Étiquette : 2010


  • Anne Bregani | Vision



    Fils rouges fils blancs
    Image, G.AdC







    VISION



    La plaine s’étend
    le ciel frémissant
    le vent froid
    cette heure unique
    de lumière devinée
    et de nuit venant


    chevauchant
    la fin du jour
    le rêve avec moi
    chemine


    fils rouges
    fils blancs
    entrecroisés puis
    dénoués
    est-ce mon vêtement
    est-ce mon armure qui tombe
    me laissant
    épaules nues ?




    Anne Bregani, Le Temps de l’Arc, éditions Samizdat, Genève, 2010, page 103.







    Anne Bregani, Le Temps de l'Arc





    ANNE BREGANI


    Bregani_portrait (3)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur viceversa littérature.ch)
    une notice bio-bibliographique sur Anne Bregani






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Valerio Magrelli | Rima palpebralis




    Ni mirages ni tentationsne traverseront le miroir opaque.
    Ph., G.AdC








    RIMA PALPEBRALIS [extrait]




    Domani mattina mi farò una doccia
    nient’altro è certo che questo.
    Un futuro d’acqua e di talco
    in cui non succederà nulla e nessuno
    busserà a questa porta. Il fiume
    obliquo correrà tra i vapori ed io
    come un eremita siederò
    sotto la pioggia tiepida,
    ma né miraggi né tentazioni
    traverseranno lo specchio opaco.
    Immobile e silenzioso, percorso
    da infiniti ruscelli,
    starò nella corrente
    come un tronco o un cavallo mort,
    e finirò incagliato nei pensieri
    lungo il delta solitario dello spirito
    intricato come il sesso d’una donna.







    Demain matin je prendrai une douche,
    rien d’autre n’est sûr.
    Un avenir d’eau et de talc
    où rien n’arrivera, où personne
    ne frappera à cette porte. Le fleuve
    oblique coulera entre la vapeur et moi,
    et comme un ermite je resterai assis
    sous la pluie tiède,
    mais ni mirages ni tentations
    ne traverseront le miroir opaque.
    Immobile et silencieux, parcouru
    de ruisseaux infinis,
    je resterai immobile dans le courant
    comme un tronc ou un cheval mort,
    et finirai échoué dans les pensées
    au bord du delta solitaire de l’esprit
    enchevêtré comme un sexe de femme.




    Valerio Magrelli, Rima palpebralis, in Ora serrata retinae, Cheyne éditeur, Collection D’une voix l’autre, domaine étranger, 2010, pp. 24-25. Édition bilingue. Traduit de l’italien et préfacé par Jean-Yves Masson.




    VALERIO MAGRELLI


    Valerio Magrelli





    ■ Valerio Magrelli
    sur Terres de femmes

    Aequator lentis
    [ne rien avoir à écrire] (extrait de Nature e venature)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur le site de Jean-Michel Maulpoix)
    une page consacrée à Valerio Magrelli
    → (sur Poetry International Rotterdam)
    une page bio-bibliographique et de nombreux poèmes
    → (sur Italian Poetry)
    trente poésies de Valerio Magrelli
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Valerio Magrelli dits par l’auteur, dont certains issus du recueil Ora serrata retinae
    → (sur Circolo Culturale Albatross)
    un dossier sur Valerio Magrelli
    → (sur Mosaici, St. Andrews Journal of Italian Poetry)
    un entretien de Valerio Magrelli avec Federico Bindi
    → (sur YouTube)
    une vidéo sur une rencontre entre Margherita Guidacci et Valerio Magrelli (10 mars 1989)



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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Corse_3 Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Corse, Éloge de la ruralité


    Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Corse, Éloge de la ruralité,
    Images en Manœuvres Éditions, Marseille, 2010.



    Lecture d’Angèle Paoli




    Tmp_3133 (1)
    Maddalena Rodriguez-Antoniotti,
    Capicorsu, circondu di Patrimoniu,
    Corse, Éloge de la ruralité, page 51
    Source








    DE LA FRAGILITÉ ORIGINELLE DE LA CORSE



    Serait-ce là, dans cet album de photographies signé Maddalena Rodriguez-Antoniotti, que se dévoile, cachée à nos vies empressées, la Corse insolite-secrète susceptible de déranger les habitudes de nos regards ?

    Rien dans Corse, Éloge de la ruralité qui entraîne l’imaginaire du côté des paysages grandioses qui font d’ordinaire la renommée de l’île. Rien de la beauté pure des montagnes ni des beautés fulgurantes de la mer. Rien de ces somptueuses découpes qui s’imposent d’elles-mêmes et que nul — autochtone ou touriste de passage — ne résiste à immortaliser dans ses prises de vue. Maddalena Rodriguez-Antoniotti s’est délibérément détournée des clichés qui font de la Corse sa réputation de joyau de la Méditerranée. Kallisté. La très belle.

    Tournant le dos aux plages de rêve, aux calanche, aux montagnes prisées pour leurs à-pics vertigineux et leurs piscines émeraude, la photographe débusque pour nous, au hasard de ses marches, de tout autres terroirs. Corse, Éloge de la ruralité est un univers de silence et de calme paisible. Qui offre de l’île un paysage insolite de champs et d’enclos enserrés dans un écrin de collines verdoyantes. Un univers qui parle sans tapage de la modestie agreste de terres cultivées, de vignobles, d’étendues (où paissent, depuis toujours, les troupeaux), de tombes anciennes que jouxtent les pacages. À l’abri de la turbulence du monde et loin des hommes pressés. Un univers virgilien fait de douceur, habillé de tendresse ; un monde du passé qui affleure encore, du nord au sud de l’île et d’est en ouest ; un monde qui parle de ce qui demeure de la ruralité d’antan. Ici et là, une barrière, des murets de pierre sèche, d’anciennes bergeries, des enclos entretenus. Le temps est suspendu entre les rondeurs boisées des collines, les miroitements d’un ruisseau, les feuillages roussis de l’automne, les prairies couvertes de fleurs des champs, les rangées de vignes bien alignées. Personne. Seul le regard pénétrant et doux de la marcheuse révèle la présence. La vie est impalpable mais la terre respire et la Corse se livre, dans sa simplicité et dans son authenticité.

    Infatigable, la photographe arpente les chemins creux de la plaine orientale ; s’arrête sur les enchevêtrements des sous-bois, capte la lumière dans la blondeur des châtaigneraies de la Castagniccia, surprend notre regard avec les « steppes » de la Balagne, ponctuées de troupeaux. Les arrondis toscans de la Conca d’Oro n’ont pas de secret pour elle ni les bocages du Sartenais ; pas davantage les oliveraies de Balagne. Tout dans ces paysages dit le lent et patient travail des hommes, leur obstination à dompter une nature rebelle. Bel ordonnancement des champs qui parle d’un lieu à vivre en accord avec le ciel et les nuages. En accord avec la respiration et la lumière. Loin de l’invasion anarchique des lotissements qui gagnent du terrain et imposent une uniformité d’une accablante laideur, là où jadis tout n’était que beauté naturelle et harmonie.

    Parfois l’œil accroche au passage la silhouette estompée d’un village arrimé à son piton rocheux. Vergers traversés par un chemin de terre, traces de sillons et traces des tracteurs, palmiers en bordure de propriétés patriciennes. Douceur saisie à la volée par un regard attentif à débusquer l’esprit du lieu, attentif aussi à ne pas le trahir ni le dénaturer.

    Rien dans ces photographies qui cherche à séduire au-delà de la beauté naturelle des champs des vignes des pâturages ; rien qui vienne détourner l’attention de l’authenticité du lieu. Le souci de la photographe de préserver cette authenticité se lit jusque dans le choix de l’appareil photo, un vieil argentique hérité d’un cousin du Niolu, « un Voigtländer datant de 1938 ». Émerveillée par le miracle que constitue pour elle la révélation de l’existence de tels paysages, la photographe se contraint à capter dans l’instant la fragilité originelle de la Corse. Pour accompagner chacune des prises de vue, un simple titre : « Plaine de la Casinca  / Piaghja di a Casinca » ; Région de Sartène, non loin de Mola / Rughjone di Sartè, vicinu à Mola ; Nebbio, plaine d’Oletta / Nebbiu, piaghja d’Oletta »… La déclinaison des images révèle l’esprit de l’ouvrage. Un éloge silencieux et profond. L’écriture d’une mémoire habitée par le respect. Une esthétique liée à la vie.

    « Tant qu’il y aura des paysages… » (tel est l’intitulé de l’avant-propos rédigé par Maddalena Rodriguez-Antoniotti) subsistera l’émerveillement. Un émerveillement qui transporte celui encore capable d’ouvrir les yeux et protège son regard de la sombre colère qui souvent gagne à la vue du désastre imminent qui mine la Corse. Si nul n’y prend garde.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Corse Maddalena







    MADDALENA RODRIGUEZ-ANTONIOTTI


    Maddalena Rodriguez-Antoniotti




    ■ Maddalena Rodriguez-Antoniotti
    sur Terres de femmes

    Bleu Conrad (note de lecture d’AP)





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean-Paul Bota | [Un cimetière près des forges]



    Les nuages débousolés
    Ph., G.AdC







    [UN CIMETIÈRE PRÈS DES FORGES]




    Un cimetière près des forges (dans la campagne tourbeuse). Tandis qu’il pleuvait, le vent abrasait les tombes, des enfants jouaient entre les divisions. Dans les arbres, des choucas se lançaient des appels enlisés dans la nuit noire. À quelques pas de là, un feu, mort, lui aussi. Et le vent toujours jouant de l’échine, repassant le talus et la nuit partout brouillant les pistes par la montée herbue. J’inventais un chemin, souvenir de sainfoin et de fumures, babil de biefs, je m’habituais au crin détressé des raidillons et aux champs démêlés, fanes glabres des jardins ouvriers, dans la clameur ferroviaire, il y a longtemps de cela la courbe écrêtée des collines et des cabanes dépeintes replantées dans l’imbroglio des mûres, toute la pruine à l’abandon et les brûlis.




    Une ombre au-dessus des mares, comme une rature : au corbeau, l’orage allait comme un gant.
    — Le ciel au plus près de la terre, les nuages déboussolés.




    Jean-Paul Bota, Usage des cendres précédé de Feuillets du Midi (Chartres Lisbonne Venise), Le préau des collines, 2010, pp. 68-69.







    Jean-paul Bota, Usage des cendres





    ■ Jean-Paul Bota
    sur Terres de femmes

    La Boussole aux dires de l’éclair (lecture d’AP)
    Bacchus et Ariane (extrait de La Boussole aux dires de l’éclair)
    6 février 2008 | Jean-Paul Bota, D’après Souvenir de Mortefontaine de Jean-Baptiste Corot



    ■ Voir aussi ▼

    le site des éditions Le préau des collines





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Bernard Noël | [le temps ne sait rien]


    Le commencement a déjà commencé
    Ph., G.AdC







    [LE TEMPS NE SAIT RIEN]



    le temps ne sait rien
    de nous il est seulement
    ce trou qui passe dans
    les yeux
                   une porte par qui
    sortir vers le début
    de l’avenir
                        toujours
    je t’attends derrière
    ton visage
                        qui sait
    où s’achève le tu
    il y a cette déchirure
    et puis
                 le commencement
    a déjà commencé
    un pronom sans fin




    Bernard Noël,  Des formes d’Elle, 4, in Les Plumes d’Éros, Œuvres I, P.O.L, 2010, page 282.





    Eros 2





    BERNARD NOËL


    Bernardnoël02
    Ph. © Steve Seiler
    Source





    ■ Bernard Noël
    sur Terres de femmes


    19 novembre 1930 | Naissance de Bernard Noël
    L’Encre et l’Eau
    La Langue d’Anna
    la paume caressant un souffle
    Sur le peu de corps, 18
    Fenêtres fougère (extrait de Sur un pli du temps)
    TOI est le nom sans néant
    Viens dis-tu
    19 octobre 1977 | André Pieyre de Mandiargues | Bernard Noël
    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps] (extrait de Retours de langue)
    Édith Azam | Bernard Noël, Retours de langue (lecture d’AP)
    Mohammed Bennis | Bernard




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    7 mars 1908 | Naissance d’Anna Magnani (lecture de La Langue d’Anna de Bernard Noël, par AP, in Revue Nu(e)49)
    l’Atelier Bernard Noël de Nicole Martellotto





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mariangela Gualtieri |
    [Per tutte le costole bastonate e rotte]

    « Poésie d’un jour »


    choisie par Marie Fabre





    Mariangela Gualtieri par Dino Ignani (1)
    Source







    [PER TUTTE LE COSTOLE BASTONATE E ROTTE]



    Per tutte le costole bastonate e rotte.
    Per ogni animale sbalzato dal suo nido
    e infranto nel suo meccanismo d’amore.
    Per tutte le seti che non furono saziate
    fino alle labbra spaccate alla caduta
    e all’abbaglio. Per i miei fratelli
    nelle tane. E le mie sorelle
    nelle reti e nelle tele e nelle
    sprigionate fiamme e nelle capanne
    e rinchiuse e martoriate. Per le bambine
    mie strappate. E le perle nel fondale
    marino. Per l’inverno che mi piace
    e l’urlo della ragazza
    quel suo tentare la fuga invano.

    Per tutto questo conoscere e amare
    eccomi. Per tutto penetrare e accogliere
    eccomi. Per ondeggiare col tutto
    e forse cadere eccomi
    che ognuno dei semi inghiottiti
    si farà in me fiore
    fino al capogiro del frutto lo giuro.

    Che qualunque dolore verrà
    puntualmente cantato, e poi anche
    quella leggerezza di certe
    ore, di certe mani delicate, tutto sarà
    guardato mirabilmente
    ascoltata ogni onda di suono, penetrato
    nelle sue venature ogni canto ogni pianto
    lo giuro adesso che tutto è
    impregnato di spazio siderale.
    Anche in questa brutta città appare chiaro
    sopra i rumorisissimi bar
    lo spettro luminoso della gioia.
    Questo lo giuro.


    Mariangela Gualtieri, Bestia di gioia, Einaudi, collana Collezione di poesia, 2010, pp. 7-8.







    [POUR TOUTES LES CÔTES MATRAQUÉES ET BRISÉES]




    Pour toutes les côtes matraquées et brisées.
    Pour chaque animal jeté de son nid
    et broyé dans son mécanisme d’amour.
    Pour toutes les soifs qui n’ont pas été étanchées
    jusqu’aux lèvres fendues jusqu’à la chute
    et à la cécité. Pour mes frères
    dans leurs tanières. Et mes sœurs
    dans les filets dans les toiles dans les
    flammes déchaînées dans les cabanes
    et enfermées et torturées. Pour mes petites filles
    arrachées. Et pour les perles dans les fonds
    marins. Pour l’hiver que j’aime
    et le hurlement de la jeune fille
    quand elle tente en vain de s’enfuir.

    Pour tout connaître de cela et l’aimer
    me voici. Pour tout pénétrer et accueillir
    me voici. Pour ondoyer avec le tout
    et peut-être tomber me voici
    Chacun des noyaux avalés
    en moi deviendra fleur
    jusqu’au tournis du fruit cela je le jure.

    Chaque douleur sera
    ponctuellement chantée, et puis aussi
    la légèreté de certaines
    heures, de certaines mains délicates, tout sera
    admirablement regardé
    écoutée chaque onde sonore, pénétré
    dans ses nervures chaque chant chaque pleur
    tout cela je le jure maintenant que tout est
    imprégné d’espace sidéral.
    Même dans la laideur de cette ville apparaît limpide
    au-dessus des bars trop bruyants
    le spectre éclatant de la joie.
    Cela je le jure.


    Traduction inédite de Marie Fabre
    D.R. Texte Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    ______________________________________
    NOTE de MARIE FABRE : en 1983, Mariangela Gualtieri a fondé avec Cesare Ronconi à Cesena le Teatro Valdoca, dont elle est la dramaturge. Sa production théâtrale s’est enrichie dans les années 2000 d’une activité poétique, accompagnée de lectures et de performances. Son écriture est marquée par une recherche formelle qui donne toute sa place à la musicalité du vers – on y décèle notamment une influence importante d’Amelia Rosselli. Parmi ses dernières publications : les recueils Senza polvere senza peso (2006), Bestia di gioia (2010) et la pièce Caino (2011), publiés tous trois chez Einaudi.


    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Depuis 2013, Marie Fabre est maître de conférences en études italiennes à l’ENS de Lyon. Marie Fabre a aussi récemment participé à un dossier “Amelia Rosselli” pour la revue littéraire Europe (n° 996 | avril 2012) [pp. 216-223] et traduit en français l’intégralité des Variazioni Belliche d’Amelia Rosselli (Ypsilon, 2012).






    MARIANGELA GUALTIERI


    Gualtieri
    Source



    ■ Mariangela Gualtieri
    sur Terres de femmes

    Caino | Prologo
    Giorno d’aspromonte (poème extrait de Senza polvere senza peso)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Imperfetta Ellisse)
    une note de Giacomo Cerrai sur Mariangela Gualtieri, finaliste du Prix Ceppo 2011 de Pistoia (+ bio-bibliographie)
    → (sur poiein.it)
    un article (en italien) de Rossano Astremo sur la poésie de Mariangela Gualtieri (« piccolo immenso corpo poetico »)
    → (sur YouTube)
    une interview de Mariangela Gualtieri
    → (sur YouTube)
    une autre interview de Mariangela Gualtieri (dont de nombreux poèmes dits par l’auteure)





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  • Emmanuel Merle | [Cape Cod]



    Grit Siwonia
    (l’eau et les yeux)
    « L’océan se ruait sur lui-même
    comme la peau d’un visage
    à la recherche d’une nouvelle ride
    et qui profite d’un sourire
    »
    Ph. © Grit Siwonia
    Source





    [POÈME 8]




    L’océan se ruait sur lui-même
    comme la peau d’un visage
    à la recherche d’une nouvelle ride
    et qui profite d’un sourire


    L’océan était couleur de cataracte
    à Chatham et les doigts du vent
    portaient la kératite ―
    c’est la maladie des chevreuils


    J’ai vu que tu pleurais
    sous le coude de Cap Cod




    Emmanuel Merle, Boston, Cape Cod, New York (l’eau et les yeux), pré # carré 67 / Hervé Bougel, Collection pôle ouest, Grenoble, décembre 2010, s. f.






    Emmanuel Merle





    EMMANUEL MERLE


    Vignette Emmanuel Merle





    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes


    Amère Indienne
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    Migrant (extrait d’Habiter l’arbre)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle
    le site des éditions pré # carré





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Rose Ausländer | Während ich Atem hole



    Gravure de DaDao







    WÄHREND ICH ATEM HOLE




    Während ich Atem hole
    hat die Luft sich verfärbt
    Laub und Gras trocknen in anderer Tonart
    am Himmel hängt eine Fahne aus Stroh


    Während ich Atem hole erfriert
    in meinen Nerven eine Gestalt
    ich höre den Umriß eines
    Engels verklingen


    Es ist Zeit den
    Traum zu bauen in Grau
    er ist ruhlos geworden und hat
    sich schon niedergelassen in meinem
    Haar während ich Atem hole


    Inzwischen ist die Sonne verglast und
    hat Sprünge bekommenich ich such ihre
    unversehrte Form im Hudson aber
    in seinen ergrauten Augen sind
    die Konturen verschwommen
    Vom Norden kommt eine
    hurtige Hand und treibt
    die Tropfen in den
    Atlantischen Ozean
    während ich Atem hole






    LE TEMPS D’UNE RESPIRATION




    Le temps d’une respiration
    l’air a changé de couleur
    l’herbe et les feuilles en séchant se teintent
    au ciel un drapeau de paille pend


    Le temps d’une respiration
    une forme dans mes nerfs se glace
    j’entends la silhouette d’un ange
    qui s’estompe


    Il est temps de
    construire le rêve en gris
    il s’est agité s’est déjà
    posé dans mes
    cheveux le temps d’une respiration


    Entre-temps le soleil s’est vitrifié et
    fendillé je cherche à retrouver sa
    forme intacte dans le Hudson mais
    dans ses yeux devenus gris les
    contours se sont noyés
    Du nord vient une
    main preste qui chasse
    les gouttes vers
    l’océan Atlantique
    le temps d’une respiration




    Rose Ausländer, Blinder Sommer/Été Aveugle [Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt am Main, 1965], Æncrages & Co, Collection « voix de chants », 2010, s.f. Traduit et présenté par Dominique Venard. Clichés photographiques de gravures de DaDaO.






    Rose Ausländer, Blinder Sommer  Eté aveugle


    ROSE AUSLÄNDER


    Rose Ausländer
    Source




    ■ Rose Ausländer
    sur Terres de femmes

    Après le Carnaval
    Augenblickslicht
    L’île dérive
    Janvier (extrait de Pays maternel)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site d’Æncrages & Co)
    les premières pages de Blinder Sommer/Été Aveugle,
    → (sur Esprits Nomades)
    la page consacrée à Rose Ausländer
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes dits (en allemand) par Rose Ausländer
    → (sur Recours au poème)
    une note de lecture de Pascale Trück sur les deux recueils de Rose Ausländer publiés par Æncrages & Co





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  • Denise Desautels | La dernière rivière



    Stations_Bill_Viola_1994-730
    « monochromie
    amoureuse des nageurs […]
    maladroitement nos corps plongent
    comme s’ils tombaient
    et replongent
    en désespoir de cause »
    Bill Viola, Stations
    Source







    LA DERNIÈRE RIVIÈRE, extrait




    je reconnais la rivière
    à gauche, elle coule
    sur un rectangle de vitres
    au simple toucher
    la bague d’une autre à ton annulaire
    l’acharnement de ton os de ta joue
    tout près, ailleurs


    on ne discerne plus ni qui ni quoi
    entre et sort
    dans ce jour maigre
    tandis qu’un jet de rayons touche
    tes derniers draps


    la rivière coule ― linceul déjà
    enveloppe mobile


    même sans avenir
    cette chambre n’est pas encore verte
    malgré son authentique indifférence


    est-ce encore nous, toi
    l’inconnu au bout de mes doigts
    de l’autre côté


    si peu
    ici, autrefois, tout de suite
    c’est sans mesure
    entre rivière et chambre


    du fond vers la surface
    je nous ramène
    et recense les pièces de l’étreinte


    la scène s’étend
    nous occupons mur et sol
    droite couchée, droite debout
    monochromie
    amoureuse des nageurs
    jeunes, si jeunes
    sur la tapisserie d’angle
    cinq bassins d’eau, cinq plaques de granit
    Stations de Bill Viola


    maladroitement nos corps plongent
    comme s’ils tombaient
    et replongent
    en désespoir de cause
    jusqu’au bout leur installation de silence


    puisqu’au final tout meurt
    devant
    la vie déjà se souvient
    une île et l’univers


    nulle part l’éternité
    […]



    Denise Desautels, « La dernière rivière » in L’Angle noir de la joie, Éditions Arfuyen, Paris-Orbey | Éditions Le Noroît, Québec, 2011, pp. 41-42-43.



    ________________________________________
    NOTE d’AP : dans le cadre des 6es Rencontres européennes de littérature de Strasbourg, L’Angle noir de la joie a reçu le Prix de Littérature Francophone Jean-Arp 2010.






    Denise Desautels  L'Angle noir de la joie





    DENISE DESAUTELS


    Denise-desautels
    Ph. Rémy Boily
    Source





    ■ Denise Desautels
    sur Terres de femmes

    [ça dit grand] (autre poème extrait de L’Angle noir de la joie)
    D’où surgit parfois un bras d’horizon (lecture d’AP)
    Pour dire nous voici (extrait de D’où surgit parfois un bras d’horizon)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Denise Desautels
    → (sur Mediapart)
    « Denise Desautels ou la résistance à l’écriture », par Pascal Maillard





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  • Roselyne Sibille | Liliane-Ève Brendel, Lumière froissée

    par Angèle Paoli

    Roselyne Sibille | Liliane-Ève Brendel, Lumière froissée,
    Voix d’encre, 2010.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Lumière froissée 7






    NÉGATIF ÉBLOUISSANT



        C’est d’abord un titre bref : Lumière froissée. Et sur la page, une forme de même couleur isocèle et massive, immobile dans le vent qui s’ébouriffe en gerbe.

        Entre les deux espaces, titre et formes, deux noms de femmes accordées. L’une pour le texte, l’autre pour les encres qui l’accompagnent. Roselyne Sibille/Liliane-Ève Brendel. Ouvrage à quatre mains, Lumière froissée a été publié par Voix d’encre en octobre 2010.

        La lumière, froissée, se déplie s’éploie se tend s’étire, porteuse de secrets invisibles. Parfois elle bondit en falaise en fissures, parfois elle se dilue, disparaît mangée par les nuages, « ciel absenté », silence majestueux.

        Cette lumière-là n’est pas une lumière anodine. Elle est celle qui baigne la Montagne Sainte-Victoire, vaste vaisseau de mer qui ancre sa voilure dans le ciel de Cézanne. Aile trempée du même bleu que celui du peintre, bleu froissé tirant sur le gris, elle se teinte parfois du mauve d’une prière ― « cœur violet » ―, ou du rouge d’un coquelicot pris dans l’éclaboussure de sa tache. Variations sur les formes et sur les couleurs où domine le gris-bleu, les encres strient la page adverse à l’écriture, mots et traits en écho, masses ou taches accordées aux phrases qui se déplient ou se recroquevillent, éclaboussent la page, mots étincelles jaillis du mystère, mots agglutinés soudain en vagues s’étirant en crêtes longues portées par le vent. Mots dispersés, éclats qui trouent le silence blanc du glacis de la page.

        Parfois un nom surgit, intemporel. Qui dit la dureté du lieu, son âpreté de toujours sur l’horizon dépecé par la « falaise hallucinée » de la montagne. Cengle-Durance-Brèche des Moines-Saint Antonin sur Bayon-Sainte Victoire. Parfois des pentes douces font croire au regard qui se pose que la montagne a renoncé à sa coupe abrupte. Mais toujours la Victoire retrouve son amplitude dans le ciel, sa masse de Géante taillée à la hache. Dans la violence de la forme qui vogue à l’infini, un papillon traverse l’air de sa fugacité aérienne. Légèreté. Parfois l’italique s’empare d’un mot, d’une phrase, créant la surprise de la séparation : l’odeur du thym s’agrippe. Parfois un « je » fait son apparition, inattendu, pareil à une confession : « j’ai respiré avec l’arbre », « je ne sais pas où va le vent ». Poète et peintre habitent le lieu, dérivent ensemble à l’unisson de sa voix, de son appel, de sa présence. Violence et tendresse mêlées, qui laissent abasourdi. Comme le promeneur dans la garrigue par jour de grand mistral.

        Dernière confidence du poète : « près de moi la fleur s’est pliée sous l’abeille ». L’amie peintre tire un trait fin sur la page, entre deux éclaboussures d’insecte et de fleur. Le monde qui s’étire dans le « matin fluide » n’est rien d’autre que ce menu fil tendu dans la « lumière froissée ».

        « Rien
        ni eux
        ni elle
        ni lui.
     »


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    ■ Roselyne Sibille
    sur Terres de femmes


    Entre les braises (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Entre les braises (lecture d’AP)
    Les Langages infinis (extrait)
    [Pose ton visage dans une brèche] (poème extrait de Lisières des saisons)
    Lisières des saisons (lecture de Florence Saint-Roch)
    Nuit ou montagne (poème extrait du recueil Lumière froissée)
    La tendresse me racine (poème extrait du recueil Versants)
    Ombre monde (lecture de Marie Ginet)
    [L’ombre est une ligne de crête] (poème extrait d’Ombre monde)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le souffle des mondes
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Voix d’encre)
    plusieurs poèmes extraits du recueil Lumière froissée
    → (sur Wikipedia) un article bio-bibliographique sur Roselyne Sibille (article revu par Roselyne Sibille)
    → (sur le blog de La petite librairie des champs)
    Roselyne Sibille/Sur l’île de mes mots (poème)



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