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  • Sylvie Durbec | Déjanire

    Lucetta Frisa | Deianira

    «  Poésie d’un jour  »





    poignées d-olives mises à sécher au soleil
    Ph., G.AdC






    DÉJANIRE



    déjà des mains maladroites ou au contraire très habiles ont
    attrapé la tunique
    l’ont plongée dans une décoction d’amère solitude
    et l’ont mise à sécher sur les oliviers

    plus tard une jeune fille au regard comme la colère est
    venue la chercher
    sa plainte a grandi sous ses doigts noircis de haine et de
    jalousie bleutée

    ses mains ont glissé sur le tissu si doux des regards de
    laine et de soie
    quand l’homme-héros reviendra
    la tunique l’embrasera ce sera sa fin
    et mon commencement

    que deviendrai-je ensuite vent ? nuage ? ou encore océan
    d’ires et de larmes ?
    poignées d’olives mises à sécher au soleil ?


    Sylvie Durbec, 3, édition bilingue, éditions Cousu Main, 84200 Carpentras, 2006.






    Fiamma crepita nascosta agli angoli
    Ph., G.AdC






    DEIANIRA


    Minima fiamma
    crepita nascosta agli angoli
    ancora domabile
    si allarga si gonfia serpeggia
    sulle pareti incupiti gli inermi tendaggi
    si schianta
    tra scale frenetiche
    sotto il silenzio feroce dei soffiti.

    Io che non so le quiete ragioni
    dell’acqua, le miti attese e il sonno,
    con mani arroventate preparo
    la veste del tuo ritorno ― chiara e casta.
    Dentro già sento il tuo corpo
    agitarsi.
    Le mie carezze
    infuriano sulla tua carne.


    Lucetta Frisa, 3, édition bilingue, éditions Cousu Main, 84200 Carpentras, 2006.





    NOTE D’AP :

         Née à Gênes (où elle réside), traductrice et poète, lauréate du Prix Lerici 2005, Lucetta Frisa est l’auteur d’une œuvre poétique importante. Elle a notamment publié La follia dei morti (Campanotto, 1993), Notte Alta (Book, 1997), L’altra (Manni, 2001), Siamo appena figure (GED, 2003) et Se fossimo immortali (Joker, 2006).
         Dans le recueil poétique réalisé par Caroline Leboucq pour les éditions Cousu Main, Lucetta Frisa se livre à une interprétation personnelle des poèmes de Sylvie Durbec. Tandis que Susanna Lehtinen, plasticienne et illustratrice finlandaise, ponctue les évocations des trois héroïnes antiques de ses propres incantations. Trait et couleur. Quatre femmes, quatre passions pour rendre à Alceste, Cassandre et Déjanire une part de leur visage.



    SYLVIE DURBEC


    PORTRAIT DE SYLVIE DURBEC
    Image, G.AdC




    ■ Sylvie Durbec
    sur Terres de femmes


    Carré music (extrait de Carrés)
    Conte oriental
    Marseille, Éclats & quartiers (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Pour García Lorca, te quiero verde
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un court extrait de Marseille, Éclats & quartiers




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sylvie Durbec



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  • Pascale Arguedas, Pourquoi

    Pascale Arguedas, Pourquoi,

    Éditions Alphabet de l’Espace, Chambéry, 2009



    LA PHOTO COQUELICOT



         Je l’attendais, le Pourquoi de Pascale Arguedas. Avec impatience et curiosité. Une première publication, ce n’est pas rien. Il m’est arrivé ce matin, « cahin-caha », par la voie des airs – du haut du balcon maternel –, a virevolté un instant autour du bougainvillée, atterrissant l’instant d’après à mes pieds. « Hop là » ! Léger comme une plume, le petit Arguedas.

         Le Pourquoi, posé comme une affirmation dans le titre, est repris en écho en bas de page par une vraie question – avec un point d’interrogation – qui met en relief deux personnes tout en jouant sur une opposition : « Pourquoi elle et pas moi ? » Il faudra pourtant attendre la toute fin de ce récit énigmatique pour que se dévoile véritablement le sens de ce questionnement.

         Très bref, Pourquoi se lit d’une traite. Le temps que se noue, de manière imprévisible et empreinte de poésie, l’échange entre un vieil homme et son petit-fils. Lui, Jonathan, l’adolescent rêveur et généreux, parvient à extirper de la bouche du vieillard l’aveu qui le tient depuis tant d’années muré dans son silence de douleur. Un silence tel que son entourage pense du Papi qu’il a perdu toute mémoire. Atteint de la maladie d’Alzheimer, le vieil homme vit reclus dans un lieu adapté à son état. Seul l’enfant parvient, dans la brièveté de leur rencontre, à sortir momentanément son grand-père de son apathie. Et repart (ellipse du récit) porteur de la douleur qui a si longtemps anéanti le vieil homme.

         Concis, efficace, mâtiné de gouaille bon enfant, ce récit, qui porte sur le devant de la scène des êtres malmenés par la vie, en prise avec les difficultés du monde comme il est et comme il va, est un récit plein de tendresse et de poésie. Mais un récit qui acquiert une tout autre dimension dans la question qui le clôt : « Pourquoi elle et pas moi ? »

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Pascale Arguedas
    Image, G.AdC

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  • 7 octobre 1993 | Toni Morrison, Prix Nobel de Littérature

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 7 octobre 1993, la romancière Toni Morrison est récompensée pour l’ensemble de son œuvre par le prix Nobel de Littérature.






    Portrait de Toni Morrison bis
    D.R. Photo Stephen Chernin/Reuters
    Source





         De son vrai nom Chloe Anthony Wofford, Toni Morrison est née le 18 février 1931 à Lorain, dans l’Ohio (États-Unis). Professeure de littérature et éditrice américaine, Toni Morrison est une romancière engagée dans l’histoire des noirs et de l’esclavage. Récompensée en 1988 par le Prix Pulitzer pour son roman Beloved, Toni Morrison est la première femme noire et la seule afro-américaine à recevoir la distinction du Nobel pour l’ensemble de son œuvre.

         Publié en 1981, Tar Baby, son quatrième roman, se déroule dans l’Isle des Chevaliers, une petite île des Antilles françaises.






    Papillion empereur
    Aquatinte numérique, G.AdC





    EXTRAIT DE TAR BABY


         Les abeilles n’ont pas de dard sur l’Isle des Chevaliers, ni de miel. Elles sont grasses et paresseuses, ne sont curieuses de rien. Surtout à midi. À midi, les perroquets dorment, et les crotales se laissent glisser au bas des arbres vers les sous-bois plus frais. À midi, l’eau laissée dans la bouche des orchidées par la pluie du petit déjeuner est chaude. Les enfants y enfoncent les doigts et crient comme s’ils se brûlaient. En ville, les gens se tiennent à l’intérieur parce que le ciel pèse trop lourd à midi. Ils attendent de manger des nourritures chaudes relevées de beaucoup de piment pour que le jour paraisse plus frais par contraste. Ils boivent des boissons sucrées et avalent du café amer pour se distraire les entrailles de la chaleur et du poids du ciel. Mais les auvents de la maison de l’Isle des Chevaliers étaient profonds, les voiles des fenêtres légers, et tamisant un peu la lumière. De sorte que le ciel n’obligeait pas les occupants à se distraire. Ils étaient libres de se concentrer sur l’un ou l’autre de leurs problèmes personnels, au choix : ceux qui étaient empaquetés et rangés bien haut dans les rayonnages ― de ceux qu’ils avaient toujours l’intention de descendre de là et d’ouvrir un de ces jours― ou ceux qu’ils caressaient à toute heure. Exactement comme sur les plages, dans les maisons de vacances, les villes d’eaux, les touristes du monde entier reposaient sous la brise derrière leurs lunettes de soleil réfléchissantes, à se poser des questions et à ruminer. Ainsi ruminaient les habitants de l’Arbe de la Croix ce midi-là, le lendemain du jour où un homme à la chevelure animée était resté à dîner. Extérieurement, rien ne semblait avoir changé. Seuls les papillons Empereur paraissaient agités par quelque chose. Pareils battements d’ailes si vigoureux, par la chaleur ardente, n’étaient pas dans leurs habitudes. Ils voltigeaient près des fenêtres des chambres à coucher, mais les volets étaient restés clos toute la matinée et aucun d’eux ne pouvait voir quoi que ce soit. Ils savaient pourtant que la femme était derrière. Que ses yeux bleu-si-c’est-un-garçon étaient bordés de rouge par la nostalgie d’une caravane adoucie de clématites et de sa maman Leonora, que chaque jour voyait à la table de communion ; Leonora qui se couvrait la tête pour la messe d’une dentelle plus ancienne que le Maine lui-même ; qui, à l’âge de soixante ans, remisa définitivement ses bas pour ne plus porter que des chaussettes blanches avec ses richelieux à talon cubain. De mignonnes, charmantes chaussettes d’où sortaient des jambes solides, massives, qui ne s’étaient jamais croisées au genou.
         Je suis revenue au point de départ, m’man, pensa Margaret. Maintenant que la pluie matinale avait cessé et qu’une lumière purifiée filtrait à travers les volets, elle était stupéfaite de découvrir combien cela ressemblait à la caravane. Au point de départ, se dit-elle, je suis revenue au point de départ. La caravane était comme cette chambre. Toute économie et lignes parallèles. Toute rangements secrets et surfaces dépouillées. L’idée que South Suzanne se faisait du luxe, dans ce temps-là, ressemblait aux maisons bourrées d’antiquités des vieilles familles de Bangor : anciens flacons à bleu pour le linge, moulures blanches, papier peint jaune pâle et chaises de style fédéral tapissées de neuf. Mais Margaret adorait la caravane plus que tout, et lorsqu’elle épousa un non-catholique en dépit des objections de ses parents, et partit pour Philadelphie, il lui fallut des années pour se débarrasser du contrecoup et maintenant que la chose était accomplie, il avait quitté la ville pour la fourrer dans cette chambre qui était « sculptée », disait-il, et non pas décorée, et qui malgré tous ses Mies Van der Rohe et Max quelque chose, lui rappelait la caravane de South Suzanne, où elle avait fait l’envie de ses camarades pendant les douze premières années de sa vie, et atteint ses quatorze ans avant de découvrir qu’à South Suzanne, tout le monde n’avait pas partagé cette en vie. Ne trouvait pas les petites toilettes mignonnes, ni la façon dont les tables se repliaient et les lits se transformaient en sofas vraiment géniale, comme d’avoir une maison de poupée bien à soi pour y vivre. et quand elle comprit vraiment que la plupart des gens pensaient que vivre dans une caravane était ringard, elle aurait pu en perdre le goût de vivre, si ce n’est qu’elle s’aperçut au même moment que tout South était confondu devant sa stupéfiante beauté. Elle accepta, en fin de compte, l’évaluation des gens, mais cela n’arrangea rien parce que cela signifiait qu’elle devait être extraordinairement gentille envers les autres filles pour éviter qu’elles ne lui en veuillent. Cela signifiait aussi voir les professeurs se troubler en sa présence (les hommes de jubilation, les femmes de défiance) ; rembarrer les cousins en voiture ; le dentiste, dans le fauteuil de son cabinet, et se sentir prête à se confondre en excuses devant toute femme de plus de trente ans. Dans son for intérieur, elle ne tirait ni vanité ni plaisir de cette beauté, et avant d’avoir appris à s’en servir correctement, elle rencontra un homme plus âgé, qui n’était jamais troublé en sa présence. Elle s’en rendit compte parce que la première chose, ou presque, qu’il lui dit, fut : « Vous êtes vraiment belle », comme si cela avait pu être aussi toc qu’une décoration de char pour le carnaval, mais ne l’était pas. Elle sourit, parce qu’il semblait surpris. « Cela suffit-il ? » demanda-t-elle, et c’était la première réponse honnête qu’elle eût jamais faite à un compliment masculin. « La beauté n’est jamais suffisante, avait-il répondu, mais vous l’êtes. » La sécurité qu’elle entendit dans sa voix émanait aussi de ses beaux ongles carrés. Et ce fut cela, et non son argent, qui la réconforta et lui fit sentir qu’elle existait sous sa beauté, au tréfonds d’elle-même, là où sa féminité de marguerite vierge reposait bien en sécurité dans sa coupe d’origine ― sans visage, silencieuse, et faisant des efforts désespérés pour plaire. Et maintenant qu’elle avait la nostalgie de la caravane de sa mère, si loin de Philadelphie et de l’Arbe de la Croix, mais pas si loin après tout, puisque la chambre où elle s’était enfermée à clef était une réplique de grande classe, le côté coquille chaleureuse en moins, de la première.


    Toni Morrison, Tar Baby [1981, 1986 pour la traduction française], Éditions 10/18, 1993, pp. 121-122-123-124. Traduit de l’américain par Sylviane Rué.





    TONI MORRISON  TAR BABY


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  • Carnets de marche. 25


         Le vent souffle par grandes rafales. Le maquis ploie sous les à-coups imprévus du libecciu. Je ne vais sans doute pas pouvoir marcher très longtemps sur la route. Je n’ai pourtant pas envie de renoncer. Je vais trouver un abri où pelotonner ma solitude. Il me semble me souvenir qu’en prenant sur ma gauche le sentier un peu large qui conduit jusqu’aux ruches, je vais déboucher sous les grottes qui précèdent la Pierre plate. La Pierre à palabres.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    POUR LIRE LA SUITE, SE REPORTER À LA VERSION PAPIER, PUBLIÉE EN JUILLET 2010.







    IMGP0003

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  • Jacques Dupin | Les graines brûlent sans souffrir

    «  Poésie d’un jour  »



    Mutisme et corde
    Image, G.AdC







    LES GRAINES BRÛLENT SANS SOUFFRIR



        Les graines brûlent sans souffrir : lecture
    par la montagne qui avance vers nous, qui s’éteint,
    disparaît ― et son contrechant dans la gorge,
    sur l’abîme, par la cendre, l’air allégé…

    par la montagne, la trace effacée :
    mutisme et corde, ― corde dont l’effilochement
    va céder, ― et qui tient…


         la montagne où le jour pénètre, nous enrôle,
    poitrine contre poitrine,

    et son souffle accroissant le souffle, sa clarté
    se logeant à l’intérieur des os…

         plénitude, inaction : les gestes et l’immobilité
    de l’amour, la complicité de la cassure…

    l’eau glacée au pied de l’avalanche inonde
    les fibres du corps innommé, du corps écrivant…




    Jacques Dupin, « Bleu et sans nom », Contumace [P.O.L., 1986] in Ballast, Gallimard, Collection Poésie, 2009, page 100.





    JACQUES DUPIN


    Dupin
    Source




    ■ Jacques Dupin
    sur Terres de femmes

    Jacques Dupin à Privas (+ notice bio-bibliographique)
    La mèche
    Pierre de soleil
    Tendre est la sonorité
    4 mars 1927 | Naissance de Jacques Dupin
    22 janvier 1948 | Jacques Dupin, Lettre à René Char



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Jacques Dupin lit des fragments de Fragmes, in Echancré (éditions P.O.L), le 21 avril 2010, lors d’un entretien avec Jean-Michel Maulpoix
    → (sur P/oésie, le blog d’Alain Freixe)
    Entretien avec Jacques Dupin, « sourcier de l’ordinaire éclat »



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  • Charles Olson | Maximus, to himself

    Traductions croisées Danièle Robert/Angèle Paoli/Auxeméry

    «  Poésie d’un jour  »



             Portrait de  Charles Olson  en 1932
             Image, G.AdC





             Maximus, to himself


             I have had to learn the simplest things
             last. Which made for difficulties.
             Even at sea I was slow, to get the hand out, or to cross
             a wet deck.
                                     The sea was not, finally, my trade.
             But even my trade, at it, I stood estranged
             from that which was most familiar. Was delayed,
             and not content with the man’s argument
             that such postponement
             is now the nature of
             obedience,
                                     that we are all late
                                     in a slow time,
                                     that we grow up many
                                     And the single
                                     is not easily
                                     known
             It could be, though the sharpness (the achiote)
             I note in others,
             makes more sense
             than my own distances. The agilities

                                     they show daily
                                     who do the world’s
                                     businesses
                                     And who do nature’s
                                     as I have no sense
                                     I have done either
                                     I have made dialogues,
                                     have discussed ancient texts,
                                     have thrown what light I could, offered
                                     what pleasures
                                     doceat allows

                                                             But the known?
                                     This, I have had to be given,
                                     a life, love, and from one man
                                     the world.
                                                             Tokens.
                                                             But sitting here
                                                             I look out as a wind
                                                             and water man, testing
                                                             And missing
                                                             some proof

                                     I know the quarters
                                     of the weather, where it comes from,
                                     where it goes. But the stem of me,
                                     this I took from their welcome,
                                     or their rejection, of me

                                                             And my arrogance
                                                             was neither diminished
                                                             nor increased,
                                                             by the communication


             2

             It is undone business
             I speak of, this morning,
             with the sea
             stretching out
             from my feet



    Charles Olson, The Maximus Poems, in Charles Olson, Selected Poems, edited by Robert Creeley, University of California Press, 1997, pp. 101-102-103.





    Olson Selected Poems





    TRADUCTIONS CROISÉES DANIÈLE ROBERT/ANGÈLE PAOLI



             Maximus, à lui même


             J’ai dû apprendre les choses les plus simples
             en dernier. Ce qui a créé des difficultés.
             Même en mer j’étais lent, pour passer la main, ou franchir
             un pont mouillé.
                                     La mer n’était pas, finalement, mon métier.
             Mais même à mon métier, même là, je restais détaché
             de ce qui était le plus familier. Entravé,
             et réfractaire à l’idée
             qu’un tel atermoiement
             est à présent le propre de
             l’obéissance,
                                     que nous sommes tous en retard
                                     dans la lenteur du temps,
                                     que nous grandissons pluriels
                                     Et que l’unicité
                                     n’est pas facile
                                     à connaître
             C’est bien possible, bien que l’acuité (l’achiote)
             que je relève chez d’autres,
             fasse plus sens
             que mes propres écarts. Les qualités physiques

                                     qu’ils manifestent tous les jours
                                     ceux qui s’occupent du monde
                                     Et ceux qui s’occupent de la nature
                                     comme je n’en ai aucune idée
                                     j’ai fait une chose ou l’autre
                                     j’ai construit des dialogues,
                                     ai examiné les textes anciens,
                                     ai jeté tel éclairage possible, offert
                                     tels plaisirs
                                     que permet le doceat

                                                             Mais le connu ?
                                     Cela, il a fallu qu’on me le donne,
                                     une vie, l’amour, et de la part d’un homme
                                     le monde.
                                                             Marques.
                                                             Mais assis là
                                                             J’observe comme un homme
                                                             de vent et d’eau, qui tente
                                                             et rate
                                                             une épreuve

                                     Je connais les points cardinaux
                                     du temps, d’où il vient,
                                     où il va. Mais la proue de moi,
                                     cela je l’ai pris de leur accueil,
                                     ou de leur rejet, de moi

                                                             Et mon arrogance
                                                             n’a été ni diminuée
                                                             ni accrue
                                                             par la communication


             2

             C’est d’une affaire non réglée
             que je parle, ce matin,
             avec la mer
             qui se retire
             à mes pieds



    Traduction inédite de Danièle Robert





             Maximus, à lui même


             J’ai dû apprendre les choses les plus simples
             tardivement. Ce qui m’a donné du mal.
             Même en mer j’étais lent, pour passer la main, ou franchir
             un pont mouillé.
                                     La mer n’était pas, finalement, mon affaire.
             Mais même à mon affaire, même là, je me sentais détaché
             de ce qui était le plus familier. Me sentais en retard,
             et suis contrarié que l’on prétende
             qu’un tel décalage
             est la nature de
             l’obéissance,
                                     que nous sommes tous en retard
                                     au ralenti,
                                     que nous grandissons multiples
                                     Et que la singularité
                                     n’est pas facile
                                     à connaître
             Ça se pourrait bien, quoique l’acuité (l’achiote)
             que je constate chez les autres,
             offre davantage de sens
             que mes propres dissemblances. Les ingéniosités

                                     dont ils font preuve chaque jour
                                     ceux qui s’occupent des affaires du monde
                                     Et ceux qui s’occupent de celles de la nature
                                     comme je ne m’y connais pas
                                     je me suis appliqué aux unes et aux autres
                                     j’ai construit des dialogues,
                                     ai examiné les textes anciens,
                                     ai jeté l’éclairage que j’ai pu, me suis offert
                                     les plaisirs
                                     qu’autorise le doceat

                                                             Mais le connu ?
                                     Cela, il a fallu que ça me soit donné,
                                     une vie, l’amour, et de la part d’un homme
                                     le monde.
                                                             Signes.
                                                             Mais assis là
                                                             J’observe comme un homme
                                                             de vent et d’eau, qui s’essaie
                                                             à quelque épreuve
                                                             et échoue

                                     Je connais les quartiers
                                     du temps, d’où il vient,
                                     où il va. Mais l’armature de moi,
                                     je l’ai prise de leur accueil,
                                     ou de leur rejet, de moi

                                                             Et mon arrogance
                                                             n’a été ni amoindrie
                                                             ni accrue
                                                             par la communication


             2

             C’est d’une affaire inaccomplie
             que je parle, ce matin,
             avec la mer
             qui reflue
             à mes pieds



    Traduction inédite d’Angèle Paoli





         Note d’AP : deux mois après l’établissement de cette traduction croisée a paru la traduction d’Auxeméry. Voici, ci-dessous, l’extrait correspondant à celui que Danièle Robert et moi-même avions choisi :





             Maximus, à lui même


             Il m’a fallu apprendre les choses les plus simples
             en dernier. D’où bon nombre d’ennuis.
             Même en mer, j’étais lent, à m’y mettre, à traverser
             un pont mouillé.
                                     La mer, finalement, n’était pas tâche à ma main.
             Et même la main à la tâche, oui, je restais étranger
             à ce qui allait pourtant de soi. Lambinais,
             et pas content quand on me disait
             que de nos jours l’obéissance
             consiste à remettre les choses
             au lendemain,
                                     que nous sommes tous en retard
                                     dans une époque de laisser-aller,
                                     qu’on nous élève en masse
                                     Et on ne connaît pas
                                     facilement ce qu’est
                                     la simplicité

             Possible – encore que l’acuité (l’achiote)
             je le note chez d’autres,
             fait plus sens
             que mes distances à moi. Les agilités

                                     dont ils font preuve tous les jours
                                     ceux qui font marcher les affaires
                                     du monde
                                     Et marcher celles de la nature
                                     alors que moi j’ai le sentiment de
                                    n’avoir fait marcher ni ci ni ça

             J’ai composé des dialogues,
             ai commenté d’anciens textes,
             ai offert les lumières que je pouvais, procuré
             les plaisirs que
             permet le doceat

                                                             Mais le connu ?
             Cela on a dû m’en faire don,
             une vie, l’amour, et d’un homme, un,
             le monde.

                                                             Signes.
                                                             Établi là cependant,
                                                             je veille au large, homme de vent
                                                             et d’eau, je cherche
                                                             Toujours en manque
                                                             de preuve

             Je sais les quarts d’aire
             du temps, d’où vient le vent,
             où il va. Mais la souche d’où je viens,
             ça, je le vois au bon accueil,
             ou la grise mine, qu’on me fait

                                                             Et mon arrogance
                                                             n’en a pas été diminuée
                                                             ni augmentée,
                                                             par la communication

             2

             C’est de la matière inachevée
             dont je parle, ce matin,
             avec la mer
             qui s’étend
             à mes pieds



    Charles Olson, Les Poèmes de Maximus, Libraire éditeur La Nerthe, 2009, pp. 56-57. Traduction d’Auxeméry.





    C
    Source





    CHARLES OLSON : NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE


         Né à Worcester dans le Massachusetts le 27 décembre 1910, Charles John Olson, poète et essayiste américain, est encore peu connu en France. Après ses études supérieures dans les universités de Yale et Harvard, Charles Olson entreprend une carrière dans l’enseignement. Sa fréquentation ― de 1948 à 1956 ― du Black Mountain College (Caroline du Nord), haut lieu d’expérimentation artistique, conduit Olson à en devenir le recteur de 1951 à 1956. Dans le même temps, il se consacre à l’écriture d’avant-garde, fondée sur le recours à une poésie orale tournée vers la cinétique.

         Après un premier ouvrage consacré à Herman Melville, Call Me Ishmael (Appelez-moi Ishmael, 1947), Charles Olson devient le porte-parole de toute une génération de poètes avec la parution, en 1950, de son essai intitulé Projective verse (« Le vers projectif »). Un texte théorique bref dans lequel le poète expose les principes dont les plus féconds sont la primauté accordée à la voix – l’écriture devant être motivée de l’intérieur par le mouvement de la parole — et la « Composition by field », « composition par champ » qui prône le regroupement d’unités de sens et la circulation de l’une à l’autre pour composer une poème.

         Publié en 1983, l’ensemble intitulé The Maximus Poems s’inscrit dans la tradition épique héritée de Pound et de Williams, de Whitman et de Dos Passos. Intitulée en français Maximus amant du monde, cette somme poétique met en scène un héros fictif, inspiré au poète par Maxime de Tyr, philosophe et rhéteur du second siècle avant J.-C. Pour autant, Maximus, alter ego du poète, n’en est pas moins ancré dans la société américaine de son temps, confronté avec son créateur à une aventure poétique aux ramifications multiples, tous deux en prise avec les concepts théoriques énoncés dans Projective verse.

         The Maximus Poems se présente comme une suite continue de poèmes, assemblés à la manière de tesserae, selon le terme latin emprunté par Olson (terme qui renvoie à la fois aux dés à jouer de l’Antiquité et aux tesselles utilisées dans les mosaïques). Maximus en est le sujet parlant, l’homme orchestre par qui passent la narration, les dialogues, les questionnements, les apartés. Autant de variations, de rythmes, d’accents et de tonalités qui font du poème de Maximus un champ d’exploration ouvert sur des formes multiples. Tout un réseau de correspondances de sons et de sens animé par un souffle qui dépasse le personnel pour rejoindre l’universel.

         Influencé par la voix de ses aînés ― les Cantos d’Ezra Pound et le Paterson de William Carlos Williams ―, Charles Olson, considéré comme contestataire et iconoclaste, trouve en Robert Creeley ― qui dirigea la Black Mountain Review ― son plus fervent défenseur, ouvre des voies nouvelles de pensée et d’écriture. C’est au poète et ami Robert Creeley que Charles Olson fait allusion dans le poème « Maximus, to himself » : il est l’homme qui lui a donné « le monde ». Charles Olson meurt à New York le 10 janvier 1970.

    Angèle Paoli

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  • Carnets de marche. 24

       



    CARNET N.24

    24.

         Elle s’est endormie devant la cheminée. La bûche crépite d’un feu intime. Crépitement régulier, parfois plus assourdi, qui lui murmure dans son demi-sommeil que la flamme baisse, prête bientôt à s’éteindre. Elle sent le froid qui la gagne, un froid qui s’infiltre par le dos. Elle se secoue sans se réveiller. Elle éprouve le même cheminement du froid que celui de l’autre nuit, quand elle s’était couchée dans la mezzanine du four, enroulée dans les draps de bain de coton, le béret parisien tiré bien au-delà des oreilles. Elle se dit, dans sa tête endolorie, qu’elle ne tiendra pas. Qu’il est impossible qu’elle fasse sa nuit sous la pierre sèche du four. Le froid dur et humide pénètre jusqu’aux os et prend la chair à rebours. Elle sait que la température va encore chuter au cours des heures. Jusqu’au petit matin. Elle est recluse là-haut, sans torche, avec ce glacé qui l’immobilise par à-coups, congestionne ses muscles. Elle sent la dureté du ciel au-dessus d’elle et la proximité sans faille des étoiles. Instinctivement, elle se recroqueville un peu plus sur le matelas bain de soleil bouffi d’humidité, qui lui sert de litière. Elle sent pourtant, dans cet inconfort et cette réclusion glacée où elle tente vaillamment de s’endormir, quelque chose d’exaltant. Peut-être le désir inconscient de se mettre à l’épreuve, de se dépasser elle-même dans l’épreuve qu’elle s’est infligée. Un moment plus tôt, elle était assise sur le muret de la treille, éblouie par la pleine lune. Toutes les portes étaient fermées et la grande maison endormie. Paisible, insouciante de sa situation. Cela avait duré pas mal de temps et ce n’est que tard dans la nuit, qu’elle avait flanché. Autant en raison du froid qui la paralysait maintenant qu’en raison du chagrin qu’elle éprouvait à le voir errer autour de la maison. Elle était sortie par le finestrinu, se tortillant pour parvenir à s’extirper. Il avait refermé sur elle les volets et ensemble, silencieux, ils avaient regagné le lit conjugal. Il lui avait fallu du temps pour se réchauffer et chasser le froid qu’elle avait emmagasiné sous les pierres.


         Devant le feu, c’est le même froid insidieux qui la saisit droit dans le dos. Un vrai coup de poignard. Des phrases montent en elle. Des mots surgissent, venus du fond de sa mémoire. « Sa mère, bredouillis d’atomes explosés ». Elle ne s’arrête pas sur les choses. Elles vont leur chemin fluide sans qu’elle puisse les retenir. Sa maison d’alors lui manque, celle qu’elle a quittée pour toujours, après plus de vingt-cinq ans de présence dans ses murs. Elle ne parvient pas à imaginer que d’autres l’habitent. D’autres corps, d’autres présences, un couple et deux enfants, paraît-il. Elle, elle n’y remettra plus les pieds. Elle ne poussera plus jamais la porte tant de fois ouverte fermée, sur elle, sur sa vie. Elle est partie sans dire adieu. Elle se dit que tous ceux qu’elle connaissait et qu’elle ne reverra plus sont comme morts. Ils gisent dans les strates plus ou moins sombres de son cimetière intérieur. Bientôt elle ne pourra plus leur rendre leur visage. Ils n’existent que tant qu’elle garde d’eux un pan de souvenir. En y réfléchissant, elle se dit qu’il en est de même pour elle. Qu’elle n’est plus qu’un petit cadavre mou dans la mémoire des autres. Mais ne l’était-elle pas déjà depuis longtemps ?


         Elle aimait le jardin de juin, ses pavots et ses iris, ses araignées, ses escargots, les fenêtres mansardées qui donnaient sur les toits et les feuillages des grands arbres. Il n’est pas certain qu’elle n’ait pas au fond d’elle-même le regret de cet univers familier, riche de sensations et de lumières. Le nez collé à la vitre, le regard perdu par-delà les toits, l’oreille au téléphone, elle passe des heures à dialoguer avec elle. Longues discussions attendues dans l’angoisse et dans le désir de la voix de l’autre. Ce temps aussi est loin. Elle est pourtant sûre qu’il a existé, elle ne peut l’avoir rêvé. Elle somnole, portée entre deux eaux par le crépitement du feu qui feule devant elle et le froid qui la pince par vagues brèves et par secousses. Elle s’égare dans le livre qu’elle est en train de lire. Il l’irrite et l’ennuie. Elle se secoue puis se rendort. Peut-être se produira-t-il quelque chose, enfin ! Les images défilent dans son sommeil, qu’elle ne parvient pas à retenir. Fugitives, elles s’abîment dans le tréfonds de son inconscient d’où un instant plus tôt elles avaient surgi. Visages familiers, silencieux, qui se rappellent modestement, timidement à sa mémoire sans laisser de trace. Théâtre d’ombres qui s’effacent et reviendront la visiter comme bon leur semble. Au gré de leurs fantaisies. Puis s’évanouissent et s’enfoncent dans les brumes vertigineuses du sommeil.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli

       

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  • Libazioni di sangue | Libations de sang (Angèle Paoli)

    Une traduction inédite de Jacques Fusina





    In onore di l-amori di Baccu
    Ph., G.AdC






    LIBAZIONI DI SANGUE


         Si leva u ventu nant’à i marosuli di lava culunnante, calore di piombu u mare fundariccia di vinu pesa u so mareghju fin’à e sponde scurdate di Naxos Hè custì chì ombretica accostu eo à e nozze sceme di Baccu stracquata à l’appossu di a grotta marina una menada dorme biancore lascivu ingutuppata nuda in l’ebriezza dolce di i sonni di a carne vuluttà tennera offerta à i mio sguardi assenti

         Una acquaria hè pisata in onore di l’amori di Baccu a so bivenda trimulente rimore luce cristallina di a gemma e rise s’imbuleghjanu cù i rantali è cù i calori in armenti corpi frementi rossi infiarati fischi di serpi crotali di cimbale di flauti scimità sgaiuffa di e baccante di e silene di i becchi sunaglienti i fauni alegri (imbicchiti) t’anu un ansciu puzzulente u rossu di carne di a so bocca escenu vapori infantimati cù versi di dimogni

         Una pantera ochji d’oru cura a scimia cunfusa di i dii       Ieratica

        Da issu miscugliu di gaspe di carne in brama d’alegrie eterne sorge da l’incarnatu impalliditu di u visu u ricordu sempre vivu di Baccu zitellu polpe rose prumesse à i sborri di calore vignaghjolu muscu di focu chì voca da l’alba in giru à u scogliu battutu da u marosulu brusgente u vecu chi offre u so fronte à torcini pampane è viticci è mi porghje a coppa calice tralucente di frutta matura chi sugillerà au licore di e nostre preghere

         Un aghju ochji oramai chè pè l’intagliature tese à e nostre labbre luccicanti di u rubinu di a vigna cederaghju stanca di pianghje per tè Teseu à e sborgne prumesse da l’elissiru divinu à bocca meza spalancata nant’à a voglia Baccu digià chjode l’ochji nant’à l’ubriachezza prossima l’oru di u vinu fala ind’e nostre vene sangue imbulighjatu à u sangue immurtale di a pergula inseme ritimemu i nostri sensi imbulighjati à u tirsu di l’amore

         U mare culor di vinaccia si ritira ingutuppendu cù i so piechi u trostu di i dii

         L’isula stravia briaca da i so addisperi sordi

         L’antica baccanale s’anneia ind’e so nebbie di focu.


    Angèle Paoli
    Traduit en corse par Jacques Fusina






    LIBATIONS DE SANG


        Le vent se lève sur la vague lave brûlante chaleur de plomb la mer lie de vin soulève sa houle jusqu’aux rives oubliées de Naxos c’est là qu’ombrageuse j’aborde aux noces folles de Bacchos couchée à l’abri de la grotte marine une ménade dort lascive blancheur drapée nue de l’ivresse douce des sommeils de la chair volupté tendre offerte à mes regards absents

         Une aiguière est levée en l’honneur des amours de Bacchos son breuvage tremblé bruit clarté cristalline du gemme les rires aux râles et aux ruts se mêlent corps vibrants pourpres d’incandescence sons de crotales de cymbales de flûtes folie canaille des bacchantes des silènes des boucs agités de grelots les faunes réjouis éructent une haleine fétide l’incarnat de leur bouche s’exalte des vapeurs hantées aux rictus des démons

         Une panthère ocelles d’or veille sur l’ivresse confuse des dieux       Hiératiquement

         De l’enchevêtrement grappes de chairs avides de liesses éternelles surgit dans l’incarnat pâlissant du visage le souvenir encore vif de Bacchos enfant rondeurs rubicondes promises aux excès chaleureux de la vigne odeur de feu qui rôde depuis l’aube autour du roc battu par la vague brûlante je le vois qui offre son front torsadé pampres et vrilles et me tend bienveillant la coupe translucide calice de fruits mûrs qui scellera la liqueur de nos vœux

         Je n’ai d’yeux désormais que pour les ciselures tendues à nos lèvres luisantes des rubis de la vigne céderai-je lassée des pleurs versés pour toi Thésée aux enivrements promis par l’élixir divin bouche entr’ouverte sur le désir Bacchos déjà ferme les yeux sur l’ivresse prochaine l’or du vin roule dans nos veines sang mêlé au sang immortel de la treille ensemble nous rythmons nos sens enchevêtrés au thyrse de l’amour

         La mer lie de vin se retire enroulant de ses plis le tumulte des dieux

         L’île dérive ivre de ses sourdes détresses

         L’antique bacchanale se noie dans ses brumes de feu.


    Angèle Paoli, « Libations de sang », in Revue Siècle 21, Huitième année n° 14, Printemps – Été 2009, Dossier Le vin, coordonné par Jean Guiloineau, page 149.





        « Jacques Fusina est une figure emblématique de la littérature corse contemporaine. Parolier, traducteur, chroniqueur, professeur d’université, ses talents sont multiples. Mais il est avant tout poète. C’est ce qui fait l’unité de sa vie et de son œuvre. Poète à la fois populaire et raffiné, ce paradoxe le désigne comme un maître. […]
        La poésie en langue corse de Jacques Fusina a séduit par sa musicalité les chanteurs insulaires. […] Le poète en langue française est moins connu. Pourtant son aventure poétique a commencé avec la publication, en 1969, de Soleils Revus.[…] »


    Marie-Jean Vinciguerra





    QUELQUES PUBLICATIONS DE JACQUES FUSINA



    Soleils Revus, P.J. Oswald, Collection « Voix Nouvelles », Honfleur, 1969. Poèmes en français
    Cantilena veranile, Scola corsa, Bastia, 1983. Poèmes pour enfants (en corse)
    E Sette Chjappelle, éd. Albiana, Levie, 1986. Poèmes et proses (en corse). Prix du Livre corse. Prix de la Région (1987)
    Contrapuntu, La Marge éd., Ajaccio, 1989. Illustrations de Peter Berger, poèmes et chansons (en corse avec traduction française)
    Versu Cantarecciu, Albiana éd., Ajaccio, 1996. Poèmes et chansons (en corse)
    Parlons corse (ouvrage grammatical et introduction à la culture corse), Paris, Lharmattan, 1999
    Retour sur images, Biguglia, Stamperia Sammarcelli, 2005 (poèmes en français, parmi lesquels des poèmes traduits qui permettent de rendre compte de la réalité bilingue insulaire)
    Écrire en corse, Klincksieck, Collection « 50 questions », 2010





    ■ Jacques Fusina
    sur Terres de femmes

    Écrire en corse
    Les mots apprivoisés
    2 juin 1931 | Naissance de Jacques Garelli (+ deux poèmes extraits de Fulgurations de l’être, de Jacques Garelli, traduits en corse par Jacques Fusina)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    cinq poèmes inédits de Jacques Fusina
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Jacques Fusina
    le site de la Revue Siècle 21




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  • Edmond Jabès | La jeune fille qui marche

    «  Poésie d’un jour  »


    Moi
    Ph., G.AdC








    LA JEUNE FILLE QUI MARCHE



         La jeune fille qui marche dans les yeux des cailloux, refuse à l’arbre sa ceinture pour ne pas créer de précédent. Toute branche est avare. Les fruits saignent autour de l’oiseau abattu. De la lune, on peut brûler la langue qui nous lèche indifféremment. On peut colorer ses cendres, on peut aussi les jeter au vent. Ce n’est pas moi qui me vengerai de la lune. Dans la mer, je trie ses rayons. J’élève ailleurs l’ombre au rang de sorcière.



    Edmond Jabès, « Trois filles de mon quartier » (1947-1948), Je bâtis ma demeure [1943-1957], Le Seuil, Le Sable, Poésies complètes 1943-1988, Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2001, page 91.





    Edmond Jabès poésie gallimard



    EDMOND JABÈS


    Edmond Jabès portrait
    Source




    ■ Edmond Jabès
    sur Terres de femmes


    La soif de la mer (autre poème extrait de Je bâtis ma demeure)
    [Dans le miroir de ma salle de bain] (poème extrait d’Angoisse d’une seule fin)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Wikipedia)
    un bel article sur Edmond Jabès




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  • TdF n° 59 ― octobre 2009



    TDF LOGO  OCTOBRE 2009
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS D’OCTOBRE 2009



    Terres de femmes ― N° du mois de septembre 2009
    Edmond Jabès | La jeune fille qui marche
    Libazioni di sangue | Libations de sang. Une traduction inédite par Jacques Fusina d’un poème d’Angèle Paoli
    Ghjuvanara | Hallali. Une traduction inédite par Norbert Paganelli d’un poème d’Angèle Paoli
    Carnets de marche. 24 (Angèle Paoli)
    Book Project International – Marseille/XIIes Rencontres de l’édition de création
    Charles Olson | Maximus, to himself. Traductions croisées Danièle Robert/Angèle Paoli
    Jacques Dupin | Les graines brûlent sans souffrir
    Carnets de marche. 25 (Angèle Paoli)
    7 octobre 1993 | Toni Morrison, Prix Nobel de Littérature
    Pascale Arguedas, Pourquoi (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Sylvie Durbec | Déjanire – Lucette Frisa | Deianira
    Attente immobile (Angèle Paoli)
    9 octobre 1970 | Mort de Jean Giono
    Attente immobile | Immobile attesa (Angèle Paoli) – Traduction inédite en corse de Ghjilormu Capirossi
    Les Aguets – Le billet de Nestor (1)
    12 octobre 1492 | Mort de Piero della Francesca
    13 octobre 1761 | Voltaire, Début de l’affaire Calas
    James Sacré | Le désir échappe à mon poème
    Nezend Begîxanî | Ici moi ailleurs
    Joël Bastard | Le visage de Mah
    Cécile Oumhani, Temps solaire, III
    Avec le Momo – Le billet de Nestor (2)
    La Pensée de midi, « Istanbul, ville monde », par Angèle Paoli (Chroniques de femmes)
    Antonella Anedda | Ritagliare
    Jean-Louis Giovannoni/Notre voix
    Cristina Crisci | Spring Anthologie poétique Terres de femmes (1)
    24 octobre 1873 | Arthur Rimbaud rentre en France avec les exemplaires d’auteur d’Une saison en enfer
    Sylvie Saliceti | La danse de Sakuntala
    25 octobre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
    Nevermore – Le billet de Nestor (3)
    26 octobre 2007/26 octobre 1987 | Enrique Vila-Matas, Journal volubile
    Ophélie Jaësan, Le Pouvoir des écorces (note de lecture d’Angèle Paoli)
    La revue Nu(e) organise une souscription pour son 42e numéro
    30 octobre 1871 | Naissance de Paul Valéry
    Terres de femmes ― N° du mois de novembre 2009



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