Étiquette : 2009


  • Fabiano Alborghetti | Canto 13






    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif les dimanches de foi
    Ph., G.AdC







    CANTO 13.


    Divagava con lo sguardo nel mimare l’attenzione
    le domeniche di fede, il vestito tra gli scranni
    moglie e figlio giusto accanto

    se devoti o ammaestrati non sapeva. Interrogando
    il volto in croce interrogava il come il quando
    e se qualcosa per preghiera gli venisse ritornato

    e quante occhi può contare chi dall’alto vede e veglia
    e vede tutti per davvero? C’è premura di salvezza offerta in cielo?
    Questa è vita da canile sussurrava non sentito:

    siamo in mano alla pietà, ringraziamo dei frammenti
    che pensiamo siano ascolto. Cosa resta della fame non saziata?
    Imparare a comportare è la questione:

    nel bisogno ognuno un credo, un estrarre un amuleto
    che risveglia a giorni alterni un potere d’intervento.
    Son diverso ripeteva a bassa voce, son diverso

    e guardava gli esegeti di quel Cristo appeso in croce
    reso quota per martirio: si chiedeva e se non basta?
    Basta credere nell’uno si diceva calcolando

    o più efficace l’occasione, tutto il caso degli opposti?


    Fabiano Alborghetti, Registro dei fragili, 43 canti, Edizioni Casagrande, 2009, pagina 30. Prefazione di Fabio Pusterla.






    Fabiano_alborghetti_registro_11







    CHANT 13.



    Il laissait errer son regard tout en prenant l’air attentif
    les dimanches de foi, les beaux habits dans les travées
    épouse et fils juste à côté

    sans savoir s’ils étaient pieux ou bien dressés. Interrogeant
    le visage en croix il interrogeait le quand et le comment
    lui demandait si la prière lui vaudrait quelque chose en retour

    et combien d’yeux peut-il compter celui qui d’en haut voit et veille
    et les voit-il tous pour de vrai ? Se soucie-t-on d’un salut offert au ciel ?
    C’est une vie de chien murmurait-il sans qu’on l’entende :

    nous sommes aux mains de la piété, nous remercions pour les fragments
    où nous croyons voir une écoute. Que reste-t-il de la faim inassouvie ?
    Il faut apprendre comment se comporter :

    dans le besoin chacun son credo, sortir une amulette
    qui réveille un jour sur deux une force d’intervention.
    Je suis différent répétait-il à voix basse, je suis différent

    et il regardait les exégètes de ce Christ en croix
    devenu cote par le martyre : il se demandait et si ça ne suffit pas ?
    Suffit-il de croire en un seul se disait-il en calculant

    ou plus efficace selon les circonstances, tout le débat des contraires ?


    Fabiano Alborghetti, Registre des faibles, 43 chants (Registro dei fragili, 43 canti), Éditions d’en bas, Collection bilingue, Lausanne, 2012, page 43. Traduit de l’italien par Thierry Gillybœuf. Préface de Fabio Pusterla. Coédition avec Le Centre de traduction littéraire de Lausanne et Le Service de presse suisse.







    Alborghetti, Registre










    FABIANO ALBORGHETTI


    Fabiano Alborghetti.2
    [Ph. Alain Intraina – Fotostellanove – DR]
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    le site officiel de Fabiano Alborghetti
    → (sur RTS.ch)
    Fabiano Alborghetti, David Collin et Jean Richard (directeur des Éditions d’en bas) dans Entre les lignes (une émission du 4 mars 2013)
    → (sur YouTube)
    Fabiano Alborghetti lit un extrait de Registro dei fragili (Canto 17)



    ■ Autres traductions de Thierry Gillybœuf
    sur Terres de femmes

    Eugenio De Signoribus | microelegia
    Seamus Heaney | Bog Queen
    Stanley Kunitz | The Quarrel
    Robert Lowell | Burial
    Marianne Moore | Son bouclier
    Marianne Moore | Extrait de Poésie complète, Licornes et sabliers
    Salvatore Quasimodo | Le silence ne me trompe pas
    Leonardo Sinisgalli | Nomi e cose
    Derek Walcott | To Norline
    Andrea Zanzotto | Così siamo







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  • Henry Bauchau | Le sel



    Rien, la voix ne m'est rien.
    Ph., G.AdC





    LE SEL



    Il vient de la mer, je le sais
    son sel durcit dans ma broussaille
    Le soir, s’il me dit : chante !
    je deviens fou, mon ombre est folle
    je dis la chose sans paroles.
    Les gens viennent, les gens se taisent sous la lune.
    Et je danse pour le viril
    le plus mouvant, plus simple et plus terriblement subtil.
    Je meurs, je sombre, délirance
    est sous la pointe de mon pied.
    Rien, la voix ne m’est rien. C’est son silence contre
    toujours plus contre moi
    qui révolte et fait tourner le ciel.




    Henry Bauchau, Blason de décembre ou le double initiation in Poésie complète, Actes Sud, 2009, page 119.





    HENRY BAUCHAU


    Henry Bauchau
    Source



    ■ Henry Bauchau
    sur Terres de femmes


    Diotime (lecture d’AP)
    Passage d’Antigone
    22 janvier 1913 | Naissance de Henry Bauchau (notice biographique)
    30 juillet 1989 | Henry Bauchau, Jour après jour



    ■ Voir aussi ▼

    le site du Fonds Henry Bauchau


    Pour entendre la voix de Henry Bauchau,
    se rendre sur le site Voix d’auteurs





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  • Jacques Lèbre | [Juste avant que nous repartions]



    [JUSTE AVANT QUE NOUS REPARTIONS]
    D-risoires morsures
    Juste avant que nous repartions, du seuil
    de cette maison qui désormais va rester vide
    je regarde au loin un arbre dans le vent,
    comme si des déplacements successifs
    aussi brusques que brefs
    faisaient soudain scintiller
    toutes les écailles d’un banc de poissons
    sous les grands frissons de l’air.
    Mais je ne sais quelle métaphore je cherche.
    Ce n’est peut-être que la mort en mouvement
    qui ne sort jamais de la vie.
    Dans l’absence de vent elle est tapie.
    Dans leur balancement brusque les feuilles
    ne font que de dérisoires morsures
    à la face immatérielle de ce qui nous souffle.



    Jacques Lèbre, Sous les frissons de l’air,
    L’Escampette Éditions, 2009, page 37.








    Jacques Lèbre, Sous les frissons de l'air





    JACQUES  LÈBRE


    Jacques-Lebre
    Source



    ■ Jacques Lèbre
    sur Terres de femmes

    Le vent (extrait de L’Immensité du ciel)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Jacques Lèbre




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  • Salah Stétié | Une lampe sous l’orage

    (contribution de Nathalie Riera)

    Chroniques de femmes – EDITO/SOMMAIRE

    Salah Stétié, En un lieu de brûlure,
    éditions Robert Laffont, Collection Bouquins, 2009.



    Lumiere affranchissement
    Ph., G.AdC







    UNE LAMPE SOUS L’ORAGE


    Contribution de Nathalie Riera





    « Dans une époque où le nom même de l’Être, celui du sens et de l’essence sont devenus objets de répulsion, de dérision et finalement d’une étrange amnésie, Salah Stétié ose dire que seule une poésie prenant appui sur les grandes interrogations fondamentales est susceptible d’éclairer la condition des hommes et de nous prémunir contre ces maladies mortelles que sont les certitudes sans horizon, les cynismes affamés, les divertissements de littérateurs enfilant des perles d’insignifiance, ou l’abandon blasé à l’esclavage de l’immédiat. » [1]

    La récente publication d’En un lieu de brûlure (éditions Robert Laffont, oct. 2009) est l’occasion de consacrer ces quelques lignes à une personnalité intellectuelle aussi éminente et lumineuse que Salah Stétié, poète libanais de tradition culturelle sunnite, né à Beyrouth le 28 décembre 1929.

    Celui qui avoue son arabité lui être corps et cœur, et qui milite activement pour une Méditerranée « frémissante de grands mythes », éprouve une vraie fascination pour la vertu de transparence de la langue française. Autant que le poète a foi en la lumière de la langue, en ses « chevaux tremblants ». Lumière de l’affranchissement.

    Si Salah Stétié n’hésite pas à se positionner comme « double exilé », ou comme « invité de la langue française », il met volontiers en exergue sa grande amitié pour la poésie et pour les grands poètes européens que sont Pierre-Jean Jouve, René Char, Henri Michaux, André Pieyre de Mandiargues, Yves Bonnefoy, E. M. Cioran… et son si cher Georges Schehadé, sans oublier sa grande affection pour Gérard de Nerval.

    Deux figures majeures marqueront la vie intellectuelle du poète : Gabriel Bounoure (lors de leur rencontre à l’École Supérieure des Lettres de Beyrouth, en 1947), puis Louis Massignon (au Collège de France). De l’un comme de l’autre, il recevra une véritable initiation à la littérature européenne. L’Eau froide gardée est le premier recueil publié en 1973, que Pierre Brunel [2] considère d’aussi grande facture que le recueil d’Yves Bonnefoy Du mouvement et de l’immobilité de Douve. À l’occasion des quatre-vingts ans du poète, il convient de dire que Salah Stétié a construit une œuvre de poésie et de prose des plus cohérentes et des plus généreuses. Aucune place à l’enflure, à la gloriole, au lyrisme ravi, à l’intellectualisme maniéré, mais place à la finesse et à la fraîcheur, à la « beauté convulsive » et à la tension de la célébration. Salah Stétié déplore cette guerre de l’homme contre l’Être, c’est-à-dire contre ce qui détourne l’humain de sa vérité tragique. Et face à la dévastation, qui nous fait rompre avec notre ouverture à l’Être, il convient de demeurer dans la vigilance et dans la résistance contre le formalisme, l’anecdotique, la pensée en régression, la métaphysique de pacotille, et contre tout ce qui participe insidieusement à l’extension du désastre.


    Lampe infléchie parmi les écritures
    À cause du renversement nocturne
    De branche verte ― et ses roses séchées.
    Rocaille haute que torture une pensée
    Fermée sur la poésie de mille olives
    Feintes par l’arbre en attente de blessure
    ― Selon l’antique prophétie éblouissant
    Les chèvres de subtilité du sel


    L’Être poupée, XXXIII



    Dans Les Parasites de l’improbable, qui regroupe des textes inédits [3], Salah Stétié se demande si notre modernité est réellement excessive, et de quelle nature est son rapport au désir. À cette « modernité ravagée de tics », la réponse ne s’attarde pas : « Excessive, notre modernité ? Elle n’aurait été, aux yeux ravagés de Nietzsche, l’eût-il connue, qu’une serre à cultiver des fleurs mineures, provocatrices d’un style de scandale somme toute acceptable et intégrable. » Et ce qu’il faut entendre par « désir », précise t-il, ce n’est certainement pas « ce désir affecté et tout compte fait limité et médiocre, épuisé, essoufflé, dont nous rebattent les oreilles tant de petits romans excités de notre modernité pauvrement désirante et souffreteusement érotique, bien éloignée, en tout état de cause, de la tentation panique et de l’intensité imaginative, seuls moteurs de la vie en sa haute projection poétique. » Lieu de l’urgence sont l’amour et le désir, nous dit le poète, et il n’est pas déplacé d’affirmer que c’est à Jouve que la poésie de Stétié doit non pas sa sensualité, mais plutôt « une légitimation advenue et une confirmation du fait que la voie du poétique devait tenir compte de tous les mouvements profonds de la chair, des pulsions les plus noires, ainsi que de la splendeur avouée du corps, du « vrai corps » adorable et périssable ». [4]

    Son éminence, Salah Stétié ne la tient pas seulement de ses innombrables lectures, de sa passion ou de son obsession de la parole poétique, il la tient avant toute chose de son goût et de son respect pour l’absolu. Ainsi cette humble résolution à dire le peu, cette offrande d’un chant sans artifice, cette connaissance par les gouffres pour s’opposer à tous les faux jardins de la consolation. Ainsi ce silence dont on ne cesse d’accueillir les mots, fruit d’or de la parole. Car, en poésie, il n’est pas question de parler ni de se taire, pas plus que de répondre, nous dit Stétié, mais seulement de questionner sans fin. Le questionnement n’est-il pas déjà une forme de savoir ?

    En un lieu de brûlure nous offre un poète homme de deux rivages, qui ne se révèle pas seulement lecteur attentif des plus importants poètes des temps classiques ou des temps contemporains de sa génération. Une sorte de providence lui aura surtout offert complicité et proximité avec la poésie des hommes, dont celle de Pieyre de Mandiargues, de Jouve, de Cioran, et de tant d’autres alliés, aussi farouches furent-ils, quand l’art et la poésie ne sont plus affirmation et beauté de l’existence, mais ne servent qu’à de bien sombres perditions au compte de ceux qui ne savent trouver jouissance que dans les scories du scandale. Ainsi, comment ne pas approuver Cioran, cité par Stétié, dans sa manière de définir les poètes, et sans que cela mette en doute son profond attachement à la poésie :

    « Je viens de parcourir un livre de X, avec la plus grande répulsion. Je ne peux plus supporter l’inflation poétique. Chaque phrase se veut une quintessence de poésie. Cela fait artificiel, cela n’exprime rien. On pense tout le temps à l’inanité des mots recherchés. ― Depuis longtemps déjà, j’abhorre tous les « styles » ; mais celui qui me semble de loin le pire, c’est celui des poètes qui n’oublient jamais qu’ils le sont. » [5]


    Nathalie Riera
    © Nathalie Riera, 2010



    [1] Marc-Henri Arfeux, Salah Stétié, éditions Seghers, 2004, page 13.
    [2] Pierre Brunel, « Salah Stétié sur sa rive » (en guise de préface), in Salah Stétié, En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, 2009.
    [3] Salah Stétié, « Les parasites de l’improbable », in Salah Stétié, En un lieu de brûlure, éditions Robert Laffont, 2009, page 884.
    [4] ibid., page 927.
    [5] ibid., page 971.






    Salah Stétié  En un lieu de brulure





    SALAH STÉTIÉ (1929-2020)


    Salah Stétié portrait
    Source




    ■ Salah Stétié
    sur Terres de femmes


    Méditation sur la mort d’une figue (extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Mes oiseaux, mes enfants (autre extrait de Fiançailles de la fraîcheur)
    Tranchant de l’aube
    Le Voyage d’Alep, XII




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Salah Stétié





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  • Liliane Giraudon | Hier La Poète…



    INOPINE
    Image, G.AdC






    HIER LA POÈTE …



    Hier La Poète a pensé à
    Marseille. Marseille, la ville où
    elle dort. Elle se disait: « Tu dors
    près d’un continent liquide
    dont les berges sont solides et
    les populations nomades depuis
    au moins le paléolithique. » Elle
    trouvait ça plutôt réconfortant.

    Hier, en promenade, La Poète a
    cueilli du thym et photographié
    le crottin d’un cheval invisible.
    Sur le Ventoux au loin, calotte
    neigeuse. Une meringue dans
    l’air.

    […]

    Hier La Poète a perdu son
    blouson rouge et fait pleurer
    une femme voilée en lui parlant
    du comportement violent de
    son fils pendant le ramadan. La
    Poète ne voulait pas faire
    pleurer la mère mais le fils. Elle
    se disait que s’il était si violent
    c’est parce qu’il n’arrivait plus à
    pleurer.

    […]

    Hier elle a parlé de la poétesse
    vietnamienne Hô Xuân Huong.
    Son insolence. Dans son siècle.
    À sa place. Près du grand lac
    d’Hanoï. En plein XVIIIe siècle.
    Sa crudité sexuelle enfouie sous
    de simples objets (éventail,
    balançoire, fruit). Comment le
    fait qu’en vietnamien le verbe
    « traduire » signifie aussi
    « contaminer ». Ça n’intéressait
    pas plus le public que la fois
    précédente.

    […]

    Hier La Poète a vu sur le
    trottoir de l’urine fumer.
    L’urine dessinait l’image exacte
    de la botte italienne. Il était six
    heures quarante-cinq et la nuit
    était brumeuse malgré le froid
    sec. La Poète a ressenti un
    curieux sentiment de bonheur.
    Le simple fait d’exister.

    […]

    Hier elle a bu un thé superbe
    appelé « Baïkal ».

    […]

    Hier rêvé un petit dialogue:
    « Moi si j’avais pu choisir mon
    nom, j’aurais dit Carence. Pas
    Clarence, non, Carence. »
    « Bonjour Carence. Moi c’est
    Inopinée. »

    […]




    Liliane Giraudon, La Poétesse, Homobiographie, P.O.L, 2009, pp. 19-20-22-23.





    Liliane Giraudon  La Poétesse





    LILIANE GIRAUDON


    Liliane Giraudon





    ■ Liliane Giraudon
    sur Terres de femmes


    La Poétesse (lecture de Jos Roy)
    Le Travail de la viande (lecture d’AP)
    Oreste pesticide (extrait du Travail de la viande)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du cipM)
    une notice bio-bibliographique sur Liliane Giraudon



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  • Alda Merini | Mare

    «  Poésie d’un jour  »


    Hommage à la poète italienne Alda Merini, morte le premier novembre 2009, à l’âge de 78 ans, à l’hôpital San Paolo de Milan.





    Alda Merini






    MARE



    Cammino sulle mie acque di donna.
    Ti spiegherò che c’è un mare salato
    eun mare pieno d’amore.
    Lo spartiacque è stata la mia poesia.
    Con quella ho diviso i misteri del mare
    e il mio stesso mistero.
    Però ho capito che nelle piccole cose,
    come la mia modesta maternità,
    esistono mari infiniti.
    Dove si alternano seppie e lacrime,
    cose non viste e grandiosità di Dio.
    Ed ho capito che la poesia è inutile.
    Come la bellezza del mare,
    se non si pensa a chi l’ha creato
    che è un gran mistero.







    MER



    Je marche sur mes eaux de femme.
    Je t’expliquerai qu’il y a une mer salée
    et une mer pleine d’amour.
    La ligne de démarcation a été ma poésie.
    Avec elle j’ai divisé les mystères de la mer
    et mon propre mystère.
    Cependant j’ai compris que dans les petites choses,
    comme ma modeste maternité,
    il existe des mers infinies.
    Où s’alternent seiches et larmes,
    des choses jamais vues et grandeur de Dieu.
    Et j’ai compris que la poésie est inutile.
    Comme la beauté de la mer,
    si on ne pense pas à qui l’a créée
    qui est un grand mystère.



    Alda Merini, Dopo tutto anche te, Après tout même toi, Oxybia Éditions, 06620 Le Bar-sur-Loup, 2009, pp. 80-81. Traduction française de Patricia Dao.






    Alda Merini dopo tutto 2




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    [È un petalo la tua memoria] (extrait de La Folle de la porte à côté)
    Ma poésie est vive comme le feu
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la Repubblica)
    l’article nécrologique consacré à Alda Merini
    → (sur Danger Poésie)
    Après tout même moi, par André Chenet
    → (sur Les Carnets d’Eucharis de Nathalie Riera)
    Après tout même toi/Dopo tutto anche tu
    le site officiel Alda Merini
    → la notice consacrée à Alda Merini dans
    Wikipedia.it (en italien)
    → (sur le site de la revue Conférence)
    Aphorismes & Gri gri d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)




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  • Antoine Emaz | La poésie ?

    «  Poésie d’un jour  »




    Tour
    La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe
    à travers les barres, les grilles
    Ph., G.AdC






    LA POÉSIE




    La poésie ? Un pur travail de langue, une défaite de la pensée, le développement d’une exclamation, une adhésion au monde, une tour d’ivoire, un cœur frappé, un jeu intertextuel, une production sous contrainte… La poésie peut être tout cela, tour à tour, avec plus ou moins de ceci ou de cela selon chaque poète, chaque poème. « Art poétique nuisible à la poésie, dangereux en tout cas pour elle. Nous savons trop bien ce que nous devrions faire » (Jaccottet). La poésie résiste à l’enfermement ; elle est ce qui passe à travers les barres, les grilles. « Le sens ce n’est pas ce que cela veut dire, c’est ce vers quoi ça va ― qui est la raison d’être d’accumuler des livres sans doute, pour que le mouvement reste vif ― on ne sait pas » (B. Noël). La poésie, c’est l’air, le souffle qui passe dans la carcasse des mots morts du poème, et bruit encore un peu, ou sifflote ou chantonne. Rien de plus que de l’air qui passe dans les tuyaux des mots, de l’air frais qui touche. Partant de là, on peut également considérer des démarches qui visent à faire chanter, ou déchanter, ou enchanter… La question est bien moins celle du but à atteindre que celle des moyens : rapports au réel et à la langue, implication de toute la personne (y compris sa mémoire personnelle et culturelle), clarté de la nécessité du poème à travers ses choix d’écriture… Pour autant qu’il y ait « choix », ce que je ne crois guère ; il serait plus juste de dire que nécessité fait choix. On ne peut demander à un poète que d’écrire aussi loin qu’il le peut dans l’espace qu’il s’est taillé dans la langue commune. Ce faisant, il est tout à fait possible qu’il dépasse notre capacité d’écoute, ou même d’entente ; cela n’invalide pas la tentative, si celle-ci était mue par autre chose qu’une pure vanité d’auteur. « Il faut aller jusqu’au bout, même pour ne pas vaincre » (Reverdy).



    Antoine Emaz, Lichen, encore, Éditions Rehauts, 2009, pp. 92-93.





    ANTOINE EMAZ


    Emaz Portrait
    D.R. Ph. Dominique Houyet




    ■ Antoine Emaz
    sur Terres de femmes

    Cambouis
    Je travaille et je vois, après
    « Le faiseur »
    Un lieu, loin, ici (poème extrait de Personne)
    Plaie, XV
    Poème des dunes
    Poème-lettre
    Soirs






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  • Bernard Bretonnière, Inoubliables et sans nom

    «  Poésie d’un jour  »


    INOUBLIABLES ET SANS NOM




         Elle rit, elle rit comme une tordue, elle se tord de rire : impossible de faire entrer le gros fauteuil qu’elle vient d’acheter dans le coffre de sa voiture. Non qu’il soit trop lourd ― peut-être l’aiderais-je ―, mais il est trop haut, trop large, dans n’importe quel sens il ne passe pas, il ne peut pas passer. Elle rit de plus en plus. Pourtant, personne n’est avec elle, personne dans sa voiture ― je vérifie. Je me demande ce qu’elle va faire, la dame qui a acheté un fauteuil trop gros pour sa voiture, mais elle m’a réjoui de son rire, moi qui, à coup sûr, me serais fâché et maudit, en pareille circonstance.

    ~


         La solide maîtresse d’équitation aux enfants qui viennent de marcher dans le crottin: « Mais, j’aimais voir ça quand j’étais jeune, j’aimais bien voir ça, les vaches faire leurs bouses, j’aimais regarder, ça s’ouvrait, et après ça se refermait, le trou, du cul ».

    ~


         Deux adolescentes rivalisant de coquetterie se séparent sur le trottoir grouillant de monde devant Monoprix. Gestes d’au revoir, puis, quand dix mètres au moins les séparent, à tue-tête et en écho: « Bonne bourre ! » J’en pense quoi, moi ?

    ~


         Elle roule tout son corps, comme si elle se caressait en marchant, voluptueuse, se berçant de tendresse, et ses yeux chaloupent aussi entre les regards des hommes. Lequel posera les mains sur cette houle douce et candide, pour l’attiser, la soumettre, l’entendre crier que oui, elle est adepte de la religion de vivre ?

    ~


         L’une entre, sûre de sa beauté maquillée, veste à boutons dorés négligemment jetée sur les épaules, démarche que rehaussent les talons, et quel parfum, c’est trop. L’autre est déjà assise devant son sandwich, elle sourit à ceux qui croisent son regard lointain, prudente gentiment. Elle porte des chaussures de garçon, un strict pantalon noir. Pour savoir son parfum, il faudrait s’approcher. Et c’est elle, tout à coup, dont le visage tombe dans les mains. Parce que la voilà qui pleure, celle qui souriait. Moi, je termine mon café, je vais bientôt sortir comme je suis entré, ne connaissant pas un humain de plus.

    ~


         « Sodomite » dit l’un des deux garçons. « Sodomite ? » s’étonne l’une des trois filles. La tablée éclate de rire. C’est le seul mot que j’aie entendu, avant et après. Par hasard ?

    ~


         Madame seins s’échappant veut savoir quel effet elle produit sur les hommes. Madame mains très ridées. Madame cheveux décolorés. Madame trop parfumée. Madame bouche en cul-de-poule. Madame soixante ans bien chargés. Madame œil clignotant. Quel effet produit-elle sur les hommes, ce soir chez Leclerc devant la balance de fruits et légumes? Aucun, vraiment aucun? Aucun, vraiment aucun, fors l’agacement, Madame.

    ~


         Naturellement Mercedes. Naturellement décapotable. Naturellement dimanche midi. Naturellement temps ensoleillé. Naturellement route de l’océan. Naturellement lunettes noires. Naturellement beaucoup plus jeune que lui. Naturellement blonde. Naturellement ?



    Bernard Bretonnière, Inoubliables et sans nom, éditions L’Amourier, 2009, pp. 35, 41, 44, 47, 48, 50, 51.





    Bernard Bretonnière  Inoubliable et sans nom




    BERNARD BRETONNIÈRE


    Bernard Bretonnière  Guidu
    Source




    ■ Bernard Bretonnière
    sur Terres de femmes


    Ça m’intéresse de savoir (extraits)
    [Je suis cet homme à la triste figure] (extrait de Je suis cet homme, fiction suprême)
    [Mon père mon héros] (extrait de Pas un tombeau)





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  • Benoît Conort | De l’ombre et de sa nuit

    «  Poésie d’un jour  »




     la t-te pr-s du creux de l--paule -pouse sa forme.
    Aquatinte numérique originale, G.AdC







    DE L’OMBRE ET DE SA NUIT



    I


    il y a qui l’accompagne

    une ombre d’elle nue elle

    épouse sa forme toute sa forme

    une jambe jetée par-

    dessus le cœur

    et la tête

    près du creux

    de l’épaule épouse

    sa forme toute sa forme

    épouse une

    veine tressaille l’ombre son ob-

    jet aux mouvements liée

    aux mouvements                   l’ob-

    jet

    imperceptible                       &nbsp            de la phrase.




    Benoît Conort, De l’ombre et de sa nuit, Textes inédits, Revue Nu(e) 41, 2009, page 78.






    BENOÎT CONORT


    Benoît Conort
    Source




    ■ Benoît Conort
    sur Terres de femmes

    [sous une claie de roseaux] (extrait de Sortir)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Benoît Conort
    → (sur remue.net)
    La nuit du rhapsode : Benoît Conort





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  • Jeanne Bastide, Un silence ordinaire

    par Angèle Paoli

    Jeanne Bastide, Un silence ordinaire,
    L’Amourier éditions,
    Collection Thoth, 2009.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Rivé à la garrigue de l'été
    Ph., G.AdC







    SOUS « LE BRUISSEMENT DE LA LANGUE »



         Traversées de pensées étirant leurs ombres insaisissables au long des jours, les complaintes d’Un silence ordinaire composent un récit envoûtant. Fluide, impalpable, musical, le dernier récit de Jeanne Bastide est un texte-pastel bouleversant. Assise sous un figuier, à même l’herbe sèche, je laisse monter en moi les images d’un « présent intérieur » qui s’arrime à un paysage d’enfance, rivé à la garrigue de l’été et au bleu de la mer. Une musique des mots, teintée d’une mélancolique tendresse, court entre les pages, d’un chapitre à l’autre. Une douceur lumineuse gagne en profondeur en même temps que se précisent les contours de l’histoire de Lucie. Une histoire de l’abandon et de la perte, tissée, autour de « la part manquante », dans le silence d’un temps identique. Ou dans le retour régulier de son ressac. Pourtant, le « silence ordinaire » qui ronge l’âme de Lucie est aussi un silence « où bruissent la lumière et les insectes de l’été. »







    Dans son fauteuil Voltaire
    Ph., G.AdC







         Au commencement, il y a cette femme assise dans son fauteuil Voltaire, face au vide que soulignent les objets abandonnés là dans leur forme éternelle. Une partition posée sur le piano fermé, un autre fauteuil, l’armoire qui imprime sa rigidité dans le dos de celle qui écoute. Qu’écoute-t-elle au juste, sinon le silence ? Ou encore ce bruit de mots qui monte en elle, ce bruissement de la langue qui surgit d’elle, d’elle ne sait où ? Sous la peau. À même la peau. Cette femme, c’est Lucie la bien nommée, sensible aux reflets du soleil sur la pierre et à la lumière apportée par le vent. Lucie qui continue d’habiter la part lumineuse du monde au cœur même du « voyage immobile » qui la consume toute dans l’absence de l’autre. Et jusque dans l’attente « qui se nourrit d’elle », « la grignote ». Jusqu’à ce que « le temps la soulage ». « La soulage d’elle-même ». Et l’appelle sur la route, à hauteur des nuages et du vent.

         Broderie sur les mots, — absence et vide dont ils sont porteurs —, Un silence ordinaire tient à la fois de la partition musicale et de l’œuvre picturale. Derrière les natures mortes qui habitent le monde familier de Lucie surgissent les portraits de Lucie. Lucie en femme aimée qui fut un jour créée par les mots de l’autre — ses caresses —, Lucie abandonnée à son silence — femme dans son intérieur ; femme assise sur une chaise ou sur la grève ; femme avec ses carnets, ses encres et ses mots… Des pastels où s’imprime la poussière. Et la tristesse qui l’endeuille. Partition musicale — le titre et les didascalies qui l’accompagnent donnent à chaque chapitre sa tonalité et sa teneur — qui mêle poésie et prose, Un silence ordinaire allie sans rupture les rumeurs du monde extérieur — étrangères et intrusives — et le bruissement intérieur des paroles en ébullition dans le puits, sous la peau. De ce bruissement naît l’écriture. Une émergence qui se lit dans le creuset des rêveries en italiques. Pour Lucie ou pour la voix qui parle en elle, l’écriture est constat d’un décalage, d’une séparation.

         « Écrire.
    Les mots nous séparent des êtres — je te nomme et tu existes — tu es toi et je suis plus loin.
    Dis seulement une parole et je serai séparée.
    Non, ne dis rien.
    Laisse-moi dans mon silence évidé.
    Tu es toi et je suis à courir derrière moi. »


         L’écriture est aussi le fil qui relie les mots et le temps. Le seul susceptible de renouer avec la parole perdue.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    JEANNE BASTIDE


    Jeanne Bastide
    Source




    ■ Jeanne Bastide
    sur Terres de femmes


    [comme si le temps] (poème extrait du Jour se déplie)
    Intimité de la lumière (extrait)
    La Fenêtre du vent (note de lecture d’AP, parue dans la revue Europe)
    Lucarnes (lecture d’AP)
    La nuit déborde (lecture de Michel Diaz)
    La nuit déborde (lecture d’Alain Freixe)
    Rouge enfance (lecture d’AP)
    [La petite fille du passé] (extrait de Rouge enfance)
    Un déjeuner de soleil (lecture d’AP)
    Un déjeuner de soleil (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions L’Amourier)
    une page consacrée à Un silence ordinaire de Jeanne Bastide






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