Étiquette : 1959


  • Pierre-Albert Jourdan | La source



    LA SOURCE



    Tu es venue. Nul lyrisme dans ta voix. Le seul bruissement de ton bonjour feuillu, étouffé ; tes grands gestes qui se dissolvent dans le ciel. Tout est discrétion, profondeur.

    Je m’avance les yeux fermés, sourd à tout bruit alentour. Tu es toute ma mémoire. Des premières pluies languissent. Je respire cet air amoureux.

    Les plaies apparaîtront plus tard, lorsque le sang de la vigne pillée s’étalera contre le flanc de la montagne, le ciel pâle.

    Plus lointaine alors et douce, terriblement vivante.

    Plus lointaine encore et tu seras l’adieu, la dernière relation imperceptible d’un geste las.



    Pierre-Albert Jourdan, La Terre seule (1959-1964), in Le Bonjour et l’Adieu, Mercure de France, 1991, page 180. Préface de Philippe Jaccottet. Édition établie et annotée par Yves Leclair.






    Pierre-Albert Jourdan  Le Bonjour et l'Adieu




    PIERRE-ALBERT JOURDAN


    Jourdan portrait
    Ph. Gilles Jourdan
    Source





    ■ Pierre-Albert Jourdan
    sur Terres de femmes


    [L’inquiétude devant la mort] (extrait de L’Angle mort)
    [Ceci est ma forêt]
    Chute (extrait de L’Espace de la perte)
    Le Fil du courant
    L’Entrée dans le jardin
    Les nuages parfois s’enlisent
    3 février 1924 | Naissance de Pierre-Albert Jourdan (+ un extrait du Bonjour et l’Adieu)




    ■ Voir aussi ▼


    le site d’Élodie Meunier consacré à Pierre-Albert Jourdan





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  • Herberto Helder | O Amor em Visita



    O AMOR EM VISITA (extracto)



    Dai-me uma jovem mulher com sua harpa de sombra
    e seu arbusto de sangue. Com ela
    encantarei a noite.
    Dai-me uma folha viva de erva, uma mulher.
    Seus ombros beijarei, a pedra pequena
    do sorriso de um momento.
    Mulher quase incriada, mas com a gravidade
    de dois seios, com o peso lúbrico e triste
    da boca. Seus ombros beijarei.

    Cantar? Longamente cantar,
    Uma mulher com quem beber e morrer.
    Quando fora se abrir o instinto da noite e uma ave
    o atravessar trespassada por um grito marítimo
    e o pão for invadido pelas ondas,
    seu corpo arderá mansamente sob os meus olhos palpitantes
    ele — imagem inacessível e casta de um certo pensamento
    de alegria e de impudor.
    Seu corpo arderá para mim
    sobre um lençol mordido por flores com água.

    Ah! em cada mulher existe uma morte silenciosa;
    e enquanto o dorso imagina, sob nossos dedos,
    os bordões da melodia,
    a morte sobe pelos dedos, navega o sangue,
    desfaz-se em embriaguez dentro do coração faminto.
    — Ó cabra no vento e na urze, mulher nua sob
    as mãos, mulher de ventre escarlate onde o sal põe o espírito,
    mulher de pés no branco, transportadora
    da morte e da alegria!

    Dai-me uma mulher tão nova como a resina
    e o cheiro da terra.
    Com uma flecha em meu flanco, cantarei.
    E enquanto manar de minha carne uma videira de sangue,
    cantarei seu sorriso ardendo,
    suas mamas de pura substância,
    a curva quente dos cabelos.
    Beberei sua boca, para depois cantar a morte
    e a alegria da morte.

    Dai-me um torso dobrado pela música, um ligeiro
    pescoço de planta,
    onde uma chama comece a florir o espírito.
    À tona da sua face se moverão as águas,
    dentro da sua face estará a pedra da noite.
    ― Então cantarei a exaltante alegria da morte.

    […]







    L’AMOUR EN VISITE (extrait)



    Donnez-moi une jeune femme avec sa harpe d’ombre
    et son arbuste de sang. Avec elle
    j’enchanterai la nuit.
    Donnez-moi, vivante, une feuille d’herbe, une femme.
    J’embrasserai ses épaules, la petite pierre
    du sourire d’un moment.
    Femme comme incréée, mais avec la gravité
    des deux seins, le poids lubrique et triste
    de la bouche. J’embrasserai ses épaules.

    Chanter ? Chanter longuement.
    Une femme avec laquelle boire et mourir.
    À l’heure où s’ouvre au-dehors l’instinct de la nuit
    que traverse un oiseau transpercé par un cri maritime,
    et où les vagues envahissent le pain –
    son corps brûlera doucement sous mes yeux palpitants.
    Lui – haute et vertigineuse image d’une certaine pensée
    de joie et d’impudeur.
    Son corps brûlera pour moi
    sur un drap que mordent fleurs et eau.

    En chaque femme il y a une mort silencieuse.
    Tandis que le dos imagine, sous les doigts,
    les refrains de la mélodie,
    la mort monte par les doigts, navigue le sang,
    se répand en ivresse dans le cœur affamé…

    Donnez-moi une femme aussi jeune que la résine
    et l’odeur de la terre.
    Avec une flèche dans le flanc, je chanterai.
    Et tandis qu’une vigne de sang jaillira de ma chair,
    je chanterai son sourire ardent,
    ses mammes de pure substance,
    la courbe chaude de ses cheveux.
    Je boirai sa bouche, pour ensuite chanter la mort
    et la joie de la mort.

    Donnez-moi un torse courbé par la musique,
    un léger cou de plante,
    là où une flamme commence à fleurir l’esprit.
    Sur son visage affleurera le mouvement des eaux,
    au creux de son visage sera gravée la pierre de la nuit.
    – Alors je chanterai la joie exaltante de la mort.

    […]



    Herberto Helder, L’Amour en visite (O amor em visita, Contraponto, 1959) in Le Poème continu, 1961-2008, Gallimard, Collection Poésie, 2010, pp. 29-30. Préface de Patrick Quillier. Traduit du portugais par Magali Montagné et Max de Carvalho.






    Helder poème continu





    HERBERTO  HELDER


    Vignette Herberto Helder
    Source



    ■ Herberto Helder
    sur Terres de femmes

    [Je lève les mains]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits nomades)
    plusieurs pages consacrées à Herberto Helder


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