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  • Marianne Costa | [Huwa]



    J’attends j’attends j’attends
    Image, G.AdC







    [HUWA]



    « J’ai huit pattes poilues et je ne vois pas pourquoi un État Spirituel serait forcément pur et vaporeux », dit la Tarentule.




    Huwa
    Le pronom de l’absent, comme un souffle
    un hoquet presque

    Yod Hé Vav Hé
    L’Imprononçable
    et moi — une femme — j’épie depuis le dernier rang
    ceux qui chantent les louanges du Matriciel

    ou taisent le nom de Ce Qui Est
    Ivres dedans sobres dehors
    également barbus également se balançant
    les cousins n’en finissent pas

    de se taper dessus
    — pour faire de la musique ? —

    Depuis le fond du fond des sièges du fond
    derrière le mur et les grillages les moucharabieh
    derrière mon voile et mes yeux bleus et mon indignité moi aussi
    je me balance
    moi aussi je T’attends
    Toi qu’on appelle qu’on n’appelle pas
    Je suis là à t’attendre
    comme une araignée dans sa toile
    comme en novembre on guette l’été fauve
    Je T’attends
    comme un ventre femelle attend l’enfant qui germe
    un sexe d’homme, un axe, un os
    comme cette poète froide et sèche
    attend la poésie
    sans rimes et sans ratures
    je T’attends
    Toi et tout ce qui est Toi sans en avoir l’air
    premières cerises
    chant sans contour
    souffle diamant au cœur opaque
    je T’attends
    Sans barbe mais
    avec assez de haine pour tout ruiner
    assez d’amour pour tout submerger
    Tissant hexagones octogones dodécaèdres de fil translucide
    je crache      invisible ouvrière
    les liens entre deux branches
    et puis
    je suis
    la passante qui brise les toiles
    qui déchire les entrelacs
    insouciante au chemin d’un sommet si lointain
    Et de nouveau
    la Tarentule qui
    T’attend
    amant paresseux
    promesse de flottaison aux lèvres molles
    T’attends
    rythme inspiré qui coule
    des veines du ciel jusque dans mes plumes encrassées
    T’attends
    maître sans visage
    dont le cri dissoudra les frontières

    J’attends j’attends j’attends
    et tire la langue
    devant tous ceux qui chantent la joie de ne plus rien attendre
    Oh cette envie
    de déféquer sur vos distiques vos odes vos quatrains
    oui toi Rûmî, Hafiz, Saint Augustin, la Grande et la Petite Thérèse,
    mais taisez-vous      c’est tout ce que vous avez à dire
    tout votre chant
    ce cocorico triomphant d’une aube
    que nous n’avons pas vue?
    Vos extases engluées de mots et de triomphes
    Pitié ! Ravalez-les !

    Il n’y a pas de chemin
    pas de lumière au creux de ces ténèbres
    la matrice est hermétique
    ni Maître ni Amant
    pas de saveurs indicibles
    pas d’ascension nocturne
    Il n’y a
    que ce qu’il y a
    ce labeur répété de tisser et tisser la toile
    linceul      où je t’attends, la Mort, ma sœur,
    prophétisant que tu viendras
    fidèle inévitable t’engluer
    aux entrelacs de cette toile
    La mort insecte aux ailes de charogne
    qui sera mon dernier festin.

    Mais je
    T’attends
    T’attends
    T’attends
    T’attends
    suis un tambour qui frappe
    T’attends
    comme un cœur embryon dans l’œuf rouge
    T’attends
    T’attends
    ô rythme sans vouloir
    du cosmos étoilé
    T’attends
    T’attends
    T’attends
    T’attends
    ….




    Marianne Costa
    texte inédit pour Terres de femmes (D.R.)







    MARIANNE COSTA


    Marianne-costa
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    → (sur Babelio)
    une fiche bio-bibliographique sur Marianne Costa





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