1880 | Mort de Gustave Flaubert (+ extrait de Madame Bovary et d’Un cœur simple)




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  • Rodica Draghincescu | EX(o)ilium



    EX(o)ilium



    Qu’est-ce que j’ai prisDans ma valise au départ
    Dans ma valise au départ ?
    Des cicatrices, des astuces,
    Misère sociale, démons affectifs,
    Des vices et des contes de fée


    Langue du départ
    Avec des maux de l’autre côté du mot :
    Amuïs, meurtris, maudits,
    Mots itinéraires.


    Qu’est-ce que j’ai gardé
    Dans ma valise à l’arrivée ?
    Les batiks colorés de ma mère,
    Le dor * des lieux miteux,
    Un proverbe éphémère
    La fièvre des maladies essayées,
    Les gâteaux en terre, saupoudrés de glaise,
    Les premiers jouets en bois et en laine,
    Les pluies rares, les vents et les gels de la pousta,*
    Les bécasses et les cigognes couvant des toits rebelles.
    Les tambours et les feux dans les rues, à Noël


    Langue de l’arrivée
    Avec des mots miroirs :
    Avoir ou être, naître ou mourir,
    Être ou avoir, mourir ou naître,

    Pas de temps à gagner,
    Pas de temps à perdre.


    La langue n’est plus
    Dans ce cas-ci l’organe du cœur
    Mais celui du savoir
    Et celui du pouvoir.


    Où es-tu lieu de naissance
    Quand tu deviens in- tranquillité
    Endroit sur une carte postale
    Sans droit à l’avenir, jamais postée,
    Trace emmagasinée dans le fond des pupilles,
    Trace éloignée dans l’espace de l’écrit


    Sans patrie, rabougrie, cachée, isolée,
    Seule avec le monde, triée et tirée au sort,
    Trace irréelle dans sa propre réalité,
    Trace immonde dans sa propre propreté,
    En état d’infériorité ou de supériorité,
    D’opacité ou de transparence héroïque


    Langue du départ
    Avec des maux de l’autre côté du mot :
    Amuïs, meurtris, maudits,
    Mots itinéraires, mots de terre.


    Où suis-je moi entre tous ces pays
    Toujours à la fenêtre, à la frontière,
    Toujours en marge et en marche,
    Toujours grave,
    Trop grande ou trop petite,
    Pédante ou perdante,
    Telle une mouche cognitive


    Langue de l’arrivée
    Avec des mots miroirs :
    Avoir ou être, naître ou mourir,
    Être ou avoir, mourir ou naître,

    Pas de temps à gagner,
    Pas de temps à perdre.


    Où es-tu lieu de naissance,
    Quand tu deviens seulement voyance
    Dessin, ligne à plaire et à émouvoir
    Endroit creux dans la main effrayée,
    Paysage de passage, débris d’image
    Vides ou pleins de boue burlesque
    Au-dessus desquels le peintre a collé
    Ses fresques de jeune artiste :


    Dessins, lignes à plaire et à émouvoir,
    Un dé, un dada, une nounou et des
    Rendez-vous manqués.


    Langue du départ
    Avec des maux de l’autre côté du mot :
    Amuïs, meurtris, maudits,
    Mots de terre, itinéraires.


    Où es-tu lieu mis à nu
    Avec ton dieu athée noceur
    Déraciné et de mauvaise humeur,
    Qui dansait la ronde du néant
    Ses ailes trop humaines, trop décalées,
    Esquissant des indulgences d’un nuage à l’autre
    Avoir ou être, naître ou mourir,
    Être ou avoir, mourir ou naître,



    Où êtes-vous mes jeux d’oublis et de glissements de sensJ'entendais frapper aux portes de mon enfance
    Avec vos borgnes bolcheviks tricolores ?
    Vos silences et vos larmes de culpabilité
    Votre mélancolie rouge, en rupture de syllabes,
    Dont on avait peur d’un souvenir à l’autre.


    Votre amabilité d’apôtres du néam*,
    Votre insomnie à vie, acide


    Où est-ce que vous êtes tous ceux que
    J’entendais frapper aux portes de mon enfance ?
    Comme une ode, comme un hymne,
    Comme une chanson à boire :


    Avoir ou être, naître ou mourir,
    Être ou avoir, mourir ou naître,

    ……………………………………


    Amnéville, le 8/15 septembre 2009



    Rodica Draghincescu
    D.R. Texte inédit
    Rodica Draghincescu pour Terres de femmes

    Triptyques photographiques, G.AdC



    Note : dor (roumain) : « nostalgie » ; néam (roumain) : « peuple » ; pousta (roumain) : « plaine ».





    RODICA DRAGHINCESCU


    Rodica_draghincescu



    ■ Rodica Draghincescu
    sur Terres de femmes

    Blé blanc (l’artdurien)
    Rienne (lecture d’AP)
    → Interview de Cécile Oumhani par
    Rodica Draghincescu


    ■ Voir aussi ▼

    le site de Rodica Draghincescu
    le site Écrire la vie (site de l’atelier d’écriture de la médiathèque Jean-Morette d’Amnéville en Lorraine, atelier animé par Rodica Draghincescu)
    l’e-magazine trimestriel Levure littéraire (édité par Rodica Draghincescu)



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  • 10 décembre 1921 | Anatole France, Prix Nobel de Littérature

    Éphéméride culturelle à rebours





    Je dédie cette éphéméride à Marie-Claire Bancquart                 

         Écrivain de très grand talent et érudit, Anatole France, pseudonyme d’Anatole-François Thibault (1844-1924), est l’auteur d’une œuvre en prose de première importance, aujourd’hui méconnue et injustement oubliée. Pourtant récompensée par le Prix Nobel le 10 décembre 1921.

         En 1896, Anatole France ― qui, à l’instigation de Marcel Proust, s’est engagé aux côtés de Zola dans la défense de Dreyfus ― rédige la préface de l’ouvrage Les Plaisirs et les Jours, publié chez Calmann-Lévy. Le premier livre de Marcel Proust, avec des illustrations de Madeleine Lemaire (dont Alexandre Dumas fils disait : « C’est elle qui a créé le plus de roses après Dieu ») et quatre pièces pour piano de Reynaldo Hahn.



    Anatole France par Auguste Leroux, 1906





    PRÉFACE DES PLAISIRS ET DES JOURS

         Pourquoi m’a-t-il demandé d’offrir son livre aux esprits curieux ? Et pourquoi lui ai-je promis de prendre ce soin fort agréable, mais bien inutile ? Son livre est comme un jeune visage plein de charme rare et de grâce fine. Il se recommande tout seul, parle de lui-même et s’offre malgré lui.
         Sans doute il est jeune. Il est jeune de la jeunesse de l’auteur. Mais il est vieux de la vieillesse du monde. C’est le printemps des feuilles sur les rameaux antiques, dans la forêt séculaire. On dirait que les pousses nouvelles sont attristées du passé profond des bois et portent le deuil de tant de printemps morts.
         Le grand Hésiode a dit aux chevriers de l’Hélicon les Travaux et les Jours. Il est plus mélancolique de dire à nos mondains et à nos mondaines les Plaisirs et les Jours, si, comme le prétend cet homme d’État anglais, la vie serait supportable sans les plaisirs. Aussi le livre de notre jeune ami a-t-il des sourires lassés, des attitudes de fatigue qui ne sont ni sans beauté, ni sans noblesse.
         Sa tristesse même, on la trouvera plaisante et bien variée, conduite comme elle est et soutenue par un merveilleux esprit d’observation, par une intelligence souple, pénétrante et vraiment subtile. Ce calendrier des Plaisirs et des Jours marque et les heures de la nature par d’harmonieux tableaux du ciel, de la mer, des bois, et les heures humaines par des portraits fidèles et des peintures de genre, d’un fini merveilleux.
         Marcel Proust se plaît également à décrire la splendeur désolée du soleil couchant et les vanités agitées d’une âme snob. Il excelle à conter les douleurs élégantes, les souffrances artificielles, qui égalent pour le moins en cruauté celles que la nature nous accorde avec une prodigalité maternelle. J’avoue que ces souffrances inventées, ces douleurs trouvées par un génie humain, ces douleurs d’art me semblent infiniment intéressantes et précieuses, et je sais gré à Marcel Proust d’en avoir étudié et décrit quelques exemplaires choisis.
         Il nous attire, il nous retient dans une atmosphère de serre chaude, parmi les orchidées savantes qui ne nourrissent pas en terre leur étrange et maladive beauté. Soudain, dans l’air lourd et délicieux, passe une flèche lumineuse, un éclair qui, comme le rayon du docteur allemand, traverse le corps. D’un trait le poète a pénétré la pensée secrète, le désir inavoué.
         C’est sa manière et son art. Il y montre une sûreté qui surprend en un si jeune archer. Il n’est pas du tout innocent. Mais il est si sincère et si vrai qu’il en devient naïf et plaît ainsi. Il y a en lui du Bernardin de Saint-Pierre dépravé et du Pétrone ingénu.
         Heureux livre que le sien ! Il ira par la ville tout orné, tout parfumé des fleurs dont Madeleine Lemaire l’a jonché de cette main divine qui répand les roses avec leur rosée.

    ANATOLE FRANCE.         

    Marcel Proust, Les Plaisirs et les Jours, Éditions Gallimard, Collection blanche, 1924, pp. 7-8.





        En 1894, Anatole France déjà reconnu pour son œuvre abondante ― Le Crime de Sylvestre Bonnard, membre de l’Institut (1881), La Rôtisserie de la reine Pédauque (1893), Les Opinions de Jérôme Coignard (1893), Le Livre de mon ami (1885), Thaïs (1894) ―, publie chez Calmann-Lévy Le Lys rouge, transposition de la relation amoureuse tourmentée qu’Anatole France entretint avec Mme de Caillavet.





    Madeleine Lemaire Dessin 2

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    EXTRAIT DU LYS ROUGE, I

         Elle donna un coup d’œil aux fauteuils assemblés devant la cheminée, à la table à thé, qui brillait dans l’ombre, et aux grandes gerbes pâles des fleurs, montant au-dessus des vases de Chine. Elle enfonça la main dans les branches fleuries des obiers pour faire jouer leurs boules argentées. Tout à coup, elle se regarda de loin dans une glace avec une attention sérieuse. La taille cambrée, la joue sur l’épaule, elle suivait de l’œil les ondulations de sa forme longue dans le fourreau de satin noir autour duquel flottait une tunique légère, semée de perles où tremblaient des feux sombres. Puis elle s’approcha de la glace, curieuse de connaître son visage de ce jour-là. L’image lui renvoya un regard tranquille, comme si cette aimable femme, qu’elle examinait et qui ne lui déplaisait pas, vivait sans joie aiguë et sans tristesse profonde.
         Aux murs du grand salon vide, les figures des tapisseries, vagues comme des ombres, pâlissaient parmi leurs jeux antiques, en leurs grâces mourantes. Comme elles, les statuettes de terre cuite élevées sur des colonnettes, les groupes de vieux saxe et les peintures de Sèvres, étagés dans les vitrines, disaient des choses passées. Sur un socle garni de bronzes précieux, le buste de marbre de quelque princesse royale, déguisée en Diane, le visage chiffonné, la poitrine audacieuse, s’échappait de sa draperie tourmentée, tandis qu’au plafond une Nuit, poudrée comme une marquise et environnée d’Amours, semait des fleurs. Tout sommeillait et l’on n’entendait que le pétillement du feu et le bruissement léger des perles dans la gaze.
         S’étant détournée de la glace, elle alla soulever le coin d’un rideau et vit par la fenêtre, à travers les arbres noirs du quai, sous un jour blême, la Seine traîner ses moires jaunes. L’ennui du ciel et de l’eau se réfléchissait dans ses prunelles d’un gris fin. Le bateau passa, l’Hirondelle, débouchant d’une arche du pont de l’Alma et portant d’humbles voyageurs vers Grenelle et Billancourt. Elle le suivit du regard tandis qu’il dérivait dans le courant fangeux, puis elle laissa retomber le rideau et, s’étant assise à son coin accoutumé du canapé, sous les buissons de fleurs, elle prit un livre jeté sur la table, à portée de sa main. Sur la couverture de toile paille brillait ce titre en or : Yseult la Blonde, par Vivian Bell. C’était un recueil de vers français composés par une Anglaise et imprimés à Londres. Elle l’ouvrit et lut au hasard :

                            Quand la cloche, faisant comme qui chante et prie,
                            Dit dans le ciel ému : « Je vous salue, Marie »,
                            La vierge, en visitant les pommiers du verger,
                            Frissonne d’avoir vu venir le messager
                            Qui lui présente un lys rouge et tel qu’on désire
                            Mourir de son parfum sitôt qu’on le respire.

                            La vierge au jardin clos, dans la douceur du soir,
                            Sent l’âme lui monter aux lèvres, et croit voir
                            Couler sa vie ainsi qu’un ruisseau qui s’épanche
                            En limpide filet de sa poitrine blanche.


         Elle lisait, indifférente, distraite, attendant ses visites et songeant moins à la poésie qu’à la poétesse, cette miss Bell qui était peut-être son amie la plus agréable et qu’elle ne voyait presque jamais, qui, à chacune de leurs rencontres si rares, l’embrassait en l’appelant darling, lui donnait brusquement du bec sur la joue, et gazouillait ; qui, laide et séduisante, presque un peu ridicule et tout à fait exquise, vivait à Fiesole, en esthète et en philosophe, cependant que l’Angleterre la célébrait comme sa poétesse la plus aimée. Ainsi que Vernon Lee et que Mary Robinson, elle s’était éprise de la vie et de l’art toscans ; et, sans même achever son Tristan, dont la première partie avait inspiré à Burne-Jones de rêveuses aquarelles, elle faisait des vers provençaux et des vers français sur des pensées italiennes. Elle avait envoyé son Yseult la Blonde à darling avec une lettre pour l’inviter à passer un mois chez elle à Fiesole. Elle avait écrit : « Venez, vous verrez les plus belles choses du monde et vous les embellirez. »


    Anatole France, Le Lys rouge, I, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, tome II, 1987, pp. 331-332-333. Édition établie, présentée et annotée par Marie-Claire Bancquart.

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  • France Burghelle Rey | Lumière du poème

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    Lumi-re du po-me qui change de sens pour cr-er sa parole et quitter la nuit
    Ph., G.AdC






    LUMIÈRE DU POÈME



    Lumière du poème
    qui change de sens

    pour créer sa parole
    et quitter la nuit

    dans le bruit du jour



    Chante ton silence
    quand se tapit
    l’enfance dans
    les échos des rires

    Comme se pause la musique
    pour quatre soupirs
    résonne
    le vide



    Je te crois
    sur ta parole

    on se chauffe aux cendres
    des consonnes aux braises
    des voyelles qui chantent

    Phénix tu brûles
    comme le buisson ardent



    France Burghelle Rey
    France Burghelle Rey, La Fiancée du silence (à paraître chez Encres vives, collection Encres blanches, en janvier 2010)







    FRANCE BURGHELLE REY


    France Burghelle Rey




    ■ France Burghelle Rey
    sur Terres de femmes

    Après la foudre (lecture de Philippe Leuckx)
    Les Tesselles du jour (extraits)
    Trop (extrait du Bûcher du phénix)



    ■ Voir aussi ▼

    le blog de France Burghelle Rey



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  • Valérie Rouzeau




    BIO|BIBLIO


    VALÉRIE ROUZEAU


    Valérie Rouzeau- photo Michel Durigneux
    D.R. Ph. Michel Durigneux
    Source





    UNE AURA TOUT PARTICULIÈRE


        Née à Cosne-sur-Loire (Nièvre) le 22 août 1967, Valérie Rouzeau jouit dans le monde poétique d’aujourd’hui, d’une aura tout particulière. Reconnue par ses pairs comme une inventrice talentueuse, elle l’est aussi par un public plus modeste et plus jeune. Celui des établissements scolaires et des centres culturels de banlieue.

        C’est que Valérie Rouzeau, issue d’une famille peu ordinaire de ferrailleurs, a longtemps vécu et écrit en banlieue. Elle en parle le langage rude et râpeux, convertit en écriture ses idiomes et ses images. Mais pas seulement. Ses études littéraires de traductrice (elle est la traductrice de Sylvia Plath, de Ted Hughes et de William Carlos Williams) l’ont conduite à décortiquer la langue et Valérie Rouzeau détourne volontiers les expressions toutes faites pour leur redonner sens et vitalité. Un sens qui a à voir avec l’enfance et la mort, l’amitié et la vie, l’amour et le rien. Les pirouettes de langage, les jeux « à cloche-pied » se muent en images-choc de la vérité. Ce qui donne à la poésie de Valérie Rouzeau son rythme accéléré et sa force coup-de-poing. Une écriture originale dans le paysage poétique actuel, où la rencontre inattendue entre le surréel du quotidien et la distanciation gouailleuse face à elle-même, crée sans cesse la surprise. Entre tendresse et drôlerie.

        Valérie Rouzeau vit de sa poésie et des nombreuses activités et prestations qu’elle donne autour de la poésie. Ateliers d’écriture, lectures publiques, rencontres et entretiens, direction de revues poétiques.



        Valérie Rouzeau est l’auteur de nombreux recueils. Parmi ses ouvrages les plus récents figurent :

    Pas revoir, Le Dé bleu, 1999 ; rééd. 2000, 2002 et 2003. Prix des Découvreurs 2000 [réédition 2010, aux Éditions de La Table Ronde, dans la collection de poche « La petite vermillon »]
    Neige rien, Unes, 2000 [rééd. 2010 dans la collection « La petite vermillon »]
    Va où, Le Temps qu’il fait. Prix Tristan Tzara, 2002 ; réimpression, 2009 ; réédition, Éditions de La Table Ronde, collection de poche « La petite vermillon », 2015
    Kékszakállū, Les Faunes éditeurs, 2004
    Récipients d’Air, Le Temps qu’il fait, 2005
    Apothicaria, Éditions Wigwam, 2007. Prix des Explorateurs 2009
    Gue digue don, éditions de la Goulotte, 2007. Illustrations de Claude Stassart-Springer
    Mange matin, L’Idée Bleue, 2008
    Quand je me deux, Le Temps qu’il fait, 2009
    Je comme, éditions de la Goulotte, 2010. Illustrations de Claude Stassart-Springer
    Vrouz, Poésie, La Table Ronde, 2012. Prix Apollinaire 2012
    Ma ténèbre, éditions Contre-Allées, 2012
    Qu’on vive, Compagnie de théâtre Chiloé de Lyon, 2014
    Télescopages, Éditions Invenit / Musée des Confluences, 2014
    Sens averse (répétitions), Poésie, La Table Ronde, 2018. Prix Méditerranée 2019
    Éphéméride (le temps passe et fait mes rides), Poésie, La Table Ronde, 2020





  • Ostia

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (9)







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    Source






    OSTIA




        Tu reprendras ton sommeil à tout rompre, entre humus et pierre, inconstante proie, fruit allégé des dévotions, du voyage.

         Tu seras vigie, impalpable sur chaque bouche ramassée, puis dévêtue de bonds, impuissante.

         Et ne craindras, au creux des nerfs du seul matin, que cette vigueur s’élargissant tendue à ton côté, cherchant tes doigts, tes laves, et les départs au bout de toi.



         Tout est à refaire, jeux, écluses fouillées, haleurs à l’écart, sans fausses caresses.

         Tu effleurais tes chances, aux plis des frondaisons, seul conscient de ton domaine, cette halte, noire et verte, à la pointe parcourue, fertile de sources.

         La longue incandescence se retire du bout des îles, les éraflures se font plus lentes encore, il n’y a plus rien à renvoyer. Qu’à saisir le pré, clos en toi, à la trame interdite, en plein soleil…



         Les golfes se couvrent de pluies souples.

         Les visages, de sommeils croupis.

         Obstinément, ta saison.



         Élargissons le tableau. Très loin, les retrouvées incrustent leur semence. Juste devant nous, l’écaille des souffles, ton sang dedans les ports encore sans plis. Ton sang, parmi les maisons aveugles, dans l’étendue franchie que tu es seul à connaître.



         Oublie-la, éperdue, s’achevant parmi les débris de la houle. Son secret n’est pas là.

         Il a éclos sur ta tige, suzerain, comme si l’adieu qui, pourtant, la précédait, ne devait jamais se faire entendre.




    André Rougier

    D.R. Texte André Rougier



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