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  • Marie Dufon-Roche | Oser vouloir | Georgina Bazé, une femme dans l’Histoire | Lecture d’Angèle Paoli

     

    Marie Dufon-Roche, Oser vouloir| Georgina Bazé, une femme dans l’Histoire
    Éditions Marie Romaine 2023
    Lecture d’Angèle Paoli

     

    OSER VOULOIR

     

    Georgina Bazé ou comment changer sa vie en destin.

     

    Elle se nomme Georgina Bazé. Jusqu’à ces derniers jours, j’ignorais tout de son existence. Je découvre son destin de femme à travers le récit de son arrière-petite-fille, Marie Dufon-Roche. L’ouvrage, une biographie historique, s’intitule Oser vouloir et porte en sous-titre : « Georgina Bazé, une femme dans l’Histoire ».

    Marie Dufon-Roche se penche avec une grande précision sur toutes les données historiques qui vont structurer son récit, fait de violences, de massacres et de ruptures tout en explorant les archives familiales qui donnent chair à son héroïne. Elle élabore ainsi un tissage savant qui combine les deux dimensions. L’Histoire dans laquelle s’ancre la vie de sa bisaïeule. Une vie qui se change en destin.

     

    Née un 2 octobre 1859 à la Nouvelle-Orléans, Georgina Bazé va vivre plusieurs vies dans sa vie. Une enfance heureuse suivie d’une tranche de vie terne et vide, à laquelle elle se sent étrangère. Mais l’ennui constant et le désarroi font soudain place à une vie trépidante, faite de péripéties multiples, de rebondissements et d’actions en tous genres, d’engagements et de services. Georgina se lancera même en 1930, entraînée par le troisième homme de sa vie, dans le Théâtre ambulant pour les enfants. Elle sera costumière. Elle ira, dans ses vieux jours, jusqu’à faire des ménages. Rien ne la rebute du moment qu’il s’agit de « servir » autrui. Jamais elle ne se plaint des conditions de vie qui sont parfois les siennes, du manque d’argent qui la touche parfois aussi. Jamais elle ne quémande d’aide à qui que ce soit, pas même aux deux hommes avec qui elle a tant partagé. Ses deux amis de cœur d’action et d’âme que sont Fréderic d’Ange d’Astre et William Gwin. Lesquels, fervents admirateurs de son rayonnement, de son originalité, de sa constance et de sa force intérieure l’aideront dans ses choix et la suivront partout où ses choix la conduiront. Quant au premier homme, ce mari austère qui lui a été imposé et qu’elle n’a pas aimé, elle s’en émancipera en l’abandonnant à son sort de négociant en vin et spiritueux et à son incompréhension. Joseph Roche n’a en effet jamais compris sa femme du temps où il partageait avec elle son domaine et son lit ; il ne la comprendra pas davantage dans sa désertion et son absence.

    Georgina Bazé connaîtra successivement la Guerre de Sécession, l’exil qui la conduit d’Amérique en France, des exils successifs et personnels. Elle changera de nom, abandonnera ses deux fils à leur institution et à Joseph Roche, son époux ; elle s’enfuira avec Odette bébé, à qui elle veut épargner le sort qu’elle a elle-même subi. À la naissance d’Odette en 1888, elle rompt définitivement avec la vacuité de son existence. Cette nouvelle naissance lui donne la force de briser le cercle qui la tient prisonnière. Et de donner naissance à une nouvelle femme, toute d’énergie et de désirs. Une battante et une combattante. Partir est désormais une question de survie.
    De Bordeaux elle partira incognito à Paris, retournera aux États-Unis où elle suivra avec enthousiasme à Washington les préceptes théosophiques Bahá’ie, sans toutefois renoncer à sa propre religion. Donner une cohérence à sa vie, servir autrui sans préjugé ni de race ni de religion, réconcilier science et raison, c’est cela qu’elle cherchait désespérément au Domaine marital et qui se présente enfin à elle. Parce qu’elle a osé. Osé s’affranchir de liens qu’elle n’a pas choisis, osé laisser derrière elle une vie sans horizon autre que celui qui lui a été imposé : être madame Georgina Roche et n’être que cela. Elle est libre, enfin, libre de s’engager sur les fronts où l’on a besoin d’elle. C’est là désormais que se jouera son destin.

    « Elle a enfin trouvé dans cette foi bahá’ie la voie d’exigence qui justifie le chemin parcouru. Le choc est profond. Les idées progressistes de cette foi rassemblent ce qui l’anime depuis si longtemps. »

    Au printemps 1904, Georgina se rend en Palestine – à Akka (Acre aujourd’hui). Ce qui la tient au plus profond d’elle-même, c’est de mettre en pratique les principes de sa nouvelle foi. Œuvrer enfin auprès des plus démunis. Dès lors, elle ne cessera plus de partir et de revenir.
    L’enfance est bien loin, les jours heureux des parfums et des couleurs inoubliables de la Nouvelle-Orléans aussi, qui continuent de l’habiter comme l’habite encore le souvenir des femmes fortes qui ont bercé ses jeunes années. Car les femmes autour d’elle ont été des femmes fortes. Des femmes indépendantes par la force des choses et par une vie rythmée par les conventions sociales de leur temps. Ce sont elles qui ont façonné le caractère de la fillette et c’est auprès d’elles que Georgina trouvera mentalement un appui solide. Lequel lui servira d’exemple dans sa vie d’adulte et dans ses choix personnels.
    De retour en France, elle s’engage à la Croix Rouge (1905). En 1910 à Paris, elle vole au secours des sinistrés de la crue centennale de la Seine. Elle voyagera, d’un champ de bataille à l’autre, traversant sans fléchir les affres des deux grandes guerres. Elle suivra les armées en tant qu’infirmière-major, soutiendra à Constantinople les femmes ottomanes en lutte pour leur émancipation. Elle accomplira les nombreuses missions françaises qui lui sont confiées, de Compiègne à Salonique, puis dans les Balkans, sur le front d’Orient. Elle servira sous le nom de baronne d’Ange d’Astre, infirmière-major de l’UFF*. Elle sera décorée à plusieurs reprises pour les nombreux services rendus auprès des combattants. Mais la baronne d’Ange d’Astre n’est attachée ni aux honneurs ni aux décorations et son titre lui sert surtout à obtenir les ressources dont elle a besoin pour mener à bien ses missions. En juin 40, Georgina comme nombre de ses compatriotes, connaît l’exode. En 1942, arrêtée à Grasse, elle est envoyée dans un camp de la Drôme, à Dieulefit. Elle y reste avec son compagnon de quarante années de vie commune, William Gwin, jusqu’en 1944. Date de sa libération. Georgina Bazé est au bout de sa vie. Elle meurt en 1946, âgée de 87 ans :

    « Quarante ans ensemble. Je ne sais comment je vais supporter sa perte. » Ainsi s’exprime William Gwin en 1946.

    Pour arriver à reconstituer avec précision et objectivité la vie complexe et trépidante de sa bisaïeule, Marie-Dufon Roche s’est longuement penchée sur tous les documents dont elle disposait. Correspondance familiale et archives. Articles de journaux et carnets. Témoignages divers, des deux hommes qui se sont attachés à sa vie, de soldats l’ayant côtoyée au front, de coupures donnant son signalement. La correspondance riche et variée, permet de suivre Georgina dans ses déplacements et dans ses épreuves, dans ses engagements de femme mais elle est également constituée de silences qui laissent encore place au mystère. Car Georgina est une femme secrète, qui répugne à se répandre et à parler d’elle-même. La correspondance avec sa fille Odette est importante, mais elle se réduit souvent à quelques mots. Toujours très tendres. « Love and kisses ». Odette reçoit aussi des lettres en anglais très affectueuses de celui qui fut longtemps, à son insu, son père adoptif, Frédéric d’Astre. Georgina nourrit un échange important avec Joseph Peyramale, cousin par alliance de Bordeaux. Ce cousin est le lien qui la relie à ses fils. Odette sera le lien fort qui se tissera à nouveau avec ses frères, André et Emmanuel. Grâce aux deux fils Roche dont elle est issue, Marie Dufon-Roche a pu reconstituer une part de la vie de sa bisaïeule et redonner vie aux racines qui avaient été coupées.

    Au-delà de l’admiration que je peux nourrir pour Georgina Bazé, je ne peux qu’être bouleversée par l’attitude des deux fils abandonnés, tout juste adolescents. La force avec laquelle ils ont surmonté l’épreuve au long cours de la rupture et supporté la douleur qui l’accompagne me touchent. Ainsi que leur grande dignité. Par-delà l’absence et la déchirure, ils ont aimé leur mère. Et quelle plus grande preuve d’amour que d’avoir respecté une vie et des choix où eux-mêmes n’entraient pas ?

    *Union des Femmes de France

     

    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angelepaoli

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    DUFON-ROCHE Marie

     

    Marie Dufon-Roche,  Angliciste, ex-professeur en collège, après une longue fréquentation des bibliothèques jeunesse, trouve un intérêt particulier à l’écriture critique,
    elle s'attache à révéler des parcours de femmes inspirantes. Elle collabore à  → NVL, la revue de littérature jeunesse. 

    Voir aussi librairie  → Arthaud 

     

     

     

  • Laurence Bouvet | Dans le tremblement du seuil

    << Poésie d'un jour

     

     

     

     

     

     

     

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    Photo de Laurence Bouvet 

     

     

     

    L’éternité ne tenait qu’à un fil

     

    Dans la poche où nous rangions
    Nos accessoires pour la vie

     

    Deux ou trois boulons quelques écrous
    Des clous et des planches
    Une pince et un marteau
    Des fils à rafistoler
    Nos suppliques et nos vœux

     

    Nous avions le nécessaire
    Dans la stricte imprécision
    Du marcheur sans voyage

     

    Bouvet Lo

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Laurence Bouvet, Dans le tremblement du seuil, Dessin de couverture : Jean-Louis Guitard, Éditions Unicité, 2023, p. 48

     

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    LAURENCE    BOUVET

    Laurence_Bouvet_Setka_Film_moyen
    Ph. d'après Setka films

    ■ Laurence Bouvet
    sur Terres de femmes ▼

    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Ce vers quoi
    → (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Laurence Bouvet (+ un poème extrait de Comme si dormir)

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur La Pierre et le Sel« Laurence Bouvet, poésie en vie », un article de Pierre Kobel
    → (sur La Pierre et le Sel« Comme si dormir », un entretien de Laurence Bouvet avec Pierre Kobel (28 mai 2013)
    → (sur Recours au poèmeune notice bio-bibliographique sur Laurence Bouvet

     

  • Lucebert | Tout est dans le monde

        << Poésie d'un jour

     

                                                                                                                                                                        

    GALETS-

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ph. : G.AdC 

     

     

    ÉTÉ INDIEN

    dans l’herbe j’ai déposé mes armes
    et mes armes prennent le parfum de l’herbe
    dans l’herbe j’ai déposé mon corps
    mon corps est parfumé comme le bois amer et doux

    être allongé ainsi allongé dérisoire aérien
    comme une photo jaunie posée sur l’eau
    qui brille recoquillée sur les vagues
    où près de la forêt empoussiéré de corps et d’ombre

    oh grand souffle ne laisse pas encore les pierres se lever
    ne rends pas encore leurs joues lourdes leurs yeux
    plus petits plus lunettés et plus gris

    laisse aussi les amants allongés et de même silence
    noir entre leurs oreilles argentées et oh
    laisse le temps aux filles d’apprêter leurs plumes et de sourire

     

    Téléchargement

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lucebert, Tout est dans le monde, Anthologie poétique et Dessins de l’auteur, Vignette de couverture de Lucebert,

    Traduction du néerlandais par Kim Andringa et Daniel Cunin, Éditions Unes 2022, p. 95.

    Voir →  Wikipedia

     

     

  • Christian Bobin | Les poètes sont des monstres

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

     

    LARGE

     

     

     

     

     

     

     

     

    " Nous ne sommes pas seuls."  Ph. : G.AdC 

     

     

     

         À l’état de détresse répond l’état de poème.
    La réponse est entière. Le poème oppose un
    front de cristal à la vague noire. Il n’explose
    pas. Sa fragilité le rend invulnérable. Nous ne
    sommes pas seuls. Si le poème dit une vérité,
    c’est celle-là : nous ne sommes pas seuls. Les
    vrais poètes sont les êtres les plus sensibles
    aux mouvements des plaques tectoniques de
    l’invisible. Les vrais poètes, ceux dont la parole
    incise le ciel.Tomber sur un mauvais livre de
    poésie, dit Anna, c’est être à jamais dégoûté des
    poèmes. Le vrai poète se reconnaît à la puissance
    du trait. Ce qui sort du cœur et parfois n’est même
    pas écrit. Traquée avec son mari, Nadedja est
    accueillie par une famille. Quand la porte s’ouvre,
    au milieu de tous les dangers qu’elle prend,
    leur hôtesse les accueille comme du bon pain,
    bras ouverts, riante. « C’est alors que je compris
    que la seule chose vraie en ce monde, c’étaient
    les yeux bleus de cette femme ». Peu de poèmes
    atteignent aussi vite cette hauteur-là.

          La Russie est mère de tous les poèmes, bordés
    par elle chaque nuit d’un drap de neige. Nous
    avons, en France, Marceline Desbordes-Valmore.
    Elle est, avec les chants aztèques de Catherine
    Pozzi, leur construction pyramidale, ce que notre
    pays a offert de plus pur sur l’amour. Une plainte,
    mais délivrée de son bourreau. Un chant devenu
    lumière, montant au soleil. Anna Akhmatova, à
    la fois mâle et femelle, incarne la figure de la
    colère du ciel, une colère sèche, non sentimentale,
    l’arrivée en pleine nuit d’hiver de l’amour implac-
    able, ses coups à la porte. Un pays est sauvé par
    ses poètes. Beaucoup sera pardonné à l’Amérique
    pour avoir abrité l’étrange Emily Dickinson.
    Supprimez tous ces gens qui passent leur vie à
    chercher le mot le plus proche du ciel ou de l’enfer,
    et vous vivrez dans les ténèbres.

     

     

    Bobin monstres

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Christian Bobin, Les poètes sont des monstres, Éditions Lettres Vives,
    Collection entre 4 yeux, 2022, pp.41, 42, 43,44, 45.

    Voir aussi Christian Bobin sur  →  Tdf 

     

  • Jean-Louis Bernard | Héritage du souffle

     <<Poésie d'un jour

        

    VOYAGE-IMMOBILE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

      Photos: G.AdC 

     

     

     

                                                  

     

    Le vent faisait négoce
    des matins lents au long du fleuve
    congédiait
    le dénuement des mortes-eaux

    ses longues menées
    faufilaient le jour
    dans les pluies démêlées
    recousaient
    des lanières de brume

    il espérait aussi
    mettre les soifs en bouche
    et nommer le silence

    le vent a dispérsé
    les palabres des fontaines

    mais le ciel n’oublie rien

     

    Dans la forêt des signes
    un fragment d’inachevé
    pour guide

    le suivre

     

    chemin
    dans le langage
    dans sa nuit morcelée

     

    hommage
    à la parole qui s’efface
    au verbe
    épuisé dans le geste
    du feu et de l’eau

     

    épiphanie d’un songe
    sous la cendre des mots

     

     

    Souple le silence
    dans le soir
    veiné de glace

    regard flottant
    sur la neige
    imminence
    de la brûlure

    le blanc de l’air
    aquarelle les ombres
    en draperies secrètes

    sous le noirci des traces
    la durée piétinée

     

    Prends soin de
    l’impensable

    arpège ces jours
    aussi loin qu’un prodige
    aussi interminables
    que le repos des choses

    sois du côté
    du temps jadis
    et de la foudre

    séide fervent
    d’un monde sans empreinte

     

     

    Souffle 2

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean-Louis Bernard, Héritage du souffle, Éditions Alcyone|Collection Surya, 2023, pp.51, 52, 53, 54.

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    JEAN-LOUIS BERNARD 

    Jean-Louis Bernard 3

     

    ■ Voir sur Tdf ▼

    Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone, Collection Surya,  2019, Encre de Silvaine Arabo.

     

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone) la fiche de l’éditeur sur Cahiers des chemins qui ne mènent pas

     

  • D’une rive à l’autre | Quand les poètes traduisent les poètes | Direction Marie-Christine Masset | Lecture d’Angèle Paoli

     

     

    D’une rive à l’autre| Quand les poètes traduisent les poètes
    Direction Marie-Christine Masset
    Éditions Tituli 2023.

     

     

     

     D'une rive à l'autre | Quand les poètes traduisent les poètes

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    … « et ça restera prisonnier des mots que je mettrai à la place des vôtres… »

     

    D’une rive à l’autre. Un beau titre pour évoquer l’acte de traduire. Pour s’interroger sur le passage. Celui d’une langue originelle à une langue d’accueil. Publié par les éditions « Tituli », l’ouvrage a été mené par Marie-Christine Masset. On doit à la poète, traductrice des Aborigènes d’Australie, Le Versant noir, traduction des poèmes de Kevin Gilbert. Cet ouvrage a été publié en 2017 aux éditions du Castor Astral. « Subjuguée et intriguée par ce qui repose et œuvre dans un livre traduit », Marie-Christine Masset s’est tournée vers les poètes. Vingt-et-un poètes, interrogés sur leur expérience de la traduction sont ici rassemblés par ses soins sous l’intitulé second : « Quand les poètes traduisent les poètes ».

    Ainsi entre-t-on dans l’univers multiple de la traduction. Multiple, car il y a autant d’approches de la traduction qu’il y a d’écritures poétiques. Autant de sensibilités différentes que de manières d’être au monde dans le rapport que chacun entretient avec son semblable et avec la poésie. L’ensemble donne l’impression d’un kaléidoscope mouvant dans lequel se déplacer est à la fois très singulier et fascinant. Singulier parce que le lecteur passant d’un poète à un autre passe en un rien de temps d’une galaxie à une autre, laquelle n’a souvent que peu de choses à avoir avec la précédente. Mais aussi déconcertant, comme peut l’être un poème ou une écriture qui déplace les frontières intimes de tout lecteur. Fascinant, parce que le recueil offre un voyage inédit, une traversée au long cours, à travers mondes mots images perceptions approches méthodes. Et la lectrice de voyager ainsi, d’un univers poétique à un autre, lequel est alimenté par des lectures, elles aussi multiples, et de naviguer de découverte en découverte. Chemin faisant, chaque poète, traducteur et traductrice, livre une part précieuse de lui-même. Ainsi les textes proposés ouvrent-ils sur des formes diverses. Témoignages, histoires personnelles et biographiques, expériences et démarches, approches analytiques et comparatives, motivations et perspectives. Certains textes, difficilement classables, échappent cependant à des catégories littéraires bien définies, davantage proches de l’imaginaire et de l’écriture poétique. Ainsi des « Miroirs de l’âme » d’Andrea Moorhead, succession de courts paragraphes dans lesquels la poète entretient avec la personne qu’elle traduit de mystérieux conciliabules:

    « Comment distinguer votre parole du bruit ? Vos mots-cailloux, vos mots-crépusculaires comme des cailloux précaires. Le son percutant de vos phrases, le fracas de votre bataille me mènent loin de vos poèmes. Nous sommes dans une clairière anonyme. Ni vous ni moi n’osons parler. Ni vous ni moi ne serons capables d’exprimer notre joie… »

    Une fois ouverte « la boîte de Pandore », le monde de la traduction offre ses inépuisables facettes.

    Après s’être livré à « une lugubre diatribe » sur les failles profondes liées à la traduction de la poésie, Antonio d’Alfonso écrit que « le traducteur est l’interprète de l’inconnu, un voyageur dans le temps, un voyageur des langues et des pays. » Puis il ajoute : « Traduire, c’est voyager dans l’esprit du mot. » De sorte que traduire, c’est aussi voyager à la rencontre de l’Autre, de ce qui l’anime au plus profond et qui est souvent lié à l’enfance des mots. De son côté, Nathalie de Courson confie d’emblée : « L’espagnol est pour moi une langue de rondes, de saut à la corde, de prières enfantines qui me faisait réciter Marie Nieves avant de m’endormir : Angel de la guarda/ Dulce compañía / No me desempares /Ni de noche ni de día… ("Ange gardien/ Douce compagnie/ Ne m’abandonne/ Ni de jour ni de nuit…") ». Langue originelle, langue maternelle, langue natale. Au plus près de l’enfance. Pour Cécile A. Holdban, poète hongroise exilée en France, traduire a correspondu à un besoin vital. Celui, écrit-elle, « de revenir à ma langue natale, véritablement maternelle. Et traduire ces poèmes de Sándor Weöres qui ont tant bercé mon enfance, ce fut pour moi comme le retour de l’enfant prodigue vers le berceau de la langue. »

    Avec la maturité, le passage par l’enfance se transmue souvent en expérience plus profonde, liée au dépassement de soi. Qui est aussi ouverture vers l’Autre, différent de moi, et dont j’ai à apprendre et à découvrir. Cet « Autre » prend une place vitale dans le travail du poète André Ughetto, traducteur des poètes italiens Francesco Petrarca et Piero Bigongiari : « Il est la condition » de son « progrès – intellectuel et spirituel. »
    Dans l’itinéraire qu’elle livre d’elle-même, la poète roumaine Sanda Voïca évoque sa triple passion : LIRE ÉCRIRE TRADUIRE. Une trilogie indissociable aiguisée par la curiosité qu’exerçaient sur elle les traductions qu’elle se procurait, puis par la recherche exigeante des versions originales : « pour chercher "le manque" – l’absence la " présence" ailleurs – le lointain- pour me l’approprier ». Ainsi a-t-elle procédé pour traduire Georg Trakl, Garcia Lorca (espagnol-roumain devenu espagnol-français). Et Sylvia Plath. Toujours en s’aidant de l’original et de la version en langue roumaine. « Par besoin de … vrai, d’original, d’aller à la source. De complétude. »
    Pour Jean-Baptiste Para, « Traduire un poème est à chaque fois une expérience neuve. Même si l’on a déjà une longue pratique, même si l’on n’est pas novice. Chaque poète, chaque poème nous expose à quelque chose d’absolument nouveau qui nous reconduit à un état de nudité : on se sent démuni, et c’est dans cette condition qu’il nous faut trouver le chemin. On ne peut guère s’appuyer sur des acquis, peut-être même doit-on complètement les oublier. »
    C’est aussi mon sentiment. Lequel est poussé jusque dans ses extrêmes par Georges-Arthur Glodschmidt, cité en exergue par Alain Fabre-Catalan : « D’être traduit, le même devient autre. »
    Tenté lui aussi par l’expérience de la traduction du poète Georg Trakl, Alain Fabre-Catalan livre sa pensée dans un long texte que domine la métaphore filée de la barque. Texte où la lectrice se perd, pour son plus grand plaisir, dans les méandres qui la font basculer dans la poésie elle-même : « Le poème s’égare, à mesure s’invente, suspendu à cet autre rivage, ultime déraison dans le bleu coupant de l’air, une phrase s’achève au feu des lèvres, forgeant l’attente d’un visage échappé de mémoire. » Le poète se perd lui aussi dans ce hors temps de l’écriture, se laissant dériver dans un entre-deux qui le plonge dans le souffle ininterrompu de l’autre langue:

    « Le monde est sans retour, d’une rive à l’autre du fleuve poussant la barque comme à contre-sens, le poème retiré, lui seul touche à sa fin… »
    Ou encore : « Ce que j’écris se perd, me reste inconnu comme la première neige qui jalonne la route – née d’un lointain désaccord dans la perte des syllabes, l’enfance soudain aveugle le jour. »
    Et aussi : « Écrire, traduire, aller d’un bord à l’autre entre les rives d’un fleuve qui se perd pour renaître comme autant de résurgences, c’est déplacer les limites de la saisie des signes pour vérifier qu’il existe une faille entre les langues dans laquelle les mots s’abîment et finissent par se rejoindre dans leur commune étrangeté, au-delà de la clôture des significations établies. »

    Une autre métaphore sillonne les pages de ce recueil. Celle, fascinante et originale, de la baleine. Sous la plume alerte de Jean Portante, l’énorme cétacé se fait équivalence de la traduction : « La traduction est une baleine impatiente ». Tel est la définition annonciatrice de la réflexion du poète italo-luxembourgeois. Dont le propos, par le biais de cette métaphore, est de rapprocher « frontière » et « migration ». La figure de la baleine a permis au poète de façonner un mot-valise qui le guide dans son écriture et l’accompagne en permanence : le mot « d’effaçonnement », lequel combine, en un mouvement complémentaire et simultané (hélicoïdal, peut-être) l’effacement – de l’auteur – et le façonnage – du traducteur. Dans l’acte de traduire, « il n’y a pas seulement ce qui s’en va, mais également ce qui vient. » Quant à la baleine, symbole de la migration permanente et de la traversée des eaux sans préoccupation des frontières, elle est « celle qui nage dans tous mes livres. » Confie le poète. « Celle, même, qui m’a donné ma langue. » Pour Jean Portante, fils d’émigrés italiens, « la traduction est une migration. Un voyage. Et donc un passage de frontière. » Et le poète de s’interroger sur la migration d’une langue à l’autre, celle d’avant et celle d’après, comme il s’interroge aussi sur les raisons qui ont poussé jadis la baleine à quitter le sol de la terre ferme pour se lancer dans d’infinies migrations marines. De « l’effaçonnement » d’un mammifère terrestre au façonnage d’un cétacé marin, lequel n’est pas un poisson. Un très beau texte qui mérite à lui seul d’être médité, lu et relu, tant il est riche de références littéraires, lectures et images, d’analyses.

    Toute autre est, me semble-t-il, l’approche du sinologue Guilhem Fabre, pour qui traduire les poèmes de Liu Xiaobo – « rescapé du massacre du 4 juin 1989 – relève d’une éthique particulière : « il s’agit de recréer au plus près l’effet du poème original et des émotions qu’il dégage, à travers une restitution des images et une combinaison des sens et des sons des mots, portée par une autre langue. »
    La conception du poète québécois Pierre Nepveu rejoint en partie celle de Guilhem Fabre dans la mesure où, pour chacun d’eux, traduire s’ancre dans le politique. Pour le sinologue, réunir l’ensemble des poèmes de Liu Xiaobo, « composés sur vingt ans, en prison ou en liberté surveillée, de 1990 à 2009 » est une façon de perpétuer la mémoire des disparus au cours du massacre. Ainsi les Élégies du 4 juin rendent-elles compte de la circularité du temps et des anniversaires … et du silence qui l’entoure ». Mais pour lui, le traducteur se doit de visualiser au plus près les images de l’auteur, de pénétrer l’ensemble de ses sensations et de ses pensées, un peu à la manière d’un acteur qui revivrait la scène à l’origine du texte. Ici, dans les Élégies, la phase originelle est un massacre, avec, « en toile de fond » « un dialogue existentiel entre les vivants et les morts. »

    Pierre Nepveu, qui pratique « la traduction à double sens, du français à l’anglais et de l’anglais au français », affirme quant à lui : « Traverser cette frontière qui sépare le français de l’anglais a donc forcément à Montréal une portée politique : à une logique de la confrontation et de la pure résistance répond une pratique de la circulation et du dialogue. » Et le poète de faire sienne la formule du poète martiniquais Édouard Glissant : « Traduire… c’est se mettre « en présence de toutes les langues ». Pour Jacques Rancourt, autre poète québécois, sa rencontre avec la poète américaine Leslie Ullman (Grenoble 1989), a été déterminante. L’apprentissage de la traduction des poèmes d’Ullman lui a permis de s’aventurer dans des territoires inconnus et d’explorer les structures des poèmes « longs ». D’abord déconcerté par la longueur des poèmes de l’américaine ainsi que par les « ruptures de strophe et ruptures de sens », il n’en a pas moins poursuivi son travail d’analyse et de réflexion. Travail bénéfique qui l’a conduit à se lancer à son tour dans l’écriture de poèmes « longs ». Dont « Le corps de l’âme », présenté dans ces pages, est un exemple. Fondateur en 1983 de la revue internationale de La Traductière, Jacques Rancourt écrit, dans « La traduction et ses traces » : « À traduire, le plus difficile n’est pas la langue, c’est la poésie. Et pour traduire celle-ci, il faut la sentir. Dans ce cas, sentir la vie interne d’un poème long ».

    Traducteur de Lope de Vega, Ricardo Paseyro, Horacio Castillo, Leandro Calle, le poète Yves Roullière trouve dans les vers de Jean de la Croix, « la synthèse la plus parfaite de la poésie espagnole ». Parfaite parce que paradoxalement imparfaite. Tant au plan du sens que de la forme. Opposant à la continuité du vers pair français la discontinuité du vers impair espagnol, Yves Roullière propose la lecture d’une stance du poème mystique « Nuit noire », construit sur l’« endécasyllabe » (« par essence bancal, inachevé. »). Dans la poésie qu’il aime traduire, le poète dit choisir celle qui se rapproche de cette stance de Jean de la Croix. Ce qui lui permet aussi, dans ses propres poèmes, de jouer sur l’alternance des vers pairs (continuité française) et de la « discontinuité espagnole : joie éclatante et distorsion tragique entre espace et temps ».

    Dans le témoignage qu’il livre pour le recueil D’une rive à l’autre, Nicolas Richard, traducteur français de romans anglo-saxons, s’interroge sur l’impact que la traduction de romans irlandais (Mike Mc Cormack) ou américains (Thomas Pynchon, Jack Kerouac/Allen Ginsberg…) a eu sur ses propres récits. La réponse n’est pas définitive. Elle varie en fonction des auteurs lus, lus et traduits. Et ce traducteur de plus de 70 auteurs anglo-saxons, de confier : « Ma langue, celle que je parle, celle que j’écris, se constitue par stratifications perpétuelles, circonvolutions imprévues. »
    Pour Vénus Khoury-Ghata, qui se dit « atteinte de strabisme littéraire » (elle pratique elle aussi « la traduction à double sens », de l’arabe au français et du français à l’arabe), elle livre dans ce recueil un texte très bref mais drôle et plein d’humour. Selon la poète libanaise « Traduire revient à traverser les frontières entre deux langues comme entre deux pays, à payer une taxe, faite de manques et d’ajouts ».

    Quant aux motivations qui poussent vers la traduction, elles sont elles tout aussi diverses. Pour Béatrice Machet « c’est le goût de l’impossible qui a motivé souterrainement [sa] décision de traduire les auteurs indiens contemporains ». Et la poète d’expliciter, comme le fait aussi Guilhem Fabre, la méthode qui a été la sienne. Sous la grande diversité de plumes et de sensibilités, la relation à l’autre semble être le point émergeant qui relie entre eux les textes du présent recueil. Maram Al Masri condense cette vision des choses dans une formule claire et précise, qui touche sa cible comme une flèche : « Être le pont qui relie les êtres, c’est le but de la traduction. » Lui vient alors en mémoire une formule anglaise qui la réjouit : « Tranlation is a kiss behind the curtain ». Et pour étayer cette formule la poète livre une savoureuse histoire d’amour … et trois poèmes écrits en arabe et en français.
    On retrouve chez Cécile A. Holdban une image assez proche de la précédente qui fait du traducteur un passeur. Quelle est la motivation du passeur ? Sans doute y a-t-il autant de motivations que de traducteurs. Mais peut-être ces passeurs ont-ils eu « une volonté de transmettre une parole, une tonalité, une voix en laquelle ils ont reconnu la leur. » Et la poète d’origine hongroise poursuit avec cette image magnifique : « et sont ainsi devenus les voleurs du feu prométhéen de la langue. »

    « Traduire c’est partager ce qui a nourri, porté, et consolé. »

    On reconnaît dans le texte de Jeanine Baude, laquelle nous a quittés en 2021, le souffle de sa voix. Une voix de poète puissante, forte, musicale, marquée par les rythmes du jazz. Également passionnée par les arts plastiques, la voix de Jeanine Baude est accueillante à toutes les formes de créations et de langages. Emportée par son propre phrasé, nous n’en abordons pas moins à sa pensée, généreuse, bâtie sur l’ouverture. À l’autre, à son univers, à son histoire/Histoire. Pour la poète de OUI, la traduction est prolongement, partage, découverte d’horizons nouveaux. Et cela se fait dans la fascination et dans la joie.
    Du texte très bref de Katia Belavina traductrice de Seyhmus Dagtekin, je retiens cette affirmation que je trouve tellement vraie : « C’est le texte qui nous travaille ». Et en réponse à la poète russe, les mots de Seyhmus Dagtekin : « Pour Katia, qui connaît l’autre versant des mots ». Un versant ombreux, fait de métamorphoses, de vertiges, de circonvolutions qui entrainent l’autre dans un espace inconnu où sombrent le temps et les choses.

    Je terminerai ce papier, car il faut bien laisser encore à découvrir et à s’approprier, par le maelström dans lequel nous entraîne le très beau texte de Marilyne Bertoncini. Un texte vertigineux, construit sur des rebondissements multiples. C’est sous la plume de Marilyne que l’on trouve l’image ici exubérante de « la boîte de Pandore », accompagnée des sortilèges qu’elle délivre. Le texte prend la forme d’un « extrait de correspondance » dont l’interlocuteur est un certain W. La question qui vient d’emblée à l’esprit est la suivante : s’agit-il, comme dans nombre de récits littéraires d’une invention et d’un subterfuge ? Ou au contraire d’un échange épistolaire réel. Peu importe d’ailleurs, car la lectrice est embarquée dans un enchâssement de récits qui commence avec le Gordon Pym d’Edgar Poe dans la traduction de Baudelaire (on retrouve sous la plume du poète américain l’image du « rideau », différente cependant de celui de Maram al Masri), se poursuit dans la spirale du maelström. Laquelle s’empare de la lectrice dans une sorte de rapt, renversement ravissement qui la met en présence de l’Ulysse de Dante, descente aux Enfers, chute, tourbillons de mots et de sens qui conduisent droit sur l’Extase de Sainte Thérèse du Bernin, de là à La confession d’un masque de Mishima mis en présence du Saint Sébastien de Guido Reni. Autant d’exemples qui font se rejoindre érotisme et mysticisme. De quoi s’égarer à en perdre haleine, d’autant que dans cette tempétueuse évocation, la poète, prise dans les mêmes mouvements paradoxaux que sa lectrice, happée par les poèmes de W, se perd elle aussi dans le passage d’un cerveau à un autre, celui du poète qu’elle découvre et le sien:

    « J’étais non pas dans la barque sur l’abîme océan, mais dans le gouffre insondable de votre cerveau, et non plus dans le mien. » … « si bien que je ne savais plus ce qui était de moi et ce qui vous appartenait : tout était mélangé- les mots que j’entendais, ceux qui apparaissaient sur l’écran, et ceux que je pensais, dans la langue où ils allaient naître et s’envoler dans l’infinie spirale où je me perdais… »

    Poe Dante Bernin Mishima Reni Baudelaire Blanchot/ Pym Ulysse Sainte Thérèse Saint Sébastien, un texte qui interroge le transport, érotique et sensuel, violence et mysticisme, le caractère impudique et indécent, voire obscène, de s’introduire dans les mots de l’autre.

    « N’y a-t-il pas quelque chose de profondément éhonté – indé/sens, dans le fait d’user des mots – les mots d’un autre – de les écrire, pour les faire passer dans votre langue, et en jouir tandis qu’on les traduit, dans le but de les donner à lire pour provoquer le plaisir d’autrui ? » interroge la poète.

    La lectrice que je suis reconnait ici l’univers baroque de la poète et son écriture passionnée, laquelle en effet produit (chez moi) le plus grand plaisir. Alors oui, tant pis s’il faut en passer par le dépiautage la dénudation le « vampirisme linguistique ». Cependant je ne me souviens pas avoir jamais été en situation de transe autre qu’intellectuelle. Mais sans doute est-ce déjà beaucoup. Le plaisir des mots remonte très loin dans nos mémoires. C’est un plaisir solitaire et sensuel avant d’être un jour partagé avec d’autres. Ainsi les mots de Marilyne Bertoncini rejoignent-ils aussi en partie ceux de Cécile A. Holdban lorsqu’elle écrit, s’adressant à W :

    « À l’intérieur/à travers vos mots, quand je traduis, je reconnais quelque chose qui est déjà en moi, quelque chose que j’ai toujours su, et qui sonne et résonne étrangement, parce que ce sont vos propres mots, c’est votre voix que j’entends et ressens de l’intérieur de moi – et ça restera prisonnier des mots que je mettrai à la place des vôtres… »

    La phrase n’est pas finie. Elle poursuit son flux dans le prolongement de ce qui a été dit à mi-mots, avant de retrouver une tonalité plus conventionnelle qui remet sur la voie de l’échange épistolaire. Avec ce ça de la voix de Marilyne Bertoncini qui a capturé la mienne.

     

    ANGELE NB

     Angèle Paoli / D.R. Texte angèlepaoli

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    MARIE-CHRISTINE  MASSET 

    Masset

     

    ■ Marie-Christine Masset
    sur Terres de femmes ▼

    → [Le chemin ne changera rien]
    → Visage natal
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Rêve

    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de l'Agence régionale du Livre | Provence-Alpes-Côte-d'Azur) une fiche sur L’Oiseau Rouge | The Red Bird

     

     

     

  • Carine Adolfini | Les Cloisons Souples

    <<Poésie d'un jour

     

     

     

    JOUR NUIT

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    " Ainsi s’en va le jour  Ainsi se lève la nuit "

    Photo : G.AdC 

     

     

    Un crépuscule, crispé de funérailles.
    Silence d’aromates, petit parme étoilé comme un
    violet qui se défait.
    Sur le dernier souffle la nuit respire et se croise au
    jour en bouquet.
                    -Quelle main a soulevé le jardin maintenant
    rose pâle ?

    Presque sans mot trempés d’eau morte, taillis,
    la fin faux pli, trace des brèches vives.

                     -Quand le soir sème le vide on dirait qu’il
    efface ton nom.
                     -Comme au jardin oui, un peu de peau aussi
    et de bruit.
    Ça s’enroule de rien.

                      Ainsi s’en va le jour
    dans un brasier d’odeurs muettes, du soleil dans la
    main, dans les narines du romarin, ça divise la
    menthe et fait palpiter le thym.

                      Ainsi se lève la nuit
    sur un rapprochement de lèvres, un souvenir de
    sève, tout s’allume et s’éteint sur ce même chemin
    où crépite l’éternelle vérité du lien.

     

     

    Cloisons 2

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Carine Adolfini, Les Cloisons Souples, Arzilla Éditions,2022, p.42.

     

     C A R I N E   A D O L F I N I 

    Carine  Adolfini

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  • Clément Bollenot | Ici l’horizon

    << Poésie d'un jour

     

     

     

    Terre mer_dbrisson

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Aquarelle de Dominique Brisson  /  Source 

     

     

     

     

    ici
    on apprécie ceux qui arrivent sans faire de bruit
    ceux qui se fondent dans le paysage
    ceux qui ne laissent pas de traces
    dans le creux des chemins

    l’horizon est une ligne brisée
    par la dureté de l’éclat gris des roches
    impassibles sentinelles
    sur le front de la tempête
    comment comprendre
    la force de ce qui pousse sur ces pierres
    arrosées de pluie
    battues par les vents
    étouffées par les brumes ?

    ici
    il suffit d’un jour ou deux pour faire le tour
    et revenir à son point de départ
    les sentiers ne sont pas balisés
    pourtant
    impossible de s’égarer
    sur l’île
    on finit toujours par retrouver son chemin
    où que l’on pose les yeux
    la mer est partout
    d’Iroise
    Manche
    Atlantique peu importe
    une terre finie
    entourée d’eau
    ça suffit pour faire une île ?

    l’horizon est une fente
    sur laquelle courent les doigts de la lumière
    il n’est pas question de ciel
    les ombres portent les ombres
    les algues noires
    reflètent le fond des choses
    fusionnés aux roches coupantes
    pas question de ciel
    sinon
    à quoi bon ?

     

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    Clément Bollenot, Ici l’horizon, Aquarelles de Dominique Brisson, le chat polaire.

     

  • TdF sommaire du mois de septembre 2023 / N° 224

     

                  

                  TDF SEPTEMBRE 2023

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Image: G.AdC

     

     

    ♦ SOMMAIRE DU MOIS DE SEPTEMBRE 2023  ♦

    Cartouche du N°224 de Terres de femmes / septembre 2023

     

           

             Leslie Ullman |Jacques Rancourt | Places I circle back to | Lieux auxquels je reviens

             Angèle Paoli | De la colère à l'espoir, un cheminement | Oversatt til norsk av Naïd Mubalegh

             Sarah Laulan | grottes de Jeita – Éblouissante érosion

             Étienne Orsini | Homme de peu de poids

    Luce Guilbaud | Une leçon de présence | Lecture de Caroline Meunier (Calou Semin)

    Raluca Maria Hanea | Disparition initiale

    Marie-Clotilde Roose | EN MINUSCULES

    Emmanuel Moses | Motets | Lecture d'Angèle Paoli

    Luce Guilbaud | Une leçon de présence

    James Sacré | Une fin d'après-midi continuée | Trois livres "marocains"

    Marc Alyn | Forêts domaniales de la mémoire

    Pierre Dhainaut | Retour sur écoute

    Roland Reutenauer | Une inconnue de passage

    Béatrice Libert | Poèmes en quête de nuits douces

    Marie Tavera | Le galop de la neige

    Mérédith Le Dez | Alouette | Lecture de Marie-Hélène Prouteau

    Stéphane Chaumet | La Traversée de l'errance

    Anita J. Laulla | Les anges ne sont pas des anges

    Cécile A. Holdban | Toutes ces choses qui font craquer la nuit

    Emmanuel Moses | Motets

    Martine-Gabrielle Konorski | Poèmes inédits

    Patrick Quillier | D'une seule vague | Lecture d'Angèle Paoli

    Territorii Vox | Performance | Valérie Giovanni | Mathea Rafini | Isulatine | Paulu Santu Parigi / Angèle Paoli, sur le vif

    TdF sommaire du mois de juillet 2023 / N° 223

    Cartouche du sommaire du mois de juillet 2023 ( N° 223) 

                            

     

     ♦  Voir le  →  répertoire chronologique de tous les numéros

  • Terres de femmes n° 224―septembre 2023

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    du numéro du mois de juillet 2023

     

     

     

    TDF SEPTEMBRE 2023

     

     

     

    Image: G.AdC

    Responsable de la rédaction :  Angèle Paoli
    Coordination éditoriale et mise en pages :  Yves Thomas  ( † 2021 ) 
    Direction artistique et mise en images : Guidu Antonietti di Cinarca:  (G. AdC )