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  • Carnets de marche. 19

       



    CARNET N.19

    19.

         Aujourd’hui, veille de fête, lever aux aurores. Matinée informatique prévue depuis plusieurs jours déjà. Le téléphone sonne. Déjà. En même temps que les sonneries réveil des différents portables répartis dans le franghju. Je me suis couchée tard ou tôt, très tard. Je sors sur la treille et scrute le ciel. Il fait doux. Les grands froids annoncés et la neige attendue au-dessus de sept-cents mètres, ce n’est sans doute pas pour aujourd’hui. La maison résonne déjà de mille coups. De la cave au grenier, de haut en bas. Les ouvriers du haut s’acharnent sur le carrelage. Travaux programmés depuis des mois. C’est précisément aujourd’hui que la question du carrelage arrive sur le tapis et que l’équipe se met au travail. Panne d’électricité. Ça vient encore de disjoncter. Pas d’eau chaude non plus. Il faut remettre la douche à plus tard. Je me dépêche. Le temps me rattrape. Faire la chambre, ranger l’espace informatique, trier livres et fringues. Pas assez de place, je fulmine. Il faut que je compresse et que je m’habitue.


         Je mets la main sur mon dictionnaire de langue corse, introuvable jusqu’alors. La première bonne surprise de la matinée. J’espère qu’elle sera suivie de quelques autres. Je vais pouvoir m’attaquer à la traduction de Manfarinu, mon âne de Noël. Je me suis mis ça en tête ! Je mettrai le temps qu’il faudra mais pour Noël prochain, mon conte sera prêt. En attendant, il sort ces jours-ci dans une revue wallonne spécialisée sur les ânes. Ces incompréhensibles contrastes me font sourire. Tout cela est bien surprenant !


         Un bruit de sabots dans la venelle me tire de mes rêveries. Les ânes, ce matin ? Je les attendais demain. Oui, chargé de bûches, l’âne solitaire déboule sur la terrasse. En même temps que l’informaticien qui dépose ses mallettes et son matériel sous le tilleul ; un troisième homme est là qui traverse la terrasse avec la porte vitrée de la cuisine sous le bras. Il me faut une seconde pour le « remettre », comprendre qui il est et ce qu’il est en train de faire. Je n’avais pas prévu sa visite. Il ne s’était pas annoncé. Je le regarde interloquée. « Je viens pour la crémone. » La crémone ? Je pense à « crémaillère », mais ce n’est pas ça. « Oui, la crémone. Je vais aussi changer les cavaliers ». J’avais aussi oublié les fameux cavaliers. Je suis toujours étonnée de la batterie de mots inouïs qui surgissent au détour de la vie. « Très bien, faites donc ». De toutes façons, je n’ai pas le choix, il est là avec ses outils, ses taquets, ses rivets et ses mots bredouillés qui trébuchent sur les lèvres. Je marche dans du verre brisé. Je lève les yeux vers les fenêtres de l’étage. Il ne manquerait plus que ça ! Non rien de cassé dans les hauteurs de la maison.


        Ma mère surgit en plein milieu de tout ce tintamarre. Elle ne comprend rien à ce qui se passe de la cave au grenier. Je la fais rentrer dans la maison, les courants d’air ne lui valent rien.


         Le jeune ânier, beau et racé comme un pâtre grec, échange en corse quelques bribes de mots avec le menuisier. Vagues onomatopées qui suffisent au dialogue. La porte vitrée est allongée sur une table, les perceuses grincent, l’âne brait. Je passe de la terrasse à la treille, de la treille à la cave, de la cave à la cuisine. Je nourris l’âne de tout le pain sec amassé ces jours derniers. Ce n’est pas de refus. Il ingurgite la baguette sans renâcler. Armée de mon balai de sorcière, je nettoie la terrasse couverte de verre et de feuilles. L’assiette du chat y est passée. Les chiens du berger sans doute. Qui folâtraient d’une murette à l’autre. Les pas de l’âne qui va et vient, monte et descend rythment la matinée. EDF appelle pour dire que le rendez-vous de lundi est annulé. Il faut téléphoner à nouveau. Je sens la rage qui monte. Je m’acharne sur les feuilles mortes et le verre pilé. Le balai valse et les feuilles-obus du tilleul aussi.


         Les bruits de marteaux ont cessé. La boîte à outils du menuisier s’est envolée. L’âne a disparu du carrughju. Seul demeure encore l’informaticien. La maison est retombée dans le silence. La matinée est terminée. Un rayon de soleil illumine mon écran. Vais-je pouvoir enfin travailler ? Cet après-midi, peut-être !

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli

       

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  • Sophie Loizeau | les rêves les mieux ouvrés

    «  Poésie d’un jour  »



    Ses ch-taigneraies agrandies - leur fonction fictive
    Ph., G.AdC






    LES RÊVES LES MIEUX OUVRÉS



    les rêves les mieux ouvrés ceux en lisière ― orées
    elle se manifeste sous la forme approfondie de l’écriture

    mon existence en retour tourmente et éblouit l’arbre, le ciel, l’herbe ;
    les a frappées

    les vieilles voix sont aux sens des hommes, le soir*

    par devers elle (recèle
    à la nuit qui tombe toujours, ses châtaigneraies agrandies à leur
    fonction fictive
    en fin d’après-midi
    je retourne avant la nuit adorant la basse lumière d’automne
    maintenue à ce niveau

    avancée dans mon dos de diane forme chinoise

    rêver lire écrire, me souvenir, imaginer     le tout vient se lier en un corps
    rarement diane dressée frisa la représentation phallique et banda l’arc
    le plus souvent elle se nymphose au sol dans un cocon léger le faisant
    ce qu’elle apporte au centre phosphorescent du mythe par son
    activité intime




    Sophie Loizeau, La Femme lit, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2009, page 90.




    * René Ghil, Finale





    SOPHIE LOIZEAU


    Sophie Loizeau
    Ph. © Adrienne Arth
    Source




    ■ Sophie Loizeau
    sur Terres de femmes

    Bergamonstres (note de lecture d’Angèle Paoli sur Bergamonstres, publiée dans la revue Europe d’août-septembre 2008)
    [L’œil persiste aux lisières] (extrait du Corps saisonnier)
    vendredi (extrait de Bergamonstres)
    caudal (extraits)
    [Moabi quand tout va bien] (extrait de Ma maîtresse forme)
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    le bain de diane [extrait du roman de diane, paru en mai 2013 aux éditions Rehauts]



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Sophie Loizeau
    → (dans Levure littéraire n° 7)
    un entretien de Sophie Loizeau avec Rodica Draghincescu
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique consacrée à Sophie Loizeau
    → (sur le site de l’écrivain Claude Ber)
    une bio-bibliographie de Sophie Loizeau
    → (sur le site des éditions L’Amandier)
    une bio-bibliographie de Sophie Loizeau



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  • 1er septembre 1940 | Naissance d’Annie Ernaux

    Éphéméride culturelle à rebours



         Le 1er septembre 1940 naît à Lillebonne (Seine-Maritime) Annie Ernaux.



        Après Les Armoires vides, premier roman paru en 1974 et La Femme gelée, publié en 1981, Annie Ernaux, agrégée de lettres modernes, obtient le prix Renaudot avec La Place, en 1984. Les romans récents, Une femme (1988), Passion simple (1992), Journal du dehors (1993) continuent d’explorer, dans une écriture volontairement épurée, les ressorts de la passion, éprouvée par la femme mûre. En 2008, Annie Ernaux a publié Les Années.






        Portrait d-Annie Ernaux
        Image, G.AdC






    PASSION SIMPLE (Extrait)


        À partir du mois de septembre l’année dernière, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi. J’allais au supermarché, au cinéma, je portais des vêtements au pressing, je lisais, je corrigeais des copies, j’agissais exactement comme avant, mais sans une longue accoutumance de ces actes, cela m’aurait été impossible, sauf au prix d’un effort effrayant. C’est surtout en parlant que j’avais l’impression de vivre sur ma lancée. Les mots et les phrases, le rire même se formaient dans ma bouche sans participation réelle de ma réflexion ou de ma volonté. Je n’ai plus d’ailleurs qu’un souvenir vague de mes activités, des films que j’ai vus, des gens que j’ai rencontrés. L’ensemble de ma conduite était factice. Les seules actions où j’engageais ma volonté, mon désir et quelque chose qui doit être l’intelligence humaine (prévoir, évaluer le pour et le contre, les conséquences) avaient toutes un lien avec cet homme :



             lire dans le journal les articles sur son pays (il était étranger)
             choisir des toilettes et des maquillages
             lui écrire des lettres
             changer les draps du lit et mettre des fleurs dans la chambre
             noter ce que je ne devais pas oublier de lui dire, la prochaine fois,
             qui était susceptible de l’intéresser
             acheter du whisky, des fruits, diverses petites nourritures pour la soirée ensemble
             imaginer dans quelle pièce nous ferions l’amour à son arrivée.



         Dans les conversations, les seuls sujets qui perçaient mon indifférence avaient un rapport avec cet homme, sa fonction, le pays d’où il venait, les endroits où il était allé. La personne en train de me parler ne soupçonnait pas que mon intérêt soudain intense pour ses propos n’était pas dû à sa façon de raconter, et très peu au sujet lui-même, mais au fait qu’un jour, dix ans avant que je le rencontre, A., en mission à La Havane, était peut-être entré justement dans ce night-club, le « Fiorendito » que, stimulée par mon attention, elle me décrivait avec un luxe de détails. De même, en lisant, les phrases qui m’arrêtaient avaient trait aux relations entre un homme et une femme. Il me semblait qu’elles m’apprenaient quelque chose sur A. et donnaient un sens certain à ce que je désirais croire. Ainsi, lire dans Vie et destin de Grossman que « lorsqu’on aime on ferme les yeux en embrassant » me portait à imaginer que A. m’aimait puisqu’il m’embrassait ainsi. Le reste du livre, ensuite, redevenait ce que toute activité a été pour moi pendant une année, un moyen d’user le temps entre deux rencontres.


    Annie Ernaux, Passion simple, Éditions Gallimard, Collection blanche, 1991, pp. 13-14-15.





    ■ Annie Ernaux
    sur Terres de femmes

    16 janvier 1989 | Annie Ernaux, Se perdre



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  • Carnets de marche. 18

       



    CARNET N.18

    18.

         Avion. Vastes étendues enneigées, plissements pliocéniques des montagnes. L’île vue de haut. Disparition. Elle perçoit les limites de ce qui commence, de ce qui finit. D’autres géométries surgissent, organisées avec précision. Mamelons, ravinements, langues d’écoulements, bassins de réception. Elle cherche des yeux la trace minuscule des skieurs, des randonneurs perdus, attirés par le vertige des cimes. Les étendues glacées sont lisses, vierges de toute présence humaine. Un volatile fuselé, blanc de la même blancheur que la neige, déchire le ciel à basse altitude. Elle envie la liberté agile de cet avion miniature qui trace sa route paisible et silencieuse au-dessus des pics.

         Tu penses à d’autres paysages, à d’autres voies, à d’autres appels. Aux grandes dunes du désert, à Djanet où d’autres vivent, dans le même temps où toi tu remontes vers le nord. Petits villages endormis au creux des vallées. Le blanc mousseux des nuages, celui de la neige ou des dunes, d’un mousseux tout différent. Les maisons de pisé encastrées dans les murailles de schiste du Tassili Nedjar, aux confins des grands sables. Solitude des espaces où l’on croit pouvoir renaître. Illusoire projection vers un ailleurs inaccessible. À jamais.

         Tu revois ton amie aixoise, depuis longtemps perdue de vue, livrée aux silences de ton cimetière intérieur. La voilà rendue à sa jeunesse, le temps d’une nuit. Le temps de la perdre à nouveau au réveil. Pourquoi a-t-elle surgi cette nuit-là, justement ? Le jour de ton départ pour Paris ? Au réveil, tu te grises de calculs : quel âge a sa fille aînée maintenant, celle qu’elle a adoptée après la naissance de la tienne ? Et sa cadette, celle qu’elle a eue, quelque temps à peine après la naissance de la tienne ? Quelle différence d’âge entre la brune et la blonde, tes filles et les siennes ? Ton fils et le sien ? Tu revois les enfants, cet été-là, leurs jeux et leurs espiègleries, leurs farandoles et leurs fâcheries, leurs courses en pneumatiques sur les vagues. Cet été-là. Vous aviez loué une villa en bord de mer, de l’autre côté du Cap. Ultime résurgence de vies partagées dans la communauté aixoise de votre jeunesse. Que reste-t-il de ce temps qui te semblait hier si proche ? Aujourd’hui si lointain.

         Elle se dit qu’elle n’a pas très bien dormi. Sans doute la prise de bec de la veille avec sa mère. Elle est contente de s’éloigner pour quelques jours, de prendre du champ, et plus encore du nombre de jours qui va les séparer en janvier. Elle l’a laissé, lui, sa silhouette lourde et pesante sur la route. Elle en a eu l’âme lourde aussi, et le cœur déchiré. C’est sans doute cette tristesse-là qui l’empêche de goûter la plénitude de ce moment d’intense liberté. Elle se dit qu’il leur faut trouver. Trouver autre chose. Reconquérir ensemble une part de bonheur.

         Les villages ce matin, à l’approche de Noël. Les pingouins incongrus d’Albu, maladroits sur leur piste de simili-glace en simili-plastique. Nonza, elle n’a rien remarqué. Le village à lui seul est déjà une crèche. Elle s’efforce de retrouver le décor de Luri. Quelques guirlandes lumineuses en bleu et blanc autour de la fontaine. Le sapin géant de Saint-Florent. Les personnages pains d’épices d’Oletta. Pauvres Noëls de pacotille qui s’obstinent à vouloir ressembler à des Noëls nordiques, réduits à des « chromo » de cartes postales avec traîneaux pailletés et sapins. Une grande tristesse l’envahit, qui lui fait espérer que quelque chose d’autre existe. Quelque chose d’autre, un jour ! Il lui tarde d’être de l’autre côté de ce temps de l’avent qui a perdu son sens.

         Les méandres de la Seine se déplient dans le soleil. Il fait beau à Paris. Elle respire du bonheur de se sentir soudain loin des brumes épaisses du Nebbiu, loin des pluies sombres qui balayaient le golfe, lourd de menaces contenues à grand-peine. Elle se demande si les premières neiges sont tombées sur le Cintu. Il ne semble pas. Des rubans de fumée s’étirent le long des pentes des Agriates, qui renforcent encore l’impression de désert de cette région.

         Tout ce qui parasite ta pensée vient te distraire de la descente en toi-même, s’interposer entre toi et toi avec tyrannie et finalement te détourner de l’essentiel de ce que tu es. Tu te demandes si tout cela n’est pas au fond un moyen facile pour faire diversion. L’avion n’en finit plus de tourner au-dessus de la piste. Les ronds-points tournent, tournent en même temps que les automobiles. Combien de temps encore va durer cette ronde monotone et inquiétante qui te sépare de la terre et de la vraie vie ?

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli

       

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  • TdF n° 58 ― septembre 2009



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    SOMMAIRE DU MOIS DE SEPTEMBRE 2009



    Terres de femmes ― N° du mois d’août 2009
    Carnets de marche. 18 (Angèle Paoli)
    1er septembre 1940/Naissance d’Annie Ernaux
    Sophie Loizeau/les rêves les mieux ouvrés
    Carnets de marche. 19 (Angèle Paoli)
    Antonella Anedda/11 septembre 2001
    11 septembre 2001/Don DeLillo, L’Homme qui tombe
    Take me away in wonderland (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 20 (Angèle Paoli)
    Gérald Neveu/Rite
    Samira Negrouche/Tes vagues
    Eva Almassy/Des petites filles qui rient dans le soleil (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Guy Goffette/Ainsi nos pas
    Carnets de marche. 21 (Angèle Paoli)
    20 septembre 1971/Mort de Georges Séféris
    Lorand Gaspar/Voici des mains
    Brina Svit, Petit éloge de la rupture (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 22 (Angèle Paoli)
    24 septembre 1871/Victor Hugo, Choses vues
    25 septembre 1609/Angélique Arnauld, « la journée du guichet »
    Benjamin Fondane/Ulysse – XXIII
    Vivian Lofiego/Les arbres multiplient leurs branches…
    Carnets de marche. 23 (Angèle Paoli)
    Alessandro Ceni/Mattoni per l’altare del fuoco
    Terres de femmes ― N° du mois d’octobre 2009



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  • Terres de femmes ― Sommaire du mois d’août 2009





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    SOMMAIRE DU MOIS D’AOÛT 2009


    Terres de femmes ― Sommaire du mois de juillet 2009
    1er août 1912/Pierre Bonnard à la Galerie Bernheim-Jeune
    Carnets de marche. 1 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 2 (Angèle Paoli)
    Juan Gelman/el ángel de la tarde
    Carnets de marche. 3 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 4 (Angèle Paoli)
    Sandra Moussempès/Penny Prose
    Carnets de marche. 5 (Angèle Paoli)
    5 août 1850/Naissance de Guy de Maupassant
    Bernard Bretonnière/Inoubliables et sans nom
    6 août 2001/Mort de Jorge Amado
    Carnets de marche. 6 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 7 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 8 (Angèle Paoli)
    8 août 117/Hadrien, empereur de Rome
    Carnets de marche. 9 (Angèle Paoli)
    9 août 1908/Naissance de Tommaso Landolfi
    Carnets de marche. 10 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 11 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 12 (Angèle Paoli)
    Marc Delouze/Ravello
    18 août 1912/Naissance d’Elsa Morante (note de lecture d’Angèle Paoli sur Récits oubliés)
    19 août 2004/Fabienne Courtade, le cœur bat très vite
    20 août 1878/William Carlos Williams, Paterson
    21 août 1995/Nicolas Pesquès, La Face nord de Juliau
    Fabio Pusterla/Arte della fuga
    Carnets de marche. 13 (Angèle Paoli)
    William Cliff/Cape Cod, 7
    Carnets de marche. 14 (Angèle Paoli)
    Zéno Bianu/Du plus loin…
    Carnets de marche. 15 (Angèle Paoli)
    Antoine Emaz/La poésie ?
    Ludovic Degroote/Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G. (Chroniques de femmes)
    Carnets de marche. 16 (Angèle Paoli)
    Michele Tortorici/Vicino al faro
    30 août 1811/Naissance de Théophile Gautier
    Maria Luisa Spaziani/Notte marina
    Carnets de marche. 17 (Angèle Paoli)



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  • Carnets de marche. 17

       



    CARNET N.17

    17.

         Elle est celle…

         Elle est en retard pour sa marche quotidienne, retenue au bar et invitée par son ami du carrughju. Elle est la seule femme pour le moment, excepté celui qui sert les cafés. Il y a quelques têtes connues dont elle ignore encore les noms. Peu à peu, les noms rejoignent les visages et le puzzle de son agenda personnel villageois se reconstitue. Ce qui ressort de ces rencontres, c’est qu’elle est connue, elle. Elle est celle qui marche et qui écrit.

         Elle annonce qu’elle est mamona depuis deux jours. Sa petite Colomba est née depuis lundi. La nouvelle ne va pas tarder à se répandre comme un feu de poudre. Ce nouveau statut joue sûrement en sa faveur.

         Tu te demandais si l’enfant qui allait venir serait vraiment un bébé. C’est vraiment un bébé. Un vrai bébé. Avec des menottes longues et fines, des oreilles bien ourlées, des yeux déjà ouverts sur le monde, un petit nez en trompette. Et une moue volontaire. Tu te sens fondre devant ce tout-petit qui te vient de ta fille. Il te tarde de la prendre dans tes bras, de sentir son odeur de nourrisson nourri au lait maternel, de serrer contre toi ce petit bout de future femme sorti du ventre de ta fille. Ta difficulté à concevoir cette idée-là autrement que par les mots habituels. Impossible d’aller au-delà. Une chose est sûre : l’enfant ne retournera jamais dans les entrailles d’où il est issu. Rebrousser chemin ne se peut. Remonter à la source oui, mais au-delà, le parcours devient improbable.

         Elle est en retard. Elle se gare à la Leccia, accueillie par le braiment pitoyable des ânes. Elle marche sur la route, dans une atmosphère douce, à dominante vert-de-gris. Nulle trace de soleil aujourd’hui. Seuls les reflets moirés de la mer signalent des espaces de lumière. Les échancrures de la côte se dessinent d’un trait sûr, sans la moindre ombre d’écume.

         Tu penses à Ficajola, le hameau abandonné au-dessus de Minerviu. Tu n’as pas encore réussi à le localiser. C’est un nom de ton enfance, du temps de tes aïeuls. Tu arrives à Linaghje. Le hameau détruit au XVIe siècle. Rayé de la carte par les troupes de l’amiral Doria. Tout ce passé meurtri, tombé dans les oubliettes de l’histoire.

         Tu marches vite. Ton cœur est léger aujourd’hui. Tu es heureuse. Pour la première fois depuis si longtemps. Tu ne penses à rien de précis. Tu te laisses porter par ton propre rythme. Écouter ton pas, sentir la légèreté de tes pieds, la souplesse de tes genoux. La route est déserte. L’enclos est fermé. Tu te diriges vers le chêne. Tu t’appliques à construire ta marche sur de menus rituels. Tu regardes la branche clé de fa sans comprendre. Le sac à duvet a disparu. Il ne reste qu’un ruban. Unique trace de son ancienne présence. Ce matin, le sac à duvet a été coupé, séparé net de sa branche. Cette découverte t’inquiète. Je sais à quoi tu penses. Tu penses ce que tu as toujours pensé. Tu penses que ce sac, confectionné dans un bout de tissu ficelé, est un véritable gri-gri, destiné à attirer le mauvais œil sur la personne qu’il est censé reproduire. Elle guette la route. Elle se sent vue, surveillée, épiée. Les yeux masqués du maquis, invisibles comme les chèvres qui s’y abritent. Tu cherches des yeux la dépouille du sac à duvet gri-gri cra-cra. Tu ne vois à tes pieds qu’une touffe de duvet, une boule compacte de fils enchevêtrés. Tu ne vas pas la ramasser tout de même ! Tu ne vas pas fourrer ça dans ton sac ! Tu voudrais trouver l’enveloppe, avec ses yeux de clown et sa bouche peinte. Tu tournes autour de l’arbre sans rien voir. Tu te laisses glisser le long du talus. Peut-être, en prenant du recul, vas-tu trouver ce que tu cherches ? Voilà, il est là, caché sous une masse d’épineux. Le voilà, ton sac à duvet gri-gri cra-cra, ce qu’il en reste. Il gît, décapité, éventré au milieu des feuilles de chêne. Tronqué par le geste violent qui l’a arraché à sa branche. Je me baisse, je ramasse ce qu’il reste, nombril entortillé de ficelle, yeux, bouche peinte, ventre ouvert, bout de ruban cra-cra.

         Tu considères la dépouille avec consternation.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli

       

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  • Maria Luisa Spaziani | Notte marina

    «  Poésie d’un jour  »



    Maria Luisa Spaziani G
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    NOTTE MARINA



    La mano, quella vergine radice.
    L’innocenza del graffio felino.

    Mezzaluna di zucchero dei denti
    nel rito di una notte senza luna.

    Quell’anca, conca di ciliegi in fiore.
    Il vento un secco brivido.

    Il buio capelvenere, lunetta
    sul bianco di una pagina sognata.
    (Verso che mi verrà.)

    Quel respiro, risacca dell’oceano.
    Il mio pietrisco umido scintilla.

    Sprofondare da immani scogliere
    Sbocciare in zone altissime.

    Fulminarsi toccando le stelle


    Maria Luisa Spaziani, Geometria del disordine, 1981, in Poesie 1954-2006, Arnoldo Mondadori editore, edizione Oscar Poesia del Novecento, dicembre 2010, pp. 217-218.








    NUIT MARINE


    La main, cette racine vierge.
    L’innocence d’une féline égratignure.

    Demi-lune de sucre des dents
    dans le rite d’une nuit sans lune.

    Cette hanche, ce val de cerisiers en fleurs.
    Le vent un bref frisson.

    L’obscur chèvrefeuille, petite lune
    sur le banc d’une page rêvée.
    (Un vers qui me viendra.)

    Cette respiration, ressac océanique.
    Mon lit de menus cailloux humide étincelle.

    Se précipiter de gigantesques rochers.
    Ressurgir en de très hautes régions.

    Se sentir foudroyé au toucher des étoiles.


    Maria Luisa Spaziani, « Geometria del disordine », in Promenades en poésie italienne contemporaine en 33 auteurs, anthologie établie par Hughes Labrusse, Renzo Milani, André Ughetto, Sud Domaine étranger, Marseille, 1984, page 218. Traduction d’André Ughetto.






    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE


    Née le 7 décembre 1922 à Turin, Maria Luisa Spaziani a vécu à Rome et a été professeur de langue et de littérature allemande, puis de littérature française à l’Université de Messine. Présidente du Prix Montale et fondatrice en 2005 de l’Universitas Montaliana di Poesia, Maria Luisa Spaziani a publié de nombreux recueils de poésie : Le acque del sabato (1954), Il gong (1962), Utilità della memoria (1966), L’occhio del ciclone (1970), Transito con catene (1977), Geometria del disordine (1981, Prix Viareggio), La stella del libero arbitrio (1986), I fasti dell’ortica (1996), La traversata dell’oasi (2002), La luna è già alta (2006).

    Auteure du poème-roman Giovanna d’Arco (1990), Maria Luisa Spaziani fut également critique littéraire et traductrice. Parmi ses auteurs de prédilection figurent Ronsard, Racine, Goethe, Shakespeare, Marguerite Yourcenar, Michel Tournier.

    Maria Luisa Spaziani est morte à Rome le 30 juin 2014.







    MARIA LUISA SPAZIANI


    Maria-Luisa-Spaziani
    Source



    ■ Maria Luisa Spaziani
    sur Terres de femmes

    Parapsicologia (poème extrait de Transito con catene)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur repubblica.it)
    une notice nécrologique sur Maria Luisa Spaziani
    → (sur rainews.it)
    une interview (en italien) de Maria Luisa Spaziani par Luigia Sorrentino (mai 2011)





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  • 30 août 1811 | Naissance de Théophile Gautier

    Éphéméride culturelle à rebours

    Topique : Venise





         Le 30 août 1811 naît à Tarbes Pierre-Jules-Théophile Gautier. Il est le fils d’Adélaïde Cocard et de Jean-Pierre Gautier, fonctionnaire des contributions directes.

         Poète dans l’âme ― nourri par son amitié avec Gérard de Nerval et son admiration pour Victor Hugo ―, les aspirations et croyances de Théophile Gautier s’affirment dès sa vingtième année et continuent de se ciseler tout au long de sa création littéraire. Amour de l’art et de la liberté de l’artiste, quête de l’absolu et du beau idéal, soif jamais assouvie de « l’impossible unité » caractérisent l’univers du « poète impeccable ».

         Écrivain polygraphe, l’auteur de Mademoiselle de Maupin ― publié chez Renduel en 1835 ― et d’Émaux et Camées ― recueil de poèmes marqué du double sceau du souci de la perfection et l’angoisse de la mort, paru chez Eugène Didier en 1853 ― est aussi un brillant journaliste, apprécié pour son goût méticuleux de la précision et son talent d’observateur. Gautier, qui se voit confier de nombreux reportages par les directeurs de journaux, visite la Belgique et la Hollande en 1836, l’Espagne en 1840, l’Italie en 1850, Constantinople en 1852, l’Allemagne en 1854 et en 1858, la Russie en 1858 et en 1861, l’Égypte en 1869.

         De son séjour en Italie, effectué de juillet 1850 à novembre de la même année, Théophile Gautier rapporte un carnet intitulé Venise.





    Tiziano Vecelli, Ritratto di giovane donna
    Tiziano Vecelli,
    Ritratto di giovane donna, v. 1536
    Huile sur toile 96 x 75 cm
    Musée de l’Hermitage, Saint-Pétersbourg





    VENISE 1850


         « Ce qu’il y a de charmant surtout chez les Vénitiennes, c’est la nuque, l’attache du col et la naissance des épaules. On ne saurait rien imaginer de plus svelte, de plus élégant, de plus fin et de plus rond. Il y a du cygne et de la colombe dans ces cols qui ondulent, se penchent et se rengorgent ; sur les nuques se tordent de petits cheveux follets, de petites boucles rebelles, échappées aux morsures du peigne, avec des jeux de lumière, des pétillements de soleil, des éclairs d’ombre à ravir un coloriste. ― Après une promenade aux jardins publics, on ne s’étonne plus de la splendeur dorée de l’école vénitienne ; ce qu’on croyait un rêve de l’art n’est que la traduction quelquefois inférieure de la réalité. Nous avons suivi bien souvent quelques-unes de ces nuques sans même essayer de voir la tête qu’elles portaient, nous enivrant de ces lignes si pures et de cette chaude blancheur.
         Une fois même nous fîmes à travers l’écheveau des ruelles de Venise la promenade la plus embrouillée à la suite d’une belle nuque qui n’y comprenait rien et nous prenait pour un galantin opiniâtre et imbécile.
         C’était une grande fille brune, par extraordinaire, ayant beaucoup de ressemblance avec Melle Rachel pour l’élégance longue et fine de son corps et les attaches antiques de son col. Elle avait une dignité si parfaite de mouvements que son grand châle rouge de barège semblait sur elle le manteau de pourpre d’une reine. Jamais la grande tragédienne n’a fait prendre à ses péplums et à ses tuniques des plis plus beaux et plus nobles. Elle marchait si vite, faisant écumer autour d’elle le volant de sa robe bleue, comme les vagues aux pieds de Thétis, avec une aisance et une fierté d’allure dont une grande coquette eût été jalouse. Nous la perdions souvent à travers les masses des promeneurs, mais la rouge étincelle de son châle nous guidait comme l’éclat d’un phare et nous la retrouvions toujours.
         Ce pourchas avait commencé sur la place Saint-Marc. Près du pont de la Paille, la belle s’arrêta et causa quelques instants avec un vieil homme basané, gris de barbe et de cheveux, gondolier ou pêcheur qui semblait être son père. Le vieillard lui donna quelque argent, puis elle s’enfonça dans une de ces petites ruelles qui débouchent sur le quai des Esclavons. Après beaucoup de détours dans ce dédale de ruelles, de sotto portico, de canaux, de ponts qui égarent si souvent l’étranger à Venise, elle fit halte, sans doute pour se débarrasser de l’ombre qui la suivait à distance, devant une de ces boutiques de poissons en plein vent où le thon se débite par rouges tranches ; elle marchanda longuement un morceau qu’elle ne prit pas. Elle se remit en marche tournant imperceptiblement la tête sur l’épaule, et roulant sa prunelle dans le coin de l’œil pour voir si elle était débarrassée de son attentif. Quand elle s’aperçut du contraire, elle fit un geste de mauvaise humeur qui la rendit encore plus charmante, et continua sa route par les rues, les places, les ruelles, les passages, les ponts à escaliers, de manière à nous désorienter complètement. Elle nous mena ainsi, de son pas agile et toujours pressé, du côté de l’Arsenal, dans un quartier désert, jusqu’à une place où s’élève une façade d’église non achevée, et là se jeta comme une biche effarée contre une porte qui s’ouvrit et se referma aussitôt.
         Entre toutes les suppositions que put faire cette pauvre enfant, attaque galante, séduction, enlèvement, elle ne s’imagina certainement pas qu’elle était saisie par un poète plastique qui donnait une fête à ses yeux et cherchait à graver dans son souvenir comme une belle strophe ou un beau tableau cette nuque charmante qu’il ne devait plus revoir.

    Théophile Gautier, Venise, Éditions de l’Amateur, 2008, pp. 93-94-98.




    Nadar, l'actrice Marie Laurent, de dos
    Source



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  • Michele Tortorici | Vicino al faro

    «  Poésie d’un jour  »
    choisie par Danièle Robert



    Tortorici





    VICINO AL FARO


    Attraversa il vento labirinti di nulla, muri bassi
    di pietre secche dove sali
    di mare e di terra si confondono. Ti sorprendi
    che l’immenso cammino dell’aria sotto il cielo
    possa tracciare così fini ricami sulle mille
    scabre schegge d’arenaria o inanellare
    danze su questa arsa isola che dedali
    di pazienti fatiche innalza. Vicino al faro
    si apre in bassi scogli la piana. Un’altra
    isola a occidente segna appena
    una pausa dello sguardo ma sai bene
    che al vento sottrae soltanto una nascosta
    rada con poche sbigottite barche. Al di là
    non sapresti se cercare
    altre isole ancora o altri mari ; altro da queste
    secche pietre che inutilmente chiudono
    ombre e forse qualche piccolo rettile
    guizzante e si lasciano ingannare
    dal vento che le accarezza e intanto
    le consuma ; altro da te come una provvisoria
    — ma profonda — conoscenza che l’animo investe
    con raffiche ineguali e passa, ma intanto
    ha trasformato ciò che sei, ciò che pensi.

    Ora vicino al faro si condensa
    una foschia che fa sentire
    acqua salata sulla pelle, che ti fa
    animale marino, che ti unisce
    a ciò che poco prima per un attimo
    ha attraversato la tua mente, che profonda
    te nel libero
    divenire di ogni cosa e ti dà senso.


    Michele Tortorici, La mente irretita, Manni Editori, San Cesario di Lecce, 2008, page 16.






    Faro favignana punta marsala
    Source






    PRÈS DU PHARE


    Le vent traverse des labyrinthes de néant, des murs bas
    de pierres sèches où les sels
    de la mer et de la terre se confondent. Tu es surpris
    que l’immense chemin de l’air sous le ciel
    puisse tracer de si fines broderies sur les mille
    éclats rugueux de grès ou nouer
    des danses sur cette île brûlée qui érige
    des dédales de patientes fatigues. Près du phare
    s’ouvre en bas des récifs la plaine. Une autre
    île à l’ouest marque à peine
    une pause du regard mais tu sais bien
    qu’elle ne fait que soustraire au vent une rade
    cachée et quelques barques affolées. Au-delà
    tu ne saurais s’il faut chercher encore
    d’autres îles ou d’autres mers ; autre chose que ces
    pierres sèches qui vainement enferment
    des ombres et peut-être quelque petit serpent
    frétillant, et se laissent abuser
    par le vent qui les caresse et en même temps
    les dévore ; autre chose que toi comme une provisoire
    — mais profonde — connaissance qui assaille l’esprit
    par rafales irrégulières et qui passe, mais en même temps
    a transformé ce que tu es, ce que tu penses.

    Maintenant près du phare se condense
    une brume qui rend sensible
    l’eau salée sur la peau, qui fait de toi
    un animal marin, qui t’unit
    à ce qui juste avant, pour un instant,
    a traversé ton esprit, qui te plonge
    dans le libre
    devenir de toute chose et te donne un sens.


    Michele Tortorici, La Pensée prise au piège, éditions vagabonde, 2010, pp. 25-27. Traduction de Danièle Robert.




    ________________________________________________
    NOTE d’AP : début juin 2009 a paru, dans la revue semestrielle marseillaise Il particolare, n° 19/20, une importante anthologie (dix poèmes) du recueil La mente irretita [La Pensée prise au piège] de Michele Tortorici. Dans une traduction de Danièle Robert (voir à ce sujet la recension de Ronald Klapka sur le site de la revue Sitaudis, et le site de Michele Tortorici). La version française (édition bilingue) de La Pensée prise au piège a paru aux éditions vagabonde (13001 Marseille) fin septembre 2010. Traduction et préface de Danièle Robert.






    Copertina-La-Pensee1







    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE (rédigée par Danièle Robert)


         Né à Trapani (Sicile) en 1947, Michele Tortorici a d’abord enseigné les lettres dans le secondaire. Il a dirigé et co-écrit une Histoire de la littérature italienne (Storia della letteratura italiana nell’orizzonte europeo) en 1993 ainsi que de nombreux articles et essais sur la littérature, l’art et la culture. Il travaille actuellement à Rome où il s’occupe plus particulièrement de logique hypertextuelle et des moyens de communication numériques.

         Son premier recueil de poèmes, La mente irretita (La Pensée prise au piège) a paru aux éditions Manni en 2008 (trad. fr., éd. Vagabonde, septembre 2010) ; il regroupe des textes écrits entre 2002 et 2007, dont l’ensemble se déploie selon trois thèmes directeurs : d’abord La vita dell’isola, évocation de Favignana, la principale des îles Égades situées à l’ouest de la Sicile ; c’est là le berceau familial. À l’opposé, l’évocation par fragments et en touches discrètes de certaines villes qui comptent beaucoup pour lui, à des titres divers : Bologne, Turin, Gênes, La Spezia, Venise, New York : Fermate di città. Entre les deux, un ensemble de rêveries, de souvenirs, de réflexions mettant parfois en scène des êtres ou des objets qui forment la trame de sa vie : Come ogni giorno.

         En mai 2009 a été publié aux éditions Campanotto un nouveau recueil de quatre poèmes intitulé : I Segnalibri di Berlino – Berliner Lesezeichen, avec une traduction allemande de Giangaleazzo Bettoni. En 2010, Versi inutili e altre inutilità chez Edicit, et en 2012, Viaggio all’osteria della terra chez Manni Editori.

         La musique de Michele Tortorici saisit le lecteur dans une infinie douceur, l’enveloppe, l’entraîne dans ses rythmes, ses ruptures, ses vagabondages joyeux ou mélancoliques, la pureté de son phrasé. Profondeur de la réflexion, poésie de l’intime qui donne à penser avec retenue, élégance et délicatesse. Un mot magnifique de la langue italienne résume l’ensemble de ces qualités : Morbidezza.






    ■ Michele Tortorici
    sur Terres de femmes

    La Pensée prise au piège (un extrait du recueil éponyme)
    La cala di Zaccu (poème extrait de Viaggio all’osteria della terra. Traduit de l’italien par AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions vagabonde)
    la préface de La Pensée prise au piège, par Danièle Robert
    le site personnel de Michele Tortorici
    → (sur Terres de femmes)
    Ovide, Héroïdes, Lettre de Didon à Énée (extrait de la traduction des Héroïdes par Danièle Robert)





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