Étiquette : 2016


  • Ariane Dreyfus | [J’écris parce que je vais disparaître]




    [J’ÉCRIS PARCE QUE JE VAIS DISPARAÎTRE]




    J’écris parce que je vais disparaître

    C’était là,
    Ma fille assise dans l’escalier, je la regarde entre les barreaux
    Ne bouge pas
    J’aime continuer

    L’importance de se regarder
    Sans doute
    Le visage en veut un autre

    Les tout petits, ne plus rien dire

    Ainsi la nuit si j’entends le chat manger enfin,
    Lui si maigre, je sais qu’il bouge son menton aux os fins
    Il a besoin de manger, nous oubliant
    Pendant que la nourriture craque entre ses dents

    Les craquements, si on voulait, on saurait où c’est
    Passer entre les barreaux, les frôler
    Sans se faire peur
    Surtout quand un animal tourne sa tête, hésite,
    Puis retourne à son bol où il reste de la solitude




    Ariane Dreyfus, Le Dernier Livre des enfants, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2016, page 9.






    Ariane Dreyfus.jpg 2






    ARIANE DREYFUS


    Ariane Dreyfus
    Image, G.AdC




    ■ Ariane Dreyfus
    sur Terres de femmes


    En sens inverse (poème extrait des Compagnies silencieuses)
    Anatomie (extrait de Moi aussi)
    Le Dernier Livre des enfants (lecture d’AP)
    L’Inhabitable (note de lecture d’AP)
    Épilogue (poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    La nuit commence (autre poème extrait du recueil L’Inhabitable)
    La Lampe allumée si souvent dans l’ombre (note de lecture de Matthieu Gosztola)(+ L’Amour 1 dans sa graphie originelle)
    Nous nous attendons (note de lecture de Tristan Hordé)
    « C’est tout mouillé » (poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    « Je suis en train d’oublier son visage » (autre poème extrait du recueil Nous nous attendons)
    Sophie ou la vie élastique (lecture d’AP)
    Le beau tapis (poème extrait du recueil Sophie ou la vie élastique)
    (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) SAMI (poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    Un recoin dans un coin (autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Ariane Dreyfus (+ un autre poème extrait de La Terre voudrait recommencer)




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Ariane Dreyfus
    → (sur YouTube)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein (France Culture, 29 décembre 2001)
    → (sur le site de France Culture)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Ça rime à quoi ? de Sophie Nauleau (30 octobre 2010)
    → (sur le site de France Culture)
    Ariane Dreyfus dans l’émission Du jour au lendemain d’Alain Veinstein (19 mars 2013)






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  • Hervé Piekarski | Matin d’un jour d’orage




    MATIN D’UN JOUR D’ORAGE



    L’excès de la distance rend les yeux capables de bien davantage qu’eux-mêmes, le visage garde en lui les traces des épreuves qu’il a dû traverser pour être si beau qu’on puisse et qu’on doive à présent le décrire. L’œuvre est une vision, la considération d’une vision. En même temps que grandit la tranquillité se précise la violence qui dès le départ la soutenait. Matin d’avant l’orage, très doux près de la combe. L’homme voudrait s’aventurer loin de tout, chanter plus bas que sa voix, pouvoir au-dehors se risquer comme l’animal qui a compris que le danger était passé. Les routes donnent de précieuses indications. La lumière n’en finit pas de gonfler dans le ciel et la conscience de sa fin ne l’affecte plus, lui l’homme délivré qui guette la pluie. De la poussière partout. De nouvelles traces dans la poussière comme des signes qui attendent leur interprète.



    Hervé Piekarski, L’État d’enfance, II, Flammarion, Collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves di Manno, 2016, page 116.






    Piekarski





    HERVE PIEKARSKI


    Hervé Pekarski Frontignan avril 2008
    Hervé Piekarski en pleine lecture
    au centre culturel François-Villon
    de Frontignan-la-Peyrade
    le vendredi 28 mars 2008
    Source




    Hervé Piekarski est né à Marseille en 1955 et vit aujourd’hui à Montpellier. Son œuvre a vu le jour en 1984 sur l’initiative de Jean-Pierre Sintive aux éditions Unes (Ouest), qui ont publié huit ans plus tard (1992) le premier mouvement de L’État d’enfance. La collection Poésie/Flammarion a accueilli trois autres de ses ouvrages, du Gel à bord du Titanic (1996) à Limitrophe (2005). Après un silence de plus de dix ans (hors quelques lectures poétiques, notamment à Crest et à Frontignan en 2008), il a entrepris avec L’État d’enfance, II un nouveau cycle en poésie, qu’il dit « appelé à de futurs développements ».



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Unes)
    la page de l’éditeur sur Hervé Piekarski
    → (sur le site du CipM)
    une fiche bio-bibliographique sur Hervé Piekarski





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  • Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)

    par Isabelle Lévesque

    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime),
    Éditions Henry, Collection La Main aux Poètes, 2016.
    Vignette de couverture d’Isabelle Clement.



    Lecture d’Isabelle Lévesque



    Onirique approche du temps
    « Onirique approche du temps »
    Ph., G.AdC







    MOT PRONONCÉ OU SILENCE




    Le verbe n’est pas seul : l’adresse florale compte – elle demeure. Au ciel du titre, Je murmure au lilas (que j’aime), on mesure l’attrait végétal et la douceur. Un long murmure octosyllabique, l’« e » faible répété, assourdi. Cette musique, quelle sera-t-elle ? Il manque un objet au verbe, la formulation syllabique du contenu du murmure. La parenthèse ne réduit pas la proposition relative à un détail, elle la valorise et la fait passer première au rang des motivations qui président au poème. L’entrée en matière, délicate et nuancée, nous retient, nous attire et nous fait entrer presque silencieusement dans le recueillement du livre.

    Le poème naît de sensations, en prose, il est soumis à ce qui est éprouvé et suscite : « J’écoute la musique de la pluie sur le métal ». Ce sont des notes infimes et multiples qui font passer d’un espace à l’autre, de la cuisine à « un jardin ». Le poème révèle le « silence » (mot répété quatorze fois pour quarante-trois fragments), un silence traversé d’images, légères, qui diffusent et portent vers l’intime, âme et cœur. Nous sommes invités à éprouver à notre tour, passant par les mots, les sensations et à agir, « je pèse le pour et le contre du silence », pour nous incarner comme se dédouble le poète. Téléportation sensible pour « plonge[r] dans la mer des songes », détournement d’un cliché pour une chute véritable dont le poème remonte le cours.

    Prose propice, le cheminement offert ouvre la perception visuelle et interroge celle des sons :

    « Qu’est-ce qu’entendre ? À quoi ressemble le bruit d’un arbre dans le vent ? »

    Source de méditation et de rêverie, le poème procède par glissements. Porosité du temps, une sensation réveille l’enfance, c’est que les fondations s’établissent sur elle. La rêverie est ancrée, elle s’éloigne ensuite d’un horizon restreint, elle creuse un espace intérieur pour y accueillir le monde extérieur, abolir les barrières entre la vie animale et même végétale. Dialoguer sans mots avec le chat :

    « Le silence, c’est voir les pupilles du chat se dilater, et comprendre ce qu’il dit sans avoir besoin de parler. »

    Et dialoguer aussi, comme l’annonçait le titre, avec le lilas familier. Un fragment nous révèle le discours tenu :

    « Je murmure au lilas que je l’aime. Son parfum embaume de tous côtés. »

    Alors le secret, le murmure, toute trame de douceur, se tissent avec le fil des mots. L’instant unit. Au présent, le lien établi par tous les sens.

    Onirique approche du temps, quelque chose en soi qui se libère, pour accueillir « une plaine en hiver et les moutons de l’océan au loin. » Le chemin du poème à voix basse permet cette approche du réel.

    La rêverie mène vers ce « monde du silence » que révéla le film du commandant Cousteau : « [u]ne raie, un requin. Un coup de mâchoire. Sans bruit. Le sang attire d’autres prédateurs. » Le danger n’est pas écarté, il peuple l’univers intérieur comme s’accomplissent les miracles murmurés. « Une palme s’ouvre, translucide », temps de silence pour que naisse le monde. « Ouvrir », le verbe répété, infinitif et entier, résonne comme injonction douce et respiration d’eau, elles correspondent aux battements du cœur. Remontée vers notre origine de silence et d’eau. Le livre intègre le chemin vers ce premier cri fondateur : rupture, « il neigeait » comme coton, l’enveloppe traversée depuis le point silencieux du néant. Il a fallu cet arrachement : effort du cri, « planté comme un couteau », entrée en vie.

    Parfois celle qui écrit revit cette traversée douloureuse lorsqu’un regard (un mot ?) se plante en elle, plaie vive, le père relevé revient d’un sommeil trop long et perce la membrane fine – de trépas à vie. Le dialogue s’établit aussi avec les ombres chères, ce qui survit.

    Au lilas, le murmure du père retourné au silence « comme une césure », il existe tout près alors que les images gisent d’un passé tranché qui revient hanter vivre. « De tes doigts naissent des bourgeons », écrivait Valérie Canat de Chizy dans Poetry 1.

    Au milieu de la neige, les lames des chirurgiens qui extraient, coupent pour que la vie soit – l’ambiguïté des couteaux-scalpels, vie/mort annexés. Par la peau l’extérieur et l’intérieur communiquent. Le poème serait-il cette frêle membrane entre vie et mort, qui unit celui qui n’est plus à celle qui écrit ? « [P]aroles inaudibles ». L’amour alors, comme réponse puisque l’âme est logée dans le corps de ses lettres. Chemin blanc de neige, hôpital, traversée de couloir et le corps invisible ou transparent de l’enfant qui « marchait », « passant au travers des regards ». En ce livre se mêlent la vie quotidienne (et blessée), le rêve et l’impossible réparation de quelque chose qui a été coupé dès naître. Le blanc le couvre, le blanc le libère puisqu’il se pare d’antinomiques attraits, mot prononcé ou silence.

    Le livre se clôt sur la peau percée par les aiguilles d’un temps né : le corps n’est plus protégé.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________________
    1. Valérie Canat de Chizy, Poetry, Éditions Jacques André, 2015. À propos de ce livre, nous renvoyons à notre article.







    Valerie Canat de Chizy




    VALÉRIE CANAT DE CHIZY


    Valérie Canat de Chizy




    ■ Valérie Canat de Chizy
    sur Terres de femmes

    [Poésie quand le vert…] (poème extrait de Caché dévoilé)
    [Je me tiens à une rampe, pour ne pas tomber] (poèmes extraits de Je murmure au lilas (que j’aime))
    [La clôture est autour] (poème extrait de Talisman)
    [L’écriture s’étiole] (extrait de Pieuvre)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Recours au Poème)
    une lecture de Je murmure au lilas (que j’aime) de Valérie Canat de Chizy, par Marilyne Bertoncini
    le blog de Valérie Canat de Chizy
    → (sur Ce Qui Reste)
    extraits des Pavots sortent en éventails (+ une notice bio-bibliographique)
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Valérie Canat de Chizy




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris






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  • Patrick Argenté | Forêt




    FORÊT



    On n’entend plus les pas on
    ne sait plus non plus ce qui se passe

    ce qui est de la vie se tient là mais
    opaque et sourd comme pour un
    qui se serait rempli les oreilles d’écume
    un myope un enrhumé un
    chasseur du bout de son nez qui
    chercherait oiseaux parmi les brumes

    un perdu entre les maïs on ne sait plus
    ce qui serait le nécessaire équipement
    bottes et brouettes de quoi un peu jardiner
    binettes

    on tient ses mains sur l’air on dit
    ça attendra un peu on ne sait pas
    s’il faut écrire sur l’argile ou
    laisser sécher laisser la terre
    s’occuper de ses eaux ne plus intervenir

    laisser roches et arbres à leurs embrassements
    laisser la forêt se clore faire confiance à
    l’espérance des racines et des nuits

    laisser
    aller.




    Patrick Argenté, Le Vol des ombres, Jacques André Éditeur, Collection la marque d’eau n° 7, 2016, page 6. Photographies de Nadia Lhote.






    Patrick Argenté, Le Vol des ombres,





    PATRICK ARGENTÉ


    Patrick Argenté
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Patrick Argenté
    → (sur le site de Jacques André Éditeur)
    la page de l’éditeur sur Le Vol des ombres de Patrick Argenté






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  • Agota Kristof | Des routes hurlantes




    SIKOLTÓ UTAK



    Csillagtalan éjszakák rázzák a fákat
    egyre sötétebb szemem és az esték
    kitágulnak lucskos levelek
    csapódnak lucskos homlokomra

    elveszve futok síneken és lengő drótokon
    sikoltó utak fonódnak elém lágy
    ködök fehérítik dermedtre a mezőket

    reggelre hűvös hó hull távoli
    úszó hegyek mögé süllyedt az ősz
    rokkant és csöndes lesz a város

    messze vagy messze mint a nyár
    arcok sorompók vetődnek közénk
    ablakod sötét üvegeire festi
    ezüst emlékeit a szél







    DES ROUTES HURLANTES




    Des nuits sans étoiles secouent les arbres
    mon œil est de plus en plus noir et les soirées
    se dilatent des feuilles poisseuses
    frappent mon front luisant

    égarée je cours sur des rails et des fils qui se balancent
    des routes hurlantes s’entrelacent devant moi
    les brouillards cotonneux blanchissent les champs gelés

    au matin la neige fraîche tombe au-delà
    des montagnes flottantes l’automne disparaît
    la ville devient prostrée et silencieuse

    tu es loin aussi loin que l’été
    des visages et des barrières s’interposent entre nous
    et sur les vitres sombres de ta fenêtre
    le vent peint ses souvenirs argentés




    Agota Kristof, Clous, poèmes hongrois et français, Éditions Zoé, CH-1227 Carouge-Genève, 2016, pp. 140-141. Traduit par Maria Maïlat.






    Agota Kristof, Clous,





    AGOTA KRISTOF


    Agota-kristof
    Source




    ■ Agota Kristof
    sur Terres de femmes

    Clous (lecture de Martine Konorski)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Zoé)
    la page de l’éditeur sur Clous d’Agota Kristof





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  • Ghyslaine Leloup | Les heures froides




    LES HEURES FROIDES
    (extrait)





    Parfois de la nuit tu ne perçois que l’ombre
    Ta planète dans le ciel pulsant d’autres ciels
    Ta brève unité dans l’innombrable vivant
    Tout un monde vibrant dans sa friction d’atomes

    Langage d’eau vive échappant à tes marges

    Tu dis tu dis

    Mais qu’as-tu écrit de la brûlure
    L’excès qui saisit
    Le vertige qui agenouille ?
    Le printemps qui anéantit
    Tant sa beauté laisse nu ?
    Qu’as-tu écrit de cet élan qui nous traverse
    Dépose un peu de sa nuit originelle
    Et se poursuivra après nous continument ?

    Comme tu aspires aux prairies intactes
    Toute mort effacée le temps de les fouler
    Le présent caracolant sur les boutons d’or




    Ghyslaine Leloup, « Les heures froides 4H00 (6) », Nuit chorale, son soleil sous les paupières, Éditions Unicité, 91530 Saint-Chéron, 2016, page 70.






    Ghyslaine Leloup, Nuit chorale





    GHYSLAINE LELOUP


    Ghyslaine Leloup
    Image, G.AdC



    ■ Ghyslaine Leloup
    sur Terres de femmes


    La paix disent-elles (+ une notice bio-bibliographique sur Ghyslaine Leloup)
    Ghyslaine Leloup & Noël Roch, Bien à vous, Une correspondance (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ils ont tenté de broyer mon esprit



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Unicité)
    la page de l’éditeur sur Ghyslaine Leloup
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Ghyslaine Leloup (+ cinq poèmes)
    → (sur Ce Qui Reste)
    « La grande fugue » de Ghyslaine Leloup





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  • Varlam Chalamov, Cahiers de la Kolyma et autres poèmes

    par Angèle Paoli

    Varlam Chalamov, Cahiers de la Kolyma et autres poèmes,
    nouvelle édition augmentée de 34 poèmes inédits en français,
    Éditions Les Lettres Nouvelles-Maurice Nadeau, 2016.
    Traduits du russe par Christian Mouze.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « LES VERS ‒ CE N’EST PAS QU’UNE ILLUMINATION »



    « L’homme rescapé du pire a besoin de la parole la plus claire.
    Ne pas oublier cela. »

    Philippe Jaccottet, La Seconde Semaison. Carnets 1980-1994.




    « Je suis un petit jalon de la vie,

    Un bâton enfoncé dans la neige,

    Une voix que l’écho a égarée

    Dans les glaces de ce siècle. »

    Ainsi se définit Varlam Chalamov dans Cahiers de la Kolyma. Oublié, le poète ? Sa voix s’est sans doute davantage perdue que celle d’un Mandelstam, ou même d’un Khlebnikov dont le poète de Vologda était un grand admirateur. Tous trois ont cependant en commun l’expérience de la brutalité du siècle, l’amour de la terre mythique de Russie et celui, immense, de la poésie classique russe. Pour Varlam Chalamov, longuement exilé dans les terres hostiles de la Kolyma, la poésie est ce « chemin de connaissance » qui le gardera du désastre.

    Il semble que, dans la vie de Varlam Chalamov, tout soit construit sous le signe de la binarité. Deux prénoms, Varlam Tikhonovitch (même si cette caractéristique est conforme à l’usage, et ne constitue pas un critère pertinent) ; deux arrestations successives qui l’éloignent de Moscou : la première le 19 février 1929 ; la seconde le 12 janvier 1937 ; deux libérations : octobre 1931 pour la première ; 18 juillet 1956 pour la seconde ; deux façons différentes de survivre : choisir entre la vie et la poésie, et la nécessité de se « prononcer (toujours !) pour la vie » ; la naissance de deux formes d’écriture : la poésie et la prose. Cahiers de la Kolyma (1956) d’une part et Récits de la Kolyma (1978) de l’autre. Avec, pour ce qui concerne la poésie, une passion particulière pour la versification classique. En l’occurrence, les vers à mètres binaires (qui alternent brèves et longues) : « le ïambe et le chorée, qui ont fait la gloire des meilleurs poètes russes » : Alexandre Pouchkine (1799-1837) ; Mikhaïl Lermontov (1814-1841) ; Nikolaï Nekrassov (1821-1877) ; Vélimir Khlebnikov (1885-1922)… et Fiodor Tiouttchev, « la cime de la poésie russe ».

    Il semble bien que, pour cette dernière livraison des poèmes de Chalamov, les éditions Les Lettres Nouvelles-Maurice Nadeau aient également opté pour la bipolarité. Le livre se compose en effet de deux parties : « Cahiers de la Kolyma » — 1937-1956 — d’une part ; « Poèmes » — 1957-1976 — de l’autre. Les deux parties étant composées tout à la fois de poèmes ayant déjà fait l’objet d’une publication antérieure, et de nombreux poèmes inédits. Soit trente-cinq poèmes inédits sur un ensemble de quatre-vingt-quatorze poèmes. Quant au poète lui-même, il revendique la binarité existentielle qui le caractérise depuis son plus jeune âge. Poésie/réalité ; liberté/exil ; arbres/hommes ; feu de la glace. Et, dans l’univers de la Kolyma : le ïambe et la rivelaine :

    « Longtemps j’ai cassé des pierres,

    Pas avec un ïambe en courroux mais une rivelaine… »

    Ainsi peut-on lire, écrites de la main de Chalamov lui-même, ces lignes extraites de « Fragments de mes vies » (1964), texte qui précède l’ouverture de Cahiers de la Kolyma :

    « En deux parties, deux directions, ma vie se scindait toujours, depuis ma plus lointaine enfance…

    La première, c’est l’art et la littérature. J’étais certain que le destin avait voulu que je dise mon mot… Justement dans la littérature, dans la prose artistique, dans la poésie.

    La seconde ‒ c’était la participation aux luttes sociales de l’époque, et l’impossibilité d’y échapper, eu égard à mon credo de base ‒ l’accord du verbe et de l’acte. »

    À la lecture, cette bipartition ou bipolarité semble être en effet l’un des aspects les plus frappants de Cahiers de la Kolyma. La poésie de Varlam Chalamov rend compte de ces deux directions, véritables composantes de son œuvre poétique. Laquelle est marquée par une dilection particulière pour les images, comparaisons et métaphores, qui, comme le ïambe et le chorée, offrent à l’infini de « merveilleuses possibilités ». Cette approche peut surprendre. Mais ici, au fin fond de l’univers concentrationnaire de la Kolyma, vécu comme une expérience de déshumanisation avant la mise à mort, « les métaphores n’ont pas valeur décorative ». Elles sont en priorité « porteuses de vie et de mort » (Luba Jurgenson, Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, Éditions Verdier, 2013).

    Ainsi de ce poème où Chalamov, filant la métaphore du déluge, se dit semblable à Noé. Rien pourtant n’est plus incertain que l’issue de son épreuve :

    « Tel Noé sur les flots,

    Je lâche des colombes,

    Et leur vol commence

    Par un désert blanc […]

    Les bords de mon arche se glacent,

    J’atteins mes dernières limites […]

    À travers la tempête, vers mon Ararat,

    Haletant, je vais par les grands froids. »

    Dans l’une ou l’autre partie de l’ouvrage, des mots reviennent qui permettent de tisser des thématiques et de les inscrire dans un décor. Mots ayant trait à la nature, omniprésente et essentielle pour le poète, dans le monde glacé du Nord. Arbres arctiques et forêts. Pins/saules/mélèzes, tout à la fois confidents et compagnons de souffrance. Saisons où alternent août brûlant et février polaire ; neiges/feu/terres refroidies/pierres et « permafrost ». Des noms propres émaillent aussi les pages. Noms de poètes et noms de lieux. Japon/Kamtchatka/Nord/Poustozersk… Pasternak/Homère et Shakespeare/Victor Hugo et Maeterlinck… Mais aussi des noms peu connus ou méconnus : Sourikov, Morozov, Avvakoum, Baratynski. Noms de poètes et nom de peintre ; nom d’archiprêtre. L’histoire de la vieille Russie affleure. Ses résistances anciennes, ses révoltes d’autrefois se glissent sous les résistances nouvelles de la terre gelée de la taïga et des « renards aux yeux rouges ». Les insurrections des Raskolnikis, tenants de la Vieille Foi, écrasées dans le sang, évoquent sans nul doute les oppressions incompréhensibles du Goulag.

    Dans le poème inédit « L’archiprêtre Avvakoum en exil à Postozersk », Varlam Chalamov associe sa lutte présente à celle de la « Vieille et lointaine Rouss’ », dont il revendique les souffrances :

    « Soit on m’a raillé,

    Livré au bûcher,

    Qu’on disperse ma poussière

    Dans le vent de la montagne.

    Il n’y a pas de sort plus doux,

    De fin plus désirable,

    Que cette cendre qui frappe

    Au cœur du cœur de l’homme. »

    De même, dans « Le matin du supplice des Strêltsy », autre poème inédit :

    « Ma poésie aussi s’implique,

    Elle chante les Rskolniks,

    Parle de leur amour et de ce lieu

    Où toutes les fautes nous sont remises. »

    Chalamov était-il croyant ? Peut-être. Il est curieux que le versant engagé de sa poésie ait été jusqu’à présent occulté. Jusqu’à aujourd’hui du moins, où il semble réhabilité par les éditions Maurice Nadeau. Ce qui en revanche ne fait aucun doute, c’est sa foi inébranlable en la poésie :

    « Ces mots — ce ne sont pas châteaux en Espagne

    Ou de cartes, je ne sais quelle folie,

    C’est ma force contre l’indifférence,

    C’est, dans l’hiver, ma forteresse bâtie. »

    Au cœur de Cahiers de la Kolyma, la poésie constitue un vecteur essentiel, sans lequel vivre est impensable. Et impossible. Chalamov assigne aux vers un rôle primordial :

    « Les vers — ce n’est pas que le reflet

    En petit des grands événements,

    Ils sont pour déplacer cette terre,

    Un levier soudain trouvé. »

    Du reste, écrire des vers n’est pas une nouveauté pour Chalamov. « J’écris des vers depuis l’enfance. Il me semble que j’écrivais tout le temps des vers », confie-t-il dans « Fragments de mes vies ».

    Il n’est donc en rien surprenant que Cahiers de la Kolyma s’ouvre sur une adresse au poète. « Au poète ». Pour Boris Pasternak. Dans ce « fragment » composé de quatrains, Chalamov brosse pour son ami ce que fut pour lui l’enfer de la Kolyma :

    « La terre brûlait mes pieds

    Nus tout couverts de poussière.

    Et je gémissais sous les tenailles du froid

    Qui m’avaient arraché ongles et chair… »

    Dans le même poème, Chalamov dit son incompréhension face à l’absurde de son exil, à la brutalité et à la cruauté sans nom qui sont la marque des camps :

    « Là-bas dans des comparaisons banales

    Je cherchai la raison des coups,

    Là-bas le jour même était supplice

    Et arrangement avec l’enfer… »

    Comment résister et rester en vie ? Comment garder son esprit en éveil alors que le corps est soumis à insupportable épreuve et rendu à son animalité première (« Je mangeais comme une bête »/« Je buvais comme une bête »).

    Là-bas. La Kolyma. « Je n’oublierai pas la Kolyma ».

    Chalamov apporte sa réponse. Écrire coûte que coûte. Écrire n’importe où, sur les supports les plus inattendus. Le poète « aide-médecin » ou « agent d’approvisionnement technique » confie ses mots à la moindre feuille de papier qui lui tombe sous la main. « Pages de garde de pharmacopées », « feuilles de papier d’emballage, sachets… ». « Cahiers de fortune ».

    « Ce m’était merveille des merveilles

    Qu’une simple feuille de papier à écrire

    Tombée des cieux dans notre triste forêt. »

    Il écrit ; mais pas seulement. Il se récite et se chuchote des vers de son ami Pasternak. Il se berce au souvenir de sa voix :

    « Je me disais des poèmes,

    J’entendais à nouveau ta voix. »

    Pour celui qui vit dans la tourmente et dans l’exil, les poèmes sont « comme une eau vivante ». Ils agissent comme un baume :

    « Ils étaient ce lien unique

    Avec l’autre vie, là-bas… »

    Dans un autre poème dédié à Pasternak — « Pour Boris Pasternak » —, Chalamov soumet à l’alternance son interrogation, proposant ainsi de la poésie de son ami diverses interprétations :

    « Ou bien ton poème n’est que prétexte

    À la tentation

    D’une poésie de moindre importance ;

    Ou bien il trace la route aux planètes

    Dans cette nuit

    Qui se lève sur le monde

    Après avoir éteint nos bougies. »

    Chalamov poursuit de manière anaphorique son évocation des qualités de ce poème dont nous ne savons rien, — à moins qu’il ne fasse là référence à la poésie de Pasternak en général : « il se peut que », trois fois répété pour aboutir à l’ultime quatrain qui met l’accent sur l’importance salvatrice de ce qui a été écrit :

    « Il se peut que ce morceau de cire

    Qui a éclairé tant de supplices,

    Tant de souffrances du siècle,

    Demeure notre garantie. »

    Écrire ? Chalamov ne s’en prive pas. Même lorsqu’il creuse les roches, il écrit dans la pierre. « Longtemps j’ai cassé des pierres ». Pioches ciseaux scies haches marteaux sont les outils rudimentaires qui accompagnent ces travaux d’esclaves, dans cette région glaciale réputée pour sa richesse en gisements aurifères. Tout en se livrant au labeur épuisant du jour, le poète s’adonne à son activité essentielle : graver à sa guise « une légende de notre ère ». Il n’a de cesse d’inscrire à même les cavités rocheuses l’infamie de son siècle, afin que puisse se lire à ciel ouvert le souvenir de ceux qui ont subi comme lui « les meurtrissures de chaque jour ».

    « Sur les sépulcres délaissés

    Je sculpte mes caractères,

    J’écris par cœur pour les oiseaux

    Dates, échéances et noms. »

    La mémoire du corps meurtri est à jamais inscrite dans le moindre muscle et sous la peau, « mémoire des doigts et celle des épaules », mémoire de jadis qui se souvient encore « des mouvements précis » imposés à la pioche pour lui faire rendre ses diamants. Dans ce milieu humainement hostile, le poète entretient pourtant avec la nature un lien étroit et amical. Oiseaux et animaux compatissent, qui partagent avec le poète son histoire et lui apportent réconfort :

    « … une chouette renifle

    Juste au-dessus de mon épaule.

    Mon histoire l’attendrit :

    Elle a compris mes mots. »

    Lire et écrire à la Kolyma sont actes qui relèvent du prodige. Chalamov note l’importance des mots. Les mots sont des pépites rares, douées de pouvoir et de force. Leur gisement, lorsqu’il parvient jusqu’au poète, est source de bienfait :

    « Ce sont limites du monde,

    Ce sont des grains de bonheur,

    C’est le gisement des mots qui rayonnent »

    conclut Chalamov dans « Pour la poésie ». Véritable hymne à la poésie, ce chant est proche par sa tonalité de la prière ou du psaume :

    « Tu conduis mon âme

    Par la mer et par la terre,

    Les plantes et les bêtes.

    Tu me protèges des balles,

    Juillet tu me le ramènes

    À la place des décembres éternels.

    Tu cherches le bon passage,

    Tu portes l’eau fraîche

    À ma bouche toute sèche.

    À toi je suis lié,

    Par toi irradié,

    Je vais sans peur dans les ténèbres. »

    À la lecture de ce poème, le lecteur pourrait aisément attribuer à Varlam Chalamov ces vers de Fiodor Ivanovitch Tiouttchev, « la cime de la poésie russe » (comme dit plus haut).

    « Heureux qui a connu du monde

    Les fatidiques instants. »

    Pour Philippe Jaccottet, la foi inébranlable en la poésie a seule permis à Varlam Chalamov de revenir vivant « du dernier cercle de l’enfer ». « L’homme rescapé du pire a besoin de la parole la plus claire. Ne pas oublier cela », écrit Jaccottet dans ses Carnets 1980-1994. En témoigne ardemment Cahiers de la Kolyma et autres poèmes. Nul ne peut oublier ce « feu de la glace ». « Les vers ‒ ce n’est pas qu’une illumination ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Varlam Chalamov






    VARLAM CHALAMOV


    Varlam Chalamov, étudiant
    Source



    ■ Varlam Chalamov
    sur Terres de femmes

    Pour la poésie (poème extrait de Cahiers de la Kolyma et autres poèmes)



    ■ Voir aussi ▼

    le site officiel Varlam Chalamov (en russe)
    → (sur le site des éditions Maurice Nadeau)
    la fiche de l’éditeur sur Cahiers de la Kolyma







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  • Jeanne Bastide | [comme si le temps]




    Bastide le jour
    Encre de Nadège Lepot
    (Première de couverture du Jour se déplie de Jeanne Bastide)
    Source







    [COMME SI LE TEMPS]




    comme si le temps une fois encore se retirait
    arrive la lumière de toute part

    tu aurais voulu dire quelque chose de simple
    une évidence
    l’évidence ne s’impose que dans le bleu du ciel
    dans le grain de sable
    tu voudrais que ton regard s’écoule — fleuve tranquille — le
    long de l’horizon
    l’horizon recule — toujours
    le vide l’absorbe

    l’avenir durera longtemps
    tout le temps que le silence aura la tête penchée sur le passé

    ne reste que le point d’interrogation




    Jeanne Bastide, Le jour se déplie, poèmes, Éditions Domens, Collection « Littérature », 2016, page 23.






    JEANNE BASTIDE


    Jeanne Bastide
    Source




    ■ Jeanne Bastide
    sur Terres de femmes


    Intimité de la lumière (extrait)
    La Fenêtre du vent (lecture d’AP, parue dans la revue Europe)
    Lucarnes (lecture d’AP)
    La nuit déborde (lecture de Michel Diaz)
    La nuit déborde (lecture d’Alain Freixe)
    Rouge enfance (lecture d’AP)
    [La petite fille du passé] (extrait de Rouge enfance)
    Un déjeuner de soleil (lecture d’AP)
    Un déjeuner de soleil (extrait)
    Un silence ordinaire (lecture d’AP)





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  • Ishikawa Takuboku | [Pour la première fois depuis longtemps]




    FUME
    « Même la tristesse de ce jour où la poitrine me fait mal,
    comme une cigarette à l’arôme délicat,
    j’ai peine à l’abandonner. »
    Ph., G.AdC







    [POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS LONGTEMPS]




    Pour la première fois depuis longtemps,
    d’un coup j’ai ri aux éclats ——
    La drôlerie de cette mouche se frottant les mains.



    Même la tristesse de ce jour où la poitrine me fait mal,
    comme une cigarette à l’arôme délicat,
    j’ai peine à l’abandonner.



    Ce moi d’il y a un instant,
    qui désirait faire du tapage,
    je m’en attendris.




    Ishikawa Takuboku, Le Jouet triste, Arfuyen, 2016, page 76. Traduit du japonais par Jérôme Barbosa et Alain Gouvret.






    Ishikawa Takuboku, Le Jouet triste






    ISHIKAWA TAKUBOKU


    Takuboku




    ■ Ishikawa Takuboku
    sur Terres de femmes ▼

    Le Jouet triste (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    les pages de l’éditeur sur Ishikawa Takuboku





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  • Varlam Chalamov | Pour la poésie




    POUR LA POÉSIE




    Si je ne perds pas mes forces,
    Si je puis dire quelque chose,
    C’est que tu es ma volonté et ma force.

    Là est le sens de mon chant,
    Là est l’accusation de mes mots
    Et le simple secret de mon être.

    Tu conduis mon âme
    Par la mer et la terre,
    Les plantes et les bêtes.

    Tu me protèges des balles,
    Juillet tu me le ramènes,
    À la place des décembres éternels.

    Tu cherches le bon passage,
    Tu portes l’eau fraîche
    À ma bouche toute sèche.

    À toi je suis lié
    Par toi irradié,
    Je vais sans peur dans les ténèbres.




    Varlam Chalamov, Cahiers de la Kolyma et autres poèmes, nouvelle édition augmentée de 34 poèmes inédits en français, Éditions Les Lettres Nouvelles-Maurice Nadeau, 2016, page 78. Traduits du russe par Christian Mouze.






    Varlam Chalamov






    VARLAM CHALAMOV


    Varlam Chalamov, étudiant
    Source



    ■ Varlam Chalamov
    sur Terres de femmes

    Cahiers de la Kolyma et autres poèmes (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    le site officiel Varlam Chalamov (en russe)
    → (sur le site des éditions Maurice Nadeau)
    la fiche de l’éditeur sur Cahiers de la Kolyma





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