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  • Mare è monti

    Journal




    Noir
    D.R. Ph. angèlepaoli




    MARE È MONTI

        Escapade du matin ciel voilé les maisons closes de la marine attente de l’hiver odeurs premières de l’automne premiers feux quelques vieux s’attardent encore ne se résignent pas à partir les fumées montent au-dessus des toits c’est le temps du raisin des grappes généreuses sur la treille odeur d’algue roussie à mes narines je me laisse bercer par la vague régulière houle légère ourle la plage au large à peine visible une barque de pêcheur la chape lourde des nuages noirs au-dessus des montagnes un soleil chaud caresse douce s’insinue sur la peau halo sur le soleil d’hier soleil d’Asie noyé dans des brumes insolites lumière grise rondeur parfaite à portée de main roue d’or sur l’horizon une embarcation minuscule traverse les ondes lumineuses s’immobilise dans l’axe horizontal tracé ― le clocher hisse son fuselage à l’aplomb ― souvenir improbable d’un minaret ancien Sainte-Catherine veille modestie parfaite sur la paix des hommes et des lieux ― et ces « regards » percés dans les lauzes dressées à quoi pouvaient-ils bien servir c’est cela qu’il lui demande mais elle ne sait que lui répondre ― elle a oublié aussi la mémoire des hommes pans de murs en ruine mangés par le lierre grimpant fenêtres ouvertes sur le ciel un petit voilier cabote toiles repliées dans leur tissage longues brasses coulées depuis le quai jusqu’au rocher là-bas de Canarese bonheur de ses bains solitaires de ses coulées longues dans le silence le clocher de Conchiglio égrène ses heures patiemment assise sur le rocher je goûte la fraîcheur de l’eau sur ma peau me glisse dans la frange d’écume bouillonnante ― les Blancs-Manteaux là-bas plongée dans l’univers éditorial si loin de moi loin du monde où baignent les autres loin des Blancs-Manteaux réveillent en moi des souvenirs lointains à peine sensibles en voie d’effacement ― les moines absents de leur passage n’ont laissé que leur nom souvenir vague d’une énigme crime et sang les visages se croisent les paroles s’échangent emplissent l’espace d’un bourdonnement inaudible qu’ont-elles dit de moi de moi qui plonge dans l’eau verte d’un vert d’émeraude sombre fraîcheur de l’eau saisit le corps coulée profonde hâte du retour vers le port là-bas à l’autre bout de la conque le petit voilier file ailes repliées il fait chaud et le sentier sent bon la menthe poivrée et la plage sent bon l’algue roussie et les galets crissent sous mes pas galets ronds et gris que nul ne vient plus déranger de leur ordre somnolence douce de l’arrière-saison une guêpe bourdonne se pose sur ma main le voilier cabote dans la chaleur du jour je plonge et plonge délice des coulées longues dans les reflets argents de la Punta Bianca.

    Ghjottani, le 12 octobre 2008

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • Conservatoire du Cap Corse de Canari (Haute-Corse)

    Agenda culturel de TdF



    Logo_du_cap_corse




    Le vendredi 17 octobre 2008 à 16h30
    est inauguré
    au couvent Saint-François de Canari (Haute-Corse)
    le Conservatoire du Cap Corse de Canari.





    Conservatoire_du_costume_corse__can
    Montage Ph., G.AdC




    Exemple unique de conservatoire sur toute la Corse,
    le Conservatoire du Cap Corse de Canari
    propose en permanence deux expositions :

    Une exposition « Costume traditionnel »
    Une exposition « Photographies anciennes »





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    Manu Mucci et Fabienne Ceccarelli
    dans des costumes de Rennie Pecqueux-Barboni
    Crédit Ph.
    Diana Lui




    Exposition permanente « Costume traditionnel »


        Sise dans les anciennes caves du couvent Saint-François (1506), l’exposition permanente « Costume traditionnel » du Conservatoire du Cap Corse de Canari est une création récente, unique dans l’île. Récemment restaurées, les caves abritent des mannequins habillés selon les usages en pratique dans la Corse du XIXe siècle. Neuf mannequins en tout, huit femmes et un homme, dont les costumes ont été réalisés par l’atelier de couture de l’Association Anima Canarese à partir des travaux de recherche de l’ethnologue Rennie Pecqueux-Barboni.

        La richesse des costumes et leur diversité varient en fonction du rang social des femmes. Mais la caractéristique commune de tous les costumes de femmes est le nombre de jupons qu’elles cachent en dessous leurs jupes. Sept au total, qui vont du jupon de nuit au jupon le plus élégant. Toutes, depuis la paysanne jusqu’à la riche villageoise, portent mantilles, fichus et foulards. Seule change, avec chaque région, la façon de nouer la coiffe. La cocarde épinglée sur le plastron est quant à elle réservée aux femmes mariées. Au milieu de toutes ces femmes, le berger. Un « pilone », lourd manteau en poil de chèvre (imperméable), recouvre pantalon de velours et gilet. Cette tenue ― qui est aussi celle du chasseur ― est complétée par une burette remplie de poudre et par un fusil.

        Dès 1890, sous l’influence de la mode française et de la mode italienne, le noir fait son apparition dans les tenues vestimentaires. Mais il faut attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour que la couleur noire se généralise et que disparaissent couleurs et fantaisies.

        Panneaux explicatifs et photos illustrent ce bel ensemble. Ainsi qu’une vidéo qui montre les diverses étapes de l’habillement des villageois(es), puis un défilé de mode devant l’église Santa Maria Assunta.

        Dans la boutique d’accueil, les visiteurs peuvent trouver affiches, cartes postales, bourses et bijoux. Sans oublier les poupées en costume traditionnel, habillées par les habiles couturières du village.





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    Pepita Marcantetti et son fils Joseph
    Crédit Ph. Collection Pepita Franceschi & Yvonne Mattei





    Exposition permanente « Photographies anciennes »


        Patiemment élaboré pendant cinq ans par Elizabeth Scaglia, le département photographique du Conservatoire du Cap Corse de Canari a été constitué à partir des collections particulières de familles du village. Reproduites sur support argentique, ces photographies constituent un fonds d’archives d’une exceptionnelle richesse.

        Projetées sur grand écran, les photographies sont consultables par tous à partir d’un pupitre d’ordinateur.

        Trois époques ont été à ce jour répertoriées :
    • Seconde moitié du XIXe siècle et début du XXe siècle ;
    • Autour des années 1920/1930 ;
    • Les années 1940/1950.

        Organisées par thèmes, les photographies comportent chacune une identification précise et l’indication de leur provenance.


    Angèle Paoli





    Ccc_st_franois_couleur
    ©Ph. Elizabeth Scaglia





    Partenariat du Conservatoire du Cap Corse de Canari :

    ► Commune de Canari
    ► Association Anima Canarese
    ► Association La Kanelate
    Projet réalisé dans le cadre du Programme européen Leader+, avec le soutien de la CTC (Collectivité Territoriale de Corse) et du Conseil Général de Haute-Corse.

    Pour tous renseignements, téléphoner au 04 95 37 80 17 ou au 04 95 37 13 90.




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  • Conservatoire du Cap Corse de Canari (Haute-Corse)

    Agenda culturel




    Le vendredi 17 octobre 2008 à 16h30
    est inauguré
    au couvent de Saint-François de Canari (Cap Corse)
    le Conservatoire du Cap Corse de Canari.



    Conservatoire_du_costume_corse__can
    Montage Ph., G.AdC




    Exemple unique de conservatoire sur toute la Corse,
    le Conservatoire du Cap Corse de Canari
    propose en permanence deux expositions :

    Une exposition « Costume traditionnel » ;
    Une exposition « Photographies anciennes ».





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    Exposition permanente « Costume traditionnel »

        Sise dans les anciennes caves du couvent de Saint-François (1506), l’exposition permanente « Costume traditionnel » du Conservatoire du Cap Corse de Canari est une création récente, unique dans l’île. Récemment restaurée, la cave abrite des mannequins habillés selon les usages de la Corse du XIXe siècle. Neuf mannequins en tout, huit femmes et un homme, dont les costumes ont été réalisés par l’atelier de couture de Canari à partir des travaux de recherches de l’ethnologue Rennie Pecqueux-Barboni.

        La richesse des costumes et leur diversité varient en fonction de la classe sociale à laquelle appartiennent les femmes. La caractéristique commune de tous les costumes de femmes est le nombre de jupons qu’elles cachent sous leurs jupes. Sept en tout, qui vont du jupon de nuit au jupon le plus élégant. Toutes, depuis la paysanne jusqu’à la riche villageoise, portent mantilles, fichus et foulards. Seule change, avec chaque région, la façon de nouer la coiffe. La cocarde épinglée sur le plastron est quant à elle réservée aux femmes mariées. Au milieu de toutes ces femmes, le berger. Un « pilone », lourd manteau en poil de chèvre (imperméable) recouvre pantalon de velours et gilet. Cette tenue ― qui est aussi celle du chasseur ― est complétée par une burette remplie de poudre et par un fusil.

        Dès 1890, sous l’influence de la mode française et italienne, le noir fait son apparition dans les tenues vestimentaires. Mais il faut attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour que la couleur noire se généralise et que disparaissent couleur et fantaisies.

        Panneaux explicatifs et photos illustrent ce bel ensemble. Ainsi qu’une vidéo qui montre les diverses étapes de l’habillement des villageois(es), puis leur défilé devant l’église Santa Maria Assunta.

        Dans la boutique d’accueil, les visiteurs peuvent trouver affiches, cartes postales, bourses et bijoux. Sans oublier les poupées en costume traditionnel, habillées par les habiles couturières du village.





    Aff_cccphotos





    Exposition permanente « Photographies anciennes »

        Patiemment élaboré pendant cinq ans par Elisabeth Scaglia, le département photographique du Conservatoire du Cap Corse de Canari a été constitué à partir des collections particulières des familles du village. Reproduites sur support argentique, ces photographies constituent un fonds d’archives d’une exceptionnelle richesse.
    Projetées sur grand écran, les photographies sont consultables à partir d’un pupitre d’ordinateur.

    Trois époques ont été répertoriées :
    • Seconde moitié du XIXe siècle et début du XXe siècle ;
    • Autour des années 1920/1930 ;
    • Les années 1940/1950.

        Organisées par thèmes, les photographies comportent chacune une identification précise et l’indication de leur provenance.


    Pour tous renseignements, téléphoner au 04 95 37 80 17 ou au 04 95 37 13 90.




    Ccc_st_franois_couleur
    ©Ph. Elisabeth Scaglia




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  • Rouges de Chine 10





    10_le_fou_rit_62






                   Le fou rit
                de sa dérision

                le peintre
                absent de sa toile
                abandonne au chant
                des bambous

                le silence de
                ses pinceaux

                et toi tu passes
                      de ton regard
                      délaces
                les  délires doux

                de la déraison







    D.R. Photo et texte : G.AdC/angèlepaoli
    Édition et mise en pages : Yves Thomas



    Retour à la Première de couverture de Rouges de Chine
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  • Rouge de ChineRouges de Chine 10





    10_le_fou_rit_62






                   Le fou rit
                de sa dérision

                le peintre
                absent de sa toile
                abandonne au chant
                des bambous

                le silence de
                ses pinceaux

                et toi tu passes
                      de ton regard
                      délaces
                les  délires doux

                de la déraison







    D.R. Photo et texte : G.AdC/angèlepaoli
    Édition et mise en pages : Yves Thomas



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  • 15 octobre 70 avant notre ère | Naissance de Virgile

    Éphéméride culturelle à rebours


        Le 15 octobre 70 [ou 71 ?] avant notre ère naît à Andes, près de Mantoue, Publius Vergilius Maro, dit Virgile.







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    Montage Ph., G.AdC
    Source








    VIE DE VIRGILE, PAR MAURICE RAT


        « Celui que nous nommons Virgile, et qui s’appelait en vérité Publius Vergilius Maro, naquit soit le 15 octobre de l’année 70 avant notre ère, sous le premier consulat de Crassus et Pompée, soit le 15 octobre de l’année 71, dans la petite ville d’Andes (aujourd’hui Pietola ?) à trois milles de Mantoue. Il appartenait donc par sa naissance à la Gaule Cisalpine, pays dont les écrivains se sont toujours signalés par des qualités d’élégance et de mesure. De son nom de famille Vergilius et de son surnom Maro on ne peut rien inférer de bien probant sur ses origines : on trouve des Vergilii en Étrurie, mais aussi dans des pays que colonisèrent les Etrusques : Campanie et Gaule cisalpine ; quant au surnom Maro, il est le titre officiel de certains magistrats étrusques. Peut-on voir dans un atavisme étrusque le goût qu’aura le poète pour les mystères de l’au-delà ? Ce n’est qu’une conjecture.
        Il était le fils, selon les uns d’un ouvrier potier, selon Suétone du fermier ou régisseur d’un certain Magius, de Crémone, lui-même appariteur d’un magistrat de Mantoue, qui lui donna sa fille en mariage. Par sa mère du moins, Virgile appartiendrait donc à une bonne bourgeoisie provinciale, comme leur appartenaient les Magii de Crémone. Cette Magia, dont le nom est cause peut-être que la légende médiévale fera du poète un mage et un sorcier, eut du père de Virgile deux autres fils, Silon et Flaccus, qui moururent prématurément, et l’on assure qu’elle eut un tel chagrin à la mort de son fils Flaccus qu’elle ne put lui survivre.
        Les premières années du poète s’écoulèrent dans la plaine bordée de petites collines, où serpentent les eaux vertes du Mincio : paysage doux, monotone, non dénué de mélancolie, sous un ciel fréquemment voilé, et qui s’accordait bien, semble-t-il, au caractère rêveur et triste de Virgile » […]


    Maurice Rat, Vie de Virgile, in Les Bucoliques, Les Géorgiques, Garnier Frères, Paris, 1967 ; G-F Flammarion, 1998, page 15.







        Épris de nature et de poésie, Virgile rédige Les Bucoliques qu’il publie en 37 avant notre ère. Suivent, neuf ans plus tard, Les Géorgiques. Un chef-d’œuvre.



    EXTRAIT


        Vaut-il mieux planter la vigne sur des collines ou dans une plaine ? C’est ce que tu dois d’abord examiner. Si tu établis ton champ dans une grasse campagne, plante en rangs serrés : si serrés qu’ils soient, Bacchus ne les fera pas plus lentement prospérer. Si, au contraire, tu choisis les pentes d’un terrain ondulé ou le dos des collines, sois large pour tes rangs ; mais qu’en tout cas l’alignement exact de tes ceps laisse entre eux des intervalles égaux et symétriques […]

        Que tes vignobles ne soient pas tournés vers le soleil couchant ; ne plante pas le coudrier parmi tes vignes ; ne tire pas la pointe des surgeons ni ne casse des plants au sommet de l’arbre (tant il a d’amour pour la terre !) ; ne blesse pas d’un fer émoussé les rejetons ; ne greffe pas entre les intervalles des oliviers sauvages. Car souvent d’imprudents bergers laissent tomber du feu, qui, après avoir furtivement couvé sous l’écorce grasse, saisit le cœur du bois, puis glissant jusqu’aux hautes frondaisons, fait retentir le ciel d’un énorme fracas ; puis, poursuivant sa course de rameau en rameau et de cime en cime, il règne en vainqueur, enveloppe de ses flammes le bocage tout entier et pousse vers le ciel une nuée épaisse de noire fumée, surtout si la tempête soufflant du haut du ciel s’est abattue sur les bois et si le vent augmente et propage l’incendie. Dès lors les vignes sont détruites dans leur souche, le tranchant du fer ne peut les rendre à la vie, ni les faire reverdir, telles qu’elles étaient sur ce fonds de terre : le stérile olivier sauvage survit seul avec ses feuilles amères.

        Que personne, si avisé qu’il soit, ne te persuade de retourner la terre encore raidie du souffle de Borée. L’hiver alors clôt les campagnes de son gel, et ne permet pas à la marcotte que tu as plantée de pousser dans la terre sa racine congelée. La meilleure saison pour planter les vignobles, c’est lorsqu’au printemps vermeil arrive l’oiseau blanc odieux aux longues couleuvres, ou vers les premiers froids de l’automne, quand le soleil dévorant n’a pas encore atteint l’hiver avec ses chevaux, et que l’été est déjà passé.

        Oui, le printemps est utile aux frondaisons des bocages, le printemps est utile aux forêts ; au printemps, les terres se gonflent et réclament les semences créatrices. Alors le Père tout-puissant, l’Éther, descend en pluies fécondes dans le giron de sa compagne joyeuse, et, mêlé à son grand corps, de son grand suc nourrit tous les germes. Alors les fourrés impénétrables retentissent d’oiseaux mélodieux, et les grands troupeaux rappellent, aux jours marqués, Vénus ; le champ nourricier enfante et, sous les souffles tièdes de Zéphyr, les guérets entrouvrent leur sein ; une tendre sève surabonde partout ; les germes osent se confier sans crainte à des soleils nouveaux, et, sans redouter ni le lever des Autans, ni la pluie que chassent du ciel les puissants Aquilons, le pampre pousse ses bourgeons et déploie toutes ses frondaisons. Non ce ne furent pas d’autres jours ― je le croirais volontiers ― qui éclairèrent le monde naissant à son origine première, ni une autre continuité de température : c’était le printemps, le printemps qui régnait sur l’immense univers, et les Eurus ménageaient leurs souffles hivernaux, quand les premiers animaux burent la lumière du jour, quand la race des hommes, race de fer, éleva sa tête au-dessus des guérets durs, et quand les bêtes furent lancées dans les forêts et les astres dans le ciel. Les tendres êtres ne pourraient supporter leur peine, si un répit aussi grand ne s’étendait entre le froid et la chaleur et si l’indulgence du ciel ne faisait bon accueil aux terres. […]


    Virgile, Les Géorgiques, II, 275- 345, op. cit., pp. 123-125.







    Gorgiques_virgile
    Wenceslas Hollar (1607 – 1677)
    Planche pour Les Géorgiques de Virgile
    35,1 x 21 cm
    Achenbach Foundation for Graphic Arts
    Fine Arts Museum of San Francisco
    Source






        Ci-dessous un extrait de la toute dernière traduction du Chant I de L’Énéide, par Dominique Buisset :




    Arma uirumque cano, Troiae qui primus ab oris
    Italiam, fato profugus, Lauiniaque uenit
    litora, multum ille et terris iactatus et alto
    ui superum saeuae memorem Iunonis ob iram ;
    multa quoque et bello passus, dum conderet urbem,
    inferretque deos Latio, genus unde Latinum,
    Albanique patres, atque altae moenia Romae.
    Musa, mihi causas memora, quo numine laeso,
    quidue dolens, regina deum tot uoluere casus
    insignem pietate uirum, tot adire labores
    impulerit. Tantaene animis caelestibus irae?
    Vrbs antiqua fuit, Tyrii tenuere coloni,
    Karthago, Italiam contra Tiberinaque longe
    ostia, diues opum studiisque asperrima belli ;
    quam Iuno fertur terris magis omnibus unam
    posthabita coluisse Samo; hic illius arma,
    hic currus fuit; hoc regnum dea gentibus esse,
    si qua fata sinant, iam tum tenditque fouetque.
    Progeniem sed enim Troiano a sanguine duci
    audierat, Tyrias olim quae uerteret arces ;





    Les armes et l’homme − de Troie… Je les chante !… celui qui, le premier, de ces rives, là-bas,
    Vint jusqu’en Italie, proscrit par le destin, jusqu’à Lavinium, prendre
    Terre… Il a été malmené, celui-là, tant et plus, et sur terre et sur mer,
    Par la violence des Très-Hauts, ― la cruelle Junon a la mémoire longue en sa colère !
    Il a souffert aussi tant et plus à la guerre, en cherchant à fonder sa ville
    et pour implanter ses dieux au Latium : d’où le peuple latin,
    Et nos ancêtres d’Albe, et puis, altière en ses murailles, Rome.
    Muse rappelle-moi les origines : quelle atteinte avait lésé son puissant vouloir divin,
    Ou de quoi avait-elle à se plaindre, al reine des dieux, pour avoir envoyé
    Rouler parmi tant de malheurs un homme à la piété insigne, et lui avoir fait affronter
    Tant de maux : y a-t-il dans les âmes du ciel de si grandes colères ?
    Il était une fois une cité antique (des colons tyriens l’occupaient) :
    Carthage, face à l’Italie, au grand large des bouches du Tibre,
    Riche en ressources, et très âpre aux arts de la guerre.
    Elle, on dit qu’elle était, pour Junon, plus que toutes les terres, la seule
    Où elle se plaisait, plaçant même après elle Samos : elle y avait ses armes,
    Elle y avait son char. Que cet empire-là s’exerce sur le monde, si jamais les destins
    Veulent bien : la déesse, dès ce temps-là, y met son soin et sa faveur.
    Mais voilà qu’elle avait entendu qu’une postérité naîtrait
    Du sang troyen, qui renverserait un jour la cité tyrienne !



    Virgile, Énéide, Chant 1, Action Poétique, Avant-dernier numéro, 2011, page 114. Traduit, préfacé et annoté par Dominique Buisset.



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  • Sandro Boccardi/Les Tempora

    «  Poésie d’un jour  »




    Dans_lincertaine_attente_de_ladoles
    Ph., G.AdC




                               II

    Estate, verdi ramarri al sole,
    trapunta di ricordi come d’erba i prati,
    il fieno sente i rebbi della forca,
    viene l’odore buono del rigoglio
    (erba salina bisiàda dal biss
    che la Madonna la benediss)
    *
    polvere e rovi e sul brusio dei gelsi
    smangiati dai bachi sulle stuoie
    il primo rintronare da levante.
    Anima nostra tessuta come il solco
    da grumi di radici nell’incerto
    aspettare dell’adolescenza…
    ma rimuovendo la pàtina del tempo
    velo di fiato sullo specchio, il morso
    le cicatrici dell’amore ancora
    gridano te.


    * erba salina bisiàda dal biss… : citation extraite d’une comptine à réciter pour conjurer le mauvais sort avant de mâcher les brins d’une herbe appelée salina, au goût acidulé.




                               II

    Été de verts lézards au soleil,
    piqueté de souvenirs comme d’herbe les prés,
    le foin sent les pointes de la fourche,
    flotte un parfum d’herbe fraîche
    (erba salina bisiàda dal biss
    che la Madonna la benediss)

    poussière et ronces, et dans le bruissement des mûriers
    mangés sur les claies par les vers à soie
    le premier tonnerre au levant.
    Notre âme tissée comme le sillon
    par les racines enchevêtrées, dans l’incertaine
    attente de l’adolescence…
    mais en ôtant la patine du temps
    qui embue le miroir, la morsure,
    les cicatrices de l’amour crient encore
    toi.

    Sandro Boccardi, Les Tempora (1978) in À l’heure des cendres, Poèmes 1978-2008, Cahiers de l’Hôtel de Galliffet, collection de littérature italienne dirigée par Paolo Grossi et Pérette-Cécile Buffaria, Edizioni dell’Istituto Italiano di Cultura, Paris, 2008, pp. 16-17. Traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli.




    Boccardi





    NOTICE BIO-BIBLIOGRAPHIQUE

         Né le 5 mars 1932 à Villanova Sillaro dans la province de Lodi, Sandro Boccardi vit à Milan. Passionné de musique, il a conçu et dirigé pendant trente ans, de 1976 à 2006, le festival international de musique ancienne et de poésie de Milan, « Musica e Poesia a San Maurizio ».
        Sandro Boccardi est l’auteur de plusieurs recueils poétiques :
        A dispetto delle sentinelle (1963), La città (1965) qu’accompagne une lettre de Carlo Bo, Durezze e ligature (1967), Ricercari (1973), Le Tempora (1978), Sonetti per gioco e rancore (2006). Il est également l’auteur de publications musicales, parmi lesquelles La musica antica (1994), Il concerto degli Angeli, Gaudenzio Ferrari e la cupola del Santuario di Saronno (1990) dont le texte a été repris sous le titre Celesti armonie par les éditions FMR.



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  • 14 octobre 1906 | Naissance de Hannah Arendt

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 14 octobre 1906 naît à Linden, gros bourg de Hanovre (Allemagne), Hannah Arendt.







    Hannah_arendt
    Source







        « Hannah, Johannah pour l’état civil, naît à la maison, comme c’est l’usage à l’époque, le dimanche 14 octobre 1906, à 21h30, après vingt-deux heures de contractions. La maman, dans un cahier intitulé Unser Kind, « Notre enfant », conservé dans les Archives Arendt, à la bibliothèque du Congrès, à Washington, a retranscrit par le menu l’évolution du bébé à partir du 3 décembre 1906. Ce journal, sorte de cahier d’écolier, est un document manuscrit où Martha notait l’évolution physique et psychologique de sa fille. Il a accompagné Martha jusqu’aux États-Unis et Hannah Arendt l’a précieusement conservé. Hannah, dès ses premières semaines, est atteinte d’eczéma. Sa mère lui trouve bien des défauts : des mains et des pieds trop grands, une voix rauque, une certaine excitation.
        Hannah fait ses nuits dès sa naissance. Adulte, elle conservera le plaisir de ce ressourcement dans le sommeil. Elle sourit à la sixième semaine, « rayonne » dès la septième. La mère aime beaucoup ce mot. Hannah, toute petite, manifeste ses émotions : elle rit aux chansons joyeuses, pleure aux sentimentales. La mère note qu’elle a besoin des autres : « Elle n’aime pas être seule. »
        À onze mois, Hannah chantonne beaucoup, avec une forte voix. À douze, elle adore rester à côté du piano, écouter et chanter. À quinze mois ― c’est tôt ! ―, elle sait répondre à la question « qui es-tu ? ». À deux ans et demi, on la prend pour une enfant de quatre ans. Son tempérament est très vif, très joyeux, sa curiosité énorme. La mère note combien la petite, « très douce », cherche à se blottir contre elle.
        En 1909, la famille quitte Linden pour Königsberg. La ville a depuis changé de nom, de population, de configuration : depuis 1946, date de l’annexion d’une partie de la Prusse-Orientale par l’Union soviétique, elle s’appelle Kaliningrad, en hommage à Kalinine, ancien président de l’URSS. C’est aujourd’hui une enclave russe cernée par la Pologne et la Lituanie, pays membres de l’Union européenne. Hannah n’a jamais pu retourner sur les lieux où elle passa son enfance et son adolescence, car la ville, au bord de la mer Baltique, devenue un port militaire important, était interdite aux étrangers. Il faut aller à l’Institut historique allemand consulter de vieux atlas photographiques et des livres d’histoire de la ville pour tenter d’imaginer ce que fut l’atmosphère de cette ville provinciale et paisible qu’était Königsberg au temps de la jeunesse de Hannah. Dans un de ces livres d’images, un peintre du dimanche a immortalisé une scène dans la rue de la ville au début du siècle. Il fait beau. C’est l’été. Les femmes portent de longues jupes, des chemisiers à dentelle, de grandes coiffes. Les hommes sont en costume, avec des chapeaux. À une terrasse de café, une mère et sa fille ont repoussé leur coiffe sur la nuque mais ont gardé leurs gants. La mère regarde les passants, la fille lit le journal.
        À Essen, en Rhénanie-Westphalie, chez Edna, la nièce de Hannah, je retrouve dans un carton une photo de la petite revenue dans le giron du grand-père Max, qui l’adorait : dans la cour devant la maison, Hannah sourit à l’objectif dans les bras du vieil homme. Martha n’aime pas se séparer de sa fille. Le 19 février 1911, elle note : « Hannah supporte très bien l’hiver. […]
        Tempérament : très vif, s’intéresse à tout ce qui l’entoure. Aucun intérêt pour les poupées […] Avec ses quatre ans elle est une petite si grande et si solide qu’on la prend déjà pour une fille qui va à l’école. »
        « Elle a de très beaux cheveux longs. Elle est belle et en bonne santé. Elle chante beaucoup, presque avec passion, mais avec beaucoup de fausses notes […] Je ne vois aucun talent artistique ni aucune habileté manuelle : par contre une précocité intellectuelle et peut-être une capacité particulière comme par exemple le sens de l’orientation, la mémoire et un sens aigu de l’observation. Mais avant tout un énorme intérêt pour les lettres et pour les livres… ».


    Laure Adler, Dans les pas de Hannah Arendt, Éditions Gallimard, 2005, pp. 11-12-13.





    ■ Hannah Arendt
    sur Terres de femmes

    Hermann Broch
    Journal de pensée (poème de décembre 1952)
    Ne suis que l’une de ces choses (extrait du Journal de pensée)
    → (dans la galerie Visages de femmes de Terres de femmes) un
    autre extrait du Journal de pensée de Hannah Arendt
    4 décembre 1975 | Mort de Hannah Arendt (extrait de Dans les pas de Hannah Arendt de Laure Adler, et extraits du Journal de pensée de Hannah Arendt)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (dans L’Encyclopédie de l’Agora)
    le Dossier Hannah Arendt






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  • Tarjei Vesaas, Lisières du givre

    «  Poésie d’un jour  »



    Et_lbas_2
    Ph., G.AdC






    Qui veut attendre un perdant ?


    Encore une fois, là-bas,
    quelqu’un doit m’attendre.
    J’ai une moitié de cœur
    et dois avancer.

    Et là-bas,
    il y a bien une main.
    Quelque chose à tenir.
    Et qui est urgent. Urgent.

    Vide est ma vie.
    À moitié vide est ma vie.
    Vite passe ma vie.

    Laisse-moi arriver
    auprès de quelqu’un qui attend quelque chose,
    même d’à moitié vide comme moi.
    Quelqu’un doit m’attendre,
    dès ce soir.


    Tarjei Vesaas, Lisières du givre, Éditions Grèges, Montpellier, 2007, p. 119. Traduit du néo-norvégien par Eva Sauvegrain et Pierre Grouix.




    __________________________________________
    D’APRÈS LA NOTE DE L’ÉDITEUR : Lisières du givre est une anthologie composée à partir des onze recueils de poésie publiés par l’écrivain norvégien Tarjei Vesaas (1887-1970), recueils tous inédits en français. Mais sont également inclus des poèmes de jeunesse et des poèmes posthumes. Cette anthologie reprend les textes majeurs de l’œuvre de Vesaas. Textes qui, pour certains d’entre eux, ont délibérément valeur d’art poétique. Dans la composition du recueil, l’éditeur s’est en outre efforcé de bien représenter les différents genres pratiqués par l’auteur (de la suite au poème bref, en passant par le poème en prose), et de rendre justice à la palette tonale de son écriture, ainsi qu’à l’amplitude des registres sollicités.





    TARJEI VESAAS


    Tarjei_vesaas
    Source



    ■ Tarjei Vesaas
    sur Terres de femmes

    Tarjei Vesaas, La Barque le soir (extrait + notice bio-bibliographique)





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  • Rouges de Chine 09





    09_ce_que_je_dsire_0266_3






       Ce que je désire…

       descendre à pas lent
       les marches de l’oubli

       effleurer de la main
       les gerçures du vent

       prendre à l’angle du mur
       la mesure du rêve

       écaler toute attente
       aux confins
       des couleurs

       Et ton regard







    D.R. Photo et texte : G.AdC/angèlepaoli
    Édition et mise en pages : Yves Thomas



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