Étiquette : 2015


  • Julien Bosc | [Hormis les lèvres où mourir]



    [HORMIS LES LÈVRES OÙ MOURIR]




    Hormis les lèvres où mourir.
    Hormis le seuil
    (et sa pierre bafouée).
    Hormis la porte
    (et ses vitres de verre
    — caillassées dans la nuit).


    À la lisière de la forêt de hêtres, un inaudible dialogue :

    — Avez-vous vu le choucas tirer les feuillets du pierrier ?

    — En équilibre entre deux branches hautes d’un arbre,
    j’ai vu, oui, un livre inachevé dont les sept cahiers étaient
    cousus par les très fines brindilles jaunes d’un signe.

    — Que dit ce livre ?

    — Le tourment d’un récit.

    — Qui l’a écrit ?

    — Une voix perdue.

    — Quelle est la première phrase du livre ?

    — Celle survivante d’une blessure.

    — Et la dernière phrase du livre ?

    — Celle d’une énième répétition bégayée de la première ?

    — Tel, sûr hélas de ce qu’il avait vu, le choucas replia
    ses ailes et se jeta dans le vide ?

    — Oui, telle la luciole qui sans cesse va vient d’un côté
    l’autre du chemin.

    — Quel est le tracé du chemin ?

    — Une ligne de fuite.

    — Où conduit-elle ?

    — Aux tremblants pétales du coquelicot.

    — Tel le signet virevoltant dans la nuit ?

    — Tel, oui, le visage qui s’efface à contre-jour de la
    lumière d’une lampe — condamnée à brûler.

    — Tel votre visage ?

    —Tel votre visage, oui.


    Ah forêt

    Ah forêt-de-hêtres

    Ah hache dans l’écor-

    ce




    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils, Éditions la tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2015, pp. 41-42.







    Julien Bosc, De la poussière sur vos cils





    JULIEN BOSC


    Jb © Noël Bourcier
    Ph. © Noël Bourcier




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    le site des éditions la tête à l’envers
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





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  • Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur

    par Angèle Paoli

    Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur
    Editions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2015.
    Dessins de Gérard Titus-Carmel.



    Lecture d’Angèle Paoli



    LA VOIX TÉNUE DE LA JOIE




    « Se peut-il que le mot joie disparaisse du vocabulaire humain ? », interroge Françoise Ascal. À la lecture de son dernier recueil, Des voix dans l’obscur, réflexion sur les tragédies qui saignent notre monde et mettent à vif la sensibilité de la poète, la tentation est de répondre : oui. Car les morts de Françoise Ascal sont innombrables, qui l’assaillent sans crier gare. Que faire de toutes ces voix ? Sinon écrire :

    « j’écris pour m’extraire de leurs songes

    rejoindre les vivants ».

    Même « absentes », les voix sont coriaces têtues tenaces, qui manifestent leur présence, tentent une percée dans la chair vive, jusque sous la peau de la poète :

    « ce sont mes bourreaux

    mes aimés »,

    écrit-elle, et l’on comprend en lisant les poèmes de ce recueil que la poète vit avec ses ombres dans le partage d’un espace qui la divise, prise entre affection pour ces fantômes siens qui l’habitent et désir de s’en détacher pour vivre enfin sa vie de vivante. Les morts de Françoise Ascal sont tribus, silhouettes sans visage, parfois venues de très loin, d’un « lointain intérieur » dont les frontières se dissolvent. D’où venus au juste et combien ? De sorte que se superposant aux voix anciennes les voix d’aujourd’hui effacent les « voix d’amont », les entraînant ainsi dans une mort nouvelle  :

    « les voix d’amont sont devenues inaudibles

    mortes ? »

    Les voix sont là qui trépignent pour l’assaillir tout entière, griffures qui s’agrippent, laissant de leur passage une empreinte semblable aux traces dessinées par Gérard Titus-Carmel pour accompagner ce recueil. La poète interroge. Elle questionne ses semblables, les interpelle avec insistance ; elle prend à partie ses contemporains, investis comme elle sans doute de la présence obsédante des morts :

    « vous-mêmes       vous connaissez       dites-moi quand et comment dites-moi à quel instant les autres tous les autres sortent de votre peau quittent votre cerveau vos pensées vos émotions vos muscles votre souffle à quel instant s’apaise assez le fracas ordinaire pour qu’un vent de solitude caresse votre visage à quel instant vous parvenez à vous détacher de la ronde au point de vous croire seul »

    Comment faire pour rejoindre un espace de solitude alors même que les voix se manifestent, exigeantes, sans laisser place au répit ? Au milieu du vacarme des voix, celui des morts d’antan mêlé aux voix sans bouche des cadavres d’aujourd’hui comment distinguer ce qui appartient en propre à la poète ?

    « est-ce que quelque chose est à moi ici dans ce cachot dévasté du XXIe siècle »

    Les maux d’une humanité exsangue, « sac de misérables créatures jetées entre ciel et terre », absorbent jusqu’à la moindre parcelle d’un moi défait, composition hybride dont il est devenu impossible de se retrancher, ne serait-ce qu’un instant :

    « est-ce que j’existe moi qui mâche les mots chaque nuit les miens les vôtres et suis sommée de veiller jusqu’au matin »

    À cette inquiétude vient s’ajouter la vision cauchemardesque d’un mur insaisissable incompréhensible qui ne cesse de s’élever, toujours plus imposant, qui enserre toujours davantage, s’immisce s’insinue jusque sous les pores de la peau :

    « il occupe la chair avec ses moellons d’angoisse ses cailloux-caillots ses os poussiéreux ses morts décomposés ses cris rentrés ses silences délétères ses fondations toujours plus profondes toujours plus envahissantes »

    « se peut-il qu’il soit illimité », s’alarme Françoise Ascal.

    Pourtant ces voix qui sont légions et qui l’habitent, la poète les écoute. Elles cachent en elles d’autres voix plus imperceptibles, qui veillent sur le monde. La poète guette. Elle se penche à la margelle du puits. Elle laisse affluer vers elle tous ces murmures qui montent. Prise dans les litanies infinies des morts, bercée par leurs longues mélopées, elle adopte pour épouser leur rythme intarissable, une écriture sans ponctuation, faisant naître sous ses mots une sorte de lallation ininterrompue qu’il faut lire sans reprendre son souffle, en épousant son flux. Seuls les blancs entre les strophes permettent de reprendre haleine mais c’est pour mieux saisir ce qui dans la langue de la poète berce notre propre voix intérieure, sensible aux allitérations aux répétitions aux analogies phoniques ainsi qu’à une cadence très personnelle. La poète compose une succession de tableaux, observations d’après nature : vaches myrtilles taupes. Partout elle cherche « la joie, la joie spacieuse/ou son reflet ou son écho/son mirage ». Mais toujours sa quête du vivant la ramène à la mort innombrable :

    « les morts sont plus nombreux que les vivants grenouilles scarabées vaches hommes femmes couleuvres enfants fourmis vieillards merles amibes millénaire après millénaire le tas des morts prospère… »

    Dès lors que la mort enserre de toutes parts, que faire ? Que faire sinon poser « des mots-sutures sur ce qui souffre ». Mais « les mots eux-mêmes blanchissent/la terre seule persiste à saigner ». Et la tentation est grande de céder à « l’effacement la disparition l’oubli ». Dans cette optique, Françoise Ascal semble privilégier la mort par les plantes :

    « plutôt confier tes nuits aux pavots plutôt avaler des colchiques mâcher de la datura te rouler dans la belladone »

    Une voix autre cependant se fait entendre. Une voix imprévue et ténue :

    « comme un fil d’Ariane une voix portée par les effluves d’un jasmin d’hiver », celle-là même qui appelle la poète et lui glisse la note de joie que nous espérons tant. Plus que jamais sans doute :

    « la vie est ronde

    l’avenir attend ton retour ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Ascal desvoixdanslobscur





    FRANÇOISE ASCAL


    Francoise Ascal par Michel Durigneux
    Ph. © Michel Durigneux




    ■ Françoise Ascal
    sur Terres de femmes


    [longtemps j’ai mâché | vos grains de grès](extrait d’Entre chair et terre)
    [Carnet, 2004] (extrait d’Un bleu d’octobre)
    [Carnet, 2011] (autre extrait d’Un bleu d’octobre)
    [tu aurais voulu l’oublier] (extrait de Des voix dans l’obscur)
    Levée des ombres (lecture d’AP)
    Lignées (lecture d’AP)
    [Je ferme les yeux et laisse le mot venir] (extrait de Lignées)
    Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Mille étangs
    L’Obstination du perce-neige et Variations-prairie (lectures d’AP)
    Rouge Rothko
    16 juillet 1796 | Françoise Ascal, La Barque de l’aube | Camille Corot
    5-10 août 2017 | Françoise Ascal, L’Obstination du perce-neige




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Poezibao)
    une recension de Des voix dans l’obscur par Isabelle Lévesque
    → (sur le site de la mél)
    une fiche bio-bibliographique sur Françoise Ascal
    le site des éditions Æncrages & Co





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  • Alain Suied | [Dans l’étroite faille du social]




    Un cri de lumière dont nous sommes l’écho le moins sûr.
    Ph., G.AdC







    [DANS L’ÉTROITE FAILLE DU SOCIAL]




    Dans l’étroite faille du social
    le mensonge bâtit
    une impossible demeure
    où se glisse tout le langage humain.
    Le monde habite
    une autre parole :
    un cri de lumière
    dont nous sommes l’écho le moins sûr.






    Un appel de lumière dont nous sommes l’écho le plus éloigné
    Ph., G.AdC





    Dans l’étroite faille du regard
    l’erreur projette
    une impossible lueur
    où se tisse toute l’illusion humaine.
    Le monde se souvient
    d’une autre origine :
    un appel de lumière
    dont nous sommes l’écho le plus éloigné.




    Alain Suied, « Dans l’illusion de la présence, » 4, in Le Visage secret, précédé de trois lettres inédites d’André du Bouchet à l’auteur, Éditions Arfuyen, Collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 226, 2015, page 77.







    Alain Suied, Le Visage secret






    ALAIN SUIED


    Alain Suied NB
    Source



    ■ Alain Suied
    sur Terres de femmes

    Pour la manière noire, 10 (un autre poème extrait du Visage secret)



    ■ Voir aussi ▼

    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Alain Suied
    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page consacrée à Alain Suied
    → (sur Esprits Nomades)
    Alain Suied | La poésie dérobée, par Gil Pressnitzer





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Gladys Brégeon | [Ce que je ne voulais pas être]



    À contempler les failles
    Ph., G.AdC







    [CE QUE JE NE VOULAIS PAS ÊTRE]




    Ce que je ne voulais pas être
    Ceux que je ne voulais pas être

    Ce qui en moi demeure

    Ce qui est en soi

    À nos dépens

    Nous laisse sans voix

    Pour écouter
    Pour dire

    D’où l’on vient
    Où l’on va




    À contempler les failles
    Silencieusement
    Sidérales

    Et habiter
    Racines à l’air
    Des espaces recouverts
    Par deux générations de saisons.



    Gladys Brégeon, J’ai connu le corps de ma mère, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2015, pp. 14-15.






    Gladys Brégeon, J'ai connu le corps de ma mère






    GLADYS BRÉGEON


    Gladys-bregeon1
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    le site personnel de Gladys Brégeon
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Gladys Brégeon
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur J’ai connu le corps de ma mère





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  • Silvia Bre | [La poca la povera cosa]



    Weibel-bre-fine-33
    Ph. © Patricia Weibel






    [LA POCA LA POVERA COSA]




    La poca la povera cosa
    si mette davanti, s’imposa
    come una donna nascosta
    in un velo da sposa

    E io maledetta che ho scelto
    la sua parte, quel buio senza ritegno
    in cui cadere,
    la fine di quest’arte.



    Silvia Bre, « Intonazioni nell’eco di Narciso », La fine di quest’arte, Giulio Einaudi editore, Collezione di poesia 429, Torino, 2015, pagina 53.








    Silvia Bre, La fine di quest'arte








    [LA PETITE LA PAUVRE CHOSE]




    La petite la pauvre chose
    se met devant, se pose
    comme une femme cachée
    dans un voile de mariée

    Et moi maudite qui ai choisi
    son parti, ce néant sans retenue
    où tomber,
    la fin de cet art.



    Traduit de l’italien par Silvia Guzzi.





    SILVIA BRE


    PhotoSB-dino ignani
    Ph. Dino Ignani
    Source




    ■ Silvia Bre
    sur Terres de femmes

    [Io amo chi siede] (autre poème extrait de La fine di quest’arte, également traduit par Silvia Guzzi + une bio-bibliographie de Silvia Guzzi)
    [Un’aquila si tiene nei miei occhi] (poème extrait de Marmo, traduit par Tiphaine Samoyault)[+ une notice bio-bibliographique de Silvia Bre]
    [Beato il mio vicino](autre poème extrait de Marmo, traduit par Philippe Leuckx)
    [Il dono a volte è solo un vetro opaco] (autre poème extrait de Marmo, traduit par Silvia Guzzi)
    [Il nome è troppo] (autre poème extrait de Marmo, traduit par Tiphaine Samoyault)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [È da lontano che viene] (poème inédit traduit par Silvia Guzzi)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Doppiozero)
    plusieurs poèmes dits par Silvia Bre, dont le poème ci-dessus « [La poca la povera cosa] » (poème n° 2) et « [io amo chi siede] » (poème n° 3), autre poème extrait de La fine di quest’arte (pagina 66)
    Traductions.it, le site de Silvia Guzzi
    → (sur Traductions.it)
    « Se ti chiamassi e almeno… » (un autre poème extrait de La fine di quest’arte de Silvia Bre, traduit par Silvia Guzzi)
    → (sur Recours au Poème)
    cinq poèmes de Silvia Bre, traduits par Silvia Guzzi
    → (sur Terre à ciel)
    sept poèmes de Silvia Bre, traduits par Silvia Guzzi
    → (sur Doppiozero)
    une note de lecture d’Emanuele Dattilo sur La fine di quest’arte de Silvia Bre
    → (sur Poetarum Silva)
    une note de lecture de Giovanna Amato sur La fine di quest’arte de Silvia Bre
    → (sur Poesia, di Luigia Sorrentino)
    un autre poème extrait de La fine di quest’arte
    une notice biographique sur Patricia Weibel



    ■ Pour écouter Silvia Bre sur la Toile, cliquer
    ICI
    → (sur Rai Letteratura)
    le poème ci-dessus dit par Silvia Bre





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  • Tatiana Daniliyants | Dédicace



    ПОСВЯЩЕНИЕ




    Полюби, как то, что ты любишь:
    как камень, как лист, как ноябрь,
    как холоднь ый лист y хоподного дыхания,
    как оставленный на yтро глоток вина.
    Неyжели ты никогда не станень пной?
    Тoй чacтью мeня, что ты так любишь, как
    Песᴏк. Boлнy. Огᴏнь.







    DÉDICACE




    Aime comme ce que tu aimes :
    comme une pierre, une feuille, novembre,
    comme feuille froide au souffle froid,
    gorgée de vin laissée pour le lendemain.
    Se peut-il que tu ne deviennes jamais moi ?
    Cette part de moi que tu aimes comme
    Le sable. La vague. Le feu.




    Tatiana Daniliyants, Blanc | Белое [Moscou, 2006], édition bilingue, Éditions Alidades, Collection Petite bibliothèque russe, 2015, pp. 14-15. Poèmes traduits du russe par Irène Imart.






    TATIANA DANILIYANTS


    Tatiana
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Wikiwand)
    une fiche bio-bibliographique sur Tatiana Daniliyants
    → (sur le site des éditions Alidades)
    la fiche de l’éditeur sur Blanc / Белое de Tatiana Daniliyants





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  • Jerome Rothenberg | Poèmes des carnets du castor



    POÈMES DES CARNETS DU CASTOR







    LE DIEU

    vieux castor homme —

    ce grand
    transformateur


    LES TUEURS

    langues noires de mouton —
    jadis mangeaient les hommes


    L’HABITATION

    six poteaux —
    une maison —
    en forme de fourneau —
    faite de terre grasse —
    d’herbes et de branches


    LE FESTIN

    le chaudron se dilatait —
    il ne pouvait pas —
    tout manger


    LE CANNIBALE

    ce castor a tué —
    deux castors


    LE LEURRE

    de la viande de mouton entre —
    ses jambes —
    s’assit et attendit


    LE PLAN

    les pattes étaient des mains —
    les pieds étaient des rames —
    les queues étaient des truelles —
    les dents étaient des haches


    LA FUITE

    enduisit de sang —
    ses raquettes


    LE CHANT

    « notre mère —
    « vent et pluie —
    « à midi —
    « les jambes d’un homme

    « notre père —
    « vent et grêle —
    « la nuit —
    « le buste d’une femme


    LE MONDE

    baies sous —
    l’eau —
    roses dans l’huile


    LE SIGNE

    une tête de loutre


    LE FESTIN

    nénuphars —
    champignons —
    pommes de terre —


    LA MORT

    prit la mère —
    en paix — les fils
    peu après


    LA FIN

    comme des peaux de castor —
    étalées sur la glace



    Jerome Rothenberg, « 1/Castors », Journal seneca, Éditions José Corti, Série américaine, 2015, pp. 29-30-31-32. Traduit par Didier Pemerle.






    Journal seneca







    JEROME ROTHENBERG


    Rothenberg-1
    Source



    ■ Jerome Rothenberg
    sur Terres de femmes

    Ancestral scenes (IV)
    Conversations en maya (extrait de Secouer la citrouille)
    Visées : Kunapipi



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur remue.net)
    une lecture de Journal seneca par Sereine Berlottier
    → (sur Poems and Poetics)
    d’autres poèmes extraits de Journal seneca de Jerome Rothenberg
    → (sur Poetry Foundation)
    une bio-bibliographie (en anglais) de Jerome Rothenberg
    → (sur le site des éditions Corti)
    la page de l’éditeur sur Journal seneca de Jerome Rothenberg
    → (sur Pennsound [University of Pennsylvania])
    de nombreux poèmes dits par Jerome Rothenberg





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  • Nohad Salameh | L’envol immobile



    L’ENVOL IMMOBILE




    Elle naquit — chant oppressé par le silence.
    Elle mourra : plus fugace qu’une phrase.
    Son nom la concentre
    la condense/l’écrase
    au creux d’une paume :
    mouette, clairière des vocalises.

    Elle surgit — stupeur crayonnant le crépuscule
    sur la paresse des eaux.
    Érotique
    elle troue la pulpe du flot secoué de spasmes
    avant de procurer l’inceste du mouvement
    aux ondes orphelines.

    Inlassable promeneuse aux crêtes du délire
    flagellée par sa course
    déchue des hauteurs
    quel présage assombrit son œil maritime
    de familière des fins du monde ?
    elle réintègre la substance de l’enfance
    terrassée par l’indocilité des ailes
    qui revendiquent l’air
    tissant d’autres exploits.

    Vaillance de mourir à l’issue d’un envol immobile
    repue d’archipels et de criques !
    Elle descend le versant des sommets
    et choisit sous la ronce un lieu de sépulture
    face à l’Orient.







    STILL FLIGHT




    She was born—song choked by silence.
    She will die—more fleeting than a phrase.
    Her name centers
    condenses/crushes her
    in a palm’s hollow:
    seagull, clearing of voice exercises.

    She surfaces—daze scribbling the twilight
    on the idleness of the waters.
    Erotic
    she pierces the flesh of the convulsing flow
    before delivering the incestuous movement
    to the orphaned waves.

    Tireless walker at delirium’s crest
    lashed by her journey
    fallen from the heights
    what omen darkened her maritime eye
    familiar to the ends of the world?

    Dancer left behind by the dance
    she returns to childhood’s substance
    struck down by the unruliness of wings
    that claim the air
    weaving other exploits.

    Valor of dying at the still flight’s egress
    filled with archipelagos and inlets!
    She descends the slopes of summits
    and chooses under the brambles a burial place
    facing the Orient.


    Translated by Youna Kwak




    Nohad Salameh in La Traductière, Revue Internationale de poésie et art visuel, n° 33, 2015, pp. 59-60.







    Traductiere33





    NOHAD SALAMEH


    Nohad Salameh 3




    ■ Nohad Salameh
    sur Terres de femmes

    L’écoute intérieure
    L’intervalle (+ notice bio-bibliographique)
    Marcheuses au bord du gouffre (lecture d’AP)
    Les nudités premières



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une notice bio-bibliographique sur Nohad Salameh
    → (sur le site de la revue La Traductière)
    le sommaire du n°33/2015






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  • Carlo Levi, Les mots sont des pierres | Voyages en Sicile

    par Angèle Paoli

    Carlo Levi, Les mots sont des pierres | Voyages en Sicile,
    éditions Nous, Collection Via, 2015.
    Traduction de l’italien par Laura Brignon.



    Lecture d’Angèle Paoli



    Guttuso
    Renato Guttuso, Le donne dei minatori, 1953
    Huile sur toile, 141 cm x 221 cm
    Source








    « QUELQUE CHOSE A VRAIMENT CHANGÉ »




    Peu nombreux sont les auteurs pour lesquels est spontanément associé un titre d’œuvre à leur patronyme. Carlo Levi fait partie de ce petit nombre. Son nom est à jamais lié à un très grand roman : Cristo si è fermato a Eboli (Einaudi, 1945) ; Le Christ s’est arrêté à Eboli (Gallimard, 1948). L’histoire de ce roman — l’environnement particulier dans lequel il a été conçu puis écrit — a cependant contribué à occulter l’existence d’autres ouvrages. Ainsi de celui paru en septembre aux éditions Nous : Les mots sont des pierres. Sous-titré Voyages en Sicile (Le parole sono pietre, Einaudi, 1955, récompensé en Italie par le Prix Viareggio), ouvrage inédit en France, et qui vient de voir le jour dans une très belle traduction signée Laura Brignon.

    Le livre rassemble trois récits de voyages effectués par Carlo Levi dans la Trinacrie du XXe siècle, au cours des années 1950 : 1951 et 1952 pour les deux premiers récits ; 1955 pour le troisième. Pour qui ne connaît pas la Sicile, cet ouvrage est une œuvre de référence, qui allie, à l’esprit de découverte hors des sentiers battus, acuité, lucidité et précision. Pour les amoureux de l’île, ces trois récits de voyages sont un livre essentiel, un compagnon de route et de lecture indispensable. Avec pour guide un écrivain dont le regard profondément humain et bienveillant, celui-là même que nous connaissions déjà, ne peut laisser indifférent. Quant au style de Carlo Levi, il est, d’un bout à l’autre de l’ouvrage, puissant et magnifique.

    Chacun de ces voyages — ils occupent plusieurs journées — est l’occasion pour Carlo Levi de témoigner d’événements auxquels il a assisté. « Des choses plus simples, plus modestes », selon l’auteur, que celles qu’il a racontées dans le roman qui l’a rendu célèbre. Son objet est de rapporter « les faits de là-bas, tels qu’ils peuvent apparaître à l’œil attentif d’un voyageur sans préjugés. » Ainsi s’exprime Carlo Levi dans la postface sur laquelle se clôt l’ouvrage. Un très grand texte, malgré la modestie du propos.

    Retour dans les années 1950. Révoltes des paysans sur les latifundia 1 de la Sicile intérieure ; grèves des mineurs dans les mines de soufre de Lercara Friddi ; soulèvements des ouvriers soumis à des conditions de travail inhumaines ou aux lois d’une féodalité qui les maintient sous le joug et en état d’esclavage. Qu’elles soient entre les mains de propriétaires terriens implacables ou de propriétaires des zolfare, les familles de ces régions oubliées du Christ vivent misérablement, décimées par la malnutrition, la maladie et l’insécurité. La mort d’un jeune mineur de dix-sept ans, Michele Felice, écrasé dans une galerie par la chute d’un bloc de pierre, entraîne une grève de vingt-jours. Des journées entières de protestations, accompagnées « de licenciements de représailles […] de revendications syndicales précises sur les salaires, la protection sociale, la liberté syndicale… ». Lorsque Carlo Levi et son ami Alfio arrivent à l’entrée de la mine pour en faire la visite, la mine est sous bonne garde. Interdiction d’y accéder. Une lettre d’accusation circule, rédigée par un villageois : « La mine accuse — Lettre de Lercara Friddi ». S’ensuit une manifestation de foule organisée par les mineurs. Je revis Germinal. Et pourtant non, ce n’est pas Germinal, ni même Rosso Malpelo, la nouvelle de Giovanni Verga, le maître du vérisme. C’est de la même famille ; d’une veine voisine. C’est du Carlo Levi. Plus moderne, plus direct. En prise avec le réel et les dialogues échangés. De ces épisodes violents autour de la zolfara, témoignent, outre le témoignage de Carlo Levi, les toiles de Renato Guttuso, portraits d’ouvriers notamment conservés au musée Guttuso de Bagheria (Province de Palerme).






    Guttuso  La zolfara
    Renato Guttuso, Zolfara, 1953
    Huile sur toile, 201,5 cm x 311 cm
    Museo d’Arte Moderna « Mario Rimoldi »,
    Regole d’Ampezzo, Cortina d’Ampezzo
    Source






    C’est à Sciara, près de Palerme, que meurt le jeune Salvatore Carnevale, paysan conscient et engagé, abattu par la mafia. Cette mort entraîne Francesca, la mère de Salvatore, dans une révolte qui lui fait soudain trouver les mots qu’elle n’a jamais su dire. Révolte antique qui monte en elle du plus profond et conduit la paysanne à faire front devant les tribunaux pour dénoncer les injustices subies depuis toujours. Face à Carlo Levi qui vient à sa rencontre, elle retrouve la puissance de sa harangue, reprend les mots du procès, retrace pour l’écrivain les épisodes de la tragédie qui est la sienne :

    « Elle parle de la mort et de la vie de son fils comme si elle reprenait un propos interrompu par notre arrivée. Elle parle, raconte, raisonne, discute, accuse, très vive et précise, faisant alterner le dialecte et l’italien, la narration développée et la logique de l’interprétation, et elle n’est qu’à travers ce discours continu où elle tient tout entière, tout entière : sa vie de paysanne, son passé de femme abandonnée puis veuve, ses années de travail, et la mort de son fils, sa maison, Sciara, la Sicile, la vie entière contenue dans ce flot de mots violent et ordonné. Rien d’autre n’existe d’elle et pour elle, sinon ce procès qu’elle instruit et mène toute seule, assise sur sa chaise à côté du lit : le procès de la gestion de ces terres, de la condition servile des paysans, le procès de la mafia et de l’État. »

    Francesca, la paysanne de Sciara, inscrite dès ses origines dans le malheur qui fait d’elle une tragédienne de l’Antiquité, contient en elle seule toute la puissance du récit de Carlo Levi. Elle en est l’emblème. La figure maîtresse. C’est de sa bouche que surgissent les pierres qui donnent leur titre à l’ouvrage. Et ce sont ces pierres qui font naître la paysanne à elle-même.

    « C’est ainsi que cette femme s’est faite, en un jour : les larmes ne sont plus des larmes mais des mots, et les mots sont des pierres. »

    Le récit dans le récit se poursuit. Avec ses flash-back, ses reprises, gestes et événements liés à l’engagement du fils, aux menaces qui pèsent sur lui ; et c’est bien de geste qu’il s’agit, de cette geste médiévale qui donne aux discours et à leur emboîtement les uns dans les autres la tonalité épique qui fait partie, de longue date, de la culture sicilienne. Il ne s’agit pourtant pas ici d’un récit chevaleresque, même si les combats des paladins contre les Maures sont évoqués, en d’autres pages, par Carlo Levi. Mais d’une réalité de ce pays, une réalité d’ici, dans ce village de la Sicile des années 1950, pourtant liée depuis ses origines à un fonctionnement féodal que l’on croyait inébranlable. Il a fallu qu’une mère perde son fils dans ce combat contre le pouvoir occulte de la mafia, qu’elle affronte la justice d’État avec sa propre vision de la justice pour que changent les choses :

    « La mère de Salvatore a parlé, elle a explicitement dénoncé la mafia au tribunal de Palerme. C’est un grand événement, car il brise le poids d’une loi, d’une coutume dont le pouvoir était sacré. Quelque chose a vraiment changé. »

    Tout autre est le premier récit de voyage. Le lecteur assiste à l’édification glorieuse d’un mythe. Comment le fils d’un petit paysan a-t-il pu se hisser jusqu’à la fonction suprême de maire de New York (1950-53), « la plus grande ville du monde » ? Aux dires des villageois, il s’agit d’un miracle. Miracle à la sicilienne. Carlo Levi raconte la scène d’arrivée de Vincent Richard Impellitteri, Impy pour les intimes, dans son village natal d’Isnello, banderoles et fanfares. Le siculo-américain y débarque après 50 ans d’absence, accompagné d’un staff de chauffeurs, de journalistes, de personnalités, d’agents de l’administration. Sa somptueuse Pontiac grise est assaillie par des frottole de gamins. Chacun se réclame de sa famille. Les commères se disputent son habitation. Tel numéro. Non celui-ci. Chacun tente de se l’approprier, non pour obtenir de lui des cadeaux mais parce que, étant un des leurs, chacun peut se reconnaître en lui :

    « Bien que personne ne le connût, c’était un des leurs. Comme celle d’Homère ou de Christophe Colomb (ou, mieux, du Christ), sa naissance était mystérieuse et sa réapparition, son épiphanie prochaine, miraculeuse. »

    On assiste alors à toute une série d’événements qui contribuent à marquer les esprits et à ancrer l’enfant prodigue d’Isnello dans sa glorification. Son apothéose. Rien ne manque, depuis les souvenirs offerts à l’hôte par la mairie jusqu’aux discours officiels qui se donnent du balcon. Sans oublier la messe solennelle et le sermon du prêtre qui reconnait là « un miracle de la foi ». Tout ici se tient et s’enchaîne dans le même esprit de solidarité épique.

    « Après la naissance à Dieu, la naissance au Monde ; après la maison de Dieu, la maison de l’État : on allait à la mairie, à quelques mètres de là. »

    Et Carlo Levi de couper court à toute éventuelle forme d’ironisation :

    « Il serait trop facile d’ironiser sur ces interventions, et pour cela la plume de Gogol dans Les Âmes mortes serait inutile : il suffirait de reproduire ici, s’il existait, le compte-rendu sténographique sans l’altérer. Mais je ne le ferai pas, car ce ne serait pas juste… »

    Ainsi les habitants d’Isnello contribuent-ils à forger le mythe dont ils ont besoin. Besoin de croire en l’exceptionnel d’une personnalité qui les dépasse et rachète à jamais la misère à laquelle ils ont été assujettis.

    Carlo Levi se rend aussi à Catane, la ville noire dominée par l’Etna. Soumise aux puissances telluriques et infernales, Catane est la terre des cyclopes. Les coulées de lave se sont répandues sur les pentes du volcan et les concrétions basaltiques brûlantes ont été rejetées jusque dans la mer par le volcan en furie. Dans les énormes blocs qui ponctuent les petits ports d’Aci Trezza et d’Acireale, c’est l’antique colère du géant Polyphème qui se lit encore à ciel ouvert. C’est la terre d’Homère et d’Ulysse luttant contre les géants déchaînés ; c’est aussi celle des Malavoglia de Giovanni Verga — « tous ces malheureux, abandonnés à cette heure sur la sciara 2, ressemblaient aux âmes en peine du Purgatoire ». C’est aussi celle de Luchino Visconti et de La terra trema 3.

    « Ainsi, tout évoquait une image : l’Odyssée, Les Malavoglia, La terre tremble, et nous nous demandions d’où pouvait bien venir la magie de ce village désormais si lié à l’art qui en est né. »






    La terra trema
    Luchino Visconti, La terra trema, 1948
    [pêcheurs à Aci Trezza]
    Source






    La réponse nous est donnée un peu plus loin, à travers les propos d’une jeune femme étrangère à ce petit port et à son histoire :

    « Vous avez vu ? C’est le plus beau village du monde. » Elle en aimait « la nature, la couleur de l’air, de la mer, de la terre, le noir des sciare, le violet du basalte, le désordre tellurique de la côte, l’Etna là-haut dans le ciel, les maisons rosées, modestes et proprettes ; mais, plus que tout, c’étaient les hommes qui l’émouvaient, leur attitude devant la vie et la mort. »

    De quoi vit-on, ici, sur ces pentes sans cesse menacées de destruction ? On vit. Ici comme partout ailleurs. D’optimisme et de reconstruction. De courage et de ténacité. De cultures de vignobles et de vergers, champs d’agrumes et oliveraies. Les terres sont fertiles et la nature, généreuse. Les hommes, femmes, vieillards, enfants, courageux. Déterminés. Et puis l’on se nourrit des mythes. Chacun ici connait les légendes qui ont façonné les villages et leurs familles. Et Catane s’enorgueillit de donner à la Sicile ses plus célèbres marionnettistes. Dans la ville noire, chacun connaît de mémoire les grandes épopées dont les pupi 4 narrent les hauts faits. Au théâtre Garibaldi se donnent de grandes représentations. Le public passionné connait à l’avance le déroulement de l’action et son dénouement. Chacun « prend fiévreusement parti » et peut ensuite s’adonner à mimer ses scènes favorites. Car, « bien plus que Fausto Coppi ou Gino Bartali, les paladins sont des idoles actuelles, on se réjouit de leurs victoires et on pleure leurs morts. »

    Étonnante Sicile. Si riche si protéiforme si imprévisible et si attachante. Elle étonne aussi Carlo Levi qui ajoute à son propos cette anecdote :

    « On me raconta qu’un cocher s’était un matin réveillé d’une humeur noire et avait déclaré à ses proches qu’il ne sortirait pas de son fiacre, car c’était un jour de deuil : le soir même, au théâtre Garibaldi, Renaud de Montauban allait mourir. »

    Et puis il y a Palerme. Sa vie et ses mystères.

    Les mots sont des pierres | Voyages en Sicile : un ouvrage à lire à revisiter à décrypter.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    _________________
    NOTE d’AP : toutes les notes, en dehors de la note 4, sont de la main de la traductrice.

    1. Immenses propriétés terriennes laissées incultes ou cultivées de façon extensive. Particulièrement répandues dans le Sud de l’Italie, elles ont disparu avec la réforme agraire des années cinquante, qui les morcela et les redistribua.
    2. Terme régional qui désigne les étendues de lave pétrifiée.
    3. I Malavoglia, roman de Giovanni Verga, est un classique de la littérature italienne du XIXe siècle. Le film de Lucchino Visconti, La terre tremble, en est l’adaptation cinématographique (citation extraite des Malavoglia, trad. Maurice Darmon, Paris, Gallimard, 1968).
    4. Pupi : « Marionnettes magnifiques, presque aussi grandes que des personnes, avec de beaux visages, des armures finement travaillées, des costumes et des armes que le marionnettiste a entièrement fabriquées lui-même. Elles pèsent entre vingt-cinq et trente-cinq kilos chacune et sont manipulées d’en haut par deux assistants, deux jeunes hommes […] Ils savent les mouvoir à merveille, avec passes d’armes et duels violents accompagnés en rythme par un battement de pieds qui simule le roulement des tambours… » (Carlo Levi, Les mots sont des pierres, pp. 70-71).






    Carlo Levi  Les mots sont des pierres




    CARLO LEVI


    Carlo Levi
    Carlo Levi
    Autoportrait, 1945
    Huile sur toile, 42 x 34 cm,
    Rome, Fondation Carlo Levi




    ■ Carlo Levi
    sur Terres de femmes

    29 novembre 1902 | Naissance de Carlo Levi (+ notice sur Cristo si è fermato a Eboli et extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Nous)
    la page de l’éditeur consacrée aux Mots sont des pierres de Carlo Levi
    le site de la Fondation Carlo Levi






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  • Felip Costaglioli | Ne pas jouer avec



    Fuoco
    Ph., G.AdC






    NE PAS JOUER AVEC




    Ce que j’aime chez les autres
    c’est l’âtre



    pas forcément
    pour la bête jaune     rouge
    et bleue de la flamme

    — il y a bien d’autres façons de brûler —

    mais aussi pour la braise
    pont défait



    qui pourtant
    est cet instant parfait entre
    l’avant et l’après




    un peu comme une cousine
    germaine de l’attente




    puis pour la cendre

    tapis de pensées grises
    et de questions tremblantes



    un joli texte de frissons



    Ce que j’aime chez les autres
    et qui émerveille
    quand on s’y lave les doigts


    c’est l’esprit profond et minutieux
    du feu.




    Felip Costaglioli, Loin de chez soi ?, L’Arrière-Pays*, 32360 Jégun, 2015, pp. 43-44-45-46.





    _____________________
    * NOTE d’AP : les éditions L’Arrière-Pays ont aussi publié en 2002 un autre recueil de Felip Costaglioli : Un bout d’os sous la langue.




    FELIP COSTAGLIOLI


    FelipCostaglioli
    Source




    ■ Felip Costaglioli
    sur Terres de femmes


    Ce que c’est (poème extrait de Ce qu’on vaut de poussière)
    Redécorer la grotte (poème extrait de NU)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de St. Cloud State University)
    une notice bio-bibliographique sur Felip Costaglioli






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