Étiquette : 2013


  • Katerina Anghelàki-Rooke | L’autre Pénélope






    Η ΑΛΛΗ ΠΗΝΕΛΟΠΗ



    Μέσ’ απ’ τις ελιές έρχεται η Πηνελόπη
    με τα μαλλάκια της όπως όπως μαζεμένα
    κι ένα φουστάνι απ’ τη Λαϊκή,
    μπλε μαρέν με άσπρα λουλουδάκια.
    Μας εξηγεί πως δεν ήταν από προσήλωση
    στην ιδέα «Οδυσσέας»
    που άφηνε τους μνηστήρες χρόνια
    να περιμένουν στο προαύλιο
    των μυστικών συνηθειών του κορμιού της.
    Εκεί στο παλάτι του νησιού
    με τους φτιαχτούς ορίζοντες
    μιας γλυκερής αγάπης
    και το πουλί απ’ το παράθυρο
    να συλλαμβάνει μόνον αυτό, το άπειρο
    είχε ζωγραφίσει εκείνη με τα χρώματα της φύσης
    την προσωπογραφία του έρωτα.
    Καθιστός, το ένα πόδι πάνω στ’ άλλο
    βαστώντας μια κούπα καφέ
    πρωινός, λίγο μουτρωμένος, λίγο χαμογελαστός
    να βγαίνει ζεστός απ’ τα πούπουλα του ύπνου.
    Η σκιά του στον τοίχο
    σημάδι από έπιπλο που μόλις το σήκωσαν
    αίμα από αρχαίο φόνο
    μοναχική παράσταση του Καραγκιόζη
    στο πανί, πίσω του πάντα ο πόνος.
    Αχώριστοι ο έρωτας κι ο πόνος
    όπως το κουβαδάκι κι ο μικρός στην αμμουδιά
    το αχ! κι ένα κρύσταλλο που γλίστρησε απ’ τα χέρια
    η πράσινη μύγα και το σκοτωμένο ζώο
    το χώμα και το φτυάρι
    το γυμνό σώμα και το σεντόνι τον Ιούλιο.

    Κι η Πηνελόπη που ακούει τώρα
    την υποβλητική μουσική του φόβου
    τα κρουστά της παραίτησης
    το γλυκό άσμα μιας ήσυχης μέρας
    χωρίς απότομες αλλαγές καιρού και τόνου
    τις περίπλοκες συγχορδίες
    μιας άπειρης ευγνωμοσύνης
    για ό,τι δεν έγινε, δεν ειπώθηκε, δε λέγεται
    νεύει όχι, όχι, όχι άλλο έρωτα
    όχι άλλο μιλιές και ψιθυρίσματα
    αγγίγματα και δαγκώματα
    φωνούλες στα σκοτάδια
    μυρωδιά από σάρκα που καίγεται στο φως.
    Ο πόνος ήταν ο μνηστήρας ο πιο εκλεκτός
    και του ’κλείσε την πόρτα.







    L’AUTRE PÉNÉLOPE



    À travers les oliviers vient Pénélope
    avec ses cheveux attachés à la va-vite
    et une robe achetée au marché
    bleu marine avec des petites fleurs blanches.
    Elle nous explique que ce n’était pas par dévouement
    à l’idée « Ulysse »
    qu’elle laissait les prétendants pendant des années
    attendre sur le parvis
    des habitudes secrètes de son corps.
    Là-bas dans le palais de l’île
    avec les horizons factices
    d’un amour doucereux
    et l’oiseau qui par la fenêtre
    ne conçoit que ça, l’infini
    elle avait dessiné elle-même avec les couleurs de la nature
    le portrait de l’amour.
    Assis, une jambe croisée sur l’autre
    tenant sa tasse de café
    matinal, un peu boudeur, un peu souriant
    sortant tout chaud des plumes du sommeil.
    Son ombre sur le mur
    marque d’un meuble qu’on vient juste d’enlever
    sang d’un meurtre ancien
    unique représentation de théâtre d’ombre
    sur la toile, derrière lui toujours le chagrin
    comme le petit seau et le gamin sur le sable
    le ah ! et un cristal qui nous a glissé des mains
    la mouche verte et l’animal tué
    la terre et la bêche
    le corps nu et le drap de juillet.

    Et Pénélope qui écoute maintenant
    l’impressionnante musique de la peur
    les percussions de la démission
    le doux chant d’une journée tranquille
    sans changements brutaux de temps et de ton
    les accords compliqués
    d’une immense reconnaissance
    pour ce qui n’a pas été, n’a pas été dit, ne se dit pas
    secoue la tête non, non, non, pas d’autre amour
    plus de paroles et de chuchotements
    de frôlements et de morsures
    de petits cris dans l’obscurité
    d’odeur de chair qui brûle à la lumière.
    Le chagrin était le prétendant le plus exquis
    et elle lui a fermé sa porte.




    Katerina Anghelàki-Rooke, Beau désert, la chair [Ωραία έρημος η σάρκα] in Poèmes 1986-1996, Éditions Kastaniotis, Athènes, 1996. In Ce que signifient les Ithaques, 20 poètes grecs contemporains, anthologie bilingue, Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne | Diffusion Le Temps des Cerises, 2013, pp. 42-43. Choix et traduction Marie-Laure Coulmin Koutsaftis.






    Ce que signifient les Ithaques




    ΑΓΓΕΛΑΚΗ-ΡΟΥΚ ΚΑΤΕΡΙΝΑ (1939-2020)


    Angelaki NB
    Source




    ■ Katerina Anghelàki-Rooke
    sur Terres de femmes


    L’anorexie de l’existence
    18e jour ou l’ordre nouveau des choses (extrait de Nature vide) [+ une notice bio-bibliographique]



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Katerina Anghelàki-Rooke lit un poème extrait de son dernier recueil





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  • Philippe Beck | Lyre d’&  XIV

    «  Poésie d’un jour »


    Dizaine « Philippe Beck » sur TdF


    Agenda culturel :
    « Philippe Beck, un chant objectif aujourd’hui »
    (Colloque de Cerisy – 26 août | 2 septembre 2013)






    LYRE D’& XIV




    Une lyre loin, que dit-elle ?
    Elle fait un bruit de corde de mer,
    le chant-courrier des vagues dessous,
    harpe d’ondes vers le nom-cercle,
    comme une grille libre d’images.
    Elle lance la tresse de mots
    d’eau et d’air vers
    famille portée.
    Dicter = composer ;
    décrire = copier ;
    papier = balbutier,
    et enformer, débriser,
    après Villon.
    Comme pluie-soleil
    et hommage.
    Bien.
    Elle soigne
    des pensées,
    des fleurs dehors
    ou dessous.
    Des enveloppes claires
    comme demi-cercle
    + demi cercle
    ou convexe + concave
    pour un ovale.
    Il y a des bouquets de signes
    bien rythmés,
    un navire,
    le cueur plantif
    et invocatif,
    un poème de temps
    rudement fait
    plutôt qu’un rommant.
    Il fait des notices
    et un Livre Hystorial.

    Tu accommodes le Livre
    qui passe dans la distance.
    Opticienne au bain
    révélateur.
    Dans les plis de l’eau passante.
    Je veille.




    Philippe Beck, Lyre Dure, Éditions Nous, 2009, pp. 73-74.





    PHILIPPE BECK


    Philippe Beck





    ■ Philippe Beck
    sur Terres de femmes


    Boustrophes, « Variation XIII »
    Chambre à roman fusible [XXXIV. « Fermeture-phénomène »]
    Dans de la nature, 87
    De la Loire [Vague de pierre 36]
    Les murs capitonnés (extrait de Poésies didactiques)
    Les variations poétiques de Philippe Beck ou le tempo universel du monde (chronique de Sylvie Besson)
    Poésies premières (lecture de Tristan Hordé)
    Pages vertes (un extrait de Rude merveilleux, in Poésies premières)
    Pré-journal II (extrait de Un journal)
    Rêve (poème extrait de Chants populaires)
    Suie (poème extrait de Chants populaires)
    [Tout a lieu] (poème extrait de Aux recensions)
    22 octobre 2005 | Philippe Beck, Un journal
    28 janvier 2006 | Philippe Beck, Un journal



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    un entretien entre Philippe Beck, Tiphaine Samoyault et Martin Rueff autour de Lyre Dure (21 janvier 2010)
    (sur remue.net) un dossier consacré à Philippe Beck
    → (sur le site du Centre Atlantique de Philosophie)
    une page consacrée à Philippe Beck
    → (sur Lyrikline)
    Philippe Beck dit deux de ses poèmes
    → (sur Dailymotion)
    Philippe Beck lit des extraits de son recueil Lyre Dure





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  • Raphaël Monticelli, Terres de l’enfuie






    TERRES DE L’ENFUIE, VIII, IX, X




    VIII


    Le ciel de ce pays est tout d’un bloc
    la nuit s’y effondre donc dans le silence de la tentation du monde
    sans préalable
    elle s’échappe sans effet d’annonce et sans bruit
    l’étalement des soubresauts du monde
    c’est la
    nuit c’est le jour
    tout simplement et leur douloureuse expansion
    le pédoncule tendu d’une fleur de sorbier





    IX


    Quand les eaux et les terres de ce pays se réunissent
    les porteuses d’eau de terre et de pain
    se dirigent lentement vers la rivière
    le ciel n’est alors jamais trop loin avec ses airs de femme
    leur tête se dresse
    et frémit d’émoi sous le poids des vases de cuivre et des sacs
    de toile
    on dit aussi qu’au fond des puits sont conservés
    de grands secrets et mille oiseaux soudain s’affolent
    autour des pistils de la valériane





    X


    Il y a dans ce pays des voies déroutées et des canaux sans but
    écoute les coups redoublés des eaux sur mes rives
    le réseau en est si dense cependant
    que l’on se trouve toujours où l’on veut se rendre
    dans l’odeur musquée de la phalliphore



    Raphaël Monticelli, Terre de l’enfuie in Mer intérieure, Éditions La passe du vent, Collection Poésie, 2013, pp. 23-24-25.






    Raphaël Monticelli, Mer intérieure







    RAPHAËL MONTICELLI


    Raphaël Monticelli par Marc Monticelli
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Alain Freixe & Raphaël Monticelli | Chère
    → (sur le site des éditions L’Amourier)
    une fiche bio-bibliographique sur Raphaël Monticelli
    → (sur remue.net)
    L’écriture en Bribes de Raphaël Monticelli (Jean-Marie Barnaud – 28 février 2011)





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  • Cécile Oumhani | [j’ai marché dans l’ignorance]






    [J’AI MARCHÉ DANS L’IGNORANCE]



    Par des ruelles que sculptent
    les feux du ciel
    j’ai marché dans l’ignorance
    fermé le sillage du passé
    inversé l’axe des plantes

    défaire le tumulte des voix
    que taraude la nudité du cri
    dépouillé de son écorce

    la douceur du verbe
    inflige une mort silencieuse

    les globes des yeux aveugles
    ont la froideur des statues

    ils érigent le mensonge
    et l’autel blanchi où reposent
    les corps inachevés du désir




    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres, Éditions Al Manar | Alain Gorius, 2013, page 30.





    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres







    CÉCILE OUMHANI


    Cecile_oumhani



    ■ Cécile Oumhani
    sur Terres de femmes

    Interview de Cécile Oumhani par Rodica Draghincescu
    (+ Bio-bibliographie)

    Aux prémices du sable (poème extrait de Chant d’herbe vive)
    Le Café d’Yllka (note de lecture d’AP)
    [Dès l’aube ils s’interpellent] (poème extrait de Cités d’oiseaux)
    Éclats de rêves (poème extrait d’Au miroir de nos pas)
    Rêves de draps (extrait de Mémoires inconnues)
    Ne craignons pas la nuit (poème extrait de Chant d’herbe vive)
    La Nudité des pierres (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Temps solaire, III (poème extrait de Temps solaire)
    Touching land (poème extrait de Passeurs de rives)
    [S’abandonner au sommeil] (extrait de Tunisie, Carnets d’incertitude)
    Avant-propos de Lalla ou le chant des sables d’Angèle Paoli
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Manhattan redux
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Cécile Oumhani, « Seuils possibles », Revue Confluences Méditerranée n° 22, été 1997



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Babelmed)
    « Cécile Oumhani, à la croisée des mots et des imaginaires »
    → (sur le site Babelmed)
    “Plus loin que la nuit”, entretien de Cécile Oumhani avec Nathalie Galesne (2 décembre 2007)
    → (sur le site Babelmed)
    Méditerranée / Panorama de la littérature tunisienne de langue française, par Jalel El Gharbi
    → (sur Encres vagabondes)
    un entretien de Cécile Oumhani avec Brigitte Aubonnet (novembre 2007)
    → (sur le site de Rafik Darragi)
    Nocturnes (la nuit dans l’œuvre de Cécile Oumhani)
    → (dans la Poéthèque du Printemps des poètes) une
    fiche bio-bibliographique sur Cécile Oumhani
    → (sur Levure littéraire) Sous le « bleuté des plis de la nappe », d’admirables ciselures (note de lecture d’AP sur L’Atelier des Strésor)
    → (sur Revue Texture)
    Cécile Oumhani : La Nudité des pierres (lecture de Max Alhau)
    → (sur Levure Littéraire n° 7)
    Sous le « bleuté des plis de la nappe », d’admirables ciselures (note de lecture d’AP sur L’Atelier des Strésor de Cécile Oumhani)





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  • Martine Morillon-Carreau | [Chant premier de la mer]






    Accorder [... son attente aux évocations des pierres
    Ph., G.AdC







    [CHANT PREMIER DE LA MER]



    Chant premier de la mer
    pur chant de sablier
    à la juste renverse
    de sa vague

    Parole ou bruit

    la question

    comme la soif
    de qui ne saurait boire
    que ses larmes

    reste inextinguible

    Demeure
    la joie
    pour le marcheur

    une joie
    de jour nouveau

    accorder
    son souffle
    à cette respiration

    son attente
    aux évocations des pierres




    Martine Morillon-Carreau, Pierres d’attente, Éditions du Petit Pavé, Collection Le Semainier, 2013, page 63.





    Pierres d'attente







    MARTINE MORILLON-CARREAU


    Martine Morillon-Carreau




    ■ Martine Morillon-Carreau
    sur Terres de femmes

    [La route reconnue du fond de l’enfance] [poème extrait de Poéclats (Caprice avec des ruines)]
    [Éteintes elles se sont éteintes] (poème extrait de Poésie L’Éclair L’Éternité)



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Martine Morillon-Carreau
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Martine Morillon-Carreau





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  • Jacques Ancet | On voit toujours







    Ensuite, on ne voit plus.
    Ph., G.AdC






    ON VOIT TOUJOURS les yeux brillants, les mains tendues. On voit le sourire. On sent les bras qui vous serrent, la chaleur de l’étreinte. Ensuite, on ne voit plus. On ne sent plus. On a un vide dans les yeux et trop d’air entre les doigts. Un pâle soleil traverse la vitre. On ne sait plus si on est là, ou là-bas. La pièce est blanche. On voit le même soleil, mais les mains sont posées, immobiles. La bouche est entr’ouverte. On n’entend plus rien qu’un peu de souffle éparpillé. Quelqu’un s’en va. On s’approche. On ne sent plus la chaleur. On ne voit plus les yeux.




    SEGUIMOS VIENDO esos ojos brillantes, esas manos tendidas. Vemos esa sonrisa. Sentimos los brazos que nos rodean, el calor del abrazo. Luego, dejamos de ver. Dejamos de sentir. Hay un vacío en los ojos y demasiado aire entre los dedos. Un sol pálido atraviesa el cristal. Ya no sabemos si estamos aquí o allá. La habitación es blanca. Vemos el mismo sol, pero las manos reposan, inmóviles. La boca está entreabierta. Apenas oímos una respiración desordenada. Alguien se marcha. Nos acercamos. Ya no sentimos el calor. Ya no vemos los ojos.



    Jacques Ancet, Puesto que él es este silencio. Prosa para Henri Meschonnic. Edición bilingüe, Editorial Salto de página, Colección Poesía 09, 2013, pp. 54-55. Traducción de Joséphine Cabello y Régulo Hernández.







    Ancet, Puesto-que-él-es-este-silencio




    JACQUES ANCET


    Jacques Ancet
    Source




    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes


    [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    Dans l’indéfini (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’égarement
    L’identité obscure (extrait du chant 9 de L’Identité obscure)
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    Je reviens
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Esprits Nomades)
    une page Jacques Ancet
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet





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  • Edoardo Sanguineti, Corollaire

    par Marie Fabre

    Edoardo Sanguineti, Corollaire,
    Éditions Nous, Collection Now, 2013.
    Édition bilingue.
    Traduit de l’italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas.
    Préface de Jacques Roubaud.



    Lecture de Marie Fabre


    Cette serve Italie forzitaliénée . Genova 2005
    Ph., G.AdC







    [UNE POÉTIQUE FUNAMBULESQUE]




    Poursuivant leur travail salutaire de défrichage du territoire poétique italien, les éditions NOUS offrent aujourd’hui aux lecteurs français, après Zanzotto et De Angelis, l’occasion de découvrir l’une des figures majeures de la poésie contemporaine italienne, Edoardo Sanguineti. Né en 1930, Sanguineti a d’abord été l’un des chefs de file de la néo-avant-garde italienne du Gruppo ’63, aux côtés de Nanni Balestrini ou encore d’Antonio Porta, représentant d’une génération qui a voulu rompre les cadres d’une poésie italienne perçue comme trop provinciale et trop frileuse. Au cours des années, son travail poétique ne perd rien de sa radicalité formelle, s’arrondissant cependant au fil d’un travail plus autobiographique, où le poète tire le meilleur parti de l’anecdote et du mot d’esprit. Le recueil Corollaire (1997), traduit par Patrizia Atzei et Benoît Casas, se place dans la lignée de Postkarten (1978), appliquant la fameuse recette stendhalienne du « petit fait vrai »1. Le poète nous y convie à le suivre dans ses errances mondiales, nous livrant au fil de compositions numérotées un ensemble de poèmes oscillant entre la carte postale adressée, le sonnet revisité, la déclaration d’amour, le rébus et le testament.

    Le premier poème, programmatique, nous fournit l’introduction rêvée à l’œuvre entière de Sanguineti. « Acrobate » est le premier mot du recueil, qui s’ouvre par un autoportrait en forme de définition du dictionnaire :


    acrobate (n.m.) est celui qui marche tout en pointe (de pieds) : (tel, du moins,
    pour l’étymon) : mais ensuite il procède, naturellement, tout en pointe de doigts, aussi,
    de mains (et en pointe de fourchette) : et sur sa tête : (et sur les clous,
    en fakirant et funambulant) : (et sur les fils tendus entre deux maisons, par les rues
    et les places : dans un trapèze, un cirque, un cercle, sur un ciel) :
    il voltige sur deux cannes, flexiblement, enfilée dans deux verres, deux chaussures,
    deux gants : (dans la fumée, dans l’air) : pneumatique et somatique, dans le vide
    pneumatique : (dans de pneumatiques plastiques, dans des fûts et bouteilles) : et il saute mortellement :
    et mortellement (et moralement) il tourne :

    (ainsi je me tourne et saute, moi, dans ton cœur) :


    Nous voilà donc introduits à une poétique funambulesque, où le rythme se réinvente dans la ponctuation qui fait avancer le poème par précisions successives, sur la « pointe des doigts », en de gracieux sauts périlleux. Jacques Roubaud fait remarquer dans sa Préface la « cohérence formelle et sémantique » exceptionnelle de cette œuvre, forgée dans une constance que Sanguineti poursuit depuis ses premiers recueils. Notons donc la disposition du poème, avec ses marques « déposées » que sont : les deux points venant suspendre et rouvrir à tout moment le propos, ponctuation « pneumatique », signature invitant à poursuivre par-delà la conclusion, et les parenthèses incessantes qui enferment digressions, explications, gloses ironiques, understatements. Au fil des années, Sanguineti s’est forgé bien plus qu’un style : c’est un ton, une voix, une posture à la fois maladroite, pointilleuse et dégagée que l’on retrouve de recueil en recueil.

    Frappe dès l’abord, malgré les énigmes multiples et le goût de la cryptoréponse (poème 2 : « qu’est-ce que je te demande, si tu me le demandes, je te cryptoréponds ainsi : »), l’éminente sympathie de cette poésie enlevée, où le poète assume (ce n’est pas la première fois !) la posture du vieux, accumulant les bilans tout en soufflant sur les braises d’un désir encore juvénile, la morale de l’histoire poussant toujours vers le copulo ergo sum du poème 32. Un hédonisme dont le poète aura fait sa profession de mécréant : impossible de ne pas lire en miroir le testamentaire « je n’ai cru en rien : » de Postkarten (50) et l’épigraphique « j’en ai joui, moi, de ma vie : » de Corollaire (3). Ainsi le recueil marie volontiers la sophistication extrême à la quotidienneté dans ses plaisirs élémentaires :


    à la fin (comme madrigalaient ces presque aurorales voix mixtes d’Antioquia),
    c’est la tristesse qui est la muerte lenta :

    je laisse de côté les choses simples (las pequeñas, las queridas) :
    et j’en viens au point qu’elles recommandaient (tout comme Mercedes) : muchacho, no partas ahora :
    (entonces, c’est vrai que je ne peux pas le rêver, vieillard, el regreso) : mais c’est encore plus vrai, et bien
    plus effrayant, que l’amour est simple : (y las cosas simples las devora el tiempo) :
    (si la transcription Juan Diego est correcte) :

    c’est vrai, enfin, c’est vraiment vrai, que j’ai aimé
    ma vie : (la vie) : c’est ainsi, dans cette luz major, qu’aujourd’hui, les filles, je me meurs :



    Au bout du compte, même le mea culpa du poète « épouvantable encyclopédie de conneries encouillonnées, de semi-criminelles/supergaffes » se clôt dans la tendresse :


    ce que j’ai eu, je le garde ainsi : (pourvu que je te garde, moi je me garde, à l’identique) :


    L’acrobate ne se contente pas cependant de discussions graveleuses et de déclarations. La poésie de Sanguineti garde aussi toute sa vocation critique, dans l’enregistrement d’une réalité néocapitaliste mondialisée (ses 4×4, ses hôtels Hilton, ses pré-pubères en chaleur fans de Take That). Le tout dans un joyeux plurilinguisme babélico-bordélique, qui nous mène de residencia en retiro, d’aéroport (Tegel) en taxi, d’universitaires pisans sur une plage de Tibériade en macédoniens buvant du cognac à Alger. C’est tout le bric-à-brac culturel cosmopolite de nos sociétés qui apparaît alors, passant à travers les perceptions, le corps, la langue, les rencontres, les contradictions du poète, selon une méthode d’immersion chaotique jamais reniée. La dimension politique de sa poésie est à nouveau réaffirmée à travers l’incursion dans le territoire de la « poesia civile », là où le poète-sénateur (car l’acrobate a plus d’un tour dans son sac, et Sanguineti est aussi essayiste, traducteur, professeur, politicien), comme un Pétrarque ou un Leopardi de son temps, engage le « lecteur coélécteur » à libérer « cette serve Italie forzitaliénée », ce « pays bordélisé berlusconisé » par le « simple secours d’un bulletin sagace » (48). Et le clerc organique2, l’intellectuel toujours gramscien de conclure :


    cher camarade prolétaire,

    je sais bien que le Quatrième état a presque perdu, chemin faisant,
    sa conscience de classe, il y a de ça un moment (même si pas pour toujours, j’espère
    bien) — et pas le Tiers état, parce que le bourgeois c’est le bourgeois, avec un esprit encore fortement
    conscient de lui-même : et le capitalisme c’est le capitalisme (c’est le souverain — le suprême) :
    (et il n’y a pas forcément une grande envie de communisme, là, maintenant, par ici) :

    mais là
    — là il faut voter, pour commencer, contre les libertés et leurs seigneuries : contre nos
    servitudes et chaînes :

    il faut les relever, tous ensemble, tombés dans cette boue,
    à nouveau, ces quelques vieux drapeaux : (et nous réveiller, entre temps, à notre rêve)  :



    Pour l’Italie, on sait que cette année-là (1996) fut celle de l’élection de Prodi, mais on connaît aussi la suite jusqu’à aujourd’hui, sans un brin d’utopie.

    Reste à saluer le travail à la fois précis et créatif des deux traducteurs-éditeurs (qu’on pourrait donc qualifier de passeurs organiques, sinon d’acrobates) pour ce volume soigné, mais surtout pensé jusqu’au format et à la mise en forme originale du recueil bilingue, où le lecteur italianophile pourra trouver, après la traduction française, l’intégralité du texte italien.



    Marie Fabre
    D.R. Texte Marie Fabre
    pour Terres de femmes




    _________
    NOTES
    1. Voir la célèbre recette de Postkarten (49). Le recueil fait partie des rares ouvrages traduits en français, aux éditions L’Âge d’Homme, 1990 (trad. Vincent Barras).
    2. C’est le titre d’un recueil d’essais de Sanguineti : Il chierico organico, Scritture e intellettuali (Milan, Feltrinelli, 2000), lui-même tiré d’un article écrit par Sanguineti en 1988 sur « Gramsci et la figure de l’intellectuel organique ».






    Sanguineti





    ________
    NOTE d’AP : ancienne élève de l’École normale supérieure (Lettres et Sciences humaines), Marie Fabre est agrégée d’italien. Après un « master 2 » à l’université de Bologne sur Italo Calvino et Elio Vittorini, elle a soutenu en décembre 2012 (sous la direction de Christophe Mileschi, à l’Université Stendhal – Grenoble 3) une thèse de doctorat sur les rapports entre utopie et littérature chez ces mêmes auteurs. Marie Fabre est aujourd’hui maître de conférences en études italiennes à l’École normale supérieure de Lyon.






        EDOARDO SANGUINETI


        Edoardo Sanguineti
        
    Source




        ■ Edoardo Sanguineti
        sur Terres de femmes


    [ma come siamo, poi, noi ?] (poème extrait de Corollaire)
    Ballade des femmes
    je t’explore, ma chair
    Laborintus II (extrait)
    Wirrwarr
    18 mai 2010 | Mort d’Edoardo Sanguineti
    4 juillet 1969 | L’Orlando Furioso mis en scène par Luca Ronconi (interview d’Edoardo Sanguineti)




        ■ Voir aussi ▼


    → (sur cairn.info) Edoardo Sanguineti (1930-2010). Niva Lorenzini, Jacqueline Risset, traduit de l’italien par Martin Rueff, in Po&sie 2010/1-2 (N° 131-132), pp 3-11.






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  • Yannis Ritsos | Oἱ κάμαϱες βάθυναν πολύ



    La place vide, laissée vacante, signale l’absence
    Ph., G.AdC






    VI


    Οἱ κάμαϱες βάθυναν πολύ, κλεισμένες στὴ μεγάλη σκιά τους.

    Κάτι πεϱιμένουν ἢ ἑτοιμάζουν.
    Ἡ ἄδεια θέση ἀπλήϱωτη, ἐπισημαίνει αὐτὸ ποὺ λείπει —
    εἶναι σὰν ἔλλειψη τοῦ ἀέϱα ποὺ θυμίζει τον ἀέϱα, καὶ τὰ ϱουθούνια

    διαστέλλονται
    σὰν τοῦ σκυλιοῦ ποὺ ἀναζητάει τὰ ἴχνη τοῦ ἀφέντη του
    μέσα σὲ κάποιο δάσος σκοτεινό, σὲ σκιεϱά, τϱαυματισμένα μονοπάτια.


    Εἶναι σὰν παύση διάϱκειας· ἡ μουσικὴ σταματημένη
    ἐπιτϱέπει νὰ γνωϱιστεῖ τὸ πϱοηγούμενο,νὰ μαντευτεῖ τὸ

    ἐπεϱχόμενο· καὶ τὰ δοξάϱια
    μετέωρα, σὲ λίγη άπόσταση ἀπ’ τὶς χοϱδες τῶν βιολιῶν, σπουδάζουν
    τὴ μουσικὴ τῆς συντελούμενης σιωπῆς ποὺ πϱόκειται σὲ λίγο νὰ

    έκφϱάσουν.






    VI


    Les chambres ont beaucoup gagné en profondeur, closes sur leur ombre

    démesurée. Elles attendent, se préparent à quelque chose.
    La place vide, laissée vacante, signale l’absence —
    c’est comme un manque d’air qui appellerait l’air, et les narines

    se dilatent
    comme les naseaux du chien qui suit son maître à la trace
    dans une forêt obscure, sur des sentiers ombreux, accidentés.


    C’est comme une pause dans le temps qui passe ; la musique suspendue
    permet de comprendre ce qui a précédé, de deviner la suite ;

    et les archets
    en suspens, à peine au-dessus des cordes des violons, étudient
    la musique du silence qu’ils vont jouer.




    Yannis Ritsos, Figure de l’absence [Σχῆμα τῆς ἀπουσίας, 1958], Myriam Solal Éditeur, Collection « Le temps du rêve », 2013, pp. 24-25. Traduit du grec par François-Michel Durazzo.





    YANNIS RITSOS


    Yannis Ritsos
    Source



    ■ Yannis Ritsos
    sur Terres de femmes

    [Joie. Joie]



    ■ Voir aussi ▼

    le site Yannis Ritsos (en grec) créé par le Centre national du livre (EKEBI) à l’occasion de l’Année Ritsos (2009)
    → (sur Projet Homère)
    une bio-bibliographie (en français) de Yannis Ritsos
    → (sur cairn.info)
    « Trois poèmes de Yannis Ritsos », un article de François Amanecer paru dans Études 11/2005 (tome 403), pp. 509-521
    → (sur Dornac)
    plusieurs poèmes de Yannis Ritsos





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  • Laure Limongi, Soliste

    Laure Limongi, Soliste,
    éditions inculte, Collection inculte roman, 2013.



    Lecture d’Angèle Paoli





    LA PARTITA EN GRIS MINEUR D’UNE ROMANCIÈRE VIRTUOSE



          Ce pourrait être un thriller à trois tons. Noir/gris/jaune. Quelques lignes à peine dessinent la géométrie de l’espace, enserrant le visage d’un homme, entre courbes et obliques. Un regard inquiétant perce et fouille. Droit devant. La première de couverture est signée Yann Legendre. C’est la griffe d’un jeune graphiste.

    Qui est l’homme au regard perçant ? Glenn Gould, peut-être, puisque son nom apparait dès l’exergue, tirée d’un ouvrage du pianiste : Le Dernier Puritain. Profession ? Soliste. Sans indice complémentaire. Une ébauche, une esquisse. Un tracé qui suffit à donner son titre au roman de Laure Limongi. Soliste. Seulement une part du pianiste, de son étrangeté? Seulement une silhouette ? Il faut s’immerger dans le récit pour la suivre. Pour tenter de cerner la question qui l’accompagne. Est-ce bien de Glenn Gould qu’il s’agit ? De sa personne — décédée en 1982 — ou de son sosie ? Et si ce n’est lui, qui est cet étrange personnage qui se présente, chaque jour à 8 heures 10, été comme hiver, au bar de la jolie serveuse ? Le « pardessus habité » (clin d’œil au « vieux carrick » de Balzac dans Le Colonel Chabert ?) lui ressemble à s’y méprendre. Jusque dans ses moindres gestes, jusque dans ses tics vestimentaires, jusque dans ses obsessions et ses silences, rythmés par le tapotement régulier des doigts sur le zinc ou la « cadence savante » de la jambe « qui tremble sur le barreau ». Pourtant, il semble que le récit soit construit autour de la disparition du pianiste, survenue au lendemain de l’enregistrement de 1981.

    « Je trouvais donc très adéquat de disparaître non pas après les avoir jouées mais après les avoir rejouées. La première fois, j’avais la fougue ou plutôt l’empressement de la jeunesse. Je refusais les reprises et le moindre liant. On a loué ma virtuosité technique et cette manière que j’avais de traiter le piano en clavecin. De transcender le clavier. À la veille de ma disparition, j’ai appris la lenteur et la beauté de la contemplation. » (pp. 61-62)

    Autour de ce client singulier, la vie suit son cours. Avec Mizette, la jolie serveuse qui l’observe à la dérobée depuis « sa barre de capitaine », sans oser l’aborder. Avec le vieux René, qui raconte toujours un peu les mêmes histoires, avec variantes malgré tout. Il y a Ève, la coiffeuse volubile, qui philosophe sur la vie, interroge, enchaîne questions et réponses, invective et tranche, dans la fougue d’une logorrhée délicieusement saturée de clichés, à travers laquelle toute une génération peut se reconnaître :

    « Tu sais qu’avec mon mari, on s’est rencontrés chez les cocos. Il me semble que ça fait des siècles. C’était pendant une Fête de l’Huma. Il y a eu un orage mémorable. Les plus beaux éclairs de ma vie se reflétaient dans les sourires. On était jeunes, on était beaux et l’horizon, devant nous, s’affirmait, rose. Bien sûr, c’était pas parfait, mais y avait de la joie. J’ai jamais eu le couteau entre les dents. Evidemment que l’abolition des classes ça fait un peu sourire aujourd’hui… Mais je me souviens d’une énergie de partage. Celle avec laquelle tu peux soulever des montagnes… » (p. 70)

    Il y a le supposé amant de la pharmacienne (figure absente), Frédéric, étudiant passionné par les figures de grands faussaires de l’histoire — Elmyr de Hory, Clifford Irving, Han van Meegeren. Frédéric, que le soliste fascine et qui tente une approche à laquelle le pianiste, importuné, se dérobe :

    « Vous êtes passé à la radio locale, peut-être ? J’y ai animé une émission culturelle, un temps. Le pianiste grommelle indistinctement. Votre jeu, vraiment. Ce phrasé, cette vision. J’ai trouvé, ça y est. Vous jouez cette sonate comme Sviatoslav Richter. Il reste interloqué. Provocation ? Il regarde son reflet dans le Steinway rutilant. Quelque chose en lui comprend pourquoi l’importun ne le reconnaît pas, même si cela défie toute logique… » (p. 49)

    Il y a enfin un certain Thomas, Thomas Marcé, doux rêveur et grand amateur d’animaux, qui se dit plus attaché à son chien Nicky (du même nom que le chien de Gould) qu’à ses semblables. Un personnage insolite que Mizette semble avoir connu, jadis, dans la cour de l’école. Tout ce petit monde prend la parole à son tour et prête sa voix au récit. Un récit polyphonique qui joue sur les variations de langage, de rythmes et de tonalités.

    Variations ? C’est en effet sur le motif de la variation musicale qu’est construit le récit de Laure Limongi. Ni tout à fait thriller ni tout à fait fiction ni tout à fait biographie — mais tout cela habilement mêlé — , Soliste est une composition structurée selon le modèle des Variations Goldberg de Bach. Œuvre musicale « sans début ni fin », le récit de Laure Limongi est orchestré autour du personnage éminemment romanesque de Glenn Gould. Introduites par l’aria d’ouverture (intitulée « 8h10 »), les trente variations de Soliste s’enchevêtrent autour d’un même matériau auquel met fin l’aria de clôture (également intitulée « 8h10 »). Cette construction en boucle contribue à donner au récit l’impression de « cycle en perpétuel mouvement », propre au « parlé musical » des Variations. Elle permet en outre de multiples entrées dans le roman, offrant au lecteur la possibilité de vagabonder à sa guise à travers les chapitres sans pour autant qu’il s’attache à une lecture ordonnée ou chronologique. Ainsi est-il possible de lire/lier en continu « La mer » (chapitre 20) et « La mère » (chapitre 25). Ou même de lire ou de relire certains chapitres indépendamment de l’ensemble. Pour le seul plaisir du texte. C’est le cas du chapitre intitulé « Le langage des oiseaux » dans lequel s’entrelacent, sur fond cacophonique, le discours de la concierge et les propos (en italiques) émis par le téléviseur allumé en permanence. La question qui est au cœur de la thématique du roman, n’en est pas pour autant oubliée :

    « Mais le temps s’épuise. Un même individu peut ainsi entretenir deux conversations différentes, sans les confondre. Vous revenez vite ? Où est l’original ? Dites-moi que vous repassez demain. Où est la copie ? »

    Entre les deux arias, les différentes voix qui animent l’univers dans lequel évolue le soliste appartiennent au monde de la variation, tel que Bach l’avait conçu, chacun des personnages incarnant à son tour les différents paramètres musicaux qui constituent cette œuvre. Ainsi, « faisant fi des hiérarchies entre savant et populaire », adoptant toute une série de tempi — « lent, vif, joyeux, mélancolique, enthousiaste, réfléchi »… —, le récit polyphonique de Soliste s’appuie-t-il, d’un bout à l’autre, dans la facture et dans les thématiques, sur les Variations Goldberg. De sorte que, à mi-parcours du récit, le chapitre seize joue le rôle d’ouverture. Dans ce chapitre central, en effet, le narrateur (provisoire) développe sa philosophie de « L’idée du Nord » :

    « Le Nord est une recherche. On y tombe sur un miroir qui reflète davantage que celui qui s’y regarde. »

    Ou encore :

    « J’ai toujours porté l’idée du Nord en maxime philosophique, totalisante. Mon diapason. »

    Car c’est au glacé de la banquise que l’on doit « la pureté chromatique du blanc et, en lien de sens, la pureté du son ».

    Enfin, si l’on se reporte à la table des matières, l’on constate le retour explicite, par trois fois, de certains personnages. Retours, répétitions, variations, entre lesquels d’autres chapitres se combinent en échos, par « connexions synaptiques » et déroulent leur ruban. Véritable anneau de Möbius, le récit de Soliste déploie ses mouvements de courbes à l’ (à l’infini).

    On peut poursuivre plus avant encore les investigations qui conduisent à mettre en évidence les liens de Soliste avec les Variations Goldberg de Bach. Jusque dans le travail minutieux sur le nuancier de gris qui sert de toile de fond à l’univers créé par Laure Limongi pour y déployer avec virtuosité la vie de son personnage. Le gris en basse continue, comme leitmotiv pour ponctuer le récit — « Entre deux murs gris, un homme gris presse un peu le pas » — et atteindre son acmé au chapitre 19 intégralement consacré à l’appréhension de cette couleur qui « n’est pas une couleur mais une intensité ». Et, pour les Occidentaux, « Un memento mori ».

    Virtuose ? Laure Limongi l’est dans l’écriture cinématographique qui est la sienne. Une écriture foisonnante, d’une étonnante richesse, qui emporte le lecteur à son insu d’un univers à l’autre, dans une sorte de fondu enchaîné jubilatoire. Du musical au culinaire (malicieusement érotique), du mathématique à l’optique et de l’optique au poétique. Tout y est partition.

    Experte dans l’art de filer la métaphore, l’écrivain (qui est aussi musicienne) croise musique et sons jusque dans les moindres détails du réel. Depuis le cri des oiseaux jusqu’aux crissements des objets ou encore dans la moindre perception des bruits qui s’insinuent dans l’atmosphère.

    Ainsi de cette description des pigeons :

    « Il n’a pas particulièrement peur des pigeons mais quel animal ennuyeux. Son chant est monotone — tissé d’un mi bémol et de quarts de soupir ; pas les triples croches avec intervalles de sixte du merle, non ; du mi bémol, ça roucoule en croches —, son œil vide mais l’air un peu méchant quand même, son plumage sans intérêt… » (p. 43)

    Ou de la scène de bar dans l’aria finale :

    « Le torchon sur le verre émet une stridence pas si désagréable. En ré. Puis en mi. C’est que le geste devient nerveux. On passe aux tierces augmentées à la faveur d’une torsion plus rapide. Et en fa. Il sirote son thé froid. Il est 9 heures. »

    Il arrive aussi que l’on glisse sans transition de la couleur aux sonorités, l’une rejoignant l’autre pour s’y fondre totalement et former un même univers de correspondances et de synesthésies.

    « En dessous de zéro, en revanche, c’est la pureté chromatique du blanc et, en lien de sens, la pureté du son. Tout est glacé autour. Les teintes chaudes s’effacent, se terrent. Ne subsistent que des camaïeux de gris-bleu qui reposent l’iris. Les sons se raréfient car les accidents sur la portée hibernent. Et quand la note pointe, elle fend l’air pour aller tinter, juste, au tympan. C’est cristallin, ça va au cœur, de dénuement. » (p. 34)

    Colorée et vivante, cinématographique et jazzy, l’écriture de Soliste est une écriture originale. Elle pourrait tout aussi bien donner lieu à une partition opératique, tant le style est enlevé et efficace. Laure Limongi n’en ménage pas moins des pauses inattendues qui interrompent le souffle, ruptures qui créent le suspense et témoignent d’un questionnement sur la ponctuation et sur la place/fonction du silence dans la page :

    « Mon oreille aimerait un peu de : silence. » (p. 31) // « Ouvrir une porte sur : rien. » (p. 100)

    Puis l’écriture reprend ses virevoltes, belle et envoûtante jusqu’à l’ivresse. Ivresse des mots qui puise sa force dans une réflexion à la fois profonde et originale. Et gagne par vagues denses la lectrice solitaire de ces pages. « On est seul, enfin » dans cette partita en gris mineur. Virtuose et jubilatoire.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Laure Limongi, Soliste, éditions inculte, 2013








    LAURE  LIMONGI


    PORTRAIT DE LAURE LIMONGI
    Image, G.AdC



    ■ Laure Limongi
    sur Terres de femmes

    Anomalie des zones profondes du cerveau (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur YouTube)
    Laure Limongi présente Soliste





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  • Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour

    par Angèle Paoli

    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour,
    Éditions Unes, 2013.



    Lecture d’Angèle Paoli




    La nécessité absolue de ménager des interstices
    Ph., G.AdC






    « TOUT INFINIMENT MÊLÉ »



          Composé de quatorze poèmes, Issue de retour rassemble ce qui a été, un temps, disjoint. Si le dernier poème, « Ici n’est pas tenu », dédié à la psychiatre Christine Oleksak, est inédit, les treize autres textes ont fait l’objet de livres d’artistes ou de publications antérieures, en revue notamment. D’où le terme de « retour », contenu dans le titre du recueil. Et l’idée, implicite, d’inclure et de réunir en un même lieu, ceux/celles à qui Jean-Louis Giovannoni dédie ses poèmes. La plupart de ces poèmes, qui s’échelonnent de 1993 à 2012, ont été remaniés par le poète en vue de la présente publication aux nouvelles éditions Unes.

    Ouverture. Issue. Mais aussi « enclaves », « poche d’air », « alvéole ». Ou encore « couvercle » et « clôture ». Espace de convocation, le poème de Jean-Louis Giovannoni convie chaque dédicataire — épouse et fils, artistes et amis — en un lieu clos sur lui-même où s’annulent entrée et sortie, l’une étant l’exact revers de l’autre.

    Présent jusque dans les titres des poèmes — « Entre le sol » ; « Enclaves » ; « Parmi » ; « En lieu et place » ; « Lieux glissés » ; « Air sous verre » ; « Ici n’est pas tenu » — le lieu est boustrophedon, intérieur/extérieur tenus ensemble, recto-verso à l’identique, mur contre mur et inversement. De sorte que issir/entrer procèdent du même mouvement de glissé alternatif, contradictoire et complémentaire.

    « Corps des contraires

    Fait de peaux internées
    Glissant l’une en l’autre. »

    Cette impression étrange d’alliance des contraires est déjà contenue dans le titre de l’ouvrage Issue de retour. Bousculant le cliché qui s’impose à l’oreille — issue de secours  —, le poète conduit à interroger le sillon (chiasmatique ?) combinatoire de la « sortie » et du « retour ».

    Le retour peut-il constituer une issue ? Pour aller où ? Retour sur ? Sur soi ? Sur le passé ? Sur les autres ? Sur le monde ? Retour au même ?

    Pour quelle issue ? Puisque :

    « Sortir — c’est rentrer
    Pas plus qu’entrer n’est sortir ».

    Quelle fenêtre sépare le dedans du dehors ? Aucune, en apparence, puisque tout se tient, que le commencement est la fin, que rien n’est séparé. Puisque toute chose a son négatif ; qu’elle le contient, le tient enclos dans sa propre négation, y compris dans sa tension vers être.

    « Il n’est de corps que tendu vers ce qu’il n’est pas », écrit le poète dans « Variations II à partir d’une phrase de Roberto Juarroz ».

    Ainsi prise dans des mouvements contraires — flux et reflux où s’insinue l’espace — se décline la variation obsédante du retour dans son jeu de miroir inversé :

    « L’envol se fait —  à l’envers —
    Dans les bassins, les vasques. »

    Ou :

    « Le retour
    Se fait à contre image »

    Ou encore :

    « Si on court
    Les arbres
    Vont en sens inverse. »

    Si « Rien ne se tient séparé », peut-on parler de retour au chaos initial ? Peut-être, puisque le chaos de notre réalité commune annihile toute forme de liberté. Dans les poèmes de Jean-Louis Giovannoni, la liberté est provisoire, donnée par mouvement de va-et-vient mais pas davantage, pas au-delà. « Liberté d’élastique », jusqu’à celle de l’oiseau :

    « L’oiseau
    Même en son vol
    Est tenu
    Circonscrit. »

    Le poème cependant est là, qui recoud. Coutures contre coutures, sutures et cicatrices.

    Par quel bord à bord, quelles adhérences se fait le contact d’un poème à l’autre du recueil Issue de retour ?

    Par l’adresse qui se lit dans chaque dédicace, invitant chacun à prendre place dans l’espace clos du recueil, afin d’assister à la convocation de la multitude. Objets, figures, acteurs, « insectes foreurs » — on retrouve dans « Parmi », poème dédié à Stéphanie Ferrat, la prédilection de l’un et l’autre artistes pour les « Moches » —, gestes et décors.

    Par écho d’un mot à un titre de poème. Ainsi, dans « La Convocation », l’adverbe « parmi », isolé, renvoie-t-il au titre du poème « Parmi » (isolé lui aussi, puisque inscrit sans suite ni complément, sans avant ni après, sans enceinte). Dans « Chantonner avec la peur », le vers : « On croyait qu’écrire convoquait les choses dans l’ordre » annonce « La Convocation ». Pareillement, dans le même poème, « L’enclave » annonce-t-elle « Enclaves », dédié à Pierre Magnenat…

    Par la recherche d’un lieu unique où le déplacement, même réduit, serait possible. Par les retournements inattendus de situations. Ainsi en est-il du très mystérieux poème « Meurtre au champ », dédié au photographe Marc Trivier. Réduit à un décor neutre (un « arrière-fond »), le paysage sert d’arrière-plan au conte. Comme dans les contes, les choses s’animent. Prennent part. Pierres et chemins apportent leur contribution. Le poème (le poète a-t-il provisoirement mis « ses pieds dans les chaussures » de Rimbaud ?) s’écrit « loin de l’évidence première », par écart et déplacement des images convenues. Jusqu’à l’intrusion d’un obstacle.

    « Ainsi la pose fut prise.

    Quelle erreur ! »

    Dès lors, la mort de l’enfant acquiert sa véritable réalité. Les débordements de la nature entraînent sa disparition. Le champ du poème devient lieu de l’absorption de l’enfant. Mystérieuse page, l’une des plus émouvantes, à mon sens, de ce recueil.

    L’une des questions clés semble être de trouver comment ajuster un fragment à son complément, une chose avec une autre. Comment faire « tenir » la vitre dans la fenêtre, la photo dans son cadre, le paysage dans la photo, la couleur dans la toile. Car « Rien ne se tient séparé ». Coaguler, greffer, serrer, oxyder. Attendre. Procéder par glissements imperceptibles. D’un mot à un autre. Par répétition du même. Comme dans le poème « Lieux glissés » :

    « Toujours
    Mouvements

    Et encore
    Battements.

    Battements. »

    Par opposition :

    « Ici jambes.

    Au loin
    Ciel. »

    Mais aussi contenir/se contenir ; rester dans ses propres limites, ne pas vouloir franchir le seuil de l’« externalisation », ne pas céder à la séduction de l’ouvert.

    « Au jeu de l’ouvert on se perd ! »

    écrit le poète dans le poème éponyme du recueil ou encore dans « Entre le sol », poème dédié à Matthieu Giovannoni :

    « Ne pas céder à la tentation de l’ouvert
    De le peupler ».

    De là vient la nécessité absolue de ménager des interstices, de

    « Toujours placer un objet
    Entre soi
    Et le monde. »

    C’est toujours « entre » que la vie filtre, dans les interstices. « Entre pierres et air. » Il suffit parfois de se mettre à l’écoute, modestement, pour saisir ce qui bat. Il suffit de faire silence pour éprouver la soif :

    « Cette soif

    Tu ne l’entends pas. »

    […]

    « Que de soif […]

    Si tu voulais ».

    Ainsi, le poème « Enclaves », adressé à l’ami disparu, le médecin-poète suisse Pierre Magnenat, constitue-t-il dans le recueil un territoire d’exception. Un lieu unique où le déplacement est possible, où les pulsations de la vie sont perceptibles ; un lieu offert à la porosité du bonheur.

    « Fruit en mouvement
    Comme eau aérienne. » […]

    « Un fruit ouvert
    Et c’est légion. »

    À l’origine de l’écriture, écrit le poète dans « Chantonner contre la peur », il y avait l’attente. Une attente liée à l’idée que la poésie était au service de la beauté du monde. Il aurait suffi, alors, pour accéder à la poésie, de se montrer patient, de prendre exemple sur ses aînés, de mettre ses pas dans ceux des poètes pour lesquels on nourrit une prédilection — Guillevic, Juarroz… —, d’adopter leurs postures ; de les imiter. « On croyait… que » « se placer devant le monde » suffirait pour mettre en mots sa beauté. On croyait…

    Avec la mort d’un être cher, avec la présence de son cadavre, tout a basculé. « C’est là que tout commence », écrit J.-L. G. dans « Chantonner avec la peur ». C’est dans la contemplation de la plaie ouverte d’une bête, puis dans celle du cadavre de la mère, que le poète a creusé son assise. C’est là, dans les plis du linceul ou dans le linge souillé, que s’est constitué le creuset des mots. C’est dans ces « poches d’air » et dans l’exiguïté d’un lieu attaché au corps en putréfaction que se fait « la poussée des mots », se frayant un passage vers la poésie. Ainsi se produit, dans l’enclave ouverte par la plaie, la ponte des mots (et leur prolifération), là où l’on ne l’attendait pas, à l’écart de la beauté du monde. L’écriture prend corps en 1975, avec Garder le mort.

    Deux poèmes du recueil Issue de retour sont privés de dédicataire. « La Convocation », paradoxalement. Et « Lieux glissés ». Comment interpréter cette absence ? Le premier poème, investi par « la multitude », évoque un univers effrayant, irrespirable. Concentrationnaire.

    Prise entre immobilité et « déferlement », entre

    « Silence

    Et cris figés
    Dedans »,

    la meute est réduite à la révolte intérieure. Elle se tient/retient ; sur les limites. « À l’orée ». « En lisière ». « Hors souffle ». Empêchée de. Elle doit.

    Concis à l’extrême, comme incisé à la pointe sèche, le poème « Lieux glissés » offre, dans sa forme brève, un rythme alterné complexe. Les oppositions/répétitions se répondent et le poème glisse, de « mouvements » en « battements », jusqu’au constat final sur lequel il se clôt, confirmant ainsi la sensation qu’il provoque à la lecture :

    « Comme pointe
    Ultime. »

    À défaut de répondre à la question précédemment posée, on pourra se reporter à la page de « Notes » qui clôt le recueil. On peut y lire que le poème « Lieux glissés », publié en mai 2008 par les éditions Remarque, était accompagné d’une peinture originale d’Yves Berger. Quant à « La Convocation », le poème, écrit à l’occasion d’une exposition consacrée à Gilbert Pastor en 2005, a été publié par les éditions Remarque et illustré d’un dessin original de l’artiste. On peut imaginer que les deux artistes sont les dédicataires implicites de ces poèmes.

    Par-delà ces considérations para-textuelles reste la poésie exigeante de Jean-Louis Giovannoni. Une voix qui s’écrit et se vit dans la présence silencieuse des choses. « Tout infiniment mêlé. »
    Au-delà encore, la beauté insolite de ce quintil :

    « Libre de marcher
    Enfin
    Entre le sol
    Et l’insistance
    De son pas. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Giovannoni-Latil-Issue-de-retour
    Source




    ____________________________________
    NOTE d’AP : les éditions Unes, fondées en 1981 par Jean-Pierre Sintive, ont été reprises en 2013 par François Heusbourg.



    JEAN-LOUIS GIOVANNONI


    Giovannoni
    Ph. © Fabienne Vallin
    Source





    ■ Jean-Louis Giovannoni
    sur Terres de femmes


    Issue de retour (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    [Ne me laisse pas ici parmi les ombres !] (extrait de L’air cicatrise vite)
    [Aucune sortie possible] (extrait d’Envisager)
    Ce que l’immobile tient pour geste (extrait de Pastor, Les Apparitions de la matière)
    Envisager (note de lecture de Tristan Hordé)
    [Vue imprenable] (extrait de L’Échangeur souterrain de la gare Saint-Lazare)
    [Huitième voyage à Saint-Maur]
    Îles circulaires
    [Il faut si peu de chose]
    [Je ne sais pourquoi l’autruche me fascine autant] (extrait de Journal d’un veau)
    [Le jour se lève] (extrait de Sous le seuil)
    Mère
    [Notre voix] (extrait de Ce lieu que les pierres regardent)
    [Nous venons d’un pays qu’on ne peut plus toucher] (extrait de On naît et disparaît à même l’espace)
    [Pourras-tu encore témoigner…] (extrait des Mots sont des vêtements endormis)
    Sous le seuil (note de lecture d’AP)
    [toujours cette envie de t’ouvrir]
    [Tout se cicatrise] (extrait de Garder le mort)
    [Troisième voyage à Saint-Maur]
    Jean-Louis Giovannoni | Stéphanie Ferrat, « Les Moches » (note de lecture d’AP)
    Jean-Louis Giovannoni | Marc Trivier, Ne bouge pas ! (note de lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    3 février 1984 | Lettre de Raphaële George à Jean-Louis Giovannoni (+ La Main de Raphaële George, par Jean-Louis Giovannoni)
    → (sur Secousse-08)
    un entretien de Jean-Louis Giovannoni avec Anne Segal & Gérard Cartier (novembre 2012)





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