Étiquette : 1996


  • Pierre Peuchmaurd | Iris Cascade



    CASCADE
    Ph., G.AdC






    IRIS CASCADE


    à Guy Cabanel           



    Je vivais au pied de la cascade
    j’étais jeune et humide
    tous les mille ans je changeais d’ombre
    je mangeais des loirs et des papillons
    Et puis rien n’est venu

    Les pierres roulaient dans le soleil
    Il y avait du soleil une ou deux fois par nuit
    et des bêtes prolongées avec des rires de femmes
    il y avait des femmes une ou deux fois par rêve
    Je ne sais pas ce que c’est

    L’hiver, caravanes caravelles
    attendaient qu’on invente les mots
    pour passer devant moi
    Une mousse orange couvrait le ciel
    Je me réveillais tard

    Les soirs d’été
    je pariais sur l’onagre, sur les truites électriques
    sur l’impatience du rouge
    Je pariais sur mes peaux dans les forêts naissantes
    L’iris poussait dans l’œil du diable




    Pierre Peuchmaurd, « L’Océan du lavoir et même la rouille est bleue » [éditions Myrddin, Brive-la-Gaillarde, 1996], Autres achèvements, in Parfaits dommages et autres achèvements, éditions L’Oie de Cravan, Montréal, 2007, pp. 65-66. Avec dix photographies de Nicole Espagnol.






    Pierre Peuchmaurd  Parfaits dommages





    PIERRE PEUCHMAURD


    Pierre Peuchmaurd portrait NB
    Source




    ■ Pierre Peuchmaurd
    sur Terres de femmes


    Fleur blanche (autre poème extrait d’Autres achèvements)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Pierre Mainard)
    une notice bio-bibliographique sur Pierre Peuchmaurd





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  • Jean-Louis Giovannoni | [Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant]





    [JE NE SAIS POURQUOI L’AUTRUCHE ME FASCINE AUTANT]



    Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant. C’est un animal tout en jambe, avec un cou rose qui semble pousser, pousser dans l’excitation du danger. Elle surveille la savane du haut de deux mètres cinquante. Je suis certain qu’en se mettant sur la pointe des onglons, elle avoisine les trois mètres. Être aussi jambu ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à fuir. Sa chair doit être très nerveuse. Les vrais amateurs de steak n’y trouveront pas leur bonheur. Certes, il y a plus à manger dans un cou d’autruche que dans celui d’une poulette. Mais là encore, elle est battue. La girafe a un cou plus long. Ce qui doit donner des filets de plusieurs mètres. Qu’importe la longueur, la vitesse, les enjambées spectaculaires : la vie n’est pas un match de basket. On ne s’élève pas à l’intérieur de soi du fait d’avoir sa tête à cinq ou six mètres du sol. Le but n’est pas de sauter haut mais de sauter juste, dans le corps qu’il faut. Arriverai-je un jour à me débarrasser de ce besoin de comparer les tailles, les performances ? Moi, je ne suis pas grand à côté de ces perches. La noisette que je suis vaut bien plus qu’une noix de bison ou d’éléphant. Ce n’est pas la quantité qui fait la qualité ! Il est vrai que par moments j’aimerais bien me dénouer les jambes, ne plus les tenir dans ma tête. Je suis certain que je m’anémie à force de jouer au spéléologue de l’âme. Un bon coup de pied, un jarret débandé sont sûrement un remède plus efficace contre la crampe que l’immobilité surfaite d’une pietà. Les descentes de croix sont plus propices à l’ulcère duodénal qu’une rencontre de football ! Me serais-je trompé à ce point ? Le noir dans lequel on m’a plongé est-il le seul responsable de ma parfaite blancheur ? D’un seul coup, je doute en pensant aux courses folles de tous ces animaux dans la savane. Mourir d’épuisement, tout couvert de sueur, sous une patte féline, a peut-être plus de beauté que ma tête attendant la sauce gribiche ou ravigote, au milieu de pommes vapeur.
    Quels que soient ma présentation, mon onctuosité, mon dévouement, je suis persuadé que les gens roteront après m’avoir arrosé d’une Côte-rôtie ou d’un Saint-Joseph. C’est fou comme je me sens à l’étroit, d’un seul coup, dans nos livres de cuisine. Et pourquoi pas un veau à l’estrapade, pris à la hussarde ! Un flanchet ou des côtes premières à la croque-en-sel ! Du direct, quoi, et non de la popote pour ménagère. Quelle chance a la gazelle légère de se faire déchirer, écarteler sur le sol par un vigoureux lion à l’opulente crinière ! Rien à voir avec une cervelle servie avec sa noisette de beurre et son filet de citron. Je me vois en veau à la tartare, usé et cuit sous la selle et pris à pleine bouche par un barbare odorant, sans qu’il descende de cheval. Il est préférable de finir boucané qu’en blanquette avec un bouquet garni lors d’un repas de dimanche après la messe. Aiguillette de canard, poulette, chapon, dindon, tout ça est gentillet et sent la basse-cour, le bec au ras du sol. Je vais finir par aimer les taureaux. Peut-être qu’en fouillant bien, j’en suis un ? Le corps à corps avec le matador, la muleta, et les carmencitas qui crient leur amour au passage des cornes : j’en rêve ! Peut-être que ma viande sera écumeuse et noire, mais au moment de ma mise à mort, je serai dans la bouche de tous les aficionados. Ô mon héros ! je te donnerai deux oreilles, et toute la tête si tu veux, rien que pour faire rougir ta belle aux yeux de jais. Et je serai pour elle, même un bref instant, la mort vaincue, la mort prise à la mort, gagnée dans la poussière de tes pas.
    Que de fins possibles ! Pourquoi ai-je choisi de me rompre à la table dominicale comme un pain béni en famille ? Pourquoi n’ai-je pas choisi la lame d’une épée, au milieu des fleurs rouges et des olés ! Chacun son arène. La lame, je la connaîtrai à ma façon. Et tous ces picadors endimanchés me ferrailleront aussi bien qu’un taureau à la fin inépuisable. Certes, je n’aurai pour fleur qu’une gelée de groseilles, mais quel plaisir ce sera de trouver enfin de vraies dents.



    Jean-Louis Giovannoni, Journal d’un veau. Roman intérieur, XVIII, Deyrolle/Verdier, 1996 ; éditions Léo Scheer (deuxième édition), 2005, pp. 101-104.






    Jean-Louis Giovannoni  Journal d'un veau



    JEAN-LOUIS GIOVANNONI


    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source





    ■ Jean-Louis Giovannoni
    sur Terres de femmes


    [Ne me laisse pas ici parmi les ombres !] (extrait de L’air cicatrise vite)
    [Aucune sortie possible] (extrait d’Envisager)
    Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
    Envisager (note de lecture de Tristan Hordé)
    [Vue imprenable] (extrait de L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare)
    [Huitième voyage à Saint-Maur]
    Îles circulaires
    [Il faut si peu de chose]
    Issue de retour (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Issue de retour (note de lecture d’AP)
    [Le jour se lève] (extrait de Sous le seuil)
    Mère
    [Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
    [Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
    [Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
    Sous le seuil (note de lecture d’AP)
    [toujours cette envie de t’ouvrir]
    [Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
    [Troisième voyage à Saint-Maur]
    Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (note de lecture d’AP)
    Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (note de lecture d’AP)





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  • Dominique Labarrière | Stations avant l’oubli, I & III




    Obscure clarté
    « obscure clarté
    où se perd la pensée »
    Diptyque photographique, G.AdC







    STATION AVANT L’OUBLI, I




    nulle voie vers le pin
    ou le chêne vert nulle
    approche nulle

    obscure clarté
    où se perd la pensée

    sous un ciel saturé de bleu

    commence l’oubli





    STATION AVANT L’OUBLI, III




    face à la fenêtre
    lumière blessée se répand
    coule cette pluie
    seule

    qui
    pour jeter regard
    au vélo dans la cour
    aux fleurs sur la table

    comme du bleu s’étend

    au moins le matin
    encore le matin

    encore
    au moins



    Dominique Labarrière, “Trois stations avant l’oubli”, Revue Moebius, Numéro 49, automne 1991, pp. 103-104, in Stations avant l’oubli, Mai Hors Saison, 1996, pp. 9 et 15. Avant-dire de Guy Benoit [publication posthume].






    Dominique Labarrière, Stations avant l'oubli





    DOMINIQUE LABARRIÈRE


    Dominiqie Labarrière
    Source




    ■ Dominique Labarrière
    sur Terres de femmes

    L’homme-nuage (extrait de Journal du Bout des Bordes) (+ une notice bio-bibliographique)
    [Lumière] (un poème extrait de Visages, pour mémoire)





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  • Pierre Perrin | L’âge

    L’ÂGE

    À la sortie d’un bois perdu, au détour d’un sentier, il arrive qu’on redécouvre, comme au premier jour, la couleur sable et tuile des maisons et, aussitôt, la lumière adoucit la marche. On ne sait ce qu’on doit au friselis de l’herbe rase sous le vent. Des pruniers dans la ceinture des lauriers explosent de feuilles. Le cœur s’emballe à mettre de l’orgue sur la chaîne, chorals et fugues ou passacaille, où l’on guettera la voix humaine ou peut-être les trompettes de Salamanque. Le soir peut tourner en cendres, des branches casser sous une bourrasque inattendue, la vie infuse une sorte de mélancolie fertile. On vieillit, la belle affaire ! L’accord grandit à ce qui se dérobe. La mémoire a perdu sa bogue et roule un présent presque perpétuel, au point que la fin, le jour venu, effraiera moins qu’une ancêtre démaquillée.

    Pierre Perrin, La Vie crépusculaire, Cheyne Éditeur, 1996, page 104. Prix Kowalski 1996.

     
     

    Pierre Perrin, La Vie crépusculaire

     


    PIERRE PERRIN


    Perrin

    ■ Pierre Perrin
    sur Terres de femmes

    Une mère | Le cri retenu (lecture d’AP) 

    ■ Voir aussi ▼

    le site de Pierre Perrin
    Possibles, la revue de poésie (nouvelle série, en ligne) animée par Pierre Perrin
    → (sur La Pierre et le Sel) une page sur La Vie crépusculaire

     


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  • Geoffrey Squires | [The sound changes as it moves]




    Cet incessant rugissement vide
    Ph., G.AdC







    [THE SOUND CHANGES AS IT MOVES]



    The sound changes as it moves
    or you move

    like voices descending a stair

    or in the hills following a beck upstream
    as the gully narrows deepens and then bends
    exposing suddenly the full force of the falls
    that blank incessant roar from which the mind
    detaches itself only with difficulty
    and decides to go on






    [LE SON CHANGE QUAND IL SE DÉPLACE]



    Le son change quand il se déplace
    ou quand tu te déplaces

    comme des voix descendant l’escalier

    ou dans les collines en remontant un ruisseau
    quand les ravines étroites s’enfoncent puis tournent
    exposant soudain la pleine puissance des cascades
    cet incessant rugissement vide dont l’esprit
    ne se détache qu’avec difficulté
    et décide de repartir



    Geoffrey Squires, Paysages et silences [Landscapes and Silences, 1996], édition bilingue, Éditions Unes, octobre 2014, pp. 64-65. Traduit de l’anglais (Irlande) par François Heusbourg. Vignette de couverture Max Wechsler.







    Paysages-et-silences--tirage-de-tete
    Source






    GEOFFREY SQUIRES


    Geoffrey Squires
    Source



    ■ Geoffrey Squires
    sur Terres de femmes

    [L’obscurité nous a mis à la dérive encore] (extrait de Pierres noyées)
    Sans titre (extrait)





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  • Valerio Magrelli | [ne rien avoir à écrire]



    [NON AVERE DA SCRIVERE NULLA]



    Non avere da scrivere nulla
    dà quella pena infantile, infinita,
    di chi non trova alloggio
    in un paese straniero.
    Si cerca ovunque,
    ogni posto è già occupato,
    provate altrove e intanto
    si fa tardi e non c’è verso.
    Dove andremo a dormire?






    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    procure cette peine enfantine, infinie,
    de qui ne trouve pas à se loger
    en terre étrangère.
    On cherche partout,
    tout est déjà occupé,
    essayez ailleurs, cependant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, Natures et signatures (Nature e venature, Mondadori, 1987  Einaudi Editore, 1996), Éditions Le temps qu’il fait, 1998, pp. 150-151. Traduit de l’italien et préfacé par Bernard Simeone.







    Natures et signatures 2







    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    donne cette douleur enfantine, infinie
    de qui ne trouve à se loger
    dans un pays étranger.
    On cherche partout,
    tous les lits sont déjà pris,
    essayez ailleurs, pourtant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, La Contagion de la matière, Les Cahiers de Royaumont, 1989, page 28. Traduction collective, Royaumont, relue et préfacée par Bernard Noël.




    VALERIO MAGRELLI


    Valerio Magrelli




    ■ Valerio Magrelli
    sur Terres de femmes

    Aequator lentis
    Rima palpebralis




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur Poetry International Rotterdam)
    une page bio-bibliographique et de nombreux poèmes
    → (sur Italian Poetry)
    trente poésies de Valerio Magrelli
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Valerio Magrelli dits par l’auteur
    → (sur Circolo Culturale Albatross)
    un dossier sur Valerio Magrelli
    → (sur Mosaici, St. Andrews Journal of Italian Poetry)
    un entretien de Valerio Magrelli avec Federico Bindi
    → (sur YouTube)
    une vidéo sur une rencontre entre Margherita Guidacci et Valerio Magrelli (10 mars 1989)





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  • Wisława Szymborska | Complicités avec les morts



    800 x 532
    Ph., G.AdC







    KONSZACHTY Z UMARŁYMI



    W jakich okolicznościach śnią ci się umarli?
    Czy często myślisz o nich przed zaśnięciem?
    Kto pojawia się pierwszy?
    Czy zawsze ten sam?
    Imię? Nazwisko? Cmentarz? Data śmierci?

    Na co się powołują?
    Na dawną znajomość? Pokrewieństwo? Ojczyznę?
    Czy mówią, skąd przychodzą?
    I kto za nimi stoi?
    I komu oprócz ciebie śnią się jeszcze?

    Ich twarze czy podobne do fotografii?
    Czy postarzały się z upływem lat?
    Czerstwe? Mizerne?
    Zabici czy zdążyli wylizać się z ran?
    Czy pamiętają ciągle, kto ich zabił?

    Co mają w rękach – opisz te przedmioty.
    Zbutwiałe? Zardzewiałe? Zwęglone? Spróchniałe?
    Co mają w oczach – groźbę? Prośbę? Jaką?
    Czy tylko o pogodzie z sobą rozmawiacie?
    O ptaszkach? Kwiatkach? Motylkach?

    Z ich strony żadnych kłopotliwych pytań?
    A ty co wtedy odpowiadasz im?
    Zamiast przezornie milczeć?
    Wymijająco zmienić temat snu?
    Zbudzić się w porę?



    Wisława Szymborska, Ludzie na moście (1986) [Les Gens sur le pont] in Wisława Szymborska, La gioia di scrivere, Tutte le poesie (1945-2009), Adelphi Edizioni, Milano, 2012, pagina 460.







    COMPLICITÉS AVEC LES MORTS



    En quelles circonstances rêves-tu des morts ?
    Penses-tu souvent à eux avant de t’endormir ?
    Qui t’apparaît le premier ?
    Est-ce toujours le même ?
    Nom ? Prénom ? Cimetière ? Date de la mort ?

    À quoi en appellent-ils ?
    À l’amitié lointaine ? La parenté ? La patrie ?
    Est-ce qu’ils disent d’où ils viennent ?
    Qui se cache derrière eux ?
    À qui d’autre que toi apparaissent-ils en rêve ?

    Leurs visages ressemblent-ils à leurs photos ?
    Ont-ils vieilli avec les années ?
    Sont-ils frais ? Pâles ?
    Les tués ont-ils eu le temps de soigner leurs blessures ?
    Se souviennent-ils encore qui les a tués ?

    Qu’ont-ils dans leurs mains – décris ces objets.
    Pourris ? Rouillés ? Carbonisés ? Vermoulus ?
    Que lit-on dans leurs yeux – la menace ? La prière ? Laquelle ?
    Vous ne parlez que de la pluie et du beau temps entre vous ?
    Des oiseaux ? Des fleurs ? Des papillons ?

    De leur part nulles questions gênantes ?
    Et toi, que leur réponds-tu alors ?
    Au lieu de prudemment te taire ?
    De passer évasivement à un autre sujet de rêve ?
    De te réveiller à temps ?



    Wisława Szymborska/Ewa Lipska, Deux poétesses polonaises contemporaines, L’Ancrier Éditeur, Collection Littérature polonaise, 1996, page 31. Traduction d’Isabelle Macor-Filarska avec la participation de Grzegorz Splawinski.





    WISŁAWA SZYMBORSKA


    Wislawa_Szymborska
    Source




    ■ Wisława Szymborska
    sur Terres de femmes

    Discours au bureau des objets trouvés (poème extrait de Wszelki wypadek [Cas où, 1972])
    Mouvement (poème extrait de De la mort sans exagérer (Cent blagues [Sto pociech, 1967])
    3 octobre 1996 | Wisława Szymborska, Prix Nobel de littérature (notice bio-bibliographique)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Wisława Szymborska (+ un poème extrait de Vue avec grain de sable et un autre extrait de Dans le fleuve d’Héraclite)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur Esprits Nomades)
    Wislawa Szymborska, Une poésie simple comme un bonjour
    → (sur FrancoSemailles)
    plusieurs poèmes de Wisława Szymborska
    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique (en anglais) sur Wisława Szymborska
    → (sur lyrikline blog)
    Readings to remember: Wisława Szymborska
    → (sur Recours au poème)
    Sur la disparition de Wislawa Szymborska, ou l’être poème, par Antoine de Molesmes





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  • Nuno Júdice | Deus




    Un point qui brille
    Ph., G.AdC








    DEUS




    À noite, há um ponto do corredor
    em que um brilho ocasional faz lembrar
    um pirilampo. Inclino-me para o apanhar
    — e a sombra apaga-o. Então,
    levanto-me: já sem a preocupação
    de saber o que é esse brilho, ou
    do que é reflexo.
    Ali, no entanto, ficou
    uma inquietação; e muito tempo depois,
    sem me dar conta do motivo autêntico,
    ainda me volto no corredor, procurando a luz
    que já não existe.




    Nuno Júdice, Meditação sobre Ruínas, Quetzal editores, Coleção Poesia, 1994 ; Edição/reimpressão 1999.







    DIEU




    La nuit, il y a dans le couloir
    un point qui brille comme
    un ver luisant. Je me penche pour le saisir
    — et l’ombre l’efface. Alors,
    je me lève : déjà sans la préoccupation
    de savoir ce qu’est cette lueur, ou
    de quoi elle est le reflet.
    Là, cependant, persiste
    une inquiétude ; et longtemps après,
    sans me rendre compte du vrai motif,
    je retourne dans le couloir, cherchant la lumière
    qui n’existe plus.




    Nuno Júdice, Méditations sur des ruines in Un chant dans l’épaisseur du temps, suivi de Méditations sur des ruines, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 1996, réimp. 2001, page 144. Traduit du portugais par Michel Chandeigne.





    NUNO JÚDICE


    Nuno_judice1
    Source




    ■ Nuno Júdice
    sur Terres de femmes

    Désir (poème extrait de Geometria Variável)
    Lisboaxaca (poème extrait de Guia de Conceitos Básicos)
    Semiología (poème extrait de o movimento do mundo)
    Un thé dans la véranda (poème extrait de Naviguer à vue)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur BiblioMonde)
    une notice bio-bibliographique sur Nuno Júdice
    → (sur Recours au poème)
    cinq poèmes de Nuno Júdice
    → (sur La Pierre et le Sel)
    une page sur Nuno Júdice
    → (sur lepetitjournal.com )
    un portrait de Nuno Júdice
    → (sur le site de la Fondation Calouste Gulbenkian)
    une bio-bibliographie (en portugais) de Nuno Júdice
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Nuno Júdice dits par l’auteur





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  • Katerina Anghelàki-Rooke | L’autre Pénélope






    Η ΑΛΛΗ ΠΗΝΕΛΟΠΗ



    Μέσ’ απ’ τις ελιές έρχεται η Πηνελόπη
    με τα μαλλάκια της όπως όπως μαζεμένα
    κι ένα φουστάνι απ’ τη Λαϊκή,
    μπλε μαρέν με άσπρα λουλουδάκια.
    Μας εξηγεί πως δεν ήταν από προσήλωση
    στην ιδέα «Οδυσσέας»
    που άφηνε τους μνηστήρες χρόνια
    να περιμένουν στο προαύλιο
    των μυστικών συνηθειών του κορμιού της.
    Εκεί στο παλάτι του νησιού
    με τους φτιαχτούς ορίζοντες
    μιας γλυκερής αγάπης
    και το πουλί απ’ το παράθυρο
    να συλλαμβάνει μόνον αυτό, το άπειρο
    είχε ζωγραφίσει εκείνη με τα χρώματα της φύσης
    την προσωπογραφία του έρωτα.
    Καθιστός, το ένα πόδι πάνω στ’ άλλο
    βαστώντας μια κούπα καφέ
    πρωινός, λίγο μουτρωμένος, λίγο χαμογελαστός
    να βγαίνει ζεστός απ’ τα πούπουλα του ύπνου.
    Η σκιά του στον τοίχο
    σημάδι από έπιπλο που μόλις το σήκωσαν
    αίμα από αρχαίο φόνο
    μοναχική παράσταση του Καραγκιόζη
    στο πανί, πίσω του πάντα ο πόνος.
    Αχώριστοι ο έρωτας κι ο πόνος
    όπως το κουβαδάκι κι ο μικρός στην αμμουδιά
    το αχ! κι ένα κρύσταλλο που γλίστρησε απ’ τα χέρια
    η πράσινη μύγα και το σκοτωμένο ζώο
    το χώμα και το φτυάρι
    το γυμνό σώμα και το σεντόνι τον Ιούλιο.

    Κι η Πηνελόπη που ακούει τώρα
    την υποβλητική μουσική του φόβου
    τα κρουστά της παραίτησης
    το γλυκό άσμα μιας ήσυχης μέρας
    χωρίς απότομες αλλαγές καιρού και τόνου
    τις περίπλοκες συγχορδίες
    μιας άπειρης ευγνωμοσύνης
    για ό,τι δεν έγινε, δεν ειπώθηκε, δε λέγεται
    νεύει όχι, όχι, όχι άλλο έρωτα
    όχι άλλο μιλιές και ψιθυρίσματα
    αγγίγματα και δαγκώματα
    φωνούλες στα σκοτάδια
    μυρωδιά από σάρκα που καίγεται στο φως.
    Ο πόνος ήταν ο μνηστήρας ο πιο εκλεκτός
    και του ’κλείσε την πόρτα.







    L’AUTRE PÉNÉLOPE



    À travers les oliviers vient Pénélope
    avec ses cheveux attachés à la va-vite
    et une robe achetée au marché
    bleu marine avec des petites fleurs blanches.
    Elle nous explique que ce n’était pas par dévouement
    à l’idée « Ulysse »
    qu’elle laissait les prétendants pendant des années
    attendre sur le parvis
    des habitudes secrètes de son corps.
    Là-bas dans le palais de l’île
    avec les horizons factices
    d’un amour doucereux
    et l’oiseau qui par la fenêtre
    ne conçoit que ça, l’infini
    elle avait dessiné elle-même avec les couleurs de la nature
    le portrait de l’amour.
    Assis, une jambe croisée sur l’autre
    tenant sa tasse de café
    matinal, un peu boudeur, un peu souriant
    sortant tout chaud des plumes du sommeil.
    Son ombre sur le mur
    marque d’un meuble qu’on vient juste d’enlever
    sang d’un meurtre ancien
    unique représentation de théâtre d’ombre
    sur la toile, derrière lui toujours le chagrin
    comme le petit seau et le gamin sur le sable
    le ah ! et un cristal qui nous a glissé des mains
    la mouche verte et l’animal tué
    la terre et la bêche
    le corps nu et le drap de juillet.

    Et Pénélope qui écoute maintenant
    l’impressionnante musique de la peur
    les percussions de la démission
    le doux chant d’une journée tranquille
    sans changements brutaux de temps et de ton
    les accords compliqués
    d’une immense reconnaissance
    pour ce qui n’a pas été, n’a pas été dit, ne se dit pas
    secoue la tête non, non, non, pas d’autre amour
    plus de paroles et de chuchotements
    de frôlements et de morsures
    de petits cris dans l’obscurité
    d’odeur de chair qui brûle à la lumière.
    Le chagrin était le prétendant le plus exquis
    et elle lui a fermé sa porte.




    Katerina Anghelàki-Rooke, Beau désert, la chair [Ωραία έρημος η σάρκα] in Poèmes 1986-1996, Éditions Kastaniotis, Athènes, 1996. In Ce que signifient les Ithaques, 20 poètes grecs contemporains, anthologie bilingue, Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne | Diffusion Le Temps des Cerises, 2013, pp. 42-43. Choix et traduction Marie-Laure Coulmin Koutsaftis.






    Ce que signifient les Ithaques




    ΑΓΓΕΛΑΚΗ-ΡΟΥΚ ΚΑΤΕΡΙΝΑ (1939-2020)


    Angelaki NB
    Source




    ■ Katerina Anghelàki-Rooke
    sur Terres de femmes


    L’anorexie de l’existence
    18e jour ou l’ordre nouveau des choses (extrait de Nature vide) [+ une notice bio-bibliographique]



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Katerina Anghelàki-Rooke lit un poème extrait de son dernier recueil





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  • Heather Dohollau | Villa Adriana



    Face au mur ... villa  Adriana
    « Face au mur
    Je vois le soleil »
    Ph., G.AdC








    VILLA ADRIANA



    Marcher doucement à l’intérieur du monde
    L’herbe et les oliviers sont toujours les mêmes
    Et l’alternance du soleil et de l’ombre
    Tresse un berceau pour le regard
    Où tremblent les étoiles
    Les odeurs sont les chemins les plus courts
    D’un pas nous sommes ici et là
    Distillés dans l’argile du corps
    Sont les pétales d’anciens jardins
    Le passé est un paysage ressemblant
    Et les cygnes s’approchent de la rive
    De leurs têtes gravement penchées
    Partent les rubans transparents du jour




    Face au mur
    Je vois le soleil
    Se lever
    Hors des pierres
    Prendre feu dans le laurier
    S’y perdre


    Les oiseaux passent
    Flèches rapides
    Et lentement
    Une mouette majestueuse
    Arpente le ciel


    Comme dans la soie
    D’un tapis perse
    Étalé sur le seuil
    L’arbre s’efface dans ses feuilles
    Devant le jour




    Heather Dohollau, La Venelle des portes, suivi de Seule enfance, Éditions Folle Avoine, 1996, pp. 82-83. Frontispice de Tanguy Dohollau.





    Dohollau  La Venelle des portes





    HEATHER DOHOLLAU


    Dohollau
    Source




    ■ Heather Dohollau
    sur Terres de femmes


    Chemins
    Deux choses qui sont peut-être une (poème extrait de Chemins)
    Point de Venise 7
    Voir en avant ce qui est derrière nous




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Lucarne de Nathalie Billecocq)
    d’autres poèmes de Heather Dohollau extraits des recueils Seule enfance et Pages aquarellées
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Heather Dohollau
    → (sur remue.net)
    « Heather Dohollau / La beauté est un bien », par Ronald Klapka





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