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  • Jeux de plis



    Trop de mots
    Photocollage, G.AdC





    JEUX DE PLIS



    Rideaux de rires plissés ridés voix de radeaux de coques lisses éclisses ouvertes sur le ciel liesse de voix de rires échos du nom coquelicots coquelicots cerises coqueliclos éclos fusées de feu de foin de faille cliquetis cloqués d’écrits de cris de plis plissés pliés déplissés papillons papillons la paille plie le rideau plisse ondule plisse friselis d’épis frissons froissés froufrou de liserons lisses lissés liés élucidés les lys élus je lis je lisse les plis les ris les nids de vie

    la vie hors les murs glisse




    Tête la tête de nègre nègre de bois la tête noire de nègre boit ta voix aigüe de fête et de poissons de Pâques pagres en noir pages de mots chapelet dur notes absentes tu chantes haut trop haut trop tôt trop trop de trop trop vite tu ris du trop de vie qui s’évide de ta voix de fête pas de deux dénoué des nœuds au noir mûri de mer rouge-cyan cerise des coquelicots olives mûres sur la route d’été sans feu sans faille Lucie la sainte veille au pied de la sénèque tour sise sur blanche tarpéienne hissée treille taillée treillis de lianes de lierres loin des trépassés raz de mer raz d’eau trop trop de trop de mots trio haut trop haut trop tôt

    tri tri trie tes mots papillons de peau papilles papier peau noire




    Noir de grain de café de pluie de rire de lumière luz luz luz
    noir délire délice délie le délire du bien du beau luce luce luce
    délie-nous des lianes lianes de lianes de mer chant de voix
    voix d’avoine d’oliviers d’asphodèles
    cistes marines voix sans défaut d’elle d’aigle
    d’aile de nuages de mer de vagues de crêtes
    volubiles vols en volutes de nuit et cormorans encore
    pluie cendrée sans pleurs
    pluie pourprée
    de ris de vie
    sans pluie.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




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  • Corse_3
    Le temps palpite



    Le creux du jour violence douce le temps palpite
    Ph., G.AdC





    LE TEMPS PALPITE




    Le creux du jour
    caresse immobile

    horizon blanchi de soleil

    le temps

    une vague lisse sur le dos
    sans plongée             au dedans

    silence.



    Rumeur

    la vague lèche les rochers en écaille
    la chair soluble dans l’éther

    corps un.



    Voiles bleues sans mémoire autre

         Irukandji

    pélagies mauves et duses
    en flottance

    temps immobile sur le seuil
    corps drapé dans la chaleur ample

    les doigts crépitent
    violence douce
    le temps palpite

    un cormoran glisse
    mirage lisse dans l’ivresse d’un soir.


    Marina di Scala, u 18 di maghju di u 2009


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Cormorans huppés de Méditerranée
    D.R. Ph. S. Durand
    Source



    NOTE D’AP : les colonies de cormorans huppés de Méditerranée [Phalacrocorax aristotelis desmarestii, sous-espèce du cormoran huppé] sont fort nombreuses dans le Cap Corse (Plateau du Cap Corse et îlots de Finocchiarola) et dans les Bouches de Bonifacio (10% des effectifs mondiaux dans la réserve intégrale des îlots des Moines : Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio). Cf. réseau Natura 2000.




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  • Shankhya Ghosh | Le nom

    «  Poésie d’un jour  »





    Bleue : n'insiste pas.
    Ph., G.AdC





    LE NOM


    N’insiste pas

    Que se dévoilent les mots, tels
    Une aube.

    Tels, les courants d’eau emmènent
    La pierre au loin sans bruit.

    À l’horizon
    En silence mes noms s’effacent.

    Sur les herbes tombe une lueur faible,
    Bleue : n’insiste pas.


    Shankhya Ghosh, in Tout est chemins, anthologie des poètes du Bengale, Le Temps des cerises, 2007, page 34. Poèmes traduits et adaptés par Sumana Sinha. Préface de Lionel Ray.




        Shankhya Ghosh est né en 1932 au Bengale. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésie comme Dinguli (Les Jours et les nuits), Nihito patalchhaya (L’Ombre de l’abîme intérieur), Tumi to temon gouri now (Tu n’est pas cette belle), Panjore danrer shobdo (Le Bruit des rames dans le cœur), Mukh dheke jay biggapone (Le visage est couvert de publicités).




    Tout est chemins. Anthologie des poètes du Bengale.






    Voir aussi :
    – (sur Terres de femmes)
    Anthologie du Bleu.





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  • Corse_3
    W. G. Sebald, Campo Santo

    W. G. Sebald, Campo Santo,
    Actes Sud, 2009.
    Traduit de l’allemand
    par Patrick Charbonneau
    et Sibylle Muller.


    W.G. SEBALD dans le ciel du Campu Santu de Canari
    Image, G.AdC





    « TOUT L’INSONDABLE MALHEUR DE LA VIE »



    Premier ouvrage de W.G. Sebald à être entré dans ma bibliothèque, Campo Santo n’a pas tout à fait tenu, dans un premier temps, les promesses que j’en attendais ! Mon attente était pourtant forte. Qu’allais-je donc découvrir de la Corse que j’ignorais ? Le « champ des morts » (Campu Santu) livrera-t-il pour moi une vaste part de ses mystères ? Quel regard cet auteur allemand de haute réputation a-t-il porté sur l’île et sur ses habitants au cours de son voyage ? Ce regard peut-il avoir une influence sur le mien ? En quoi pourra-t-il le modifier ?

    J’espérais être surprise, dérangée même, dans mes certitudes. Dès l’abord du livre, la déception m’a guettée. La première de couverture sentait son cliché ! La photographie de Jean-Pierre Lescourret, un coucher de soleil sur les Calanche de Piana, ne me faisait pas rêver. J’ai tant de fois vu ce spectacle sur les cartes postales et les dépliants touristiques ! Tant pis. Ne pas m’arrêter aux apparences ! Je suis allée aux textes. Me suis attardée sur les quatre Petites Proses qui composent la première partie de l’ouvrage. L’autre partie, de loin la plus importante, est consacrée à des essais critiques sur des auteurs tels que Peter Handke, Günter Grass, Peter Weiss, Kafka, Nabokov ou encore Bruce Chatwin. J’ai lu ces essais dans le désordre. Vagabondages. Points communs aux deux parties de l’ouvrage, des thèmes de prédilection : destruction, deuil, souvenir. Thèmes omniprésents dans les récits des Petites Proses. Thèmes que j’affectionne et qui nourrissent ma mélancolie.

    Petites Proses regroupe quatre récits. « Petite excursion à Ajaccio », « Campo Santo », qui donne son titre à l’ensemble des textes regroupés dans cet ouvrage, « Les Alpes dans la mer », « La cour de l’ancienne école ». D’intensité différente, ces récits ont la Corse comme dénominateur commun, beauté foudroyante et mort tout au long du voyage. Nourris de lectures multiples ― du Guide Bleu aux écrits de Dorothy Carrington en passant par le journal de voyage de Flaubert, les descriptions du paysagiste anglais Edward Lear (été 1876), et les écrits topographiques de Melchior Van de Velde, qui affirme dans le Dictionnaire de géographie (édité en 1879 par Vivien de Saint-Martin) n’avoir jamais vu « une plus belle forêt que celle de Bavella, ni en Suisse, ni au Liban, ni en Indonésie » ; ou encore par les récits de Ferdinand Gregorovius (1852) ― ces récits de voyage sont également nourris de témoignages récents ―, depuis les récits de Stephen Wilson sur « les curieuses mœurs corses » jusqu’au témoignage épistolaire final de Mme Séraphine Aquaviva sur le souvenir qu’elle a gardé de l’ancienne école de Porto-Vecchio, exténuée jadis par la malaria.

    Érudites et passionnantes, les Petites Proses de Sebald relèvent davantage de compilations tirées du passé que d’expériences vécues. Le récit des cérémonies funèbres dont le « caractère très théâtral » revient pour l’essentiel aux voceratrici corses, est emprunté à Stephen Wilson qui les tient lui-même du bandit Muzzarettu, mort en 1952. De même le passage consacré aux chasseurs de rêve, mazzeri ou acciatori, dont Dorothy Carrington1 tient l’existence de son ami Jean Cesari. Témoignages que l’on peut retrouver et lire dans les ouvrages de Dorothy Carrington elle-même. Que reste-t-il aujourd’hui de la crainte de l’esprit de morts ? Quels pouvoirs de fascination la squadra d’Arozza exerce-t-elle encore sur les familles endeuillées ? La plainte funèbre des femmes semble avoir déserté l’île, jusque dans ses régions les plus reculées. Restent les écrits anciens pour témoigner encore des « curieuses mœurs corses ».

    L’un des rares moments corses dont Sebald témoigne directement dans Campo Santo, c’est celui de la chasse de septembre et de ses rituels obscurs : « Lors de mes excursions à l’intérieur de l’île, j’ai chaque fois eu l’impression que toute la population masculine participait à un rituel de destruction depuis longtemps dépourvu de finalité ». Suit une description inquiétante des chasseurs corses. « Postés le long des routes jusque tout en haut dans la montagne », équipement paramilitaire et gestes menaçants, ces hommes font inévitablement penser aux « milices croates et serbes » sur le pied de guerre. Une vision et un point de vue qui sont aussi les miens.

    Qu’a vu Sebald du cimetière de Piana, sinon « des dalles déplacées, de la maçonnerie effondrée… des fragments muets d’une ville laissée à l’abandon depuis des années ». Des médaillons sépia, portraits de jeunes filles et de soldats, des ex-voto gravés de « Regrets éternels ». Et des sépultures rangées selon l’appartenance clanique des défunts ― les Ceccaldi avec les Ceccaldi, les Quilichini avec les Quilichini, les Aquaviva avec les Aquaviva… ? Qu’a-t-il rapporté de sa visite de la Casa Bonaparte sinon le souvenir d’objets personnels, camées et autres miniatures, « gravures coloriées représentant les batailles de Friedland, Marengo et Austerlitz… et un arbre généalogique de la famille Bonaparte » ? Des reliques napoléoniennes !

    Mais alors, qu’est-ce qui fait de Sebald ce visiteur singulier ? En quoi ses Petites Proses dépassent-elles le simple récit de voyage ? L’émouvant dans Petites Proses vient de ce qu’elles livrent de temps à autre de furtives notations personnelles, comme celle que j’ai relevée dans l’incipit de « Petite excursion à Ajaccio » : « J’essayais de m’imaginer habitant l’une de ces forteresses de pierre, sans autre occupation jusqu’à la fin de mes jours que l’étude du temps passé et du temps qui passe » ; et un peu plus loin : « le fantasme qui venait de naître en moi ― passer quelques dernières années sans la moindre espèce d’obligation ― fut bientôt refoulé par le besoin de remplir l’après-midi d’une manière quelconque… » L’esprit du lieu gagnerait-il peu à peu le promeneur incrédule ? Ou encore, dans le même récit, cette réflexion qui me fait pénétrer à contre-jour et comme par effet de « zoom » dans l’intimité familiale des Bonaparte :

    « Certes, ni Laetitia ni Charles, au cours des années 1770 et 1780, alors que l’on s’accommodait du nouveau régime, ne rêvèrent que leurs enfants, assis avec eux tous les jours autour de la table de la salle à manger, s’élèveraient un jour au rang des rois et des reines et que justement le plus chamailleur d’entre eux, ce « Ribulione » perpétuellement mêlé à des querelles dans les ruelles du quartier porterait un jours la couronne d’un empire immense, s’étendant sur presque toute l’Europe. »

    Réflexion émouvante, suivie un peu plus loin de cette vérité qui, relativisant la valeur du propos, la teinte du même coup de sfumato sépia:

    « Même après coup, nous ne pouvons pas reconnaître ce qui s’est réellement passé alors, et comment on en est arrivé à tel ou tel événement mondial. La science du passé la plus exacte ne s’approche guère plus de la vérité, inaccessible à l’imagination… »

    Mais le plus étonnant de cette visite, la découverte la plus ahurissante de Sebald, et la plus émouvante pour la lectrice que je suis, c’est la ressemblance frappante des « discrètes messagères du passé » ― caissière et autre dame officiant dans la Casa Bonaparte ―, avec l’Empereur des Français :

    « Elle avait le même visage rond, les mêmes grands yeux très proéminents, les mêmes cheveux fauves retombant sur son front en mèches triangulaires… » Il y a là, dans ce mimétisme affectif poussé à l’extrême, quelque chose de la vénération, qui bouleverse !

    Ce qui frappe également dans le récit dense de « Campo Santo », ce sont les rebondissements inattendus, les digressions qui conduisent l’auteur à resserrer le temps jusqu’à l’enfance et, de là, à élargir à nouveau son champ de vision sur d’autres considérations et interrogations taraudantes englobant le passé et le présent, l’ici et l’ailleurs. Ainsi les considérations autour des anciennes cérémonies funèbres corses ramènent-elles soudain par analepse jusqu’au cercueil ouvert du grand-père gisant sur des copeaux de bois ― vision qui fait remonter avec elle le souvenir du sentiment de « scandaleuse injustice » que la mort de l’être aimé avait suscité dans le cœur de l’enfant. De ce sentiment obscur, aux contours toujours intacts, Sebald revient à des interrogations plus larges sur la manière actuelle « de prendre congé des défunts », « son côté hâtif et minable, à peine dissimulé ». Quant à « la place que l’on assigne aux morts », elle est « de plus en plus réduite et souvent, à peine quelques années ont-elles passé, elle est résiliée… »

    Inauguré par une magistrale description de baignade en apesanteur dans la crique de Ficajola, le récit de « Campo Santo » se clôt sur le Memorial Grove, cimetière virtuel récemment instauré sur Internet. Au sentiment voluptueux de lévitation éprouvé au cours de ce sublime après-midi marin se substitue le sentiment décoloré de la perte, perte de mémoire, perte de la conscience de ce que nous sommes. Dilution.

    Récurrente chez Sebald est la référence à Flaubert. Par deux fois, l’auteur revient à La Légende de saint Julien l’Hospitalier. La première évocation de ce texte figure dans le récit « Les Alpes dans la mer ». La seconde évocation dans l’essai consacré à Bruce Chatwin, « Approche de Bruce Chatwin ». Contrairement à Chatwin pour qui les Trois contes sont au nombre de ses textes de prédilection, Sebald éprouve une sorte de répulsion pour le personnage qui en est le centre. Et un grand effroi pour cette histoire « née de la profonde disposition hystérique de son auteur ». Cette « Légende », que Sebald a l’occasion de lire pour la première fois dans sa petite chambre de l’hôtel de Piana, permet à l’écrivain une longue digression détournée sur la chasse. Sur la passion violente et inextinguible, presque perverse, de ce saint pour cette activité sanguinaire dont seule la « Transfiguration » finale permet le baiser au lépreux. Rien d’aussi extrême, à ma connaissance, ne s’est produit chez les chasseurs corses. Mais la relecture de ce conte de Flaubert à travers le regard de Sebald éclaire de manière inattendue et originale les récits de chasses de nuit, encore en pratique en Corse au XIXe siècle.

    « Tout l’insondable malheur de la vie » imprègne les récits de Sebald. « Insondable malheur » qui se trouve annoncé d’emblée dès le premier récit de Campo Santo, « Petite excursion à Ajaccio » et résumé dans l’analyse que l’auteur fait d’un tableau appartenant à la collection du Musée Fesch d’Ajaccio. Il s’agit d’une toile du peintre seicentesco Pietro Paolini (1603-1681), qui vécut et travailla à Lucques au XVIIe siècle. Dans ce Double portrait d’une mère et de sa fille, la mère entoure de ses bras son enfant. Au geste protecteur de la mère s’oppose le visage sérieux de l’enfant, cet air de « défi muet » qu’elle présente au spectateur en même temps que la poupée minuscule qu’elle lui tend. Sur la joue vient de sécher une larme. Dans ce tableau où domine l’obscurité qui enveloppe la mère, le rouge brique de la robe de la fillette, le rouge de l’uniforme de soldat de la poupée, contraste avec la « robe couleur de nuit » de la mère. Le spectre de la guerre et du deuil est là, en contrepoint implicite dans cette toile. Qui donne, dès la première page, toute sa tonalité crépusculaire à l’œuvre de Sebald.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    ____________________
    1. Dorothy Carrington, La Corse [Granite Island, a Portrait of Corsica, Longman Group Limited, Londres, 1971], Arthaud, 1980 ; Mazzeri, finzioni, signadori : aspects magico-religieux de la culture corse, Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 1998, rééd. 2004.




    CAMPO SANTO





    ■ W. G. Sebald
    sur Terres de femmes

    4 décembre | W.G. Sebald, Les Émigrants
    18 mai 1944/Naissance de W. G. Sebald
    14 décembre 2001 | Mort de W.G. Sebald







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  • Christophe Tarkos/Termes

    «  Poésie d’un jour  »





    J'appelle l'inconscient la nuit, et que la nuit vient, et que la nuit tombe
    Ph., G.AdC






    TERMES (suite)


    Termes      Notions-Nappes

    Il n’y a pas de notions, ce sont des nappes de brumes qui disparaissent
    Dès qu’on s’approche, dès qu’on veut les toucher, dès qu’on s’approche pour venir les toucher

    Je voudrais tenir les nappes de brumes dans mes bras

    Si j’étais une nuée

    Je n’existe plus pour
    Pour prendre dans mes bras

    Les nappes me perdent
    Les nappes me perdent car elles tourbillonnent

    Les nappes bougent

    Il y a ce fait que ce n’est pas fixe, que c’est en train de bouger, que c’est en pleine évolution maintenant, que des nappes disparaissent pendant que d’autres nappes blanches, grises, sans forces et sans couleurs montent en ce moment, qui les voit monter ? monte sans que personne ne les voie monter, sont bientôt en haut en train de se tordre, de s’assouplir, de rentrer, de se fondre

    Je me suis perdu, j’ai bien fait de me perdre, j’avais la force de l’élan, puis je me suis perdu, j’ai mis toutes mes forces pour me perdre

    J’appelle l’inconscient la nuit, et que la nuit vient, et que la nuit tombe, et que la nuit tombe tous les jours, et que la nuit va bientôt tomber et qu’il est certain que bientôt la nuit va tomber, et qu’il est certain qu’aujourd’hui on sera bientôt en pleine nuit, au milieu de la nuit, que l’on ne dormira pas, on ne sera pas endormi, qu’il y aura toute la nuit à passer, que cela va recommencer, recommencer tous les jours

    Si j’étais de la poudre, une vapeur, une fine poudre d’eau, une gouttelette, une vaporisation, une vapeur d’eau, de l’eau, de l’eau qui remonte, une remontée, seulement de fines gouttes d’eau

    Les branches sont des arbres, des branches sont dans le ciel

    Elles n’existent pas

    Je suis en poudre, je fais de la poudre

    Où es-tu ?…


    Christophe Tarkos, Termes (suite) in Ivar Ch’Vavar & camarades, Le Jardin ouvrier 1995-2003, Éditions Flammarion, 2008, pp. 194-195.





    Voir aussi :
    – (sur le site des éditions P.O.L)
    plusieurs pages bio-bibliographiques consacrées à Christophe Tarkos.




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  • Jeanine Baude | C’est affaire de corps

    «  Poésie d’un jour  »



    Jeanine Baude devant un  chemin paysage de Provence
    Ph., G.AdC






                                                                Muet face à ce qui se tait
                                                                nous tait de même

                                                                Antoine Emaz





    C’EST AFFAIRE DE CORPS



    C’est affaire de corps
    c’est affaire de pas
    cette route indicible
    ce silence fortuit

    Que faire de la page
    et que faire du mot
    dans cette vie qui sonne
    sur des pavés de cendre

    Le champ qui se déroule
    en appelle au chant
    le ciel de même
    et pourtant
    l’univers clos
    se ferme encore
    davantage et toujours

    […]

    Ô soleil des soleils muet
    ―quand l’avenir se tait
    le verbe se fourvoie ―
    gronde avec véhémence

    Largue les amarres
    ― les hommes ne voient plus
    aube ni crépuscule―
    étonne le jour neuf

    D’un ricochet sur l’eau
    trace le fil visible
    celui de la juste révolte
    et que leurs poings se lèvent

    Comme la brume s’étend
    sur le pré en jachère
    pour rafraîchir l’humus
    des terres épuisées




    Jeanine Baude, Poèmes, Cahiers trimestriels Autre Sud, Mars 2009, n° 44, pp. 74-75.





    JEANINE BAUDE


    Jeanine Baude
    Source



    ■ Jeanine Baude
    sur Terres de femmes

    Aveux simples & Soudain (lecture de Michel Ménaché)
    [Dans la démesure des torrents]
    Oui (lecture d’Angèle Paoli)
    Ô, solitude, l’île (extrait de Oui)
    Jeanine Baude & David Hébert, Ouessant (lecture d’Angèle Paoli)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Jeanine Baude






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  • Jean Gabriel Cosculluela | Lumière

    «  Poésie d’un jour  »



    Albert Ràfols-Casamada
    Albert Ràfols-Casamada,
    Perseo, 1995
    acrylique sur toile, 125 x 125 cm
    Source






    LUMIÈRE

    à Albert Ràfols-Casamada




    Cette lumière
    de tombée du jour
    nous garde
    le feu
    dans chaque obscurité
    le feu
    sans nom
    avec l’éclat

    sans mots
    nous vient
    le jaune
    le rouge
    ou le bleu
    dans la voix de la peinture

    une porte
    une fenêtre
    dans l’obscurité
    où notre secret
    est un désir de lumière

    ne serait-ce que la lumière



    Jean Gabriel Cosculluela, 2 février 2008, in Ouvrant la fin, « livre singulier » avec Gérard Serée, artiste, éditions Atelier Gestes et Traces, 2013.






    LLUM

    à Albert Ràfols-Casamada




    Aquesta llum
    al capvespre
    ens guarde
    el foc
    en cada fosca
    el foc
    sense nom
    amb el fulgor

    sense paraules
    ens entra
    el groc
    el vermell
    o el blau
    en la veu de la pintura

    una porta
    una finestre
    en la fosca
    del capvespre
    on el nostre secret
    es un desig de llum

    tan sola la llum



    Jean Gabriel Cosculluela
    2 de febrer de 2008
    traduccio al català del autor
    © D.R. Texte Jean Gabriel Cosculluela





    JEAN GABRIEL COSCULLUELA


    Portrait_jg_cosculluela_copie_2
    Ph.© Jacqueline Salmon, 2002.



    Bio-bibliographie de Jean Gabriel Cosculluela = cliquer
    ICI.



    ■ Jean Gabriel Cosculluela
    sur Terres de femmes

    À l’écart d’oubli
    Je serai ton silence
    Peindre se silence
    [Ta terre] (poème extrait de Terre d’ombre)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page Jean Gabriel Cosculluela
    → (sur remue.net) Jean Gabriel Cosculluela/
    La pente de n’être rien






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  • Angélique Ionatos | Ké prassinizo

    «  Poésie d’un jour  »



    PORTRAIT DE ANGELIQUE IONATOS
    Image, G.AdC







    KÉ PRASSINIZO



    Car dès que je te vois un instant,
    Plus aucun son ne me vient,
    Mais ma langue se brise, un feu léger
    Aussitôt court dans ma chair
    Avec mes yeux je ne vois rien, mes oreilles
    Résonnent,
    Sur moi une sueur se répand,
    Un tremblement
    M’envahit
    Je suis plus verte que l’herbe, tout près de mourir
    Il me semble…
    Mais il faut tout oser car même
    Abandonnée…




    Angélique Ionatos, extrait de Sappho de Mytilène, Auvidis/Naïve, septembre 2008 in « Les Chants d’Orphée, musique et poésie », La pensée de midi n° 28, Éditions Actes Sud, mai 2009, page 34.





    ■ Voir | écouter aussi ▼





    le site d’Angélique Ionatos
    → (sur Terres de femmes) Ode de Sappho à son amie
    → (sur Terres de femmes)
    Thème et Variations sur Aphrodite







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  • Claude Ber, Vues de vaches

    par Angèle Paoli

    Claude Ber | Cyrille Derouineau, Vues de vaches,
    L’Amourier, 2009.




    Lecture d’Angèle Paoli


    Vues de vaches
    Ph. Cyrille Derouineau








    FASCINATIONS



    Variations sur la vache, Vues de vaches est un hommage poético-mythologique à quatre mains. L’auteur, Claude Ber, y accompagne de ses textes les photos de Cyrille Derouineau. Gros plans sur les pis et les mufles, « le béret du chignon » et les cornes, sur les yeux doux des belles et leurs longs cils, contre-plongées sur les larges croupes étrillées ou crottées, les pattes fines et les corps pansus, vaches avec paysages ou avec ciel mais aussi « vaches paysage » et « fondus enchainés » de « vaches cosmiques » ou marines, les vaches de Cyrille Derouineau comblent pleinement le regard, page de gauche, tandis que les textes de Claude Ber, qui adoptent parfois les courbes des calligrammes, l’attirent dans l’espace de la page de droite. Bel ouvrage talentueux que ce duo bucolique, qui donne envie de regarder, de feuilleter, de lire. De sentir et de humer. Le charnu. Et le charnel.

    Amphibologique, le titre de l’ouvrage, Vues de vaches, suggère le déplacement du regard. De celui qui observe à celles qui sont prises dans l’objectif du « Leica indiscret » mais aussi, l’inverse. « Elle aussi me parle de moi », confie dans « Bibelots » Claude Ber. Dont les interrogations essentielles reviennent à elle en boomerang. Ainsi, l’auteure de cette « louange » nous donne-t-elle à voir d’elle-même autant que des vaches dont elle est la complice attendrie et savante, féminine et femelle à la fois. De cette mise en miroir où s’abyment vaches isiaques et vaches chamaniques, Bretonnes, Morvandelles, Normandes d’Étretat, vaches de montagne, vaches grammaticales et linguistiques, vaches picturales ― celles de Ruysdael, de Chagall, de Kandinsky ― ou vaches anonymes sans distinctions particulières, ce qui se décline ici, démultiplié dans ces portraits de vaches observées et analysées avec rigueur et précision mais aussi avec humour et poésie, c’est la sensualité tendre et éclatante de l’auteure. Quelle que soit la race, la provenance, les lieux de vie, les caractères et les caractéristiques évoquées pour chacune d’elles, le regard que Claude Ber pose sur « ses » vaches est celui de la connivence admirative et enthousiaste. Regard de connaisseuse enjouée qui convoque et jauge avec un amour égal, comme dans un défilé de mode champêtre, la transhumante et la séductrice, l’archaïque et la guerrière, La Tarine qui galope du Mercantour à l’Himalaya, la jolie Jersiase-aux-yeux-de-biche, les Reines du combat, « nerveuses et racées », les Bretonnes Pie Noir, la Bazadaise. La Blonde d’Aquitaine dont le seul nom ravive l’icône de mondes nervaliens en sommeil.

    Archétypale, indissociable de l’arrière-pays de nos enfances, la vache selon Claude Ber échappe à l’esprit de collection. Sans doute parce qu’elle résiste à nos désirs récurrents de l’enfermer dans les enclos de nos représentations mentales. Pourtant, si l’auteure a renoncé aux collections de pacotille, elle ne résiste pas toujours aux représentations dont les belles sont l’objet. « Je craque ». « Je marche », confie Claude Ber dans la page intitulée « Bibelots ». Et l’auteure de béer devant cette « vachette tournicotée en tour Eiffel bicolore » ou bien devant cette autre, « méditante inattendue » faisant zazen dans sa vitrine. C’est que « sous les bibelots pointe la vache culturelle, sa corne d’abondance et son imagerie. Lait de connaissance qui apaise nos peurs ». Mais, sous les bibelots encore, derrière les images d’Épinal, ce qui demeure sous les doigts qui se ferment, c’est le « vide de l’air ».

    Restent les mots pour dire les affinités électives de toujours. Les mots pour tenter de dire, au cœur même de cette passion héritée de l’enfance, la conscience douloureuse de la cruelle séparation, qui range l’auteure « du côté du prédateur ». « Spirituellement aériennes », les vaches sollicitent la réflexion des hommes. « Car peindre ou écrire sur vache donne à méditer ». Sur l’infamie humaine.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Vues de vaches couv




    CLAUDE BER


    Claude-BER  ©-Adrienne-Arth NB
    Ph.© Adrienne Arth
    Source




    ■ Claude Ber
    sur Terres de femmes


    Épître Langue Louve (lecture d’AP)
    Il y a des choses que non (lecture d’AP)
    In memoriam (extrait d’Épître Langue Louve)
    La mort n’est jamais comme (lecture d’AP)
    Je dis mer (extrait de La mort n’est jamais comme)
    Les mots, le vent, les herbes racontent (extrait de Mues)
    Sinon la transparence (extrait du recueil Sinon la transparence)
    [Toujours la langue veut dire] (extrait du recueil Il y a des choses que non)
    Claude Ber, Pierre Dubrunquez, L’Inachevé de soi (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    le miel à la bouche



    ■ Voir aussi ▼

    le site de l’écrivain Claude Ber
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    un extrait de Vues de vaches et une autre photo de Cyrille Derouineau
    → (sur le site L’Amourier éditions)
    un entretien (conduit par Alain Freixe) avec Claude Ber et Cyrille Derouineau à propos de Vues de vaches






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