Étiquette : 2012


  • Pauline Von Aesch | [ j’ai en cette tête des échappatoires]



    [J’AI EN CETTE TÊTE DES ÉCHAPPATOIRES]



    j’ai en cette tête des échappatoires
    loin du lit resté si
    inébloui


    dit unlighted


    du drap
    vide ou peut-être d’arrière plan


    une fonction
    posée sur ce cou d’accroissement
    ce nouvel indice


    qui révèle s’elle


    toujours s’elle-même
    dont j’ai mal




    Pauline Von Aesch, Nu compris, Collection disparate, Nous, 2012, page 63.






    Von Aesch, Nu compris





    PAULINE VON AESCH



    ■ Pauline Von Aesch
    sur Terres de femmes

    Nu compris (lecture d’Isabelle Lévesque)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions NOUS)
    une fiche sur l’auteur et les premières pages [PDF] de Nu compris





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Nada Menzalji | La paix virtuelle




    LA PAIX VIRTUELLE
    (extrait)




    Cette maigre fumée
    dessine sur le miroir un nuage
    Aujourd’hui, comme hier, il n’y a pas de pluie
    Il n’y a pas sur le ventre de la terre
    une fleur pour séduire l’abeille
    et le silence n’est pas digne de la prière.
    Une mouche vient de terminer sa randonnée
    autour du globe terrestre.
    Je veux dire que par-delà des mers virtuelles
    il doit y avoir des jeunes virtuels
    ils sont très pris par un jeu
    comme s’ils venaient de le découvrir
    ses rôles sont simples :
    des poitrines nues
    des armées
    et des balles
    L’armée tire des balles
    et les jeunes courent pour tomber par terre
    et leurs ailes
    palpitent vers le ciel
    sans que soit coupé
    leur long cri de liberté.




    Nada Menzalji [Syrie], in Femmes poètes du monde arabe (anthologie), édition préparée, présentée et traduite en français par Maram al-Masri, Le Temps des Cerises, 2012, pp. 21-22.







    Maram al-Masri, Femmes poètes du monde arabe





    NADA MENZALJI



    Originaire de Lattaquié (Syrie), où elle a fait ses études à la Tishreen University, la poète Nada Menzalji vit actuellement à Londres.



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Temps des cerises)
    une page consacrée à l’anthologie Femmes poètes du monde arabe





    Retour au répertoire du numéro de septembre 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Pauline Von Aesch, Nu compris

    par Isabelle Lévesque

    Pauline Von Aesch, Nu compris,
    Collection disparate, Éditions NOUS, 2012.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    In medias res.

    Transition, aucune. Pas d’élaboration progressive, une entrée qui respecterait des étapes, une durée pour s’acclimater. Nu compris nous plonge. Syntaxe nue, privée d’outils de détermination (pas ou peu d’articles en page liminaire). Mots alignés. Géométrie tentée, d’un point à l’autre – deux visé, refuse de se constituer malgré corps en ébats.

    Mathématiquement :

                      « isolement des peaux
                      semblent
                      figure quelconque
                      trouvant son axe
                      […]
                      faire deux
                      d’une tentative


                      par une symétrie proche de l’écart à réduire »


    Le vocabulaire exprime les répartitions :

                      « étendue barre de fraction
                      longée

                      combien de morceaux perdus lors du partage »


    Il enregistre aussi des modifications :

                      « se change la perpendiculaire en parallèle
                      à minuit dix je suis sans réponse
                      à mon tour annulée »


    Angle mathématique et conte intégrés.

    Nu veut deux, trouve un. Un(e), ne sait. Débat. Écrit des poèmes à dormir debout, la syntaxe à l’envers de la grammaire. Les terminaisons « e » sont dispersées, les pronoms objets multipliés, élidés, placés à l’incongru (« m’ectoplasme », « s’être ici », « s’elle-même », « que tu l’as me vue brunir »…).

    Vide ou creux. Langue, lieu désaffecté. Vacuité des syntagmes à tailler pour que dire soit exact. Le récit arrive au point de rupture :

                      « tu me vouloir tu

                      accéder prends la cuisse en collier
                      tu
                      pour le vouloir tu
                      dépose
                      pour s’accomplir »


     Pronom nu énoncé, répété, encadrant (barreaux) le vers. Sections. Quatre divisent le livre dont les figures de séparation se multiplient (s’enchaînent).

    Projet dé-mené. Impasse ou figure non accomplie. Le un, « je », seul, réduction à soi. Malgré les tentatives :

                      « rapide avec des hanches en saccade
                      ou des mains fermées sur cela signifie
                      un tu perdu ».


    La géographie, « latitude longitude », entérine le séparé, un et un, alors :

                      « me suffire être fille
                      au nu coulé

                      tu rester tu dû en moi

                      sortir de là »


    Les gestes, la relation, la sexualité n’aboutissent pas à la fusion :

                      « protégée par la page
                      qui me met hors de la vie
                      ne me touche
                      ne me parle
                      ne m’aime
                      ma page

                      la virgule fait son corps brisé

                      tombé qui te ne sert »


    Négation incomplète, mots en réduction et place de l’adverbe bousculée finalement (ou « voir et ne que voir »), l’écriture enregistre, dit l’écart, elle porte trace du morcellement et la perte de certains éléments. Une image s’impose, elles sont rares dans ce premier livre de Pauline Von Aesch, celle du corps de la virgule altéré dans son dessin, or Pauline Von Aesch n’en utilise pas dans Nu compris. Elle emploie à plusieurs reprises « nu understand », qu’elle scande pour que ne soit pas entendu « compris » comme une inclusion mais une tension vers l’autre, destinataire absent-présent, amour-amant, deuxième élément du « un » qui manque. Irrémédiable.

    L’écartement (l’écartèlement) se lit aussi sur la page, la dispersion d’une lettre signifiante qu’on n’a pu retenir :

                      « je suis parti
                      e de l’appartement »


    Les sons peuvent également se télescoper, s’appesantir, une-deux-dune :

                      « la hanche
                      a cessé tout roulement

                      forme une
                      due demie d’une »


    « e » égaré du deux constitué, féminin perdu quand la poésie ne compte qu’un –e et que la page perd ce qu’elle comptait de certitude. Écrire ne soigne pas. Énonce. « e » cherché, pas recouvré, perdu dans le participe passé « fillée » qui n’existe pas. Les tentatives se soldent, se désolidarisent, s’amoncellent et la solitude est cernée :

                      « et que nu et nue
                      invalidation »


          La langue, disséquée, révèle, comme en photographie, elle ne fait pas écran, elle ne joue pas. Elle livre au risque de perforer des règles, elle souffre aussi.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes (25 août 2012)







    Von Aesch, Nu compris






    ■ Pauline Von Aesch
    sur Terres de femmes

    [j’ai en cette tête des échappatoires](extrait de Nu compris)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions NOUS)
    une fiche sur l’auteur et les premières pages [PDF] de Nu compris



    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations





    Retour au répertoire du numéro d’août 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Isabelle Lévesque, Ossature du silence

    Isabelle Lévesque, Ossature du silence,
    Éditions Les Deux-Siciles, Collection Poésie,
    77330 Ozoir-la-Ferrière, 2012.
    Encres de Claude Lévesque.
    Préface de Pierre Dhainaut.



    Lecture d’Angèle Paoli


    Ossature du silence, page 29

    « antique vin chargé des blessures
    château démantelé
    les pierres feront des maisons
    toits simples sur

    qui reste »







    DIALOGUES D’ENCRES



    Mystérieux, le titre du dernier recueil d’Isabelle Lévesque déconcerte. Énigmatique Ossature du silence. Comment circonscrire dans une forme le silence ? Quelle ossature lui donner lorsque celui-ci n’est qu’une ombre ? Par essence, volatile, fugitive, insaisissable ?

    Par-delà, quel chemin de craie emprunter pour enter nos mots à ceux du poète ? Ancrer nos pas dans les dessins du père, récemment disparu. Se laisser guider au creux de l’ossature qui squelette, légère, ce petit opus, afin de percevoir ce qui, dans la jonction des mots et des encres, structure le temps. Passé présent se raboutent de part et d’autre des deux rives de la Seine, jonction étroite entre deux gestes, l’écrire et le tracer du dessin. Dialogue d’encres, « tu recommences »/« Je reviens ».

    Isabelle Lévesque interroge les encres laissées par son père, jouxte ses mots à ses traits, traçant sur la page un chemin de mémoire. La poète suit les tracés du père, croquis surpris sur les carnets, à l’angle des feuilles. L’enfant des Andelys aime à les surprendre et recrée, avec les mots de ses poèmes, le lien entre « ce qui ronge, ce qui érige ». Là, sur la feuille, s’effacent les frontières, s’arriment les contraires. Les mots émaillent, trouent le silence blanc de la page. Ce qui relie ― (le calcaire) ― l’écriture. Les dessins. « La craie calme millénaire ». Creux et fentes de pierre blanche enserrent coteaux et ruines, le passé lointain de l’Histoire et celui plus proche de l’enfance ― « craie d’école, lissé », contes et vers ― et les mots tirés du silence. « L’écriture naît aux Andelys ».

    Au cœur du texte ― en ouverture et en clôture, deux textes en italiques servent de bornage au texte principal ―, disséminées dans ses failles, affleurent les traces du père, légères, furtives, des esquisses, à peine, des silhouettes de murailles, des fantômes. Le Château-Gaillard de haute mémoire esquisse ses formes, ébauches de donjons, fenêtres vides et fissures, flammèches et zébrures, gouttes et pluie de traits filiformes. Quelques signes, qui trouent le rideau des parois de craie. Un paysage intérieur gagne. Habite l’espace. Un lieu chargé d’histoire et de mystère. La Normandie, la Seine, Les Andelys. Richard 1er Cœur de Lion. Sa forteresse démantelée, son « antique vin chargé des blessures ». Ses falaises de calcaire qui forment passage entre un avant et un après.

    Isabelle Lévesque questionne : le ciel, l’infini ― « racine et ciel » (la mère et le père) ―, « l’ombre du silence » ; les souffles, de la pierre et des insectes. L’écriture crypte la page, les mots sculptent le silence, le prennent dans leurs mailles. « Ossature du silence », au cœur du poème, laisse affleurer le secret de ses images duelles. Érodée, l’écriture, tout en rupture de constructions et de rythmes, érige le poème. Dans le silence blanc de la page.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Isabelle Lévesque, Ossature du silence





    ISABELLE  LÉVESQUE


    Isabelle Lévesque
    Source



    ■ Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes

    C’est tout c’est blanc
    [Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
    Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
    [Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
    Le Fil de givre (lecture d’AP)
    Le Fil de givre (lecture de Jean Marc Sourdillon)
    [Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
    Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
    Chemin des centaurées (lecture d’AP)
    Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
    [Les serments] (poème extrait de Le tue braccia saranno)
    [Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
    Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
    [Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
    [Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l’oubli)
    Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
    Voltige ! (note de lecture d’AP)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Territoire
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un autre poème extrait de Va-tout)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur La Pierre et le Sel)
    Isabelle Lévesque, de la terre à la lumière, par Pierre Kobel
    → (sur La Pierre et le Sel)
    une recension d’Ossature du silence par Marie-Hélène Prouteau
    → (sur Recours au poème)
    une recension d’Ossature du silence par Thomas Demoulin




    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Colette Deblé, La même aussi
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





    Retour au répertoire du numéro d’août 2012
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Myriam Eck | Aridité



    ARIDITE
    Ph., G.AdC





    ARIDITÉ




    Le présent rentre sans retour

    L’aridité faite soif

    Marcher pour que ça appuie
    Dedans

    Ne pas penser
    Au moment
    Où le sol deviendra vent

    L’étreinte libre du vent

    Ici même au large





    Myriam Eck




    _____________________________________________________
    NOTE d’AP : ce poème a été sélectionné pour l’anthologie pas d’ici, pas d’ailleurs (anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines) publiée par Voix d’encre en juillet 2012 (page 71).





    MYRIAM ECK


    Myriam Eck.NB
    Ph. D.R.



    ■ Myriam Eck
    sur Terres de femmes

    Cavité – Ouverte
    [Ce qui se vide dans ma tête…] (extrait de Sonder le vide)
    [La terre se creuse] (extrait de Calanques)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Myriam Eck



    Retour au répertoire du numéro d’août 2012
    Retour au Sommaire de l’anthologie poétique Terres de femmes
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Angèle Paoli, Paul-François Paoli |

    Les Romans de la Corse

    VIENT DE PARAÎTRE


    Angèle Paoli, Paul-François Paoli, Les Romans de la Corse,
    Éditions du Rocher, 2012. ISBN : 978-2-268-07402-3






    Les Romans de la Corse. 2




    POUR EN SAVOIR PLUS
    CLIQUER ICI.



    Signature demain soir (vendredi 3 août à partir de 18h00) à la Librairie La Marge (Ajaccio)






    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Arnaut Daniel | Anc ieu non l’aic, mas ela m’a



    400_troubadour_performance
    Source






    ANC IEU NON L’AIC, MAS ELA M’A




    Anc ieu non l’aic, mas ela m’a
    Totz temps en son poder Amors
    E fai’m irat, lèt, savi, fòl,
    Com celui qu’en re no’s torna ;
    Qu’om no’s defend qui ben ama ;
              Qu’amors comanda
         Qu’òm la sèrv’ e la blanda,
              Per qu’ieu n’atend
                   Sofrent,
              Bona partida
         Quand m’èr escarida.


    S’ieu dic pauc, ins el còr m’està
    Qu’estar mi fa tement paors ;
    La lenga’s fenh, mas lo còrs vòl
    Çò dont dolens si sojorna ;
    Qu’el languís mas non se’n clama,
              Qu’en tant a randa
         Com mars tèrra garanda
              Non a tan gent
                   Present
              Com la chausida
         Qu’ieu ai encobida.


    Tant sai son prètz fin e certà
    Per qu’ieu no’m puòsc virar alhors :
    Per çò fatz ieu que’l còrs me’n dòl,
    Que quand sols claus ni sojorna
    Eu non aus dir qui m’aflama ;
              Lo còrs m’abranda
         E’lh uòlh n’an la vïanda,
              Car solament
                   Vesent
              M’estai aisida :
         Ve’us que’m ten a vida !


    Fòls es qui per parlar en va
    Quièr com sos jòis sia dolors !
    Car lauszengier cui Dieus afòl,
    Non an ges lenguet’ adorna ;
    L’us conselh’e l’autre brama
              Per que’s desmanda
         Amors tals fora granda.
              Mas ieu’m defend
                   Fenhent
              De lor brugida
         E am sens falhida.


    Pero gausent mi ten e plan
    Ab un plaser de que m’a sòrz,
    Mas mi non passarà ja’l còl
    Per paor qui’lh no’m fos morna,
    Qu’enquèra’m sent de la flama
              D’Amor qui’m manda
         Que mon còr non espanda ;
              Si fatz sovent
                   Tement,
              Puòis vei per crida
         Maint’amor delida.


    Maint bon, chantar levet e plan
    N’agr’ieu plus fait, si’m fes socors
    Cela que’m da jòi e’l me tòl ;
    Qu’èr sui lètz, èr m’o trastorna ;
    Car a son vòl me lïama.
              Ren no’lh desmanda
         Mos còrs, ni no’l fai ganda,
              Ans franchament
                   Li’m rend :
              Doncs, si m’oblida,
         Mercés es perida.


              Mielhs-de-Ben rend,
                   Si’t prend,
              Chançós, grasida,
              Qu’Arnautz non oblida.







    JE NE L’EUS JAMAIS MAIS LUI M’A !




    Je ne l’eus jamais mais lui m’a !
    Amour, toujours à son pouvoir,
    Me rend triste, gai, sage et fou
    Comme quelqu’un qui tout accepte,
    Car mal se défend qui aime ;
              Amour commande
         Qu’on le serve et le flatte
              Ainsi j’attends,
                   Souffrant,
              Le beau destin
         Quand il m’écherra.


    Je dis peu ce que j’ai au cœur
    Car la peur rend tout craintif ;
    La langue feint, mais le cœur veut
    Ce dont il jouit en souffrant ;
    Mais ne s’en plaint nullement
              Dans tout l’espace
         Dont la mer ceint la terre
              Il n’est si beau
                   Présent
              Que mon élue
         Que j’ai désirée.


    Je sais qu’est si sûr son mérite
    Que je ne puis en voir une autre ;
    Et tant fais que mon cœur a mal,
    Car du levant jusqu’au couchant
    Je n’ose dire ma flamme
              Le cœur me brûle
         Mais les yeux ont leur dû,
              Car seulement
                   La voir
              M’est concédé
         Et me tient en vie.


    Fou est qui peut parler en vain
    Veut que sa joie soit sa douleur !
    Car les fâcheux que Dieu maudisse
    N’ont pas la langue si ornée :
    L’un conseille et l’autre brame
              Et se renie
         Amour pour grand qu’il soit,
              Mais je proteste
                   Et feins
              De les entendre
         Et j’aime sans faute.


    Elle me tient joyeux et sain
    Par la grâce qu’elle m’accorde
    Et qui ne me sort pas du cœur
    Tant je crains qu’elle soit fâchée.
    Je sens encore la flamme
              Mais l’amour mande
         De ne pas me trahir :
              Ce que je fais
                   Craignant
              Que par rumeurs
         Maint amour ne se brise


    D’autres chants légers et faciles
    J’aurais faits si m’eût secouru
    Celle qui donne peine et joie ;
    Quand je suis gai elle m’attriste
    Et suis à son bon-vouloir
              Rien ne demande
         Ce cœur qui ne la trompe,
              Et franchement
                   Se rend :
              Donc, si m’oublie,
         Merci est perdue.


              Que bien t’accueille
                   Chanson,
              Mon Mieux-que-bien,
              Arnaut lui n’oublie.




    Arnaut Daniel, Fin’amor et folie du verbe, édition bilingue occitan-français, éditions fédérop, Collection “Troubadours”, 2012, pp. 60-65. Introduction et traduction de Pierre Bec.







    Arnaut Daniel





    ■ Arnaut Daniel
    sur Terres de femmes

    Ongle et oncle d’Arnaut Daniel (sextine)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions fédérop)
    une page sur Arnaut Daniel (+ une autre sur Fin’amor et folie du verbe)





    Retour au répertoire du numéro de juillet 2012
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sylvana Perigot, 3 balles perdues

    Sylvana Perigot, 3 balles perdues
    Éditions Éoliennes et À hélice | éolienne,
    Collection « sombre & noire »,
    20200 Bastia, 2012.



    Lecture d’Angèle Paoli


    DANS L’ÉCHEVEAU DE LA FORÊT BLONDE




         L’on imagine d’abord ― et l’on se prend à y rêver ― une histoire sylvestre, une histoire de « huttiste » dans la lignée des amateurs de forêts et de grandes solitudes. On oublie que, dès la fin du premier chapitre, un cadavre gît sous les feuilles. L’esprit résiste. Il reste arrimé au ponton au bord du lac, au « collier interminable » des saisons au-dessus des bouleaux, aux fondus layette du ciel noyé dans l’eau, à la canne à pêche du narrateur et aux oiseaux-pêcheurs plus rapides que lui. On oublie un peu la femme à la winchester, surgie d’on ne sait où, qui tire dans le mille des miroirs d’acier glacé qu’elle a installés, un jour, à l’aplomb des grands arbres. On oublie même le titre : 3 balles perdues et le « giallo » dont la première de couverture du livre et le cahier de tête ouvrent pourtant les pistes. C’est que la « forêt blonde » exerce son emprise et tient son lecteur en otage.


         3 balles perdues est donc le titre de ce premier roman signé Sylvana Perigot, tout récemment publié dans la collection « sombre & noire » des éditions Éoliennes. Un roman à trois personnages (quatre si l’on inclut la forêt !), grave et cependant empli d’humour et d’une forme de légèreté qui n’en altère pas pour autant la profondeur. Un « giallo » pris dans le prisme déformant de la fantaisie et de la poésie (en exergue, Lautréamont), construit sur le reflet démultiplié des miroirs, un récit d’une couleur singulière qui brouille les genres, entre polar et récit onirique.


         On songe parfois, en suivant la pensée du narrateur, à L’Homme pressé. Mais c’est pour mieux s’en détourner. Dégagé de la frénésie et de la vacuité de la vie citadine, l’homme de la « forêt blonde » se laisse porter par l’esprit de huttiste qui l’habite ― on imagine le Walden de Thoreau ou le jeune Baron perché de Calvino ―, notamment dans la relation que le narrateur tisse avec le temps. Un temps qui s’écoule en prenant son temps, un temps généreux et simple qui pousse ses heures dans la lenteur de la « forêt blonde ». Parfois, quelques échappées-ravitaillement vers la station-service rouge et blanche aux allures de Playmobil, entraînent narrateur et lecteur hors des bois, du côté de l’espace Amérique. S’ouvre alors un autre temps, une brève parenthèse qui donne sur un univers factice sur fond de jeu vidéo et de gonzesse déjantée. La pensée s’esquive vers la forêt, s’en retourne vers son lac, son ponton, sa cabane… et son suspens.


         Les chapitres, brefs, comportent des titres. Brefs eux aussi. Et presque naïfs, enfantins presque. En voici quelques-uns cueillis au hasard : « il est tard / comète / dormir / l’abruti… ». Certains évoquent la nature, un détail du lieu qui abrite la vie du narrateur depuis neuf mois : « le ponton / la neige / le vent / dans la forêt blonde ». D’autres suscitent le personnage féminin. Soit explicitement : « linda (2 fois) / la photo de linda / calamity jane & little summer rain » ; soit implicitement : « winchester ». Écho aux trois balles perdues, les trois chapitres « sans titre » renvoient à la tireuse d’élite, à la blondeur de ses cheveux, à son talent de shooteuse, d’ensorceleuse et d’amoureuse. D’autres chapitres enfin portent en germe les personnages masculins. Le narrateur d’une part ― que Linda a pris dans ses rets ― qui livre progressivement sa part d’ombre et son histoire ; et le Moisi de l’autre, dont semble s’être provisoirement entichée Linda, et dont on suit l’évolution jusqu’à son statut final de cadavre. Mais de tout cela qui a pris forme au cours du récit, des relations qui réunissent les trois personnages dans le huis clos cruel de la forêt, que reste-t-il ? Sur quelles preuves prendre appui ? Il ne subsiste que « lambeaux d’images fugitives » et « une exquise impression d’irréel  ». La forêt, qui « serre le temps entre ses poings », participe elle aussi de ce mystère. « Tout se reforme dans le présent. » Linda n’a-t-elle été qu’un mirage ? Les miroirs d’acier pure invention de l’esprit ? La « forêt blonde » elle-même a-t-elle seulement existé ? Peu importe ! Quelque chose continue de vibrer, lumière du lac ou reflets du vent dans les arbres. Quelque chose de la polyphonie du texte.


         Le roman, lui, existe bel et bien, avec son style farfelu et inventif, son caractère tendre et émouvant. Un premier envoi très réussi pour l’auteure de 3 balles perdues et pour les éditions Éoliennes.




    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Sylvana Perigot





    3 balles perdues. 4e de couverture




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Lionel-Édouard Martin)
    une recension sur 3 balles perdues
    le site des éditions Éoliennes





    Retour au répertoire du numéro de juillet 2012
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Joëlle Gardes, L’Eau tremblante des saisons

    Joëlle Gardes, L’Eau tremblante des saisons,
    Éditions de L’Amandier,
    Collection Accents graves-accents aigus, 2012.



    Lecture de Françoise Donadieu


    Ocre romain  -  aller du concret à l'abstrait
    Ph., G.AdC







    « DANS LE SILENCE DES MOTS, NI LE SOLEIL, NI LA MORT »



         L’Eau tremblante des saisons, le très beau titre qui ouvre le deuxième recueil de poésie publié par Joëlle Gardes aux Éditions de l’Amandier, semble convoquer Verlaine et Apollinaire (musicalité du vers impair et de l’allitération en nasales, fluidité, mélancolie), et l’on s’attend à découvrir au fil des pages quelques « paysages intérieurs » reflétant la douleur de la « si pauvre âme ». Mais on comprend vite que cette image n’est pas l’expression d’un sentiment personnel (ou pas seulement), elle est métaphore de la vie, d’une idée de la vie. Une idée qu’il faut poursuivre à travers les poèmes, car une idée en poésie est labile ainsi que l’eau, reflets scintillants de la beauté du monde ou trompeuses illusions, des larmes peut-être, comme dans une des plus anciennes définitions du séjour d’ici-bas : celle de l’Ecclésiaste.

         Le premier poème propose le même usage de la métaphore Vie / Dentelle sale et le même rayonnement du sens (beauté, fragilité, vanité, amertume), mais développe auparavant le comparant dans une description précise et sensible : « Le rosier qui grimpe sur le mur de la citerne offre chaque jour de nouvelles roses d’un jaune tendre / Cachés dans leur cœur les cétoines rongent les pétales enroulés et filent une dentelle tachée de noir. » Il donne ainsi la clé de ce qui est pour moi l’opération poétique accomplie dans ce recueil : une opération d’abstraction. Extraire du réel la « quintessence », mais aussi aller du concret à l’abstrait, rendre l’expérience vécue impersonnelle, c’est-à-dire intelligible pour tous.

         Cette opération place Joëlle Gardes dans la grande tradition classique qui vise avant tout à dégager le général du particulier. L’emploi récurrent du nous, ou celui tout aussi fréquent de l’article générique l’enfant, l’adulte, la mère, l’aimé, y contribuent et mieux encore ces maximes, brèves ou plus longues, mais toutes ciselées par un patient travail pour rendre à la langue la force de sa saveur ancienne. Ce travail qui, d’après l’auteur, « est » véritablement le style. En ce domaine encore, elle retrouve l’esprit du Grand Siècle, celui de La Rochefoucauld ou de La Bruyère. On peut citer cet aphorisme d’une simplicité dense et parfaite, poli comme un scarabée de cœur égyptien, dans lequel l’apparent paradoxe s’éclaire si l’on retrouve l’étymologie du mot « offense » : « la bonté elle-même est une offense ».

         L’ambition d’une telle pratique poétique est bien de rendre compte de l’homme éternel, de la condition humaine abstraite des conditions historiques, dans l’entrelacement de thèmes qui furent ceux de la littérature du XVIIe siècle : la recherche de la vérité (À quelle aune mesurer la vérité ?), la dérision de la comédie humaine (« tous acteurs dans des pièces mal écrites dont ils inventent l’intrigue jour après jour ») et la présence de la mort comme rappel incessant de notre inanité : « Seule la fin leur est connue d’avance. » Le Temps est, le titre l’indique, le vrai sujet de cette méditation sur la vie : le concept du temps humain, chronologique, mécanique, implacable, fournit la structure profonde du recueil en s’opposant au motif récurrent des saisons ; c’est ainsi que la poésie de la nature prend valeur d’allégorie, dans le contexte d’une tradition qui remonte aux Psaumes, reprise par Bossuet et retrouvée dans ces poèmes au détour de certaines phrases : « Les papillons qui flottaient dans la lumière ne sont plus que des insectes épinglés prêts à s’effriter. »

         Ce recueil est donc celui des Vanités, vanités renoncées dans un exercice spirituel constant, vie comme vanité, vide, insignifiance, tableaux à l’imitation de ces vanités qui dessinaient avec une précision impeccable les beautés du monde en leur juxtaposant un crâne humain. L’esthétique et la morale s’y confondent parfaitement : pour preuve, la représentation de cette vertu si rare, la lucidité, dans l’image répétée de la lumière, celle du Midi, tranchante, cruelle parfois. Comme chez Racine, le tragique est éblouissant, et l’on peut penser que tout l’effort du poète est de regarder en face ce qui ne se peut, de réussir ce qui n’advenait pas : « Dans le silence des mots : ni le soleil ni la mort… »

         Cependant, de « cet art de pudeur et de modestie », définition du classicisme selon Gide, naît une émotion poignante, bouleversante quand surgissent les forces du désordre, le je qui ne peut plus se taire (« j’efface rageusement les coulées les taches le rouge violent de la bouche sur le visage où le temps a déposé son masque / masque de la peur / de la vie »), le réalisme cru de la souffrance subie dans la maladie (« L’esprit flotte au-dessus du corps / la goutte qui tombe dans les veines scande un temps de passivité et d’attente / un temps inhumain »), mais aussi le bonheur aigu d’être en vie, la jouissance sensuelle de la vie : « bain dans la mer glacée des lendemains de mistral / quand l’eau tiède est repoussée au large et que les sources froides affleurent à la surface / frisson délicieux indécision entre plaisir et déplaisir. » Alors le lyrisme personnel l’emporte et s’élève le chant élégiaque : une élégie sans complaisance, sans pathétique, dans la tonalité des Élégies de Duino, dans leur dimension métaphysique, panthéiste. « Dorénavant je prierai les divinités des vagues avant d’entrer dans la mer, je jetterai le sel par-dessus mon épaule gauche et verserai le lait sur le seuil de ma maison, / sans culpabilité ni crainte, / dans la sérénité de ceux qui ont renoué l’alliance avec les choses. »

         Bien que maîtrisée et retenue, l’angoisse contemporaine face à un monde sans rédemption sourd de L’Eau tremblante des saisons. Angoisse à laquelle Joëlle Gardes apporte sa réponse personnelle : celle d’une quête inlassable du dépouillement et de la disponibilité au monde, qui permet de parfois ressentir l’apaisement par l’acceptation de l’infinie patience humaine.

         L’écriture classique de Joëlle Gardes pourrait être définie par les mots que l’un des plus grands peintres contemporains appliquait à son œuvre : « le bruit caché dans le silence, le mouvement dans l’immobilité, la vie dans l’inanimé, l’infini dans le fini, des formes dans le vide et moi-même dans l’anonymat » (Joan Miró).



    Françoise Donadieu
    D.R. Texte Françoise Donadieu
    pour Terres de femmes (juillet 2012)





    JOËLLE GARDES


    Jolle_gardes_2
    Source



    ■ Joëlle Gardes
    sur Terres de femmes

    [Matinée de printemps précoce](extrait de L’Eau tremblante des saisons)
    « Les arcanes subtils d’une relation triangulaire » (La Mort dans nos poumons) [note de lecture + bibliographie]
    Dans le silence des mots, poésie (note de lecture)
    Et si la profondeur n’était que… (extrait de Dans le silence des mots)
    Jardin sous le givre (note de lecture + extrait)
    [Le regard tourné vers l’intérieur ou l’ailleurs] (extrait de La Lumière la même)
    Méditations de lieux (note de lecture)
    Ostinato e chiaroscuro (Ruines) [note de lecture + extrait]
    Jardins de toute sorte (extrait de Sous le lichen du temps)
    [Tota mulier in utero] (extrait d’Histoires de Femmes)
    31 mai 1887 | Naissance de Saint-John Perse (Joëlle Gardes, Saint John-Perse, Les rivages de l’exil, biographie)
    Trentième anniversaire de la mort de Saint-John Perse/20 septembre 1975 (chronique de Joëlle Gardes)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Hôpital



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Joëlle Gardes






    Retour au répertoire du numéro de juillet 2012
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 19 juillet 1957 | Mort de Curzio Malaparte

    Éphéméride culturelle à rebours



         Le 19 juillet 1957 meurt à Rome Curzio Malaparte.







    Portrait de malaparte
    Image, G.AdC







        Écrivain talentueux, auteur de Kaputt (1944), du Soleil est aveugle (1947) et de La Peau (1949), Malaparte incarne, avec Gabriele D’Annunzio, la « furia » italienne, caractérisée par un style somptueux.

        Quelque temps sympathisant du parti fasciste auquel il avait adhéré en 1922, il démissionna, dénonçant avec virulence les prises de position du Duce. Après deux mois passés dans les prisons de Rome, Malaparte est condamné à cinq années de résidence forcée ― al confino ― et envoyé aux îles Lipari. De cette époque date la rédaction de La Passeggiata (1936 ; trad. fr. L’Excursion, 2012), récit qui retrace le voyage d’exil ordonné par Mussolini.







    Paestum
    Source






    L’EXCURSION (extrait)


        « L’année dernière. La dernière fois… » pense le prisonnier. Cette dernière fois qu’il est venu à Paestum, c’était avec Flaminia et Massine. À peine une année, presque hier.
        Ils étaient partis à l’aube des Isole dei Galli, une aube d’été paisible et blanche. Les Faraglioni de Capri, là-bas, surgissaient lentement de la mer, indistincts dans la brume. L’air sur la côte d’Amalfi était transparent, veiné d’argent comme les ailes des cigales. Dans sa maison construite sur la plus grande des Isole dei Galli (les Sirénuses homériques, noirs écueils qu’Ulysse vit tout blanchis d’ossements humains : c’étaient là qu’avaient leur nid les lascives sirènes au souffle fétide et à la voix harmonieuse), Léonide Massine passe chaque année une importante partie de l’été seul avec un Pleyel dont le sel marin rend les sons enroués, essayant sur les faïences de Vetri qui recouvrent le sol les pas d’un nouveau ballet de Stravinski ou de Charrier.
        Les matins de beau temps, du haut de la terrasse à pic sur la mer, on voit s’élever à l’extrême horizon, là-bas au fond du golfe de Salerne, entre l’embouchure du Sele et le cap de Palinuro, les colonnes du temple de Paestum, roses dans l’atmosphère translucide. Quelques jours auparavant, à Paris où il mettait en scène, au théâtre des Champs-Élysées, La Concurrence d’André Derain sur une musique de Georges Auric, Massine avait dit à Boz : « Venez me voir aux Sirénuses, nous irons ensemble à Paestum. » Et maintenant ils naviguaient sur la mer blonde et unie comme un dos de tortue vers l’embouchure du Sele, vers les colonnes solitaires plantées sur le rivage désert. Étendue à côté de Boz, Flaminia se taisait, le regard lointain, les lèvres entrouvertes, le visage allumé par le feu candide des voiles.
        Quand ils abordèrent le long de l’immense arc du rivage nu de Paestum, le soleil était déjà haut. Sous sa lumière blanche, une réverbération immobile montait du sable, comme d’une étendue de neige. Sur la plage jusqu’aux ruines, le sentier parmi des buissons de genêts et de ronces, traverse une plaine poussiéreuse que des essaims de gros insectes velus emplissent d’un bourdonnement intense et continu. La chaleur était étouffante. Précédant Flaminia et Boz, Léonide Massine marchait de son pas de jeune fille agile et joyeux et de temps en temps tournait vers eux son profil sec, ironique, qu’illuminait un sourire ambigu et puéril. Puis peu à peu un enduit de poussière et de sueur couvrit son corps à demi nu, la poitrine large, les jambes lisses et brillantes, et pour finir, le visage coupant disparut lui aussi sous un masque de boue jaune. Flaminia également portait ce même masque de boue, et Boz était heureux, s’imaginant participer à un jeu enfantin mystérieux, tenir le rôle d’un héros ou d’un dieu dans une légende pour tout petits. Il marchait en tenant Flaminia par la main ; tout à coup il se mit à courir et il était heureux de se présenter devant les temples avec ce masque de boue jaune sur le visage.



    Curzio Malaparte, L’Excursion, Éditions Nous, Collection Via, 2012, pp. 24-25-26-27. Traduit de l’italien par Georges Piroué.





    CURZIO MALAPARTE


    Curzio Malaparte
    Source



    ■ Curzio Malaparte
    sur Terres de femmes

    9 juin 1898 | Naissance de Curzio Malaparte (+ extrait du Soleil est aveugle)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Mémoire d’Europe)
    Curzio Malaparte : Une bien belle excursion





    Retour au répertoire du numéro de juillet 2012
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)


    » Retour Incipit de Terres de femmes