Étiquette : 1998


  • Christian Dotremont | [Et nous avons traversé toutes sortes de bonnes choses]



    LAMPE ANGELE [2392]
    Je lui ai raconté un peu de ma vie claire-obscure
    (comme une lumière avec un abat-jour dessus).
    Ph. angèlepaoli









    [ET NOUS AVONS TRAVERSÉ TOUTES SORTES DE BONNES CHOSES]





    Et nous avons traversé toutes sortes de bonnes choses : du soir, du brouillard et des rues floues.
    Je lui ai raconté un peu de ma vie claire-obscure (comme une lumière avec un abat-jour dessus).
    Elle a dit qu’elle n’était qu’une pauvre personne.
    Et qu’elle ne savait pas toutes ces choses mais ses leçons de grec et de latin.
    Je lui ai dit qu’il fallait m’empêcher de voir la vie en m’en aveuglant plein les yeux.
    Elle a dit « c’est très compliqué mais je mettrai souvent mes lèvres sur tes joues ».
    Et j’ai dit que je serais content alors et même après et même avant.
    Je me demandais comment c’était possible d’avoir été si malheureux et de ne plus l’être.
    Je me disais « c’est très idéal » et je serrais très fort contre moi la petite fille réelle.
    Tout de suite j’ai compris en la voyant quitter l’école qu’elle quittait nos jeux passés.




    Christian Dotremont, « Petite », II, Ancienne éternité & autres textes [éditions Mercure de France, 1998], éditions Unes, 2021, page 22.






    Christian Dotremont  Ancienne éternité 2




    CHRISTIAN DOTREMONT


    Christian-Dotremont Portrait
    Source




    ■ Christian Dotremont
    sur Terres de femmes


    [Quand l’avez-vous vue ?] (autre extrait d’Ancienne éternité)
    Kara




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Les Hommes sans épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Christian Dotremont





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  • 29 juin 1878 | Lucien Suel, La Justification de l’abbé Lemire, IV

    Éphéméride culturelle à rebours

    « Poésie d’un jour



    Lemire PDF







    IV




    bachelier des sciences    Lemire à Vieux-Berquin
    et aussi bachelier des    serait parti pour Rome
    lettres le jeune Jules    études théologiques la

    bourse du diocèse pour    fils de paysan n’était
    un séminariste mais la    pas compatible avec le
    situation modeste d’un    coût de ce long séjour

    italien fils du peuple    Émile Lobbedey il sera
    demeure dans le peuple    évêque d’Arras mourant
    l’autre ira à ta place    là pendant la première

    grande guerre mondiale    Cambrai et pas de Rome
    voici Jules-Auguste au    pour lui la volonté de
    grand séminaire donc à    fer du supérieur Sudre

    ultramontain férule et    la formation interne à
    méfiance vis à vis des    une théologie pratique
    sciences le zèle est à    d’affligeante pauvreté

    retour à Hazebrouck en    l’abbé Dehaene demande
    surveillant remplaçant    à son jeune pion Jules
    pour la philosophie et    d’abandonner l’idée de

    préparer la licence de    ordonné prêtre éternel
    lettres puis à Cambrai    consacré doigts lèvres
    le 29 juin 1878 il est    ciseaux de l’évêque et

    tonsure blanche à plat    rentrée des classes en
    ventre en aube blanche    professeur philosophie
    sur les dalles glacées    et rhétorique latin et

    grec encore là d’où il    collège de sa jeunesse
    vient à Hazebrouck sur    l’adolescent de retour
    la terre de Flandre au    janvier 1879 Stéphanie

    meurt novembre 1879 au    le petit devenu prêtre
    tour de Védastine deux    leur petit Jules tu es
    tantes mortes et juste    sacerdos in aeternam ô

    Ma Tante et ô Ma Tante    cheveux et les ciseaux
    dans le ciel et encore    médaillon de Védastine
    une fois une mèche des    médaillon de Stéphanie

    des corbeaux déchirent    d’eau froide au-dessus
    le ciel d’aube dans la    du cimetière là-bas au
    rafale les bourrasques    coeur de Vieux-Berquin




    Lucien Suel, La Justification de l’abbé Lemire [éditions Mihàly, 1998], IV, éditions Faï fioc, 2020.



    __________________
    NB : Ce poème en quarante-deux épisodes conte la vie, l’oeuvre et la mort de l’abbé Lemire. Un texte visuel et expérimental où l’auteur emploie un vers de son invention, le vers justifié, dont le nombre de signes, caractères et espaces, est défini à l’avance.





    Lucien Suel La Justification de l'abbé Lemire  3




    LUCIEN SUEL


    Lucien Suel
    Source




    ■ Lucien Suel
    sur Terres de femmes


    La Justification de l’abbé Lemire (lecture d’AP)
    Sombre Ducasse
    [Le terril]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    Ivar Ch’Vavar & camarades | Le Jardin ouvrier
    Silo-ACADEMIE 23, le blog de Lucien Suel
    → (sur la revue x)
    une notice bio-bibliographique sur Lucien Suel





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Michel Butor, Géographie parallèle, XV et XVI




    XV
    VERITE EN-DEÇÀ DU PACIFIQUE
    ERREUR AU-DELÀ





    La carte qu’on m’a montrée
    au palais de l’Empereur
    celles que j’ai étudiées
    dans les galeries du Pape

    Nominations dédoublées
    s’entrecroisent dans ma tête
    îles et détroits possibles
    tourbillons d’incertitudes

    Rades où navigateurs
    confrontent leurs ignorances
    gestes vêtements produits
    à renfort de mots obscurs






    XVI – LE MERCURE DES GORGES




    Dans les caves des vignerons l’or du lac est mis en bouteilles. Les oiseaux tournent de village en village en collectant des brins de laine pour leurs nids. Le chemin de fer s’enfonce dans son tunnel. Sur l’autoroute les camionneurs cherchent leur voie. Forêts et glaciers, nuages et navires.

    Les anges se retrouvent aux tavernes des premières constellations pour discuter sur les moyens de mieux nous protéger contre nous-mêmes le lendemain. Navrés de leur impuissance ils se consolent par quelques arrangements de plumes incandescentes qui nous arrachent parfois des cris d’admiration nostalgique.



    Michel Butor, Géographie parallèle, carnets, L’Amourier éditions, 1998, page 19.






    Michel Butor, Géographie parallèle




    MICHEL BUTOR


    Michelbutor Marc Monticelle
    Ph. © Marc Monticelli
    Source



    ■ Michel Butor
    sur Terres de femmes

    À fleur de peau
    Et omnia vanitas
    Ferments d’agitation
    Jeux de dames (extraits)
    Mallarmé | Pli selon pli (extrait de Répertoire II de Michel Butor)
    Vergers d’enfance
    20 mai | Michel Butor, L’Emploi du temps
    15 septembre | Michel Butor, L’Emploi du temps



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Amourier éditions)
    la fiche de l’éditeur sur Géographie parallèle







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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Valerio Magrelli | [ne rien avoir à écrire]



    [NON AVERE DA SCRIVERE NULLA]



    Non avere da scrivere nulla
    dà quella pena infantile, infinita,
    di chi non trova alloggio
    in un paese straniero.
    Si cerca ovunque,
    ogni posto è già occupato,
    provate altrove e intanto
    si fa tardi e non c’è verso.
    Dove andremo a dormire?






    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    procure cette peine enfantine, infinie,
    de qui ne trouve pas à se loger
    en terre étrangère.
    On cherche partout,
    tout est déjà occupé,
    essayez ailleurs, cependant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, Natures et signatures (Nature e venature, Mondadori, 1987  Einaudi Editore, 1996), Éditions Le temps qu’il fait, 1998, pp. 150-151. Traduit de l’italien et préfacé par Bernard Simeone.







    Natures et signatures 2







    [NE RIEN AVOIR À ÉCRIRE]



    Ne rien avoir à écrire
    donne cette douleur enfantine, infinie
    de qui ne trouve à se loger
    dans un pays étranger.
    On cherche partout,
    tous les lits sont déjà pris,
    essayez ailleurs, pourtant
    il se fait tard, rien à vers.
    Où irons-nous dormir ?




    Valerio Magrelli, La Contagion de la matière, Les Cahiers de Royaumont, 1989, page 28. Traduction collective, Royaumont, relue et préfacée par Bernard Noël.




    VALERIO MAGRELLI


    Valerio Magrelli




    ■ Valerio Magrelli
    sur Terres de femmes

    Aequator lentis
    Rima palpebralis




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur Poetry International Rotterdam)
    une page bio-bibliographique et de nombreux poèmes
    → (sur Italian Poetry)
    trente poésies de Valerio Magrelli
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Valerio Magrelli dits par l’auteur
    → (sur Circolo Culturale Albatross)
    un dossier sur Valerio Magrelli
    → (sur Mosaici, St. Andrews Journal of Italian Poetry)
    un entretien de Valerio Magrelli avec Federico Bindi
    → (sur YouTube)
    une vidéo sur une rencontre entre Margherita Guidacci et Valerio Magrelli (10 mars 1989)





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  • Umberto Saba | Poesia




    Le bleu à nouveau point au ciel et dans son cour
    Ph., G.AdC







    POESIA




    È come a un uomo battuto dal vento,

    accecato di neve — intorno pinge

    un inferno polare la città —

    l’aprirsi, lungo il muro, di una porta.


    Entra. Ritrova la bontà non morta,
    la dolcezza di un caldo angolo. Un nome
    posa dimenticato, un bacio sopra
    ilari volti, che piú non vedeva
    che oscuri in sogni minacciosi.

    Torna
    egli alla strada, anche la strada è un’altra.
    Il tempo al bello si è rimesso, i ghiacci
    spezzano mani operose, il celeste
    rispunta in cielo e nel suo cuore. E pensa
    che ogni estremo di mali un bene annunci.




    Umberto Saba, Parole [1933-1934], Volume terzo [1933-1947], in Il Canzoniere, Einaudi tascabili, Collana ET Poesia, Torino, 2004, p. 427.








    Saba, Canzoniere. 2







    POÉSIE




    Comme pour un homme battu par le vent,
    aveuglé par la neige — autour de lui la ville
    est l’image d’un enfer polaire —
    c’est une porte qui s’ouvre, le long d’un mur.


    Il entre. La bonté n’est pas morte, il la retrouve,
    la douceur d’un coin chaud. Il pose
    un nom oublié, un baiser sur
    des visages riants qu’il ne voyait plus
    qu’obscurs en des songes menaçants.

    Il revient
    dans la rue, elle a changé aussi.
    Le temps s’est remis au beau, la glace
    est brisée par des mains laborieuses, le bleu
    à nouveau point au ciel et dans son cœur. Il songe
    que tout malheur extrême est l’annonce d’un bien.




    Umberto Saba, Paroles [1933-1934], Troisième volume [1933-1947], in Il Canzoniere, Bibliothèque de L’Âge d’homme, 1988, page 439. Traduction d’Odette Kaan.








    UMBERTO SABA


    Umberto-saba
    Source




    ■ Umberto Saba
    sur Terres de femmes


    9 mars 1883 | Naissance d’Umberto Saba
    25 août 1957 | Mort d’Umberto Saba (notice bio-bibliographique + article sur Ernesto)
    Ecco, adesso tu sai (poème extrait de Choses dernières)
    Donna
    Notte d’estate
    Oiseau en cage
    Parole
    Trieste
    22 août 1862 | Umberto Saba, Couleur du temps




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site d’Angelo Michele Cozza)
    le texte intégral d’Il Canzoniere (Giulio Einaudi editore) [PDF]






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  • António Ramos Rosa | [Il y a une terre qui halète dans la gorge]





    O tempo é o de um jardim
    Ph., G.AdC






    [HÁ UM OFEGAR DE TERRA NA GARGANTA]



    Há um ofegar de terra na garganta,
    há um feixe de ervas que perfuma a casa.
    O ar é solidez, o caminho é de pedra.
    Procuro a água funda e negra de bandeiras.

    Encho a cabeça de terra, quero respirar mais alto,
    quero ser o pó de pedra, o poço esverdeado,
    o tempo é o de um jardim
    em que a criança encontra as formigas vermelhas.

    Vou até ao fim do muro buscar um nome escuro:
    é o da noite próxima, é o meu próprio nome?



    António Ramos Rosa, Ciclo do Cavalo, Limiar, Colecção Os Olhos e a Memória, Porto, 1975, pág. 36.









    Je vais jusqu'à la fin du mur chercher un nom obscurq
    Ph., G.AdC






    [IL Y A UNE TERRE QUI HALÈTE DANS LA GORGE]



    Il y a une terre qui halète dans la gorge,
    il y a un bouquet qui embaume la maison.
    L’air est solide, le chemin pierreux.
    Je cherche l’eau profonde et pavoisée de noir.

    J’emplis de terre le crâne, je veux respirer plus haut,
    je veux être la poussière de la pierre, le puits verdi de mousse ;
    le temps est celui d’un jardin
    où l’enfant rencontre les fourmis rouges.

    Je vais jusqu’à la fin du mur chercher un nom obscur :
    est-ce celui de la nuit proche, est-ce le mien ?



    António Ramos Rosa, Le Cycle du cheval suivi de Accords, Éditions Gallimard, Collection Poésie, 1998, page 43. Traduction du portugais par Michel Chandeigne. Préface de Robert Bréchon.







    Rosa cheval





    ANTÓNIO RAMOS ROSA


    Antonio_ramos_rosa
    Source



    ■ António Ramos Rosa
    sur Terres de femmes

    C’étaient des jours de clarté estivale (poème extrait du Livre de l’ignorance)
    Parfois chaque objet s’éclaire (autre poème extrait du Livre de l’ignorance)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Lettres vives)
    « António Ramos Rosa, l’Ermite de Lisbonne », par Michel Camus
    → (sur Poetry International Web)
    une bio-bibliographie d’António Ramos Rosa
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    deux poèmes d’António Ramos Rosa





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Béatrice Douvre | Nuit brisée



    Douvre, Auch
    Ph., G.AdC







    NUIT BRISÉE



    Nuit brisée, d’âmes grises, de corps doubles, endoloris de songes, au point du jour.

    Le vent ancien dans le feuillage, vert pâli de la sève, le cœur enflé au fond des eaux, comme un nageur dans l’ombre.

    Et la pierre pétrie de la main pauvre, et des doigts jaunes des voyages, du tabac blond des Indes pires.

    Tes yeux de laine et de limons épandent des bruits d’eaux prénatales. S’ils s’ouvrent au monde, une lueur bleue météore les blesse.

    Tu saignes de cécité, de pleurs rivaux, je guide ton errance sertie de sable rouge.

    Nuages, et ton corps est un début de désert gris de peau, mué d’ossements de bêtes ancestrales.

    Une éclipse d’oiseaux devient le vert présage de tes verdures futures ; et les cieux sont couverts aux confins étoilés…

    Dieu poudroie.

    Je suis bénie d’arroche et de tombeaux, afin que naissent en toi, blessé, l’imperfection, et l’agonie, le cri gemmé de la nature ; afin que s’éprenne l’eau de ton visage…

    ébauche d’une bouche au béant de la source.



    Béatrice Douvre, Poèmes, L’Arrière-Pays, Auch, 1998, page 38.



    BÉATRICE DOUVRE


    Douvre portrait 2
    Source




    ■ Béatrice Douvre
    sur Terres de femmes


    l’Outrepassante
    Poèmes en prose [Journal de Belfort]
    Le vin, le soir




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur La Pierre et le Sel)
    Béatrice Douvre, l’invisible est un miracle, par Pierre Kobel
    → (sur Terres de femmes)
    Muriel Stuckel | Dans la césure de tes poèmes



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