Étiquette : 2015


  • Déborah Heissler | « Des pas dans la neige »




    « DES PAS DANS LA NEIGE ».



    Et le ciel par où l’yeuse, plus loin, s’approche au plus près des neiges. Quelque chose qui prend figure, à la limite de l’image et en même temps image déjà, d’un départ.
    Blanche.

    Puis par la fenêtre le jardin parmi les arbres qui portent encore leurs fruits de bure, givrés légèrement.




    Jamais, je l’avoue, je n’avais pensé qu’un poème à lui seul eût pu un jour rencontrer les silences de Blanche. Du poème, elle n’aimait ni ses formats, ni même sa facture — et si peu sa propre voix à elle — rien qui ne respire, ni ne heurte assez, n’insiste tant, que l’instrument, celui auquel nos mains s’accordaient quelquefois. Là où précisément l’attente talonne le presque, le tout et le rien, qu’elle préférait au presque tout du poème. « Des pas dans la neige », en un sens indubitablement.



    Déborah Heissler, « I – Jardin — Elle endormie », in Sorrowful Songs, Æncrages & Co, Collection Voix de chants, 25047 Baume-les-Dames, 2015, s.f. Dessins de Peter Maslow. Préface de Claude Chambard.




    ________________________
    « Ces Sorrowful Songs nous conduisent jusqu’à l’essence même de la vie. Il n’est plus question de joie ou de peine. La vie ne se divise pas, ne s’immobilise pas. Ils nous font entendre tout ce qui en nous se mêle pour nous emporter dans le mouvement permanent qui, du vif au trépas – inversement -, nous mène dans la lumière blanche de l’amour qui nous transfigure. »

    Claude Chambard







    Déborah Heissler, Sorrowful Songs




    DÉBORAH HEISSLER


    Deborah Heissler Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Déborah Heissler
    sur Terres de femmes


    Les Nuits et les Jours (lecture d’AP)
    Je ne peux oublier (poème extrait des Nuits et des Jours)
    Sorrowful Songs (note de lecture d’AP)
    La protection des pierres (poème extrait de Près d’eux, la nuit sous la neige)
    Près d’eux, la nuit sous la neige (lecture d’AP)
    sur l’herbe sèche ce jour (poème extrait de Chiaroscuro)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    loin (poème extrait de Comme un morceau de Nuit, découpé dans son étoffe)
    → (dans la galerie Visages de femmes) le poème « 
    Errance »




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Déborah Heissler





    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Lorenzo Calogero | Già pallide chiome




    Ritratto-di-stival-a-lorenzo-calogero
    Giuseppe Stival, Portrait de Lorenzo Calogero, vers 1960
    Source







    GIÀ PALLIDE CHIOME



    Già pallide chiome
    su ripidi abissi muovono
    le isole dei vulcani
    e il fresco capelvenere
    nasconde le alme contrade.

    Conosco il riposo dei riflessi rettilinei
    e un fuoco nel grembo si accende
    come una nuvola nell’immenso.

    Tu soffri gli arsi richiami
    che ti manda dallo spazio
    un effluvio verde e tracci
    gli aspri rami della vita nel silenzio
    in un gomitolo che si sperde.



    Lorenzo Calogero, Ma Questo… (1950-1954), ed. Maia, 1955, in Opere poetiche 2, Lerici editori, 1966, pagina 14.





    Calogero Lerici 2






    ALREADY PALE TRESSES



    Already pale tresses
    on steep abysses are moving
    the volcanic islands
    and the fresh maidenhair fern
    is hiding the life-giving lands.

    I’m enjoying the respite of rectilinear reflections
    and a fire in the womb flares up
    like a cloud in the immensity.

    You are suffering from the burn-up beckoning
    that a green fragrance is sending you from space
    and you trace
    the bitter branches of the silent life
    in a ball of wool going astray.



    Lorenzo Calogero, Ma Questo…, 1955, in An Orchid Shining in the Hand, Selected poems 1932-1960, bilingual edition, Chelsea Editions, New York, 2015, p. 134. Translated from the Italian by John Taylor.






    Calogero






    DÉJA DE PÂLES CHEVELURES



    Déjà de pâles chevelures
    sur des abysses abrupts déplacent
    les îles des volcans
    et le frais capillaire de Vénus
    recouvre les contrées fertiles.

    Je connais le repos des reflets rectilignes
    et au giron s’allume un feu
    comme un nuage dans l’immensité.

    Tu souffres des appels ardents
    que t’envoie de l’espace
    une verte fragrance et tu traces
    les âpres ramifications de la vie-silence
    dans une pelote qui se perd.


    Traduction (en français) d’Angèle Paoli







    LORENZO CALOGERO


    Lorenzo-Calogero3
    Source



    « Médecin de campagne, poète, suicidé. Sèches formules qui suffiraient à donner un profil minimal de Lorenzo Calogero (1910-1961), de celui qui disait avoir « vécu sa profession comme en écrivant des vers ». La vie, le texte, en un seul élan. Presque un demi-siècle après Campana, il publie lui aussi à ses frais une unique plaquette, Ma questo… (1955), qu’il tente en vain de faire connaître et diffuser. Quelques autres tentatives suivront, dont l’échec le convaincra de renoncer pour un temps à la poésie. Malgré le soutien de Sinisgalli, qui ira en son nom retirer le prix Villa San Giovanni – seule reconnaissance littéraire reçue de son vivant, pour Come in dittici ; et quelques signes d’amitié (Betocchi ou Giuseppe Tedeschi), Calogero connut la solitude absolue, à la fois individuelle et socio-historique, de nombre d’intellectuels du grand sud de l’Italie, avant le « miracle » des années 1960. Et parfois après. Interné à plusieurs reprises dans la maison de repos de Villa Nuccia – où il devait écrire ses plus intenses poèmes (les Cahiers de Villa Nuccia donnèrent leur titre au recueil édité par R. Lerici, lequel avait programmé trois volumes d’Œuvres poétiques dont seuls deux virent le jour) –, démis d’une charge médicale officielle, cherchant un refuge provisoire auprès de sa mère (décédée en 1956), à l’étroit dans le bourg de Melicuccà, en Calabre, ainsi que Leopardi avait pu l’être à Recanati, mais incapable de s’en affranchir, Lorenzo Calogero n’assista pas à l’espèce de « cas littéraire » que la sortie du premier tome des Œuvres, en 1962, allait déchaîner. On ne manqua pas de le définir un « Rimbaud italien », oubliant au passage qu’il laissait une masse considérable d’inédits, toujours en attente d’éditeur. Le poète s’était donné la mort dans sa maison familiale de Melicuccà, où son corps sans vie fut retrouvé le 25 mars 1961. Près de sa dépouille, ce billet : « Je vous prie de ne pas m’enterrer vivant ». Il parlait, croyons-nous, surtout de son œuvre poétique. […] »

    Jean-Charles Vegliante [Source]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    Lorenzo Calogero & John Taylor
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Lorenzo Calogero, An Orchid Shining in the Hand, Selected poems 1932-1960, translated from the Italian by John Taylor
    le site lorenzocalogero.it
    → (sur le site CIRCE)
    une anthologie PDF des poèmes de Lorenzo Calogero, réalisée par Jean-Charles Vegliante et CIRCE (Sorbonne Nouvelle-Paris III) [© Librairie Italienne Tour de Babel, Paris, 2014]
    → (sur le site lorenzocalogero.it)
    de nombreux poèmes (51 fragments) de Lorenzo Calogero, traduits en français par CIRCE et Jean-Charles Vegliante
    → (sur Imperfetta Ellisse)
    trois poèmes de Lorenzo Calogero en double traduction (en anglais par John Taylor, et en français par Valérie Brantôme)





    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’index de la catégorie Péninsule (littérature et poésie italiennes)
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Chloé Bressan | [je couds et recouds le même labyrinthe]




    [JE COUDS ET RECOUDS LE MÊME LABYRINTHE]



    Attirée par ta manière, ciel d’ailleurs resplendissant, grand quand tu te lèves, si étendu. Depuis trois ombres revenues, je couds et recouds, le soir, le même labyrinthe. Nos mains deviennent un projet irréaliste. Ce même projet de hâte qui démystifie les dangers. Je me mets à découdre tous les désirs d’avenir. Aux ciels couchés le long des heures sur les chemins, aux herbes, tu laisses, tes bottes, ta montre, tes notes, ton sac à provisions, tu laisses, tes angles, tes mines, tes travers, tes démons, tu laisses. Je me mets à parler de toi comme si j’habitais le chas de l’aiguille cousant l’éclat sur ta chemise, tu la laisses, elle aussi. Bien sûr qu’on abandonne l’enfant à ce moment-là. Bien sûr tu te redresses, drapé d’un nouveau décor en toi-même, tu laisses le panier d’osier, les noix, les colliers d’ail, tu laisses les sirops d’alcool, les macérats, ton tabac, tu laisses même les fruits sur l’arbre. Tu laisses sur la margelle de quoi recoudre quelques heures, devenues poisseuses, à la limite de ne plus voir la substance inconnue des femmes. Suis-je, parmi elles, celle qui t’apaise le plus ? Sans retenir ton nom, sans te demander si l’ange s’est lavé dans la sauge pendant que tu chantais. Depuis trois ombres revenues, je cous et recouds, le soir, le même labyrinthe. Dédale, je t’appelle, dédale.



    Chloé Bressan, Claire errance, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2015, page 23.






    Chloé Bressan, Claire errance







    CHLOÉ BRESSAN


    Bressan_chloe2
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Chloé Bressan
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Claire errance
    le site de Chloé Bressan





    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sylvie Fabre G., Tombées des lèvres

    par Isabelle Raviolo

    Sylvie Fabre G., Tombées des lèvres,
    L’Escampette Éditions, 2015.



    Lecture d’Isabelle Raviolo


    L’ŒUVRE DU VIVANT : UNE LUMIÈRE PRESSENTIE AU-DELÀ




    L’essentiel est l’infinie faiblesse



    Nous ne voyons plus dans la même lumière,

    Nous n’avons plus les mêmes yeux, les mêmes mains.

    L’arbre est plus proche et la voix des sources plus vive,

    Nos pas sont plus profonds, parmi les morts.

    Yves Bonnefoy, Pierre écrite.



    Dans ce très beau recueil dédié à ses petites filles, Tosca et Anna Livia, Sylvie Fabre G. ouvre l’espace d’un recueillement, d’une joie intérieure : le lecteur est invité à l’écoute attentive de la naissance, à l’émerveillement.

    La pureté des vers, leur sonorité aquatique, l’élan de leur douceur, sont autant d’appels à vivre avec l’enfant « une vérité inédite » où apparaît, discrètement, l’éclat d’un cri s’accordant à l’existence, exultant dans la lumière. Ici, la métrique répond à la mesure immense des visages naissants : un don d’amour sans cesse renouvelé où les syllabes se posent sur les notes – comme un battement de cils au sortir de la nuit.

    Les mots de Sylvie Fabre G. s’assemblent en une symphonie où le cœur est « en dialogue avec le monde et ses règnes ». Tombées des lèvres s’énonce comme une prière de louanges : une poésie de la grâce qui se fait tout entière ouverture et accueil. L’offrande qui nous est faite est celle de la fragilité même, de la présence éphémère qui se retire pour laisser place à plus grand qu’elle, à l’œuvre du vivant. L’exergue du recueil nous le rappelle en ces vers de Philippe Jaccottet :

    « Fragile est le trésor des oiseaux. Toutefois

    puisse-t-il scintiller toujours dans la lumière ! »

    La poésie délicate de Sylvie Fabre G. fraie ici « le passage où il n’y a pas de temps », et nous fait entendre l’inouï d’une voix au son d’innocence – creuset d’un immémorial où vibre l’informulé.

    « La perte, qu’en faire n’est plus la question,

    l’essentiel est l’infinie faiblesse,

    la douce pesanteur (l’une après l’autre)

    des corps des enfants. »

    La poésie, qui a pour objet la finitude, est là signifiée en ce qu’elle a de plus spécifique : « la joie originaire de la vie », celle qui chuchote « l’étrange et caressante tristesse de ce qui est là, va et vient, se dérobe, et déjà meurt. »

    La parole ne suffit plus. Elle doit se porter au-delà d’elle-même, s’intensifier en ce chant d’oiseaux qui traverse tout le recueil et qui excède toute parole. Elle se fraie un passage dans la nuit, vers l’autre rive – ce lieu poétique fondé sur l’ellipse et le manque, et qui recèle pourtant en lui le rêve pastoral, comme un noyau central, libérant la constellation du désir :

    « Au sortir de la nuit la cadette appelle, grisolle

    et bat des ailes, une insurrection qui tire la mère

    et le père vers le lit à la matinale appétence,

    les fait entrer dans le rayon sensuel de son sourire

    né d’une faim de lait et de baisers, de mots

    et de visages, un nid bourdonnant, bourgeonnant

    à même les membres, le tronc, la tête, le bec

    de la gentille alouette inventrice de gestes

    plumant de leur cœur l’amour, le mêlant

    au courant des lèvres qui en goûtent l’haleine

    à sa voix pour toujours cascade légère où

    le jour s’éclabousse de bruits d’oiseau. »

    L’intensité silencieuse du vécu n’est pas séparable du peu de mots qu’est la poésie. Le poète se tourne vers cette parole dont l’existence ne se distingue plus : une « parole d’enfant bergère dans une sagesse qui accorde sa bonté à l’instant. »





    Couler de source pure : la joie et l’angoisse irrésistible de vivre



    L’écoute attentive de ces poèmes qui « jaillissent et chantent pareils aux fontaines », requiert le silence, et un espace retiré et secret. Le lecteur vibre alors au son de cette corde intérieure, où la transparence d’une voix se fait entendre, dans l’écoute soudain désaltérée : instants fugitifs égrenés comme notes d’enfance où s’éveillent deux chants d’alouette pour dire la vie intacte.

    Sylvie Fabre G. invite à cette écoute subtile qui se relie au chant vivant d’une nouvelle éternité. Anna Livia et Tosca délivrent, en leur enfance fragile, l’incarnat de la vie, le temps d’un éclair. Cela coule de source pure comme dans l’ordre ébloui de la voix où la créature s’accorde au désir. Ce sont ces paroles que la poésie de Sylvie Fabre G. sait prononcer malgré la nuit et l’angoisse – des paroles que la poésie rend à leur densité comme à leur pureté : œuvre au noir où ce qui semble banal, insignifiant à nos oreilles blasées, devient voix inouïe dans le feu de poésie, cet « horizon intime où s’éternisent de brefs soupirs qui plongent dans l’ouvert ».

    Mais le plus pur est aussi le plus fragile, et ce qui nous est offert dans l’instant est appelé à disparaître. Cette précarité est-elle ignorée du nouveau-né ? (« le bébé rêveur sait-il déjà la mort ? »). La poète s’interroge et sa question devient prière de demande mais aussi acte de foi en la vie, en ce monde fini qui, comme le poème, n’en finit pas de requérir les nouvelles arrivées dans l’œuvre du vivant : il s’en dégage une communion à la Terre, un toucher mystérieux et délicat que la poète parvient à dire avec une grande sensibilité :

    « Au loin du parc où courent les petites jambes,

    la terre qui les connaît et qu’elles connaissent,

    comme les pins, le tilleul et le hêtre bruissant

    accueille la joie et l’angoisse irrésistible de vivre »

    L’épreuve de vivre s’inscrit dans cet élan confiant qui ne refuse ni la joie ni l’angoisse, qui accueille le clair et l’obscur dans l’instant présent pleinement aimé et reçu : « être là dans l’éternité aimante du regard » dit ce geste simple et exigeant de la présence qui ne s’approprie rien, et qui, dans sa désappropriation même, laisse passer la lumière.

    « Toute enfance a sa divination

    dans le sourd appel de son angoisse

    ce qui bruit est l’informulée

    blessure qui pressent

    (à corps défendant, âme vivante)

    la soustraction possible d’un départ.

    Dans le langage du baiser, nul salut

    qui puisse guérir jamais

    la violente solitude de vivre. »

    Si les fillettes ont le pouvoir d’éveiller un sentiment de jouvence dans la langue, de faire jaillir les mots comme des sources pures, elles pressentent aussi le réel et sa finitude. Elles ne s’y résignent cependant pas, et parviennent à habiter ce réel avec l’élan de leur confiance, à faire naître les couleurs dans le noir, à en révéler la lumière. Alors, « vivre – avec l’enfant, c’est toujours comme une vérité inédite. » Vérité inédite parce que seul l’enfant, dans sa grâce unique, en a le secret, un secret qui s’éprouve dans la charité discrète. Cette force de l’enfance naît de sa blessure, de sa fragilité même ; elle est la force même de l’abandon, de la confiance qui éclaire l’aïeule triste par ses gazouillements enjoués, qui a l’art des salves et des trilles : « les drôles de petites balles au canon de sa voix atteignent leur cible », nous dit Sylvie Fabre G. Quant à Tosca, l’intrépide, semblable à l’alouette, elle est celle qui parvient à ajouter au jour la vaste présence de son grand « oui » à la vie : l’immense promesse qui s’en dégage est celle qui ramène l’aïeule à la vie. Car la voix de l’enfant est celle du consentement, de l’abandon joyeux et lucide à l’existence présente, si bien que « le cœur vermeil rebat, oubliant un moment au coin noir des mots la mort du fils qui bat sous les nuées. » C’est elle, « l’intimide, Anna Livia au bouquet du poète », qui allume le feu intérieur, trace la voie de la liberté dans l’éternité aimante du regard confiant.

    C’est cette confiance orante qui touche tant dans ce recueil : une confiance que Sylvie Fabre G. sait adresser à « plus grand que soi », dans la vie qui s’en va et dans celle qui vient, comme en ce geste éphémère qui trace un dessin sur le sable mouillé. Nous sommes ici dans sa lumière : celle de l’enfance redécouverte sans niaiseries – une enfance dépouillée de ses oripeaux doucereux – et rendue à la lumière vibrante de la vie. Sous la plume de Sylvie Fabre G., le territoire de l’enfance devient envol d’oiseaux, chant qui monte des profondeurs de la Terre et qui se répand dans le ciel : « accord qui monte avec le vent, bleuit l’ardoise des lavandes et désoriente son geste de cueillir ». Elle en signifie la force candide par l’abandon, l’instant fragile dans le rire qui gagne l’apesanteur. Le jeu déploie alors sa lumière diaprée dans une vibrante remontée d’être, et « le bain dans le bleu qui coule de la montagne jusque dans la piscine prosternée » devient « salutation ». L’espace ludique s’énonce comme une vie consentie, l’expansion de l’âme dans l’ardent désir d’étreindre l’inconnu :

    « Par penchant de corps l’enfant cabriole,

    tant de nette énergie à dépenser

    entre les jets d’eau, le toboggan et la balançoire

    qui donne le la pour le jeu.

    Une course au bonheur sans compter,

    mille ans peut-être en quelques heures

    pour celle qui ne croit pas au temps

    sauf pour durer : encore, encore,

    […] »

    La présence vibrante de l’enfance s’exprime à travers la musique des vers, leur rythme, leur soupir et leur silence : la partition laisse passer l’éclair scintillant de la présence qui bat comme un cœur d’oisillon. Car ces petites filles n’ont pas encore le souci de mourir, elles sont tout entières dans le pur être-là, dans l’épaisseur de l’instant qu’elles habitent avec ardeur. Anna Livia et Tosca traversent le jour avec cette « sauvagerie d’aimer et d’être aimées ». Mais déjà elles connaissent

    « […] les ordres

    intraitables du temps, l’attente battante

    (oh la peur de l’abandon encombrée de larmes

    la jalousie qui fait flamber les yeux

    tanguer inexplicablement le corps délaissé) » […].

    Leurs jeux, leur questionnement, tout leur être dit la soif d’exister, d’embrasser la vie à pleines mains, d’exprimer leur amour avec leurs mots d’enfant. Sans le savoir, sans le vouloir souvent, Anna Livia et Tosca

    « s’essaient à entendre et à dire où va le vent,

    elles luttent en rires et en colères, s’insurgent,

    l’endroit sur la terre et sous le ciel l’envers,

    le blanc, le noir, leur voix stridulant dans l’azur. »

    Alors la joie s’ouvre au corps de l’enfant qui épouse la vie sans nulle capture. Semblables à la rose d’Angélus Silesius qui « ne demande pas si on la voit », qui « fleurit parce qu’elle fleurit », les petites filles sont là, présentes à un monde qui demande l’abandon du corps, dans la joie élargie aux dimensions d’un chant d’oiseau. Et cette joie est spacieuse parce qu’elle est fragile, parce qu’elle s’est rendue capable de recevoir, n’oppose ni barrage, ni mur. Parce qu’elle désarme l’apprivoisement, endigue la coulée du vide, et dépouille les visages pour en faire « ces étrangers qui creusent la brèche ».

    L’enfance fait basculer le monde de la nuit vers le jour, elle nous rappelle cette joie des profondeurs où naître donne sens, où naître ne s’inscrit dans nulle fixité, dans nulle norme, mais « dans l’incertitude du toujours à venir de sa marche ». Aussi, dans quelle mesure la rencontre de l’autre dépossède-t-elle le poète de toute volonté d’emprise, et lui redonne-t-elle conscience de « l’absolue nécessité de lâcher prise » ?

    L’enfance est ce miracle qui nous impose « un bonheur dans l’effroi de l’instant / où son corps (mailles lâches) / crée le chemin vers lequel il tend ». Ce chemin est parole née d’incarnation vécue, dans la joie de l’abandon. La présence est ce plein qui comble tout en laissant le vide intact et qui même le révèle, le fait briller : c’est de cette illumination du vide que Sylvie Fabre G. parle quand elle évoque « ces histoires où ferraillent le fort et le faible, / un calque – fond d’images et de mots qui atteignent / l’âme humaine d’Anna Livia avant de se refléter / dans ses yeux puis de se poser sur ses lèvres / qui les prononcent et infiniment leur donnent foi. » Pas de réservoir plus obscur, mais aussi plus transparent, que ces histoires, confie la poète, comme si le leurre d’une plénitude de jour brillait au creux du vase vide, de même qu’un reflet coloré du ciel fait miroiter l’éternité au sein noir de la flaque. Tracée sur le vide, ne reposant sur rien, la plénitude est le fruit d’une patience qui sait devenir confiance, amour, œil clairvoyant devant L’homme qui marche :

    « Au musée il y a l’eau derrière les grandes baies, les fauteuils

    où grimper et en face L’homme qui marche de Giacometti.

    Dans l’œil clairvoyant d’Anna Livia, il n’est pas un objet,

    mais une question qui trouve réponse dans le geste de sa main

    tendue pour voir […] ».





    Illumination de l’obscur : la rencontre de l’autre



    L’intime proximité de la présence et du néant trouve un symbole en l’image de l’eau, omniprésente dans la poésie de Sylvie Fabre G. L’eau intègre en elle vie et mort. Des eaux matricielles aux eaux de la mort, en passant par les eaux lustrales, l’eau favorise et alimente la présence : Tosca « regarde les gouttes de pluie, perles sur les vitres pareilles aux larmes qui coulent sur les joues et les baptisent ». La rencontre de l’autre est alors éclatement des contours de l’être, dilatation du monde, « élargissement » cosmique :

    « Les yeux et la gorge encore pleins de larmes,

    Anna Livia à la fenêtre de minuit regarde

    la lune et tend sa main vers le miracle de la clarté.

    Oubliant déjà la montée des ombres,

    elle veut aller dehors flotter dans l’infini

    avec les arbres d’argent et les fleurs étoilées,

    […] »

    Cette réalité des corps enfantins, de leur présence, agit sur les mots, bien qu’obliquement, invisiblement. Dans Tombées des lèvres se déchiffrent en effet les traces du passage de cette main qui touche les vocables et les transmue. Et c’est dans sa texture même que

    « la gravité des a tombe

    pour mieux résonner et faire glisser le s, le l

    et le v jusqu’au plus léger qui advient : trilles d’envol, i ou o

    voyellent prénoms de petites filles

    et autrement les modulent

    en langue d’oiseaux. »

    Cette langue est celle du chant poétique, de l’épiphanie du simple et du sens caché (le sens mystérieux de ce qui n’est que simple). La présence de l’autre libère la cellule des syllabes qui se transmue en langue d’oiseaux, unissant le ciel et la Terre. Anna Livia et Tosca offrent au poète de découvrir les choses « déjà » là avec un autre œil : elles sont cette lumière qui éclaire l’arbre, sa frondaison, le bleu du ciel et le chant de la Terre « enchantée des constellations ». La présence de Tosca et d’Anna Livia met au monde le « fruit », révèle le geste poétique, le geste qui accomplit le dévoilement du caché : l’élan oblatif du don. Elles offrent leur enfance comme ce geste simple de vivre au poète qui en retrouve la saveur. Il a fallu qu’elles viennent au monde, que le poète vienne à leur rencontre, pour qu’advienne cette enfance de l’écriture, cette poésie précaire où toujours le vers est prêt à se rompre, à se briser, dans la blessure pressentie d’un départ.

    En ce chant de l’enfance, en ce langage encore informulé, Sylvie Fabre G. redécouvre les formes justes qui respirent, « l’inconnue saison qui ondoie et appelle l’enfant à la plénitude ». Cette plénitude est celle de la simplicité, de l’abandon qui porte avec lui les couleurs et le rire, et la langue des oiseaux. Le geste simple de Tosca, le rire éclatant d’Anne Livia fusionnent avec l’eau du réel, participent de l’être du monde.

    « Déjà le monde ordonnance l’amour, sépare

    la prime naissance du proche grandissement

    et sa voix, au loin de langage assuré,

    ne nous laisse pour viatique qu’un doux zézaiement… »

    Les « riches heures » de l’enfance, ce trésor de vie et de joie, lèvent les clôtures et les pesanteurs, donnant à la langue la justesse et la beauté de la vie par on ne sait quel pouvoir de métamorphoses : ailes d’oiseaux déployées comme des vers dont l’envolée touche les profondeurs du sens, dont le chant inouï jaillit de source claire.

    « Sous l’arbre du pré, à hauteur de clartés et d’ombres,

    elle s’enivre d’une parole qu’elle lance vers toi qui la suis

    au paradis quotidien de sa voix, elle te confie un monde

    en tournures naïves qui déjà s’enhardissent de rythmes

    dont le bord de sa bouche fluide vocalise le sens,

    […] »

    Les thèmes de l’arbre, de l’oiseau, du fruit, de l’eau, de la fleur et de l’enfant, convergent tous ici pour célébrer l’éveil d’une parole renaissante, l’exigence d’un retour à l’origine qui se partage entre l’eau trouble d’un souvenir, la conscience d’une finitude et le désir d’un paradis perdu. C’est ce fruit ambigu qu’offre la poète, laissant entendre qu’il est lui-même fait de mots qui nous perdent (des mots porteurs de néant et d’absence) et d’une parole qui nous sauve (parce qu’elle restitue avec plus de présence le lieu même dont nous éloignent les mots). Et si la Terre apparaît transfigurée dans la parole d’Anna Livia et de Tosca, si les larmes sont des éclosions de vie, c’est par la grâce d’un consentement, « l’éternel présent d’une enfance qui a laissé ses traces et réclame insistante de refaire jour en perpétuant l’aventure. » L’aventure est celle du regard qui apprend à voir autrement grâce au regard de l’enfant. Par lui, le poète se fait « voyant » : il voit la beauté du simple, de l’ordinaire d’une existence oubliée.

    De près, le langage n’est fait que de mots stériles comme les pierres ou comme le sable. Mais vus sous une certaine lumière poétique qui les transfigure, certains mots se mettent parfois à miroiter comme de l’or (« oh ta sidération retrouvée dans l’effroi ! »), et les choses du quotidien, les êtres que l’on croise se révèlent sous une autre lumière :

    « La maison, le couloir ombreux, la chambre, le bureau

    dans la chambre deviennent des lieux de l’inapprivoisé.

    Et la plante de la mère, goûtée à même son pot, surgit

    aussi fabuleusement que sur l’étagère la photo du père

    à embrasser […]

    […] autant de petits riens

    qui commencent à exister pour propager le contentement

    et nous permettre de percevoir ce qu’on ne perçoit jamais »

    Ainsi, la parole, pour rester vive, doit sans cesse renaître des eaux. Ici, l’eau est faite de sel : ce sont les larmes des fillettes qui ouvrent le monde et apprennent à voir, parce qu’elles disent le lâcher-prise, l’abandon salvateur, et le retour au souffle :

    « Cœur d’une interrogation silencieuse où bat le pouls

    de l’autre et qui saisit une vérité diurne et nocturne aussi improbable

    que le noir dans le rouge désarmé du coquelicot : qui es-tu, toi ?

    Iris d’un regard à vif qui muettement exige, mais répondre

    fera-t-il entendre le secret dépôt du nom dans la voix,

    […] »

    Pour que la parole puisse avoir l’étoffe de ce qui est, il faut qu’un regard à vif l’anime.

    La vie reconquise en ce « cri de l’alouette au fond du ciel » apparaît dans la splendeur de sa précarité. L’enfance demeure l’inapprivoisé en nous, présence qui apparaît comme la dissipation du rêve, dans le vécu lui-même, dans cette « allure décidée et légère qui décale sa trajectoire et en fait dans l’instant une quête » : attitude en marge des mots ou plutôt en avant d’eux, dans l’ouvert d’un devenir qui échappe au texte clos, dans une naissance sans cesse reconduite à soi-même et à l’autre.

    Transfigurée par le regard de ses petites filles, Sylvie Fabre G. nous fait entrer dans la demeure du réel, dans ce cri de l’enfant où la présence s’affirme.

    « l’esprit aussi se désencombre, s’allège, prépare

    le vide qui appelle le lancer, haut, loin, et l’air

    crie victoire, bulle ouverte à l’espace, perméable

    à la voix de celle qui court dans un tangage plus fort

    que le sol vers l’illimité foyer où monte le ballon

    maintenant dansant dans la lumière qu’à son tour

    elle rejoint, moment de gloire pour la jeune héroïne

    en train tout simplement de lever la clôture de la terre. »

    La poésie de Sylvie Fabre G. dit cet événement de la rencontre qui ne trouve sa condition de possibilité que dans l’espace de la parole hospitalière, dans ce oui à la vie sensible, incarnée. Car si remercier, c’est aussi répondre, c’est peut-être en cela que la parole n’épuise pas le sens de ce qu’elle dit, et appelle nos voix de lecteurs afin de se poursuivre et de croître,

    « quand la ligne d’arrivée se fait la parfaite

    invention du corps et du cœur pour éprouver

    un lieu qui jamais ne se dérobe

    malgré et dans l’ivresse de la liberté,

    qu’importe si remue au fond des rires adultes

    la conscience d’une autre course ».

    Au-delà du poème, avec le poème, les frontières sont poreuses. Et nous ne devenons les hôtes de ce monde que si nous sommes assez clairvoyants, frémissants, semblables à ces mots que le poème a rendus complices, délivrés de notre opacité, sans rien posséder, dans l’insouciance du temps. La parole hospitalière est en son fond patiente, humble. Mais sa patience n’est pas passivité, elle signifie l’être en éveil : la parole se laisse alors parler par la poésie qui la précède et qui la nourrit. Et toujours le poète est en travail d’enfantement – car il n’est poète qu’en ce qu’il se laisse lui-même déborder et laisse la poésie le déborder, dire le poème lui-même « à mesure d’enfance » :

    « L’enfant ne sait pas qu’il n’est pas né pour rester

    enfant, il suit la flèche aiguë du temps

    et goûte son génie, manière d’étancher la soif

    d’un réel accepté bienfaisant ou terrible.

    Vivant le monde il se penche sur ses effilochures

    pour attraper les êtres et les choses à travers,

    et sans jamais opposer le centre et la circonférence,

    il s’emploie à saisir l’éclair dans l’orage,

    dans le fruit le noyau, les yeux dans le visage,

    lampes qui jours et nuits crépitent,

    teignant les mots et les voix proches

    de lointains qui appartiennent à l’innommé. »

    Acceptant de se décentrer, la parole poétique, rendue à l’enfance, se fait parole discrète, s’ouvrant à l’altérité. La voix intérieure s’énonce par une altération de l’intime constitutive de l’intériorité véritable. Écouter, c’est être au plus intime de soi ouvert à l’autre et par lui transformé, en permanence et par surprise, c’est être capable de teindre les mots et les voix proches de lointains qui appartiennent à l’innommé. L’intimité n’est donc ni refuge ni abri, mais lieu d’une exposition plus grande, lieu d’une blessure – espace intérieur où la ferveur se mêle à l’angoisse. Dans le secret du regard des fillettes, dans les voix enfantines de Tosca et d’Anna Livia, ce que Sylvie Fabre G. murmure à l’oreille du cœur, c’est cette parole qu’elle puise au tréfonds de petits êtres livrés à l’écoute – une parole qui ose se décentrer, une obéissance qui écoute, une attention hospitalière à l’enfance, « aux grands pas de la rumeur que fait la vie ». Il appartient donc à cette parole de ne pas savoir parler : dans son aveu de nescience, elle s’ouvre alors au milieu du silence, à l’abîme, au fond sans fond. Elle se reçoit de cette blessure même qui fonde son essentielle précarité. Car, si le poète ne parle que depuis la source qu’il n’est pas lui-même, cette source le requiert en sa voix humaine qui, pour autant qu’elle se retire elle-même, laisse passer la voix de fin silence comme ce murmure du chant du monde :

    « L’accueil, le déploiement et la métamorphose

    content l’histoire des commencements

    trait d’union entre les générations

    la montagne et l’eau, l’air et la lumière

    donnent un nom perpétuel à des visages éphémères :

    il n’y a qu’un seul voyage. »

    Ainsi, nous ne créons que dans la rencontre, nous faisons advenir. La tâche aura été menée à bien quand nous serons rendus le plus loin qu’il était permis à l’avant du poème, quand nous laisserons place à ce qui n’est plus à nous, comme un enfant qui sera nous en étant davantage que nous, la voix profonde épanouie, un grand « oui » à la vie.

    La poésie de Sylvie Fabre G. nous parle depuis ce « oui », depuis cette parole dessaisie de sa volonté impérieuse, une parole qui devient elle-même autre, parole-autre en tant qu’ouverte sur le monde dont elle se fait l’hôte humble et attentif.

    Celui qui sait écouter la voix inouïe qui habite les vers de Sylvie Fabre G., celui qui sait regarder, avec le troisième œil, l’éclat de leur lumière, la densité discrète de leur souffle, s’étonnera avec joie de cette enfance retrouvée, détournée de tout rêve et de toute image édulcorée : une enfance capable d’habiter la précarité, une enfance qui la transforme sans la fuir, qui ne fuit dans nul monde paradisiaque, mais qui révèle la lumière de ce monde présent.

    On le comprend ici, comme on l’avait compris avec Frère humain : rien, dans l’univers de Sylvie Fabre G., n’est jamais acquis. Tout est sans cesse à reconquérir. Il y a dans cette poésie sensuelle, si proche de la nature, des forêts, de la terre et de l’eau, une quête sans cesse reconduite, une demande qui nourrit et qui s’offre avec humilité au monde et aux autres – cette demande comme deux bras ouverts est ici figurée par la métaphore des bras qui traverse cette poésie :

    « Ses bras, entre espoir et effroi, demandent la commune

    présence, enlacés au cou du père dans une intimité

    sensible qui le ravage et l’oblige à ralentir un temps que

    l’injonction de l’heure tranche avec des dents de fauve […] ».

    On pourrait dire d’une certaine façon que, dans ce très beau recueil, Sylvie Fabre G. transgresse les rêves d’enfance, échappe aux représentations et aux constructions mentales de l’autre, pour ne recueillir dans le chant poétique que la quintessence de la présence, sa lumière et sa chaleur. La simplicité de l’enfance n’a rien de la facilité qu’on lui prête de prime abord : elle est exigence, vérité de parole pour la présence, contre l’imaginaire. L’enfance est donnée de haute lutte : une lutte en vue de la finitude, contre les abolitions, contre les clôtures. Ce grand « oui » offert par Anna Livia et Tosca, nous l’éprouvons en nous comme cette symphonie du vivre réitéré en son souffle profond et toujours novateur à qui sait l’accueillir dans le silence – un grand souffle qui fait de nous des danseurs au pied léger :

    « et c’est à chaque fois la douleur

    de la créature qu’elle transmute

    en don d’amour. »

    La poésie revêtue de son vêtement originel, de son enfance, est cette présence aimante qui s’ouvre, cette épreuve de la liberté où l’amour ne dit rien d’autre que ce qu’il est en sa précarité : nulle chimère ni naïveté, nulle illusion où se complaire, mais une vie qui vibre au rythme du réel qui se soustrait à nos prises, à nos emprises. À son plus haut, qu’on peut au moins pressentir, la poésie doit bien réussir à comprendre que ces images qui, absolutisées, auraient été mensonges, ne sont plus, dès lors qu’on les traverse, que les formes tout simplement naturelles de ce désir si originel, si insatiable qu’il est en nous l’humanité comme telle : et l’ayant refusé, elle l’accepte, en une sorte de cercle qui constitue son mystère, et d’où procède d’ailleurs sa qualité positive, son pouvoir de parler de tout :

    « Être-au monde : en ces herbiers sacrés

    visuels et sonores, l’enfant se tient

    sans se détourner de l’avènement,

    souverain d’une histoire impossédée. »

    En un mot, l’enfance énonce cette joie malgré la nuit, malgré la séparation, malgré l’angoisse. Car, à mesure d’enfance, rien de ce qui a fini ne finit d’être. Sous la plume de Sylvie Fabre G., l’enfance devient ce qu’elle est de toute éternité :

    « L’accueil, le déploiement et la métamorphose

    content l’histoire des commencements

    trait d’union entre les générations

    la montagne et l’eau, l’air et la lumière

    donnent un nom perpétuel à des visages éphémères :

    il n’y a qu’un seul voyage. »

    Ce que le rêve oppose à la vie, ce que les analystes du texte n’étudient que pour le dissoudre dans l’indifférence des signes, ce qu’une poésie plus superficielle eût déchiré avec rage, elle le dément mais l’écoute, elle le réintègre éclairé à l’unité de la vie.

    « Les enfants, petits ou grands, bougent

    dans sa lueur tremblante

    et mêlent au sel du temps

    le miel pur du Grand Pays. »

    Le « miel pur du Grand Pays » est l’enfance en sa quintessence même : une enfance ennemie de l’idolâtrie tout autant que de l’iconoclasme ; une enfance qui bat au bord de la vraie lumière, dans ce « peut-être » de la voix intarissable, celle que toute âme-chair retiendra.

    L’image de l’enfance se renonce en nous comme un fruit qui se déchire pour renaître au plus intime, dans la chambre secrète où s’effacent les idoles, dans ce que Sylvie Fabre G. appelle « un scintillement d’aube sur fond de nuit ». Comment ne pas penser à l’étoile de Marceline Desbordes-Valmore : « C’était loin, mais l’étoile allait, cherchait pour moi, / Et me frayait la terre où tu m’avais suivie ». Marceline, comme Sylvie, savent que le poète est ce nouveau roi mage, non pour les trésors qu’il apporte à l’enfant, mais parce qu’il y renonce, devant la beauté augurale de la vie qui point dans le monde.



    Isabelle Raviolo
    D.R. Isabelle Raviolo
    pour Terres de femmes

    juillet 2015






    Sylvie Fabre G., Tombées des lèvres






    SYLVIE FABRE G.


    Sylvie Fabre G.
    Source



    ■ Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes

    Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
    [Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
    [À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
    L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    Frère humain (note de lecture d’AP)
    Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
    Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
    [C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
    Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
    L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
    Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
    La demande profonde
    Lettre des neiges éternelles (extrait de La Maison sans vitres)
    Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Pays perdu d’avance (note de lecture d’AP)
    [Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
    Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
    Quelque chose, quelqu’un
    Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant, par Sylvie Fabre G.
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Dhainaut, Après, par Sylvie Fabre G.
    Alain Freixe, Vers les riveraines, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle, Ici en exil, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Pierre Péju, Enfance obscure, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’État du ciel, par Sylvie Fabre G.
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, par Sylvie Fabre G.
    Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    L’au-dehors
    → (dans les Chroniques de femmes)
    L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Ludovic Degroote | Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Une terre commune, deux voyages



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature) une
    fiche bio-bibliographique sur Sylvie Fabre G.




    Retour au répertoire du numéro d’ août 2015
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • 15 août 1810 | Naissance de Louise Colet

    Éphéméride culturelle à rebours






    Le 15 août 1810* naît à Aix-en-Provence Louise Révoil, plus connue sous son nom d’épouse, Louise Colet. Elle est la fille de Henri-Antoine Révoil, directeur des postes, et de Henriette Le Blanc, dont le père, bien qu’appartenant à la noblesse, partageait les idéaux de son ami Mirabeau. Louise eut trois frères et deux sœurs plus âgés qu’elle. Une enfance entre Aix, où la famille habite un appartement de fonction dans un hôtel particulier de la rue de l’Opéra, et la propriété de Servanne [ou Servanes], près de Mouriès, qu’Henri-Antoine a rachetée à son beau-père, ruiné par la Révolution et par ses idées utopiques. Le père apprend l’italien à sa fille, et sa mère lui donne une solide culture littéraire.**

    En juillet 1846, Louise Colet rencontre Gustave Flaubert, qui n’est alors qu’un inconnu de vingt-quatre ans. C’est le début d’une liaison difficile et discontinue, comme l’est la correspondance entre les deux écrivains.


    _____________________
    * Louise Révoil est née le 15 août 1810 (selon son acte de naissance), le 15 septembre 1810 (selon le registre de la commune).
    ** Source : Joëlle Gardes, « Chronologie » in Louise Colet | Du sang de la bile de l’encre et du malheur, Éditions de l’Amandier, 2015, page 153.








    Colet






    EXTRAIT DE LOUISE COLET, PAR JOËLLE GARDES



    La pensée des premiers moments avec Gustave, loin de me réchauffer, me fait frissonner. Le temps a mis sa patine sur la plupart de mes souvenirs et je n’en garde au cœur qu’une vague tristesse. Mais ceux-là continuent à me tourmenter dans mes rêves et la journée, dès que son nom surgit dans mon esprit. Même en resserrant autour de moi mon triste châle gris, le froid ne me quitte pas, le froid de la dernière saison de ma vie plus que de l’hiver. Et ce n’est certes pas dans ces images que je peux trouver quelque douceur, quelque chaleur. Le regret seul demeure, empreint de colère et d’amertume. Sauf pour ce qui touche à la littérature, l’unique domaine que nous ayons vraiment partagé.

    L’a-t-on répété à l’envi que j’étais sa Muse, sa Musette (je détestais ce diminutif qu’il lui arrivait de me donner et qui me rabaissait), comme de bien d’autres, d’ailleurs ! En réalité, quand je l’ai connu, j’ai été sa conseillère écoutée et respectée, plus que son inspiratrice. J’étais plus âgée (il nous a toujours aimées mûres, comme Elisa, avec qui il a joué les amoureux transis, ou Eulalie, la Marseillaise, avec qui c’était autre chose !), j’étais auréolée de mes succès auprès de l’Académie, je pouvais espérer que mes leçons, mon amour surtout, lui enseigneraient que la vie vaut mieux que les livres.

    En définitive, peu à peu, les rôles se sont renversés et c’est lui qui m’a servi de mentor, jugeant mes vers avec une extrême sévérité qui rendait d’autant plus précieuses ses rares approbations. Que de moqueries devant la comparaison qu’après notre rencontre enflammée de Mantes j’avais faite de son impétuosité avec celle d’« un buffle indompté » ! Il avait annoté en détails la Colonie de Mettray, pourtant primé par l’Académie, ou mon poème sur Pradier, comme le plus impitoyable des censeurs, traquant les répétitions, les métaphores banales, les rimes à l’intérieur du vers… Il m’avait proposé des corrections, changeant même un simple « sa » en « ta ». D’une manière générale, dans son horreur des choses « po-ë-tiques », il n’appréciait guère mon lyrisme, qu’il jugeait faux, ni les débordements de mon imagination. Il trouvait faible la composition de mes volumes. Pour lui, le plan d’un livre était fondamental. Je dois reconnaître qu’il était tout aussi sévère pour lui-même, navré d’un défaut de construction dans son Saint Antoine qui le privait d’un effet dramatique. Un livre, selon lui, devait être exempt de tout élément personnel, alors que c’est précisément ce que je recherchais, dans ma poésie comme dans ma prose. J’avais donc tort de poétiser les réalités les plus simples et je faisais de l’art un pot-de-chambre où je déversais un trop plein sentimental ! Je devais oublier Lamartine et relire La Fontaine et Montesquieu ! La portée sociale de mes textes l’exaspérait aussi, tout comme ma défense des femmes. […]

    Avec Gustave, j’étais également critique. J’aurais voulu qu’il enlève de la première Éducation sentimentale le personnage de Jules qu’il trouvait nécessaire par rapport à Henry. Avec le recul du temps, je reconnais que j’avais d’autres motivations que purement artistiques. En Henry, je voyais Gustave et en Jules, son âme damnée, Maxime. Mais tout de même, je pense que je n’avais pas tort. Cette version, d’ailleurs, il ne l’a pas publiée.

    Le style de ce roman ne devait pas l’emballer. Voilà bien ce qui l’enflammait, le style ! Il aurait dû faire tenir à lui seul un livre sans matière, évidemment privé de sentiment et quant à l’intention, elle ne comptait pas… Son travail, il en souffrait, il lui arrachait des larmes, mais il l’aimait comme il ne m’a jamais aimée. Il l’avait dans la peau, lui disait « le ventre » ! Contre une femme, j’aurais peut-être pu lutter, je n’avais aucune chance contre les charmes et les caprices de cette rivale, l’écriture !



    Joëlle Gardes, Louise Colet. Du sang, de la bile, de l’encre et du malheur, Éditions de l’Amandier, Collection Mémoire Vive, 2015, pp. 111-112-113-114.







    LOUISE COLET



    ■ Louise Colet
    sur Terres de femmes

    Joëlles Gardes, Louise Colet. Du sang, de la bile, de l’encre et du malheur (note de lecture d’AP)
    19 septembre 1852 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet
    16 décembre 1852 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet
    26-27 mai 1853 | Lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la la Médiathèque André-Malraux de Lisieux)
    les premières lettres de Gustave Flaubert à Louise Colet (4 août 1846 – 14 août 1846)





    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’ index de l’éphéméride culturelle
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Michaël Glück | [où de vivants piliers]




    [OÙ DE VIVANTS PILIERS]



    où de vivants piliers

    où de vivants piliers

    où de vivants piliers
    laissent parfois sortir de confuses paroles


    nous sommes
    adossés à la nuit
    immobiles et passants

    nous allons nous restons
    arbres et oiseaux
    nous tenons le ciel
    entre nos serres jointes
    oiseaux de pierre

    des voix chuchotent dans la fraîcheur
    circulent entre les ombres
    le temps pèlerin écoute les corps
    qui cherchent les corps
    sous les phrases obscures
    on ne voit rien on sait on sent
    ce sont présences de chair
    qui appellent la chair



    Michaël Glück, « Verticales de nuit », in Lysiane Schlechter | Michaël Glück, Poser la voix dans les mains, Éditions des Vanneaux, 2015, page 52.






    Lysiane Schlechter





    MICHAËL GLÜCK


    Michaël Glück
    Source




    ■ Michaël Glück
    sur Terres de femmes


    Choral des Septantes, 6 (extrait de Ciel déchiré, après la pluie)
    [commence une phrase] (extrait de …Commence une phrase)
    …Commence une phrase (lecture d’AP)
    L’Enceinte (note de lecture d’AP)
    « cette chose-là, ma mère… »
    Matières du temps (extrait de D’après nature)
    [le ciel emporte le reflet des îles](extrait d’Errances célestes)
    Passion Canavesio | Passion-Judas (lecture d’AP)
    [Certains matins les mots] (extrait de Tenir debout dans le grand silence)
    [nous sommes venus d’un ciel à l’envers] (extrait d’Un livre des morts)
    [toujours avoir à se justifier devant la norme] (extrait de Tournant le dos à)
    Tournant le dos à (lecture d’AP)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (extraits)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions des Vanneaux)
    Lysiane Schlechter : Demeures d’espacement (article de Catherine Pomparat)



    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Titos Patrikios | Ma langue




    Η ΓΛΩΣΣΑ ΜΟΥ



    Τη γλώσσα μου δεν ήταν εύκολο να τη φυλάξω
    ανάμεσα σε γλώσσες που πήγαιναν να την καταβροχθίσουν
    όμως στη γλώσσα μου συνέχιζα πάντα να μέτράω
    στη γλώσσα μου έφερνα τον χρόνο στα μέτρα του κορμιού
    στη γλώσσα μου πολλαπλασίαζα την ηδονή ως το άπειρο
    μ’αυτή ξανάφερνα στον νου μου ένα παιδί
    με ασπρο σημάδι από πετριά στο κουρεμένο του κεφάλι.
    Πάσχιζα να μη χάσω ούτε μια της λέξη
    γιατί σ’αυτή τη γλώσσα μου μιλούσαν κι οι νεκροί.







    MA LANGUE




    Ma langue ne m’a pas été facile à garder
    au milieu des langues qui allaient la dévorer
    mais c’est dans ma langue que je continuais à compter
    dans ma langue que j’amenais le temps aux mesures du corps
    dans ma langue que je multipliais la volupté jusqu’à l’infini
    en elle que me revenait à l’esprit un enfant
    avec la marque blanche laissée par un caillou jeté sur sa tête rasée.
    Je m’efforçais de ne perdre pas même un de ses mots
    parce que c’est dans cette langue que me parlaient même les morts.



    Titos Patrikios, Sur la barricade du temps, Anthologie bilingue, Le Temps des Cerises, Collection Vivre en poésie, 2015, pp. 204-205. Traduction du grec & choix de poèmes par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis. Préface d’Olivier Delorme.







    Titos Patrikios, Sur la barricade du temps





    Τίτος Πατρίκιος


    Titos Patrikios
    Source




    ■ Titos Patrikios
    sur Terres de femmes

    L’heure que je ne connais pas



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Humanité)
    La Grèce aux pieds gonflés de Titos Patrikios, par Nicolas Dutent (lecture de Sur la barricade du temps)



    Retour au répertoire du numéro d’août 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jean Pichet | Le bouquet




    LE BOUQUET



    Dans un vase parfait,
    Qu’elle seule voit,
    Elle dispose des fleurs
    Qu’elle seule connaît.

    Le ciel, à sa fenêtre, est un cristal
    Enrobé de velours. Au jardin, le vent
    Promène des feuilles mortes
    Sur l’herbe mouillée…
    Un beau nuage est loin, déjà.

    Le soir vient.

    Elle entend des enfants jouer
    Dans la pénombre, avec des cris
    D’oiseaux marins. Elle brise le vase
    D’un battement de cils. Regarde
    Se faner ces fleurs
    Qu’elle ne connaît plus…

    Et saute par la fenêtre.



    Jean Pichet, Une poignée de feuilles, L’Arrière-Pays, 32360 Jégun, 2015, page 33.






    Jean Pichet





    JEAN PICHET



    ■ Jean Pichet
    sur Terres de femmes


    Froid Peur (extrait du Vent reste incompris)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Recours au poème)
    plusieurs poèmes de Jean Pichet (extraits d’Un calme orage)



    Retour au répertoire du numéro de août 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • TdF n° 129 ― août 2015 (Sommaire)



    TDF aout 2015
    Image, G.AdC






    SOMMAIRE DU MOIS D’AOÛT 2015


    Terres de femmes ― N° du mois de juillet 2015
    Titos Patrikios | Ma langue
    Jules Laforgue | Résignation
    Jean-Louis Giovannoni | [Aucune sortie possible]
    8 août 1730 | Le Sylphe de Claude-Prosper Jolyot de Crébillon, dit Crébillon fils
    9 août 1940 | Francis Ponge, Le Carnet du Bois de pins
    Nimrod | Des « paroles plus précieuses que l’or » (chronique d’Angèle Paoli)
    Mira Wladir | [ce qui fut dérobé]
    Michaël Glück | [où de vivants piliers]
    15 août 1810 | Naissance de Louise Colet
    Nimrod | L’herbe
    Anamaría Mayol ǀ Árbol en algún bosque
    Sylvie Fabre G., Tombées des lèvres (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Chloé Bressan | [je couds et recouds le même labyrinthe]
    Tanella Boni | Le détail des choses
    22 août 1978 | Raphaële George, feuilles éparses
    Lorenzo Calogero | Già pallide chiome
    Estelle Fenzy, Sans (lecture d’Angèle Paoli)
    Déborah Heissler | « Des pas dans la neige »
    28 août 1993 | Thierry Metz, Sur un poème de Paul Celan
    Mira Wladir | [corps éparpillé]
    Agnès Rouzier | [Alors revenait la voix]
    Déborah Heissler, Sorrowful Songs (lecture d’Angèle Paoli)
    Milo De Angelis | [Inquadratura]
    Terres de femmes ― N° du mois de septembre 2015


    Retour au répertoire chronologique de Terres de femmes

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Chantal Dupuy-Dunier | [L’eau et sa mémoire]




    [L’EAU ET SA MÉMOIRE]



    L’eau et sa mémoire inscrivent le passé
    dans une éternité géologique.

    Au long des roches bleues suinte la pluie.
    Dans la cave sourd le torrent diluvien de l’orage,
    rigoureux.
    Harmonie avec le mouvement des éléments.

    Entailles à la surface du rocher,
    Qui font le lit des calligrammes liquides.





    Un soleil tremblant comme un mirage
    effleure tes doigts
    murs de pierres blessés,
    toitures effondrées.

    Parmi les soleils inconnus d’autres galaxies,
    nous pourrions découvrir
    tant de nouvelles phrases,
    de nouveaux mots dont ceux-ci
    ne sont que les ombres ou les reflets.
    Je tente de marcher sur le fil,
    funambule entre deux abîmes.



    Chantal Dupuy-Dunier, Pluie et neige sur Cronce Miracle, Les Lieux Dits Éditions, Collection 2Rives, 2015, s.f. 11 encres de Michèle Dadolle.






    Pluie-et-neige-sur-Cronce-Miracle-de-Chantal-Dupuy-Dunier-750x1041







    CHANTAL DUPUY-DUNIER


    Chantal Dupuy-Dunier



    ■ Chantal Dupuy-Dunier
    sur Terres de femmes


    Amiens (extrait de Des villes parfois…)
    [Traduire le dit des couleurs] (extrait de Cathédrale)
    25 octobre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
    7 novembre | Chantal Dupuy-Dunier, Éphéméride
    [La grande pluie tropicale] (extrait de C’est où Poezi ?)
    Mille grues de papier (note de lecture d’AP)
    [Au milieu du dessin bleu] (poèmes extraits de Mille grues de papier)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Chantal Dupuy-Dunier
    → (sur Terre à ciel)
    une lecture de Pluie et neige sur Cronce Miracle de Chantal Dupuy-Dunier par Isabelle Lévesque



    Retour au répertoire du numéro de juillet 2015
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes