Étiquette : 1981


  • Michèle Finck | Variation 9 :: À Glenn Gould 1981



    Gould 1981
    Glenn Gould interprétant la Variation 9 des Variations Goldberg (1981)
    Source








    VARIATION 9

    À GLENN GOULD 1981



    Variation 9. &nbsp  Canon
    Sur la tierce.     Écoute :
    Toute interprétation     est    un songe.
    Voici     deux coquillages     sonores     vivants.
    Pose     ton     oreille     contre chacun d’eux.
    Font entendre     les mêmes notes
    Mais     racontent     à l’ouïe
    Deux     histoires     de musique.
    Deux     songes     de    sons.



    Gustav Leonhardt
    Grand paon     au clavecin.
    Fait     la roue.
    Toutes plumes     superbes     déployées.
    Aristocratie     du     toucher     scintille.
    Orfèvrerie sonore. Offrande d’orpailleur.
    Monde     passé à l’or     le plus fin.
    Horlogerie     musicale     savante     brillante
    Règle l’univers.     Miniaturiste     des sons.
    Chaque ornement     flamboie.     Impeccable.
    Révérence devant     les conventions     d’époque.
    Transmission     d’un savoir     séculaire.
    D’une vision de l’univers     rêvé
    Ordre.     Orgueil.     Élitisme du grand Prêtre
    Perruqué poudré     dans le film de Straub-Huillet.
    Virtuosité.     Perfection.     Dévotion.
    Ce songe     ne désaltère     pas     la soif de l’oreille.
    « La musique     savante
    Manque     à notre désir. »
    Gustav Leonhardt :     interpréter
    C’est     répondre.

    Glenn

    Gould

    Changer     d’interprétation :
    Changer – de vision.
    Glenn Gould : interpréter
    C’est     questionner.
    Songe de Gould     apaise soif de l’oreille.
    Comète Gould :     Commotion.
    Mais pas commotion
    Qui donne
    La mort.
    Commotion
    Qui donne
    La vie.
    1955 :     Glenn Gould     grave     Goldberg
    À 23 ans.     Gaya scienza.
    Mais déjà     quitte la scène     à 32 ans.
    « Tu as bien fait de partir »    Glenn Gould.
    1981 :    Glenn Gould grave     Goldberg.
    « Retour amont. »     Mort à 50 ans.     Gaya scienza.




    Michèle Finck, « Variation 9 : À Glenn Gould 1981 », Sur un piano de paille, Variations Goldberg avec cri, éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 243, 2020, pp. 55-57.





    Michèle Finck  Sur un piano de paille 2






    MICHÈLE FINCK


    Michèle Finck  portrait
    Image, G.AdC





    ■ Michèle Finck
    sur Terres de femmes


    Sur un piano de paille (lecture d’AP)
    Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
    [Pier Paolo Pasolini, Mamma Roma] (poème extrait de Connaissance par les larmes)
    [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
    La Troisième Main (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
    [Cette fois nous parvenons à travailler] (poème extrait de Poésie Shéhé Résistance)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    une notice bio-bibliographique sur Michèle Finck
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Sur un piano de paille de Michèle Finck




    ■ Écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Glenn Gould interprétant la Variation 9 des Variations Goldberg (1981)





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  • Anne Sexton | When man enters woman




    WHEN MAN ENTERS WOMAN







    Anne Sexton
    Source






    When man
    enters woman,
    like the surf biting the shore,
    again and again,
    and the woman opens her mouth with pleasure
    and her teeth gleam
    like the alphabet,
    Logos appears milking a star,
    and the man
    inside of woman
    ties a knot
    so that they will
    never again be separate
    and the woman
    climbs into a flower
    and swallows its stem
    and Logos appears
    and unleashes their rivers.

    This man,
    this woman
    with their double hunger,
    have tried to reach through
    the curtain of God
    and briefly they have,
    though God
    in His perversity
    unties the knot.




    Anne Sexton [The Awful Rowing Toward God, 1975] in Anne Sexton, The Complete Poems, Boston, Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books Edition, 1999, p. 428. With a foreword by Maxine Kumin.







    Anne Sexton, The Complete Poems







    QUAND UN HOMME PÉNÈTRE UNE FEMME




    Quand un homme
    pénètre une femme
    comme la vague qui mord la rive,
    encore et encore,
    que la bouche de la femme s’entrouvre de plaisir
    que ses dents brillent
    tel l’alphabet,
    le Logos semble traire une étoile,
    et l’homme
    au-dedans de la femme
    noue un nœud
    pour que plus jamais
    tous deux ne se séparent
    et la femme se fait fleur
    et ravale sa tige
    et le Logos apparaît
    et déchaîne leurs fleuves.

    Cet homme
    cette femme
    et leur désir duplice
    ont tenté de franchir
    la courtine de Dieu,
    un court instant ils y sont parvenus,
    même si par la suite Dieu
    dans Sa perversion
    dénoue le nœud.




    Traduction inédite d’Angèle Paoli.






    ANNE SEXTON


    Anne-sexton_Joanna-Rusinek
    Source



    ■ Anne Sexton
    sur Terres de femmes


    Anne Sexton | Her Kind
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Anne Sexton lisant le poème ci-dessus : « Her Kind », 1966 (The Poetry Center and American Poetry Archives at San Francisco State University)
    → (sur YouTube)
    Short clips of Anne Sexton reciting some poetry and excerpts from home movies
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton at home – 1 (VOSE)
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton at home – 2 (VOSE)
    → (sur Poetry Foundation)
    une page sur Anne Sexton
    → (sur anne-sexton.blogspot.fr)
    de nombreux poèmes (12) d’Anne Sexton (+ leur traduction en français par Michel Corne)
    → (sur le blog Quelques pages d’un autre livre ouvert)
    une bio-bibliographie (en français) d’Anne Sexton
    → (sur PoemHunter.com)
    Poems of Anne Sexton
    → (sur lyrikline blog)
    Readings to remember: Anne Sexton





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  • Dominique Labarrière | [Lumière]



    Michelangelo
    « Comme si tes mains touchaient les miennes »
    Michel-Ange, La Création d’Adam (détail)
    Voûte de la Chapelle Sixtine (Rome, Vatican)







    [LUMIÈRE]



    Lumière !
    Comme si ton œil brûlait le mien.

    Silence !
    Comme si ta voix blanchissait la mienne.

    Joie !
    Comme si tes mains touchaient les miennes.




    Dominique Labarrière, « Versions d’une âme sous le gel », I [inédit, 1981], in Visages, pour mémoire, Poèmes 1972-1987, coédition Le Castor Astral | Les Écrits des Forges, Collection Matin du Monde, 1988 ; rééd. 2006, page 77. Lavis de Colette Deblé (couverture et illustration).







    Dominique Labarrière, Visages, pour mémoire






    DOMINIQUE LABARRIÈRE


    Dominiqie Labarrière
    Source




    ■ Dominique Labarrière
    sur Terres de femmes

    L’homme-nuage (extrait de Journal du Bout des Bordes) (+ une notice bio-bibliographique)
    Stations avant l’oubli, I & III (extrait de Stations avant l’oubli)





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  • Jean-Pierre Lemaire | [Pendant la tempête]



    [PENDANT LA TEMPÊTE]




    Pendant la tempête il a dû passer
    une frontière sans la voir
    une montagne ou un vide
    et tomber à la fin
    de la hotte du vent
    La fenêtre semble avoir calmé le monde
    Il aperçoit le ciel comme un plongeur
    la nuque des arbres
    le dos des années
    comme s’il découvrait d’abord à l’envers
    le monde vu de l’homme
    La vie est restée seule
    dans le demi-jour
    Depuis des semaines
    les chaises dans la chambre
    sont comme en visite
    Sans approcher
    elles lui sourient



    les escaliers du vent sont en ruine
    et tout bas l’anémone
    visible chuchote



    Jean-Pierre Lemaire, « Première veille – Orphée posthume » in Les Marges du jour, La Dogana, 1981 ; 2e édition 2011, pp. 52-53. Postface de Philippe Jaccottet.






    Jean-Pierre Lemaire, Les Marges du jour






    JEAN-PIERRE LEMAIRE


    Jeanpierre-lemaire
    Source



    ■ Jean-Pierre Lemaire
    sur Terres de femmes

    Giotto (poème extrait de L’Intérieur du monde + une notice bio-bibliographique)
    [La terre est invisible] (autre poème extrait de L’Intérieur du monde)
    [Ne te hâte pas de regagner la surface] (poème extrait de Visitation)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    Jean-Pierre Lemaire en son premier recueil (Les Marges du jour)
    → (sur Recours au Poème)
    cinq poèmes de Jean-Pierre Lemaire





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Anne Sexton | Her Kind



    HER KIND



    I have gone out, a possessed witch,
    haunting the black air, braver at night;
    dreaming evil, I have done my hitch
    over the plain houses, light by light:
    lonely thing, twelve fingered, out of mind.
    A woman like that is not a woman, quite.
    I have been her kind.

    I have found the warm caves in the woods,
    filled them with skillets, carvings, shelves,
    closets, silks, innumerable goods;
    fixed the suppers for the worms and the elves:
    whining, rearranging the disaligned.
    A woman like that is misunderstood.
    I have been her kind.

    I have ridden in your cart, driver,
    waved my nude arms at villages going by,
    learning the last bright routes, survivor
    where your flames still bite my thigh
    and my ribs crack where your wheels wind.
    A woman like that is not ashamed to die.
    I have been her kind.



    Anne Sexton, To Bedlam and Part Way Back (Boston: Houghton, Mifflin, 1960), in The Complete Poems, Boston: Houghton Mifflin Company, 1981 ; First Mariner Books edition, 1999, pp. 15-16.







    Anne Sexton, The Complete Poems








    SA SEMBLABLE



    Je suis sortie, sorcière possédée,
    qui hante l’air obscur, plus vaillante la nuit ;
    rêvant du mal, j’ai fait ma tournée
    au-dessus des maisons ordinaires, de lumière en lumière :
    pauvre créature solitaire, à douze doigts, affolée.
    Une femme comme cela n’est pas une femme, pas tout à fait.
    J’ai été sa semblable.

    [traduction en français de Patricia Godi-Tkatchouk]


    J’ai trouvé dans les bois des cavernes bien au chaud,
    je les ai remplies de poêlons, de statuettes, de rayonnages,
    de placards, de soieries, de tout un bric-à-brac ;
    j’ai mitonné les brouets pour les vers et les elfes ;
    geignant, remettant de l’ordre dans le désordre.
    Une femme comme cela est incomprise.
    J’ai été sa semblable.

    J’ai été trimballée dans ta charrette, cocher
    j’ai salué de mes bras nus les villages à rebours,
    retenant les derniers trajets éclairés, survivante
    là où tes flammes mordent encore ma cuisse
    et mes côtes craquent où s’enfoncent tes roues.
    Une femme comme cela n’a pas honte de mourir.
    J’ai été sa semblable.






    Anne Sexton To Bedlam and Part Way Back







    _______________________________________

    NOTE : « Dans ce poème central de son premier recueil, Anne Sexton retourne à la figure ancestrale de la sorcière, figure d’un savoir occulte et de la sagesse, figure de la conteuse, comme le rappelle Suzanne Juhasz dans Naked and Fiery Forms: Modern American Poetry by Women, dans le chapitre qu’elle consacre à l’œuvre d’Anne Sexton, et, cependant, également symbole des persécutions qui ont marqué l’histoire des Etats-Unis, de la « chasse aux sorcières » de l’Amérique coloniale puritaine, puis de celle des années cinquante et du « maccarthysme » et, plus généralement, figure de l’autre femme, celle qui ne plie pas aux attentes de la société, l’intellectuelle, l’artiste, la célibataire, celle qui ne fut ni mariée, ni mère. Pourrait-on dire qu’avec « Her Kind », Anne Sexton prend le contrepied de l’image traditionnelle de la femme, celle de « l’ange du foyer », dont toute femme qui veut accomplir sa vocation d’écrivain doit s’émanciper ? Dans ce poème, par le biais du symbole, en donnant libre cours à un imaginaire marqué par l’audace et un désir éperdu de liberté, Anne Sexton écrit du point de vue d’un sujet à l’étroit dans les définitions réductrices de la féminité imposées par la société américaine conservatrice de son époque. Sa poésie représente le mal de vivre et l’incapacité pour le sujet féminin de jouer les rôles traditionnellement dévolus aux femmes. De manière répétée, la poésie d’Anne Sexton rend compte de la difficulté, de l’impossibilité d’exister selon les critères de l’idéologie de la féminité véhiculée par la culture patriarcale, qu’il s’agisse des textes qui abordent le thème du mariage ou celui de la maternité. » (Patricia Godi)






    ANNE SEXTON


    Anne-sexton_Joanna-Rusinek
    Source




    ■ Anne Sexton
    sur Terres de femmes


    When man enters woman
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Anne Sexton lisant le poème ci-dessus : « Her Kind », 1966 (The Poetry Center and American Poetry Archives at San Francisco State University)
    → (sur YouTube)
    Short clips of Anne Sexton reciting some poetry and excerpts from home movies
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton at home – 1 (VOSE)
    → (sur YouTube)
    Anne Sexton at home – 2 (VOSE)
    → (sur Poetry Foundation)
    une page sur Anne Sexton
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    de nombreux poèmes (12) d’Anne Sexton (+ leur traduction en français par Michel Corne)
    → (sur le blog Quelques pages d’un autre livre ouvert)
    une bio-bibliographie (en français) d’Anne Sexton
    → (sur PoemHunter.com)
    Poems of Anne Sexton
    → (sur lyrikline blog)
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  • Pierre-Albert Jourdan,

    L’Entrée dans le jardin | The entryway into the garden


    Jourdan Jardin 4







    L’ENTRÉE DANS LE JARDIN
    (extrait)



    Le brin d’herbe a signé la convocation.


    Ne pas abandonner l’espace, laisser la main errante, ne pas l’emprisonner sur les choses.


    La succession des heures devient palette de peintre. Que sont les heures, des dégradés d’espace ? Qu’est-ce qui se dresse devant moi ― puis-je, sans cette inconscience légère qui m’appartient, lui donner un nom ? La part qui me revient n’est qu’un souffle nu sur mon visage. Je vois trembler les premières lumières du village, submergé par une vague de tendresse. Désarmés, nous errons à la lisière du monde. Nous avons cru bon de nommer ainsi ce qui nous est apparu, sans comprendre que ce n’était qu’un piège, en nous enfonçant dans le piège parmi les rires et les cris.


    Je n’arrive pas à me situer. Je n’épouse même pas la docilité de l’ombre.


    Il n’y a pas de hiérarchie. L’esprit noble descend effectivement jusqu’au purin. Je dirai même qu’il s’y apaise.


    Les abeilles s’activent. Elles font vivre le romarin. Toute cette floraison bleue, cet épanouissement trouve son sens dans une dilapidation ― fut-elle studieuse. Ce léger bourdonnement fait vibrer l’espace : on avance, on a cette impression, mais est-ce bien cela ? N’est-on pas, sur place, anéanti, piétiné, jubilant ?


    Des saisons de l’âme.


    Le « Wild Thyme » de Blake, le thym sauvage – messager de quelle foi enracinée, de quelle richesse, piétinée mais triomphante ?


    Vent du Sud, souffle prolongé, presque égal, irritant. Rien des bourrasques, de la violence échevelée du mistral. Usure. Lente usure. Effritement. Le corps ressent cela. Au mistral, vivifiant, il oppose sa propre masse, il lutte. Ici, il n’y a rien à opposer à cette opiniâtreté sournoise. Main de sable qui tape aux vitres. Oui, dit le corps, je sais, je ne sais que trop. Vent du Sud, longue phrase mortelle.


    Quel est ce calme ? Ce n’est pas le calme, c’est l’abrutissement. La tempête, en passant, a saupoudré de neige la montagne. Oh, comme tout pèse soudain ! Comme tu vieillis !


    L’entrée dans le jardin. La distance à franchir est si courte qu’il est impossible de faire le premier pas. J’en suis là, ténébreux, inquiet, instable. Je ne rallonge pas ainsi la distance, comme on pourrait le supposer, mais je la brouille considérablement. Ce soleil de fleurs et d’abeilles luit doucement dans l’entre-deux. Mais ce qui est gagné c’est que nous ne nous observons pas. Nous nous tenons, côte à côte, en étrangers qui ne parlent pas la même langue mais qui éprouvent l’un pour l’autre une profonde sympathie.
    Je pourrai vivre ainsi, avec les cendres de l’autre soleil dans les yeux. Petit à petit je m’émonderais, je perdrais toute la menace contenue dans mes gestes. Bouddha de bois qui couve l’incendie.



    Pierre-Albert Jourdan, L’Entrée dans le jardin, Thierry Bouchard éditeur, 21170 Losne, 1981, pp. 11-12.







    Jourdan jardin







        Le recueil L’Entrée dans le jardin a été repris dans le premier volume des œuvres complètes de Pierre-Albert Jourdan, éditées par Yves Leclair et publiées par le Mercure de France (Les Sandales de paille, 1987, préface de Yves Bonnefoy). Ce volume est hélas depuis fort longtemps épuisé. Pour retrouver ce texte, se reporter à l’édition américaine des œuvres de Pierre-Albert Jourdan : The Straw Sandals : selected Prose and Poetry, édition bilingue français|anglais, traduction, introduction et notes par John Taylor, Chelsea editions, New York, 2011. Ci-après la traduction (en anglais) de l’extrait choisi supra :






    THE ENTRYWAY INTO THE GARDEN



    The blade of grass has signed the summons.


    Do not abandon space. Let the hand wander. Do not imprison it on things.


    The passing of hours becomes a painter’s palette. Do hours form a finely shaded color chart of space? What looms in front of me? Is it really possible, without drawing on the lightheartedness that I possess, to give it a name? The part allotted to me is but a naked breath on my face. Submerged by a wave of tenderness, I watch the first lights of the village tremble. Disarmed, we wander at the edge of the world. We thought it well to call “world” what appeared in front of us, without understanding that it was only a trap, and while sinking deeper into this trap amid all the laughs and outcries.


    I can’t figure out where I am. I can’t even hug the docility of shadows.


    There is no hierarchy. A noble spirit indeed slides all the way down into the liquid manure. I would even say that the spirit is soothed in it.


    The bees get busy. They make the rosemary bush come alive. The meaning of all these blue flowers ―their blossoming out―lies in a sort of squandering, be it studious. The soft buzzing makes all spaces quiver: you walk a little further, you sense this, but is it really so ? As you stand there, aren’t you overwhelmed, reduced to nothing, jubilant?


    Seasons of the soul.


    Blake’s “Wild Thyme”―of what deep-rooted faith, of what riches, trampled on yet triumphant, is this plant the messenger?


    The prolonged, irritating, almost constant force of the south wind. It has nothing of the gusty, frenzied violence of the mistral. It wears you down. Slowly wears you down. Erodes you. Your body feels this. When the bracing mistral blows, your body turns its own strength against it and struggles. But nothing can match the deceitful obstinacy of the south wind. It is like a sandy hand beating against windowpanes. Yes, your body says, I know, I know all too well. The south wind: a long deadening blast of words.


    What is this calm? It is not calm, but rather mental exhaustion. When the windstorm blew through here, it sprinkled the mountain with snow. Oh, how suddenly everything seems so heavy! How old you are getting!


    The entryway into the garden. The distance is so short that it is impossible to take the first step. This is where I am―gloomy, worrisome, unstable. I am not making the distance seem longer, as one might imagine, bet rather considerably muddling the issue. A bee-and flower-filled sunlight space shines softly in this in-between space. But what has been gained is that we do not observe each other. We stand side by side like two foreigners not speaking the same language yet feeling a deep sympathy for each another.
    I could live like this, with the ashes of the other sun in my eyes. Little by little I would prune myself back, my gestures thereby losing all their threats. Like a wooden Buddha brooding over a smoldering fire.



    Pierre-Albert Jourdan, The Straw Sandals : selected Prose and Poetry, édition bilingue français|anglais, traduction, introduction et notes par John Taylor, Chelsea editions, New York, 2011, pp. 109-11.







    Jourdan straw




    PIERRE-ALBERT JOURDAN


    Jourdan portrait
    Ph. Gilles Jourdan
    Source





    ■ Pierre-Albert Jourdan
    sur Terres de femmes


    [L’inquiétude devant la mort] (extrait de L’Angle mort)
    La source (extrait du Bonjour et l’Adieu)
    [Ceci est ma forêt]
    Chute (extrait de L’Espace de la perte)
    Le Fil du courant
    Les nuages parfois s’enlisent
    3 février 1924 | Naissance de Pierre-Albert Jourdan (+ un extrait du Bonjour et l’Adieu)




    ■ Voir aussi ▼


    le site d’Élodie Meunier* consacré à Pierre-Albert Jourdan
    → (sur The Arts Fuse)
    Fuse Poetry Review: Pierre-Albert Jourdan — Writing that Wagers on Beauty (recension [en anglais] autour de la publication, en juillet 2011, de l’édition bilingue (anglais-français) de The Straw Sandals [Les Sandales de paille]: Selected Prose and Poetry by Pierre-Albert Jourdan. Edited, introduced, and translated by John Taylor. New York, Chelsea Editions)
    → (sur le site de Cerise Press)
    une note (en français) de John Taylor (le traducteur américain de Pierre-Albert Jourdan) sur Pierre-Albert Jourdan



    *
    En 2006, Élodie Lefaure-Meunier a soutenu (sous la direction de Claude Burgelin – Université Lumière Lyon 2) une thèse de doctorat sur Pierre-Albert Jourdan : Pierre-Albert Jourdan : l’écriture comme ascèse spirituelle.



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