| MARILYSE LEROUX
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JEAN-PAUL BOTA Source ■ Jean-Paul Bota sur Terres de femmes ▼ → La Boussole aux dires de l’éclair (lecture d’AP) → [Un cimetière près des forges] → 6 février 2008 | Jean-Paul Bota, D’après Souvenir de Mortefontaine de Jean-Baptiste Corot ■ Voir aussi ▼ → (sur online.flipbuilder.com) des extraits de La Boussole aux dires de l’éclair → (sur Recours au Poème) une notice bio-bibliographique (+ 6 poèmes) |
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Choix du rose [magenta] en couverture pour le dernier livre d’Armand Dupuy, Présent faible, voilà le contrepoint signifiant d’un mode d’approche où l’être, en retrait d’un fil conquérant, s’absorbe en sa propre parole, comme une ombre. Les pronoms définis tendent à s’effacer, à se retirer devant le pronom indéfini, perdu dans le temps qui se replie. Des tirets, seule ponctuation, sur lesquels on bute (respire), ralentissent la lecture. Ils évitent au souffle d’être à bout. L’infime est perçu, pas une discordance, mais une liste d’objets autour qui évoluent lentement : faible et lent sont contigus comme une stagnation entérinée par extinction qui dure. Le flux verbal s’écoule, répétant des mots ou des cellules de mots. « […] lumière jaune et basse
il est dix-huit heures treize le quatorze septembre
deux mille quatorze je cherche ce que touche ma peur
et m’installe dans le retard de ma phrase retard
sur l’heure qu’il est – je laisse ça s’étaler je reste
assis j’ignore le nom de mon besoin j’ignore si
l’on infuse ou si l’on se noie – […] » Armand Dupuy, peintre par ailleurs sous le nom d’Aaron Clarke1, procède par petites touches, détermine le minime, l’écart entre un instant et l’autre. La perception du temps résulte de données sensibles énumérées (les mouches, au centre déjà de Mieux taire 2) : aucune volonté forte de détacher des actions d’un processus. Dans cette écriture, pas d’idéal, le pronom « on », répété, est associé à une « façon vaine d’attendre au plus / dur de soi d’aggraver de l’index ce qui manque / aux parois […] ».
Héritée d’une impuissance, l’écriture ressasse et ce ressassement devient refus à la Bartleby 3 répondant à tout : « Je préfèrerais ne pas … ».
D’autres voix contemporaines explorent autrement la même révolte, par la fougue et la prolifération d’une langue rageuse en devenir. On pense à Christophe Manon et à Yannick Torlini, autres versants d’une impuissance assumée devenue révolte que la langue poétique par nouveau cheminement réinvestit.
Armand Dupuy suit une autre voie pourtant nourrie d’un constat identique. Le tissu social nous étouffe avec toutes ses contraintes. Nous ne sommes plus maîtres de notre temps, comme le dit Marx, ici partiellement cité, dans Misère de la philosophie : « Le temps est tout, l’homme n’est rien ; il est tout au plus la carcasse du temps. » 4 Carcasse calcinée par petits feux minimes et constants.
Le présent questionné ne fait entendre pour Armand Dupuy qu’un son faible et des mots dont le sens glisse, même les plus simples, « ce qu’on appelle « maison » », ou des sons en mots voisins, « œuf » et « neuf », variantes de sons usés.
Si l’on n’y prend garde, l’instant présent se mue aussitôt en instant passé. Quel temps de conjugaison utiliser pour être au plus près de l’émotion ? « […] tu disais / redis diras qu’on n’aperçoit pas mieux les yeux
grands ouverts ce qu’on ne voit pas les yeux fermés » On est enfermé en soi, « les gestes traversent et tirent / les ficelles ». L’indifférencié de la ressemblance est partout. Rien ne distingue les vers les uns des autres dans la coulée du texte, le souffle est régulier, monotone, non ponctué, « présent faible » se traverse d’une traite, écartant d’emblée la mise en relief. L’élan ? Non. Force d’inertie préside, le poète ici ne se dresse pas, il allonge les signes, l’horizontalité. « ces gris toute leur patience de limace trouée la
nuit touche la nuit dans le jour touche la nuit dans
la nuit sens propres et figurés s’avalent sont ce seul
avalement sans lutte – avalé recraché lâché tenu
assis debout couché on s’étale avec ce qui s’étale » Le refus de transcendance comme de conquête semble signifier l’acceptation d’une position modeste. Le retrait « dans la moitié d’ombre de / cour – la cabane en bois […] », humble lieu de soustraction, de composition autour d’infimes apparences (bruit des insectes). La langue même devient symptôme indéniable d’une impuissance : « au fond trois chaises /de jardin s’éteignent ». Parallèlement chaque geste, « soulève un bras puis / l’autre », l’effort est accompli comme pour soulever des montagnes sans que rien n’ait véritablement d’effet.
L’immobilité condamne, « on reste assis », « dans le peu d’air qui sépare ». Rien ne peut être franchi, car l’indifférencié homogénéise les reliefs, génère les phrases, les vers. Apparemment les mots déterminés sont actualisés, pourtant ils s’évaporent dits, « la main secoue simplement » : le verbe au sens anesthésié apparaît en construction intransitive. À cet égard d’ailleurs, les compléments circonstanciels (citons « dans la moitié d’ombre de la / cour ») révèlent un espace amoindri. La connotation d’un circonstanciel de manière les guette et menace de remplacer le sens concret qu’ils devraient restituer. Comme « tout ça radote », on s’éloigne du progrès, de l’avancée, comme un processus nécessaire qui permettrait de passer à une autre phase, constructive et porteuse d’évolution.
Au silence pourrait mener ce chemin, « mieux taire », écrivait Armand Dupuy. Poème-écueil d’ailleurs, la forme en longue traite exclut les aspérités au profit d’un long fil sans fin de mots qui tous convergent vers nulle part. Départ / arrivée se confondent : bien des vers s’achèvent sur « plus » en périphérie négative, quelque chose a cessé ou se perpétue en mode mineur, version atténuée d’exister.
Peut-on vraiment agir ? Les questions « à quoi bon » et « que peut-on » se répètent. Pour étirer l’instant, il faut un grand effort d’inaction, de présence intense, de ralentissement jusqu’à l’immobilité, qui ne peut être totale. Ainsi, les dates et les heures indiquées s’allongent en toutes lettres. Les quinze fragments s’interrompent toutes les trois pages (72 vers) en une page blanche de silence.
Quelque chose est bon à jeter sûrement, en « cuvette » ou en « bassine », dans lesquelles on ne nettoie rien. Souvent le balancement entre deux sons identiques ou presque s’impose, « battement » sans autre volonté que ranimer « l’informe ». La langue apparaît comme une « tourbe » à répéter des sons dissociés du sens. Est entérinée l’absence d’adéquation entre les mots et le monde, elle condamne à un bégaiement constant. Lorsqu’est introduit le récit, le mouvement d’objet est restitué comme épaules haussées : « panneau / rond » qui clignote, tombe une nuit, aucune interaction, une suite d’étapes minimes « sale échec qu’on traîne et recommence », « combat de / fluides lents jusqu’à l’ennui ». L’outil inutile apparaît, le ratage et l’ennui sont constamment juxtaposés, versants d’une même agglutination : les yeux se ferment souvent, la perception visuelle retournée vers soi, en soi, n’adjoint aucune perspective, alors la concaténation gagne la langue.
La mort de l’ami Georges Badin est actée et ses gestes de peintre sont décrits, la réalité rencontrée depuis (et avant) vécue comme fausse piste, « on infuse hier et demain ». L’ami n’est plus, mais ses toiles sur le mur parlent encore, elles ramènent à la surface des « bloc[s] / lent[s] de mémoire ». Ainsi le passé s’invite-t-il dans le présent. Passe aussi dans un instant la musique du violoncelle de Gaspar Claus accompagnant une lecture des poèmes d’Armand Dupuy.
Tout n’est pas gris : les couleurs des toiles de Georges Badin et de Jaber le traversent. L’adjectif « faible » du titre, si on lui ajoute un [ʀ] devient « friable » : « le mot faible et friable ». « Mot » peut lui-même se voir ajouter ce [ʀ] pour exprimer notre réalité friable. Et ce « présent faible » est aussi un « présent fébrile ».
« Faible » dérive encore vers l’adverbe « faiblement », passant d’une fonction descriptive à une note essentielle et constitutive. La première personne intrusive alors prend le relais du mutisme défait, devient sujet de verbes d’échec ou échoue à se définir autrement que par manque « je suis le trou la claque la dalle sous mes pieds ». Le vide au bout, c’est le faible devenu constituant du blocage (boue, flaque…). L’attente ne peut se résoudre, infuser œuvre en juxtaposant lentement des composantes mises sur le même plan, traitées comme équivalentes et qui nous oppressent : « on presse le pas rien ne serre mieux que rien l’étau
manque et serre davantage tout croule ici le toit
passoire dans le paysage sans merveille […] »
Isabelle Lévesque D.R. Isabelle Lévesque pour Terres de femmes ____________________________ 1. Voir leur/son site internet : https://www.tessons.net/ 2. Armand Dupuy, Mieux taire – avec des gravures de Jean-Michel Marchetti et une préface de Bernard Noël (Æncrages & Co, 2012). 3. Armand Dupuy cite la phrase de Bartleby en anglais : « I would prefer not to ». Elle est traduite par « J’aimerais mieux pas » dans l’édition suivante : Herman Melville, Bartleby, traduction de Bernard Hœpffner, Éditions Mille et une nuits, 1994. 4. Karl Marx, Misère de la philosophie [1847], Petite Bibliothèque Payot, 2002, page 101. |
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« SI BIEN QU’AU MILIEU DE LA NUIT, LE JOUR » Condensé d’espace et de temps. Tel est le fil vertigineux sur lequel repose le titre énigmatique choisi par Christophe Manon pour son dernier recueil : Au nord du futur. Un titre qui convoque chacun à l’épreuve du seuil. Dans une sorte d’instabilité binaire qui force au questionnement. Quelle direction prendre et pour quel avenir ? Le titre du recueil n’est cependant pas sans écho. Paradoxalement, il oblige à remonter le fleuve du temps et à chercher du côté du passé. Le premier de ces échos renvoie en effet à un poème de Paul Celan, « Dans les fleuves » (in den Flüssen, manuscrit de 1963). « DANS LES FLEUVES au nord du futur,
je lance le filet
qu’hésitant(e) tu alourdis
d’ombres écrites
par des pierres. » Le second renvoie un peu plus loin encore, à L’Antéchrist de Nietzsche, pour qui le Nord des Hyperboréens, royaume des premières mythologies, est aussi celui des Ombres et des morts. Ces deux référents tracent un axe chronologique que la poésie de Christophe Manon va bousculer en brouillant les pistes de l’histoire et de l’écriture. « ÉTRANGERS DANS LA LANGUE écartelés
entre deux siècles les pieds au nord du futur nous savons
le goût du désastre où quelque chose de stellaire a disparu », écrit Christophe Manon dans l’un des poèmes du chapitre premier de son recueil. Au cœur même des disparitions, l’ombre diffuse, et il suffit parfois de tendre le bras pour « saisir l’ombre tapie dans l’ombre ». Ou pour contempler « dans l’ombre les disparus dans les défaites plurielles
les parias
dont les plaies nous répugnent ». Et peut-être, dans cet éblouissement de l’espace et du temps, « ressentir un tourment
semblable à de la joie. » Il y a toujours chez Christophe Manon cette lucidité grinçante qui bouleverse et qui émeut au plus profond. Trois chapitres composent l’ouvrage présent. Le premier, constitué de poèmes, porte un titre éponyme de celui du recueil. « Au nord du futur ». Le second chapitre, « Au milieu de la nuit, le jour », composé de neuf chapitres, est une suite de fragments en prose où viennent parfois se glisser de petits poèmes en lien étroit avec ce qui précède et ce qui suit. Le troisième chapitre, intitulé « Cela », est une suite étrange de poèmes éclatés dont les segments sont repris en grisé, échos assourdis de phrases superposées. Cette composition évoque les cinq vers du poète américain Robert Creeley, vers mis en exergue de cette ultime section. « des mots aussi
clairs, habiles
que la cendre séparera,
comme la poussière, tombée de nulle part. »
(la traduction en français ci-dessus est de Sabine Huynh pour TdF. Cf. Words) Et les poèmes de « Cela », pris dans la tonalité englobante d’un pronom indéfini neutre, condamnés à disparaître dans la lenteur. À s’effacer comme des traces sur le sable ; comme des ombres qui s’éteignent dans le lointain. Et comme nous-mêmes. « ce que nous recevons
n’est qu’un écho étouffé
de la rumeur aléatoire du vivant
dont l’énigmatique inflexion
semble préluder
à notre effacement ». En dépit de leur différence formelle, ces trois chapitres explorent la même thématique. La même idée obsédante. Quelque chose existait par le passé, qui guidait et donnait sens à la vie et aux actions qu’elle drainait. Quelque chose en quoi chacun croyait ; dont chacun croyait que ça allait durer longtemps ainsi. Une sorte de confiance aveugle enveloppait les hommes et le monde. Les tenait « hors / de toute crainte ignorant / quand cela commença ». Quand cela commença-t-il ? Quand « le renversement d’horizon » se produisit-il ? C’est là la question implicite qui court d’une section à l’autre du recueil. Et de ce passé qui fut, il ne reste que des « ombres » et le souvenir d’un « éblouissement » que les mots peinent à restituer. Les poèmes du premier chapitre — « Au nord du futur » — sont denses. Ils sont construits sur un phrasé ample, qui emporte, même s’il est heurté par des rejets inattendus. Ils concernent un collectif de personnes impliquées dans les mêmes actes auxquels participe le narrateur. Ce qu’indique l’emploi exclusif du pronom personnel « nous ». « NOUS ÉCRIVIONS sur des murs
de prisons parlions à travers les canalisations à d’autres
comme nous incarcérés… » Drainés par des imparfaits duratifs ou par des passés composés, ces poèmes sont portés par un souffle puissant qui submerge. Ils évoquent une vie construite sur l’imaginaire, capable d’inventer des « fictions pour travestir le réel ». Tous étaient alors impliqués dans le cœur de l’histoire, prenant au sérieux les convictions qui les portaient au cœur des luttes du moment. Tous étaient confrontés au heurt violent entre réel et idéal ; confrontés à l’absurde surdité du monde contre lequel venaient battre les voix. Les poèmes, clos sur la violence, interrogent les énigmes du passé, tentent d’en percer les fonctionnements (ou dysfonctionnements), dénoncent la « cécité » et la « désorientation de l’époque ». Le « nous » est le pronom personnel exclusif des verbes de sorte que les actions décrites englobent et concernent un collectif dans lequel s’inclut le narrateur. De sorte aussi que le lecteur se sent à son tour happé dans ce tourbillon qui déchire et qui malmène. L’idée qui se profile au fur et à mesure que les poèmes ouvrent en nous leur sillon, c’est qu’ils sont à la fois anticipation — sur un avenir proche qui n’a pas encore tout à fait pris sa forme définitive — et regard en arrière. Mélange de prolepse et d’analepse. Comme si le poète, propulsé dans un futur plus tout à fait hypothétique, se retournait soudain pour voir et pour décrire ce à quoi il a assisté et ce qu’il a vécu. Si bien que les événements auxquels il est fait allusion et que l’on croyait appartenir à un passé lointain de l’histoire se trouvent soudain appartenir à un passé tout proche qui nous met en prise avec notre présent actuel. Avec l’horreur qui le secoue en permanence et avec la peur qui étreint chacun de nous. Il y a jusqu’à notre langage qui s’en trouve désarçonné. « bégayer bégayer sans cesse pour parler
de notre temps la langue quelque part avait rompu
la digue il ne restait que quelques consonnes des sédiments
narratifs limons essaims de formes surfaces
effacées et nous inéluctables inouïs cherchant dans la trame des
siècles un avenir
possible noyés engloutis dans l’idiome emportés par la houle
échouant sur la rive d’une
césure peut-être à bout de
souffle se taire pour sortir du silence se taire endurer
la désorientation de l’époque
dire cela dire
la cécité toujours pareille articuler en un balbutiement quels noms
quels mots quels morts et nommer quel
désastre un naufrage une farce
peut-être. » Je n’ai pu résister à donner ici la presque totalité de ce poème afin que le lecteur puisse appréhender ce souffle en même temps que ce qui caractérise l’écriture de Christophe Manon dans l’ensemble de ce chapitre. La première section du recueil se clôt sur un poème-bilan qui énonce à travers un balancement binaire une succession de rêves et leur transformation en échec ou en cauchemar, et s’achève sur des actions au présent dont les ramifications poursuivent leur travail de sape sans pour autant bousculer nos émotions. Il y a dans l’énoncé de ces événements cycliques qui défient les temps – passé-présent-et à venir — quelque chose de terrifiant qui touche à nos tragédies, tragédies dont nous n’avons que partiellement conscience, persuadés que nous sommes que rien de ce qui arrive ne nous concerne de près. Et pourtant, les vérités révoltées de Manon sont là pour nous mettre en garde, pour nous extirper de nos somnolences et de nos infimes satisfactions provisoires, et les poèmes ont une force, une énergie et une beauté qui ne peuvent qu’atteindre ceux ou celles dont la sensibilité reste vive. « NOUS AVONS RÊVÉ de nous saisir
de notre destin et ce rêve s’est achevé
contre le mur d’un cimetière nous avons rêvé
d’une étoile rouge à l’Est qui s’est transformée
en mur et s’est effondrée nous avons rêvé
de châteaux en Espagne et ce fut une fosse
commune où furent balancés des corps par milliers nous avons rêvé
d’une longue marche et cette marche s’est échouée sur un barrage
hydraulique maintenant
nous avons appris à estimer nos semblables et nous édifions
des demeures de sang et d’os et immortels
de tant de morts nous projetons
de la joie au-devant
de nous-mêmes. » La partie médiane du recueil — « Au milieu de la nuit, le jour » — est une suite ininterrompue et hallucinée, mais toujours parfaitement maîtrisée, de réflexions personnelles qui mêlent souvenirs pensées déclarations amoureuses confessions aveux visions du monde interrogations sur l’existence. Les un(e)s enchaîné(e)s aux autres par des maillons qui sautent de paragraphe en paragraphe et se poursuivent ensuite au chapitre suivant. Ainsi du passage du chapitre 2 au chapitre 3 : « Y vois-tu quelque chose (2)
à redire ou bien est-ce le murmure de la terre ondulant
sous l’averse ?… »(3) Christophe Manon emprunte à la poésie le procédé métrique du rejet ou de l’enjambement qu’il adapte à la prose. Une forme d’écriture décalée qui est la grande particularité d’Extrêmes et lumineux (Verdier, 2015). Une fois passés la surprise et sans doute l’inconfort de lecture, se laisser porter par ces sauts de vagues est exaltant et accepter d’être ballotté d’une pensée à l’autre est pure jouissance. Car c’est là, à mon sens, que réside le plus grand plaisir de la lecture de Manon, celui qui m’avait déjà tenue en haleine dans Extrêmes et lumineux et que je retrouve intact dans ce nouveau recueil. La première personne reprend ici ses droits pour explorer les méandres de la mémoire en même temps que les « arcanes des paroles que l’on ne prononce pas ». Et le « tu » auquel le narrateur s’adresse n’est peut-être que son double. Pourtant une phrase comme celle ci-dessous laisse entrevoir la présence d’un autre : « Nos étreintes sont aussi des doutes que nous partageons. » Ou encore cet extrait : « C’est là qu’est la beauté de la situation : dans cette vulnérabilité et dans l’impermanence des baisers que nous échangeons avec l’espoir de pouvoir recommencer demain. » Et cet ensemble de fragments qui occupe une trentaine de pages pourrait bien se définir ainsi : |
| CHRISTOPHE MANON
→ [Que reste-t-il des] (extrait de Jours redoutables) ■ Voir aussi▼ → (sur le site des éditions Nous) la page de l’éditeur sur Au nord du futur → (sur le blog de Fabien Ribery) un entretien avec Christophe Manon au lendemain de la publication d’Au nord du futur |
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| LAURENT GRISON Source ■ Laurent Grison sur Terres de femmes ▼ → Ne rien dire (poème extrait de l’anthologie Sidérer le silence) ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Henry) la fiche de l’éditeur sur Le Chien de Zola → (sur Recours au Poème) une lecture du Chien de Zola par Marilyne Bertoncini → (sur lelitteraire.com) une lecture du Chien de Zola par Jean-Paul Gavard-Perret → (sur le site de la revue Traversées) une lecture du Chien de Zola par Lieven Callant |
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| FRANÇOISE CHABERT ■ Françoise Chabert sur Terres de femmes ▼ → 1er octobre 2009 | Françoise Chabert, Avoir vingt ans à Xi’an, Journal de Chine ■ Voir aussi ▼ → (sur le site des éditions Voix d’encre) la fiche de l’éditeur sur De la main à l’oubli |
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RODOLFO ALONSO
→ (sur Recours au Poème) six autres poèmes issus d’Entre les dents de Rodolfo Alonso |
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« LES GRANDES ÉOLIENNES » « Agrandir les fenêtres », agrandir l’espace. Agrandir. À l’étroit dans son enfance et dans ses souvenirs, à l’étroit dans la mort du père qui le ramène dans la langue étrangère de sa Bretagne originelle, à l’étroit entre les murs grisaille de la routine, Joël Bastard ne se sent vraiment bien qu’en compagnie de son stylo de ses carnets et des mots. C’est sur les pages de ses carnets qu’il déambule, entre des phrases incertaines, des paysages insaisissables, avec pour tout ancrage le décor tanguant et déteint d’un bar de village breton. Et une cuisine. Qui s’agrandit d’autres cuisines. Le temps d’écrire et de composer avec la nature morte un peu particulière d’Une cuisine en Bretagne. C’est donc là, au cœur de paysages blêmes de « biefs obscurs » et sans relief autre que celui de la difficulté à faire vivre une famille, au milieu de landes désertes habitées par les chicots des chalutiers, que prend souffle l’écriture de Joël Bastard. Une écriture qui draine par fragments la prose poétique de ce dernier recueil. Prose poétique et non poésie car, écrit Joël Bastard : « Il n’est pas question que la poésie frappe à ma porte, ni qu’elle m’inonde de lumière. Il n’est pas question que la poésie me réveille à l’aube ou me berce le soir. Avec elle, il n’est pas question. » Position paradoxale et inhabituelle sans doute qui ne peut s’expliquer que parce que Joël Bastard met la poésie très haut et se refuse à obéir à une forme d’imposture qui ferait de sa cuisine bretonne un lieu rêvé propice à l’embellissement et à l’exaltation. Sans doute aussi parce que la poésie, celle dont il rêve depuis toujours, demeure inaccessible. « La poésie est toujours devant », écrit-il, stylo en main. Sans doute encore parce que, pour Joël Bastard, la poésie est dans l’ordinaire des choses ou des hommes croisés au café du village. Nul besoin de fioritures. Nul besoin de convoquer des « canopées bruyantes d’oiseaux inconnus ». Seul compte le « tapis sans intérêt » sur lequel il pose les yeux. Et de confier quelques lignes plus bas : « Ce tapis m’adoucit, ne traversant que le silence. » Seuls comptent les hommes, les femmes et les chiens qu’il croise dans la rue et au comptoir. Ils sont pour lui un sujet d’étonnement discret, et le regard qu’il pose sur chacun est tendre et bienveillant, même si la misère se lit dans les gestes insipides et dans l’obscénité qui ronge le théâtre ordinaire du bistrot. Et puis, au milieu de ce grand vide, il y a la tourmente de Gaza : « trop d’innocents, véritablement innocents dans la bande de Gaza. La bande, comme si ce n’était pas un pays où grandissent des enfants… » Ailleurs, dans un autre fragment, le poète écrit : « Une seule détonation dans la chair humaine et la moindre fourmi a des allures de soldat dans un dessin d’enfant. » Le poète vagabond éprouve le besoin permanent de rassembler le peu qui affleure d’une vie faite de disparitions d’écueils de mésententes de malentendus et de presque misère. Le père est mort. Un père breton issu de ces terres gastes qui mènent la vie dure à leurs habitants. Avec la mort du père reviennent d’autres morts, celle de la mère notamment : « Aujourd’hui, c’est l’anniversaire du dernier souffle de ma mère ». Et, en filigrane, celle de l’auteur lui-même : « J’ai l’âge de la disparition de mon père et je marche vers le lieu de sa naissance. » Remontent aussi « les oripeaux d’enfance » et, avec eux, le souvenir des deux grands-mères, si différentes l’une de l’autre, la bretonne et la corse. À chacune son monde ses us ses façons d’accueillir l’enfant. « Avec ces deux manières d’être grand-mère, toutes les grands-mères de l’humanité ». Il y a aussi « l’oncle bienveillant » qui offre un stylo plume Waterman à l’enfant désireux d’écrire. À quoi donc cela tient-il, l’écriture ? Tout cela est bel et bien mort et il en reste si peu de choses. Seuls les carnets, alors, pour conjurer le vide qui partout encercle et gagne. Croquer ici et là les portraits de ceux et celles que l’on rencontre, noter les « pensées aléatoires » terrifiantes qui embrument le cerveau ; consigner les citations rencontrées au cours des lectures. Les mots, toujours les mots. Ceux des autres et les siens propres. Et, au-delà, renouer avec « l’origine du silence avant les mots ». Mais en attendant de retrouver cette origine, il faut accepter les mots, les écouter les aligner à la queue leu leu, tels qu’ils se présentent, ou les agencer les uns aux autres. Parfois en une phrase unique qui rappelle l’aphorisme, parfois en paragraphes construits sur ces répétitions qui encadrent le paragraphe et l’enclosent dans un tout : « Pas d’arbres pour calmer mon inquiétude »
« J’ai si peu de choses à donner »
« Les yeux dans le pourrissement des épluchures »
« Tant de villages et de villes se disputent en moi la durée d’une fenêtre ou d’un lit… » Répéter. Cela fait partie du travail de Joël Bastard. « J’écoute ma voix qui répète ce que je viens d’écrire. Celui qui écoute s’étonne de celui qui vient d’écrire et s’attendrit d’une certaine solitude. Il demande à l’autre de ne pas le laisser seul. Continuons donc à écrire. » Écrire est nécessité vitale. Pour combattre la solitude pour combattre l’attente. « J’attends. Je ne sais trop quoi. Pétri d’absence, j’attends. Un mot pour me délivrer de ce sens interdit. » Si méthode il y a, prendre des notes en constitue le socle. Mais cela demande aussi d’assumer les contradictions d’une semblable activité. Le met en évidence cet aveu : « Il y a quelque chose de réjouissant à prendre des notes. De terrifiant aussi de ne pas savoir où nous porteront ces notes. Pourtant nous savons bien que le monde se construit ainsi, au regard des pages précédentes. » Écrire alors et creuser. Revient sous la plume la métaphore de l’arbre. Qui plonge ses racines dans l’enfance. « J’avais planté un arbre comme celui-ci, il y a bien longtemps en Provence. Mal planté il n’a pas vécu. Il faut creuser profond en terre pour qu’une phrase s’élève, tienne debout et dure le temps de son paysage. » Les phrases sont là, certaines très belles, qui confirment le poète dans son travail. Écrire Une cuisine en Bretagne. Il faut attendre la fin d’un préambule (trente pages exactement), où se disent déjà tant de choses de ce qui compose le recueil, pour entrer dans la cuisine. Pour s’y installer. Aux côtés de Joël Bastard. C’est là, dans cette pièce, que se nouent, à mon sens, les plus belles pages de l’ouvrage, les plus fortes les plus denses. C’est là que l’écriture prend son envol. Envol ? Souffle plutôt. Ou Vagues. C’est là, « à la proue d’un navire figé dans le noir », qu’elle puise son énergie créatrice. Le poète choisit le navire. Et la proue. Il choisit aussi sa position – « assis de côté » (plusieurs fois répété). Le poète ? Celui qui écrit joue sur les pronoms personnels pour changer de perspective changer de point de vue ; pour faire jouer la distanciation. Pour « regarder au-delà de soi ». « J’écris, comme de loin… » ; « il écrit de côté… » ; « L’homme aux seins nus écrit de côté… ». La cuisine est le lit-clos de l’écriture. Clos sur la nuit clos sur le monde. Un ventre donc, puisque c’est un navire. Un antre qui protège. Avec vue sur cour malgré tout. Vue sur les toits, vue sur un jardin, eucalyptus et corneilles. Tout cela se saisit d’un seul coup d’œil, de l’autre côté de « la fenêtre fermée ». Le lecteur tourne la tête ; pour voir le jardin. Puis revient s’asseoir aux côtés de celui qui écrit. Il est cet ami silencieux qui suit des yeux les mouvements de la plume sur le papier. S’imprègne de son allant et de ses crissements. « Le bruit du stylo plume », semblable au « froissement unique d’une existence. » À l’intérieur donc, il y a la cuisine, il y a la table. Et, d’un fragment à l’autre, tout un travail sur la variation, répétitions et variantes. Tout un canevas de croquis, d’esquisses, conformes à l’esprit du carnet. Carnet de notes/carnet de croquis. « Sur la table de la cuisine encombrée de vaisselle et de papiers froissés ». Premier fragment. « Sur une table encombrée de farine, de verres vides, de moutarde et de pommes de terre […] Des feuilles griffonnées s’étalent sur sa droite… ». Second fragment. « Sur une table encombrée de papiers et de tasses, d’une poivrière, d’une pomme … ». Troisième fragment. D’autres variations se glissent à l’intérieur de chacune des natures mortes, qui jouent sur le passage du concret à l’abstrait. « J’aime voir l’encrier lourd de tous les possibles et que je sollicite avec humilité. Du moins j’essaie. »
« Vers la fenêtre qui donne sur les toits d’autres feuilles griffonnées de présences fugitives. »
« ce sera la première fois de sa vie qu’il utilisera la beauté indécise d’un point-virgule avec le désir d’un titre de livre aussi long que son contenu… » Le tressage se poursuit avec l’ensemble des motifs choisis par l’écrivain : fenêtre, eucalyptus, corneilles. L’écriture, elle, pousse : toujours devant. À la manière d’un Jack Kerouac tapant à la machine Sur la route… Et « sans regarder en arrière les feuilles qui s’accumulent sur la table de la cuisine ». D’autres métaphores viennent compléter les précédentes, qui tissent leurs liens avec forêts et oiseaux, page blanche et nid. Pour donner ce fragment magnifique de la cuisine qui, avec la tombée de la nuit, « s’assombrit », assombrissant dans le même temps « les objets utilitaires » de la nature morte en gros plan : « le bol, le couteau, le sachet de papier dans lequel le pain. » Et toujours ce regard bienveillant sur les choses : « Les couleurs sombres facilitent l’accueil de ce qui vient lentement s’engouffrer. Les derniers blancs tiennent encore un peu dans les yeux. » Ainsi, de cuisine en cuisine, se vit et se dit la nécessité impérieuse de l’écriture, celle qui détermine l’objet du livre et en donne la définition : « Donnez-moi du papier et un peu de lumière. Mes genoux feront l’affaire pour écrire dessus. Un morceau de ciel soufflera l’entier. Un seul souffle suffira pour dire l’humanité. » Le livre tire à sa fin. Le voyage de l’errant se délite en un fragment singulier qui nie tout ce qui précède. La Cuisine en Bretagne s’éloigne. Sans doute n’a-t-elle été qu’un rêve, le rêve nécessaire à l’écriture d’un passé dont il ne reste que le silence : |
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→ Bakofé → Casaluna → Chasseur de primes (lecture de Paul de Brancion) → Le visage de Mah ■ Voir | écouter aussi ▼ → le blog de Joël Bastard → (sur le site des éditions LansKine) la page de l’éditeur sur Une cuisine en Bretagne → (sur YouTube) une lecture musicale d’Une cuisine en Bretagne par Joël Bastard |
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L’AUTRE CÔTÉ DU MOURIR « Éternité à coudre », du même élan que la brûlure de l’à-pic, éternités d’avant la césure sans doute, d’avant les déchirures, sang et cendre dans la bouche, éternités arrachées à l’enfance peut-être et à l’amour aussi, sans doute, au temps d’un jadis qui donnait prise sur le monde et donnait vie à des rêves communs. Puis quelque chose eut lieu qui mit le monde à sac, ouvrit béante la blessure. Temps de désastres d’éclatements d’éventrations. Les éternités s’effondrèrent. Éternités défuntes. Vint alors le temps de l’impossible cicatrisation. Accompagné pourtant du travail nécessaire à la suture des débords, et des rituels associés à la conjuration des maux : « je lavais votre
bouche » ou encore : « de votre bouche
je lavais le sel. » ou bien : « je brûlais
sous votre nom
des cendres. » Il fallut inventer, composer avec les « alvéoles vides », les éboulis et les lambeaux, habiter d’autres seuils. « mots furent notre
auge notre
abri » Chercher à tisser d’autres alphabets dans les revers de la couture. Habiter des « envers ». « Vos silences
hors de moi
un envers qui
ordonne. » D’un recueil à l’autre, Esther Tellermann poursuit inlassablement les questionnements qui accompagnent la quête obsédante. Le chant qui est le sien dans Éternité à coudre est prolongement de celui qui traverse Le Troisième. La plainte est la même, nourrie des mêmes modulations, des mêmes images : « Avions-nous le même
orage ?
Mêmes monts
bleus mêmes
alvéoles mêmes
murs
peau attachée
à la veine ? » La voix qui porte ce nouveau recueil nous est familière. Elle est celle que nous connaissons déjà. C’est une voix singulière à nulle autre semblable. Profonde et grave ; sourde et douce. Incantatoire. Une voix de gorge, intériorisée, qui charrie avec elle une Histoire venue de très loin et qui irrigue nos mémoires. Une voix personnelle faite de rythmes propres, de brisures et d’accrocs et qui porte en elle cet étonnant brouillage de lecture qu’opèrent les rejets. Le plus étrange est que derrière la syncope apparente des vers se crée une mystérieuse continuité mélodique. Le poème ouvre sur une lecture plurielle que facilite encore l’absence de ponctuation à l’intérieur d’un même espace poétique. Longilignes, les poèmes étirent leur verticalité sur la page. L’écriture est dépouillée, les mots souvent monosyllabiques. Les blancs typographiques et les alinéas sculptent le poème. L’espace respire. L’économie extrême recherchée par la poète protège de toute asphyxie et se joue de l’emphase. Tout au contraire. Le chant régulier agit comme une mélopée tendre qui berce les désirs et exorcise les peurs ou comme un baume qui apaise la douleur : « derrière le monde
roseaux
pliaient les amertumes. » Les leitmotive (avec variations) qui s’égrènent pareils à de lointains refrains renforcent encore le phrasé mélodieux du chant : « je vous ai mâché
avec l’écriture. » ou encore : « je vous mâchais
avec l’écriture » et « Levée au monde
je voulais
vous mâcher avec
l’écriture. » Les voix se croisent, qui alternent les pronoms personnels entre le « je » et le « elle », le « il » et le « vous ». Fusionnent parfois dans le « nous ». Ou se dissolvent dans l’ellipse. « Avions tracé
les marches et les frontières
vous feuilleté
je vous fis
orage
vous traversai
d’éclats et de
salive. » De ce dialogue intemporel — où tout ou presque se joue avec l’alternance entre l’imparfait duratif et le passé simple ponctuel —, il arrive que l’on perde le fil visuel et peut-être auditif. Mais cela n’a pas d’importance car ce travail de dissolution des pronoms personnels participe de la force incantatoire des poèmes. Tout comme les répétitions qui s’égrènent de manière récurrente. « Il voulait
creuser la bouche
qu’un silence
scinde » et dans le poème suivant : « Il voulait que
la parole entame
la moisissure
et l’horloge » Et l’écriture, alors ? Dans cette tension entre l’histoire personnelle d’Esther Tellermann et l’Histoire qui est la nôtre, l’écriture joue un rôle indissociable de l’existence. Elle lui est consubstantielle. Elle est ce travail patient des mots que la poète mâche pour couturer les plaies, pour dénoncer le poids des certitudes et la noirceur. « des sacs
qui suintent un à
venir
éteint » et peut-être parfois pour confier un espoir qui s’origine dans l’autre : |
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