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  • TdF n° 41 ― avril 2008



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    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS D’AVRIL 2008



    Terres de femmes ― N° du mois de mars 2008
    Hélène Sanguinetti/À celui qui
    2 avril 1913/Inauguration du Théâtre des Champs-Élysées
    3 avril 1959/Tommaso Landolfi, Rien va
    Hélène Mohone/Psaume
    En creux sur (Angèle Paoli)
    4 avril 1914/Naissance de Marguerite Duras
    Fabienne Courtade, Table des bouchers, poésie (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Jean-Marc Sourdillon, Les Tourterelles (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Insecte (Angèle Paoli)
    Printemps des poètes à Fiesole (Florence)
    9 avril 1552/Mort de François Rabelais
    Anne Sexton/Elisa Biagini/Due mani… Due voci
    5e édition du festival ‘E Teatrale’ à Bastia
    Hélène Sanguinetti, Le Héros (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Tamirace Fakhoury/Ta visite
    Le corbeau du sommeil (Angèle Paoli)
    Fabio Scotto/Ces paroles échangées
    Martin Rueff/Et des coups de poing dans la poitrine
    26 avril 1798/Naissance d’Eugène Delacroix
    En amont de l’attente (Angèle Paoli)
    28 avril 1984/Marisa Madieri, Trieste
    Vibrato (Angèle Paoli)
    Isabelle Garron/]. la position du soleil
    Terres de femmes ― N° du mois de mai 2008



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  • e.e. Cummings | Beautiful

    «  Poésie d’un jour  »



    Image, G.AdC
    Theunmeaning                    41

                  Beautiful

                  is the
                  unmea
                  ning
                  of(sil

                  ently)fal

                  ling(e
                  ver
                  yw
                  here)s

                  Now





    e.e. Cummings, 41 : Beautiful, in 95 Poems, Complete Poems 1904-1962, edited by George J. Firmage, New York, Liveright Publishing Corporation, Centennial edition published, 1994, page 713.






                                             41

                                 Magnifique

                                 est l’in
                                 signif
                                 iance
                                 des(sil

                                 encieux)floc

                                 ons qui
                                 (part
                                 out
                                 ici)se

                                 Pres(s)ent





    e.e. Cummings, 41 : Magnifique, 95 poèmes [1958], Flammarion, 1983 ; Collection Poésie/Points, octobre 2006, page 73. Traduit de l’anglais et présenté par Jacques Demarcq.





    ■ e.e. Cummings
    sur Terres de femmes

    [goodby Betty, don’t remember me]
    Memorabilia
    [my lady is an ivory garden]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site American Poems) une
    bio-bibliographie d’e.e. Cummings (+ un choix de 153 poèmes)
    → (sur scribd.com)
    l’intégralité des poèmes d’e.e. Cummings





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  • Zibal-donna (zibaldone et miscellanées d’Angèle)

    Catégorie : Zibal-donna
    (zibaldone et miscellanées d’Angèle)

    INDEX ALPHABÉTIQUE

    Pour accéder à l’une des notules, cliquer sur son intitulé.





    Zibaldonna
    Ph, G.AdC





    Accostage Haute tension, AP
    À chì colla à chì fala, AP
    Acrossing the river, AP
    À flux tendu, AP
    À l’aplomb du mur blanc, AP
    All blues, AP
    a mezzanotte, AP
    A noia, Georges Bernanos + AP
    A punta murtale, AP
    Attente immobile, AP
    Aujourd’hui la mort m’habite, AP
    A.Z., Jacqueline Risset
    Bastia Miami Beach, AP
    Bleu de Prusse, AP
    Broderie orientale, AP
    Broderies sur le vide, Marguerite Yourcenar
    Calva Sorix, AP
    Camaïeux, AP
    Canne-Opéra d’ébène, AP
    Capraia, AP
    Carnage amoureux, Linda Lê
    Cassiopée
    Celle qui attend…, Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein (extrait) + AP
    Chaillots/Cuticci, AP
    Chant de la route en Tombelaine, AP
    Chaton roux, AP
    Cheval blanc au miroir, AP
    Chiaroscuro, AP
    Chjam’è rispondi, AP
    Chtoniennes, AP
    Cimetière cratère d’or, AP
    Ciottoli/Cuticci, AP
    Clair-obscur, AP
    Coco ou le désarroi de Brina, AP
    Complainte, AP
    Comptine de mai, AP
    Corps y es-tu ?, AP
    Dans le clair-obscur de la page, AP et G.AdC
    Dans le rayon fou qui t’aveugle, AP
    Dans les revers du temps, AP
    Danse libre, AP
    Débrisures, AP
    Dérives d’automne, AP
    Déserts, AP
    Dimenticare Palermo
    Dit d’amour noir (Le), AP
    Doublement pervers, Roland Barthes
    Du carnet de voyage au journal intime, Michel Leiris
    Éclats d’éclats : Poésies polaroïds, AP
    Écorchée, AP
    Ellipse de la tragédie, AP
    En amont de l’attente, AP
    En marge, AP
    En creux sur, AP
    Entrelacs, AP
    Entre un [k]… et un [v], AP
    Et toi, AP
    – « Faiseur (Le), Antoine Émaz
    Fang, AP
    Feux de jardin, AP
    Fffffff, AP
    Fleur d’eau, AP
    Gémellité, AP
    Homme et le caillou (l’), Jacques Réda
    Ghjuvanara/Hallali, AP (traduction de Norbert Paganelli)
    Houle verte et carcasses vagabondes, AP
    Humeurs émeraudes, AP
    Il y a là, AP
    Indices de présence, AP
    Infidélités, AP
    Inlassables…, AP
    Insecte, AP
    Ivresse d’Ariane, AP
    J’attends, AP
    J’écris, AP
    Je ne monterai pas à Golpani, AP
    « Je ne reconnais plus personne », AP
    J’entre dans l’automne, AP
    Jeux de plis, AP
    Labyrinthe, AP
    La caisse claire, AP
    Lai du chèvrefeuille, AP
    Laisses de mer, AP
    Lamentu fauve, AP
    L’appel plaintif du clocher, AP
    La terre s’évade, AP
    Le bleu est par-dessus les toits, AP
    Le chant de la noria, AP
    Le corbeau du sommeil, AP
    Le lion des Abruzzes, AP
    Le puits noir, AP
    L’espace fuit, AP
    Léviathan, AP
    Lézards-Mürs, AP
    Libazioni di sangue/Libations de sang, AP (traduction de Jacques Fusina)
    Limon de haut vertige, AP
    L’inviolée de la lune, AP
    Loin d’Ophélie, AP
    Lointains de paradis perdu, Giuseppe Ungaretti
    L’ombre portée du palmier bleu, AP
    L’or des mots/L’oro delle parole, AP/Maura Del Serra
    Luce romana, AP
    Mirage de Méroé, AP
    Miroir, AP
    Mort en étoile, AP
    Mort et résurrection d’une île, Marie Ferranti/Chasses de novembre, AP
    Mosaïques en écailles (Forêt d’Aitone), AP
    Mots et les autres (Les), AP
    Narcissique Katinka, Pietro Citati
    Nausicaa au miroir, AP
    Nawalghar, AP
    Nix lux vox, AP
    Noia (a), Georges Bernanos (Journal d’un curé de campagne) + AP
    Noirs bambous, MCS + AP (chjam’è rispondi)
    Notte di Poghju, AP
    Nuages, AP
    La nuit chauve-souris, AP
    Orée/Limitare/Soglia, AP
    Paladins d’automne, AP
    | parfois elle tend le bras |, AP
    Paroles sous silence, AP
    Patchwork portuaire, AP
    Pauvre Martin, pauvre pêcheur…, AP
    « Petite barque (La) », AP
    Peut-être, AP
    Pierre d’angle, tableautins, AP
    Plein sang, AP
    Pluie d’été, AP
    Plume de geai bleu, AP
    PoéZie du Kotidien, AP
    – « Pupille Christ de l’œil » (Zone, Apollinaire) + AP
    Puzzle d’écales (Forêt d’Aitone), AP
    Quelques ocelles de bonheur, AP
    Rage d’or, AP
    Ressac, AP
    Retour à Bagheria/8 mars 2002
    Rêve de Giacomo Leopardi, Antonio Tabucchi
    R(h)umeurs, AP
    Rien sur noir, AP
    Rivière et Rêverie, Ludovic Janvier
    | rouge |, AP
    Santa Maria Assunta, l’hyperbole éblouie de Pino baroque, AP
    Seuils, AP
    Soleil blanc, AP
    Sommeils, AP
    Son œil de Dora Maar, AP
    Soucie-toi de toi-même, Michel Foucault
    sous la peau comme une écharde, AP
    Sous le pavot, la page, AP
    Sous les cailloux… la coccinelle, Ezra Pound + AP
    Speluncatu, AP
    Strawberry Fields forever, AP
    Stridences, AP
    Sur l’aile qui vacille, AP
    Sous la silice des mots, AP
    Sur les ailes de l’île, AP
    Take me away in wonderland, AP
    T’as fini de le remugler ton plugle ?, AP
    Terres d’encres, AP
    Tollare, AP
    Triptyque de l’île, AP
    Triptyque du désir, AP
    Vague (La), AP
    Vendanges, AP
    Venise mirage, AP
    Veri similis, AP
    Vibrato, AP
    Voce isulana, AP
    Voyage, AP
    Vuràghjine, AP




    Catégorie : Zibal-donna

    Sous-catégorie : Carnets de marche

    Carnets de marche. 1 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 2 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 3 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 4 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 5 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 6 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 7 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 8 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 9 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 10 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 11 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 12 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 13 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 14 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 15 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 16 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 17 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 18 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 19 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 20 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 21 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 22 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 23 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 24 (Angèle Paoli)
    Carnets de marche. 25 (Angèle Paoli)




    Sous-catégorie : Carnets du père


    Chimères invisibles – Carnets du père (I)
    Golo (le) – Carnets du père (II)
    Mots d’enfants – Carnets du père (III)
    Masculin féminin – Carnets du père (IV).





    N.B. : Pour en savoir plus sur le Zibaldonepetiteimage2 (de Leopardi), voir ICI.


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  • 30 mars 1844 | Naissance de Paul Verlaine

    Éphéméride culturelle à rebours



    Il y a 177 ans, le 30 mars 1844, naissait à Metz Paul Verlaine.







    Verlaine
    Eugène Carrière (1849-1906),
    Paul Verlaine, 1891
    Huile sur toile, 61 x 51 cm
    Paris, musée d’Orsay
    Source








    III



    Metz, le 30 mars 1844. Celui qui vient de rouler dans son berceau, au 2 de la rue Haute-Pierre, ne sait pas encore qu’il est entré dans l’Histoire.

    Il y a une route qui commence devant lui, toute droite, avec du soleil en poudre et des flaques de musique où il fait bon s’endormir. Il y a ce concert de voix où l’oreille petit à petit fait son chemin. C’est le premier bain dans l’air. Les sons font des bulles qu’on ne voit pas encore, mais qui éclatent doucement sous la pupille. On les distingue peu à peu, l’une après l’autre, on les accorde avec le bruit du cœur. Il y a celle qui ondule comme une vague, avec des pointes de pluie, mais douce comme un ventre de femme, et puis une autre qui répond plus bas comme un ciel d’orage roulant dans les cailloux. Le mélange se fait dans les hauteurs, comme à l’étouffée. On marche sur du velours. On ne s’en remettra jamais tout à fait.




    IV



    S’il les a regardés longuement, l’enfant du miracle, ces trois fœtus roses sur l’étagère de bois ― et de quel regard noir au fond des orbites qui brûlent, quand, sur le tapis du salon, jouant seul parmi les soldats de plomb ou rêvassant à Dieu sait quelle figure sur les reflets du meuble, il s’arrêtait soudain sur eux, plein de malaise et d’effroi !

    S’il a dû lui en poser des questions, à sa mère, des questions naïves comme en posent les petits de l’homme devant les évidences ― le bleu du ciel, dis, maman, pourquoi ? et la neige, et les nuages ? Et jamais une réponse claire, nette, n’aurait franchi les lèvres blessées d’Eliza-Stéphanie Dehée ? Jamais une réponse à couper le cou pour toujours à cette route désordonnée du rêve là-bas dans la brume où la vie de Paul va se perdre ?

    Jamais en tout cas, ni dans ses vers ni dans sa prose, Paul n’évoquera les trois fœtus.

    Peut-être les beaux yeux bridés de sa mère tout à coup qui s’embuent, ses beaux yeux chinois et noyés de larmes ont-ils suffi, avec le doigt posé sur les lèvres, religieusement, pour que l’enfant devienne complice à son tour du grand secret et soudainement grandisse dans le silence et l’effroi du silence. Peut-être.

    Il y a tellement de choses que les enfants ne peuvent comprendre, sous peine de souffrir beaucoup, et qu’ils comprennent sans rien dire ; tellement de choses qu’il convient de préserver dans leur enveloppe de gaze, de brouillard, de mystère et qu’ils enfouissent en eux, quitte à porter jusqu’au bout le poids écrasant du secret inviolé, et le désir de sa révélation.

    Il y a des noms, mon petit Paul, qui n’ont pas eu le temps d’être prononcés, et qui demeurent à jamais dans l’air alentour, terriblement, comme ceux des aimés que la Vie exila, ces fantômes pour les jours à venir, et qui déjà s’acharnent sur tes rêves.



    Guy Goffette, Verlaine d’ardoise et de pluie [1996], Éditions Gallimard, Collection folio, 1998, pp. 39-40.







    Goffette






    VERLAINE




    ■ Paul Verlaine
    sur Terres de femmes


    7 janvier 1896 | Mort de Paul Verlaine
    Mon rêve familier
    10 octobre 1684 | Naissance d’Antoine Watteau (Verlaine, Clair de lune, Fêtes galantes)





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  • 30 mars 1973 | Les Noces de Figaro par Giorgio Strehler

    Éphéméride culturelle à rebours



    217
    Source






        Il y a 39 ans, le 30 mars 1973, création par Giorgio Strehler des Noces de Figaro dans la petite salle (500 places) du théâtre Gabriel de Versailles (Opéra Royal). La direction musicale des Noces de Figaro est confiée à Sir Georg Solti (chef de chant : Irène Aïtoff). Les décors et costumes sont l’œuvre du scénographe italien Ezio Frigerio. Les masques du couturier français Christian Lacroix. Gundula Janowitz interprète le rôle de la Comtesse Almaviva, Mirella Freni celui de Suzanne, Gabriel Bacquier celui du Comte Almaviva, José Van Dam celui de Figaro et Frederica von Stade celui de Chérubin.

        Cette nouvelle mise en scène de l’opéra de Mozart sera reprise à l’Opéra de Paris (Palais Garnier) le 7 avril 1973 pour 55 représentations (jusqu’au 14 juillet 1980). Elle inaugure l’ère Rolf Liebermann à la tête de l’Opéra de Paris (1973-1980).

        Le Mariage de Figaro (1785), également intitulé La Folle Journée, est une comédie théâtrale de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Second volet d’une trilogie, cette comédie est le chef-d’œuvre de Beaumarchais. Rendu célèbre quelques années auparavant grâce au Barbier de Séville (1775). La trilogie de Beaumarchais se clôt sur un drame de médiocre invention : La Mère coupable (1792).

        Le Mariage de Figaro et Le Barbier de Séville ont inspiré à Wolfgang Amadeus Mozart son opera buffa, Les Noces de Figaro. Composé à partir du livret de Lorenzo Da Ponte, cet opéra a été créé pour la première fois le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne.





    Giorgio_strehler





    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    1er mai 1786 | Création des Noces de Figaro de Mozart
    → (sur YouTube) Frederica Von Stade (Chérubin) dans « 
    Non so più » et dans « Voi che sapete » (Opéra Garnier 1980 ; m.e.s. Giorgio Strehler ; direction musicale Georg Solti)
    → (sur YouTube)
    Gabriel Bacquier (Comte Almaviva) et Lucia Popp (Comtesse Almaviva) dans « Crudel, perchè fin’ora » (Opéra Garnier 1980 ; m.e.s. Giorgio Strehler ; direction musicale Georg Solti)
    → (sur YouTube) Gundula Janowitz (Comtesse Almaviva) dans « 
    E Susanna non vien… Dove sono et dans « Porgi Amor » (Opéra Garnier 1980 ; m.e.s. Giorgio Strehler ; direction musicale Georg Solti) »





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  • 27 mars 1899 | Naissance de Francis Ponge

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 27 mars 1899 naît à Montpellier Francis Jean Gaston Alfred Ponge.



    De l’éducation protestante qu’il a reçue, Ponge écrit :

    « Mes origines très proches d’une certaine retenue, réserve et presque austérité qui est ma tare protestante, très proche des Cathares, très proche aussi des Romains du temps de Caton. »






    Ponge
    Image, G.AdC






    27-28 mars (1948)



    J’entre aujourd’hui dans ma cinquantième année.

    Toujours aussi gamin, aussi nul.

    Avec en plus quelques-unes des turpitudes, quelques-uns des ridicules de la vieillesse ; un certain sentiment de déchéance.
         Une volubilité de mauvais aloi, beaucoup de complaisance à moi-même, de pusillanimité esthétique, d’acceptation (honteuse) d’un respect qui ne m’est nullement dû.

    Pas l’impression du tout d’avoir progressé.

    Ma situation s’est améliorée, peut-être, mais moi j’ai accompli des actes honteux, je veux dire que j’ai publié des choses faibles et prétentieuses, je me suis ridiculisé à mes propres yeux. J’ai perdu plusieurs parties.





    28 mars



    Fraîcheur, je te tiens. Liquidité, je te tiens. Limpidité, je te tiens. Je puis vous élever à la hauteur de mes yeux, vous regarder de l’extérieur, par les côtés, par en-dessous. Sans fatigue ni réponse aucune.

    Transparence (ou translucidité) douée de toutes les qualités négatives (incolore, inodore et sans saveur) mais douée de certaines qualités positives (de fraîcheur, d’agilité) : je te tiens.

    Toi qui ris. Toi qui t’humilies et t’abîme sans cesse, je puis t’élever à ma guise à hauteur de mes yeux.

    Et tu es douée de fraîcheur, tu me rafraîchis : si bien que je t’absorbe, je t’ingurgite.

    Je fais profiter de ta fraîcheur l’intérieur de mon corps.


    Francis Ponge, Le Verre d’eau in Méthodes [1961], Œuvres complètes, I, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, pp. 588-589.





    FRANCIS PONGE



    ■ Francis Ponge
    sur Terres de femmes

    9 août 1940 | Francis Ponge, Le Carnet du Bois de pins
    6 février 1948 | Francis Ponge, Pochades en prose
    10 avril 1958 | Francis Ponge, La figue
    29 mars **** | Le Verre d’eau
    Les hirondelles
    Philippe Jaccottet, Ponge, Pâturages, Prairies (note de lecture d’AP)





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  • 27 mars 1995 | Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1991-2000

    Éphéméride culturelle à rebours


    Komatsu







    Lu 27.3.1995       


        C’est aujourd’hui que commencent les travaux de fouille destinés à atteindre et à colmater la fissure qui est apparue dans le mur du sous-sol. Levé à six-heures et demie. Comme nous avons passé l’heure d’été, il fait nuit noire et il me semble être subitement revenu dans l’hiver, à reculons. Lorsque je rentre après avoir administré mes quatre heures de cours, une tranchée profonde de plus de deux mètres, large de un, longue de quatre, a été ouverte devant le mur du bureau. La pelle mécanique – Komatsu – est au repos. À deux heures, M.M., l’entrepreneur, est de retour. Il me montre l’imperceptible lézarde qui court le long du mur, sous la terrasse. C’est elle qui a causé les infiltrations. Il perce une bouche d’aération au sommet du mur. Cela fait grand bruit. Impossible de rien faire. Et puis il a plu, il tombe à deux ou trois reprises, des flocons, un temps contraire aux travaux en plein air. Je quitte à nouveau la maison, vers quatre heures, pour le conseil de classe des cinquièmes. La R21 produit au moindre cahot, un bruit de métal entrechoqué que j’ai entendu, pour la première fois, samedi, en reculant. Comme si ce n’était pas assez de complications ! Je téléphone au garage des Ullis. Le rendez-vous est fixé à vendredi. Comme je crains que la voiture ne m’abandonne n’importe où, je la conduirai dès demain au garage.
        Conseil de classe, agacement, écœurement. Je rentre à six heures et quart. Sur le paillasson, un mot de Paul, avec une faute d’orthographe. Il est chez nos voisins parce qu’il a oublié ses clés. Je lui avais bien dit, hier, que je ne pourrais pas venir le chercher à son collège, étant occupé dans le mien. Il n’a pas entendu. Et déjà, il s’est installé devant l’ordinateur et perd son temps à des jeux dignes, à peu près, d’un enfant du cours élémentaire alors qu’il a, demain, un contrôle d’histoire. Tant de négligence, de paresse, d’inconscience, à bientôt quinze ans, m’irritent considérablement. M.M. a aveuglé la fissure, comblé la tranchée. Un travail soigné. Il a déposé les pieds de lavande sous la fenêtre du bureau, évolué précautionneusement entre les arbres fruitiers, sur la pente. Mais le devant de la maison est à nouveau bosselé, saucé de glaise, et le versant du terrain labouré par les chenilles. Il va falloir manier la pelle et la pioche et cette perspective, fatigué que je suis, me démoralise. Couché tôt.


    Pierre Bergounioux, Carnet de notes, 1991-2000, Éditions Verdier, 2007, pp. 543-544.






    Pierre Bergounioux, Carnet de notes  1991-2000





    ■ Pierre Bergounioux
    sur Terres de femmes

    7 novembre 1992 | Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1991-2000
    31 mars 1596 | Naissance de René Descartes (extrait d’Une chambre en Hollande de Pierre Bergounioux)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Verdier) la
    fiche bio-bibliographique consacrée à Pierre Bergounioux
    → (sur auteurs.contemporain.info) une
    fiche sur Pierre Bergounioux
    → (sur remue.net)
    Yves Charnet / « On a toujours besoin d’exemples vivants », lettre à Pierre Bergounioux





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  • J’attends




    Livre_au_silence_jattends
    Ph., G.AdC




               J’ATTENDS

           ange déchu livré aux
           sarcasmes du vent
           sagittaire lancé
           au giron de la nuit
           l’odeur de chairs
           et de lauriers
           frissonne
           à mes narines
           obole de fraîcheur
           livrée au silence

           j’attends

            Angèle Paoli
           D.R. Texte angèlepaoli



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  • Pierre d’angle, tableautins




    PIERRE D’ANGLE, TABLEAUTINS

    Ph., G.AdC          
    Ses_rcits_et_son_sac_de_voyage

                                   I

    Le tombeau blanc      veille
    vaisseau léger vissé au-dessus de la vague
    sel et vent
    des rochers livrés à la morsure vive
    de l’hiver

    l’ancêtre embaumée
    couchée dessous la dalle
    s’est réveillée hurlante        de sa mort
    les vivants soupçonneux l’ayant
    laissée à son dé―lire
    d’emmurée vive

    bouche noire emplie
    de vide
    face tournée vers ―
    yeux grand ouverts

    sur l’intranquillité
    dormante


                     II

    au matin le cadavre
    ébloui de tant de lumière
    avait chu dans le ruisseau
    caniveau gargouillant
    des mauvais rêves de la nuit
    le caveau éventré
    avait laissé s’enfuir
    son mort


                     III

    depuis quelque temps
    le poupon imberbe
    gît dans le fourrage
    des fossés
    sa tête celluloïd tète la terre
    fouille groin immobile foui à même
    l’herbe froide du talus

    plus tard aux environs de mars
    déjanté en tempêtes
    le poupon    genoux crevés par
    la pointe des silex
    étire ses membres
    dans la feuillée d’un chêne
    nudité de plastique
    crucifiée
    au maquis


                        IV

    crottes d’ours et celles
    des chamelles
    gercées de millefeuilles
    herbes du désert et sables
    sa collection d’amulettes
    agglomérés de traces
    passage pêle-mêle
    du temps et de l’espace
    s’amenuise ici
    dans la coupelle bleue
    en verre de Venise


                                      V

    elle dit       je cherche je ramasse je hisse
    sur le dos des chameaux porte-faix
    les tibias péronés épaules et mâchoires
    des chacals des oryx des fennecs des gerbilles
    des damans des rochers ― procavia capensis
    dévorés par les sables
    carcasses des charognes
    affûtés de soleil
    trophées de lynx
    qui gonflent ses récits
    et son sac de voyage


                                     VI

    Pierre d’angle

    la mort à l’œuvre sur les visages
    ange du désir immolé dans les chiures d’étable
    une figure longue de 22 long rifle
    résignée à la grimace absolue
    tristesse du monde

    pressé d’en finir et de filer à l’anglaise
    il piaffe de les entendre chanter glapir gloser
    dans leur psittacisme de base
    moue désabusée
    de diable perçant sous la chasuble
    aubaine blanche sans lendemain.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



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  • La Pensée de midi, « Tanger, ville frontière »

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique de Angèle Paoli
    La Pensée de midi, n° 23, février 2008




    Tanger_ville_frontire




    UN MUR, DEUX MERS

         Tanger, ville longtemps rêvée que portent mes lectures anciennes, colonnes d’Hercule de l’enfance des mythologies. Tanger, ville refuge de Jean Genet, ville de passage de Tennessee Williams, Truman Capote, William Burroughs, ville d’aventure de Paul Bowles. Un Thé au Sahara. Qu’y a-t-il de commun entre la ville inscrite de si longue date dans l’imaginaire lié aux portes du désert et la Tanger d’aujourd’hui soumise à son tour, comme tant d’autres, aux frénésies immobilières sans bornes et aux violences de la modernité ? La lecture du dossier consacré à Tanger par La Pensée de midi, va-t-elle permettre de répondre à la lancinante question du devenir de « Tanger, ville frontière » ?

         Réalisée par Joseph Marando, la photo de la première de couverture du n° 23 de La Pensée de midi, « Tanger, ville frontière », en dit long sur la nostalgie qui imprègne rivages et hommes. Quel « horizon d’attente » pour celui qui, burnous aveugle et silencieux, tournant le dos à la ville, contemple l’infini, promesse de l’ailleurs ? Attente, suspens, les yeux assis sur l’horizon désert.


    La création comme remède à la destruction

         Dans son éditorial intitulé « Destruction/Création », Thierry Fabre met à nouveau l’accent (il l’a déjà fait précédemment dans d’autres numéros) sur ce qui frappe et blesse dès le premier abord. L’asynchronie entre deux mondes. Monde méditerranéen et Monde européen. « Le Monde méditerranéen vit un temps de la destruction et semble plongé dans un « paysage de la bataille ». » Et l’auteur de retracer ce qui oppose le monde méditerranéen au monde européen depuis 1945. « Non guerre, réconciliation autour de la démocratie, du marché et des droits de l’homme » pour l’un ; violents conflits pour l’autre, « effets dévastateurs » de la colonisation, destructions incessantes. Des trajectoires historiques distinctes auxquelles viennent s’ajouter de multiples divergences, y compris dans l’élaboration de projets communs. Est-il encore possible, s’interroge Thierry Fabre, d’envisager pour les trente années à venir, un futur commun à ces deux mondes que tout semble séparer inexorablement ? Selon Thierry Fabre, il y a urgence à renvoyer à ce désir de « viva la muerte » un processus de création. Seul trait d’union possible à opposer aux armes. Là encore, le seul maître à penser sur lequel appuyer sa réflexion est Albert Camus dont Thierry Fabre rappelle le sens de la mesure et des limites. Ce que l’auteur de L’Homme révolté nommait jadis « la pensée de midi ». Paradoxalement, regarder la destruction à l’œuvre est une invitation à la création.




    Michel_peraldi
    Ph., G.AdC



    Tanger « transnationale »

         Le dossier « Tanger, ville frontière » s’ouvre sur une « chronique subjective » de Michel Péraldi (à qui Thierry Fabre a confié la coordination de l’ensemble du dossier). Pour Michel Péraldi, anthropologue qui dirige à Rabat le Centre Jacques-Berque, Tanger est une ville euroméditerranéenne, « transnationale ». Une ville qui vit dans un espace-temps qui « déborde le national ». Être transnational, cela signifie savoir se glisser dans les plis des lois et s’y rendre invisible. Capacité indispensable à qui veut passer la frontière sans courir le risque d’y être reconduit manu militari. Pour nombre d’adolescents, « brûler la frontière » constitue du reste un rite de passage incontournable, une épreuve initiatique nécessaire pour partir à la conquête des marchés du travail européen. En outre, le seul moyen pour ces jeunes de s’émanciper d’une vie qu’ils récusent. Passer de l’invisibilité à la visibilité ne se fait pas sans dommages. Brutalités et violences sont le prix à payer pour qui veut y parvenir.

         Être transnational, c’est aussi savoir infiltrer les milieux européens qui dirigent la ville et se couler dans les réseaux qui en drainent les flux. Contraints pour survivre de s’adonner à des activités illicites, les frontaliers trafiquent avec les Européens installés de longue date à Tanger. Trafics sur les marchandises courantes, trafic du shit, prostitution. À quoi s’ajoutent, dans le paysage de la Tanger d’aujourd’hui, les trafics immobiliers. Autant d’activités qui ont permis l’émergence de nouvelles castes bourgeoises. Celle qui, éhontément enrichie par l’argent des montagnes (culture du cannabis), affiche sans vergogne sa réussite et envoie ses enfants à la ville pour y étudier le commerce et la comptabilité; celle de la relance industrielle de Tanger, plus discrète, installée sur le « promontoire, face à l’Espagne » ; aux autochtones qui conduisent l’économie de la ville, il faut encore ajouter une population cosmopolite européenne qui envahit Tanger périodiquement. Emportée par la « spirale de la croissance », cette population d’origine marocaine, qui hante les bars et siffle les filles, n’a plus rien à voir avec ses cousins restés sur place. Ravagée par les séismes d’une capitalisation effrénée, Tanger voit les écarts culturels et moraux qui la divisent se creuser inexorablement et irrémédiablement.

        En quelques années, convoitée pour sa position stratégique et ses potentialités économiques, la « Perle du Détroit » est devenue la proie des promoteurs immobiliers. Carcasses vides et aveugles, les habitations neuves envahissent les avenues livrées à la désolation d’une entreprise non terminée. Il s’agit pour les Tangérois de faire vite. Le rêve de faire de Tanger le premier port de la Méditerranée est en passe de devenir réalité. Grâce à l’implantation des usines et grâce aux capitaux venus des montagnes, Tanger n’est pas loin d’évincer ses trois principales rivales : Marseille, Gênes et Barcelone. Pour l’heure, la « ville palimpseste » ressemble dangereusement à Tiruana, Mexique.

         À cet article sérieux et préoccupant succède une série de notes plus légères mais non moins éclairantes pour qui veut comprendre la teneur des rapports sociaux en pleine transformation dans la société marocaine.


    Portraits

         Le conteur tangérois Mohamed M’Rabet offre au lecteur vagabond et curieux des récits cocasses et gentiment moqueurs. Une autre façon d’aborder la ville. À mi-chemin entre réalisme et merveilleux, tendresse et cruauté, les contes de Mohamed M’Rabet font sourire. Cruauté tendre envers les hommes que leur naïveté « rachète », tendresse infinie pour Tanger que hantent ses sirènes.

         De père marocain et de mère russe, cuisinier de formation, Mohamed El Halim rend un hommage touchant à son « frère Bachir », dont l’ombre continue de hanter la mémoire de la ville.

         Simon-Pierre Hamelin, écrivain et libraire à Tanger, passe ses journées et ses rêves à franchir la frontière. Les « limes » internes à la ville même. Celle qui « sépare la Médina du grand Socco » ou celle encore qui sépare la Montagne des quartiers riches réservés aux gens bien nés. Et au-delà encore, ses frontières et les nôtres, puis plus avant encore dans le texte, les siennes propres. Limes, un très beau texte.

         Quelques chapitres plus loin, la sociologue Carole Viche brosse le portrait complexe de Khalid, portier d’une résidence pour étudiants venus de l’intérieur. Portier, un métier en plein essor à Tanger et un métier gratifiant. Qui évolue avec les mœurs et dépasse le simple rôle de concierge. Gardien de l’ordre moral et garant des équilibres sociaux, Khalid jongle avec le règlement et avec son emploi. Les transactions auxquelles il se livre quotidiennement au nom des bonnes mœurs lui assurent de consistantes ressources et un statut social en pleine évolution. Au détriment des jeunes femmes qui paient très cher leur liberté.

         Plus anciens, les portraits de Paul et Jane Bowles, toujours vivants dans les mémoires. Si la vie luxueuse et mondaine de Paul et Jane Bowles fait encore rêver les âmes en mal d’exotisme tapageur, il n’en est pas de même pour l’universitaire Stuart Schaar qui évoque l’ennui que diluaient les cocktails quotidiens donnés par le couple. Des rencontres entre expatriés dont Paul Bowles a su tirer de savoureux récits.

         Dans une interview donnée par Michel Péraldi, la peintre américano-tangéroise Elena Prentice, longtemps chargée de la direction du Musée de la Légation américaine, évoque sa prise de conscience et son engagement en faveur de la langue parlée au Maroc. De cette époque date le militantisme linguistique d’Elena Prentice. Bouleversée par le problème des Marocains dépossédés du darija (langue maternelle) au profit de la langue officielle, Elena Prentice a mené un combat de cinq ans grâce à la création d’une équipe et à la fondation d’un journal : Khbar Bladna (« Les nouvelles de notre pays »). Une aventure qui a pris fin, faute de moyens financiers. Il reste à Elena Prentice la peinture et sa passion pour la lumière.

         En écho à Michel Péraldi, Mercedes Jiménez Alvarez, anthropologue qui s’intéresse aux « mineurs candidats à l’immigration », évoque le cas de « Sheitan » le diable et de tant d’autres qui ont choisi la voie de la rébellion. Et donc de l’exil hors de Tanger, hors du Maroc.

         Autre portrait, celui de Mohcine, le « brillant faux guide de la médina », confronté aux tribulations d’une ascension exceptionnelle suivie d’une chute qui le conduit en prison. Réalisé par Julien Le Tellier — géographe « spécialisé dans les études urbaines au Maroc » — et Catherine Mattei, doctorante en sociologie à l’Université Aix-Marseille I, ce portrait vise à étudier l’évolution des relations entre les gens issus de la Casbah et l’intelligentsia argentée, nouvellement implantée dans le quartier du vieux Tanger. Comment se vit la cohabitation entre les habitants les moins nantis de la Casbah et la gentry souvent excentrique et provocatrice qui s’y enracine ?


    Lieux

         La calle del Diablo — rue du Diable — doit peut-être son nom aux débridements nocturnes qui l’animent encore en dépit des efforts de la police pour la rendre convenable. Mona Kezari, doctorante en anthropologie, regrette le temps où la rue grouillait de toute une population où se mêlaient « ouvriers, chauffeurs de taxis, petits commerçants, prolétaires de la drogue, étrangers, ouvrières travesties en amantes tarifées, prostituées professionnelles, accompagnatrices, petites amies, affairistes, artistes et flambeurs de nuit ». Aujourd’hui, la calle del Diablo, prise en mains par les promoteurs immobiliers et les partisans de la purification, conduit sa résistance nocturne contre la brigade des mœurs pour éviter de voir ses bars fermer l’un après l’autre. Les incontournables du Tanger by night demeurent. « Les Ambassadeurs » et le « Romero Bar », le « Morocco Palace » et « Le Monocle ». Un univers où l’argent est l’élément-clé de l’échange hommes-femmes.

         Pour l’ethnologue Abdelmajid Arrif, Tanger se décline selon les rêves du jour et de la nuit. Tantôt « ligne brisée du désir de l’ailleurs », tantôt « ligne d’octroi » sur laquelle se fondent l’échange et la misère ; tantôt « ville-seuil » peuplée de voyageurs et d’hommes en exil, « ville ouverte sur le large » pour les uns, « ville fermée » sur la misère et les compromissions pour les autres ; « ville du référentiel » où se croisent et se jaugent les destins que tout oppose, Tanger est la « ligne de brisure des phantasmes » que domine la figure sublime de la putain. « Ligne lumineuse », Tanger s’illumine de ses chimériques lucioles. Un patchwork où se télescopent pour une nuit barbare, le muezzin et les filles. « Nadia, Houriyya, Zarha and co » qui « s’offrent en pâture au cercle d’une nuit ».

         Mais la photogénique Tanger est aussi ville légendaire du cinéma. Les noms des salles obscures résonnent encore dans les mémoires de la « Perle du désert ». Alcazar, Capitol, Ciné-Americano, Dawliz, Flandria, Goya, Ciné Lux, Mabrouk, Mauritania, Paris, Rif, Roxy, Tarik et Vox. Quatorze salles en tout dont cinq d’entre elles continuent de se battre pour tenter de survivre.

         Écrivain et photographe américaine installée à Tanger depuis 2005, Simona Schneider retrace l’histoire d’amour entre la ville et le cinéma. En même temps que l’histoire du cinéma tangérois. Avant d’évoquer le cinéma international de la Cinémathèque et les festivals du film de la Tanger d’aujourd’hui. La programmation, toujours plus exigeante et plus vaste, est la preuve indubitable que le cinéma tangérois a gardé droit de cité et se bat pour l’avenir.

         Le dossier de « Tanger, ville frontière » se clôt sur l’évocation du Café Commercy, « lieu mythique » où se regroupent les fumeurs de shit. Parmi eux, un étrange personnage, marin de son état et lecteur d’un livre unique qui sent encore l’iode des anciens voyages. Driss Ksikes, écrivain, passe de longs moments en compagnie de Ba Allal. Il est seul à écouter encore les récits du vieux matelot amateur de périples intérieurs. Des récits d’autant plus vibrants que désormais, la « mer est morte », séparée des hommes par un mur de béton. Pour Ba Allal, Tanger n’est plus qu’une terrible équation : Un mur, deux mers.

    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Voir aussi :
    – (sur Terres de femmes) La Pensée de midi,
    n° 19/« Qui menace qui ? » ;
    – (sur Terres de femmes) La Pensée de midi,
    n° 20/« Beyrouth XXIe siècle » ;
    – (sur Terres de femmes) La Pensée de midi,
    n° 22/« Mythologies méditerranéennes » ;
    – (dans le Magazine de Zazieweb) Revue des revues V : La pensée de midi.
    Penser le monde méditerranéen, par Angèle Paoli.



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