Blog


  • À l’aplomb du mur blanc



    Autoportrait__a_l_echarpe
    Ph., G.AdC







    À L’APLOMB DU MUR BLANC


    Pas un crayon ici pas une lime pas
    une lame seulement des
    mots sans rime            en attente
    de déraison — attente
    veillée entrecoupée de
    sommeil sans rêve ombres au bord
    des voix diffuses dans le feu
    attente — de réveil — enroulée je dessine
    les cercles du matin dans la lumière blonde
    funambule des deux rives du temps
    couchée à même le sol
    onglet du mètre — en attente de —
    sa hauteur 34 fois 6
    2 fois 17
    éclairages sur rampe


    l’araignée du soir
    divague à l’aplomb
    du mur blanc


    porte étroite fermée
    sur sa transparence (même)
    rumeur sombre mugissement des vagues
    encre minérale ciel — Ô — noire
    toute chose dérobée invisible
    vaste vaisseau de nuit              en attente d’étoiles
    éclats diffractés dans la flamme
    le froid me prend au rebours du réveil
    bris de mots avalés par le feu


    Au matin les derniers brûlages de l’hiver
    montent dans l’air enneigé du
    printemps.




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    Note : le texte ci-dessus a fait l’objet d’un livre d’artiste illustré et réalisé par Véronique Agostini (juin 2008).



    Retour au répertoire de mars 2008
    Retour à l’index de la catégorie Zibal-donna

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 3 mars 1982 | Mort de Georges Perec

    Éphéméride culturelle à rebours




         Le 3 mars 1982 meurt à Ivry-sur-Seine le poète Oulipien Georges Perec.







    Perec
    Image, G.AdC







    PENSER/CLASSER


        « Publié en 1985, Penser/Classer constitue le premier des recueils édités après la disparition de Georges Perec, le 3 mars 1982.

        Classant le monde pour le comprendre, Georges Perec n’a cessé de bouleverser les conventions du sensible et des hiérarchies établies. Son regard confère aux êtres et aux choses de tous les jours une densité inattendue qui trouble et émerveille. »
    (Maurice Olender)







    La_citta_ideale
    Source







    De la difficulté qu’il y a à imaginer une Cité idéale


    Je n’aimerais pas vivre en Amérique mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre à la belle étoile mais parfois si

    J’aimerais bien vivre dans le cinquième mais parfois non

    Je n’aimerais pas vivre dans un donjon mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre d’expédients mais parfois si

    J’aime bien vivre en France mais parfois non

    J’aimerais bien vivre dans le Grand Nord mais pas trop longtemps

    Je n’aimerais pas vivre dans un hameau mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre à Issoudun mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre sur une jonque mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre dans un ksar mais parfois si

    J’aurais bien aimé aller dans la Lune mais c’est un peu tard

    Je n’aimerais pas vivre dans un monastère mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre au « Négresco » mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre en Orient mais parfois si

    J’aime bien vivre à Paris mais parfois non

    Je n’aimerais pas vivre au Québec mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre sur un récif mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre dans un sous-marin mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre dans une tour mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre avec Ursula Andress mais parfois si

    J’aimerais vivre vieux mais parfois non

    Je n’aimerais pas vivre dans un wigwam mais parfois si

    Je n’aimerais pas vivre à Xanadu mais même, pas pour toujours

    Je n’aimerais pas vivre dans l’Yonne mais parfois si

    Je n’aimerais pas que nous vivions tous à Zanzibar mais parfois si



    Georges Perec, PENSER/CLASSER, Éditions du Seuil, 2003, pp. 127-128-129.






    ■ George Perec
    sur Terres de femmes

    7 mars 1936 | Naissance de Georges Perec



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur YouTube)
    une interview de Georges Perec






    Retour au répertoire du numéro de mars 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • TdF n° 40 ― mars 2008



    Logo_mars_2008
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS DE MARS 2008



    Terres de femmes ― N° du mois de février 2008
    1er mars 1972 | Mort de Violet Tréfusis
    Fabienne Courtade | suffoquer prendre cette douleur
    3 mars 1982 | Mort de Georges Perec
    Première édition de LA TRANSCONTINENTALE à Marseille
    À l’aplomb du mur blanc (Angèle Paoli)
    Tristan Tzara | Quelle est la belle au cœur d’eau
    Angèle Paoli et Guidu Antonietti di Cinarca à l’Espace Art contemporain du Domaine Orenga de Gaffory à Patrimonio (Haute-Corse)
    Carlo Bordini, Polvere
    Sandra Moussempès | Vestiges de fillette
    Hélène Sanguinetti le 14 mars dans le Cap Corse
    Valérie Rouzeau | À me bercer
    16 mars 1908 | Naissance de René Daumal
    Stefanu Cesari | Ti scrivaraghju in faccia
    18 mars 1950 | Création de Symphonie pour un homme seul
    Vendredi saint à Sartène. Le Catenacciù
    Sophie Loizeau | Vendredi
    Raymond Carver | La Vitesse foudroyante du passé
    22 mars | Jean Giono, Le Grand Troupeau
    La Pensée de midi, « Tanger, ville frontière », par Angèle Paoli (Chroniques de femmes)
    Pierre d’angle, tableautins (Angèle Paoli)
    26 mars 1980 | Mort à Paris de Roland Barthes
    J’attends (Angèle Paoli)
    27 mars 1995 | Pierre Bergounioux, Carnet de notes 1991-2000
    27 mars 1899 | Naissance de Francis Ponge
    30 mars 1973 | Les Noces de Figaro par Giorgio Strehler
    30 mars 1844 | Naissance de Paul Verlaine
    e.e. Cummings | Beautiful
    Terres de femmes ― N° du mois d’avril 2008



    Retour au répertoire chronologique de Terres de femmes

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Fabienne Courtade | suffoquer prendre cette douleur

    «  Poésie d’un jour  »


    Nous_sommes_dos__dos
    Image, G.AdC







    suffoquer prendre cette douleur




    suffoquer prendre cette douleur
    délicieuse    douceur attendre
    regarde passer

    je voulais t’avaler, je te regarde, je       
    n’en reviens pas j’y reviens pourtant je

    viens
    regarde

    avale
    perds
    un peu de sueur      bord
    des lèvres     si douces évidentes s’y
    noyer
    avec
    champ de bataille     même
    sous
    dessous moins que
    rien au-dessous de
    moins que rien
    fermer avec mots inscrits sur papier : mots d’amour ― écrit-il
    / sans /
    ce sont mots derniers, sur billet de banque combien
    je      coûte      (rien je
    ne
    coûte      rien

    le corps est de dos
    nous sommes dos à dos


    j’avance




    Fabienne Courtade, Table des bouchers, éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2008, pp. 151-152.






    Fabienne Courtade  Table des bouchers





    FABIENNE COURTADE






    ■ Fabienne Courtade
    sur Terres de femmes


    Table des bouchers, poésie (note de lecture d’AP)
    19 août 2004 | Fabienne Courtade, le cœur bat très vite (extrait de Table des bouchers)
    Rien ne nous précède (extrait de Ciel inversé)
    [le fleuve s’entend au loin] (extrait de Corps tranquille étendu)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    poème inédit [sans titre]





    Retour au répertoire du numéro de mars 2008
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • 1er mars 1972/Mort de Violet Tréfusis

    Éphéméride culturelle à rebours




         Le 1er mars 1972 meurt à Florence (Villa dell’Ombrellino) la romancière anglaise Violet Tréfusis (née à Londres le 6 juin 1894).




    Portrait_de_violet_trefusis
    Image, G.AdC




    BRODERIE ANGLAISE

        De mois en mois, Alexa gagnait du terrain ; John fut bientôt pris dans un réseau d’habitudes grâce auxquelles il crut retrouver un bonheur qu’il n’avait jamais connu. Sa passion ombrageuse pour Anne, ses rapports éphémères avec d’autres femmes, ne lui avaient laissé que des souvenirs noirs ou blancs. Or il découvrit que le bonheur est d’une teinte neutre…
        Les années se succédèrent. Au plat « confortable » de leur liaison, John ajoutait le souvenir d’Anne comme piment. Chose curieuse, ses conquêtes plus récentes avaient moins de saveur, parce que matérielles, parce que disponibles. Anne, déformée par son imagination, drapée dans sa légende, exerçait sur lui l’attrait d’un mirage.
        Alexa était moins jalouse du présent que du passé, mais à vrai dire, sa jalousie était comme un écureuil qui rebondissait de branche en branche. Elle visait tantôt le passé, tantôt le présent, comme tout à l’heure, tenez ! au sujet de la petite Manning… Seulement, voilà ! « Elles sont mal faites, mes scènes de jalousie, conclut-elle avec une moue de dépit. Des scènes dans le vague qui ne s’appuient sur aucune pièce à conviction. On les éviterait facilement avec un sourire, un haussement d’épaules. Il aurait fallu lui jeter négligemment une lettre comme cela se fait au théâtre, allumer une cigarette pendant qu’il la lisait…
        ― Je l’ai trouvée par terre quand on faisait la chambre.
        Et lui, blême, confondu :
        ― Et que comptez-vous faire à présent ?
        ― Vous quitter, cher ami, lui lancerait-elle à travers une volute de fumée, sans nullement se départir de sa sérénité. »
        Bien entendu, elle n’en ferait rien mais il s’agissait de le punir, de le plonger dans l’angoisse. Une bouffée de vent sonore, s’engouffrant dans la cheminée, le ramena au sens de la réalité. Au même instant, à l’étage supérieur, une porte claqua. Alexa tressaillit. Le vent de mars lui apparut sous l’aspect d’un ruffian, une perle à l’oreille, un poing sur la hanche. Un Franz Hals, trousseur de filles, avec des nuages affolés attachés au bout de sa longue pipe. Brutal, il giflait les maisons et rajeunissait le temps.
        Comment Alexa n’eût-elle pas pensé aux premiers mois de sa liaison avec John, qui ne pouvait entendre le vent sans pâlir ?
        ― Anne l’aimait tant, vois-tu, lui expliquait-il. Elle ne permettait qu’au vent de lui couper la parole. Parfois elle s’interrompait au milieu d’une phrase pour l’écouter. Quand le vent soufflait, il prenait part à nos conversations, seulement elle lui accordait plus d’attention qu’à moi. « Quand je serai morte, disait-elle, nous ne nous quitterons plus. Mes cendres seront éparpillées de par le monde. J’attends d’être morte pour voyager à peu de frais. » Et puis le vent l’embellit : elle a des cheveux aptes à la lutte et réfractaires au repos.
         Cette phrase était restée gravée dans la mémoire d’Alexa. Et elle, avait-elle des cheveux réfractaires au repos ?



    Broderie_anglaise



    Violet Tréfusis, Broderie anglaise, Plon, 1935 ; 10/18 domaine étranger, Union Générale d’Éditions, 1986, pp. 112-113-114.





    VIOLET TREFUSIS

    Violet

    – (sur le site des Après-midi de Saint-Loup) une
    notice biographique sur Violet Tréfusis.



    Retour au répertoire de mars 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • Terres de femmes ― Récapitulatif du mois de février 2008




    Logo_fevrier__2008_
    Image, G.AdC




    SOMMAIRE DU MOIS DE FÉVRIER 2008


    Terres de femmes ― Récapitulatif du mois de janvier 2008
    Elizabeth Bishop/Invitation to Miss Marianne Moore
    Vivian Lofiego/Un temps que les femmes filent
    3 février 1921/Joseph Conrad. En partance pour Ajaccio
    4 février 1978/Une journée particulière d’Ettore Scola
    5 février 1972/Mort de Marianne Moore
    6 février 1948/Francis Ponge, Pochades en prose
    Denis Roche/Par tant de temps marchant
    7 février 1945/Ernst Jünger, Second Journal Parisien
    11 février 1860/Naissance de Rachilde
    cipM, Marseille/« John Cage ou la vie poétique »
    13 février 1951/Jean Malaurie, Les Derniers Rois de Thulé
    Eugenio De Signoribus, Ronde des convers (article d’Angèle Paoli)
    15 février 1710/Naissance de Louis XV
    Issa Makhlouf/Celui qui part, laissons-le partir
    Hélène Sanguinetti/De ce berceau, la mer
    Béatrice Bonhomme/La terre rouge
    19 février 1977/Julien Gracq, Les Eaux étroites
    Michel Deguy/Pour la poésie aujourd’hui
    Marie-Pierre Amiel/« Crépuscule Marseille-Sud », par Angèle Paoli (Chroniques de femmes) (+ galerie photos)
    22 février 1875/Mort de Jean-Baptiste Camille Corot (Corot et l’Italie, par Angèle Paoli)
    Christian Bobin, La Dame blanche (note de lecture d’Angèle Paoli)
    Emily Dickinson, Quatrains
    Liu Shenxu/Le chemin s’étend à perte de vue
    25 février 1841/Naissance de Pierre-Auguste Renoir
    Noir écrin dans la revue Europe
    26 février 1802/Naissance de Victor Hugo
    Limon de haut vertige (Angèle Paoli)
    Joël Bastard, Casaluna



    Retour au répertoire chronologique de Terres de femmes

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Corse_3 Joël Bastard, Casaluna

    «  Poésie d’un jour  »



    La_riviere_3
    Ph., G.AdC





    Se tenir là. Sur cette rive. Pieds nus dans le silence des éboulis. Le long du lit mobile. La pente se tenant elle aussi sur la rivière. Se dressant dans le bleu excédé. Se retenant dans la chute  à  sa  propre disparition. Elle finira par se  laver de sa verticalité légendaire. Dans le mélange des chemins. Le retournement des fon-
    dations confidentielles. Les portes désolées. Elle finira dans le ventre éviscéré des truites noires. Dans l’accourse de cette langue glacée.


    Joël Bastard, Casaluna, poème, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2007, page 18.







    Casaluna


    CASALUNA


    La rivière Casaluna prend naissance dans le flanc ouest du San Petrone en Corse et se jette vingt-sept kilomètres plus loin dans le Golo pour y rejoindre la mer.

    « J’ai longtemps cru que cette rivière était la mienne. J’aurais pu m’arrêter d’écrire là » (Joël Bastard).

    Pendant les deux mois qu’il a passé au Mali, au bord du fleuve, le poète Joël Bastard n’a cessé de penser à la Corse, à l’eau de la rivière et à l’eau du lavoir. Des images anciennes refluent, durablement inscrites dans la mémoire. Et qui jaillissent dans le poème comme des instantanés, à la manière des Chjami è rispondi de l’enfance. Seul le rythme change, qui est celui de l’alexandrin. La rivière, fil rouge qui conduit le poète, le guide, pendant deux années, dans une écriture chronologique et physiologique :

    « J’évolue avec ce que je suis en train d’écrire, j’avance, je marche avec mon écriture », déclare modestement Joël Bastard.

    A Ségou, les bibliothèques n’existent pas. Le poète écrit en marchant, page blanche et encre noire très concentrée. Il faut que le mot soit épais. Le livre s’écrit dans le flux de la lumière. Et la marche induit des manières différentes de penser et d’écrire. Poème creusé par l’absence, Casaluna est le « tombeau de la mère ». Mais au-delà de la part autobiographique, par son langage, Casaluna rejoint l’universel.





    Joel_bastard




    _____________________________
    [Notes prises le 14 décembre 2007, à la Bibliothèque Patrimoniale de Bastia, où Joël Bastard était venu présenter Casaluna. Invité par Jean-François Agostini, Joël Bastard avait retracé pour nous, en présence de Jacques Fusina, l’histoire de Casaluna. Une lecture dédiée à sa mère, Madeleine Emmanuelli, à la Castagniccia, au village de Corsoli, à la Corse. Et à Casaluna, la rivière de son enfance. A.P.]






    Joelbastard




    ■ Joël Bastard
    sur Terres de femmes

    [Assis à côté, à la proue d’un navire] (extrait d’Une cuisine en Bretagne)
    Bakofé
    Chasseur de primes (lecture de Paul de Brancion)
    Une cuisine en Bretagne (lecture d’AP)
    Le visage de Mah



    ■ Voir aussi ▼

    → le
    blog de Joël Bastard





    Retour au répertoire du numéro de février 2008
    Retour à l’ index des auteurs



  • Limon de haut vertige

    Escalier_enlov_reverso
    Ph, G.AdC






    LIMON DE HAUT VERTIGE


    À l’envers de tout le matin reflue vers la nuit
    entre ciels d’éveil et terres d’ombre
    les marches à rebours vers l’obscur et la rampe
    escalier inversé en quel sens prendre se déprendre
    monter descendre décentrer
                                                               comment mettre un pied
    derrière devant dessous dessus arrière l’autre
    atteindre là-haut sous les toits le sommet
    dérobé de l’antre jonction des marches et du seuil
    ramper ventre à terre laminé s’accrocher singe habile
    au revers des planches tablettes volée

    échelle de la déraison
    qui t’oblige ange déchu
    livré au soliloque du vent
    à grimper tête en bas
    l’escalier enlové

    mains crispées au timon de la rampe tu te hisses
    limon de haut vertige vers un point qui t’échappe
    fuit se refuse et là-haut un gouffre blanc
    de presque lumière une béance qui s’enlargit
    à mesure et au fur que l’escalier élance son hélice
    et sa spirale hisse vers le ciel dévasté
    de ta chambre-navire

    sagittaire lancé
    au giron de ta nuit.

    Conchiglio, 26 février 2008


    Angèle Paoli, Limon de haut vertige, La Revue des Archers, Publication littéraire semestrielle, n° 16, mai 2009, page 156.
    D.R. Texte angèlepaoli





    LIMO D’ALTA VERTIGINE


    A rovescio di tutto il mattino rifluisce verso la notte
    tra cieli di risveglio e terre d’ombra
    i gradini al ritroso verso l’oscuro e la ringhiera
    scala rovesciata in che senso prendere distaccarsi
    salire scendere disassare
                                                               come mettere un piede
    indietro davanti sotto sopra dietro l’altro
    sotto i tetti raggiungere lassù la cima
    spoglia dell’antro unione dei gradini e della soglia
    strisciare ventre a terra laminata aggrapparsi
    scimmia abile
    sul rovescio delle assi mensole involata

    scala della sragione
    che ti obbliga angelo caduto
    in preda al soliloquio del vento
    ad arrampicarti testa in giù
    la scala acciambellata

    mani contratte sul timone della ringhiera ti issi
    limo d’alta vertigine verso un punto che ti sfugge
    fugge si nega e lassù un abisso bianco
    di semiluce un varco che si allarga
    via via che la scala leva l’elica
    e la spirale issa al cielo devastato
    della tua camera-nave

    sagittario lanciato
    nel grembo della tua notte.


    Traduction inédite de Maura Del Serra
    (gemellaggio poetico con l’Associazione Scriptorium di Marsiglia,
    Pistoia (Toscana), 24 aprile 2009)



    Retour au répertoire du numéro de février 2008
    Retour à l’index de la catégorie Zibal-donna

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 26 février 1802 | Naissance de Victor Hugo

    Éphéméride culturelle à rebours



        Le 26 février 1802 naît à 22h30 à Besançon Victor-Marie Hugo, troisième fils de Léopold Hugo, futur général d’Empire, et de Sophie Trébuchet.






    Les_travailleurs_de_la_mer
    Dessin de Victor Hugo pour Les Travailleurs de la mer
    Plume, pinceau, encre brune et lavis, rehauts de gouache blanche, 192 x 251 mm
    Source : Ms N.af. 24745, fol. 85 © Bnf Paris








    V

    LES RISQUES DE MER



        L’overfall*, lisez : casse-cou, est partout sur la côte ouest de Guernesey. Les vagues l’ont savamment déchiquetée. La nuit, sur la pointe des rochers suspects, des clartés invraisemblables, aperçues, dit-on, et affirmées par des rôdeurs de mer, hardis et crédules, distinguent sous l’eau l’holothurion des légendes, cette ortie marine et infernale qu’on ne peut toucher sans que la main prenne feu. Telle dénomination locale, Tinttajeu, par exemple (du gallois, Tin-Tagel), indique la présence du diable. Eustache, qui est Wace, le dit dans ses vieux vers :


             Dont commença mer à meller,
             Undes à croistre et à troubler,
             Noircir il cieux, noircir la nue ;
             Tost fust la mer toute espandue.**


        Cette manche est aussi insoumise aujourd’hui qu’au temps de Tewdrig, d’Umbrafel, d’Hamon-dhû, le noir, et du chevalier Emyr Lhydau, réfugié à l’île de Groie, près de Quimperlé. Il y a, dans ces parages, des coups de théâtre de l’océan desquels il faut se défier. Celui-ci par exemple, qui est un des caprices les plus fréquents de la rose des vents des Channels Islands : une tempête souffle du sud-est ; le calme arrive, calme complet ; vous respirez ; cela dure parfois une heure ; tout à coup l’ouragan, disparu au sud-est, revient du nord-ouest ; il vous prenait en queue, il vous prend en tête ; c’est la tempête inverse. Si vous n’êtes pas un ancien pilote et un vieil habitué, si vous n’avez pas, profitant du calme, pris la précaution de renverser votre manœuvre pendant que le vent se renversait, c’est fini, le navire se disloque et sombre. Ribeyrolles, qui est allé mourir au Brésil, écrivait à bâtons rompus, dans son séjour à Guernesey, un mémento personnel des faits quotidiens, dont une feuille est sous nos yeux :
    — « 1er janvier. Étrennes. Une tempête. Un navire arrivant de Portrieux, s’est perdu hier sur l’Esplanade. — 2. Trois-mâts perdu à la Rocquaine. Il venait d’Amérique. Sept hommes morts. Vingt et un sauvés. — 3. Le packet*** n’est pas venu. — 4. La tempête continue.— … — 14. Pluies. Éboulement aux terres qui a tué un homme. — 15. Gros temps. Le Fawn n’a pu partir. — 22. Brusque bourrasque. Cinq sinistres sur la côte ouest. — 24. La tempête persiste. Naufrages de tous côtés. » Presque jamais de repos dans ce coin de l’océan. De là les cris de mouettes jetés à travers les siècles dans cette rafale sans fin par l’antique poète inquiet Lhy-ouar’h-henn, ce Jérémie de la mer. Mais le gros temps n’est pas le plus grand risque de cette navigation de l’archipel ; la bourrasque est violente, et la violence avertit. On rentre au port, ou l’on met à la cape, en ayant soin de placer le centre d’effort des voiles au plus bas ; s’il survente, on cargue tout, et l’on peut se tirer d’affaire. Les grands périls de ces parages sont les périls invisibles, toujours présents, et d’autant plus funestes que le temps est plus beau.
        Dans ces rencontres-là, une manœuvre spéciale est nécessaire. Les marins de l’ouest de Guernesey excellent dans cette sorte de manœuvre qu’on pourrait nommer préventive. Personne n’a étudié comme eux les trois dangers de la mer tranquille, le singe, l’anuble, et le derruble. Le singe (swinge), c’est le courant ; l’anuble (lieu obscur), c’est le bas-fond ; le derruble (qu’on prononce le terrible), c’est le tourbillon, le nombril, l’entonnoir de roches sous-jacentes, le puits sous la mer.


    Victor Hugo, L’Archipel de la Manche in Les Travailleurs de la mer, Le Livre de Poche classique, Librairie Générale Française, 2002, pp. 46-49.




    _________________________________________
    * Overfall : Mouvement de la mer dû à la violence du courant.
    ** Vers extraits — avec deux fautes — de L’Établissement de la fête de la conception Notre-Dame (éd. de 1842). Wace, poète jersiais du XIIe siècle dont les éditeurs rapprochent le nom d’Eustache par l’intermédiaire de Huistace, est l’un des premiers auteurs des romans de la Table ronde (Y. Gohin).
    *** Packet : pour packetboat, bateau amenant courriers et colis.





    ■ Victor Hugo
    sur Terres de femmes

    8 février 1807 | bataille d’Eylau [Victor Hugo | « Le Cimetière d’Eylau »]
    13 août 1837 | Victor Hugo, En bateau à vapeur sur les bords de Somme
    11 janvier 1849 | Victor Hugo, Choses vues
    14 janvier 1855 | Lettre de Victor Hugo à Émile Deschanel
    3 avril 1862 | Début de la publication des Misérables de Victor Hugo
    24 septembre 1871 | Victor Hugo, Choses vues



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Bnf)
    Victor Hugo, L’Homme océan (exposition virtuelle)





    Retour au répertoire du numéro de février 2008
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs



  • Noir écrin
    dans la revue  Europe

    Revue de presse




        Dans le dernier numéro de la revue Europe (janvier-février 2008, n° 945-946, pp. 354-355),
    le recueil Noir écrin fait l’objet d’une note de lecture de Joëlle Gardes *.







    Angèle PAOLI : Noir écrin (A Fior di Carta éditions, 20228 Barrettali, 12 €).

        Après avoir beaucoup écrit sur les autres, Angèle Paoli a franchi le pas avec bonheur pour parler sinon directement d’elle-même, du moins des rives insulaires qui lui sont chères depuis l’enfance. C’est, comme le dit le sous-titre, une poésie « cap-corsaire » qui se tisse dans ces textes où la brièveté des lignes et les pauses de blanc et de silence permettent la rêverie. Le regard attentif aux moindres détails s’attarde sur les paysages, la mer et les cailloux — les sassi — qu’elle lisse, les asphodèles et les euphorbes, les « fenêtres béant nues » des maisons abandonnées dans les hameaux livrés à l’abandon et à l’oubli. L’île est présente dans sa violence et son austérité, sous toutes les saisons, sous tous les cieux, limpides en hiver ou pommelés en novembre et l’extrême sensualité de l’évocation est renforcée par la musicalité et l’ivresse des sonorités — « l’île emmurée murmure ». Mais cette poésie toucherait moins si elle ne disait aussi et surtout la quête d’un autrefois, celui de « l’enfant ivre d’émois inviolés de la nuit », que nous portons tous en nous. Amarrée à la terrasse au tilleul, celle qui dit tantôt « je », tantôt « elle », tente de remonter le cours des jours. Si le temps a fait son œuvre de dispersion, si le temps, comme le dit si bien le poème « Et toi », s’est scindé en fragments mesurables quand il était fait d’éternité, l’écriture est là, qui, malgré son incapacité à retrouver « les enfances solaires », en capte parfois des échos. Les terres d’encre, celles de l’île ou celles du texte, aspirent à l’au-delà du ciel. Mais la cruauté de l’île bien-aimée est celle de tous les rivages de la Méditerranée où règne le tragique d’une lumière qui cache plus qu’elle ne dévoile, qui est « éclats de promesses et de rire » alors que sous « l’aplomb du soleil » tout sombre dans « le vertige de l’indicible ». Aussi cette poésie où l’île comme les corps semblent exulter est baignée d’une mélancolie douce comme la lumière d’un après-midi d’automne sur la terrasse.


    Joëlle GARDES



    * Joëlle Gardes est écrivain. Ancienne directrice de la Fondation Saint-John Perse (Aix-en-Provence), elle enseigne actuellement à l’Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) sous le nom de Joëlle Gardes-Tamine.




    NOTE de l’éditeur-webmestre de TdF : une autre note de lecture sur Noir écrin est actuellement en ligne sur la toile, sous la plume de Chantal Couëdic, dans la revue Poezibao de Florence Trocmé (voir infra) :


        Noir Écrin comme un mandala obscur posé sur la mer. Angèle Paoli conjugue au pluriel l’espace et le temps, temps de l’enfance ré-inventée dans sa jubilante circularité, temps des ancêtres navigants, explorant, défrichant, bâtissant qui reviennent achever leur itinéraire dans l’île, comme poussés par un tropisme noir, temps de l’Archée mythique dont elle décrypte les traces helléniques comme des pas sacrés qui ensoleillent encore la terre de l’île. Temporalités et lieux qui s’emboîtent et se relient par d’invisibles connivences et cohabitent sans se gêner. C’est la magie du chairos, le moment opportun, le bon moment du poème auquel Angèle Paoli nous convie : le dit poétique dit l’île à double face, à la fois chthonienne et dévastatrice, celle qui comme toutes ces obscures déesses-mères retient ses enfants sur l’île close, et celle qui, ouverte à tous les vents, rêvant d’ailleurs, prête à l’altérité et à l’imprévisible.
        Dans une langue claire et sensorielle, comme ses aînés elle explore, défriche, bâtit dans le champ de la parole jusqu’en sa fibre originaire, le son, la voix, le mot, le nom, dans son corps-à-corps avec la langue. Elle tente une percée à la verticale, toujours plus loin, pour revenir au proche.
        Dans son hameau de Vignale, paradoxale, elle est à la fois au centre et ex-centrée. Au centre comme on l’est toujours quand on ose la parole qui donne lieu. Mais aussi ex-centrée dans l’extase et l’élan de ses voyages en tous sens.

        Noir Écrin comme un point focal, fractal, à la croisée de voix multiples qui traversent et enchantent le monde.


    Chantal COUËDIC **



    ** Chantal Couëdic vit à Lyon, où elle exerce le métier de psychologue clinicienne. Poète [un de ses recueils paraîtra cette année aux éditions A Fior di Carta], elle a notamment soutenu en 1990 une thèse de doctorat d’Université sur la pensée heideggérienne : Franchissement de la faille et avènement de la parole.



    Noir_ecrin_copertina



    Retour au répertoire de février 2008
    Retour à l’ index des auteurs