Étiquette : 1990


  • Franck André Jamme | [tout ce que tu peux espérer maintenant]


    [TOUT CE QUE TU PEUX ESPÉRER MAINTENANT]




    Écoute, tout ce que tu peux espérer maintenant, c’est que les choses lèvent un peu, de temps à autre, qu’elles se dressent, quittent un instant leur terre et puis se posent de nouveau : une illusion, certainement, si tangible pourtant les quelques secondes qu’elle règne ! Avec un brin de chance et vu ton âge, à moins de quelque accident, cela devrait encore durer vingt ans, peut-être trente. Et puis tu tireras ta révérence, du mieux qu’il te sera donné — on choisit rarement sa fin. Tu signerais ces lignes si tu le devais, je le crois. Tu ne saurais juste pas trop où poser ton nom. À moins de la feuille transparente qui vole en toi et que tu ne pourras jamais saisir. Je ne t’en dirai pas plus, ne m’en veux pas, regarde plutôt : la porte, le couloir, les escaliers, une autre porte, la rue, des rues, la sortie de la ville, la route, la campagne, d’autres villes, d’autres pays : tu es, nous sommes toujours partout entre les mains du mystère le plus pur.


    Rien n’y fera

    Toujours
    la même
    éternelle
    absence

    Mais de quoi ?



    Dans quel sens
    court-elle

    La route ?

    Que fera-t-elle
    quand elle sera
    au bout ?




    Franck André Jamme, Bois de lune, Fata Morgana, 1990, pp. 57-59-60. Gravures de Richard Texier.






    Bois de lune 2





    FRANCK ANDRÉ JAMME (1947-2020)


    Jamme 3
    Ph. © Jean-Marc de Samie
    Source





    ■ Franck André Jamme
    sur Terres de femmes


    [Tu en as rêvé quelquefois] (autre poème extrait de Bois de lune)
    [Tu viens souvent avec ton oiseau sur le poing] (autre poème extrait de Bois de lune)
    les mygales (poème extrait du recueil Au secret)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du cipM)
    une fiche bio-bibliographique sur Franck André Jamme





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  • Kiki Dimoula | Autoconservation



    Autoconservation
    Source




    ΑΥΤΟΣΥΝΤΗΡΗΣΗ



    Θά πρέπει νά ῾ταν ἄνοιξη
    γιατί ἡ μνήμη αὐτή
    ὑπερπηδώντας παπαροῦνες ἔρχεται.
    Ἐκτός ἐάν ἡ νοσταλγία
    ἀπό πολύ βιασύνη,
    παραγνώρισ᾿ ἐνθυμούμενο.
    Μοιάζουνε τόσο μεταξύ τους ὅλα
    ὅταν τά πάρει ὁ χαμός.
    Ἀλλά μπορεῖ νά ῾ναι ξένο αὐτό τό φόντο,
    νά ῾ναι παπαροῦνες δανεισμένες
    ἀπό μιάν ἄλλην ἱστορία,
    δική μου ἢ ξένη.
    Τά κάνει κάτι τέτοια ἡ ἀναπόληση.
    Ἀπό φιλοκαλία κι ἔπαρση.

    Ὅμως θά πρέπει νά ῾ταν ἄνοιξη
    γιατί καί μέλισσες βλέπω
    νά πετοῦν γύρω ἀπ᾿ αὐτή τή μνήμη,
    μέ περιπάθεια καί πίστη
    νά συνωστίζονται στόν καλύκά της.
    Ἐκτός ἂν εἶναι ὁ ὀργασμός
    νόμος τοῦ παρελθόντος,
    μηχανισμός τοῦ ἀνεπανάληπτου.
    Ἂν μένει πάντα κάποια γῦρις
    στά τελειωμένα πράγματα
    γιά τήν ἐπικονίαση
    τῆς ἐμπειρίας, τῆς λύπης
    καί τῆς ποίησης.




    Κική Δημουλά, Το λίγο του κόσμου, εκδόσεις Νεφέλη, Ἀθήνα, 1971, 1983 ; εκδόσεις Στιγμή, 1990.






    AUTOCONSERVATION



    Ce devait être le printemps,
    car cette mémoire
    arrive enjambant les coquelicots.
    À moins que la nostalgie
    dans sa hâte
    n’ait méconnu le souvenir.
    Tout se ressemble tant
    lorsque la perte s’en empare.
    Mais le souvenir peut être exact
    le fond étranger
    et les coquelicots empruntés
    à une autre histoire,
    mienne ou étrangère.
    La réminiscence en est bien capable
    par amour du beau et arrogance.

    Mais ce devait bien être le printemps
    car je vois des abeilles
    voler autour de cette mémoire,
    affectueuses et fidèles
    se presser sur son calice.
    À moins que ce ne soit l’orgasme
    loi du passé,
    mécanisme de l’irréitérable.
    Et qu’il reste toujours quelque pollen
    dans les choses finies
    pour la pollinisation
    de l’expérience, de la tristesse
    et de la poésie.




    Kiki Dimoula, Le peu du monde in Du peu du monde et autres poèmes, édition bilingue, La Différence, Collection Orphée dirigée par Claude Michel Cluny, 1995, pp. 28-31. Choix, traduction du grec et présentation par Martine Plateau-Zygounas.





    Kiki Dimoula  Du peu de différence





    ___________________
    Ci-dessous, une traduction du même poème par Michel Volkovitch :



    AUTOCONSERVATION



    Ce devait être le printemps
    car le souvenir qui arrive
    saute par-dessus les coquelicots.
    Sauf si la nostalgie
    dans sa hâte,
    a mal vu le souvenu.
    Tout se ressemble tant
    au moment de la perte.
    Mais la mémoire est peut-être exacte
    et ce fond étranger,
    et les coquelicots issus
    d’une autre histoire,
    mienne ou étrangère.
    La mémoire fait des coups pareils.
    Par amour du beau et par vanité.

    Pourtant ce devait être au printemps
    car je vois aussi des abeilles
    voler autour de ce souvenir,
    et s’entasser avec foi et passion
    dans son calice.
    Sauf si l’orgasme
    est une loi du passé,
    un mécanisme de l’unique.
    Et s’il reste toujours du pollen
    dans les choses achevées
    pour la fécondation
    de l’expérience, de la tristesse
    et du poème.




    Kiki Dimoula, Le Peu du monde [Το Λίγο του κόσμου, Ἀθήνα, 1971] in Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais, éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard, 2010, pp. 26-27. Traduit du grec par Michel Volkovitch.





    Kiki Dimoula  Le Peu du monde





    KIKI DIMOULA (1931-2020)


    Kiki_dimoula portrait
    Source





    ■ Kiki Dimoula
    sur Terres de femmes




    La pierre périphrase (autre poème extrait du Peu du monde)
    Temps allongé (poème extrait de Mon dernier corps)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de Michel Volkovitch)
    d’autres poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Poetry International)
    dix poèmes de Kiki Dimoula
    → (sur Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet)
    un article de Jacques Ancet (« Tristesse de fond ») sur la poésie de Kiki Dimoula
    → (sur le site du Σπουδαστήριο Νέου Ελληνισμού/Center for Neo-Hellenic Studies)
    trois poèmes de Kiki Dimoula (dont Ο πληθυντικός αριθμός) dits par elle-même






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  • 30 janvier 1889 | La tragédie de Mayerling in Danube de Claudio Magris

    Éphéméride culturelle à rebours



    Rodolphe de Habsbourg et Marie Vetsera








    DANUBE (extrait)




    La tragédie de Mayerling, la mort mystérieuse de Rodolphe de Habsbourg et de Marie Vetsera dans le pavillon de chasse le 30 janvier 1889 est une triste histoire qui a frappé pour un siècle l’imagination populaire, suscitant une authentique piété et alimentant un culte héroïco-sentimental pour le suicide d’amour, donnant naissance à des romances en technicolor et à des hypothèses sur de sombres intrigues menées au nom de la raison d’État. Cette tragédie est la pauvre et tendre histoire d’une de ces équivoques qui à la suite de quelque heurt banal mais fatal, font dérailler la vie de sa voie quotidienne pour la précipiter dans l’emphase de la destruction.

    Marie Vetsera, au moment de sa mort, n’avait pas encore dix-huit ans ; l’été précédent, avant même de connaître personnellement l’archiduc, elle était tombée amoureuse de loin, avec l’exaltation d’un cœur sans défense qui a besoin de se créer un absolu auquel se soumettre et se sacrifier sans réserve, et qui doit adorer pour se convaincre de vivre poétiquement, pour donner un sens à sa propre existence encore informe, laquelle sinon semble devoir se consumer en une indéfinissable mélancolie. L’archiduc avait tout juste passé la trentaine, on le connaissait pour ses idées libérales, son arrogance à faire étalage d’une vie dissolue, et pour une impulsivité dominatrice qui le poussait à des élans de générosité, à des excès de forfanterie et à une irascibilité soupçonneuse dont faisait les frais surtout sa femme, l’archiduchesse Stéphanie.

    Marie Vetsera, raconte sa mère, la baronne Hélène, dans son livre de souvenirs Mayerling, allait voir l’archiduc aux courses et au Prater, confiait à sa femme de chambre que Rodolphe l’avait remarquée, ou, peu de temps après, qu’il l’avait saluée avec une attention particulière, et elle jurait qu’elle n’aimerait jamais personne d’autre. Elle vivait — sur cette limite ténue, heureuse et malheureuse entre l’adolescence et la jeunesse — la saison des grandes manœuvres du cœur et des sens, elle faisait ses premiers pas dans cet apprentissage des affections où l’on cherche à tâtons, à travers le jeu et l’enchantement des premières rencontres, le chemin qui mène à l’amour.

    Ces regards échangés dans les allées du Prater, et, peu après, ces rendez-vous furtifs et ces subterfuges auraient dû être, pour elle aussi, les accords initiaux et tâtonnants, les répétitions de l’orchestre des sentiments se préparant, dans une rumeur encore confuse, à jouer à l’unisson la grande symphonie de l’amour. Mais quelques semaines plus tard tout s’achevait dans cette mort à Mayerling, dans l’outrage que le coup de pistolet à la tempe et la rigidité cadavérique avaient infligé à ce corps charmant, dans ces détails de l’autopsie relevés sur les documents officiels avec une précision protocolaire qui n’a servi qu’à embrouiller davantage ce qu’on a coutume d’appeler le mystère de Mayerling. Quand on regarde les portraits de la petite baronne, ce visage délicat et peu expressif, qui ne montre que la grâce impersonnelle propre à cet âge de dix-huit ans, on pense à ces tragédies scolaires de jeunes vies brisées par la première mauvaise note ou le premier reproche, écrasées elles aussi par un mélange d’absolu et de hasard, tombées à cause d’un obstacle qui pour les autres, pour ceux qui ont survécu, semble tout à fait insignifiant et qui pourtant a été insurmontable pour elles.

    Elena Vetsera note aussi dans son recueil de souvenirs les détails les plus pénibles de cette histoire et de sa fin — ou du moins de sa version à elle de la fin, destinée à ne rester qu’une parmi tant d’autres, en contradiction avec d’autres encore plus discutables, comme les divagations de l’impératrice Zita. L’opuscule, paru en 1891 et saisi par la police autrichienne, est un petit livre aride et émouvant, dont la prose négligée est dictée bien sûr par l’amour maternel, mais surtout par une autre passion au moins aussi forte, la respectabilité. La baronne Vetsera veut disculper sa fille de l’accusation d’avoir eu une responsabilité active dans cette tragédie, et elle veut surtout réfuter les racontars selon lesquels elle aurait été au courant de cette liaison illicite, et l’aurait favorisée.



    Claudio Magris, « Café Central », 4 in Danube, Gallimard, 1988 ; Collection folio n° 2162, 1990, pp. 236-238. Traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau.






    Claudio Magris  Danube





    CLAUDIO MAGRIS





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Danube






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  • Carol Snow | Positions of the Body, VI




    Moore
    « massive en marbre noir : un corps
    de femme, couché, lové ; une éloquence
    d’os, de coquillage »

    Henry Moore (1898–1986), Reclining Figure, 1939
    Lead on oak base
    150 x 280 x 100 mm
    Tate Modern, London
    © The Henry Moore Foundation
    Source








    POSITIONS OF THE BODY, VI




    Wanting not only stillness of hills,
    but intercession—as by new grass

    on the hills—with the silence
    towering over the hills, Moore sculpts a massive

    figure in black marble: a woman’s
    body, reclining, curved; eloquent

    as bone, shell,
    stones worn beyond contradiction.


    *


    You stopped
    by the roadside, hills

    lying in middle distance, few houses. Only the green
    reaches of vineyard intervening

    seemed manageable ; that is, human—a matter
    of scale; the silence was huge, so that only

    the hills (which were huge,
    also) could rest.

    Cézanne, leaning to his canvas, would have mastered
    that view, you thought: the blues and greens
    and ochres of proximity and distance; that tenuous

    position in the dance, not of the drawing
    together of unlike, like bodies, but of the holding
    apart of the body and terrain; you were held

    so still, you thought that you might become those hills,
    or must have been borne by hills,

    or maybe your body
    had been a maquette for the hills.




    Carol Snow, “Positions of the Body”, VI, Artist and Model, New York: The Atlantic Monthly Press, 1989 National Poetry Series, selected by Robert Hass, New York, 1990, pp. 10-11.






    Carol Snow  Artist & Model 0







    POSITIONS DU CORPS, VI




    Voulant non seulement l’immobilité des collines
    mais une médiation — comme un regain

    sur les collines — mur
    de silence au-dessus des collines, Moore sculpte une figure

    massive en marbre noir : un corps
    de femme, couché, lové ; une éloquence

    d’os, de coquillage,
    de pierres portées par-delà la contradiction.


    *


    Tu t’es arrêtée
    au bord de la route, étalement

    de collines à mi-distance, quelques maisons. Seules les vertes
    étendues du vignoble dans l’entre-deux

    semblaient accessibles, c’est-à-dire humaines — question
    d’échelle ; silence imposant, tel que seules
    les collines (également
    imposantes) pouvaient reposer.

    Cézanne, penché sur sa toile, aurait maîtrisé
    cette vue, pensas-tu : les bleus et les verts
    et les ocres du proche et du lointain, cette posture

    précaire de la danse, non la réunion
    des corps dissemblables, des semblables, mais le maintien
    séparé du corps et du sol ; tu étais tellement

    saisie, tu pensais que tu pourrais devenir ces collines,
    ou bien être née de ces collines

    ou bien ton corps
    avait été une maquette pour ces collines.




    Carol Snow, « Positions du corps », VI, Artiste et Modèle, édition non bilingue, Éditions Unes, 2019, pp. 16-17. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Maïtreyi et Nicolas Pesquès.






    Carol Snow






    CAROL SNOW


    Carol Snow portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Carol Snow





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  • Galway Kinnell | Vente aux enchères


    THE AUCTION



    My wife lies in another dream.
    The quilt covers her like a hill
    of neat farms, or map of the township
    that is in heaven, each field and pasture
    its own color and sufficiency,
    every farm signed in thread
    by a bee-angel of those afternoons,
    the tracks of her inner wandering.
    In this bed spooled out of rock maple plucked
    from the slopes above the farm, saints
    have lain side by side, grinding their
    teeth square through the winter nights,
    or tangled together, the swollen
    flesh finding among the gigantic
    sleep-rags the wet vestibule, jetting
    milky spurts into the vessel
    as secret as that amethyst glass
    glimpsed once overlaid with dust
    in the corner of an attic.



    Galway Kinnell, “The Auction”, I, When One Has Lived a Long Time Alone, Alfred A. Knopf Inc., New York, NY 10019, 1990, p. 12.






    Galway Kinnell  When One Has Lived a Long Time Alone







    VENTE AUX ENCHÈRES



    Ma femme se repose dans un autre rêve.
    L’édredon la recouvre, forme une colline
    aux fermes proprettes, évoque la carte d’un village
    au paradis : chaque champ, chaque pâturage,
    est doté de couleurs et de ressources siennes,
    chaque ferme signée du fil d’une tisseuse —
    ange-abeille de ces après-midi-là —
    suit le tracé de ses déambulations intérieures.
    Sur ce lit, fruit d’un érable à sucre abattu
    sur les pentes en amont de la ferme, des saints
    se sont allongés côte à côte, serrant très fort
    les dents pendant les nuits d’hiver,
    ou enchevêtrés l’un dans l’autre, la chair
    tumescente se frayant un chemin parmi d’infinis
    lambeaux de sommeil jusqu’au vestibule humide,
    faisant jaillir sa giclée lactée dans un vaisseau
    aussi mystérieux que ce verre améthyste
    aperçu un jour, tout recouvert de poussière,
    dans le coin d’un grenier.



    Galway Kinnell, Quand on a longtemps vécu seul, La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2017, page 27. Traduit de l’américain par Pascale Drouet.






    Galway Kinnel  Quand on a longtemps vécu seul






    GALWAY KINNELL


    Galway kinnell 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    le site Galway Kinnell
    → (sur le site Poetry Foundation)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell
    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Galway Kinnell





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Franck André Jamme | [Tu en as rêvé quelquefois]




    [TU EN AS RÊVÉ QUELQUEFOIS]


    Tu en as rêvé quelquefois mais tu n’arriveras jamais à œuvrer au grand jour, sous le regard de tous, et les lumières. D’ailleurs, au fond, tu ne le supporterais pas. Cultive plutôt tes façons, elles sont devenues toi-même. Continue d’aller voler ton bois, la nuit, ainsi que tu l’as toujours fait — c’est bien ton erre, sois-en sûr.




    Pièce nue

    Et ce souffle

    Feux de l’âme
    passant le nez

    Mais c’est la douleur
    qui danse ?




    Mémoire

    Ma rôdeuse

    Grâce et regrets
    dans le panier

    La fleur

    Ce serait l’oubli




    On suit le temps

    On parle
    à peine

    Que dire ?

    Nous sommes déjà
    en retard




    Nuit
    voguant
    sur le port

    Coups de sabre
    de la pensée

    Dans l’eau noire




    Franck André Jamme, Bois de lune, Fata Morgana, 1990, pp. 9-11-12-13. Gravures de Richard Texier.






    Frank André Jamme  Bois de lune





    FRANCK ANDRÉ JAMME


    Franck André Jamme
    Ph. © Jean-Marc de Samie
    Source





    ■ Franck André Jamme
    sur Terres de femmes


    [tout ce que tu peux espérer maintenant](autre poème extrait de Bois de lune)
    [Tu viens souvent avec ton oiseau sur le poing] (autre poème extrait de Bois de lune)
    les mygales (poème extrait du recueil Au secret)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du cipM)
    une fiche bio-bibliographique sur Franck André Jamme





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