Étiquette : 2013


  • Jordi Pere Cerdà | Un vent végétal


    ECORCE
    el fil llunyà
    que aparenta la pell
    amb l’escorça de l’arbre
    Ph., G.AdC








    UN VENT VEGETAL




    Un vent vegetal passeja
    ses arrels sobre el meu rostre
    cercant el fil llunyà
    que aparenta la pell
    amb l’escorça de l’arbre.
    Llepa pausadament
    amb carícia llarga,
    repetida, infinita,
    feta d’escuma densa,
    de bravor blanejada,
    de granes que parteix
    l’impuls pesent del viure.
    Jo em sento al ventre el part
    anguniós del mascle,
    un borronar de sang
    enrogint l’arç del goig.
    Ensems un vast deliqui
    ve a entebeir la terra
    molla de neus passades ;
    em sadolla un desmai,
    per la barra dels ossos,
    com una morta secreta,
    com un viure immortal.







    UN VENT VÉGÉTAL




    Un vent végétal promène
    ses racines sur mon visage
    cherchant le fil lointain
    qui apparente la peau
    à l’écorce de l’arbre.
    Il me lèche lentement
    d’une caresse longue,
    répétée, infinie,
    faite d’écume dense,
    d’ardeur contenue,
    de graines fendues
    sous le poids de l’élan vital.
    Je sens à mon ventre la naissance
    tourmentée du mâle,
    un bourgeonnement de sang
    qui fait rougir la ronce de mon plaisir.
    En même temps une vaste extase
    vient tiédir la terre
    humide des neiges passées ;
    je suis comblé par un vertige
    qui traverse mes os,
    comme une mort secrète,
    comme une vie immortelle.




    Jordi Pere Cerdà, La Peau de Narcisse [La Pell del Narcís, Poesia completa, Viena Edicions, Barcelone, 2013] in Comme sous un flot de sève, anthologie poétique (édition bilingue catalan-français), Œuvres poétiques | Domaine catalan, éditions La Rumeur libre, collection La Bibliothèque, 2020, pp. 64-65. Traduit du catalan par Étienne Rouziès.






    Cerda




    JORDI PERE CERDÀ


    Jordi Pere Cerda
    Source


    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Comme sous un flot de sève
    → (sur le site de France Culture)
    Surpris par la nuit – Jordi Pere Cerdà, poète catalan (1re diffusion : 20/12/2001), par Jean-Baptiste Para – Avec Jordi Pere Cerdà, Lionel Richard (universitaire) et Marie-Claire Zimmerman (critique littéraire) – Réalisation Viviane Noël





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  • Claude Vigée | Soufflenheim


    SOUFFLENHEIM 1




    Sans lit, sans fond
    la rivière du souffle coule
    invisible,
    sous la grange de brique ancienne,
    la demeure du temps.

    Ceux qui sont nés dans la boue adamique du Ried 2
    sont voués pour toujours au travail double
    du potier et du poète :
    pétrir la pâte terrestre, modeler la glaise informe,
    et puis germer dans la lumière matinale,
    inventer les formes justes qui respirent,
    réussir l’insufflation soudaine du vide
    au cœur de la tourbe charnelle,
    dans cette masse de limon lourde et mouillée,
    ruisselante d’une opaque noirceur !

    Tout lieu natal est travaillé
    par la rivière du souffle
    débordant sur l’obscur continent souterrain :
    la matrice de l’origine
    devient le globe
    encore lourdement chtonien,
    mais déjà rayonnant,
    d’un vase.
    Il résonne au milieu du feu
    qui le peuple et l’enserre :
    espace de musique habitable,
    île de terre
    ferme, où l’esprit-saint s’est pris soudain au piège
    entre les parois rondes et sonores
    dont la ténèbre a bu les vibrantes couleurs.
    Voici notre maison nouvelle
    modelée dans la face humaine :
    devant un ciel d’oiseaux tissés dans les nuages,
    l’haleine d’un visage.

    Heimat des Hauches, endlos 3
    sans rives ni frontières
    la rivière du souffle coule
    taciturne, sous la chape d’argile crue,
    la demeure du sang.
    Le corps muet me tourne sur sa roue.
    J’habite la maison d’un potier du silence.




    Claude Vigée, Pâque de la parole [Paris, Flammarion, 1983], in L’homme naît grâce au cri, poèmes choisis (1950-2012), édition établie, présentée et annotée par Anne Mounic, Points Poésie, 2013, pp. 193-194.



    ____________
    1. Soufflenheim : ville du Bas-Rhin, cité des potiers.
    2. Ried : marais rhénan, planté de roseaux.
    3. Patrie du souffle, infinie.







    Claude Vigée, L'homme naît grâce au cri,





    CLAUDE VIGÉE (1921-2020)


    Claude Vigée 2
    Source




    ■ Claude Vigée
    sur Terres de femmes


    L’amandier sous la lune (extrait d’Apprendre la nuit)
    Rien n’est jamais perdu (extrait de Poèmes de l’Été indien)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Claude Vigée
    un site sur Claude Vigée





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  • 30 juillet 1818 | Emily Brontë & Lydie Salvayre

    Éphéméride culturelle à rebours



    Le 30 juillet 1818 naît à Thornton, dans le Yorkshire, Emily Jane Brontë. Très tôt orpheline, Emily (et sa fratrie — Anne, Branwell et Charlotte) grandit sous la rude morale du Révérend Brontë et celle de sa tante, Mrs Gaskell. Le seul moyen d’échapper tant soit peu à cette tutelle, les enfants le trouvaient dans d’infatigables courses à travers la lande de Haworth. Et, le soir venu, dans les ouvrages qu’ils puisaient dans la bibliothèque paternelle. Shakespeare, Byron, Walter Scott… Et la Bible, aussi, bien sûr. Ensemble, ils formaient un monde à part. Un monde de solitude et d’imagination. Ils s’étaient inventé des royaumes. Celui d’Angria pour Charlotte et Branwell. Celui de l’île de Gondal pour Emily et Anne. Emily gardera jusqu’à sa mort, survenue en 1848, la marque profonde de l’enfance à laquelle elle est restée très attachée. Ses poèmes, dont l’écriture est consignée dans de minuscules carnets, s’inspirent de l’univers de Gondal dont on retrouve également des traces dans l’unique roman que la poète a eu le temps d’écrire : Wuthering Heights / Les Hauts de Hurlevent. Écrit à Haworth en 1846 et publié en 1847, le roman remporte un vif succès et assure dès sa publication une solide notoriété à la jeune romancière.

    AP





    Lydie Salvayre  Sept femmes 1








    EXTRAIT D’EMILY BRONTË (SEPT FEMMES) DE LYDIE SALVAYRE



    Un jour d’automne 1846, Charlotte découvre, émerveillée, des poèmes écrits en cachette par Emily.
    Devant ce qu’elle regarde comme une intrusion inadmissible, Emily, à son habitude, explose de colère et fait claquer les portes, puis, à son habitude, se laisse attendrir par l’ardeur généreuse de sa sœur aînée.
    Après de chuchotants conciliabules, Charlotte, qui n’a nullement renoncé à ses ambitions littéraires, persuade Emily et Anne de réunir un choix de leurs meilleurs poèmes et de les envoyer à une maison d’édition. Les trois sœurs, fervemment, se mettent à l’ouvrage et renvoient leur recueil à MM. Aylott et Jones, éditeurs à Londres.
    Et le miracle a lieu.
    Les éditeurs répondent favorablement, c’est à ne pas y croire. Leurs prières pressantes ont été exaucées. Et le livre Poems paraît en 1846 sous les pseudonymes de Currer, Ellis et Acton Bell.
    Les trois filles éprouvent une joie insensée, une joie comme en n’en connaît que deux ou trois dans une vie, une joie qu’elles doivent contenir parce que la chose à Haworth doit demeurer secrète mais que la contention, délicieusement, exaspère.
    Des colloques par signes, de petits rires entendus, des regards échangés qui flambent de malice, une inflexion enjouée imperceptible à qui n’est pas dans la confidence, des parlotes chuchotées dans la cuisine où Branwell et le père ne pénètrent jamais, telles sont les seules manifestations qu’elles s’autorisent.
    Mais dans leur cœur, c’est l’Amérique.

    Deux exemplaires de Poems sont vendus la première année. C’est peu, mais c’est suffisant pour ranimer les rêves et les folles espérances des trois sœurs qui vont dès lors se jeter avec toute la fougue (ou si l’on veut toute la libido) de leur jeunesse dans l’écriture romanesque.
    Charlotte va écrire Le Professeur, Anne Agnes Grey, et Emily, Les Hauts de Hurlevent, dont le héros inoubliable répond au nom de Heathcliff.
    Heathcliff, heath bruyère et cliff falaise,
    Heathcliff, le ciel et l’enfer, le Bien et le Mal, la grâce et la laideur.
    Heathcliff passionné, excessif, sexy à mort (dans mes imaginations lubriques, je lui prête les traits de Laurent Terzieff, mon idole du moment), dont le seul regard fait tomber les femmes en catalepsie (James Dean peut aller se rhabiller) et qui renvoie à leur fadeur tous les personnages romanesques faits de pâte molle, comme il en pleut.
    Heathcliff intransigeant, comme moi me dis-je. Solitaire, comme moi me dis-je. Dur à la douleur, comme moi. Orgueilleux, comme moi. D’une sensibilité si vive qu’elle peut sembler une arrogance. Comme moi, comme moi.
    Heathcliff c’est moi. Sa nature est la mienne. Révélation.
    Du coup je me coiffe à la diable.
    Je fais la gueule.
    Je traumatise mes camarades de classe en déclarant que Gilbert Cesbron : c’est de la merde.
    Je me souviens qu’un samedi soir, alors que je me suis préparée pour aller à la fête d’Auterive avec mon amie Monique Mascarin, mon père m’interdit de sortir. Je m’enferme dans ma chambre, ouvre la fenêtre et menace de me jeter dans le vide. Mon père cède. Heathcliff c’est moi.
    En partant, je déclare, théâtrale, que je ne refoutrai plus les pieds dans sa baraque (j’envisage de m’enfuir à Cadaqués dont ma cousine m’a chanté les louanges).
    Durant la semaine, à l’étude du soir, je me mure dans un silence plein de mélancolie. Ou j’écris des horreurs sur un cahier que je ne montre à personne.
    Je m’exagère considérablement le malheur d’être née dans une famille pauvre et qui, pire encore, s’exprime dans une langue lamentable, charabia de français mâtiné d’espagnol dont il m’arrive à ma grande honte de reproduire les incorrections (d’où une angoisse à parler en public qui ne m’a jamais quittée).
    Heathcliff c’est moi.



    Lydie Salvayre, « Emily Brontë », Sept femmes, éditions Perrin, 2013 ; Collection Points, 2014, pp. 40-43.





    Lydie Salvayre  Sept femmes



    EMILY JANE BRONTË


    Emily Brontë
    Patrick Branwell,
    Portrait of Emily Brontë
    oil on canvas, circa 1833
    (546 mm x 349 mm)
    National Portrait Gallery, London
    Source





    ■ Emily Jane Brontë
    sur Terres de femmes


    30 juillet 1818 | Naissance d’Emily Jane Brontë (+ un extrait de Wuthering Heights)
    27 juillet 1839 | Mild the mist upon the hill (poème d’Emily Jane Brontë)







    LYDIE SALVAYRE


    Lydie Salvayre Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Lydie Salvayre
    sur Terres de femmes


    2 septembre 1969 | Lydie Salvayre, BW





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  • Michel Baglin | À quai


    À QUAI




    Désormais j’entre dans les gares
    par effraction, par l’arrière,
    du côté des grelots des passages à niveau,
    du côté des friches rebelles,
    des voies déposées,
    des wagons à l’abandon
    sombrant dans les herbes folles
    et les souvenirs qui s’éteignent.

    J’avance en me demandant
    à qui peuvent bien parler
    la maison du garde-barrière
    et son jardin en jachère,
    à qui tout ceci saurait-il en secret
    raconter encore
    des histoires de trains fous,
    ou pousser des gosses
    à se tordre les pieds
    sur les cailloux du ballast
    jusqu’au dépôt déserté,
    jusqu’aux carcasses de la casse
    où l’on s’initie à tout âge
    au grand voyage.

    Sous les horloges des quais,
    j’avance dans le silence
    des horaires suspendus.
    Faute de remonter le temps,
    je remonte les trains.
    Je n’attends rien.
    Plus personne n’en descendra.
    Ma vie est faite.




    Michel Baglin, « Faux départs », Un présent qui s’absente, éditions Bruno Doucey, 2013, pp. 43-44.





    Michel Baglin  Un présent qui s'absente




    MICHEL BAGLIN (1950-2019)


    Michel Baglin
    Ph : David Bécus
    Source





    ■ Michel Baglin
    sur Terres de femmes


    Sentier d’automne (poème extrait de L’Obscur Vertige des vivants et autres approches)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    Un présent qui s’absente, Entre les lignes (lecture de Philippe Leuckx)
    → (sur La Pierre et le Sel)
    un entretien avec Michel Baglin (17 mai 2013)
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Michel Baglin
    → (sur Esprits Nomades)
    une page sur Michel Baglin





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Arnaud Beaujeu | Ouvrir une fenêtre sur un soleil d’été




    FENETRE Guidu
    Ph. angèlepaoli








    OUVRIR UNE FENÊTRE SUR UN SOLEIL D’ÉTÉ




    Ouvrir une fenêtre sur un soleil d’été, dormir sous un cyprès, s’en aller
    de l’autre côté de la mer, où la lumière peut s’arrêter,

    [où la lumière est un mystère,       éveillé

    Et dormir à la belle étoile, écrire des nuits entières, s’en aller

    Plonger dans le bleu du ciel ou s’y jeter sans ailes — au milieu —
    s’élever dans les airs, rutilances légères, amoureux

    Marcher au bord d’un lac de pierre et de désert, s’en aller
    peut-être ou bien rester auprès du cirque des montagnes,

    [s’arrêter
    sans savoir ni que faire… ou aller
    pour reprendre la route au mystère, et rester

    La ligne bleue d’azur où point un œil tout bleu
    >



    Arnaud Beaujeu, in « Couleurs, Lumière », Thαumα n° 11, Revue de philosophie et de poésie, La Compagnie des Argonautes, 2013, page 191.





    Thauma bis




    ARNAUD  BEAUJEU


    Arnaud Beaujeu





    ■ Arnaud Beaujeu
    sur Terres de femmes


    « La lumière et les mots »




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    Arnaud Beaujeu, Fleur d’encre (+ une notice bio-bibliographique)
    → (sur Terres de femmes)
    « Oiseaux », Thαumα, Revue de philosophie et poésie





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  • Lyonel Trouillot | [C’est la fin. L’aube approche]



    [C’EST LA FIN. L’AUBE APPROCHE]



    C’est la fin.
    L’aube approche.
    Je n’ai plus les jambes qu’il faut pour protéger ta liberté.
    J’ai vu assez de noces et boucheries,
    assez d’épreuves et de victoires,
    assez de gestes tendres et de désespérance.
    J’ai fait mon temps.
    Nous avons souvent couru d’un littoral à un autre,
    mais je n’ai pas pris le temps de regarder la mer.
    Je la verrai enfin.
    Tout à l’heure, tu m’aideras à m’installer face à la mer,
    et tu marcheras seule vers la conquête de ton essence.




    Lyonel Trouillot, Le Doux Parfum des temps à venir, éditions Actes Sud, Collection Essences, 2013, page 52.






    Trouillot montage nb





    LYONEL TROUILLOT


    Lyonel-Trouillot_3197
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Actes Sud)
    une page sur Lyonel Trouillot






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  • Peter Gizzi | Scratch Ticket



    SCRATCH TICKET




    Confetti in April
    Confetti in May

    This was the last party
    the animal sun asleep

    O stymie dewy surprising thing
    Leaf, you have arrived again

    The web is on the vine
    and the cricket clicks

    If the blue toned arc
    inside the vender’s luck

    If time itself doubled back
    and unwound the string

    How is it this afternoon
    being wide be also crystal —

    the total vista bright
    Let this and that begin

    O wind remember the tune
    Bird, enough of your trill





    Peter Gizzi, The Outernationale, Wesleyan University Press, Middletown, CT 06459, 2007, pp. 17-18.







    Gizzi couv








    AU GRATTAGE




    Confetti en avril
    Confetti en mai

    C’était la dernière fête
    le sommeil du soleil animal

    Ô chose mouillée trouée surprise
    Feuille, te revoilà

    La toile est sur la vigne
    et le criquet clique

    Si l’arc aux tons bleus
    dans la chance du vendeur

    Si le temps lui-même faisant demi-tour
    et déroulant sa corde

    Comment se fait-il que cet après-midi
    bien qu’immense soit aussi cristallin —

    la perspective totale et lumineuse
    Que ceci et cela commencent

    Ô vent souviens-toi de la musique
    Oiseau, ça suffit tes trilles





    Peter Gizzi, L’Externationale, Éditions Corti, Série américaine, 2013, pp. 25-26. Traduction de Stéphane Bouquet.






    Peter Gizzi  L'Externationale




    PETER GIZZI


    Peter Gizzi_NewBioImage_Credit-ElizabethWillis
    Ph. D.R. Elizabeth Willis
    Source





    ■ Peter Gizzi
    sur Terres de femmes


    Bolshevescent (autre poème extrait de The Outernationale)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur poets.org)
    une notice bio-bibliographique sur Peter Gizzi
    → (sur YouTube)
    une lecture par Peter Gizzi de huit poèmes extraits de The Outernationale et leur traduction en français (sauf le dernier) par Stéphane Bouquet (“Une panique qui peut encore me tomber dessus”, 1.2.3.4.5 + “Spectre sans titre d’Amherst” + “Un jardin occidental” + “L’Externationale”) [gale­rie éof, 15, rue Saint-Fiacre – 75002 Paris | 29 mai 2012]






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  • Jean Poncet | Sormiou



    SORMIOU




    Cendres tièdes encore
    sur le chemin bleu

    Tout au bout
    à l’aplomb du roc
    le ressac
    bat la chamade

    Pour la première et l’ultime fois

    Pluie grise
    du souvenir

    flotte dans l’air
    puis
    s’en va

    spirales inéluctables

    à la rencontre des
    posidonies



    Jean Poncet, « Marseille, une vie », Des lieux et des hommes, in Lumière du silence, précédé de Des lieux et des hommes, Jacques André éditeur, Collection Poésie XXI, 2013, page 19.






    Jean Poncet  Lumière du silence





    JEAN PONCET


    Jean Poncet
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Lumière du silence par Max Alhau





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  • Février 2012, Oran | François Beaune, La Lune dans le puits

    Éphéméride culturelle à rebours



    ORAN, FÉVRIER 2012



    En 2001, me raconte Abdeslam dans un restaurant de poissons vide, je suis rédacteur en chef de La Voix de L’Oranie, un petit canard sans prétention.

    Ce jour-là, on m’annonce qu’il y a eu un massacre dans le village de Granin, près d’Arzen. Je m’y rends de très bon matin, et je prends avec moi un appareil photo, car je fais aussi des photos pour le journal.

    On arrive au village. Les gens m’embrassent pour les condoléances. Ils me disent tous que leurs fils ne sont pas morts égorgés, mais par balles. Et on sent qu’ils veulent s’en convaincre. Pour éviter la culpabilité, par déni, pour ne pas penser à leurs souffrances. Des couteaux aiguisés ont pu faire souffrir la victime, et plus elle souffre, plus elle est lavée de ses péchés.

    Je me rends au carrefour où selon mes sources dix personnes ont été égorgées. Les terroristes ont établi un faux barrage et ont tué les passagers d’un Karsan Peugeot, un genre de minibus. En effet le Karsan est bien là, ainsi qu’une voiture et une moto. Il y a du sang partout, une casquette, un paquet de cigarettes ouvert. Les gens ont été massacrés à la pioche, à la hache et ensuite au couteau. Ceux qui n’ont pas résisté ont été sacrifiés comme des moutons. Les autres ont tenté de lutter. Deux gars d’Arzen, qui allaient assister à un mariage, ont été éventrés et énucléés. Je fais des photos.

    Arrive une 4L. Deux jeunes hommes devant, et une femme à l’arrière. Elle a un certain âge. Les jeunes lui montrent une tache de sang, entre deux palmiers nains : c’est ici, expliquent-ils.

    Elle plonge sur l’endroit et se met à embrasser la flaque séchée. Ses doigts s’enfoncent dans la terre. Elle relève la tête, le soleil passe à travers les aiguilles du tamaris, et là je rate la photo de ma vie, mais je n’ose pas, la douleur de cette dame, dans le sang de son fils, me touche au fond du cœur, et j’ai peur de m’en prendre à son âme.



    François Beaune, La Lune dans le puits, Histoires vraies de Méditerranée, éditions Gallimard, Collection Verticales, 2013 ; éditions Gallimard, Collection folio, n° 6289, 2017, pp. 350-351.






    François Beaune  La Lune dans le puits






    FRANÇOIS BEAUNE


    François Beaune
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur La Lune dans le puits de François Beaune




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  • Fadwa Souleimane | [pluie sur pluie]




    [PLUIE SUR PLUIE]




    pluie sur pluie
    argile sur argile
    elle inclina sa nuque au vent
    et son buste devant le tronc d’un arbre mûr
    ses genoux elle les plia devant les cailloux
    et son front elle l’abaissa devant la terre
    elle offrit ses doigts aux abeilles
    ses dents à la vérité
    ses chansons aux roseaux
    et ses pieds aux racines
    elle donna son sang pour la noce du pollen
    et laissa tomber sa chevelure sur le récit



    Fadwa Souleimane, À la pleine lune, Poésie [éditions Dar Al Ghawoun, Beyrouth, 2013], Éditions Le Soupirail, 2014, page 58. Traduction de l’arabe (Syrie) par Nabil El Azan. Préface de Brigitte Rémer.







    Fadwa Souleimane  A la pleine lune 2






    FADWA SOULEIMANE [SULEIMANE]


    Fadwa Sète




    ■ Fadwa Souleimane
    sur Terres de femmes

    Dans l’obscurité éblouissante (extrait de Dans l’obscurité éblouissante)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche sur À la pleine lune
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture d’À la pleine lune par Georges Guillain
    → (sur le site Les Découvreurs)
    d’autres extraits d’À la pleine lune [PDF]
    → (sur le site Les Découvreurs)
    disparition de Fadwa Souleimane, preuve de lumière et de nuit





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