Étiquette : 2015


  • Franco Buffoni | Avrei fatto la fine di Turing



    AVREI FATTO LA FINE DI TURING




    Avrei fatto la fine di Turing*
    O quella di Giovanni Sanfratello**
    In mano ai medici cattolici
    Coi loro coma insulinici
    E qualche elettroshock.
    Perché era un piccolo borghese
    Il mio padre amoroso
    Non si sarebbe sporcato le mani.
    Controllando l’impeto iniziale
    Vòlto allo strangolamento
    Del figlio degenerate,
    Ai funzionari apposite
    Avrebbe delegato
    La difesa del suo onore.



    Franco Buffoni, Avrei fatto la fine di Turing, Donzelli editore, Collana Poesia, 2015, pagina 17.






    J’AURAIS FINI COMME TURING




    J’aurais fini comme Turing
    ou comme Giovanni Sanfratello
    entre les mains de médecins catholiques
    par coma insulinique
    et quelques électrochocs.
    Parce qu’il était un petit bourgeois
    mon tendre père
    ne se serait pas sali les mains.
    Contrôlant ses impulsions premières
    qui l’auraient conduit à étrangler
    le fils dégénéré,
    il aurait délégué
    à des fonctionnaires appropriés
    la défense de son honneur.



    Traduction inédite d’Angèle Paoli






    ______________________
    NOTE d’AP : Dans la note très développée qui clôt le recueil de Franco Buffoni, le poète explicite le choix du titre de cet ouvrage. Le thème dominant porte sur l’analyse du rapport existant entre le début et la fin de la parentalité. Et sur la nécessité de mettre fin à cette parentalité pour pouvoir survivre. Une fois disparus père et mère, le poète peut enfin intégrer son histoire personnelle à sa poétique du moment et dédier à ses géniteurs Avrei fatto la fine di Turing.




    * Alan Turing (1912-1954) : mathématicien, logicien et cryptographe anglais, Alan Turing est considéré comme l’un des pères de l’informatique. Il contribua à décrypter les codes secrets des Nazis. Une contribution qui fut décisive sur le cours de la guerre. Cela n’empêcha pas Turing de se suicider après qu’il eut été soumis à une castration chimique pour homosexualité.

    ** Compagnon d’Aldo Braibanti (1922-2014), Giovanni Sanfratello (1944) fut enlevé par sa famille à Rome en 1964 pour être interné pour « maladie nerveuse » dans une clinique privée de Modène, puis dans un asile d’aliénés de Vérone. Il fut « soigné » par électrochocs et par coma insulinique, tandis que Braibanti, lui, fut condamné à neuf années de prison. Giovanni Sanfratello fut restitué à sa famille dans un état végétatif.






    Franco Buffoni, Avrei fatto la fine di Turing





    FRANCO BUFFONI


    Franco Buffoni
    Source



    ■ Franco Buffoni
    sur Terres de femmes

    Non sono i giorni più belli (poème extrait de L’Allure rageuse [L’Andare rabbioso])
    [Veniva, e come lo splendido mare… ] (poème extrait de Guerra)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poesia, de Luigia Sorrentino)
    une page sur Avrei fatto la fine di Turing de Franco Buffoni
    → (sur Poesia, de Luigia Sorrentino)
    Intervista a Franco Buffoni, Avrei fatto la fine di Turing
    le site officiel de Franco Buffoni





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  • Jacques Roman, Proférations

    par Isabelle Lévesque

    Jacques Roman, Proférations,
    Éditions Isabelle Sauvage,
    Collection présent (im)parfait,
    29410 Plounéour-Ménez,
    2015.



    Lecture d’Isabelle Lévesque




    Ce que l’on prend pour ma voix est la
    voix d’un étranger qui rapporte le récit d’un idiot
    plein de bruit et de fureur. […] Oubliez mon visage, mes
    larmes, mais n’oubliez pas la voix qui ne m’appartient pas, la
    voix incarnée de l’humaine inspiration.


    Jacques Roman,Revue des Belles Lettres, 2012, n°2.



    Placer la voix sur la portée, dans l’action véritable, plurielle. Inverser le cours : « De la faux à la voix » car « je profère en faucheur ». Ce n’est pas une maxime, mais le tour de Jacques Roman. Entre l’abandon et l’élan, énoncer : abattu alimente le surgissement de la parole, « la surprise d’être dressé parlant ». Cette station debout qui d’homo erectus en homo sapiens fit l’homme marchant, courant, chassant et terrorisant « la savane », permit le développement de son cerveau et fit naître la voix « avant le feu ». Le poète se redresse et parle, il renouvelle ce geste de résistance et de vie. Au début fut fait homme, un « soc », conquérant, un soc d’os, arme tranchante. La parole (poétique) : de cet ordre. Voilà ce que nous indiquent les deux pages en italique qui précèdent le corps du livre. Treize textes à dire, dont certains déjà publiés, en arpentant la scène du monde tant que.

    Place à la parole ancestrale, phylogénique et nue-ponctuée, proférée, redite si son élan le requiert. Elle sera : prophétie nourrie d’origine, claire et sonnante. Le poète écrit à haute voix, parfois à voix-cri. Le mot « voix » autour du feu danse, ou sur la phrase se jette, juxtaposé. Comme « mort », décliné, « une voix emportée », pythie à naître ? Proximité de sons : amour, mortel ; proférations déjà sur ce seuil qui fait battre des syllabes proches, « une voix vivante au cœur du corps ».

    Les saisons emportent la voix des aimés, mouvement de nature, mais faire « tourbillonner » la voix « dans l’ouragan », c’est la reconnaître comme sienne. Elle résiste au « souffle de la mort », lu comme oxymore, c’est le vent, le souffle qui balaie car cette voix « hante » (vit). Requiem, non, la voix : ce qui reste, même si le nom sur la pierre n’est plus lisible ou le carnet « effacé », car l’angle bouge et brasse, le support résigné ne montre plus rien. La « voix vierge », sainte de son humanité intangible, parcourt les lieux : jardin, crique, chambre, tout endroit traversé par elle. Elle devient ce qui fonde et résiste. Le poète traversé restitue la naissance, sa voix est « une épaule, un ventre, un sexe », « sans souci de » : en une, toutes, « ni mienne ni tienne », universelle et « l’éternité recommencera ».

    Rester « coi ». La seconde profération prend le contre-pied de la voix. Regarder ce qui demeure, même tu. Développé en « ça », détermination sujette à l’indéfinie matière (des pissenlits), aux soucis (mouron), à ce qui coince, « le travers de sa gorge » jusqu’à « ci-gît », « en attendant que couic ». L’énumération agite les mots sorciers coincés espérant une avancée et « ça piétine ». De Narcisse en Brassens (« les trompettes mal embouchées de la renommée »), tout ramener vers soi pour rester coi dans son vomi inaltéré, de prophète en cigüe, de « pitrerie » en tragédie vendue, d’ores et déjà consumée. L’altération du tout amenuisé, les concaténations l’avalent pour le recracher, faut-il s’en soucier ? Reliés par la voix proférant-muette, alternant de petits riens agglutinés en prose désaxée, la langue n’est pas sept fois tournée. Préceptes ou lieux communs retournés au degré zéro du dire, « ni vu ni connu », alimentent le texte à la façon de. La rature avait nourri un livre précédent de Jacques Roman, édité par Isabelle Sauvage, autre présupposé… Ce qui fut supprimé a construit ce qui est, la voix qui fuse charrie la boue des mots qui feront le terreau chamboulé de chiendent pour pousser (le cri). Alors c’est dialogué, sans ponctuer, car pas ralentir, ça court sous la peau : c’est proféré, de loin, de près. Théâtre dans son enchaînement de didascalies jetées, fosse pleine de cris du haut-parleur activé, machinerie, machiniste, logorrhée, cris d’oiseaux engorgés mal dégrossis, « idiot ligoté » – les mots. Jubilation organique, jouir d’écrire d’une traite à rabattre caquet de couper. Respirer.

    Autre constante en scène, le sang : la langue verse les globules mêlés, le rouge, le blanc. En gorge, style télégraphique réduit à ânonner (« stop »), minimal message au télégraphe passé, moulinette du texte, ou bien, parenthèse ouverte sans être fermée, la longue énumération de topiques broyés, « la poussière nous mord », et la langue joue les calembours variables pour être secouée (« Les mots malades de la peste molle », salut à La Fontaine). Quelle maladie pour cette syntaxe qui oublie les subordonnées au profit d’une parataxe en expansion constante ?

    Mal profond, une colère à libérer les démons, les mots orchestrés sont devenus fous. Folie assumée, proférée, comme préférée au logos imparable qui nous broie. Le noir, « le mot loup et le mot trou le mot trou et le mot clou », pas que les sons, « cet amour engendré du courroux quand au palais va la langue au duel et c’était défi défi contre mots mous ». La langue est libre.

    « qu’une voix en arme vous reconduise au lit de l’imagination qui vous enfanta et que nous revienne la tonalité comme le sang au cœur, qu’elle nous revienne sur les sols à jamais dépeuplés d’aide où poussent les pleurs »

    Proférations en cela de violence à dire intact sans moudre, mouler, assagir. Dire en avant le texte, sur scène, sans jouer, les répliques à inventer. « JE M’APPELLE ÉTRANGER », langage battu, « craché » à devenir inclusif, le répéter. Rage contre le sort réservé à ceux qui (pas « comme nous », les fous, les étrangers pas d’« ici »). Rage contre les puissants, ceux qui cadrent la vie et forment les rangs.

    Montaigne interrogeait : « Qui mit jamais à tel prix, le service de la mercadence et de la trafique ? Tant de villes rasees, tant de nations exterminees, tant de millions de peuples, passez au fil de l’espee, et la plus riche et belle partie du monde bouleversee, pour la negotiation des perles et du poivre : Mechaniques victoires. » Il dénonçait les crimes commis au nom du profit. Jacques Roman en reprend les termes et saisit son bâton :


    « se tailler un bâton de vie de vie le bâton dernier bâton de noisetier bâton de colère sainte et saint bâton musclé déterminé à tenir à distance larageuse mercadence et la trafique le spectacle la comédie la foireuse représentation de la vanité rampante devant l’or en son théâtre »


    Le poète acteur parleur diseur est aussi lecteur : Samuel Beckett, Guy Debord et Montaigne, Molière et Michaux dans son Grand Combat… Il faut se battre, se débattre. Dans un entretien radiodiffusé 1, Jacques Roman affirme que « la poésie commence avec l’injustice et donc avec la colère ». Cela commence avec l’enfance. Aussi. Le bâton, il est ici/là/partout dans cette profération, c’est celui de l’enfant qui gardait les vaches dans les montagnes d’Auvergne, bâton de travail et de jeu (mais c’est aussi celui du Père Ubu). Bâton qui assomme, bastonne et fait fuir ceux qui frappent l’enfant à coups de tisonnier et tous ceux qui ont la main sur nous, qui offensent et qui humilient.


    « bâton maniant terre et maniant monde contre monde maniant en rêve bâton contre salauds contre pape contre curé contre chef contre votre honneur bâton outil sceptre bâton paysan contre canne à pommeau et canne-épée canne à poison et canne-crosse / bâton de vieil enfant »


    Langue débridée d’un poète généreux, donc rageur, à la langue proliférante « pour se familiariser avec la mort » (Bataille à la rescousse) ? Profération née de stupéfaction ou : « Plus m’enlise et plus m’enlise », « créature de quel marécage ? ». La question posée montre la langue écorchée, la fin en questions lancées plusieurs fois par « quoi », sujet de phrases hébétées, Beckett et ses fantômes jouant la question.

    Ni ne se calme ni ne se modère, Jacques Roman.

    Une dernière section chavire le tout : les morceaux laissés pour morts, enlisés, profèrent les avatars assoiffés des parties du livre (toutes les voix), les auteurs lus, leurs personnages, saluent à la fin. Vivants, ils entendent en cortège mêlé le défilé des voix, chœur hypertrophié « de nos morceaux », « legs dûment signé » des proférations. Tous ces faucheurs sont aussi des semeurs au geste large qui disent : « Salut et adieu ! » Agonie superbe avant de partager avec Cesare Pavese « ce long, très long et merveilleux silence ».



    Isabelle Lévesque
    D.R. Texte Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes




    ________________________________
    1. Deux entretiens à retrouver sur Cultur@ctif






    Jacques Roman, Proférations






    JACQUES  ROMAN


    Jacques Roman 2




    ■ Jacques Roman ▼
    sur Terres de femmes

    Le là embrase son corps (extrait de D’entente avec oui)
    [La rature, accouplée à la jouissance d’écrire] (extrait de le dit du raturé/////le dit du lézardé)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le Cultur@ctif Suisse)
    plusieurs pages sur Jacques Roman dont une notice bio-bibliographique
    → (sur Terre à ciel)
    un dossier Jacques Roman
    → (sur letemps.ch)
    un entretien avec Jacques Roman




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Jacques Moulin, Écrire à vue

    par Angèle Paoli

    Jacques Moulin, Écrire à vue,
    L’Atelier contemporain & Le 19, Crac, 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    UNE HISTOIRE DE “MAILLAGE À TROUVER”





    « Il peint   Je regarde   Ça bruit   J’écoute

    Silence   L’énergie circule   Il peint   J’écris

    Il parle — peu — j’entends   Nos corps penchent

    Une feuille tombe   Reflux sous l’écorce   On se sépare

    Il peint toujours   J’écris de plus loin je tends l’oreille… »



    Le regard est celui du poète Jacques Moulin. Les textes accueillis par L’Atelier Contemporain & Le 19, Crac sont rassemblés sous le titre Écrire à vue. Un titre-projet. Une invitation à « croiser les regards » faite au poète par Philippe Ciroulnik, directeur du 19, Centre régional d’art contemporain de Montbéliard.

    Le poète se prête à ce dessein, avec talent, avec bonheur :

    « Entrer sans effraction dans la vérité de leur monde. Prendre langue avec. À la lettre. Sans heurt… »

    Les artistes présents dans cet ouvrage — peintres sculpteurs plasticiens photographes — sont des artistes connus des galeristes. Leurs œuvres font l’objet d’expositions : galeries d’art contemporain, Le Polaris à Corbas, La Predelle à Mersuay ; musées de Châteauroux, de Nantes. Le Centre régional d’art contemporain de Montbéliard (Doubs). Le 19, Crac, a vocation à faire connaître le travail de ces artistes et à révéler leur talent. Les œuvres exposées figurent dans des catalogues d’exposition et des revues.

    La première de couverture —  une encre de couleur d’Adrienne Farb : Encre n° 67, 2007 — invite à la découverte. Suivre le poète et aller avec lui au-devant des gestes amples « geysers » de couleurs « jeu de circonvolutions » jusqu’à l’« écriture vertébrée » de l’arbre. Peut-être* est-ce l’une des encres d’Adrienne Farb, exposées en 2004 à la Crac, qui a inspiré au poète ces vers :

    « Tracer de longs signes d’espace

    Toucher le geste

    Et sa lumière »

    (in « Traversée du paysage »).

    On pourrait aussi bien lui attribuer ces mots : « chaque couleur attend son heure pour se porter vers l’autre dans la montée du trait » (in « Penche-toi »)

    Le poète est là, entre les pages ; le peintre aussi. L’atelier est un vaisseau ; une ruche ; un paysage en plein air. Chacun s’y absorbe, attentif à l’autre à son travail à sa concentration à son silence. Le poète observe les gestes les couleurs les formes les linéaments ; il entre en empathie avec le peintre ; il entre dans la toile. « Sans effraction ».

    « On se retrouve

    On s’essaie à la forêt — un arbre puis un autre

    Le livre se compose

    Peintures   Poèmes

    On entre en écho »

    (in « La Botanique des jours »)

    Le travail d’écriture se fait à l’écoute. Une écoute intériorisée. Qui vient du bruissement de la toile et se fond à lui :

    « on entend le bruit des peaux et des pinceaux comme un bruissement du voir »

    (in « Penche-toi »).

    Ou encore, à propos du même artiste (Charles Belle), dans la perception du mouvement intérieur qui guide le pinceau et la rêverie :

    « c’est cela que tu cherches à livrer dans la couleur du geste    le bruit ténu de la vie tenue dans la chute même »

    (in « Penche-toi »).

    Ailleurs, s’absorbant jusqu’à « la claudication du voir », le poète interroge la photographe Carole Denéchaud en un long poème rythmé par le retour du leitmotiv :

    « Qu’est-ce que tu trames sur tes photos/ Qu’est-ce qui se trame. »

    Il se trame l’étrange poème, « Bête en belle Belle en bête », qui vient ponctuer l’ensemble des textes inspirés à Jacques Moulin par la photographe. Texte articulé autour de la répétition : « Je répète », et martelé par les allitérations en [b] adoucies par les assonances en [el]. Un poème oiseau, cacatoès peut-être, à résonance baroque. À l’orée de l’incandescence amoureuse :

    « Viens nicher sous ma mèche longue queue à tes plumes. Et reviens à ma bouche œil éteint sous ton bec. Je répète. Ma bouche suit ton bec tu repars en cheveux pour allumer la mèche. Tout un feu qui s’embrase. J’atteins ton incendie par le degré des mains. Tu gagnes haut perché le rameau des triomphes. »

    Ailleurs, le poète aime à prendre racine, comme l’arbre et avec lui, « à même la grève face à l’abrupt à l’écran des falaises. » Il est là, ancré dans la présence du ciel, en parfaite osmose avec l’espace, semblable en cela au peintre qui fait face à la mer et face à sa toile :

    « Il m’escorte livre grand ouvert sur le dos comme on porte son havresac. J’escorte la mer dans le livre. J’ai la falaise au ventre. Il entre en falaise. On tient à la côte. Au creux du livre au pied de la toile la falaise nous chaut. »

    (in « Falaises » de Benoît Delescluse)

    Ainsi le livre compose-t-il à son tour avec les arbres avec les ciels avec les falaises avec l’eau des rivières avec les plantes (l’« Oublie » de Véronique Dietrich ; les choux de Charles Belle). Avec les choux de Charles Belle, le peintre / le poète offrent « un maelström potager    un ouragan tendre   un envol de toile à même le sol   un grand rouleau de mer qui laisse à nos pieds une algue frêle toute entière allongée dans l’instant   on se mesure au chaos   on se penche de nouveau   tout frémit toujours » (in « Penche-toi »).

    Dans la présence d’Ann Loubert, peindre devient « danse devant le temple. » Et le poète embarque, arrimé aux gestes puissants de l’artiste :

    « Empoigner le fusain ou le crayon. L’empaumer. Tout un travers de main pour grandir l’amplitude. Les gestes de circumnavigation sur l’écume de la page. Tous les pôles à la fois. Transatlantique et cabotage. Aquarelle. Papier mouillé épongé imbibé chiffonné. »

    (in « Peindre pieds nus »).

    Quelle que soit la forme que prend le travail de l’artiste, textes en prose et poèmes naissent du regard. Mais bien au-delà. D’un regard qui va au fond qui pénètre se fond à la matière s’absorbe en elle se noue à elle, en un mouvement susceptible de conjuguer « taches de couleurs et d’ombres en nous ». Jusqu’à ce que s’abolissent les espaces les frontières.

    Les poèmes de Jacques Moulin disent la lenteur, la patience. Une forme d’apesanteur et de légèreté. Mais aussi la précision. Ainsi des poèmes qui accompagnent le regard posé sur le photographe Jean-Louis Elzéard en train de cadrer la rivière. Regard du regard du regard.

    « La photo se bouge pour la rivière

    La rivière file

    On apprend la rivière par la photo

    Poussière partout lumière aussi et les matières dedans les eaux

    La terre se rend

    Comme toujours tout tremble un peu

    Pas la photo tenue sur pied au bout des doigts

    Et toi tu vois

    Juste un doigt d’eau pour dire le flux

    (in « À l’appui de l’eau »)

    Ce temps suspendu au-dessus de l’eau conduit à la méditation. Le poète note ses réflexions dans une suite de croquis annoncés par un titre. « la route d’eau/ la rivière invente l’image/ on demeure toujours face à l’abrupt/dire la rivière… » Tout un cheminement de la pensée se fait ainsi au fil de l’eau. Et l’écriture prend corps, qui s’adapte aux abrupts aux falaises et aux roches, rebondit d’un poème à l’autre. Traversées inattendues, jamais soumises à la facilité du cliché convenu. L’écriture est là qui draine avec elle, en lien étroit avec la rivière, méandres et palimpsestes :

    « quadriller la page contre l’appel des plages très loin en aval

    là où l’écriture se noie au contact des mers

    suivre sa veine d’eau ses empreintes de rochers

    ce mot de banc

    qui en ponctue le cours comme un repentir affiché

    une parenthèse là un simulacre d’île un seuil vers d’autres terres

    poussières de parois révolues la rivière fluctue s’augmente puis

    se retire

    se fragmente patiente son propos s’égoutte

    tarit

    quand l’eau est à court d’eau

    que la roche tente un archipel de paroles ordonnées

    avance ces cailloux d’éboulis sur l’échiquier des sables

    on croit de nouveau

    aux pierres de passages

    à la suspension des ponts au rocher nocher… »

    (in « dire la rivière »)

    Ainsi le poème rebondit-il — sans ponctuation aucune sans marque autre que le gras des caractères du titre — sur l’épisode suivant, comme le font, de roche en roche, les eaux vagabondes de la rivière.

    « tel est le poème qui file toute rivière à propos comme à contretemps

    prend son temps de gué

    envisage un orient

    une géographie des sources »

    Et l’on voudrait que jamais le fil du texte ne s’interrompe que sans fin il nous mène — « voyage de bulles aux confins de nos rêves » — d’une géographie à l’autre à travers des univers imprévus, exhumés par le peintre et perçus du poète. Jacques Moulin est de ceux-là qui entraînent par l’éventail de leurs images vers des hauteurs insoupçonnées des univers jusqu’alors inaccessibles, cependant que les mots traduisent ce qui nous tient au corps :

    « pourtant souvent son propos ruisselle s’infiltre transpire ou s’évapore

    on aimerait que la rivière quitte là son ouvrage pour entrer

    dans le nôtre nourri de ces graviers

    qu’elle rassemble au fond

    (in « La mer sans doute »)

    Alors ? Peindre /écrire ?

    Une histoire de « maillage à trouver ». « Liaison déliaison ». « Du silence en échange comme des mots maturés »

    (in « Peindre pieds nus », Ann Loubert).

    Écrire à vue, un très beau livre à la densité inépuisable. Une poésie qui donne à voir entendre et méditer.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    _____________________
    * NOTE d’AP : Je dis peut-être parce que deux autres artistes figurent dans cette section — Annie Poulin et Eduardo Stupia — et que rien n’indique auquel de ces trois artistes pense précisément le poète.






    Jacques Moulin, Ecrire à vue







    JACQUES MOULIN


    Jacques-Moulin
    Source




    ■ Jacques Moulin
    sur Terres de femmes

    [Partir à dos de feuilles ou d’arbres] (extrait d’Écrire à vue)
    L’Épine blanche (lecture d’Isabelle Lévesque)
    D 27 et D 28 (extrait de L’Épine blanche)
    Journal de Campagne (lecture d’AP)
    Portique (lecture d’AP)
    Portique 2 (extrait de Portique)
    [Sur le halage certains soirs] (extrait d’À vol d’oiseaux)
    Un galet dans la bouche (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions L’Atelier contemporain)
    la page de l’éditeur sur Écrire à vue
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la Littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Jacques Moulin





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  • Corse_3 Patrizia Gattaceca | Filari zitelleschi




    FILARI ZITELLESCHI




    Sò di vaghjime i passi
    chì voltanu à u rimore
    di e porte chjose
    Azurru è mare
    s’inghjottenu a to partenza
    L’assuffoca a rena e parolle
    Ch’ùn ti dissi
    Pare longu u tempu
    è a lettera
    sola, unica
    infinita
    di zerga micca palesa
    Filari
    pè un listinu di cose à fà
    dui amichi à salutà
    Filari
    belli allibrati
    chì muscanu
    cum’è lenzole di muchju
    ind’è l’armadiu
    d’una camera finta
    Filari zitelleschi
    chì fermanu è firmeranu
    i to filari à mè.



    Patrizia Gattaceca, “Altri Lati” in Paesi ossessiunali, Collection Veranu di i pueti, Albiana/Centru Culturale Universitariu, 2015, page 31.







    Patrizia Gattaceca, Paesi ossessiunali








    DES PHRASES ENFANTINES



    L’automne a fait les pas
    qui retournent au bruit
    des portes que l’on claque
    L’azur et la mer
    avalent ton départ
    Le sable tue les mots
    que je ne t’ai pas dits
    Le temps semble si long
    et la lettre
    la seule, unique
    mais sans fin
    de colère étouffée
    Les lignes
    d’une liste de choses quotidiennes
    des camarades à voir
    Des lignes
    bien rangées
    comme des draps tissés
    du parfum entêtant du ciste
    dans l’armoire
    d’une chambre rêvée
    Des phrases enfantines
    qui sont et resteront
    les mots de toi à moi.



    Transcription du corse par Alanu di Meglio





    PATRIZIA GATTACECA


    Patrizia Gattaceca
    Ph. D.R.




    ■ Patrizia Gattaceca
    sur Terres de femmes

    Patrizia Gattaceca, Mosaicu
    Sextine III (+ une notice bio-bibliographique)
    So pieni i cascioni | Malles remplies
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Patrizia Gattaceca (+ un poème de l’auteure)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans les numéros 19-20, « Utopie » [Espace Corse] de la revue numérique québécoise Mouvances)
    cinq poèmes inédits de Patrizia Gattaceca
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Patrizia Gattaceca (+ cinq poèmes)





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Martine Cros | [Le mot, seule peau entre les mondes ?]



    [LE MOT, SEULE PEAU ENTRE LES MONDES ?]




    Le mot,
    seule peau entre les mondes ?




    Les yeux se ferment
    à tes noires blessures
    aux mouvances du silence
    tu n’entends rien que le chant
    de l’écriture




    Tu prends la plume le radeau
    tu prends la fuite
    juste sentir que tu prends l’eau

    naufrage poétique
    rejoindre la plage peut-être

    se baigner dans ses yeux




    Martine Cros, « Acte I, Dans la splendeur » (extrait), in Autoportrait à l’aimée, Éditions QazaQ, 2015, s.f.






    Martine Cros, Autoportrait à l'aimée
    MARTINE CROS


    Martine Cros
    Ph. D.R.



    ■ Martine Cros
    sur Terres de femmes

    → (dans l’anthologie Terres de femmes) Burned in/out



    ■ Voir aussi ▼

    Autoportrait à l’aimée (note de lecture de Sabine Huynh)
    → (sur Les Cosaques des frontières)
    une page sur Autoportrait à l’aimée
    aller aux essentiels (l’atelier Poésie de Martine Cros)
    → (sur Levure littéraire n° 2)
    une page consacrée à Martine Cros





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Gabrielle Althen, Soleil patient

    par Matthieu Gosztola

    Gabrielle Althen, Soleil patient,
    Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen n° 225, 2015.



    Lecture de Matthieu Gosztola




    « Ce livre, même s’il dit aussi la complexité ordinaire de l’expérience existentielle, voudrait évoquer un trajet, avance l’auteure dans un éclairant « En guise d’argument ». Un trajet qui aille du gris, peut-être erroné, du moment à quelque visite furtive du meilleur. Trouver manque, son premier titre, était une expression de ma mère. Bretonne, transplantée en Algérie, elle pouvait dire qu’elle trouvait manque des ciels mobiles de sa Bretagne natale. La langue lui eût permis de dire tout simplement qu’elle en manquait. Mais l’expression – venue d’où ? – qu’elle employait, dans le paradoxe qu’elle institue entre le fait de trouver et celui de manquer, possède un caractère actif qui me touche. Il y a une initiative dans trouver manque. Falloir, le second titre, correspond à une autre initiative. Celle de répondre. Continuer et se battre pour secouer la grisaille ? Sans doute. Bien davantage cependant s’appliquer, comme on entretient un feu, à mériter son désir. »

    « [L]a poussière […] commençant à nos cœurs », la peine, la douleur apparaissent bien en premier (mais c’est pour que puisse avoir lieu – ensuite – la consolation) : « Choses noires avec choses blanches / Dans l’heure qui se tourmente / Le monde debout près de la peur […] ». « Tu appartiens à ta douleur ». « [A]imes-tu encore ton corps qui se délabre ? » « Il n’y a là aucun salut / C’est un oubli de la lumière ! »

    « La lumière est certaine mais elle est en voyage ». Quelle posture adopter, en conséquence ? Faire pousser des ombres ! « Je traversai la vitre et me baignai dans la couleur / Dans le jardin je fis pousser des ombres ». « Que la couleur me pardonne / J’ai fait pousser des ombres ! » « J’avais besoin de fleurs ». « J’étais venu pour du lilas ». « On a coupé tous les lilas ».

    « Le soleil dort encore / Et la fleur tient son cœur ». Puis la lumière paraît, cette enfant. « Dans les bois de la lumière, marche un ange à la rencontre du moment, sceau sur le jour qui fléchit, sourire à l’ombre dans l’inattendu que d’aucuns croient blessure. » « Les pentes sont très douces et la clarté aussi ». « Amen dit la lumière de la lumière ». « Car chacun, vois-tu, habite son ogive. Malgré l’ombre, une musique s’y concentre et des soleils s’entrecroisent. On cherche des accords. Sans murmures, rayonnement pour rayonnement, le tout reste secret. »

    Des larmes à la joie, des larmes au mystère : vivre ce trajet intérieur, jusqu’à l’amour (« Repère les crissements de la neuve aventure, et si parfois l’espace manque, c’est que le cœur y est futur. » « La limpidité n’épelle pas ses chemins, bien que les signes ni ne manquent ni ne mentent. Vous parcourrez ainsi beaucoup de passerelles, puis ce sera l’amour. »)

    Cela nous est possible grâce à la parole poétique (qui est notre « imperceptible clef de voûte »). Grâce à ce feu. Grâce aux doigts fous, amoureux, du vent (notre sensibilité), qui jouent, tendres, dans la chevelure de ce métaphorique (mais non moins vécu) feu.

    Si le feu qu’est la parole poétique est vécu, c’est parce qu’il n’est pas donné. Il est à construire. C’est-à-dire à recevoir (activement), avec une disposition d’accueil de tout l’être, avec une écoute sans limites données à la profondeur de cette dernière. « Nous avions il est vrai revêtu d’implacables prisons / Dans l’anfractuosité de nos phrases banales ». « Il n’y a pas encore de mots à l’horizon. » « Un mot / Pour attirer la foudre / Dans le gris sans éperons du moment ». « Des perles manquent au chapelet de la parole ». « J’ai prié / Pour que / Chaque jour la parole m’éveille ».

    Cette parole poétique, Gabrielle Althen (dont il faut lire également les très beaux essais que sont Proximité du Sphinx, Intertextes, 1991 –, Dostoïevski, le meurtre et l’espérance, Le Cerf, 2006 – et La Splendeur et l’Écharde, Corlevour, 2012), Gabrielle Althen l’abreuve au moyen (la liste n’est point exhaustive) de la mythologie, de l’Antiquité, des contes, d’une forme réinventée de la ballade, d’allusions faites à Rimbaud (« Autres saisons, autres châteaux. », « Au-dessus de la chance perdue des saisons de l’offense, la danse surélevant ses lignes où des ponts se parlaient. »…) ; elle l’abreuve et l’ouvrage (écrire : « nous étions la table où s’enfante le jour » ; « [l]a liberté fut nue sur la table du jour ») en se servant des outils de haute valeur et fort difficiles à manier que sont la formule (sa justesse, sa précision) et la beauté onirique, imprécise du rêve, se situant ainsi bellement, et de frappante manière, en ce recueil, à mi-chemin entre René Char (qu’elle a connu dès 1974) et Georges Schehadé.




    Matthieu Gosztola
    D.R. Texte Matthieu Gosztola
    pour Terres de femmes







    Gabrielle Althen, Soleil patient 2




    GABRIELLE ALTHEN


    Gabrielle Althen
    Source



    ■ Gabrielle Althen
    sur Terres de femmes

    Soleil patient (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Corps à corps (poème extrait de Soleil patient)
    La Cavalière indemne (note de lecture d’AP)
    L’isole (extrait de La Cavalière indemne)
    Sans titre
    Vie saxifrage (extrait)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Une fois le gris devenu l’autre versant du bleu
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    un poème extrait de Vie saxifrage



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur Soleil patient
    le site personnel de Gabrielle Althen
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Gabrielle Althen
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Gabrielle Althen, entre splendeur et écharde






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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sandrine Cnudde, Gravité/Gravedad

    par Angèle Paoli

    Sandrine Cnudde,
    Gravité/Gravedad,
    éditions Lanskine,
    Collection « l’Instantané », 2015.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Sandrine Cnudde, Gravité, ph
    « Un certain récit, échappé des ombres,
    Veut être dit : il ruisselle des entailles »

    _____________________
    Sandrine Cnudde, Gravité/Gravedad,
    éditions Lanskine, page 15.
    Ph. © Sandrine Cnudde.







    LA VOIE(X) VIVIFIANTE D’« UNE VERTICALE CHANTANTE »




    La marche est au centre. Elle va de pair avec la gravité qui donne son titre au livre singulier de Sandrine Cnudde. Gravité/Gravedad. Titre polysémique, avec ce sérieux qui accompagne la marcheuse dans la gravité solitaire de son entreprise. Marcher sur les sentes, le long des frontières et sur les seuils, ne va pas sans péril. Entre escarpements et failles, progresser de « Mar a Mar » exige une ténacité de fer. Mais rien n’arrête la poète, qui clame haut et fort : « Dehors sera ma maison ! ». Et la traversée pédestre des Pyrénées se fait de « rives à rives ». D’est en ouest. En cinq étapes qui s’échelonnent sur cinq années. Avec des ellipses temporelles plus ou moins longues.

    Que reste-t-il de tout ce temps voué à la marche, depuis la Méditerranée jusqu’à l’Atlantique ? Cet Atlantique qui ne se peut atteindre, que l’on n’atteint jamais ? De Banyuls à Hendaye, de montagnes en dénivelés, de haltes en pérégrinations marquées d’interrogations multiples et de doutes. Que reste-t-il ? Et entre temps, d’une année l’autre, que s’est-il passé ?

    Il reste des photographies. Cinq en tout. « Je photographie une forme de souvenirs », confie Sandrine Cnudde dans le cahier où elle couche ses notes. Photos de paysages en noir et blanc, montagnes pierreuses et rochers, échelonnements de crêtes, troupeaux de brebis et moutons paissant au pied des nuages. Il reste de courts poèmes annoncés par des dates. 11 juin 2005/29 juillet 2008/4 septembre 2011… Poèmes incisifs « rasés au plus près du vécu », que leur brièveté rapproche des haïkus. Il reste aussi, qui ponctuent de la même façon le recueil, cinq poèmes plus longs. Dont la forme médiévale, l’organisation régulière — trois quintils séparés par un refrain — et la structure rimée sont empruntées au virelai, poème à forme fixe connu en France dès le XIIIe siècle. On pourrait songer à Christine de Pisan ou à Guillaume de Machaut. Mais c’est au trouvère Guiot de Dijon que la poète-marcheuse emprunte le vers qui la guide et l’encourage dans sa marche et dans son travail d’écriture : « Chanterai por mon corage ».

    Les virelais qui jalonnent l’ouvrage confèrent à ce recueil original son tempo ainsi qu’une musicalité autre. Dans le même temps, ils constituent des moments de pause dense, à tonalité épique. La poète — cette « verticale chantante » — cheminant de l’un à l’autre, dialogue avec les ombres qui gîtent au creux des failles. Par le choix des images, le premier virelai évoque le récit médiéval de combats « que le tranchant d’un seul cri désencombre ». Le second poursuit la marcheuse jusque dans les « lambeaux vaporisés » de sa mémoire. Dans le troisième, celle-ci fait halte pour affronter les images qui l’assaillent. Dont celle de la licorne : « Presser mon œil contre son œil, et croire. » Opposant passé et présent, le quatrième virelai évoque les chants anciens d’« élagueurs de cols », de mâtures et de navires. Montagne et mer ici se rejoignent. Ne participaient-elles pas l’une et l’autre des mêmes rêves, des mêmes conquêtes ? Le dernier virelai chante la fin du périple. La traversée a permis à la marcheuse d’entrevoir un instant l’« enfance nue ». Mais les interrogations demeurent, qui ouvriront sans doute de nouveaux espaces.

    « J’ai pu joindre les rebords des pays,

    Où les jumeaux* retournent les cohortes ;

    Rendue, telle une voile qui faseye

    À cette interrogation que je porte

    Aux ouvertures qui bégayent.

    La chute des corps ? Un sursis sans pareil. »

    Ainsi se clôt Gravité/Gravidad.

    Mis à part le précédent refrain — « La chute des corps ? Un sursis sans pareil » —, chaque ritournelle (reprise par 3 fois) présente une variante. Parfois par léger glissement, quasi imperceptible à première lecture. Le même et le dissemblable s’épaulent et s’épousent en harmonie. Beauté et mystère de ces refrains qui scandent le poème :

    « De rives à rives, il marchait sur son ombre. » / « De rives à rives, il marche sur son ombre. » / « De rives à rives, tu marches sur ton ombre. »

    Ainsi l’ensemble des virelais rejoint-il le projet initial de la poète-marcheuse. Elle marche, elle chante, déposant ses cairns sur le blanc de la page ; comme autant de jalons qui ponctuent le temps qui ponctuent l’espace. Petits joyaux qui pépitent au cœur de l’effort.

    « Hélas, à défaut de transformer le fer en or,

    ma peine ne produit qu’un formidable

    charivari de forge. » (14 juin 2005)

    Malicieuse Sandrine Cnudde, qui s’y entend en transmutation poétique : de « fer en or » à « forge », voilà un bien joli mot-valise ! Et qui sait également jouer des fricatives. Le joli « charivari » en effet que celui que s’offre cet ébouriffement de « f ».

    Mais il est vrai qu’il en faut des efforts pour « conquérir la matière “montagne”. » Il faut grimper et puis descendre, monter encore, descendre à nouveau ; affronter cordillères et gouffres, surmonter ses peurs ses angoisses :

    « Je désapprouve la désescalade

    de la cheminée du Canigou.

    Je proteste vivement contre

    ce chaos vertical plus funeste

    qu’un rassemblement de sorcières. » (16 juin 2005).






    Moutons
    « Les troupeaux pleurent sous la lune mongole »
    ________________________
    Sandrine Cnudde, Gravité/Gravedad,
    éditions Lanskine, page 43.
    Ph. © Sandrine Cnudde.






    Il en faut aussi du chemin pour se libérer de ses propres « méfiances ». Il en faut du temps pour se délester de ce qui peu importe. Parfois même, l’oubli gagne progressivement jusqu’à effacement des mots et de soi. Parfois, au contraire, la marche réserve des rencontres. Sandrine Cnudde est ouverte à ce qui se présente. Elle cueille l’instant tel qu’il se pose devant elle. Avec simplicité et gourmandise. Et c’est bonheur que de la suivre et que de la lire, même lorsque la montagne effraie.

    « Devant l’abri sous roche,

    le réchaud frétille pour une poignée de girolles. » (2 août 2008)

    Renouer avec la montagne, c’est accepter de s’en remettre à elle, avec modestie. La montagne décape nettoie ravive libère. Remet chaque chose à sa juste place. Et la poète accueille les images que celle-ci suscite en elle ou qu’elle lui offre.

    « À mes pieds des bancs de sardines et les cétacés.

    Il y a des millions d’années.

    Je me contenterai de la vision

    sous les petites jupes jaunes. » (2 août 2008)

    Marcher est toute une entreprise. Il y faut peine et courage. Pour le plaisir de goûter, après la terreur et l’effort, au sentiment d’intense liberté que cet effort procure. Goûter à pleins poumons et mordre à pleines dents. Dans la sensualité simple des bonheurs octroyés par la vie en pleine nature.

    « Quelle chance d’aller dans le vent !

    Quel délice de dormir à la lune et ses

    museaux d’argent !

    Quelle fortune de manger à

    la grâce de l’herbe et

    aussi, à l’occasion,

    de sentir le bouc. » (17 juin 2005)

    Pour ce plaisir-là, qu’elle nous offre en partage, pour sa courageuse endurance, pour sa gaîté sans pareille, pour sa belle jeunesse, que la poète soit saluée.

    « Chaque matin j’endosse la vie

    comme une nouvelle tentative

    de soulever le ciel. », écrit-elle le 9 août 2009.

    Cette voie(x)-là est vivifiante. Que son « corage » la porte toujours plus loin toujours plus avant, là où la conduisent ses pas, « jeune chien/défroissant l’horizon » dans la jubilation ludique de son écriture.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli




    _________________________________
    * Les jumeaux : nom donné aux deux rochers qui forment l’anse d’Hendaye.






    Sandrine Cnudde, Gravité.jpg 2




    SANDRINE CNUDDE


    Sandrine_Cnudde
    Source



    ■ Sandrine Cnudde
    sur Terres de femmes

    Habiter l’aube (lecture d’AP)
    [Je sais que parfois la flamme vacille](extrait d’Habiter l’aube)
    11 avril 2015 — Printemps | Sandrine Cnudde, Patience des fauves



    ■ Voir aussi ▼

    le blog de Sandrine Cnudde
    → (sur Chemins d’étoiles)
    une fiche bio-bibliographique sur Sandrine Cnudde
    → (sur le site des éditions Lanskine)
    la fiche de l’éditeur sur Gravité/Gravedad de Sandrine Cnudde






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  • William Cliff | New York



    NEW YORK




    Affalé sur mon lit, affalé dans ma vie,
    affalé sur mon siège, affalé dans mon piège,
    affalé dans le bruit qui monte de N.Y.,
    affalé d’insomnie, de tête vide et vaine.

    Affalé d’avoir eu ce que j’ai désiré,
    saturé du désir de désirer encor
    et savoir qu’à N.Y. la page est toujours prête
    à se laisser écrire et très vite effacer.

    Six heures de perdues, six heures de gagnées
    à rester dans ce ciné Huitième Avenue,
    six heures répandues dans une vie perdue
    ou gagnée à poursuivre une image impossible,

    l’éternité à la lueur d’un vieil écran,
    le rêve de fuir à jamais la vie réelle :
    l’amour règne au milieu de toute vie mortelle
    et lui fait croire qu’elle aura toujours l’amour.

    Platon tu t’es trompé, tu fais mentir Socrate,
    oui le rêve de l’homme est dans la grotte étroite
    mais sur l’écran le vrai bonheur est présenté
    à des esclaves dont les bras sont déchaînés.

    On me glisse un billet de banque sur le ventre,
    que dois-je faire ? On veut me payer pour aimer,
    le billet doucement me glisse sur les glandes :
    Je croyais à l’amour ? Je suis prostitué.



    William Cliff, Amour perdu, Le Dilettante, 2015, pp. 21-22.






    William Cliff, Amour perdu



    WILLIAM  CLIFF


    Cliff_William






    ■ William Cliff
    sur Terres de femmes


    Cape Cod, 7 (extrait d’America)
    Lahore, 7 (extrait d’En Orient)
    [Réquiem pour l’enfance] (extrait de Matières fermées)
    Au printemps (extrait du Temps)
    30 mai 2003 | William Cliff, Le Pain Quotidien
    10 novembre 2003 | William Cliff, Le Pain Quotidien




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la SGDL)
    une bio-bibliographie de William Cliff





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Armand Dupuy | [l’eau fermée]



    Agostini
    Sérigraphie de Philippe Agostini






    [L’EAU FERMÉE]




    l’eau fermée
    s’ouvre
    se ferme

    jamais rompue

    on cède sans flancher

    tu poses les yeux
    dans ces temps différents —

    une claque les arrache





    le bleu s’enfonce
    en lui-même

    s’enfonce et
    respire

    récite

    cet enfoncement —
    ce doigt qui manque à ma vue

    manque à ma tête





    on reste avec ça

    ça si maigre et
    clos

    maigre et jusqu’à
    l’autre bleu des draps

    pois blancs

    emballer ma tête

    et sombrer




    Armand Dupuy, « Mer » in Ce doigt qui manque à ma vue, Æncrages & Co, Collection voix de chants, 2015, s.f. Sérigraphies de Philippe Agostini.






    Armand Dupuy, Ce doigt qui manque à ma vue




    ARMAND DUPUY


    Armand Dupuy Denim
    Source




    ■ Armand Dupuy
    sur Terres de femmes


    Mieux taire (lecture d’Isabelle Lévesque)
    [On cherche avec les yeux] (extrait de Par mottes froides)
    Présent faible (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Une première fin des questions
    8-12 février [2017] | Armand Dupuy | [je m’entends parler du temps qu’on serre] (extrait de Selfie lent)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site d’Æncrages and Co)
    la page de l’éditeur sur Ce doigt qui manque à ma vue d’Armand Dupuy
    → (sur Recours au poème)
    une page sur Armand Dupuy





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Esther Tellermann, Sous votre nom

    par Matthieu Gosztola

    Esther Tellermann,
    Sous votre nom, Flammarion,
    Collection Poésie/Flammarion, 2015.



    Lecture de Matthieu Gosztola



    Esther Tellermann interroge dans ses recueils de poèmes – ainsi dans Sous votre nom – la surprise trouble de ce qui est, trouble éclatant, et qui confine à la beauté la plus sauvage, c’est-à-dire la plus évidente, à la beauté telle que les Grecs l’ont érigée, telle qu’ils l’ont reconnue, telle qu’ils l’ont sauvée.

    « Les Grecs », écrit Jean-Marie Pontévia dans Tout a peut-être commencé par la beauté (William Blake And Co, 1985), « ont inventé une façon d’être au monde qui pourrait se dire “être-dans-la-beauté” : ils ont saisi l’Être en tant que Beauté, c’est-à-dire dans un mode particulier de la Présence. Ils ont éprouvé l’apparence comme resplendissante et ravissante […], comme saisissante. C’est dire qu’ils ont accordé un privilège à tout ce qui, dans l’apparence, brille, scintille, étincelle, resplendit, mais on aurait tort de croire un peu vite que c’est là un trait de naïveté primitive ; c’est nous qui sommes des primitifs, de croire que seul l’or brille. Pour les Grecs l’éclat de l’apparence était perceptible là où nous ne le soupçonnons même pas. »

    Cet éclat de l’apparence, éclat pluriel et renversant, littéralement désarçonnant, est visible partout dans le réel lorsque celui-ci est vraiment (c’est-à-dire avec la vérité propre à notre expérience d’avant les dogmes, d’avant les topoï) senti, ressenti, pesé, vécu. Autrement dit par la grâce de l’être aimé (par la grâce – vraie grâce – non de l’amour mais de l’être aimé) ; être vrai – et éprouvé comme tel – (véritable un, face à la multitude) qui agrandit notre regard, en agrandissant le trouble que vivent nos yeux, autrement dit en agrandissant le souffle – trajectoire intérieure, trajectoire intime – que nos yeux font résonner de mille et une couleurs, cela en vivant, de mille et une nuances de noir, aussi, ainsi que nous le confie, d’implicite manière, tout au long de son recueil, Esther Tellermann.

    Et les poèmes de cette auteure sont des stèles, de véritables stèles faisant réponse au « grand réel » : à l’éclat de l’apparence, à l’éclat trouble du mystère (seule apparence) donné à notre vie des mains de l’être aimé, Esther Tellermann se plaçant dans la lignée de Jean-Paul Michel, de ses Écrits sur la poésie (Flammarion, 2013).

    « J’appelle “Poème”, écrit Jean-Paul Michel en ce volume, toute manière humaine de faire face au grand réel ; tout geste esquissé pour lui répondre, toute forme risquée pour lui donner contrepartie. Marques, bornes, menhirs, totems, cippes, stèles, la danse et le chant, les peintures tégumentaires, la coiffure, le vêtement, le cérémonial de chaque jour – les livres : autant de voies pour cet affrontement d’impossible en face. Ces sorcelleries font signe vers la nécessité de nous détourner de ce qui serait funeste. Elles parient avec audace sur une augmentation possible de ce qui est. »

    Quelques poèmes ravis au bel ensemble qu’est Sous votre nom :


    Jours firent

    de toi

    ma teinture où

    j’épuisais le monde

    lunes mouillées avaient

    la rondeur

    des sommeils

    je comptais les passages

    pour que reviennent

    la vigne     le bleu

    des univers

    dessinais

    votre cœur.

    Des fenêtres qui

    bourdonnent

    refont la durée.


    *


    M’avait-il donné

    l’empreinte

    de sa tempe

    un mot que dépose

    une pluie ?

    Un instant     une

    syllabe

    une ville

    autrement

    des sillons dans

    les soirs

    puis tout à coup

    se retire

    votre nuit

    qui m’éveille.


    *


    C’est vrai

    je voulais

    épuiser ma cendre

    ou peut-être

    une nostalgie

    des forêts

    des silences

    où s’enfouissent

    les morts que séparent

    les voix.

    Nous voici

    étrécis dans

    le bleu

    où sombre

    ce qui

    chante.


    *


    Nous nous étions

    parcourus

    l’un l’autre

    en nos paumes

    parlions de neige et

    de souffle

    et comment s’allume

    une chambre

    ou encore

    quelle mer

    descend et nous

    absout

    nous rapatrie.




    Matthieu Gosztola
    D.R. Texte Matthieu Gosztola
    pour Terres de femmes








    Esther Tellermann, Sous votre nom






    ESTHER TELLERMANN


    Esther tellermann





    ■ Esther Tellermann
    sur Terres de femmes


    [Un mot encore] (poème extrait de Sous votre nom)
    Carnets à bruire
    Corps rassemblé (lecture d’AP)
    [Pour elle il voulut] (extrait de Corps rassemblé)
    Éternité à coudre (lecture d’AP)
    [Un écho un roman] (extrait d’Éternité à coudre)
    [Je sais vous me disiez de préférer l’ombre] (poème extrait du recueil Le Troisième)
    Je t’ai vu (poème extrait de Contre l’épisode)
    [Jours firent de toi ma teinture]
    Première version du monde (lecture d’AP)
    Sûrement je vous tiendrai (poème extrait de Terre exacte)
    [Puis se ferme | la porte] (poème extrait d’Un versant l’autre)
    [Onde] (poème extrait du recueil Voix à rayures)
    Voix à rayures



    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    une présentation de Sous votre nom à la Maison de l’Amérique latine le vendredi 23 octobre 2015 (Institut du Tout-Monde, Cycle « Le chant du monde »). Interventions d’Esther Tellermann, d’Yves di Manno et de Jean-Baptiste Para
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature) une
    fiche bio-bibliographique sur Esther Tellermann
    → (sur Recours au poème)
    Une lecture d’Une odeur humaine d’Esther Tellermann par AP





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