Étiquette : 2017


  • Samira Negrouche, Six arbres de fortune autour de ma baignoire

    par Angèle Paoli

    Samira Negrouche,
    Six arbres de fortune autour de ma baignoire,
    Éditions Mazette, 2017.
    Couverture illustrée avec une linogravure d’Astrid Shriqui-Garain.



    Lecture d’Angèle Paoli


    UNE MÉTAPHORE DE L’OASIS AUTOUR DE SON POINT D’EAU




    Six arbres de fortune (plus un) forment le dernier recueil de poèmes de Samira Negrouche. Sept sections en tout dont l’ultime donne son titre à cet attrayant opus : Six arbres de fortune autour de ma baignoire. L’ouvrage est publié par les éditions Mazette dont on apprend au passage que si le premier sens renvoie bien à une exclamation d’étonnement ou d’admiration (je connais aussi pour ma part le demi-mazagran), le sens vieilli de ce terme désigne « un mauvais petit cheval ». Je retiendrai aujourd’hui la première acception tant cet ouvrage est élégant, agréable à l’œil et au toucher. Le petit format y contribue pour beaucoup. L’illustration de la première de couverture, une œuvre d’Astrid Shriqui-Garain intitulée « Archimède », évoque un masque africain, ses ciselures, ses bois d’ébène scarifiés, la mystérieuse poésie de ses contours. Qui plus est, le livre a été façonné et imprimé par l’éditeur dans son atelier de Plaisir (dans les Yvelines). Autant d’incitations à partir à la découverte de ces poèmes écrits par Samira Negrouche au cours d’une résidence de création initiée par les Itinéraires poétiques (Saint-Quentin-en-Yvelines). Le recueil s’inscrit aussi en écho avec la thématique actuelle du Printemps des Poètes : « Afriques ».

    Sept ensembles de poèmes brefs et de petites proses (sept monologues à nouveau) pour dire toute la tendresse les attentes les doutes qui animent les interrogations de la poète. Et ses vœux, aussi, clairement et passionnément exprimés dans le final du septième monologue ; monologue consacré à A/Alger.

    « Que se lève le TGV express, qu’il ramène la brise de Tanger et qu’il amorce sa course de Tunis à Alexandrie et de Beyrouth à Istanbul. Que s’ouvre un jour nouveau et que Minuit embaume de jasmin. »

    Un écho peut-être ou une réponse à la déperdition de sens qui « lézarde » la poète et la plonge dans le plus profond désarroi :

    « hier tu voulais savoir si

    et voilà que tu ne sais plus pourquoi »

    écrit-elle dans « Moins Un ».

    Chacun des recueils porte à sa manière singulière ce qui relie la poète à ses terres d’origine. Un monde en voie de disparition qui laisse béantes les blessures. Royaumes anciens de déserts et de dunes qui bordent la Méditerranée et l’Atlantique. Et au large, des îles, réduites à un écho lointain assourdi par la rumeur guerroyante :

    « Dans ma montagne retranchée me parvient le chant de la source rouge l’écho de l’Atlantique des îles en bordure et les sabots vaincus fuyant les amandiers. » (in R. [Rabat] de « Sept petits monologues du jasmin »)

    Partir, recommencer, se soumettre à l’amnésie. Attendre / ne rien attendre / ne plus attendre. Rien n’est sûr, rien ne se peut décider, aucune réponse lumineuse ne se fait entendre.

    Chaque ensemble de vers, chaque décrochement de phrase pose les absences, pose les vides. « Redresser le mirage » est-il encore possible ? Une nostalgie douloureuse s’insinue et se coule qui dit le désarroi la souffrance l’étroitesse du passage, la lutte intérieure en filigrane :

    « Tu ne te résignes pas

    à relâcher le bord du ciel »

    (in « Moins Un »)

    « Moins Un » que suivent les « Sept Petits monologues du jasmin », petites proses qui sinuent de Tunis à Alger en passant par Tripoli Le Caire Sanaa Damas et Rabat. Chaque ville, réduite à sa majuscule initiale, annonce le lieu du monologue. Des ombres davantage que des hommes peuplent le monde dévasté ; des hommes silencieux errant, dont on ne sait plus quelles sont les pensées. Et des décors de murs déchiquetés.

    Monologues haletants d’un seul souffle d’un seul tenant sur la ligne d’horizon, dilué sous la chaleur pour dénoncer les usurpations les impostures de ceux qui se sont approprié la sagesse du Saint Homme et ont transformé les Hauteurs du royaume en champs de bataille :

    « Saint homme des vallées fertiles dans le cœur de ta sagesse un vélo avance et les Hauteurs ne sont plus que terrains de tirs. » (in D. [Damas] de « Sept petits monologues du jasmin »)

    Arrivée à A/Alger, « en cette journée lézardée de déceptions », la poète tente de ramener les siens, tous les siens, à la raison et à la réconciliation. Effort quasi désespéré, scandé par la répétition « j’en appelle » :

    « J’en appelle à la mémoire d’Alger de ses comptoirs marins aux chars de l’occupation j’en appelle à Hassiba à Djamila à Didouche et à Boudiaf aux ancêtres et aux amnésiques aux violeurs de rêves et aux traitres de toujours j’en appelle à chaque goutte versée à chaque humiliation que jaillisse enfin la baie et qu’elle nous habite qu’elle ouvre nos paupières assommées que se réveillent Al Anka et les diwans assiégés que s’ouvrent les seuils de nos maisons et que s’élève le chant nouveau. » (in A. de « Sept petits monologues du jasmin »)

    La voix qui conduit l’étranger jusqu’au « vieux chêne » de « Nœuds en zigzag », l’initie aux mystères connus du seul vieil arbre. Sept fenêtres (ou leurs variantes) donnent accès au vieil arbre, gardien de l’horizon des vagues du relief et du ciel… C’est à lui que revient de chuchoter ses conseils à l’ami de passage. Son chant mystérieux rappelle les oracles feuillus des cités anciennes. Il faut tendre l’oreille pour décrypter les signes et trouver la « mesure ».

    « hâte-toi l’ami

    d’apporter ta mesure

    ici est né un chant

    pour ceux qui se souviennent

    ici est né l’oubli de ceux

    qui abordent »…

    (« Fenêtre du dedans : relief » in « Nœuds en zigzag »)

    Les cinq poèmes de la section « À cent quatre-vingt degrés » permettront-ils à la poète de retrouver son centre et de faire silence ? Mais l’interrogation est lancinante. Que reste-t-il en effet du passé sinon des lieux voués aux dérives de l’oubli et, en lieu et place de l’éveil, une plongée « dans la mémoire / qui ne se raccommode pas » ?

    Il faut attendre le « Triptyque pour jeu de lignes ou de chambre » pour découvrir un chant d’amour musical. D’un érotisme fluide léger, le chant explose dans le troisième volet avec un poème qui joue sur l’ambiguïté intérieur/extérieur, la ville et ses rythmes, ses usures et le corps de l’aimé(e) :

    « Je ne discute pas les ombres

    j’use

    doucement

    la via appia de tes veines

    tu ne ressembles pas

    à Dieu

    c’est vers toi que je me prosterne

    je touche. »

    Deux autres sections complètent les précédentes. Sous une forme plus fantaisiste et en apparence plus déstructurée, la « suite a/rythmique » explore les mêmes questionnements et les mêmes tâches, remises sur le métier et soumises à un probable échec :

    « délité

    palmes à angle ouvert

    je raccommode mes bords

    les attache au cercle

    à la serrure

    rassemble les pièces

    désaligne la taille

    au point de hauteur

    stries

    là où ça joint

    ça lâche

    le mouvement

    est distance

    est tension. »

    Quant au titre du recueil, il faut attendre l’excipit éponyme de l’ouvrage pour qu’en soit levée toute l’énigme. Quatre vers pour lever le voile sur l’état d’esprit de la poète, pour dire son humilité profonde face à tout ce qui la et nous dépasse. À la métaphore du jardin de Candide se substitue ici celle des arbres et de la baignoire.

    « Il y a des arbres dans ma tête

    autour de ma baignoire

    parce que le cosmos c’est bien trop grand

    loin de ma flaque d’eau »

    Peut-être faut-il voir dans ces associations d’images une oasis miniature qui entoure un point d’eau ? Peut-être. Mais ces quatre derniers vers bouleversent, comme tous les versants de ce très beau recueil.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Samira Negrouche  Six arbres de fortune autour de ma baignoire 2




    SAMIRA NEGROUCHE


    Samira Negrouche Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Samira Negrouche
    sur Terres de femmes


    [J’aborde la plus haute rive](extrait de Quai 2 | 1)
    [Tu ne te résignes pas] (extrait de Six arbres de fortune autour de ma baignoire)
    [Des sillons se creusent] (extrait du Jazz des oliviers)
    Tes vagues (+ notice bio-bibliographique) [extrait d’Iridienne]
    [Un doigt réaligne les fils] (extrait de Traces)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Il se peut




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Samira Negrouche – Portrait d’une poétesse (Voix de la Méditerranée, Lodève, juillet 2011. Réalisation de Sonia Viel. Propos recueillis par Thierry Renard. Production Espace Pandora)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Georges Guillain | [Voilà]



    [VOILÀ]



    Voilà / Il ne sait plus où il a lu que les hommes âgés
    pourraient être des explorateurs mais il voit bien
    que chaque heure chaque moment sont envahis
    pour lui d’imperceptibles métamorphoses
    et depuis qu’il a abandonné toute ambition
    de réussir il éprouve un peu moins de fatigue
    à regarder le tracé brusque des oiseaux
    quand il rencontre cet autre bleu même pas bleu
    que la mer dans son œil aplatit puis renverse
    et puis l’été et les beaux jours d’hiver encore
    Il se promène s’enfonce un peu dans le sable
    des dunes hasardant son piètre corps sous l’air qui
    penche en charpentes laiteuses / Il redevient heureux
    les muscles de ses paupières battent à grands coups

    de marteau



    Georges Guillain, « la musique qu’il cherche » in Parmi tout ce qui renverse, Collection « Les Passeurs d’Inuits », Le Castor Astral, 2017, page 45.







    Georges Guillain  Parmi tout ce qui renverse.png 2





    GEORGES GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes
    [Il n’y a pas de poésie descriptive] (extrait de Compris dans le paysage)
    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Camille Loivier, Il est nuit (lecture de Georges Guillain)
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Parmi tout ce qui renverse





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Samira Negrouche | [Tu ne te résignes pas]



    [TU NE TE RÉSIGNES PAS]



    Tu ne te résignes pas
    à relâcher le bord du ciel



    à neuf heures
    ce matin
    tu tiens le souffle du voilier
    aller vers le chemin le plus étroit

    redessiner le mirage



    Tu te demandes ce qu’est
    un lieu à soi
    si tu dois te délaver
    t’alléger de tes promesses


    hier tu voulais savoir si
    et voilà que tu ne sais plus pourquoi




    Il eut fallu s’y jeter sans prévisions




    Samira Negrouche, « Moins Un » in Six arbres de fortune autour de ma baignoire, Éditions Mazette, 2017, pp. 14-15.






    Samira Negrouche  Six arbres de fortune autour de ma baignoire





    SAMIRA NEGROUCHE


    Samira Negrouche Guidu
    Image, G.AdC




    ■ Samira Negrouche
    sur Terres de femmes


    [J’aborde la plus haute rive](extrait de Quai 2 | 1)
    Six arbres de fortune autour de ma baignoire (lecture d’AP)
    [Des sillons se creusent] (extrait du Jazz des oliviers)
    Tes vagues (+ notice bio-bibliographique) [extrait d’Iridienne]
    [Un doigt réaligne les fils] (extrait de Traces)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Il se peut




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur YouTube)
    Samira Negrouche – Portrait d’une poétesse (Voix de la Méditerranée, Lodève, juillet 2011. Réalisation de Sonia Viel. Propos recueillis par Thierry Renard. Production Espace Pandora)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Noémia de Sousa | Nossa voz (extrait)



    NOSSA VOZ
    (extrait)





    Ao José Craveirinha



    Nossa voz ergueu — se consciente e bárbara
    sobre o branco egoísmo dos hornens
    sobre a indiferença assassina de todos.
    Nossa voz molhada das cacimbadas do sertão
    nossa voz ardente como o sol das malangas
    nossa voz atabaque chamando
    nossa voz lança de Maguiguana
    nossa voz, irmão,
    nossa voz trespassou a atmosfera conformista da cidade
    e revolucionou-a
    arrastou — a como um ciclone de conhecimento.

    E acordou remorsos de olhos amarelos de hiena
    e fez escorrer suores frios de condenados
    e acendeu luzes de esperança em almas sombrias de desesperados…
    Nossa voz, Irmão!
    nossa voz atabaque chamando.

    Nossa voz lua cheia em noite escura de desperança
    nossa voz farol em mar de tempestade
    nossa voz limando grades, grades seculares
    nossa voz, Irmão! nossa voz milhares,
    nossa voz milhões de vozes clamando! […]






    NOTRE VOIX
    (extrait)





    À José Craveirinha



    Notre voix s’est dressée consciente et barbare
    sur l’égoïsme blanc des hommes
    sur l’indifférence assassine de tous.
    Notre voix humectée des cacimbadas du sertão
    notre voix ardente comme le soleil des malangas
    notre voix atabaque qui appelle
    notre voix lance de Maguiguana
    notre voix, frère,
    notre voix a crevé la chape de conformisme de la ville
    et l’a révolutionnée
    balayée d’un cyclone de connaissance.

    Et elle a suscité des remords aux yeux jaunes de hyène
    et fait goutteler les sueurs froides des condamnés
    et rallumé des éclats d’espoir dans les âmes sombres des désespérés…
    Notre voix, frère !
    notre voix atabaque qui appelle.

    Notre voix pleine lune dans une nuit sombre de désespérance
    notre voix phare sur une mer de tempête
    notre voix qui lime les barreaux, lime les barreaux séculaires
    notre voix, frère ! notre voix des milliers,
    notre voix des millions de voix qui clament ! […]



    Noémia de Sousa, Notre voix, Éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017. Traduit par Elisabeth Monteiro Rodrigues.






    Noémia de Sousa





    NOÉMIA DE SOUSA


    Noémia de Sousa  portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Notre voix





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Tanella Boni | [Me voici à la porte du jour le plus long]



    [ME VOICI À LA PORTE DU JOUR LE PLUS LONG]




    Me voici à la porte du jour le plus long
    Là où il fait si clair en moi
    Ma maison refuse l’évidente clarté séculaire
    Qui sépare l’humanité en portions inégales
    L’humanité si divisée si malmenée
    Et transparente
    Comme celle dont j’ai hérité
    Par la faute de ma peau invisible
    À force d’être visible

    Cette peau qui m’a tout donné
    Cette peau dont je suis si fière
    Ma peau de femme qui n’en fait
    Qu’à sa tête
    Une tête qui n’est qu’une infime partie de moi



    Tanella Boni, « Mémoire de femme » in Là où il fait si clair en moi, Éditions Bruno Doucey, Collection « L’autre langue », 2017, page 39.







    Tanella Boni  Là où il fait si clair en moi





    TANELLA BONI


    Tanella Boni
    Source




    ■ Tanella Boni
    sur Terres de femmes

    Le détail des choses



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site l’IEA de Paris)
    une notice bio-bibliographique sur Tanella Boni
    → (dans la Poethèque du site du Printemps des Poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Tanella Boni
    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    la fiche de l’éditeur sur Là où il fait si clair en moi





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Warsan Shire | Conversations à propos de chez soi
    (au centre d’expulsion)



    CONVERSATIONS ABOUT HOME
    (at a deportation centre)





    Well, I think home spat me out, the blackouts and curfews like tongue against loose tooth. God, do you know how difficult it is, to talk about the day your own city dragged you by the hair, past the old prison, past the school gates, past the burning torsos erected on poles like flags? When I meet others like me I recognise the longing, the missing, the memory of ash on their faces. No one leaves home unless home is the mouth of a shark. I’ve been carrying the old anthem in my mouth for so long that there’s no space for another song, another tongue or another language. I know a shame that shrouds, totally engulfs. I tore up and ate my own passport in an airport hotel. I’m bloated with language I can’t afford to forget.



    Warsan Shire, Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, London, 2011.






    CONVERSATIONS À PROPOS DE CHEZ SOI
    (au centre d’expulsion)





    Donc, je pense que chez moi m’a crachée dehors, coupures d’électricité et couvre-feux comme une langue butant contre la dent branlante. Dieu, sais-tu comme il est difficile de parler du jour où ta propre ville t’a traînée par les cheveux, devant l’ancienne prison, devant les portails des écoles, devant les torses incendiés dressés sur des poteaux comme des drapeaux ? Quand il m’arrive d’en rencontrer d’autres comme moi je sais sur leur visage la nostalgie, le manque, le souvenir des cendres. Nul ne part de chez soi à moins que chez soi ne soit la gueule d’un requin. J’ai si longtemps porté en bouche l’hymne ancien qu’il ne reste plus de place pour aucun autre chant, aucune autre langue ou aucun autre langage. Je sais une honte qui te couvre d’un linceul, t’engloutit bout entier. J’ai déchiqueté et mangé mon passeport dans un hôtel d’aéroport. Je suis ballonnée d’une langue que je ne peux me permettre d’oublier.



    Ils demandent comment vous êtes arrivée ici ? Tu ne le vois pas sur mon corps ? Le désert lybien rouge des corps des migrants, le golfe d’Aden ballonné, la ville de Rome sans veste. J’espère que ce voyage signifie plus que ces kilomètres, parce que tous mes enfants sont au fond de l’eau. Je croyais que la mer était plus sûre que la terre ferme. Je veux faire l’amour, mais j’ai les cheveux qui puent la guerre et courir et courir. Je veux m’allonger, mais tous ces pays sont comme ces oncles qui te touchent quand tu es enfant et endormi. Regarde toutes ces frontières, leurs bouches écumantes de corps brisés désespérés. Je suis la couleur d’un soleil ardent au visage, la dépouille de ma mère n’a jamais été ensevelie. J’ai passé des jours et des nuits dans le ventre du camion ; je n’en suis pas sortie la même. Quelquefois j’ai l’impression que quelqu’un d’autre s’est revêtu de mon corps.



    […]



    Je les entends dire rentre chez toi, je les entends dire putain de migrants, putain de réfugiés. Sont-ils vraiment si arrogants ? Ne savent-ils pas que la stabilité est pareille à cet amant à la bouche pleine de douceur se coulant sur ton corps un instant ; et l’instant d’après te voici tremblement gisant sous les décombres et les devises anciennes, attendant son retour. Tout ce que je peux dire, c’est que naguère j’étais pareille à toi, cette apathie, cette pitié, cet accueil à contrecœur et maintenant chez moi c’est la gueule d’un requin, maintenant chez moi c’est le canon d’un fusil. On se reverra de l’autre côté.



    Warsan Shire, Où j’apprends à ma mère à donner naissance [Teaching my mother how to give birth, Flipped eye publishing, Londres, 2011], éditions Isabelle Sauvage, Collection corp/us dirigée par Sika Fakambi, 2017, pp. 28-29-31. Traduit par Sika Fakambi.






    Warsan Shire  Où j’apprends à ma mère à donner naissance





    WARSAN SHIRE


    Warsan Shire 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur vimeo.com)
    Warsan Shire reads her poem ‘Conversations about home at the deportation centre’
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Warsan Shire
    → (sur okayafrica.com)
    [Interview] Warsan Shire’s Raw & Vulnerable Poetry
    → (sur YouTube)
    [un poème de Warsan Shire] Excuses pour avoir perdu en amour (Excuses for why we failed at love)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Caroline Sagot Duvauroux | Une source




    UNE SOURCE




    J’aurais aimé écrire sur Bernard Noël, bien que ce fut souvent fait, mais je ne sais pas, j’ignore pourquoi. L’urgence de l’écouter voir, peut-être. Le regarder prêter l’oreille à ce qui n’a pas encore parlé, à tout ce dont la langue fut coupée, s’insurger contre l’ordre insupportable du monde, contre le saccage d’une bibliothèque palestinienne par le colon.

    Non, pas envie de parler de lui mais avec lui. Et même de ne pas trop parler mais qu’il soit là près d’une fenêtre avec un arbre au moins derrière la fenêtre et tout l’arpentage de l’arbre jusqu’au feuillage et puis le poitrail rouge de l’oiseau d’hiver pour outrepasser le feuillage et s’enfuir du palais des vents qu’avait pour lui bâti l’arbre patient. Ce serait l’aube. Nous regarderions des métaphores d’arbres et d’oiseaux se métamorphoser dans la petite gorge palpitante en quelques notes qui vocalisent vivre. Nous ne dirions pas c’est trop tard ni levons-nous mais peut-être faut-il couper le rameau mort ou bien : laissons-le fabriquer la forêt. Nous irions juste après la porte d’un jardin regarder s’enfuir les graminées de nos enclos. Et nous boirions un verre pour cesser un instant de compter les blessés. La lumière déchirerait la lumière du vin blanc. L’œil éperdu de beau nous volerions cinq minutes camarades à la faillite du monde.

    Je ne lui dirais pas ce qu’il mit en mes mains d’audace ni de grâce, ni que j’ai suivi lettre à lettre et levées de silence, de l’amour à la dissolution d’être, les cascades que son désir remontait, ni que j’ai recueilli de sa voix la parole que l’arc passe au saut des barricades. Je ne dirais rien pour ne pas troubler l’ignorance de l’aube ni surgir. Je sais qu’il écoute surgir.



    Caroline Sagot Duvauroux, « Retour à la prairie », in Un bout du pré, Éditions Corti, Collection « en lisant en écrivant », 2017, page 84.






    Sagot pré 2






    CAROLINE SAGOT DUVAUROUX


    Caroline Sagot Duvauroux 2




    ■ Caroline Sagot Duvauroux
    sur Terres de femmes

    Le Livre d’El d’où (lecture d’AP)
    [La poésie ne traduit pas] (extrait du Livre d’El d’où)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Le silence serait-il l’enjeu de la parole ? (extrait du Livre d’El d’où)
    [Baie](extrait de Canto rodado)
    [Être serait-il le reflet d’une hypothèse… ?] (extrait de ’j)
    L’eau puissante ? (extrait de Aa Journal d’un poème)
    Le Buffre (lecture de Tristan Hordé)
    [Je dissone] (extrait de L’Herbe écrit)
    Mais avant (extrait du Buffre)
    Le Vent chaule (lecture d’AP)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site José Corti)
    la page consacrée à Un bout du pré, de Caroline Sagot Duvauroux




    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Anne-Lise Blanchard, Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux

    par Angèle Paoli

    Anne-Lise Blanchard,
    Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux, Poésie,
    éditions Ad Solem, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli


    DERRIÈRE LA MENACE, UN CHANT D’ESPOIR




    Il faut beaucoup de courage pour faire entendre une voix qui témoigne du martyre infligé de nos jours aux chrétiens d’Orient. Il a fallu beaucoup de courage à la poète Anne-Lise Blanchard pour vivre pendant cinq mois — c’était en 2014 — auprès des populations meurtries de Syrie et pour affronter avec elles le pilonnage des villes la vie détruite la mort brandie comme une victoire.

    De cet enfer, Anne-Lise Blanchard a tiré un recueil de poèmes. Le Soleil s’est réfugié dans les cailloux. Ce très beau vers, choisi pour titre de son ouvrage, résume à lui seul tout l’obscur toute la peur qui pèsent depuis des années sur la Syrie. Dans ce chaos ininterrompu de feu et de cendres, où la vie peut-elle donc trouver refuge sinon sous ce qui reste de ce qui fut jadis la beauté et la grandeur d’un pays ? Des cailloux secs qu’aucune eau ne vient plus désormais rafraîchir de son chant.

    « Vous quitterez

    jasmins et orangers

    leurs oiseaux

    les fontaines

    et les conversations du soir

    qui se prolongent ».

    Pour la plupart d’entre eux, les poèmes sont marqués d’une date. Août 2014-août 2016. L’écriture et la composition du recueil se prolongent en effet bien au-delà des cinq mois vécus en Syrie aux côtés d’« une jeune association fondée à la suite de la prise de Maaloula… ». La plupart des poèmes, remarquables de densité et de sobriété, égrènent les toponymes de la Syrie détruite. Damas Alep Qalamoun Homs… ou Maaloula, l’araméenne. Mais on croise aussi en chemin les noms de villes assiégées dans les contrées limitrophes, dont Zahlé, au Liban ; Araden ou Duhok, villes irakiennes du Kurdistan ; Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan, au nord de l’Irak. Des noms qui bruissent dans ma mémoire, dans nos mémoires, par-delà nos croyances et nos engagements.

    Que reste-t-il de la « mémorable Hellab » ? L’Alep millénaire que j’ai tant aimée est aujourd’hui méconnaissable :

    « Voilà Alep

    à la blancheur de lait

    devenue ce lointain mouroir

    sans fin ni commencement »

    Alep, août 2015.

    Que reste-t-il de « l’antique Emèse » aujourd’hui « flagellée de roquettes rompue d’obus », vouée à la vindicte des « modérés » d’Al Nosra et « marquée au fer rouge » ?

    « Nous sommes heureux de nous repaître du sang des chrétiens. »

    Homs, août 2014.

    Que reste-t-il de la petite Cristina (3 ans) « arrachée des bras de sa mère par les djihadistes à Qaraqosh » ? Il reste une « Berceuse pour Cristina » et un immense chagrin :

    « le jour s’est fait nuit

    nuit de longue prière

    chante mes entrailles

    sans commencement sans fin

    berçant l’abîme

    de ton petit corps »

    Ainkawa, avril 2015.

    En page de gauche, des phrases isolées rapportent en italiques ce que disent les murs ; ce que les voix font entendre d’appels au secours et de menaces. Phrases notées par la poète au fil des rencontres, au cours des déplacements :

    « Tu te convertis à l’islam ou on te coupe la tête. »

    « Nous sommes ici chez nous, nous ne voulons pas quitter notre terre de toujours. »

    « D’ici quelques années, l’Europe va boire le même calice que nous. »

    Poésie engagée alors ? Oui, sans aucun doute. Car Anne-Lise Blanchard prend ouvertement la défense des chrétiens d’Orient. Sa sensibilité à fleur de peau la place d’emblée au cœur de la tragédie syrienne et sa vie bat /se bat pour dénoncer la violence aveugle que Daesh ou Al Nosra font peser sur le pays mais aussi bien au-delà :

    « L’élégance aérienne

    des norias

    aura-t-elle raison

    de la fatale pesanteur

    des niqabs ? »

    Hama, août 2016.

    9 août 1942 : Édith Stein, jeune juive convertie au christianisme, arrêtée au carmel d’Echt aux Pays-Bas, meurt à Auschwitz sous le nom de Thérèse-Bénédicte de la Croix.

    Le 9 août 2014, Anne-Lise Blanchard évoque à Kessab, en Syrie, le souvenir de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix :

    « j’ai pleuré face à la croix

    ouverte sur le ciel de Kessab

    déchirée mais non vaincue

    qu’éventra un tir de mortier

    […]

    j’ai chanté à la mémoire

    en cette terre d’Orient

    des martyrs de la Croix »

    Engagée, oui, jusque dans l’écriture poétique :

    « Il faut bien

    que l’autre parle en soi

    pour qu’il y ait poème »

    Un très beau chant que celui d’Anne-Lise Blanchard dans ce recueil ; fluide et bouleversant. Empli de l’espoir de résurrection de la Syrie :

    « Au coin du cœur veille

    un coquelicot

    qui garde ouverte

    la porte du retour »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Anne-Lise Blanchard  Le Soleil s'est réfugié dans les cailloux






    ANNE-LISE BLANCHARD


    Anne-Lise Blanchard
    Ph. © Sally Bataillard




    ■ Anne-Lise Blanchard ▼
    sur Terres de femmes

    [Hurlements sirènes] (extrait du Soleil s’est réfugié sous les cailloux)
    [Combien de joies vivons-nous en une vie ?] (extrait des Jours suffisent à son émerveillement)
    Les jours suffisent à son émerveillement (lecture de Michel Ménaché)
    Éclats
    [La nuit vient en dormant] (extrait d’Épitomé du mort et du vif)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Elle est à marée



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Ad Solem)
    la fiche de l’éditeur sur Le Soleil s’est réfugié dans les cailloux d’Anne-Lise Blanchard
    le site personnel d’Anne-Lise Blanchard
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Anne-Lise Blanchard





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Erwann Rougé | [la brûlure a une odeur de fleuve]



    [LA BRÛLURE A UNE ODEUR DE FLEUVE]





    la brûlure a une odeur de fleuve
    elle bascule sur l’autre rive

    noue et délivre
    le toucher des genoux et des épaules

    guette
    ce qui se met en déséquilibre


    elle croit qu’elle mène la lumière
    sous la langue

    veut le retour de la pluie






    et l’ombre portée rassemble ses morts
    étoupe la faille du temps

    parle
    au-delà         d’une chair
    blancheur de cendre


    elle croit que le sel et le carmin
    d’une herbe suffisent

    pour la soif du bois



    Erwann Rougé, L’Enclos du vent, éditions Isabelle Sauvage, Collection « ligatures », 29410 Plounéour-Ménez, 2017, pp. 32-33. Photographies Magali Ballet.






    Enclos du vent




    ERWANN ROUGÉ


    Erwann Rougé
    Ph. Michel Durigneux
    Source






    ■ Erwann Rougé
    sur Terres de femmes


    Proëlla (lecture d’AP)
    [même si cela ne sert à rien] (extrait de Proëlla)
    [on ne fait qu’écrire] (extrait de Voa, Voa)
    Passerelle, Carnet de mer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [quand le ciel est ainsi] (extrait d’Étais de Jean-François Agostini)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur L’Enclos du vent d’Erwann Rougé
    → (sur Les Carnets d’Eucharis)
    d’autres extraits de L’Enclos du vent d’Erwann Rougé
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Erwann Rougé
    le blog de Magali Ballet





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…

    par Marie-Hélène Prouteau

    Ève de Laudec & Bruno Toffano, Ainsi font…,
    Jacques Flament Éditions, Collection / Série : Images & mots,
    08380 La-Neuville-aux-joutes, 2017.
    Préface d’Angèle Paoli.



    Lecture de Marie-Hélène Prouteau


    Voici un livre des éditions Jacques Flament qui consacre la rencontre de deux artistes, celui qui saisit les émotions par les images, celle qui les exprime par les mots. Ève de Laudec, Bruno Toffano. Une alchimie placée sous le signe des mains, de leur danse pleine d’humanité sensible qui nous fascine à l’aune de chaque regard.

    Dans sa belle préface, la poète Angèle Paoli évoque les « vers ciselés d’Ève de Laudec pour dire son plein accord. Musique des mots/tempo tendu de l’image. De cet écho harmonieux naît un livre, miroir de l’âme de la poète et du photographe. Âmes sensibles sensuelles, dont les harmoniques ténues poursuivent en nous leur chemin : “On entend le silence/À son frémissement” ».

    Car tout est silence, comme l’écrit Ève de Laudec, dans le langage immédiat des mains qui concentrent tendresse, émoi, peine, grâce, pudeur, solitude. Ainsi, un tournoiement de tissu, une robe flottante et deux mains. Une manière, pour l’objectif photographique, de suspendre les instants dans un geste, une attitude. Un rien, toute une histoire déjà, et, en écho, ces vers :

    « Que s’épousent nos âmes

    À l’effleure satin

    Du subtil jeu de paumes »

    Devant ces matières séculaires que pétrissent les mains, bois, herbe, eau, épis de blé, glaise, on a le sentiment d’être chez nous. Toutes les matières du monde sont saisies dans la beauté du noir et blanc des photographies. Gros plans pris sur le vif et dans le silence, des mains s’avancent, secourables, besogneuses, ou solitaires. Elles accueillent leur poids de joie, de chagrin, font don à autrui, ouvrent un espace de mystère et de rêve : une danse orientale, un sculpteur breton, les menottes d’un enfant, un corps nu, des mains négatives en graffiti sur un mur.

    Cela réveille les correspondances, les analogies. Les mains se font fleurs, conques, au creux des paumes serrées qui retiennent l’eau :

    « De ses orbites creuses

    Jaillit accidentée

    La poésie saline

    Et les mains en ciboire

    Accueillent ses marées »

    Plus loin, un grillage, des mains serrées, un drame peut-être, éloignement, douleur, impuissance à peine suggérés.

    Toucher, fouiller, tordre, enserrer, effleurer, caresser, autant de gestes des paumes, des doigts. Jusqu’à cette main d’enfant saisie par le photographe dans un magnifique élan de lumière et qui s’ouvre, émouvante, au monde :

    « Des impatiences poétiques lui poussaient

    Au bout des doigts »

    Des réminiscences invitent à retrouver le refrain d’enfance « Ainsi font… », celui-là même du titre du livre.

    Peu de mots et tout un monde. Car les mains, muettes, disent beaucoup. Elles disent tout de l’être, son épaisseur, alors qu’elles ne sont que partie. Tout ce qu’on imagine, tout ce que l’on pressent de lui, que l’on entrevoit à peine ou que l’on n’entrevoit pas du tout. Économie, concision sont le parti-pris des deux artistes en communion. Tact, tendresse d’un toucher, au sens fort. Un rêve que cette main qui s’avance et qui effleure. Mystère de la relation à autrui. En lisant les mots de la poète, on pense à l’énigme de la caresse de Levinas :

    « À tes poignets cambrés

    À tes paumes ouvertes

    Au calice du jour

    Au rire de tes dents

    Le soleil s’offre

    En amant »

    Ailleurs, on suit l’ardeur de ces doigts à l’ouvrage, l’haleine, la sueur, la chair « cramponnée, arrimée/Au bois flotté/Au bois dormant ».

    Ainsi la main du saint de granit sculptée par David Puech :

    « Entailler ta roche

    Au burin des amours

    À la râpe des passés

    À l’étreinte des doigts »

    La force de cette création en duo, à la croisée de l’écriture et de la photographie, est dans sa capacité d’appréhension des émotions les plus ténues qui surgissent dans leur apparente simplicité. Ève de Laudec et Bruno Toffano ont réussi le défi d’une poésie pleinement chaleureuse dans sa présence vive au monde.



    Marie-Hélène Prouteau
    D.R. Marie-Hélène Prouteau
    pour Terres de femmes







    Eve de Laudec  Ainsi font....jpg 3






    ÈVE DE LAUDEC


    Eve de Laudec Ph
    Source



    ■ Ève de Laudec
    sur Terres de femmes

    [Pleine | Gorgée d’esquives] (poème extrait d’Ainsi font…)
    Escroqueviller | Effacer | Quitter (poèmes extraits de L’Ingratitude des oiseaux à becs)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    De tous ces mots



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Jacques Flament Éditions)
    la page de l’éditeur sur Ainsi font…
    l’emplume et l’écrié (le site personnel d’Ève de Laudec)
    → (sur le site de la revue Ce Qui Reste)
    une page sur Ève de Laudec




    ■ Autres chroniques et lectures (25) de Marie-Hélène Prouteau
    sur Terres de femmes

    Chambre d’enfant gris tristesse
    La croisière immobile
    Anne Bihan, Ton ventre est l’océan
    Jean-Claude Caër, Alaska
    Jean-Louis Coatrieux, Alejo Carpentier, De la Bretagne à Cuba
    Marie-Josée Christien, Affolement du sang
    Yves Elléouët, Dans un pays de lointaine mémoire
    Guénane, Atacama
    Luce Guilbaud ou la traversée de l’intime
    Cécile Guivarch, mots et mémoire en double
    Denis Heudré, sèmes semés
    Jacques Josse, Liscorno
    Martine-Gabrielle Konorski, Instant de Terres
    Jean-François Mathé, Prendre et perdre
    Philippe Mathy, l’ombre portée de la mélancolie
    Monsieur Mandela, Poèmes réunis par Paul Dakeyo
    Daniel Morvan, Lucia Antonia, funambule
    Daniel Morvan, L’Orgue du Sonnenberg
    Yves Namur, Les Lèvres et la Soif
    Jacqueline Saint-Jean ou l’aventure d’être au monde en poésie
    Dominique Sampiero, Chante-perce
    Dominique Sampiero, Où vont les robes la nuit
    Ronny Someck, Le Piano ardent
    Pierre Tanguy, Ma fille au ventre rond
    Pierre Tanguy, Michel Remaud, Ici même





    Retour au répertoire du numéro de mars 2017
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes