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Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer
par Sylvie Fabre G.Invitée du jour : Sylvie Fabre G.
Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer,
Voix d’Encre, 2008, s.f.
Gouaches de Nadia Dib.
Source
ENTRE VISIBLE ET INVISIBLE, LA PROMESSE DU LIVRE
« Prends-le, avale-le, il sera amer à tes entrailles mais, dans ta bouche, il sera doux comme du miel », dit l’ange de l’Apocalypse à Jean qui ne connaît pas le contenu du petit livre mais pressent sa promesse. Expérience, aveugle, aveuglante, grâce à laquelle lui sera révélé le secret de la vie et de la mort. À charge pour lui, s’il accepte le don, de l’assimiler, puis de le mettre en voix pour le restituer aux autres hommes.
Le poète serait-il à son tour le messager qui nous invite à avaler le livre, à faire nôtres ses mots, jusqu’à ce qu’ils nous deviennent consubstantiels et nous ouvrent, par un tour supplémentaire de langue, à la poésie douce-amère de la vie ? Le dernier recueil de Jean-Pierre Chambon est une traversée dont la vérité ne peut nous rester étrangère car, partageant ses visions, ses souvenirs et ses rêves, nous mesurons aussi nos manques, nos peurs ou nos désirs et nous éveillons à la métamorphose. Il y a en effet dans la lecture des poèmes de ce Petit Livre amer quelque chose de physique et de spirituel, une saveur des vers, une éclaircie du regard qui touche à la chair et au sens, un rythme qui passe par le corps et anime la pensée.
Le prodige et l’éclipse, second texte de la première section (« L’ombre écorchée ») de l’ouvrage, ressemble à un art poétique où l’auteur avoue que « tout est relié ». Et, si « les mots dans notre bouche » gardent un goût de faim, « il faut faire œuvre de silence / pour mieux entendre ce qui à travers nous veut parler ». La parole poétique, dans la grande diversité et richesse de sa forme ― Jean-Pierre Chambon n’hésite pas à utiliser toutes les ressources de la versification, strophes en distiques ou quatrains, vers libres, rimés, ou blancs, stances ou tercets… ― et celles de ses thèmes ― souvenirs d’enfance, réchauffement climatique, folie, marginalité, promenade en montagne… ―, finit paradoxalement par s’effacer pour mieux résonner et s’offrir. Cette parole nous parle de solitude, d’amour et d’extase autant que de douleur. De poème en poème, le lecteur croise une multitude de figures qui trouvent leur unité dans un commun destin : « le médiateur divin » et « le lecteur », le poète et « l’ange de Bohême », la « Madone » et l’enfant face à face à la sortie d’un village, les « ombres en pyjama » dans un hôpital psychiatrique, les « nuées de moustiques » et les « lourdes libellules » au bord des « étangs languides », un papillon « à la lisière du monde », le père « dans la pénombre de l’atelier » participent ensemble du vivant, dans sa beauté et dans sa tragédie. Chacun pourtant a son langage et son mouvement singuliers. Témoin du « balancement des ombelles » dans un pré en montagne ou de l’énergie de ces « hautes tiges harcelant le bleu », le poète n’oublie ni les plantes ni les animaux, aussi sensible à l’affolement de la pie prise au piège au bout du verger qu’à la mort d’un « lapin pendu à la porte de la grange ». L’image de leur tendresse ou leur souffrance atteint le lecteur. Même la description d’une statue dans une petite église est là pour nous rappeler que le mal est partout, le temps éphémère, et qu’aucun règne, minéral, végétal, aquatique, animal ou humain, n’échappe à l’énigme, au vertige ou à la dissolution. Dans la poésie de Jean-Pierre Chambon, les lieux, les plus proches comme les plus lointains, dispensent une étrangeté familière et chérie, distillent une dose de mélancolie pour peu qu’on y prête garde car, note le poète, « on dirait que tout se prépare à mourir ». Qu’ils habitent aux « confins désolés du détroit de Béring » ou, comme Trinh et l’auteur, qu’ils s’assoient au café du tribunal à Grenoble, hommes, bêtes et choses se dissolvent « dans le grand bain de l’uniformisation » ou de la mondialisation souffrante.
Dans ce recueil, œuvre de détresse, de mémoire et de filiation ― on peut penser aux romantiques, à Baudelaire, à Verlaine, à Nerval, à Paul Fort et même aux poètes Tang en le lisant ―, Jean-Pierre Chambon nous décrit, avec une pointe d’humour et beaucoup de nostalgie, un monde où des êtres de passage écoutent dans la nuit « La chanson du petit chariot » sans pouvoir oublier leurs soifs inassouvies, leurs rêves et leurs extases, les ombres menaçantes du temps. À jamais en quête d’une terre originelle, plus douce qu’amère, ceux-ci ressemblent aux « grands oiseaux migrants qui traversent le ciel » et ferment la dernière page.
Mais le poète, à l’instar de l’ange, ne tient-il pas la promesse du livre ? Le secret de la langue qui contient tout ? Et le lecteur n’a-t-il pas reçu la nourriture du Petit Livre amer dont les gouaches de Nadia Dib lui ont livré la clef des symboles et ont avivé les signes par la couleur ? Cercles et rectangles, lignes droites et courbes, aplats de bleu et de gris que soulignent les traits noirs, comme autant de passerelles entre le figuratif et l’abstrait, autant de circulations possibles entre le visible et l’invisible qui scandent tout le recueil.
Sylvie Fabre G.
D.R. Texte Sylvie Fabre G.
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30 décembre 2000 | Mort de Louis-René des ForêtsÉphéméride culturelle à reboursIl y a vingt ans, le 30 décembre 2000, mourait à Paris Louis-René des Forêts.
« Ne pas se regarder vieillir dans le miroir que nous tend la mort, non plus que la défier avec de grands mots, mais, s’il se peut, l’accueillir en silence comme sourit à sa mère un enfant au berceau ».
Louis-René des Forêts, Pas à pas jusqu’au dernier, Mercure de France, 2001, posth.
DANS LE CERCLE FERMÉ DE TES DOUBLES PRUNELLES
Dans le cercle fermé de tes doubles prunelles
Où j’ai revu se défaire mon innocence première
Apprends le secret que j’aurais longtemps cherché
À moins de pister le temps jusqu’à la grève fabuleuse
Où enfants que talonne aux grolles la gueuse prêtraille
On dictait à nos jeudis pubères des jeux surannés.
Mais deux ou trois, du jour où violant la règle ludique
Au-delà des clos reverdis où rouler dans le seigle,
Tout au creux du roc, au détour d’un déblai de pierrailles,
Nous les vîmes, nos vieillardes, accroupies dans leur repaire
Épelant au vent d’avril leurs cris rouillés de harpies
De ce jour, tenaillés par un âpre désir d’épouvante
Hors du champ prescrit chacun s’en allait dévaler les pentes
Jusqu’où la falaise déclinante comme le pain s’effrite
Là où, sous la rafale affamée des mouettes en maraude
Verbeusement nous défiant à travers leurs mèches de sel
Hoquetant à refouler dans leur gosier la chair pâteuse
Elles festoyaient de raies et de raves, nos mégères troglodytes!
L’antre d’abord coupé d’ombre quand nous autres à l’affût
Pour couver de nos yeux d’aiglons l’apparition rituelle
Et les voici trébuchantes comme de vieux sacs à poussière
Hors du sanctuaire processionnant et roulant leur fût
C’est la table de fortune à leurs agapes journalières
Que pour jeter leurs reliefs en pâture aux poissons
Elles s’en vont dresser à la lisière déferlante des eaux.
Toutes de jacter dans la zizanie criarde de leur dialecte
Les reins cassés par le rhume hivernal, attisant la braise…
Louis-René des Forêts, Les Mégères de la mer, Mercure de France, 1967, pp. 12-13.
NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE
Louis-René des Forêts est né à Paris le 28 janvier 1918. Il publie son premier roman, Les Mendiants, en 1943 (édition définitive en 1986). En 1946, publication du Bavard. En 1960, année où il entre au comité de lecture des Editions Gallimard et signe le « Manifeste des 121 », Louis-René des Forêts publie La Chambre des enfants (Prix des Critiques). En 1967, il fonde la revue L’Éphémère, avec Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Paul Celan, Jacques Dupin, Michel Leiris et Gaétan Picon, et publie au Mercure de France Les Mégères de la mer ; en 1969 Voix et détours de la fiction aux éditions du Seuil (ouvrage réédité en 1985 chez Fata Morgana) ; en 1986 Poèmes de Samuel Wood (ouvrage réédité chez Fata Morgana en 1988) ; en 1987 Le Malheur au Lido, en 1993 Face à l’Immémorable et en 1997 Ostinato.
LOUIS-RENÉ DES FORÊTS
■ Louis-René des Forêts
sur Terres de femmes ▼
→ Tout cela qui fut
→ Une voix venue d’ailleurs
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Anne-Christine Tinel, Tunis, par hasard
Anne-Christine Tinel, Tunis, par hasard,
Collection Éclats de vie, Elyzad, 2008.
« JE SUIS UNE ÉTRANGÈRE, IRRÉMÉDIABLEMENT »
Elle reçoit de France des lettres qu’elle n’ouvre pas. Qu’elle ne veut pas ouvrir de peur que le passé ne l’entraîne dans l’abîme. C’est pour fuir un passé à vif et oublier la tragédie qu’elle a vécue là-bas, qu’elle, la jeune femme, s’est envolée pour Tunis. Un jour de septembre 2002. Elle, l’étrangère, l’exilée, elle est aussi la narratrice du récit. Celle qui dit « je » dans l’histoire écrite par Anne-Christine Tinel. Tunis, par hasard. Jusqu’au moment où le « tu » du récit de Farah prend provisoirement le relais pour s’emboiter dans celui de son amie française. Elle, la jolie française, a choisi Tunis sans trop savoir pourquoi. Sans doute pour que le rêve de son enfance algérienne lui soit rendu. C’est donc dans cette ville qu’elle s’est installée, avec son enfant. C’est là qu’elle tente de réapprendre à vivre, sans penser et sans souffrir.
Peu à peu, pourtant, au fil des jours, entre temps et distance, par petites touches allusives, le drame laissé derrière elle ressurgit, qui livre ses secrets et sa douleur intacte. La fuite n’est-elle pas un leurre ? Peut-on se sauver de soi dans l’oubli du passé ? Le temps passe, les lettres continuent d’arriver et de s’amonceler. La destinataire s’obstine à ne pas les lire et à verrouiller son histoire.
Pour la jeune exilée, seul compte le bonheur de l’enfant, qui se noue entre école et plage, promenades le long de la mer et jeux avec les enfants de son âge. La vie prend forme malgré tout, qui tisse ses ramifications à partir du parfum « palpitant » du jasmin, des rumeurs de la ville, de ses rythmes, de ses rencontres, de ses découvertes et de ses déconvenues. Et s’enrichit d’observations et de réflexions : « je pensais naïvement que le langage du corps, dans le désir, était universel ; et voilà qu’on fait l’amour avec les préjugés de sa culture encore davantage qu’on ne pense avec eux ». La jeune femme interroge le regard que les Tunisiens portent sur elle ou celui qu’elle-même porte sur les hommes qui la dévisagent ; elle analyse les fluctuations entre Orient et Occident, l’équilibre fragile de leurs rapports ; les stratégies qu’elle-même met en place pour satisfaire son désir d’intégration. Mais l’intégration, cette « obsession » qui la taraude, n’est-elle pas un autre leurre ? Même lorsqu’elle croit s’en approcher , elle ne peut s’empêcher de penser : « Je suis une étrangère, irrémédiablement ».
C’est dans la troisième partie de son histoire (le récit comporte quatre chapitres inscrits entre un texte introductif ― Seule dans la coulisse des travaux et des jours ― et un texte conclusif ― Le large magnifique de la vie qui s’ouvre à moi ― que la narratrice devient « dépendante » de Farah, puis, un peu plus tard, de l’histoire qu’elle lui livre. Une histoire recomposée à partir des récits de cette femme magnifique qui porte en elle les marques de blessures inguérissables. Farah, dont elle découvre les talents de transgression et, sous les masques de la « double vie », les drames qui l’ont progressivement engendrée. Avec Farah qui la fascine, la narratrice pénètre dans les secrets du monde oriental et découvre les arcanes complexes des liens obscurs que nouent entre eux Orientaux et Occidentaux. Le récit de Farah fait son chemin dans les fibres de la narratrice, la tire de son anorexie sensuelle, de son renoncement à vivre. Les lettres closes sont toujours là, que la narratrice se décide enfin à ouvrir et à lire. Le passé n’est plus un obstacle, l’avenir est enfin possible.
« Quand irons-nous courir sur les rochers, à regarder grouiller les trous du jusant ; quand regarderons-nous encore, émerveillés, le miroitement que laisse dans le marnage la multitude des ruisseaux de mer constellés d’algues et de coquillages minuscules… », écrit la narratrice dans la lettre d’amour qu’elle adresse à celui qu’elle s’apprête à rejoindre, de l’autre côté de la Méditerranée. Car l’urgence du retour s’impose soudain dans la clarté.
Récit de la rupture et de l’impossible oubli, Tunis, par hasard devient peu à peu un récit polyphonique où les voix tissées par les femmes se mêlent aux accents de la ville. Un récit dans lequel la poésie des gestes et des rituels l’emporte, du moins pour la narratrice, sur la gravité des échanges et des vies. Et se clôt sur l’évidence de l’amour.
« J’accorde aux évidences le droit sacré de m’imposer le bonheur, coûte que coûte. » Son destin se sépare inexorablement de celui de son amie Farah. Quant à Farah, il ne lui reste qu’à s’accomplir dans sa vie d’épouse résignée.
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli
ANNE-CHRISTINE TINEL
Voir aussi :
– (sur Encres vagabondes) une note de lecture de Cécile Oumhani sur Tunis, par hasard ;
– (dans la Revue Europe, n°955-956, novembre-décembre 2008) une autre note de lecture de Joëlle Gardes sur Tunis, par hasard (note non présente sur la Toile).
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26 décembre 1891 | Naissance de Henry Miller
Éphéméride culturelle à rebours
SourceLe 26 décembre 1891 naît à Yorkville (New York) Henry Miller. Élevé à Brooklyn, Henry Miller se fixe à Paris à la fin des années 1920. C’est là, dans une cité d’artistes du XIVe arrondissement (villa Seurat, N° 18), qu’il écrit son premier ouvrage, Tropique du Cancer, publié en 1934. Printemps noir, publié en 1936 et dédié à Anaïs Nin, est le troisième livre qu’Henry Miller a écrit à Paris.
« Me voici assis à la place Clichy en plein soleil. Aujourd’hui, assis au soleil, là, je vous dis que je me fous que le monde aille à sa ruine ou non ; je me fous que le monde ait raison ou tort, qu’il soit bon ou mauvais. Il est : et ça suffit. Je le dis, non pas comme un Bouddha accroupi sur ses jambes croisées, mais inspiré par une sagesse à la fois joyeuse et solide… ».
INCIPIT DU PRINTEMPS NOIR
« Je suis un patriote ― du 14e District, Brooklyn, où je fus élevé. Le reste des États-Unis n’existe pas pour moi, sauf en tant qu’idée, histoire ou littérature. À l’âge de dix ans, je fus arraché de mon sol natal, et transporté dans un cimetière, un cimetière Luthérien, où les tombes étaient toujours propres et les couronnes jamais fanées.Mais je naquis dans la rue, et fus élevé dans la rue. « La pleine rue d’après l’ère des machines, où la plus merveilleuse et hallucinante végétation de fer, etc. » Né sous le signe du Bélier, qui donne un corps ardent, actif, énergique et quelque peu agité. Mars étant dans la neuvième maison !Naître dans la rue signifie vagabonder toute sa vie, être libre. Signifie accident et incident, drame et mouvement. Signifie par-dessus tout rêve. Harmonie des choses disparates, qui donne au vagabondage une assurance métaphysique. Dans la rue, on apprend ce que sont réellement les êtres humains ; autrement, ou après, on les invente. Ce qui ne se passe pas en pleine rue est faux, dérivé, c’est-à-dire littérature. Rien de ce qu’on appelle « aventure » n’approche jamais de la saveur de la rue. Peu importe que l’on s’envole vers le Pôle, que l’on s’installe au fond de l’Océan, une rame de papier à la main, que l’on vadrouille dans neuf villes l’une après l’autre, ou que, tout comme Kurtz, on remonte un fleuve pour trouver la folie au bout. Si passionnante, si intolérable que soit la situation, il y a toujours une issue, toujours une amélioration, un réconfort, une compensation, des journaux, des religions. Mais autrefois, il n’y avait rien de tout cela. Autrefois, on était libre, déchaîné, sanguinaire…Les gamins adorés dès le premier contact avec la rue demeurent avec vous toute votre vie. Ils sont les seuls vrais héros. Napoléon, Lénine, Capone ― fiction que tout cela. Napoléon ne m’est rien comparé à Eddie Carney, qui, le premier, me pocha l’œil. Je n’ai jamais rencontré personne d’aussi princier, d’aussi royal, d’aussi noble, que Lester Readon, lequel, rien qu’en descendant la rue, inspirait terreur et admiration. Jules Verne ne m’a jamais conduit à ces endroits que Stanley Borowski tenait sous sa cape dès la nuit tombée. Robinson Crusoé manquait d’imagination comparé à Johnny Paul. Tous ces gamins du 14e District ont encore pour moi leur saveur. Ils n’étaient pas inventés, ni imaginés: ils étaient réels. Leurs noms sonnent comme des pièces d’or ― Tom Fowler, Jim Ruckley, Matt Owen, Rob Ramsay, Harry Martin, Johnny Dunne, sans compter Eddie Carney ou le grand Lester Readon. Eh bien, oui ! Même maintenant, quand je dis Johnny Paul, les noms des saints me laissent un goût fade dans la bouche. Johnny Paul était l’Odyssée vivante du 14e District ― qu’il soit devenu plus tard chauffeur de camion est tout à fait hors du sujet.Avant le grand changement, personne n’avait l’air de remarquer que les rues étaient sales ou laides. Si les bouches d’égout bâillaient, on se bouchait le nez. Quand on se mouchait, on trouvait de la morve dans son mouchoir, et non pas son propre nez. On avait davantage de paix intérieure et de contentement. Il y avait le bistrot, le champ de courses, le vélo, les femmes légères et les chevaux de trot. On pouvait encore se la couler douce. Dans le 14e, du moins. Le dimanche matin, personne ne s’habillait. Si Mme Gorman descendait en peignoir, les yeux sales, pour saluer le pasteur : ― « Bonjour, mon père! ― Bonjour, madame Gorman ! »- voilà la rue purgée de tout péché. Pat McCarren mettait son mouchoir dans la basque de son habit ― il était bien placé là, comme le trèfle national à sa boutonnière. Les bocks de blonde avaient des faux cols, et les gens s’arrêtaient pour un brin de causette.Dans mes rêves, je reviens au 14e District, comme le paranoïaque retourne à ses obsessions. »
Henry Miller, Printemps noir [Black Spring, 1936], Éditions Gallimard, 1946 ; collection folio, 1975, pp. 15-16-17.
HENRY MILLER

■ Henry Miller
sur Terres de femmes ▼
→ O Lake of Light
→ Trois grains d’ellébore, ma commère !
→ 19 juillet 1957 | Henry Miller écrit la préface de Justine de Lawrence Durrell
■ Voir aussi ▼
→ (sur Terres de femmes) 21 février 1903 | Naissance d’Anaïs Nin
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Fabio Scotto, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, XI
Harmensz Van Rijn REMBRANDT
Autoportrait, v. 1643
Huile sur panneau de bois, 72 x 54,8 cm
Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
Tous droits réservés
Source
HARMENSZ VAN RIJN REMBRANDT, AUTORRETRATO, 1643
Col collo di pelliccia
e il cappello
né giovane né bello
il collo scoperto
la mano in ombra
un naso forte
come un rostro
nel buio spezzato
dalle collane argentate
dal pallido incarnato
Rembrandt stamani
nelle mie parole
si è ritratto
Fabio Scotto, « Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid », Bocca segreta, Poesie 2004-2007, Bagno a Ripoli (Firenze), Passigli Poesia, 2008, p. 53.
HARMENSZ VAN RIJN REMBRANDT, AUTOPORTRAIT, 1643
Avec son col de fourrure
et son chapeau
ni jeune ni beau
le cou découvert
la main dans l’ombre
le nez robuste
comme un rostre
dans la pénombre brisée
par les colliers argentés
par la pâleur de l’incarnat
Rembrandt ce matin
dans mes mots a peint
Son portrait
Traduction inédite d’Angèle Paoli
FIN
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Fabio Scotto, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, XI
Harmensz Van Rijn REMBRANDT
Autoportrait, v. 1643
Huile sur panneau de bois, 72 x 54,8 cm
Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
Tous droits réservés
Source
HARMENSZ VAN RIJN REMBRANDT, AUTORRETRATO, 1643
Col collo di pelliccia
e il cappello
né giovane né bello
il collo scoperto
la mano in ombra
un naso forte
come un rostro
nel buio spezzato
dalle collane argentate
dal pallido incarnato
Rembrandt stamani
nelle mie parole
si è ritratto
Fabio Scotto, « Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid », Bocca segreta, Poesie 2004-2007, Bagno a Ripoli (Firenze), Passigli Poesia, 2008, p. 53.
HARMENSZ VAN RIJN REMBRANDT, AUTOPORTRAIT, 1643
Avec son col de fourrure
et son chapeau
ni jeune ni beau
le cou découvert
la main dans l’ombre
le nez robuste
comme un rostre
dans la pénombre brisée
par les colliers argentés
par la pâleur de l’incarnat
Rembrandt ce matin
dans mes mots a peint
Son portrait
Traduction inédite d’Angèle Paoli
FIN
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Fabio Scotto, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, X
Michel SWEERTS
Jeune garçon au turban avec un bouquet de fleurs, v. 1655
Huile sur toile, 76,4 x 61,8 cm
Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
Tous droits réservés
Source
MICHEL SWEERTS, MUCHADO CON TURBANTE Y UN RAMILLERE DE FLORES, 1655
Avvolto in un mantello azzurro
guarda altrove
fusciacca rossa
e maniche bianche a sbuffo
Tutto il corpo nella mano
femminile
che regge il mazzolino di fiori
Il mignolo più indietro
nulla di virile
Brillano le lunule delle unghie
L’altra mano
sparita sotto il calzoni
Timori
Tremori
Odori
Fabio Scotto, « Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid », Bocca segreta, Poesie 2004-2007, Bagno a Ripoli (Firenze), Passigli Poesia, 2008, p. 52.
MICHEL SWEERTS, JEUNE GARÇON AU TURBAN AVEC UN BOUQUET DE FLEURS, 1655
Drapé dans un manteau azur
il regarde ailleurs
écharpe rouge
et manches blanches à bouffants
Le corps entier dans la main
féminine
qui tient le bouquet de fleurs
Le petit doigt plus en arrière
rien de viril
Les lunules de ses ongles brillent
L’autre main
avalée par sa poche
Craintes
Tremblements
Effluves
Traduction inédite d’Angèle Paoli
>>>>>>>>SUITE
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Fabio Scotto, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, X
Michel SWEERTS
Jeune garçon au turban avec un bouquet de fleurs, v. 1655
Huile sur toile, 76,4 x 61,8 cm
Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
Tous droits réservés
Source
MICHEL SWEERTS, MUCHADO CON TURBANTE Y UN RAMILLERE DE FLORES, 1655
Avvolto in un mantello azzurro
guarda altrove
fusciacca rossa
e maniche bianche a sbuffo
Tutto il corpo nella mano
femminile
che regge il mazzolino di fiori
Il mignolo più indietro
nulla di virile
Brillano le lunule delle unghie
L’altra mano
sparita sotto il calzoni
Timori
Tremori
Odori
Fabio Scotto, « Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid », Bocca segreta, Poesie 2004-2007, Bagno a Ripoli (Firenze), Passigli Poesia, 2008, p. 52.
MICHEL SWEERTS, JEUNE GARÇON AU TURBAN AVEC UN BOUQUET DE FLEURS, 1655
Drapé dans un manteau azur
il regarde ailleurs
écharpe rouge
et manches blanches à bouffants
Le corps entier dans la main
féminine
qui tient le bouquet de fleurs
Le petit doigt plus en arrière
rien de viril
Les lunules de ses ongles brillent
L’autre main
avalée par sa poche
Craintes
Tremblements
Effluves
Traduction inédite d’Angèle Paoli
>>>>>>>>SUITE
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