Blog


  • Florence Pazzottu | À contre-pente

    «  Poésie d’un jour  »



    Contepente_une_perce_nigmatique
    Ph., G.AdC





    À contre-pente



    Écrire est une contre-pente, cet éveil, ce

    recueil des forces qui résistent à la mort (aux

    pentes de la mort chaque jour, gestes, mots dedans,

    dehors, induits cachés – banals – ou assénés), cet

    effort bienheureux, bienveillant et rude parfois,

    éprouvant, pour que soient préservés, à venir le

    vivant, le singulier de l’homme et l’énigme qu’il

    est pour l’homme et que ne perce (pas plus que pour le

    vers) la divulgation ni de son nombre – ne fait

    pas somme, crie plutôt l’opacité accrue, la

    défaite de qui tente l’élucidation du

    mystère de l’espèce parlante en la visant

    du dehors comme un geste connu – ni de son vide

    supposé ; par grâce, ou sursaut vif, apaisant

    l’inflation dure, l’éruption de substance de

    son centre introuvable et que manquent – mais elles pèsent,

    menacent – toutes les tentatives de fabrique

    et commerce du vif ; l’homme serait – ainsi nous

    parle « écrire », à contre-pente – non pas cet

    animal parlant, anomalie ou perfection,

    seuil, achèvement de l’évolution, mais dans

    la nature une coupe (trouée – comme le vers

    taillant la phrase) – une percée énigmatique.



    Florence Pazzottu, La Tête de l’Homme, Éditions du Seuil, Collection « Déplacements » dirigée par François Bon, 2008, page 100.




    ■ Florence Pazzottu
    sur Terres de femmes

    Attendu qu’il arrive… (+ notice bibliographique)
    De la pratique au discours | Palpations du parcours





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 20 juin 1912 | Isadora Duncan conviée par Paul Poiret
    aux Festes de Bacchus

    Éphéméride culturelle à rebours



    Isadora_duncan
    Image, G.AdC







    FESTES DE BACCHUS AU PAVILLON DU BUTARD


        À l’occasion de la fête de Bacchus, célébrée le 20 juin 1912, le couturier parisien Paul Poiret, libérateur de la silhouette féminine, pacha adulé du Tout-Paris et de l’Outre-Atlantique, aménage, pour y donner de somptueuses fêtes, le pavillon du Butard. Sis à l’orée de la forêt domaniale de Fausses-Reposes (Celles-Saint-Cloud), ce charmant rendez-vous de chasse, œuvre d’Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), premier architecte du roi, a été érigé en 1750 sur ordre de Louis XV.

        Dès 1911, Poiret, qui est tombé amoureux de cette « folie », s’y installe, la restaure et lui rend son éclat originel. Au programme des festivités nocturnes de ce 20 juin 1912, des cantates de Jean-Philippe Rameau, un ballet italien à cinq voix (1591) de Giovanni Giacomo Gastoldi di Caravaggio, et un concert pour violons et clarinettes (1707) de Lulli. Et la participation d’Isadora Duncan, qui, aux premières heures du jour, clôt le spectacle sur une aria de Bach et danse avec Paul Poiret déguisé en Jupiter : « J’avais supposé que tous les dieux, les déesses, les nymphes, les naïades, les dyades et les satyres du parc de Versailles s’étaient secrètement donné rendez-vous au Pavillon du Butard ».

        Parmi les trois cents invités, Dunoyer de Segonzac et Raoul Dufy, auteurs de superbes décors, et Max Jacob. Le champagne coule à flots. Neuf cents bouteilles sont offertes en l’honneur du dieu Bacchus et le souper est porté sur la tête par vingt maîtres d’hôtel…





    Voir aussi :

    – (sur Terres de femmes)
    13 mars 1900 | Arrivée à Paris de la danseuse américaine Isadora Duncan
    – (sur YouTube)
    une vidéo sur Isadora Duncan



    Retour au répertoire de juin 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Dylan Thomas | Le vœu et le feu de la prière me brûlent

    «  Poésie d’un jour  »



    Le_soleil_si_fort_bis_
    Ph., G.AdC




    Le   vœu   et   le    feu    de   la    prière   me   brûlent
    Dans    une   soudaine   bénédiction   du   soleil.
    Au    nom    des    damnés,    je    reviendrai
    Et      pourrai       courir       vers
    La terre cachée mais le
    Soleil,    si    fort,
    Baptise le
    Ciel. Je
    Me
    Trouve.
    Ô laissez-le
    M’ébouillanter,
    Me   noyer    dans   sa
    Blessure-au-monde. Son
    Éclair est une réponse à mon cri.
    Ma     voix     brûle     dans      sa      main.
    Désormais    je   suis   un   égaré   car   il   m’éblouit
    Aussi.    Le    soleil    rugit    à    la    fin    de    ma    prière.



    Dylan Thomas, Vision et Prière et autres poèmes, Gallimard, Collection Poésie, 1997, page 66. Traduction et présentation d’Alain Suied.





    DYLAN THOMAS


    Dylan_thomas



    ■ Dylan Thomas
    sur Terres de femmes

    Nourris la lumière (extrait de Ce monde est mon partage et celui du démon)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site officiel de Dylan Thomas





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 18 juin 1933 | Lettre d’Anaïs Nin à Antonin Artaud

    Éphéméride culturelle à rebours



    Anais_et__antonin
    Image, G.AdC







    Lettre à Artaud (envoyée de Valescure-Saint-Raphaël) : 18 juin.


    Nanaqui, je voudrais revivre mille fois ce moment sur les quais, et toutes les heures de cette soirée. Je veux sentir encore cette violence et votre douceur, vos menaces, votre despotisme spirituel… toutes les craintes que vous m’inspirez, et les joies si aiguës. Craintes parce que vous attendez tant de moi… l’éternité, l’éternel… Dieu… ces mots… Toutes ces questions que vous m’avez posées. Je répondrai doucement à vos questions. Si j’ai semblé me dérober, c’est uniquement parce qu’il y avait trop à dire. Je sens la vie toujours en cercle, et je ne peux pas détacher un fragment parce qu’il me semble qu’un fragment n’a pas de sens. Mais tout semble se résoudre, se fondre dans l’étreinte, dans la confiance de l’instinct, dans la chaleur et la fusion des corps. Je crois entièrement à ce que nous sentons l’un en face de l’autre, je crois à ce moment où nous avons perdu toute notion de la réalité et de la séparation et de la division entre les êtres. Quand les livres sont tombés, j’ai senti un allègement. Après cela, tout est devenu simple… simple et grand et doux. Le toi qui fait presque mal, tellement il lie… le toi et tout ce que tu m’as dit, j’oublie les mots, j’entends la tendresse et je me souviens que tu as été heureux. Tout le reste ne sont que tortures de nos esprits, les fantômes que nous créons… parce que pour nous l’amour a des répercussions immenses. Il doit créer, il a un sens en profondeur, il contient et dirige tout. Pour nous il a cette importance, d’être mêlé, lié, avec tous les élans et les aspirations… Il a trop d’importance pour nous. Nous le confondons avec la religion, avec la magie.

    Pourquoi, avant de nous asseoir au café, as-tu cru que je m’éloignais de toi simplement parce que j’étais légère, joyeuse, souriante un instant ? N’accepterais-tu jamais ces mouvements, ces flottements d’algue ? Nanaqui, il faut que tu croies à l’axe de ma vie, parce que l’expansion de moi est immense, trompeuse, mais ce n’est que les contours… Je voudrais que tu lises mon journal d’enfant pour que tu voies combien j’ai été fidèle à certaines valeurs. Je crois reconnaître toujours les valeurs réelles… par exemple quand je t’ai distingué comme un être royal dans un domaine qui a hanté ma vie. Nanaqui, ce soir je ne veux pas remuer les idées, je voudrais ta présence. Est-ce qu’il t’arrive de choisir ainsi un moment précieux (notre étreinte sur les quais) et de t’y raccrocher, de fermer les yeux, de le revivre, fixement, comme dans une transe où je ne sens plus la vie présente, rien, rien que ce moment ? Et après, la nuit, la succession de tes gestes, et de tes mots, de la fièvre, de l’inquiétude, un besoin de te revoir, une grande impatience.


    Anaïs Nin, Journal inédit et non expurgé des années 1932-1934, Inceste, Éditions Stock, Collection Biblio, 2002, pp. 268-269.






    ■ Anaïs Nin
    sur Terres de femmes

    21 février 1903 | Naissance d’Anaïs Nin
    27 novembre 1932 | Journal d’Anaïs Nin
    14 janvier 1934 | Journal d’Anaïs Nin
    1er juin 1934 | Journal d’Anaïs Nin
    14 janvier 1977 | Mort d’Anaïs Nin



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    4 septembre 1896 | Naissance d’Antonin Artaud (extrait de L’Ombilic des limbes)
    – (sur Terres de femmes)
    1er octobre 1932 | Artaud et Le Théâtre de la cruauté
    → (sur Dailymotion) un entretien d’Anaïs Nin avec Pierre Lhoste (France Culture, 1969) : un document d’archives exceptionnel ▼









    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mina Loy | Pétunia blanc

    «  Poésie d’un jour  »



    Petunia_blanc_2
    Ph., G.AdC






    PÉTUNIA BLANC


    Une étoile de nuage
    sur le toit
    une trompette
    mélodieuse et mauve
    une fleur ondulante
    exhale l’aurore
    de son cœur
    en couloir d’abeille.

    Un pétunia lumineux
    au rythme de la faible pulsion
    du jour torride
    éclaire souplement
    la peinture blanche
    de la terrasse,

    le grand jet de grès
    précipité
    des villes.




    Mina Loy, La Rose métisse, L’Atelier des Brisants, 40000, Mont-de-Marsan, 2005, page 145. Traduit de l’anglais par Olivier Apert.






    NOTICE BIOGRAPHIQUE


        Mina Gertrude Lowy, dite Mina Loy, est née le 27 décembre 1882 à Londres, où elle passe ses premières années entrecoupées d’études artistiques à Munich. Elle vient à Paris en 1903, se marie (avec Stephen Haweis dont elle aura deux enfants : Joella, en 1907, Giles en 1908), peint, rencontre Apollinaire, Picasso, Gertrude Stein. De 1906 à 1916, elle vit et expose à Florence où elle fréquente les futuristes, puis se rend à Greenwich Village (New York) où elle fait notamment connaissance de Marcel Duchamp, Man Ray et Djuna Barnes, et se prend de passion pour le poète-boxeur proto-dadaïste Arthur Cravan qu’elle épouse au Mexique, et dont elle aura une fille, Fabienne Benedict Lloyd (Mina Loy prendra Arthur Cravan pour modèle de son roman, Insel ou portrait de l’artiste en tête de mort, publication posthume). Arthur Cravan ayant énigmatiquement disparu dans le Golfe du Mexique en 1918, elle part à sa recherche pendant cinq ans. En vain.
        De 1923 à 1930, elle vit et écrit à Paris, grâce au soutien financier de Peggy Guggenheim. De 1931 à 1936, toujours à Paris, elle travaille pour son gendre Julien Levy (dont la galerie new-yorkaise avait été inaugurée en novembre 1931 au 602 Madison Avenue) et devient l’agent artistique de plusieurs artistes : Braque, Chirico, Ernst, Giacometti, entre autres. Ce sont ensuite, de 1936 à 1953, à New York, des années de silence, de marginalité et d’écriture. Elle finit par se retirer à Aspen dans le Colorado où elle meurt le 25 septembre 1966.





    MINA LOY


    Mina_loy_2



    ■ Mina Loy
    sur Terres de femmes

    L’amour est des corps
    Chants d’amour pour Joannes
    27 décembre 1882 | Naissance de Mina Loy
    → (dans la Galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Mina Loy



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site du galeriste Francis F. Naumann)
    une page Mina Loy
    Arthur Cravan, poète et boxeur (Surpris par la nuit, France Culture), où l’on peut entendre un long extrait d’une lettre d’Arthur Cravan à Mina Loy





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Henry Miller | O Lake of Light

    «  Poésie d’un jour  »



    Envolezvous_bizarres_oiseaux_envole
    Ph., G.AdC






    à Sevasty Koutsaftis                      



    O LAKE OF LIGHT


    Risen from the milky sward
    I saw the one I love with flower
    And on her breast an unborn moon
    O wondrous moon! O lake of light!
    The grass so green is turning white
    O moon, O wondrous lake of light!

    Milk of fire upon her tongue
    Drew birds of jade and betel gum
    Run river run!

    The world of late grown small
    Now achieves its just dimension
    The one I love grown big with flower
    Wheels within the lunar hour

    Birds of jade in milky fire
    Mitigate the heart’s desire

    The run, river, run, as runs the sun
    For none are born except the one
    That lies upon the breast undone

    The moon unborn is chill as night
    the heart is like a lake of light
    Flower, moon, milk of fire
    These together do conspire

    Take wings, strange birds, take wings!






    Ô LAC DE LUMIÈRE


    Émergeant de la prairie laiteuse
    Je vis celle que j’aime avec une fleur
    Et sur sa poitrine une lune imminente
    Ô merveille de lune ! Ô lac de lumière !
    L’herbe si verte devient blanche
    Ô lune, Ô merveilleux lac de lumière !

    Le monde ancien rapetissé
    Prend maintenant sa juste dimension
    Celle que j’aime enceinte d’une fleur
    Tourne dans le cycle lunaire

    Des oiseaux de jade dans le feu lacté
    Apaisent le désir du cœur

    Alors coule, rivière coule, comme le fluide soleil
    Car nul ne naquit sinon celle qui repose
    Défaite sur sa poitrine

    La lune future est fraîche comme la nuit
    Le cœur est un lac de lumière
    Fleur, lune, lait de feu
    Tous ensemble conspirent

    Envolez-vous, bizarres oiseaux, envolez-vous !



    Henry Miller, in revue L’Arc, 97, Editions Le Jas, 04320 Le Revest-Saint-Martin, 1985, p. 71. Traduit par Frédéric-Jacques Temple.



    NB : Henry Miller écrivit quelques poèmes dans la première partie de sa vie, dont celui-ci, en 1943, à Los Angeles.





    HENRY MILLER

    Henry_miller_1



    ■ Henry Miller
    sur Terres de femmes

    26 décembre 1891 | Naissance de Henry Miller
    Trois grains d’ellébore, ma commère !
    19 juillet 1957 | Henry Miller écrit la préface de Justine de Lawrence Durrell


    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    27 novembre 1932 | Journal d’Anaïs Nin



    Retour au répertoire de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pierre Michon, Vie de Joseph Roulin

    par Angèle Paoli

    Pierre Michon, Vie de Joseph Roulin,
    Éditions Verdier, 1988.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Vangogh_postman1888
    Vincent Van Gogh
    Portrait de Joseph Roulin, assis,
    Arles, début août 1888,
    Huile sur toile, 81,3 x 65,4 cm
    Boston, Museum of Fine Arts






    LE MAINATE DE MICHON



    La lecture du dernier ouvrage de Pierre Michon ― Le roi vient quand il veut ― m’a conduite tout naturellement à une ré-immersion dans l’œuvre narrative de l’écrivain creusois. Relecture passionnée qui, après vagabondages d’une vie à l’autre, a fait s’arrêter la lectrice que je suis sur la Vie de Joseph Roulin. Et se poser sur les « ailes d’un noir mat » du Corvus corbax sur lequel se clôt le récit. Corbeau ainsi nommé de son « nom impérial » « par la bouche de Linné, son Serviteur ». Mais reprenons les choses en amont.

    Surpris, Joseph Roulin le serait assurément s’il lui était donné de revenir sur terre ! Et de se découvrir vivant d’une vie de prince ― « galonné comme un officier du Montenegro » ― sous la plume ingénieuse et mimétique de Pierre Michon. Surpris de se voir vivre, lui, le faux facteur, aux côtés de Van Gogh ou de Gauguin, devenus depuis célébrissimes, ― la coqueluche des biographes et « des businessmen de Manhattan » ―, surpris de s’entendre penser, derrière le « je » anonyme de son impérial créateur, son incompréhension de la peinture et des Beaux-Arts ! Surpris de se voir surgir dans la densité d’un texte dont, de son vivant, il n’aurait eu aucunement la possibilité d’entrer mais dont il aurait sans doute pu apprécier, modestement, la Théorie ! Surpris de se voir immortalisé un temps en moujik flanqué de sa baba ou accompagné de Van Gogh, son barine, en satrape assyrien ou en sujet d’icône au « nom compliqué, Népomucène ou Chrysostome, Abbacyr qui mêle sa barbe fleurie aux fleurs des cieux ». Ou encore, le plus souvent immortalisé en ange républicain, épris de l’« éternelle utopie républicaine ».

    Le voilà, lui, l’obscur entreposeur des Postes, alcoolique et républicain, donc, flanqué d’une Augustine anéantie dans sa pauvre détresse millénaire, et de ses trois enfants. Tous trois tour à tour peints par Van Gogh. Armand, Camille, Marcelle. Il serait étonné, l’homme à « la grande barbe en fer de bêche », de se retrouver là, couché sur le blanc des pages où il reconnaîtrait son nom, Joseph Roulin, un nom obscur comme l’est aussi celui de l’auteur, ce Michon qui le tire provisoirement du néant où, depuis toujours, il gît. Un nom issu d’on ne sait quelle campagne profonde, pléonastiquement, les Cards pour l’un, Lambesc pour l’autre. Il serait étonné de rencontrer là, dans le blanc des pages, l’homme à la grande vareuse bleue et à la casquette des Postes, tel que peint jadis par Van Gogh ; lorsque lui, Roulin, posait pour Vincent dans l’atelier de la « maison jaune » où « il devint tableau, matière un peu moins mortelle que l’autre, dans cette bicoque aujourd’hui invisible et aussi connue que les tours de Manhattan ». Ou encore, dans la pauvre « isba » d’Augustine entre la cafetière et les chaises paillées, entre pipe froide et godillots avachis. Il découvrirait le dédoublement de Joseph Roulin, entreposeur des Postes à Arles et prince invisible, rendu obscurément visible par les phrases-volutes de Pierre Michon, pris dans leur tourbillon comme il l’était jadis dans les tourbillons mystérieux tracés dans la pâte de la toile par les pinceaux de Van Gogh. Il retrouverait là l’utopiste républicain ignorant tout de l’art et de ses arcanes confus, ignorant aussi des complexités de l’écriture.

    Le voilà donc, Joseph Roulin, ressurgissant cent ans plus tard ― 1888-1988 ― derrière le « je » anonyme du narrateur qui déclare que le facteur d’Arles est un personnage de « bien peu de profit » pour qui « se mêle d’écrire sur la peinture ». Mais qui lui convient. Comme lui conviennent aussi les portraits brossés, tantôt côté Roulin, tantôt côté Van Gogh. Et qu’avec lui revivent les hommes de ce temps, Théo Van Gogh, le frère aimé, Gauguin ― Monsieur Paul ― rencontré chez son ami Vincent ; ou chez la mère Ginoux, l’imposante taulière, l’Arlésienne, que le petit rouquin s’est plu à peindre dans des allures de « reine d’Espagne ».

    Pourtant, au-delà, derrière tous ceux, compagnons de vie et artistes, nommément cités, il y a, qui court en filigrane dans le récit, la présence invisible du maître en écriture choisi ici par Pierre Michon. Ce maître, c’est Gustave Flaubert. Le Flaubert d’Un cœur simple.

        Ainsi Pierre Michon invente-t-il pour Joseph Roulin un univers flaubertien. Un cœur simple, en apparence, celui du facteur Roulin qui, tout compte fait, préférait encore « le portrait en chromo d’Auguste Blanqui » aux tableaux de Vincent Van Gogh qu’il ne trouve pas bien jolis. Flaubertien, « l’oiseau parleur, merle ou mainate » des Roulin, double républicain de Loulou, « qui peut-être prononçait les noms d’Anacharsis Cloots et de Vincent Van Gogh » au lieu des formules enseignées par Félicité à son perroquet : « Charmant garçon ! Serviteur, monsieur ! Je vous salue Marie ! ». Mais de l’humble servante normande et de son Loulou des îles, Joseph Roulin n’a cure, qui ne soupçonne pas même l’existence, sous des cieux éloignés, d’autres vies pareillement minuscules à la sienne, que nul, jamais, ne tirera vers l’existence. Sinon l’artiste. Par trois fois, Joseph Roulin est tiré de l’anonymat pour lequel il était fait. La première fois par la peinture de Van Gogh, la seconde par l’écriture de Pierre Michon mimant la peinture de Van Gogh, la troisième fois par Pierre Michon mimant Flaubert.

    De fait, métamorphosé en figure assomptionnelle par la folie Flaubert, le perroquet d’Un cœur simple, immortalisé par son créateur, sauve Félicité de son dénuement et de la pauvreté de sa « vie ». Car « qu’est-ce que la littérature sinon ce qui transforme le corps vide en corps de mots, en corps glorieux ? » écrit Pierre Michon dans Le roi vient quand il veut. Et que fait Pierre Michon, sinon métaphoriser « le vieux facteur rouge » en portrait de l’artiste, capable de changer en figure assomptionnelle républicaine, le jeune dandy à qui il vient de céder une toile de Van Gogh ! Assomption finale dont le médium est le mainate réjoui de Joseph Roulin. Lequel, « pour marquer le coup… la barbe d’Assur se plaquant au col dans les basses, l’œil enlevé bien au-delà de Notre-Dame de la Garde et de la ligne bleue des Vosges vers le paradis des Beaux-Arts chanta une Marseillaise ou une scie de gabier, Jean-François de Nantes ; et le mainate s’en réjouit. Quand très tard le jeune homme un peu gris descendit l’escalier et sortit rue Trigance son tableau sous le bras, quand tête levée vers les étoiles il courut joyeusement dans la nuit déserte, l’air sifflant à ses oreilles, il crut entendre à côté de lui, au-dessus de lui, la masse colossale de la Vieille Charité, en tous les sens perdue dans le noir, s’emplir et s’ébattre d’un vol d’hirondelles. »

        « Type romanesquement très ancien du témoin, du petit témoin », Joseph Roulin incarne la figure du pauvre ― qui avec le héros, est « la figure qui mérite le plus qu’on lui consacre une vie » ― et dans la catégorie du pauvre, celle du révolutionnaire. Choisir Roulin, choisir le côté « rouge », son côté « Grand Soir », c’est pour Pierre Michon, « mettre en présence dans une même constellation, deux mythes sociaux très beaux et très forts: le mythe de la révolution, du  » Grand Soir  » en tout cas et le mythe des beaux-arts ». « J’ai aimé frotter l’une contre l’autre ces deux mythologies », écrit Pierre Michon. « Deux mythes tout à fait opposés puisqu’il y en a un qui tend au solipsisme ― celui de l’art ― et l’autre, au contraire, extrêmement tendu vers une communauté idéale à venir. J’ai voulu que mes deux personnages s’aiment à travers ces deux grands mythes du siècle dernier. »

    « Serai-je un roi ou un pourceau ? » s’interroge Flaubert dans ses Carnets intimes *. Et Pierre Michon de déclarer à son tour dans Le roi vient quand il veut :

    « L’incarnation, le corps glorieux, l’eucharistie. Autant de métaphorisations du miracle qui change les corps en mots, la jouissance en rythmes, la souffrance en œuvres et d’inertes clochards en auteurs. »

    Une incarnation admirablement et idéalement réussie. Pour Joseph Roulin, pour Van Gogh, pour Loulou et Félicité, pour la lectrice que je suis, pour la littérature. Pour Pierre Michon écrivain. Le roi est venu.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    ____________________________
    * Carnets intimes, in Julian Barnes, Le Perroquet de Flaubert, Éditions Stock, Bibliothèque Cosmopolite, 2000, p. 216. Traduit de l’anglais par Jean Guiloineau.





    Corvus_corbax
    D.R. Ph. Christophe Sidamon-Pesson
    Source




    PIERRE MICHON




    ■ Pierre Michon
    sur Terres de femmes


    28 mars 1945 | Naissance de Pierre Michon (extraits de Corps du roi et de Vies minuscules)
    Pierre Michon, Les Onze (lecture d’AP)
    Pierre Michon, Le roi vient quand il veut (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    un admirable dossier Pierre Michon
    → (sur en.wikipedia.org)
    The Roulin Family






    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’@angelepaoli »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 15 juin 1767 | Italo Calvino, Le Baron perché

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le_baron_perch
    Ph., G.AdC







    INCIPIT DU BARON PERCHÉ


         C’est le 15 juin 1767 que Côme Laverse du Rondeau, mon frère, s’assit au milieu de nous pour la dernière fois. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous étions dans la salle à manger de notre villa d’Ombreuse ; les fenêtres encadraient les branches touffues de la grande yeuse du parc. Il était midi ; c’est à cette heure-là que notre famille, obéissant à une vieille tradition, se mettait à table ; le déjeuner au milieu de l’après-midi, mode venue de la peu matinale Cour de France et adoptée par toute la noblesse, n’était pas en usage chez nous. Je me rappelle que le vent soufflait, qu’il venait de la mer et que les feuilles bougeaient.
        ― J’ai dit que je ne veux pas et je ne veux pas, fit Côme en écartant le plat d’escargots. On n’avait jamais vu désobéissance plus grave.
        Le baron Arminius Laverse du Rondeau, notre père, coiffé d’une perruque Louis XIV descendant jusqu’aux oreilles et démodée comme tout ce qui lui appartenait, siégeait à la place d’honneur. Entre mon frère et moi était assis l’abbé Fauchelafleur, chapelain de notre famille, notre précepteur. En face de nous, le générale Konradine du Rondeau, notre mère, et notre sœur Baptiste, la nonne de la maison. À l’autre bout de la table, en costume turc, était assis l’avocat Æneas–Sylvius Carrega, hydraulicien, régisseur de notre propriété et notre oncle naturel, puisqu’il était le frère illégitime de notre père.
        Côme avait douze ans, j’en avais huit. Depuis quelques mois seulement, nous avions été admis à la table de nos parents ; j’avais bénéficié avant l’âge de la promotion de mon frère : on n’avait pas voulu me laisser manger tout seul. Bénéficié, c’est une façon de parler. Pour Côme et pour moi, c’en était fini du bon temps et nous regrettions nos petits repas seuls dans un réduit, en compagnie de l’abbé Fauchelafleur. Celui-ci était un petit vieillard sec et ridé ; on le disait janséniste ; de fait, il avait fui le Dauphiné, sa province natale, pour éviter un procès de l’Inquisition. Mais ce caractère rigoureux qu’on louait généralement chez lui, cette sévérité intérieure qu’il s’imposait et imposait aux autres cédaient à chaque instant devant une vocation foncière pour l’indifférence et le laisser-aller. Selon toute apparence, ses longues méditations les yeux dans le vide n’avaient abouti qu’à une grande absence de volonté et à un profond ennui. Il agissait comme s’il voyait dans la plus légère difficulté le signe d’une fatalité à laquelle il serait inutile de s’opposer. Nos repas en compagnie de l’Abbé ne commençaient qu’après de longues oraisons, et les évolutions de nos cuillers se devaient d’être dignes, rituelles, silencieuses : malheur à celui qui levait les yeux de son assiette ou faisait entendre, en absorbant son bouillon, la plus faible aspiration. Mais le potage fini, l’Abbé commençait à se sentir las, contrarié : il regardait le vide et faisait claquer sa langue à chaque gorgée de vin ; seules les sensations les plus superficielles et les plus éphémères semblaient encore le toucher. Au plat de résistance, nous pouvions nous mettre à manger avec les mains ; et à la fin du repas, nous nous lancions des trognons de poires, tandis que l’Abbé laissait choir de temps à autre un de ses nonchalants :
        ― Oooh bien ! Oooh alors !
        Maintenant que nous avions pris place à la table commune, nous sentions s’accumuler en nous les griefs familiaux, triste chapitre de l’enfance. Notre père et notre mère ne nous quittaient pas des yeux : « sers-toi de ta fourchette et de ton couteau pour le poulet, tiens-toi droit, ôte tes coudes de la table », ça n’arrêtait pas ; sans compter notre insupportable sœur Baptiste. Ce ne furent que gronderies, piques d’amour-propre, punitions, bouderies. Jusqu’au jour où Côme refusa les escargots et décida de séparer son destin du nôtre.


    Italo Calvino, Le Baron perché [1957 ; 1959 pour la traduction française], Éditions du Seuil, Collection Points, 2001, pp. 11-12. Traduit de l’italien par Juliette Bertrand.





        Fu il 15 di giugno del 1767 che Cosimo Piovasco di Rondò, mio fratello, sedette per l’ultima volta in mezzo a noi. Ricordo come fosse oggi. Eravamo nella sala da pranzo della nostra villa d’Ombrosa, le finestre inquadravano i folti rami del grande elce del parco. Era mezzogiorno, e la nostra famiglia per vecchia tradizione sedeva a tavola a quell’ora, nonostante fosse già invalsa tra i nobili la moda, venuta dalla poco mattiniera Corte di Francia, d’andare a desinare a metà del pomeriggio. Tirava vento dal mare, ricordo, e si muovevano le foglie. Cosimo disse: ― Ho detto che non voglio e non voglio! ― e respinse il piatto di lumache. Mai s’era vista disubbidienza più grave.
         A capotavola era il Barone Arminio Piovasco di Rondò, nostro padre, con la parrucca lunga sulle orecchie alla Luigi XIV, fuori tempo come tante cose sue. Tra me e mio fratello sedeva l’Abate Fauchelafleur, elemosiniere della nostra famiglia ed aio di noi ragazzi. Di fronte avevamo la Generalessa Corradina di Rondò, nostra madre, e nostra sorella Battista, monaca di casa. All’altro capo della tavola, rimpetto a nostro padre, sedeva, vestito alla turca, il Cavalier Avvocato Enea Silvio Carrega, amministratore e idraulico dei nostri poderi, e nostro zio naturale, in quanto fratello illegittimo di nostro padre.
        Da pochi mesi, Cosimo avendo compiuto i dodici anni ed io gli otto, eravamo stati ammessi allo stesso desco dei nostri genitori ; ossia, io avendo beneficiato della stessa promozione di mio fratello prima del tempo, perché non vollero lasciarmi di là a mangiare da solo. Dico beneficiato così per dire : in realtà sia per Cosimo che per me era finita la cuccagna, e rimpiangevamo i disenari nella nostra stanzetta, noi due soli con l’Abate Fauchelafleur. L’Abate era un vecchietto secco e grinzoso, che aveva fame di giansenista, ed era difatti fuggito dal Delfinato, sua terra natale, per scampare a un processo dell’Inquisizione. Ma il carattere rigoroso che di lui solamente tutti lodavano, la severità interiore che imponeva a sé e agli altri, cedevano continuamente a una sua fondamentale vocazione per l’indifferenza e il lasciar correre, come se le sue lunghe meditazioni a occhi fissi nel vuoto non avessero approdato che a una gran noia e svogliatezza, e in ogni difficoltà cui non valeva opporsi. I nostri pasti in compagnia dell’Abate cominciavano dopo lunghe orazioni, con movimenti di cucchiai composti, rituali, silenziosi, e guai a chi alzava gli occhi dal piatto o faceva anche il più lieve risucchio sorbendo il brodo ; ma alla fine della minestra l’Abate era già stanco, annoiato, guardava nel vuoto, schioccava la lingua a ogni sorso di vino, come se soltanto le sensazioni più superficiali e caduche riuscissero a raggiungerlo ; alla pietanza noi già ci potevamo mettere a mangiare con le mani, e finivamo il pasto tirandoci torsoli di pera, mentre l’Abate faceva cadere ogni tanto uno dei suoi pigri : ― …Ooo bien !…Ooo alors !
        Adesso, invece, stando a tavola con la famiglia, prendevano corpo i rancori familiari, capitolo triste dell’infanzia. Nostro padre, nostra madre sempre lì davanti, l’uso delle posate per il pollo, e sta’ dritto, e via i gomiti dalla tavola, un continuo ! e per di più quell’ antipatica di nostra sorella Battista. Cominciò una serie di sgridate, di ripicchi, di castighi, d’impuntature, fino al giorno in cui Cosimo rifiutò le lumache e decise di separare la sua sorte dalla nostra.


    Italo Calvino, Il barone rampante [giugno 1957], Oscar Mondadori, edizione Oscar, 2002, pp. 3-4.





    ■ Italo Calvino
    sur Terres de femmes

    15 octobre 1923 | Naissance d’Italo Calvino (extraits des Villes invisibles)
    19 septembre 1985 | Mort d’Italo Calvino (extrait des Fables italiennes)




    Retour au répertoire de juin 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature italienne et anthologie poétique)

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • TdF n° 4 ― mars 2005



    3_logo_mars_2005
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS DE MARS 2005



    Terres de femmes ― N° du mois de février 2005
    1er mars 1853 | Traduction du Corbeau par Baudelaire
    Marie Ferranti | Bastia
    1er mars 1972 | La Salamandre d’Alain Tanner
    Cérémonie panique (Angèle Paoli)
    Marie-Ange Sebasti | Notre héritage n’est pas forteresse
    Antonella Anedda | Avant l’heure du dîner
    2 mars 1956 | Proclamation de l’indépendance du Maroc
    Rainer Maria Rilke | « Respirer, invisible poème ! »
    3 mars 1966 | Création de Bérénice montée par Roger Planchon
    Feux de jardin (Angèle Paoli)
    Vénus Khoury-Ghata | Ils sont deux figuiers
    4 mars 1989 | Cinq césars pour le film Camille Claudel
    Linda Lê | « Les jours fatidiques dans la littérature mondiale »
    Anne F. Garréta | Enfer et rédemption
    David Camus | Regards croisés d’une femme (article d’Angèle Paoli)
    Alla gentilissima Signora Vittoria dei Gentili de Brando (Angèle Paoli)
    Le retour du Moyen Âge (article d’Angèle Paoli)
    Ezra Pound | « elle, comme un grand coquillage incurvé »
    8 mars 2005, « Une journée particulière » : Trois femmes en mouvement (article d’Angèle Paoli)
    8 mars 2002 | Retour à Bagheria (Angèle Paoli)
    Zoé Valdés | « Chasteté, chasteté »
    9 mars 1929 | Manifeste des écrivains prolétariens de langue française
    Brina Svit | Turris eburnea (note de lecture d’Angèle Paoli sur Moreno)
    Dacia Maraini | Bagheria, « la porte du vent » (note de lecture d’Angèle Paoli sur Retour à Bagheria)
    Françoise Jones | Transports d’ailes saisies
    Zoé Valdés | Paquita Valdès (Angèle Paoli)
    11 mars 1931 | Mort de Murnau
    Hélène Cixous | Le-tablier-mémoire-de-la-mère (note de lecture d’Angèle Paoli sur Le Tablier de Simon Hantaï, Annagrammes)
    Exposition STATUAIRE (musée de Picardie, Amiens)(Angèle Paoli)
    « Navire night » (Angèle Paoli)
    À propos de « Navire night » (Angèle Paoli)
    Myriam Montoya | Bachue
    Brina Svit | Rue des Illusions perdues (note de lecture d’Angèle Paoli sur Con brio)
    19 mars 1966 | Inauguration de la Maison de la Culture d’Amiens
    Taraillettes (Angèle Paoli)
    Volutes (Angèle Paoli)
    Barbie Girl par Marielle Lefébure (Chroniques de femmes)
    Silvia Bre | L’argomento
    Amina Saïd | amour notre parole
    Barbara Strozzi | Lamento de L’Eraclito amoroso
    24 mars 1905 | Mort de Jules Verne
    Linda Lê | La boîte de Pandore (note de lecture d’Angèle Paoli sur Le Complexe de Caliban)
    29 mars 2005 | Cécile Ladjali à Laval
    Ceneri [cendres], Venezia 2001 (IX – FIN) (Angèle Paoli)
    Horacio Ferrer | Je mourrai à Buenos-Aires
    Béatrice Libert | Nous traversons l’abîme
    Cromagnon était-il macho ? par Marielle Lefébure (Chroniques de femmes)
    Entrelacs (Angèle Paoli)
    29 mars 1951 | Oscar de la meilleure actrice décerné à Vivien Leigh
    Venise mirage (Angèle Paoli)
    « Portraits de femmes » par Angèle Paoli (Chroniques de femmes)
    Anne Perrier | L’arbre du Ténéré
    30 mars 1983 | Mort de la chanteuse Suzy Solidor
    Bernard Noël | L’Encre et l’Eau
    Voyage (Angèle Paoli)
    Terres de femmes ― N° du mois d’avril 2005



    Retour au répertoire chronologique de Terres de femmes

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Francesco Scarabicchi | [Sarai di me l’unica luce ancora]

    «  Poésie d’un jour  »



    Pioggia persa
    Ph., G.AdC







    [SARAI DI ME L’UNICA LUCE]



    « Sarai di me l’unica luce ancora,
    i passi che cammino senza affanno,

    un sentiero che sceglie il verde e il Monte,
    la pioggia appena persa, i suoi torrenti

    che rasentano il grano, gli alti cardi,
    una luna gentile che si attarda

    all’angolo più umile del cielo. »




    Francesco Scarabicchi, Missive (7), L’esperienza della neve, Donzelli editore, Collana Poesia, Roma, 2003, pagina 101.





    Francesco Scarabicchi  L'esperienza della neve








    [TU SERAS DE MOI L’UNIQUE LUMIÈRE]



    « Comme hier, tu seras de moi l’unique lumière,
    la marche que j’entreprends sans perdre haleine,

    un sentier qui choisit le vert et le Mont,
    la pluie à l’instant égarée, ses torrents

    qui frôlent le blé, les hauts chardons,
    une lune gracieuse qui s’attarde

    dans l’angle le plus effacé du ciel. »



    Traduit de l’italien par Angèle Paoli




    FRANCESCO  SCARABICCHI


    Francesco scarabicchi
    Source




    Né à Ancone le 10 février 1951, Francesco Scarabicchi a passé toute son enfance à Grottammare (province d’Ascoli Piceno dans les Marches) avant de retourner dans sa ville natale, où il vit toujours.

    Avec Franco Scataglini, Massimo Raffaeli et le poète Gianni D’Elia, Scarabicchi est à l’origine (au début des années 1980) du projet culturel et de la revue radiophonique Residenza, qui vise à mettre un terme à la diaspora des talents régionaux vers les grandes zones urbaines et à promouvoir une poésie et un art ancrés et recentrés dans les « lieux de résidence », qui ne soient plus à la périphérie des lieux de poésie.

    Depuis 1982, il a publié une vingtaine de recueils de poèmes, dont La porta murata (Residenza, 1982), Il viale d’inverno (L’Obliquo, 1989), Il prato bianco (L’Obliquo, 1997 ; rééd. Einaudi, 2017), L’esperienza della neve (Donzelli, 2003), Il segreto (L’Obliquo, 2007), L’ora felice (Donzelli, 2010), Nevicata (avec des eaux-fortes de Nicola Montanari, Liberilibri, 2013).

    En collaboration avec le peintre brescian Giorgio Bertelli, il a réalisé, parmi d’autres ouvrages, Via Crucis (Sestante, 1994) et Diario di Càlena (Stamperia dell’Arancio, 1995). Traducteur d’Antonio Machado et de Federico García Lorca pour les éditions Taccuino spagnolo (L’Obliquo, 2000), Francesco Scarabicchi est aussi l’auteur de monographies consacrées aux peintres Ernesto Treccani, Valeriano Trubbiani et Giorgio Bertelli.

    En 2017, il a été le lauréat du Premio Nazionale Letterario Pisa, section Poésie.




    ■ Francesco Scarabicchi
    sur Terres de femmes


    Sixième prélude (extrait d’Un oubli de neige)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La punta della lingua)
    un entretien (en italien) de Francesco Scarabicchi avec Valerio Cuccaroni





    Retour au répertoire du numéro de juin 2008
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)

    » Retour Incipit de Terres de femmes