Étiquette : 1957


  • Eugenio Montale | Da un lago svizzero

    « Poésie d’un jour

    choisie et traduite par Jean-Charles Vegliante



    Spaziani Montale denim
    “Maria Luisa Spaziani – Eugenio Montale”
    Source








    DA UN LAGO SVIZZERO



    Mia volpe, un giorno fui anch’io il “poeta
    assasinato”: là nel noccioleto
    raso, dove fa grotta, da un falò;
    in quella tana un tondo di zecchino
    accendeva il tuo viso, poi calava
    lento per la sua via fino a toccare
    un nimbo, ove stemprarsi; ed io ansioso
    invocavo la fine su quel fondo
    segno della tua vita aperta, amara,
    atrocemente fragile e pur forte.

    Sei tu che brilli al buio ? Entro quel solco
    pulsante, in una pista arroventata,
    àlacre sulla traccia del tuo lieve
    zampetto di predace (un’orma quasi
    invisibile, a stella) io, straniero,
    ancora piombo; e a volo alzata un’anitra
    nera, dal fondolago, fino al nuovo
    incendio mi fa strada, per bruciarsi.




    Eugenio Montale, « VI. Madrigali privati », 1949, in La bufera e altro (1940-1957), Arnoldo Mondadori Editore, Collezione Lo Specchio, 1957; ried. 2019, pp. 362-363.





    Eugenio Montale  La bufera e altro 3





    Montale bufera 2







    D’UN LAC SUISSE



    Mon renard, un jour je fus moi aussi “poète
    assassiné” : là, dans le bois de noisetiers
    ravagé, où il fait grotte, par un feu ;
    il y avait dans ce gîte un nimbe d’or
    allumant ton visage, et il descendait
    lentement, suivant sa voie, jusqu’à toucher
    un halo qui le dissipe ; et moi, anxieux
    invoquant la fin sur cet indubitable
    signe de ton existence ouverte, amère,
    atrocement fragile, forte pourtant.

    Sur cette ombre, est-ce toi qui luis ? Dans ce sillon
    palpitant, par cette piste incandescente,
    alerte sur la trace de tes légères
    zébrures de rapace (une trace presque
    invisible, en étoile), moi : étranger,
    à pic, de nouveau ! et en vol, un canard
    noir, de la pointe du lac jusqu’au nouvel
    incendie m’ouvre la voie, pour s’y brûler.




    Traduction Jean-Charles Vegliante*



    ___________________
    * D’après une version de travail collective, sous la direction de Mario Fusco [1930-2015] (Sorbonne Nouvelle – Paris 3), revue pour l’occasion : in memoriam. L’acrostiche désigne la dédicataire du poème : Maria Luisa Spaziani.




    EUGENIO MONTALE


    Montale 2





    ■ Eugenio Montale
    sur Terres de femmes


    Nel Sonno (autre poème extrait de La bufera e altro)
    12 octobre 1896 | Naissance d’Eugenio Montale
    17 janvier 1977 | Cahier de poésie d’Eugenio Montale
    12 septembre 1981 | Mort d’Eugenio Montale
    Corno inglese (poème extrait d’Ossi di seppia)
    Quel che resta (Se resta)[extrait de Quaderno di quattro anni]




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur un site italien dédié à Eugenio Montale)
    de nombreux poèmes d’Eugenio Montale
    → (sur le site de l’INA)
    un entretien d’Eugenio Montale avec Pierre André Boutang




    Pour entendre Eugenio Montale dire des extraits de certains de ses poèmes,
    se rendre sur la page suivante





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  • Françoise Ascal | Rouge Rothko


    Mark Rothko  1957
    Mark Rothko, No. 16. Red, white and brown, 1957
    Huile sur toile, 252, 5 × 207,3 cm
    Musée d’Art de Bâle, Basel.
    Source







    ROUGE ROTHKO




    Faut-il me jeter tête en avant dans votre toile en feu ?
    Choisir la plus rouge, la plus incandescente, la plus haute ?
    Traverser des parois de coquelicots des gorges de salamandres des pépins de grenades des gouttes de sang frais ?
    Devenir torche ou tornade ?

    Qu’enfin tombe en cendres le trop qui m’entrave.
    Qu’enfin s’ouvre l’au-delà caché derrière l’iris.

    Approcher, ne serait-ce que d’une largeur de paume, la calme vibration de ce qui brûle, là-bas derrière les pigments, dans un tout près insaisissable, dans un sans cesse habité par la joie – oui, la joie, je veux le croire.

    Séjour de la lumière, comment te rejoindre ?

    Faut-il grimper un à un les barreaux de votre échelle de Jacob ? Ou la descendre, comme on descend en soi-même, par seuils successifs au long de la vie, en voyage depuis l’humus brun des origines vers ce blanc éblouissant qui mange les paroles, dissout les peurs et les spectres.

    Blanc chauffé à blanc, ouvrant sur… ?

    Échelle ou marelle ?

    Une marelle inversée, la terre à la place du ciel, le lourd au sommet, pesant son poids de chair avec son fracas familier, tandis qu’à l’étage inférieur, des fenêtres ou reflets de fenêtres appellent, appellent.

    Peut-être suffit-il de sauter ?
    D’une case à l’autre, à cloche-pied, en toute innocence ?

    Jouer ?
    Jouer à en perdre haleine ?
    Jouer très sérieusement.
    Monter descendre monter descendre, de haut en bas et de bas en haut, vite, de plus en plus vite, de plus en plus abandonnée, de plus en plus confiante, comme un derviche cherchant l’extase, comme le poète Rumi chantant les atomes de l’univers, ivre du « Soleil de Tabriz ».

    Votre tableau est un « Soleil de Tabriz ».

    J’attends qu’il me consume.



    Françoise Ascal, « Rouge Rothko », Rouge Rothko, éditions Apogée, Collection « Piqué d’étoiles », 2009, pp. 55-56.








    Françoise Ascal  Rouge Rothko




    FRANÇOISE ASCAL


    Francoise Ascal par Michel Durigneux
    Ph. © Michel Durigneux
    Source





    ■ Françoise Ascal
    sur Terres de femmes


    Des voix dans l’obscur (lecture d’AP)
    [tu aurais voulu l’oublier] (extrait de Des voix dans l’obscur)
    [longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
    [Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
    [Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
    Levée des ombres (lecture d’AP)
    Lignées (lecture d’AP)
    [Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
    Noir-racine précédé du Fil de l’oubli (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Mille étangs
    16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
    5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél)
    une notice bio-bibliographique sur Françoise Ascal
    → (sur le site des éditions Apogée)
    la fiche de l’éditeur sur Rouge Rothko de Françoise Ascal





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  • Armen Lubin | Feux contre feux


    FEUX CONTRE FEUX



    Deux surfaces, mêmes dimensions :
    Mon front et le ciel étoilé.
    Deux surfaces, feux contre feux.

    Gâchis contre gâchis mais exaltés
    Par la fusion des nuits à hautes cimes,
    Mais chute aussi qui me corrige,
    L’écart rétabli, fini le prestige.

    Comme on est malhabile, convalescent,
    Rejeté ainsi, hors de l’élément !

    Froidement vidé je me sentis
    Quand retomba ma dépouille,
    Poches retournées je me sentis.

    Par la fusée et la fusion lointaines,
    Dans les hauteurs où tout est urgent,
    J’ai vu le ciel, il livrait le domaine.

    J’ai vu le point nul du sacre :
    Absorption, déchirement, simulacre
    De tout ce qu’ici-bas
    Nous ne pouvons pas posséder,
    Ici-bas et en ces lieux
    Où fuse l’amour : feux contre feux.

    Gâchis contre gâchis mais exaltés
    Jusqu’à la plus haute source des larmes,
    Mais chute aussi qui me corrige,
    L’écart rétabli, fini le prestige.

    Comme on est vain, presque mort,
    Poches retournées, dedans dehors.



    Armen Lubin, « Feux contre feux », Les Hautes Terrasses, Gallimard, 1957, in Le Passager clandestin, Sainte patience, Les Hautes Terrasses, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 404, 2005, pp. 205-206. Préface de Jacques Réda.






    Armen Lubin





    ARMEN LUBIN


    Armen Lubin 3





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Le Passager clandestin – Sainte patience – Les Hautes Terrasses
    → (sur le site de la revue Les Hommes sans épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Armen Lubin





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  • John Ashbery | To Redouté



    TO REDOUTÉ



    To true roses uplifted on the bilious tide of evening
    And morning-glories dotting the crescent day
    The oval shape responds:
    My first is a haunting face
    In the hanging-down hair.
    My second is water:
    I am a sieve.

    My only new thing:
    The penalty of light forever
    Over the heads of those who were there
    And back into the night, the cough of finishing petal.

    Once approved the magenta must continue
    But the bark island sees
    Into the light:
    It grieves for what it gives:
    Tears that streak the dusty firmament.



    John Ashbery, The Tennis Court Oath [1957], Wesleyan University Press, Middletown, Connecticut, 1962.






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    À REDOUTÉ



    Aux vraies roses soulevées par la marée bileuse du soir
    Aux volubilis qui pointillent le jour croissant
    La forme ovale répond :
    Mon premier, un visage, vous hante
    Entre les cheveux qui pendent.
    Mon second est l’eau :
    Je suis un crible.

    Ma seule chose neuve :
    Le châtiment d’une éternelle lumière
    Sur les têtes de ceux qui étaient là
    Et de retour dans la nuit, la toux du pétale finissant.

    Une fois approuvé le magenta doit continuer
    Mais l’île d’écorce scrute
    La lumière :
    Elle souffre de ce qu’elle offre :
    Des larmes qui éraflent le firmament poussiéreux.



    John Ashbery, Le Serment du Jeu de Paume, Éditions Corti, Série américaine, 2015, page 20. Traduit par Olivier Brossard.







    John Ashbery, Le Serment du Jeu de Paume





    JOHN  ASHBERY


    Ashbery350
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Guernica)
    Houses at Night : Erica Wright interviews John Ashbery (February 8, 2008)
    → (sur le site des éditions Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Le Serment du Jeu de Paume





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