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  • Le chant de la noria



    Noria 2
    Ph. Droits réservés






    LE CHANT DE LA NORIA


    La nuit tombe sur le flamboyant de l’oliveraie
    le cygne plonge son col cristal dans le cœur secret du pavot
    la noria tourne cercle de voix qui ourle ses boucles dans le soir
    noria du monde roulant les pupilles sombres des regards
    lumière farandole de gestes les feuilles mains volètent alentour des visages
    : boucles et entrelacs de rires de chants de joie montent vers le soir


    j’observe j’absorbe
    je savoure je sens
    j’écoute je frissonne


    les ondes vibratiles du chant des corps des langues des voix
    qui montent paliers de notes dans le soir
    quinconces d’ondulations entrecroisements
    de lacis de trios de trilles enlacées
    les statues s’animent Afrique Océanie Afrique franges drues et babouches d’or
    la noria du chant plonge dans les basses profondes
    refait surface bourdon d’ébène grimpe dans les aigus du vent
    crêpelures nuit tenues en épingles serrées sur nuques lisses
    belles échancrures rondes de nos poitrines sous les soies
    le chant tourne son refrain noria de la nuit qui tombe
    sur le flamboyant de l’oliveraie
    les fleuves des bras mêlent leurs voix d’eau
    quinconces de clair d’obscur de clair
    les sombres couleurs des rythmes
    se jouxtent se séparent rebondissent s’épousent
    danses qui se répondent en pas de deux esquisse
    le col du cygne plonge dans les pétales sang du pavot
    les gerçures de la mort prochaine s’adoucissent

    . le chant de la noria s’éclipse dans la nuit.



    Angèle Paoli in Côté Femmes, d’un poème l’autre, poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani, Espace–Libre, Alger-Paris, 2010, pp. 73-74.

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  • Marie-Hélène Lafon, L’Annonce

    Marie-Hélène Lafon, L’Annonce,
    éditions Buchet-Chastel, 2009.



    Vertige de leur solitude
    Ph., G.AdC






    ENTRE CES DEUX MOMENTS-LÀ


         Cela commence ― presque ― avec un orage de juillet. Un orage d’une violence à secouer la nuit les bêtes les hommes. Cela commence avec Annette dont le regard découvre ses étonnements face à un monde inconnu, confit en inébranlables certitudes. Un univers hostile, fermé par les « rugueuses inclinations de ses habitants ». Cela se clôt ― presque ― sur le déferlement de mots qu’Eric, onze ans, le fils d’Annette, « silencieux par nature », avait lâché d’un trait à la fin du repas, un dimanche soir, à sa mère et à Paul, le compagnon « encombré d’images rugueuses », qui l’avaient écouté en silence. C’était au sujet de la grand-mère, que l’on avait abandonnée à Bailleul dans le Nord, tandis qu’Annette et son fils avaient rejoint Paul et Fridières, dans le Cantal, la ferme et ses gens, ses silences et ses solitudes.

        Entre ces deux moments, celui de l’orage de juin avec « cette lutte contre la marée galopante qui, dès le milieu de l’après-midi, sourdait de toutes parts, et ne refluait pas, ne cédait pas » et cet autre moment de la fin juin, un an plus tard, où Eric avait forcé « les steppes du silence » de sa mère en lançant le plaidoyer pour sa grand-mère qu’il faudrait installer à Condat avant l’hiver, dans un appartement à proximité du collège, entre ces deux moments-là, il y avait eu l’annonce. Celle qui donne son titre au roman de Marie-Hélène Lafon ; celle qui avait permis à Annette et à Paul de se rencontrer, à Nevers, un jour de novembre. Qu’est-ce qui aurait pu raccommoder un jour d’hiver deux solitudes aussi opposées que celle de la petite « caissière au Leclerc de Bailleul », meurtrie par le cataclysme de sa vie antérieure, et celle du paysan de Fridières qui ne se résignait pas à filer sa vie dans le célibat, sinon ce billet passé par Paul dans un journal ? Peut-être dans Le Chasseur français auquel les gens de Fridières étaient abonnés. Billet lu et ruminé digéré, là-haut, dans le Nord, par Annette qui avait pris son courage à deux mains. Et avait répondu à l’annonce, décidée qu’elle était à changer enfin de vie.

        Autour de L’Annonce, titre banal (et inachevé ?), se tisse, en même temps que l’encordage de Paul et d’Annette, l’histoire antérieure au rapprochement de leurs deux solitudes. Comment tresser ensemble deux passés aussi disjoints ? Comment intriquer le passé de l’un dans le passé de l’autre ? Annette s’efforce de « déchirer les images » du Nord, de repousser son passé cabossé avec Didier. D’accepter le passé de Paul, « l’homme de l’annonce », flanqué de ses deux oncles et de sa sœur Nicole, tous trois suspicieux à son égard et peu enclins à l’accueillir, elle et son enfant, dans leurs habitudes. Il faudrait apprendre à composer avec eux tous. Avec la « guerrière » Nicole surtout, « la gardienne de Fridières, la grande prêtresse de la religion du pays » et avec cet homme, cet agriculteur qui avait décidé de l’installer avec lui à son étage. Il faudrait avec tout cela apprivoiser les corps. Il faudrait à Annette de la patience et du courage.

        Peu à peu les jours s’emmêlent, la vie s’organise, qui tient chacun dans son rôle. Annette creuse son trou dans l’espace qui lui est concédé ; puis, s’enhardissant, se fait des amies à l’extérieur de la ferme ; rapporte un peu d’argent ; confectionne des gâteaux le dimanche. Et se résigne au silence ordinaire de Paul. Quant à la passion partagée d’Eric et de la chienne Lola, elle contribue à adoucir la vie, à élargir l’horizon, à pacifier les humeurs. Peut-être y a-t-il encore, dans ce village « confit en ordinaire insularité », un espoir, un espoir d’ouverture qui permette aux hommes de ce pays de sortir du « vertige de leur solitude ». « Du temps apprivoisé » commençait à rouler. Cet espoir, c’est Eric qui le porte en lui. Espoir en germination dont on sent les prémisses poindre à travers les projets et les phrases qui les accompagnent, ces « phrases longues qui épuisaient le souffle et ne voulaient pas finir ». Laissant Annette à son étonnement et à sa réflexion.

         Par-delà l’histoire de cette rencontre amoureuse étrange, ce qui émeut et bouleverse, c’est la plongée dans un monde rural oublié depuis les grands romans cosmiques de Jean Giono. Un monde rendu ici à sa rugueuse beauté par la beauté de la langue de Marie-Hélène Lafon. Cette langue que l’on croyait disparue à jamais, ressurgit dans ce roman au style ouvragé. « C’était de tout temps, cette confluence de juin, ce rassemblement des forces, lumière vent eau feuilles herbes fleurs bêtes, pour terrasser l’homme, l’impétrant, le bipède aventuré, confiné dans sa peau étroite, infime »…






    c'était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d'ombre
    Ph., G.AdC






         Souple et poétique, musicale, la langue de L’Annonce est enlevée, colorée, grâce à l’intrusion de discours indirects libres qui mêlent les échanges de la conversation ordinaire, rythmée par des énumérations que la ponctuation ne vient pas interrompre. Énumérations ― ternaires, souvent ― enchâssées dans d’autres énumérations, ponctuées de virgules. « Les deux tilleuls dans la cour, l’érable au coin du jardin, le lilas sur le mur, tout bruissait frémissait ondulait ; c’était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d’ombre… »

         Ce balancement régulier ― où alternent absence de ponctuation et ponctuation ― donne aux descriptions un souffle intérieur, une respiration envoûtante. Et au texte un phrasé visuel qui agit comme un charme.

         « Elle apprenait la lumière qui réveillait chaque chose, l’une, l’autre ensuite, visitée prise nimbée ; les prés, les arbres, la route en ruban bleu, les chemins tapis, les vaches lentes et les tracteurs matutinaux, cahotants, volontiers rouges. »

         « Volontiers rouges » ? L’espoir n’est-il pas aussi du côté d’Annette dont le regard s’aiguise, la sensibilité s’affûte, épurée par les « vents cathartiques » de ces contrées sauvages ? Annette qui attire à elle toute la tendresse qui la lie à ses lecteurs, au-delà du final que domine la « glorieuse » Nicole dont le triomphe appartient désormais au passé.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    MARIE-HÉLÈNE LAFON

    Marie-Helene Lafon
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de La Lettrine)
    une note de lecture d’Anne-Sophie Demonchy sur L’Annonce
    → (sur auteursTV)
    Rencontre avec Marie-Hélène Lafon
    → (sur le site de L’Express)
    Marie-Hélène Lafon lit un extrait de L’Annonce


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  • Midis

    Le billet de Nestor

    Le billet hebdomadaire de Nestor (4)






    Portrait de Joë Bousquet par Jean Dubuffet (détail)
    Jean Dubuffet (1901-1985)
    Détail de Joë Bousquet dans son lit, janvier 1947
    Huile sur toile, 46,3 x 114 cm.
    Museum of Modern Art, New York City
    Source





    MIDIS




        I. OCCITANE


         La trêve est rompue. La flamme plus vaste s’avance, par les quatre voies, avec la soie, les voyantes, sous ce ciel inégal : bruit du soir ici-bas déployé, sur nos bouches reconnaissantes, et de tous côtés, où traînent nos clefs, nos chaînes, nos foules.
        (Ailleurs, c’est de face que nous regardions l’ancienne science. Nous étions trop sauvages. Le monde qui émerge paraît insoupçonnable.)
         Rien n’est perdu, de qui s’éparpille. Les enfants peuvent s’approcher. L’alliance se renoue.

        Bientôt commencera la vraie bataille, soudée, reprise, rougissant sous tous les oriflammes.




        II. VENT D’AUTAN

    À Joë Bousquet


        Le crépuscule éperdument effrangeait ses griffures essaimant en jeux obliques, en torches d’ombre, corrompant peu à peu le silence, le grand ciel incurvé, balayé par la sauvagerie, rabaissant l’argent terni des oliviers, couchant les cyprès, faisant virevolter les pétales d’amandier. Ni norme ni absolu, tous les écarts sont permis, là où tout s’enchevêtre, se confond, distances, angles, volumes, en cette orée du monde parée de fauve et de safran, où le brouillard du coup renaît, où les traces s’effacent, le monde autour se cabrant, s’affaissant, vacillant, glissant en cette nappe d’obscur que le soir mue en or liquide, limbes que seule la prémonition des rumeurs vient sceller…
        Inlassablement tu fais de nos questions réponse, sûr de n’avoir su apprendre que ce que de tout temps tu savais ; aide-nous à oublier le doute, oublier de n’avoir choisi d’être que ce qui dans la dissémination nous retrouve, la main un peu froide nous conduisant par de singuliers méandres au lieu où elle s’efface nous laissant à jamais seuls, murmure sans trace, par-delà les galets, les aimants, les remous, jusqu’à l’enfer de la trop longue parole, toujours apprivoisant, toujours égarant…




        III. MARINE SÉTOISE


        Tu te jettes dans l’éveil, tu tutoie les épaves – comme d’autres cette proche escale à ton flanc incarnée.

         Car c’est hors torpeurs que tu veux diviser, rassasier cette lente asphyxie rocailleuse, et partout les déployer : elle, et ce qu’il faut de conques attentives pour se répandre dans la mort enfin nouvelle.




        IV. BOUSQUET


        Nous sommes comme toi. Respirant. Rien de plus.
        Au même voisinage, dévissant cet orgueil, cette exigence, jusqu’aux lies.



    André Rougier
    D.R. Texte André Rougier






    JOË BOUSQUET

    Voir aussi :
    → (sur Terres de femmes)
    Décembre 1938 | Lettre de Joë Bousquet à Poisson d’or
    → (sur Terres de femmes)
    Joë Bousquet/Passer
    Serge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet (lecture d’AP)




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  • Alda Merini | Mare

    «  Poésie d’un jour  »


    Hommage à la poète italienne Alda Merini, morte le premier novembre 2009, à l’âge de 78 ans, à l’hôpital San Paolo de Milan.





    Alda Merini






    MARE



    Cammino sulle mie acque di donna.
    Ti spiegherò che c’è un mare salato
    eun mare pieno d’amore.
    Lo spartiacque è stata la mia poesia.
    Con quella ho diviso i misteri del mare
    e il mio stesso mistero.
    Però ho capito che nelle piccole cose,
    come la mia modesta maternità,
    esistono mari infiniti.
    Dove si alternano seppie e lacrime,
    cose non viste e grandiosità di Dio.
    Ed ho capito che la poesia è inutile.
    Come la bellezza del mare,
    se non si pensa a chi l’ha creato
    che è un gran mistero.







    MER



    Je marche sur mes eaux de femme.
    Je t’expliquerai qu’il y a une mer salée
    et une mer pleine d’amour.
    La ligne de démarcation a été ma poésie.
    Avec elle j’ai divisé les mystères de la mer
    et mon propre mystère.
    Cependant j’ai compris que dans les petites choses,
    comme ma modeste maternité,
    il existe des mers infinies.
    Où s’alternent seiches et larmes,
    des choses jamais vues et grandeur de Dieu.
    Et j’ai compris que la poésie est inutile.
    Comme la beauté de la mer,
    si on ne pense pas à qui l’a créée
    qui est un grand mystère.



    Alda Merini, Dopo tutto anche te, Après tout même toi, Oxybia Éditions, 06620 Le Bar-sur-Loup, 2009, pp. 80-81. Traduction française de Patricia Dao.






    Alda Merini dopo tutto 2




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Ma poésie est vive comme le feu
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Repubblica)
    l’article nécrologique consacré à Alda Merini
    → (sur Danger Poésie)
    Après tout même moi, par André Chenet
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    Après tout même toi/Dopo tutto anche tu
    le site officiel Alda Merini
    → la notice consacrée à Alda Merini dans
    Wikipedia.it (en italien)
    → (sur le site de la revue Conférence)
    Aphorismes & Gri gri d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)




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  • TdF n° 60 ― novembre 2009



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    SOMMAIRE DU MOIS DE NOVEMBRE 2009



    Terres de femmes ― N° du mois d’octobre 2009
    1er novembre 1917 | Julien Gracq, Le Roi Cophetua
    Alda Merini | Mare
    Midis – Le billet de Nestor (4)
    Marie-Hélène Lafon, L’Annonce (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Le chant de la noria (Angèle Paoli)
    Guillevic, Carnac traduit en corse par Francescu-Micheli Durazzo
    Cordesse, Notes d’esprit
    Béatrice Bonhomme-Villani | Un lacis de sang et d’ombre Anthologie poétique Terres de femmes (3)
    Nelly Roffé | Argia Anthologie poétique Terres de femmes (4)
    7 novembre 1910 | Mort de Léon Tolstoï
    Marta Grundwald | je te montrerai comment je traverse la rue Anthologie poétique Terres de femmes (5)
    a mezzanotte (Angèle Paoli)
    Circulades – Le billet de Nestor (5)
    Speluncatu (Angèle Paoli)
    11 novembre 1516 | La Saint-Martin de Leonardo
    Marielle Anselmo | Les îles Anthologie poétique Terres de femmes (7)
    André Breton, Lettres à Aube (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Valérie Brantôme | Il sognatore Anthologie poétique Terres de femmes (8)
    Sylvie Durbec, Marseille, Éclats & quartiers
    Arnaud Beaujeu, La lumière et les mots
    Sylvie Fabre G. | L’au-dehors Anthologie poétique Terres de femmes (9)
    Route grande – Le billet de Nestor (6)
    Élisabeth Chabuel | Intime violence
    17 novembre 1906 | Naissance de Mario Soldati
    Umberto Saba | Oiseau en cage
    Marie-Ange Sebasti | Ils étaient partis Anthologie poétique Terres de femmes (10)
    18 novembre 1975 | Lettre de Jean-Jacques Pauvert à Jean Carrière
    Isabelle Raviolo | Ô mère Anthologie poétique Terres de femmes (11)
    Maria Maïlat | Recommencement Anthologie poétique Terres de femmes (12)
    20 novembre 1989 | Mort de Leonardo Sciascia
    Florence Noël | autant revivre en mon jardin Anthologie poétique Terres de femmes (13)
    Jean-Pierre Ferrini, Le Pays de Pavese (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Samira Negrouche | Il se peut Anthologie poétique Terres de femmes (14)
    Marcel Migozzi | Comment savoir si ton visage te ressemble ?
    Timeo Danaos et dona ferentes – Le billet de Nestor (7)
    Fang (Angèle Paoli)
    23 novembre 1920 | Naissance de Paul Celan
    Ophélie Jaësan | Une branche de bois vert Anthologie poétique Terres de femmes (15)
    Myriam Montoya | J’irai encore Anthologie poétique Terres de femmes (16)
    25 novembre 1959 | Mort de Gérard Philipe
    Gabriela Mistral | Désolation
    Joëlle Gardes | Hôpital Anthologie poétique Terres de femmes (17)
    Wahiba Khiari, Nos Silences (note de lecture d’Angèle Paoli)
    29 novembre 1948 | Lettre d’André Breton à Aube
    Cerbères – Le billet de Nestor (8)
    Terres de femmes ― N° du mois de décembre 2009



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  • 1er novembre 1917 | Julien Gracq, Le Roi Cophetua

    Éphéméride culturelle à rebours



    Rendezvousabray2
    Julien Eschenbach (Mathieu Carrière)
    dans le train en direction de La Fougeraie (Braye-la-Forêt)
    Source






    EN DIRECTION DE BRAYE-LA-FORÊT


         En quittant Paris par la gare du Nord, dans cet après-midi de Toussaint, à travers les voiles d’eau que le vent chassait sur les usines et les jardinets ouvriers, ce qui attirait l’œil seulement de place en place, c’étaient les cimetières de banlieue, comme des émeutes florales énormes, crevant, épongeant ça et là la pluie noire ― noyés, rayés, barrés, hérissés de tricolore, avec la foule en vêtements mal teints qui remuait lentement entre les massifs comme une coulée de suie, mouchetée de bleu horizon, piquée ça et là de la tache blanche d’un voile d’infirmière, trouée de menues clairières qui bougeaient avec les tricycles des mutilés. Jamais les morts civils les plus moisis, les plus oubliés, ne furent mieux bordés, plus visités, bercés plus chaudement que dans les grandes fêtes des Morts de ces années-là ; ils rajeunissaient, noyés par procuration sous la marée éclatante qu’une digue de feu empêchait de déferler sur les tranchées. Puis, avec la grande banlieue, ces buissons ardents qui semblaient brûler sur l’eau s’éteignirent ; le tricolore s’espaça en rappels délavés sur la guérite des garde-voies qu’on voyait patrouiller le long de la main-courante des ponts, perdus dans la pluie, le col de capote relevé contre l’averse oblique, et ce fut la campagne ― la morne campagne du nord jalonnée de ses gares de meulière à deux pavillons, dont les quais semblent plus larges et plus vides qu’ailleurs, quand les déserte la foule des champs de courses.
         J’étais seul dans mon compartiment ― presque seul, semblait-il, dans ce train de grande banlieue traînard et désœuvré ― et les perspectives de la journée à la campagne que j’avais devant moi me paraissaient de moins en moins engageantes. La lumière commençait très tôt à baisser ― une éclaircie sans couleur glissait à l’horizon de l’ouest sous le ciel bas, éveillant ça et là le miroir des flaques d’eau qui noyaient les labours ― sur les routes, le vent pourchassait par essaims les feuilles arrachées. Je me détournai du paysage qui glissait sous mes yeux sans bouger, couleur de mine de plomb et d’écorce mouillée, et je parcourus un moment les journaux que j’avais achetés à la gare. L’aviation française avait bombardé de nuit les casernes de Kaiserslautern. À travers les circonlocutions pudiques des correspondants de presse, il était clair que la situation en Russie s’aggravait. Le froid humide pénétrait dans mon compartiment par la glace mal jointe ; je me rencoignai, me pelotonnai dans mon manteau, et je tombais dans une espèce de somnolence. J’imaginais Pétrograd, la marée figée de ses drapeaux rouges subitement noircis par la première neige, les pas des millions de bottes lourdes tournant en rond comme une caserne en folie, gâchant la neige fondue plâtrée de feuilles de journal. Un détour par les marais de l’Yser me ramena à l’hiver noir du front qui commençait : la vie civile m’avait repris, les souvenirs du feu me paraissaient déjà un autre monde, mais à chaque retour de pluies de l’automne, malgré moi, je sentais encore les tranchées, comme un rhumatisant ses articulations. Le froid mouillé me saisissait à nouveau aux poignets ; le train, qui ne ramenait personne au front, traînait dans chaque gare, interminablement. Il n’était guère possible de rêver un lieu, une journée plus mornes ; il me semblait que la terre entière moisissait lentement dans la mouillure spongieuse, s’affaissait avec moi dans un cauchemar marécageux, qui avait la couleur de ces marnières noyées où flottent le ventre en l’air des bêtes mortes.
         De temps en temps pourtant une onde de curiosité, une petite flamme chaude, trouait cette humidité de déluge ; je songeais que j’allais revoir Jacques Nueil.



    Julien Gracq, « Le Roi Cophetua » in La Presqu’île [1970], in Œuvres complètes, II, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1995, pp. 491-492.




    ■ Julien Gracq
    sur Terres de femmes

    27 juillet 1910 | Naissance de Julien Gracq
    25 avril 1949 | Julien Gracq au Théâtre Montparnasse
    3 décembre 1951 | Julien Gracq refuse le Prix Goncourt
    19 février 1977 | Julien Gracq, Les Eaux étroites
    29 juin | Julien Gracq, Un beau ténébreux
    Instants (extraits de Nœuds de vie)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Corti)
    Julien Gracq
    le site de la Maison Julien Gracq
    21 mars 1926 | Naissance d’André Delvaux (Rendez-vous à Bray et Le Roi Cophetua + un autre extrait du Roi Cophetua)
    → (sur YouTube)
    un extrait de Rendez-vous à Bray d’André Delvaux




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  • Terres de femmes ― Sommaire du mois d’octobre 2009





    TDF LOGO  OCTOBRE 2009
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    SOMMAIRE DU MOIS D’OCTOBRE 2009


    Terres de femmes ― Sommaire du mois de septembre 2009
    Edmond Jabès/La jeune fille qui marche
    Libazioni di sangue/Libations de sang. Une traduction inédite par Jacques Fusina d’un poème d’Angèle Paoli
    Ghjuvanara/Hallali. Une traduction inédite par Norbert Paganelli d’un poème d’Angèle Paoli
    Carnets de marche. 24 (Angèle Paoli)
    Book Project International – Marseille/XIIes Rencontres de l’édition de création
    Charles Olson/Maximus, to himself. Traductions croisées Danièle Robert/Angèle Paoli
    Jacques Dupin/Les graines brûlent sans souffrir
    Carnets de marche. 25 (Angèle Paoli)
    7 octobre 1993/Toni Morrison, Prix Nobel de Littérature
    Pascale Arguedas, Pourquoi (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Sylvie Durbec/Déjanire – Lucette Frisa/Deianira
    Attente immobile (Angèle Paoli)
    9 octobre 1970/Mort de Jean Giono
    Attente immobile/Immobile attesa (Angèle Paoli) – Traduction inédite en corse de Ghjilormu Capirossi
    Les Aguets – Le billet de Nestor (1)
    12 octobre 1492/Mort de Piero della Francesca
    13 octobre 1761/Voltaire, Début de l’affaire Calas
    James Sacré/Le désir échappe à mon poème
    Nezend Begîxanî/Ici moi ailleurs
    Joël Bastard/Le visage de Mah
    Cécile Oumhani, Temps solaire, III
    Avec le Momo – Le billet de Nestor (2)
    La Pensée de midi, « Istanbul, ville monde », par Angèle Paoli (Chroniques de femmes)
    Antonella Anedda/Ritagliare
    Jean-Louis Giovannoni/Notre voix
    Cristina Crisci/Spring
    24 octobre 1873/Arthur Rimbaud rentre en France avec les exemplaires d’auteur d’Une saison en enfer
    Sylvie Saliceti/La danse de Sakuntala
    25 octobre/Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
    Nevermore – Le billet de Nestor (3)
    26 octobre 2007/26 octobre 1987/Enrique Vila-Matas, Journal volubile
    Ophélie Jaësan, Le Pouvoir des écorces (note de lecture d’Angèle Paoli)
    La revue Nu(e) organise une souscription pour son 42e numéro
    30 octobre 1871/Naissance de Paul Valéry



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  • 30 octobre 1871 | Naissance de Paul Valéry

    Éphéméride culturelle à rebours


    Le 30 octobre 1871 naît dans un immeuble de la Grand-Rue, au numéro 65, à Cette [aujourd’hui Sète], Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry. Paul Valéry est issu par sa mère (Marie-Françoise Alexandrine Fanny Grassi, née à Trieste, fille de Giulio Grassi, consul d’Italie) d’une famille génoise, et par son père (Barthélemy Valéry, officier des douanes, né à Bastia) d’une famille cap-corsine de marins-pêcheurs (famille Valerii originaire du hameau de Silgaghja [Silgaggia], dans la commune de Brando).


    Paul Valéry est âgé de vingt trois ans lorsqu’il publie en revue, en 1894, son Introduction à la méthode de Léonard de Vinci. Dans ces écrits en prose qui figureront plus tard dans Variété, Paul Valéry, se refusant à opposer « esprit de finesse » et « esprit de géométrie », expose sa conception de la pensée mouvante ainsi que la « méthode » d’analyse qu’il met en place pour explorer toutes les combinaisons de la pensée.


    L’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci contient en germe les œuvres maîtresses de Paul Valéry. Quant aux Carnets de Léonard, ils inspireront à Paul Valéry ses Cahiers.







    L’INTENTION DE TOUTE PENSÉE EST EN NOUS


    « La nécessité où j’étais placé, le vide si bien fait de toutes les solutions antipathiques à ma nature, l’érudition écartée, les ressources rhétoriques différées, tout me mettait dans un état désespéré… Enfin, je le confesse, je ne trouvai pas mieux que d’attribuer à l’infortuné Léonard mes propres agitations, transportant le désordre de mon esprit dans la complexité du sien. Je lui infligeai tous mes désirs à titre de choses possédées. Je lui prêtai bien des difficultés qui me hantaient dans ce temps-là, comme s’il les eût rencontrées et surmontées. Je changeai mes embarras en sa puissance supposée. J’osai me considérer sous son nom, et utiliser ma personne.

    Cela était faux, mais vivant. Un jeune homme, curieux de mille choses, ne doit-il pas, après tout, ressembler assez bien à un homme de la Renaissance ? Sa naïveté même ne représente-t-elle pas l’espèce de naïveté créée par quatre siècles de découvertes au détriment des hommes de ce temps-là ? ― Et puis, pensai-je, Hercule n’avait pas plus de muscles que nous, ils n’étaient que plus gros. Je ne puis même pas déplacer le rocher qu’il enlève, mais la structure de nos machines n’est pas différente ; je lui corresponds os par os, fibre par fibre, acte par acte, et notre similitude me permet l’imagination des travaux.

    Une brève réflexion fait connaître qu’il n’y a pas d’autre pratique l’on puisse prendre. Il faut se mettre sciemment à la place de l’être qui nous occupe… et quel autre que nous-mêmes peut répondre, quand nous appelons un esprit ? On n’en trouve jamais qu’en soi. C’est notre propre fonctionnement qui, seul, peut nous apprendre quelque chose sur toute chose. Notre connaissance, à mon sentiment, a pour limite la conscience que nous pouvons avoir de notre être, ― et peut-être, de notre corps. Quel que soit X, la pensée que j’en ai, si je la presse, tend vers moi, quel que je sois. On peut l’ignorer ou le savoir, le subir ou le désirer, mais il n’y a point d’échappatoire, point d’autre issue. L’intention de toute pensée est en nous. C’est avec notre propre substance que nous imaginons et que nous formons une pierre, une plante, un mouvement, un objet : une image quelconque n’est peut-être qu’un commencement de nous-mêmes…

                               lionardo mio
          o lionardo che tanto penate…
    *


    * On peut lire pensate ou penate.


    Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, Éditions Gallimard, 1957 ; collection folio essais, 1992, pp. 115-116-117.




    PAUL VALÉRY


    Paul Valéry 3





    ■ Paul Valéry
    sur Terres de femmes


    [Rime]
    30 mars 1917 | Publication de La Jeune Parque de Paul Valéry
    19 février 1924 | Conférence de Paul Valéry sur Baudelaire
    23 juin 1927 | Discours de réception de Paul Valéry à l’Académie française
    20 juillet 1945 | Mort de Paul Valéry




    ■ Voir aussi ▼


    la biographie de Paul Valéry sur le site de l’Académie française
    → (sur Terres de femmes)
    15 avril 1452 | Naissance de Léonard de Vinci




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  • La revue Nu(e)
    organise une souscription pour son 42e numéro


    Nu(e) 44
    La revue Nu(e), dirigée par Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, espace éditorial où s’expérimente la poésie, lieu de travail, de correspondance, est le lieu de l’exercice de l’amitié au sens où l’entend Blanchot.

    Son prochain numéro, coordonné par Arnaud Beaujeu, réunit dans un volume de 3oo pages les textes, encres et dessins de 25 poètes et/ou peintres contemporains :



         Mobiles, insaisissables, les ombres d’une flamme ou les dessins d’une vague, les poèmes.
    (Pierre Dhainaut)



         Marielle Anselmo, Daniel Aranjo, Catherine
    Barnabé, Albertine Benedetto, Arnaud Beaujeu,
    Claude Ber, Stello Bonhomme, Martine Broda,
    Dominique Cerbelaud, Jean-Louis Clarac, Kévin
    Contini, Eric Dazzan, Pierre Dhainaut, Thérèse
    Dufrêne, Alexandre Eyriès, Régis Lefort, Damien
    Lopez, Marcel Migozzi, Bruno Niver, Angèle Paoli,
    Patrick Quillier, Isabelle Raviolo, Dominique
    Sorrente, Thomas Vercruysse, Nicolas Waquet



    Lorsque l’enfant était enfant
    Il savait d’un trait
    Enchanter le papier

    (Isabelle Raviolo)




         Pour ce quarante-deuxième numéro, la revue organise une souscription.
    Le volume peut être obtenu au prix promotionnel de 18 euros en renvoyant le talon ci-dessous, avant le 31 décembre 2009. Après cette date, la revue sera en vente au prix normal de 20 €.



    ____________________________________________________________

    Mme/M. :

    Adresse :

    Souhaite : …… exemplaire(s) du numéro de la revue Nu(e) n°42 et paie ce jour le montant de …… x 18 € (+ 2 € de frais de poste), soit au total ……. € à l’ordre de l’Association Nu(e), avec la mention : « Souscription Anthologie » :
    • pour la France : par chèque, c/o Béatrice Bonhomme, 29 avenue Primerose, 06000 NICE
    • pour les autres pays : par virement au compte de l’Association Nu(e) – IBAN : FR76 1831 5100 0004 2667 9641 539 – BIC : CEPAFRPP831.
    La réception du paiement donne lieu de réservation.





  • Ophélie Jaësan, Le Pouvoir des écorces

    Ophélie Jaësan, Le Pouvoir des écorces,
    suivi de La Nuit du symbole,
    Actes Sud, Collection un endroit où aller, 2008.



    Le projet d'écriture s'effrite tout comme s'effrite peu à peu l'écorce de la vie
    Ph., G.AdC






    SOUS LA BOGUE DES JOURS, LE RAVAGE


         Toute relation mère-fille s’inscrit-elle inexorablement sous l’emprise indélébile du « ravage »* ? Le vécu de la mère, ses souffrances, ses déceptions, ses blessures et ses silences se transmettent-elles de l’une à l’autre et de l’autre à la suivante encore, inexorablement ? Comment mettre un terme à cette transmission générationnelle qui semble peser de son poids de destin sur la vie des femmes ?

         Le récit d’Ophélie Jaësan, Le Pouvoir des écorces, ravive avec force ces questions poignantes et récurrentes, fondamentales. Pour Christina, jeune romancière et jeune maman du Pouvoir des écorces, la fêlure héritée de la mère est celle de l’attente. Une attente dont Christina tente de se défaire en la transposant en mots. « Elle voulait sortir de la malédiction de l’attente », écrit-elle dans les pages de son cahier. Et pour y parvenir, se lancer dans le récit des déceptions de la mère, de sa passion pour l’homme aimé, de l’attente vécue dans le désespoir. Dire « le confortable désespoir des femmes… Le confortable désespoir de l’attente qui n’en finit pas… ». Tel est donc le projet initial auquel s’attelle Christina. Mais, soumis à la résistance des mots, le projet d’écriture s’effrite tout comme s’effrite peu à peu l’écorce de la vie de la jeune femme. Peu à peu, la bogue des jours se défait, laissant apparaître, béante, la fêlure que la jeune femme aurait voulu colmatée, guérie, oubliée.

         Pourtant, dès la première page du roman, la mort est présente, qui préfigure sans doute les drames à venir. Progressivement, derrière l’ordre huilé des jours, derrière la beauté des cerisiers en fleurs et le rire des petites filles, la vie se lézarde par écaillages successifs et le récit de l’attente de la mère s’installe dans la stérilité. « Plus j’essaie d’écrire l’histoire de ma vie, plus je me rends compte que cette histoire m’échappe. » Derrière l’impossibilité à dire cette attente se dit l’impossibilité de Christina à vivre sa propre attente. Celle que son mari lui impose et dont, du jour au lendemain, elle ne veut plus.

         Dans le même temps qu’elle se dérobe à la mise en mots, l’histoire de Christina gagne en ampleur, débordant l’esquisse du premier récit sur lequel elle se greffe, pour rejoindre sa vie de mère de famille et de femme. Les éclats de drame s’aiguisent, l’étau se resserre sur Christina et sur son présent, comme jadis la vie s’était refermée sur la mère. Le tumulte et le désordre qui déchirent la jeune femme s’emparent aussi de l’écriture qui bascule momentanément du « elle » au « je »: « Peut-être que je ne la comprenais pas. Peut-être que je ne pouvais pas la comprendre. Que je ne pouvais même pas la prendre en pitié ». Puis la troisième personne reprend ses droits : « Elle repensa alors aux lettres brûlées, à sa mémoire brûlée vive. Elle n’arrivait pas à écrire le roman parce que la langue lui échappait. »

         Ainsi le passé dilue-t-il ses ondes possessives dans le présent. Le délitement progressif des liens qui jusqu’alors sous-tendaient la réalité, rendant l’existence possible, atteint l’insoutenable avec la mort de l’enfant. À partir de ce moment, libérée de l’emprise maternelle, libérée de l’attente de l’autre, Christina sombre dans l’absence. L’absence aux siens et à elle-même. Dans le temps de rupture qu’elle choisit de vivre, Christina s’éloigne de ce centre qu’elle avait échoué à rejoindre. Là, dans la solitude qui est la sienne, elle renoue enfin, sereinement, avec la beauté du monde.

         « Elle eut aussi devant les yeux la grâce de toute cette lumière qui à la fois chutait du ciel et remontait de la terre. »

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    * Marie-Magdeleine Lessana, Entre mère et fille : un ravage, Fayard, Collection Pluriel « Psychanalyse », 2000.





    ■ Ophélie Jaësan
    sur Terres de femmes

    Iceberg memories (note de lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Une branche de bois vert



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