Étiquette : 2017


  • Lili Frikh | Le large




    LE LARGE



    Il faudra que je parle d’écrire… Et que ce soit parler pas écrire… Que j’avoue… Et j’avoue… Être peu sensible aux formes de l’écrit… Être prise sans filet dans le mouvement de l’écriture. Cette différence que je sens que je fais entre les deux… Elle m’écarte… Elle me sépare… Elle me fait mal au milieu… Mais les mots sont sans abri. Ils n’ont pas de domicile fixe. Je les couche sous la couverture comme des chiens affamés. « Couchez… Allez… Couchez là… Ici… Non là… Là… Voilà… Pas bouger… »
    Mais ils ne restent pas sur le papier. Ils prennent le large
    Écrire est déployé sans forme attachée
    Écrire est une langue de grand départ
    Aucune ligne d’arrivée




    Lili Frikh, Carnet sans bord, La rumeur libre éditions, Collection de poésie nouvelle série, n° 40, 2017, page 26. Sélection Prix des Découvreurs 2019.






    Lili Frikh  Carnet sans bord




    LILI FRIKH


    Lili Frikh
    Lili Frikh au festival Voix vives,
    de Méditerranée en Méditerranée, Sète 2015





    ■ Lili Frikh
    sur Terres de femmes

    Corps (extrait de Tôle froissée)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Carnet sans bord de Lili Frikh





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  • Joëlle Gardes | [Le regard tourné vers l’intérieur ou l’ailleurs]




    [LE REGARD TOURNÉ VERS L’INTÉRIEUR OU L’AILLEURS]



    Le regard tourné vers l’intérieur ou l’ailleurs
    elle se tient sur la lisière entre deux mondes
    Un seuil à franchir puis la nuit

    Lui s’est égaré quand son cœur a cessé un moment de battre
    son regard se porte à nouveau sur les choses mais il s’absente de son corps bien là
    il ne sait plus nommer les êtres qu’il a aimés
    il leur parle de lui comme d’un autre, d’un ami proche perdu de vue
    il a du mal à croire qu’il était poète

    Conscience désemparée
    ils flottent dans un espace incertain entre la mémoire et le rien
    entre la vie et le néant

    La main que nous leur tendons ne touche que l’impalpable
    nos paroles tombent dans le vide.



    Joëlle Gardes, « La disparition », La Lumière la même, Éditions Pétra, Pierres écrites/Empreintes, 2017, page 32. Dessins de Stéphane Lovighi-Bourgogne.






    Joelle Gardes  La Lumiere la même






    JOËLLE GARDES


    Gardes JoElle (1)





    ■ Joëlle Gardes
    sur Terres de femmes

    « Les arcanes subtils d’une relation triangulaire » (La Mort dans nos poumons) [note de lecture + bibliographie]
    Dans le silence des mots, poésie (note de lecture)
    Et si la profondeur n’était que… (extrait de Dans le silence des mots)
    L’Eau tremblante des saisons (lecture de Françoise Donadieu)
    Jardin sous le givre (note de lecture + extrait)
    Jardins de toute sorte (extrait de Sous le lichen du temps)
    [Matinée de printemps précoce](extrait de L’Eau tremblante des saisons)
    Méditations de lieux (note de lecture)
    Ostinato e chiaroscuro (Ruines) [note de lecture + extrait]
    [Tota mulier in utero] (extrait d’Histoires de femmes)
    31 mai 1887 | Naissance de Saint-John Perse (Joëlle Gardes, Saint John-Perse, Les rivages de l’exil, biographie)
    Trentième anniversaire de la mort de Saint-John Perse/20 septembre 1975 (chronique de Joëlle Gardes)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Hôpital



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Pétra)
    la fiche de l’éditeur sur La Lumière la même, de Joëlle Gardes
    le site de Joëlle Gardes






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  • Laure Gauthier, kaspar de pierre

    par Isabelle Lévesque

    Laure Gauthier, kaspar de pierre,
    éditions de La Lettre volée, Collection Poiesis, 2017.



    Lecture d’Isabelle Lévesque


    AVEC KASPAR HAUSER ?




    La figure de Kaspar Hauser, ce garçon de seize ans à l’identité énigmatique apparu à Nuremberg en 1828 et mort assassiné cinq ans plus tard, ne cesse de nous interroger. « Enfant adoptif » officiel de la ville de Nuremberg, devenu très vite « orphelin de l’Europe », comme l’appelaient les gazettes, il habite et hante le dernier livre de Laure Gauthier.

    La voix narrative et la cadence poétique ouvrent kaspar de pierre :


    « ai couru, nu d’automne vers les maisons basses

    avec la lourdeur du gravier

    et mes semelles de peau

    Ce chemin vers rien de certain


    qui se brise en bruissements rances »


    Celui qui parle ne dit pas « je ». Livré au seul chemin de perdre, il n’est pas accompagné. Sa route et sa fragilité l’exposent dès l’incipit comme sa langue naissante, qui sans cesse raisonne et se crée, peu sûre d’elle, cassant son rythme ou son sens. Elle avance nue et vulnérable sur ses « semelles de peau », qui appellent immanquablement les « semelles de vent » de Rimbaud, inscrivant l’expression dans un nouvel ordre. Dans son roman Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent, Véronique Bergen fait parler son personnage parfois à la première personne, parfois à la troisième. Mais elle écrit aussi : « À Nuremberg, je-il-Kaspar Hauser s’est levé. » 1 Les témoins de sa vie ont raconté la difficulté qu’il eut à comprendre et à accepter l’emploi de « je » et « tu ». Ici, Laure Gauthier emploie « jl », qui combine « je/il » :


    « Jl courrrr tronqué vers le champ toujours à nouveau de tournesols »


    L’histoire de Kaspar Hauser a tout de suite fasciné : qui étaient ses parents ? Pourquoi a-t-il été ainsi reclus pendant treize ou quatorze ans ? Qui s’occupait de lui ? Pourquoi a-t-il été libéré ? Qui a tué Kaspar Hauser et pourquoi ?

    Les comptes rendus de ses interrogatoires, ses essais d’autobiographie, les témoignages et enquêtes de ceux qui l’ont recueilli ou rencontré nous donnent une image assez précise de son langage et de ses comportements : « Son parler était un effort et un combat. » 2

    On découvre un être cramponné à la terre, qui connut deux naissances. D’abord né d’une femme, puis d’un cachot de pierre. Ce « Kaspar de pierre » aspirait parfois à retrouver ce lieu qu’il pouvait encore considérer comme protecteur contre ce que le monde qu’il découvrait avait d’effrayant.


    «les pierres, même elles, se sont retournées à moi, et n’auront plus jamais la force d’accueillir un enfant »


    Dans la présentation de son Gaspard, Peter Handke écrit : « La pièce pourrait aussi s’intituler Torture verbale »3. C’est bien ce que l’on fit subir au garçon : aux questions qu’il ne comprenait pas, il répondait par le silence des pierres ou par des phrases insolites, d’une maltraitance à l’autre.

    Il n’a pas le choix, il doit apprendre à communiquer avec tous, avancer, marcher, cet enfant qui vécut assis. Il fut d’abord considéré comme un phénomène de foire sur qui faire les expériences les plus imbéciles, ou un objet d’étude pour la science : examen minutieux de sa peau, de ses réactions à divers stimuli, de son langage. « Raconte-t-on sa lapidation ? », demande l’auteure. Kaspar est livré à une société vorace et brutale.


    « Muré = sans expérience = cœur pur = verbe premier = poésie ! »


    Françoise Dolto a intitulé son étude : Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur. Elle écrivait en conclusion : « Un homme qui honore l’humanité. / En même temps un mystère pour lui-même et un mystère pour nous autres. Son histoire ne s’explique pas par ce que nous connaissons de la psychologie expérimentale, ni non plus par ce que nous connaissons sur l’inconscient. Elle ne s’explique tout simplement pas… »4

    Les poètes ont vite vu en lui un semblable, un frère. Si Verlaine le fait parler à la première personne (« Je suis venu, calme orphelin… »), Georg Trakl l’évoque à la troisième personne, le présentant comme un « rêveur » qui « restait seul avec son étoile »5. Écrivant sur ce Kaspar Hauser né de la pierre, les poètes sont devenus « poètes rupestres », comme l’analyse Laure Gauthier.

    Elle décide quant à elle d’écrire avec Kaspar Hauser.


    Le livre de Laure Gauthier rend compte d’une vie mutilée. Les chapitres ont un titre suivi d’un numéro. Si « Abandon » et « Maison » occupent trois chapitres, « Marche » et « Rue » s’arrêtent au numéro 1.

    Les deux chapitres « Diagnostic » reprennent des indications d’un site internet médical sur les effets secondaires de certains médicaments. Les contemporains pensaient qu’on lui administrait de l’opium dans son cachot pour pouvoir prendre soin de lui et nettoyer le local sans qu’il le remarque. Cela peut-il expliquer au moins en partie le comportement et certains troubles de Kaspar Hauser ? L’oubli de tout ce qui s’est passé pendant les treize ou quatorze ans passés dans le cachot est-il un effet secondaire de la prise d’opium (ou autre substance) ?

    Quel destin pour celui qu’on a dépossédé de lui-même et même de rien pour le jeter chaque fois vers une nouvelle maison, un nouveau tuteur ?


    « L’Europe bourgeoise des faits divers

    Touristes venus me voir, l’attraction de la maltraitance

    Oh le marché de la poésie ! »


    Enfants du placard, enfants sauvages, rien n’a changé : la curiosité parfois malsaine et irrespectueuse supplante la fraternité. (Où est la poésie ?)

    La mise en doute du sujet, cette langue naissante cherchant sans cesse le juste sens, interrogeant inquiète le rapport entre les mots et le monde, voilà qui rencontre la démarche d’une grande partie de la poésie d’aujourd’hui : impossibilité de (puis difficulté à) utiliser le pronom sujet de première personne ; utilisation de verbes à l’infinitif le plus souvent ; métaphores obscures ; manques et ellipses ; parataxes ; ordre des mots inhabituel…

    Nous retrouvons cela dans le poème de Laure Gauthier, ainsi que les prononciations défectueuses, proches du bégaiement :


    « Et plus jl marchch ch ch plus les soleils devenaient lourds et noirs »


    Kaspar Hauser est un « enfant troué », « un fait divers en marche ». Les mots du livre, les trous dans ou entre les lignes ou pages nous présentent cette vérité humaine inatteignable, celle d’un mythe. Laure Gauthier approche ici la parole trouée de Kaspar, l’être sacrifié6. Elle ne cherche ni à rétablir ni à amplifier. Le morcellement du poème restitue un parcours imaginé autant que repris à la réalité recollée d’un être à la vie confisquée.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes





    ________________________________________
    1. Véronique Bergen, Kaspar Hauser ou La phrase préférée du vent (Denoël, 2006).
    2. Kaspar Hauser, Écrits de et sur Kaspar Hauser – traduction de Jean Torrent et Luc Meichler (Christian Bourgois, 2003).
    3. Peter Handke, Gaspard – traduction de Thierry Garrel et Vania Vilers (L’Arche, 1971).
    4. Françoise Dolto, Kaspar Hauser, le séquestré au cœur pur (Gallimard, 1994 – Le petit Mercure, 2002).
    5. Georg Trakl, « Chanson pour Gaspard Hauser » in Crépuscule et déclin suivi de Sébastien en rêve – traduction de Marc Petit et Jean-Claude Schneider (Gallimard, 1972 – Poésie/Gallimard).
    6. « Il est un Christ […], sacrifié au vice de possession des humains. » Françoise Dolto, op. cit., p. 44.






    Kaspar de pierre





    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier Denim
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    Je neige (entre les mots de villon) [lecture d’AP]
    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une notice bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une fiche sur kaspar de pierre
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de kaspar de pierre par Georges Guillain
    → (sur le site de la revue Secousse #23)
    une note de lecture de François Bordes sur kaspar de pierre [PDF]
    → (sur remue.net)
    Laure Gauthier | Kaspar de pierre | 1 (autre extrait de kaspar de pierre)
    le site des éditions de La Lettre volée




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Elisa Biagini, Depuis une fissure

    par Angèle Paoli

    Elisa Biagini, Depuis une fissure, édition bilingue,
    éditions Cadastre8zéro, Collection Donc
    dirigée par Bernard Noël, 80000 Amiens, 2017.
    Traduit de l’italien par Roland Ladrière et Jean Portante.



    Lecture d’Angèle Paoli


    JE M’ÉCRIS D’ENTRE LES NŒUDS






    Bernard Noël Vignette
    Bernard Noël, Vignette de première de couverture
    (dessin au stylo)
    Depuis une fissure, éditions Cadastre8zéro, 2017.







    De même qu’à l’évidence un souffle peu ordinaire donne corps à la parole de la poète italienne Elisa Biagini, de même il m’a fallu une respiration ample avant de me lancer à la poursuite des poèmes de ce recueil (Depuis une fissure). C’est que j’avais déjà eu l’opportunité, le 18 avril 2008, de me confronter au très haut niveau d’exigence de cette poésie (lors d’un échange poétique qui se tint à Fiesole, dans le cadre d’un Printemps des poètes italo-corse organisé par l’Institut universitaire européen). Par la suite, l’occasion m’a également été donnée d’en traduire quelques extraits inédits ICI MÊME ET (dont certains ont été repris dans le premier numéro de la revue Place de la Sorbonne [mars 2011] et dans une composition musicale de Marta Gentilucci, créée à l’ircam-Centre Pompidou le 2 juin 2012). Ce n’est pas sans un certain trouble que je reviens à la rencontre de la poésie singulière de cette grande poète florentine. Impatiente et curieuse que je suis d’en redécouvrir l’« insolite » et fulgurante beauté. Aussi est-ce avec une modestie non dénuée d’appréhension que j’explore ici même Depuis une fissure, publié en volume sous le titre Da una crepa en 2014 chez Giulio Einaudi editore, et tout récemment paru (décembre 2017) en édition bilingue, dans une traduction en français de Roland Ladrière et de Jean Portante, aux éditions amiénoises Cadastre8zéro.

    Sous le titre Depuis une fissure, le recueil rassemble quatre sections d’inégale longueur, dont la dernière, également intitulée Depuis une fissure, ne comporte que cinq poèmes. C’est à Paul Celan et à Emily Dickinson, deux poètes chers à son cœur, qu’Elisa Biagini consacre les deux dialogues centraux principaux : « Donner de l’eau à la plante du rêve » (dialogue avec P. Celan) et « Les dents tachées d’encre : photographies » (dialogue avec E. Dickinson). Une section intermédiaire, très brève, « L’Excursion », consacrée à son grand-père Dante, sépare les deux dialogues. Ces poèmes, davantage narratifs, évoquent un autre versant du travail d’écriture d’Elisa Biagini. Ils explorent, par forage, le terreau familial, ici celui de Dante qui descendait dans les mines :

    « Maintenant est le temps de la

    mine de la terre

    qui m’effleure la tête,

    du parler endurci,

    de la lampe éteinte. »

    Et la poète, comparant son travail d’écriture à celui de l’aïeul creusant et cisaillant la roche dans les dédales de la terre, conclut par ces vers :

    « ceci est un travail

    de coupe et de remplissage,

    il importe peu si c’est la pierre ou

    le mot. »

    C’est peut-être à partir de la fissure qui lézarde les murs de sa résidence d’écriture, dans les Marches (peu après le séisme qui détruisit en avril 2009 la ville de L’Aquila, dont est originaire Jean Portante), que la poète observe le monde, le pense et l’écrit. Ainsi la fissure (à la fois réelle et métaphorique) qui craquèle tout, alentour et au-delà, objets et personnes, jusqu’à la mort, permet-elle de voir ce que l’œil grand ouvert ne voit pas. Dans le même temps, la fissure (fente, scissure, césure, couture…) conduit à réduire la focale de l’objectif. L’œil s’attache à ne saisir que l’indispensable tout en élaguant décortiquant écalant jusqu’à l’os l’objet qui l’occupe. La poète « dessique » émonde jusqu’à l’extrême jusqu’à la dernière peau la strophe qu’elle travaille. Ce qu’il reste de ce travail de sape, c’est le plus souvent une strophe par page. Car la poésie d’Elisa Biagini est tenue enserrée comprimée sous le boisseau. Quelques vers, à peine. Elisa Biagini bannit toute forme d’épanchement. Et se refuse à tout lyrisme, à toute tentation ou tentative de consolation. Mais sécheresse ne signifie en rien froideur ni absence. Il y a là tout un paradoxe qui surprend et désarçonne. Cette fissure, elle se cache aussi dans l’un des poèmes du dialogue avec Paul Celan. Un poème d’aveu où se dit (je n’ose dire « s’avoue ») la proximité de la poète florentine avec le poète roumain :

    « La fissure qui part

    de toi marque

    le pas

    dans le proche. »

    La fissure, ce passage étroit où s’originent et s’ancrent tous les désastres, est le creuset dans lequel s’enracine la poésie d’Elisa Biagini. Elle est au cœur de l’ensemble de son œuvre et, bien sûr, omniprésente dans les cinq derniers poèmes qui donnent au recueil son titre. Ce leitmotiv émouvant (d’où vient donc cette émotion qui submerge, malgré la poète et malgré soi, à la lecture ?) égratigne la page. Quelque chose étreint que l’on ne saurait dire :

    « je m’écris entre les

    fissures, dans les nœuds

    du bois, dans la

    poussière sous le tapis :

    l’obscurité, qui attend

    d’entrer, se grumèle

    de cernes [s’aggruma d’occhiaie] »

    C’est dans le poème d’ouverture de Depuis une fissure qu’est revendiqué et que s’affirme le refus du lyrisme. Un poème qui s’apparente à un manifeste. Un art poétique — en trois strophes — qui rejette et choisit la verticalité et non l’horizontalité :

    «… fuis la mélodie de la parole,

    la voix qui te sourit les dents refaites […]

    […] pêche de ce noir

    l’encre qui dit la parole

    verticale. À son ombre grandissent

    les questions, l’espace s’ouvre

    à la respiration de la pensée.

    Non la parole horizontale qui envahit,

    mais le blanc des marges, la pause qui

    couvre l’absence de toi à moi. »

    Dans ce poème d’ouverture se dit aussi l’omniprésence du corps. Œil main paupière voix dents pupille respiration… Dans un même mouvement pendulaire qui met le corps au centre s’exprime le refus de la chaleur et du confort qui apaise ; ou, au contraire, l’ouverture de la pensée qui questionne. Ainsi se joue la respiration vitale qui donne à la parole du poème son existence et sa forme. Sa corporéité.

    Ce premier poème est suivi de deux exergues qui se font écho l’un l’autre et annoncent le contenu de l’œuvre. Deux vers de Paul Celan, deux d’Emily Dickinson. Un même balancement, un vocabulaire identique disent la proximité grande de Paul Celan avec « La Dame blanche ». Il me semble bien d’ailleurs avoir lu, sous la plume d’Elisa Biagini (un entretien journalistique), que si ces deux poètes avaient vécu à la même époque, il ne fait aucun doute qu’ils se seraient rencontrés. Et peut-être aimés :

    « et tu joues avec les haches

    et à la fin tu resplendis comme elles » (Paul Celan)

    « elle maniait ses mots comme des lames —

    ainsi resplendissaient-ils de lumière — (Emily Dickinson)

    D’un côté la lame de l’autre la hache. Les armes coupantes se rejoignant avec éclat dans la lumière. Elles sont l’arme dont le poète se sert pour élaguer la langue la dépecer la désosser pour en atteindre la moelle. Car la langue doit être coupante incisive concise. Le tranchant (mais aussi le risque) de la lame et de la hache, gage de la rigueur, s’impose à la poète florentine comme il s’est imposé avant elle à Paul Celan et à Emily Dickinson.

    Dans le dialogue d’Elisa Biagini avec Paul Celan, les fragments empruntés au poète roumain, détachés de leur contexte et insérés en italiques, sont les « détonateurs » dont Elisa Biagini se sert comme déclencheurs des « déflagrations » poétiques que sont ses poèmes. Très condensés, les poèmes dénoncent le trop-plein et le débord de la parole courante, anecdotique et étouffante, laquelle submerge la parole poétique et la noie. La langue couramment se disperse, elle se perd dans l’abondance et le profus. Il faudrait qu’elle se résigne à l’impesanteur et à la modestie. Le travail du poète est de trancher, d’ôter à la langue le redit et le ressassement afin de permettre à la parole de reprendre vie :

    « Quand la bouche

    crache la parole,

    il y a un temps, un

    entre “moi et toi”,

    qui est une motte

    tranchée par la lame

    ver qui après

    reprend vie. »

    La même image est reprise plus loin avec la variante de la racine :

    « — Ce qui fut déraciné se rassemble à nouveau —

    le nom, le nom, la main, la main :

    sur ma main

    pose la feuille

    qui ne peut croître

    à cette lumière :

    passe-lui un gant

    car le vent l’écorche,

    mets-la en poche

    qu’elle n’en renaisse. »

    Qu’ils soient vers ou racines, les fragments du corps de la langue élaguée se reforment, vivifiés.

    Se contraindre à ces entailles ne se fait cependant pas sans souffrance ni sans effort :

    « Je marche

    par soustraction

    et mon souffle trébuche,

    ses joues

    prennent la couleur du sel » confie la poète.

    Dans la poésie de Paul Celan, Elisa Biagini cherche un étançon. Qu’elle glisse sous la sienne. Non pour répéter mais pour agir sur la citation. Pour « donner la parole » à « la parole donnée », comme le dit le critique italien Riccardo Donati. Dans une sorte de supplication singulière, Elisa Biagini fait appel à son ami roumain :

    Compte-moi parmi les amandes. (Zähle mich su den Mandeln)

    L’image de l’amande, sa petitesse dans la « paume », sa douceur cachée, disent la confiance de la poète florentine et le lien étroit qu’elle entretient avec son aîné. Un lien familier quasi physique qui se dit dans ce poème :

    « Avec les yeux

    ciseaux je te retaille

    le profil, je t’arrête

    avec la lame du temps

    qui ne rouille jamais. »

    Ou encore dans celui-ci, à prédominance amoureuse et sensuelle :

    « Mes lèvres, les

    tiennes, sont

    les fentes

    où tombent

    les monnaies, clefs

    des portes qui

    s’ouvrent ailleurs. »

    D’elle à lui, le corps est un médiateur complice. Il offre à la poète florentine le pouvoir de se mettre au diapason du poète roumain. Cette complicité intense se poursuit par-delà la mort du poète. Sa disparition — une « arête » — fait d’Elisa Biagini une figure d’écorchée.

    « Sur l’arête du

    congé, j’écorche

    ma respiration.

    Le souffle

    ravaudé d’un

    fil plus obscur :

    d’abandon. »

    À travers la quête d’une fusion possible, Elisa Biagini rejoint le poète au plus près de ce qu’il fut et de ce qu’elle cherche à être :

    « J’appuie le front

    contre la vitre, je regarde dans la

    nuit de tes mots,

    la voix devient blanche de

    silence, les ombres

    s’épaississent entre les dents :

    je suis toi, quand je suis moi. »

    Ainsi la voix de Paul Celan, voix unique, qui pique et qui attise, — « voix / qui fait grincer / la mienne — » (confie Elisa Biagini dans un autre poème) ouvre-t-elle sur d’autres espaces. La parole poétique peut alors advenir :

    « Et le papier crépite

    tout près de l’os,

    marque de blanc

    le doigt. »

    À la fois proche et autre est le dialogue avec Emily Dickinson. De même concision et de même densité, les poèmes répondent au même souci d’élagage. Ici les matériaux qui permettent à Elisa Biagini de construire ses poèmes sont un peu différents. Si des vers en italiques sont bien disséminés dans les poèmes, la poète ne cite pas les vers anglais correspondants. Peut-être pour rendre plus diffuse la présence de la poète d’Amherst. Plus évanescente. Et toutes les majuscules (à une exception près) ont disparu. Le décor est celui de la chambre d’Emily Dickinson. Tel qu’on l’imagine. C’est celui de son univers. Peuplé d’objets familiers, fenêtre, fauteuil, cheveux, gants, maille, mouchoir, livre, tiroir… Objets avec lesquels négocier. Car les objets se rebiffent, qui donnent fort à faire à l’habitante des lieux. Partant, à son amie poète :

    « tu racontes l’herbe

    renversée, la plume

    encastrée, la pluie

    recueillie à l’intérieur

    de l’oreille

    (et le silence, ici

    perd de son poids). »

    Aussi ordinaires sont-ils, les objets permettent à Elisa Biagini de circonscrire « le champ du récit ». Et la méthode de travail est la même, celle de la « négation » énoncée dans ces quatre vers :

    « un pas à la fois, par négation,

    je trace le périmètre à notre

    champ du récit — lettres denses

    pour soutenir le vent des sons. »

    Doués de pouvoir, les objets inversent l’ordre naturel des choses, y compris celui du corps. L’univers d’Emily Dickinson s’entremêle, dont elle est seule à comprendre la trame étrange :

    « tu comptes tes

    pieds cherchant le

    sommeil à l’ouïe,

    tu écoutes le poisson dans

    l’oreille traduisant l’eau ridée

    du verre ».

    La nature (toujours, avec Elisa Biagini, les choses se meuvent du dedans vers le dehors) se joue elle aussi de la poète, lui impose ses fantasmagories :

    « il souffle du

    carreau le vent

    de 3 heures, il déplace la

    main de l’écrit,

    il fait de la jupe

    une voile. »

    Ou encore

    « rayon de lune qui

    force le

    tiroir, s’enroule autour

    de la cheville

    (tu remontes mes couvertures

    pour la nuit —

    le papier est rugueux et les

    virgules piquent).

    Si les objets et la nature même sont imprévisibles et se dérobent sous les pas, le corps, lui, est complice de la rencontre avec l’autre, incarné par le « tu ». Ce « tu » omniprésent qui fait face à un « je » plus discret — « je te regarde », « je trace », « je te suis », « je bute ». La respiration, le souffle, le visage, l’oreille et les sons, la main… sont autant de points de rencontre possibles avec le corps de l’autre. C’est par l’ouïe et par la voix que passe l’échange, qu’un toucher subtil passe de l’un à l’autre ou de l’une à l’autre. Par le corps s’opère la symbiose nécessaire qui permet de se fondre dans l’univers de l’autre et dans ses empreintes, d’habiter sa silhouette. Ainsi de ce poème inspiré à Elisa Biagini par le vers présent dans une lettre qu’adresse Emily Dickinson à Thomas W. Higginson :

    « The Ear is the last Face »

    « l’oreille est le dernier

    visage. puis je te suis

    avec une bougie à

    l’horizon, où

    tu te baignes les pieds

    dans l’obscurité. »

    L’acmé de la rencontre a lieu dans l’ultime poème de cette section — « Impatient of the fewest words » (dialogue entre Emily et Paul). Elisa Biagini se plaît à mettre en scène un échange imaginaire entre les deux poètes. Ce contact physique qui passe par le partage de gestes érotiques conduit à la connaissance de l’autre. Celle qui ouvre la voie à la parole poétique :

    « Debout, sur le seuil,

    mon œil dans ta

    main, ta langue sur mon oreille :

    c’est ainsi que nous nous connaissons,

    en nous touchant, parce que

    la pupille est dilatée

    par l’effort, les papilles

    comme papiers de verre.

    Si le plancher cède, si la

    voix sombre,

    c’est ici,

    dans l’air

    que nous tient

    la parole-branche. »

    Un dernier poème clôt l’ensemble du recueil, — « contre le vent » —, très beau poème dans lequel Elisa Biagini confie ce qui reste entre ses mains, une fois l’œuvre accomplie. Les amis choisis se sont retirés mais leur parole demeure sous les mots de la poète et leur silence continue de l’éclairer. Une fois l’œuvre accomplie, reste l’ultime citation empruntée à Emily Dickinson :

    « I take — no less than skies

    rien moins que les cieux — pour moi. »

    Une vocation personnelle d’Elisa Biagini à pousser son regard toujours plus loin, vers un horizon qui ouvre toujours plus vaste.

    Une étrange et non moins poignante beauté se dégage de l’ensemble de cette œuvre longuement mûrie. À la beauté intrinsèque des poèmes vient se greffer la beauté de l’ouvrage en lui-même : la qualité éditoriale (discrétion de la typographie et aération de la mise en page) et la qualité du façonnage (cahiers cousus, couverture à double rabat) dues à la maison Cadastre8zéro et à l’ancienne imprimerie Paillart d’Abbeville. La première et la quatrième de couverture étant illustrées par le directeur de collection lui-même, le poète et écrivain Bernard Noël. Deux vignettes extraites d’un dessin au stylo. Que l’on pourrait imaginer issues des « Chosins ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Elisa Biagini  Depuis une fissure






    ELISA BIAGINI



    Elisa Biagini 2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    [Les nuits se ferment] (poème extrait de Depuis une fissure)
    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (13 mai 2008, chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa (traduction inédite d’AP)
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des editions Cadastre8zéro)
    la fiche de l’éditeur sur Depuis une fissure d’Elisa Biagini
    → (sur La Cause Littéraire)
    une lecture de Depuis une fissure par Philippe Leuckx
    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
    une page sur Elisa Biagini





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  • Ali Thareb | [Les assassins ont | des enfants]




    [LES ASSASSINS ONT | DES ENFANTS]




    Les assassins ont
    des enfants qui ont besoin de se promener
    des amantes qui les attendent
    des rendez-vous avec leurs amis
    des jardins qui requièrent davantage de soins
    des rêves ignorant tout de la fatigue des pieds
    ils sont très occupés
    c’est pourquoi nous devons mourir facilement
    mourir en évitant de les retarder



    Ali Thareb, Un homme avec une mouche dans la bouche, édition bilingue, Éditions des Lisières, 2017, page 41. Traduit de l’arabe (Irak) par Souad Labbize. Sélection du Prix des Découvreurs 2018/2019.






    Ali Thareb  Un homme avec une mouche dans la bouche






    ALI  THAREB


    Ali Thareb
    Ph. D.R.




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site Les Découvreurs/éditions LD)
    Parole et barbarie. Un homme avec une mouche dans la bouche du poète irakien Ali Thareb, par Georges Guillain





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  • Laure Cambau | tekké




    TEKKÉ




    Le berger décore l’arbre à prières
    de petits rubans colorés
    les poèmes sèchent au vent avec les mûres
    flottent se balancent dans l’air du soir
    tournent avec la musique soufie et les derviches
    et sur les rubans qui volètent
    je lis le chant des têtes
    une langue d’arbre et d’huile
    et dans le désordre des vœux
    je trouve la sortie du poème
    issue obscure et liquide
    de la moiteur du boulevard à la fraîcheur du tekké
    la terre sous la terre parle une langue d’huile
    borborygme onomatopée
    le vent se cache derrière l’arbre ma paupière et la toile
    avec les araignées et les derviches
    peut-être les vers à soie tisseront mes mots entre deux fibres
    du trottoir aux collines
    de la remise en flammes
    aux braises noires des steppes
    je cueille le ruban rouge
    sous le mûrier

    une ronde de mots muets

    me réveille




    Laure Cambau, « Connais-toi toi-même ainsi tu pourras connaître Dieu », Le Manteau rapiécé, Un voyage au fil du souffle, florilège Bektachi : Dialogue, récits, poèmes, psaumes et souffles, éditions Unicité, 2017, page 35.






    Laure Cambau  Le Manteau rapiécé






    LAURE CAMBAU


    Laure_cambau
    Ph. © Laure Cambau
    Source





    ■ Laure Cambau
    sur Terres de femmes

    Ma peau ne protège que vous (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Pèlerin
    Tombeau de Janis
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Sans pourquoi



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Laure Cambau
    → (sur le site de Claude Ber)
    une page consacrée à Laure Cambau (invitée du mois de juin 2010)






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  • Elisa Biagini | [Les nuits se ferment]




    [MI SI CHIUDONO LE NOTTI]




    Mi si chiudono
    le notti dentro
    il palmo,

    ti tocco
    e sei d’inchiostro.



    Troppe cose gia dette,
    troppo già respirato,

    nel palmo
    solo una pietra risputata,
    piccolo come
    una mandorla

    (il dolce è troppo
    nascosto e troppo
    duro il guscio).

    Contami tra le mandorle.1



    La lingua vola ovunque, rotola,
    gettala via, gettala via,
    e cosí la riavrai
    2 :
    sarà un frullare d’orecchio,
    un’ala che s’apre a misurare il cielo.







    [LES NUITS SE FERMENT]




    Les nuits se ferment
    dans ma
    paume,

    je te touche
    et tu es d’encre.



    Trop de choses déjà dites,
    déjà trop respiré,

    dans la paume
    rien qu’une pierre recrachée,
    petite comme
    une amande

    (le doux est trop
    caché et trop
    dure la coquille).

    Compte-moi parmi les amandes.



    La langue vole un peu partout, roule,
    jette-la, jette-la
    ainsi tu l’auras à nouveau
    :
    ce sera un battement d’oreille,
    une aile qui s’ouvre pour mesurer le ciel.




    __________________
    1. Zähle mich zu den Mandeln
    2. wirf sie weg, wirf sie weg,|dann hast du sie wieder




    Elisa Biagini, « Donner de l’eau à la plante du rêve (dialogue avec Paul Celan) », Depuis une fissure (Da una crepa, Giulio Einaudi editore, Collezione di poesia 421, 2014, pp. 11-13), édition bilingue, éditions Cadastre8zéro, Collection Donc dirigée par Bernard Noël, 80000 Amiens, 2017, pp. 18-23. Traduit de l’italien par Roland Ladrière.






    Elisa Biagini  Depuis une fissure






    ELISA BIAGINI



    Elisa Biagini 2





    ■ Elisa Biagini
    sur Terres de femmes

    Depuis une fissure (note de lecture d’AP)
    Nel bosco | Dans le bois (note de lecture d’AP)
    La gita (poème extrait de Da una crepa)
    Sotto i castagni (extrait du recueil L’ospite) (+ notice bio-bibliographique)
    Elisa Biagini au Centre d’Études Poétiques de l’ENS de Lyon (chronique de Marie-Ange Sebasti)
    Anne Sexton | Elisa Biagini | Due mani… Due voci (trois poèmes extraits de Nel bosco, avec leur traduction en français par AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Da una crepa
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le portrait d’Elisa Biagini (+ un poème extrait du recueil L’ospite, un poème extrait d’Acqua smossa et un poème extrait de Da una crepa. Traduction inédite d’AP)




    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des editions Cadastre8zéro)
    la fiche de l’éditeur sur Depuis une fissure d’Elisa Biagini
    → (sur La Cause Littéraire)
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    le site personnel d’Elisa Biagini
    → (sur Lyrikline)
    dix poèmes d’Elisa Biagini dits par Elisa Biagini (+ traduction française)
    → (sur Italies)
    Anthologie bilingue d’Elisa Biagini, par Estelle Ceccarini
    → (sur Italies)
    La poésie d’Elisa Biagini, images de l’intime et démystification du monde, par Estelle Ceccarini
    → (sur Poetry International Web) une
    bio-bibliographie d’Elisa Biagini (+ de nombreux poèmes)
    → (sur Nazione Indiana)
    Domande da una crepa: intervista a Elisa Biagini
    → (sur le site de Chelsea Editions)
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  • Valéry Meynadier, Divin danger

    par Angèle Paoli

    Valéry Meynadier, Divin danger,
    éditions Al Manar, Collection Erotica, 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « MERCI POUR CETTE FEMME »



    Ni bacchante ni ménade, elle est femme libre qui a l’audace d’exposer au grand jour ses amours saphiques. Femme magnifique, brûlante dame tout habillée des ondulations de son « rire de chevelure », Valéry Meynadier se livre entière attachée à ses sens ainsi qu’à l’écriture érotique de ses passions. Érotisme / Écriture. Deux entrées indissociables pour accéder aux arcanes de Divin Danger. La première de couverture, illustrée par un dessin d’Albert Woda, expose le corps nu d’une femme abandonnée aux pâmoisons de l’amour. Plus explicite est le dessin de la double page de faux-titre, corps-à-corps de deux femmes livrées à leur passion amoureuse. Ce paratexte voluptueux est encore souligné par l’intitulé de la collection, Erotica, des éditions Al Manar. Un dernier dessin de deux femmes enlacées clôt cet ouvrage qui convoque dans nos mémoires une longue tradition de chants d’amours lesbiennes ou de toiles de même inspiration. Je pense notamment au Sommeil, peint en 1866 par Gustave Courbet. Mais aussi aux écrits de Natalie Clifford Barney, dite « l’Amazone », et surtout aux poèmes de Renée Vivien, à ces Évocations sublimes publiées en 1903 par l’éditeur Alphonse Lemerre.

    « DOUCEUR de mes chants, allons vers Mytilène,

    Voici que mon âme a repris son essor,

    Nocturne et craintive ainsi qu’une phalène

    Aux prunelles d’or. »

    Toutefois, l’héroïne des plaisirs de Divin Danger est davantage l’héritière déclarée de Dorothy Allison — citée dans l’exergue de l’ouvrage — que de Renée Vivien ou de « l’Amazone », Natalie Clifford Barney. Elle est une Virginie citadine qui se laisse surprendre au hasard des rencontres dans les bars, les pâtisseries, les salons particuliers, les hammams, les chambres à coucher de ses amantes de passage, les halls d’entrées des immeubles et les rames de métro.

    Mais tout commence pour Virginie à l’adolescence sur le « doux palier » de l’immeuble que ses parents partagent avec un couple de femmes dont l’enfant découvre, épie et appelle de ses vœux, les manifestations du « cruel bonheur ». « Onze ans d’impudent palier », cela forge une imagination et exacerbe les désirs. Le premier texte du recueil, « L’Emportée », évoque les émois que suscite en elle la « divine musique » qui monte des ébats de ces chères inconnues.

    Le poème d’ouverture est une affirmation de la différence, revendiquée au regard de tous. Un chant saphique pleinement assumé :

    « Je me sens loin des hommes et je m’y sens si bien que ça fait mal. Mon saphisme est une différence de plus.

    J’ai pleinement abandonné la terre des hommes.

    J’aime les femmes et personne ici ne me le reproche.

    La mer est sans reproche.

    Je suis passée à l’autre comme on passe de l’autre côté. J’ai rencontré le corps de la femme comme le criminel son meurtre. Comme l’interprète son instrument.

    Plus jamais je n’oublierai. »

    Le danger qui a longtemps menacé l’homosexualité se mue ici en une expérience séraphique. Laquelle se réitère à chaque rencontre. L’amour n’est-il pas « ascensionnel, comme la prière » ? « Quand je la regardais, j’entrais en religion », lance Sada à Virginie. « Comme le mystique cherche à atteindre Dieu, à travers la prière, je cherche à atteindre l’amour à travers la Femme, ma toute route à moi », conclut Virginie dans sa relation à Sada.

    Une histoire prend fin, une autre commence. Chacune d’elles porte en titre le nom d’une femme. Doriane/Dorothy/Daou… Puis Christine, Sada. Ou encore les pronoms ELLE/ELLES. Les situations sont diverses. Les lieux aussi. Tout se joue dans le face-à-face, le dos-à-dos. Jeux de mains, jeux de regards, jeux de jambes, tout du corps est en éveil. Langue / doigts / peau / lèvres / humeurs / écume / mouvements. Externe / interne. Tout est vibration et sensualité. Les sentiments sont exacerbés. De l’amour à la haine. Du désir à la honte. De la jalousie à la « pire douleur », celle de se découvrir indésirée. De la passion à l’anéantissement. Et pour dire tout cela, il faut oser. Pour rendre compte de ces tensions extrêmes, il faut oser tous les registres de vocabulaire, toute la palette des sensations. De la tendresse la plus vive jusqu’aux détails physiques les plus crus. La narration est enlevée, alerte ; les dialogues s’enchaînent qui n’appesantissent pas le récit. L’écrivaine pare au plus pressé, veille à ne pas retenir l’urgence du plaisir. Elle évoque avec talent sa connivence avec les femmes, cette immédiateté sans pareille. L’irrémissible prend source dans la rencontre, la reconnaissance complice entre les peaux, les effleurements, secrets ou assurés.

    Dans la scène du métro, les femmes font corps autour de Dorothy et de Virginie. Sans s’être donné le mot, d’instinct, elles forment « rempart » autour des deux amantes dans la foule. Elles se font « apôtres de leur plaisir ». Tous les savoirs sont conjugués. « Le phantasme doué de réalité est divin ». Sexe et sacré se conjuguent dans le même temps, dans la même rame. Bondée. Il faut de l’audace. La scène et les mots mis sur scène. Le réel, même nauséabond, se pare de beautés, de convoitises alléchantes. D’un chapitre à l’autre, d’une amante à l’autre, les situations s’enchaînent, inattendues, cocasses. Les rapports se précisent. Maquereau / putain ; maîtresse / esclave. Parfois interrompus par le surgissement inopiné d’une vieille qui vitupère et alerte son monde. Éros au féminin, omniprésent, n’affuble ni les mots ni les gestes ni les mouvements. Pas davantage les odeurs ni le goût savoureux pour la fureur d’un clitoris déniché de sa gangue par langue experte. Mais les rencontres sont éphémères, qui laissent l’héroïne désemparée. Il arrive parfois que les mots se dérobent. Qu’ils échouent à dire un corps, à se saisir de l’autre. La vie reprend le dessus avec la soif de liberté. Les noms se déclinent à nouveau, souvent dans leur duplicité. Dans l’écart qu’ils entretiennent entre réel et rêve. Face à cette dichotomie déchirante, comment faire se rejoindre les deux extrêmes ?

    L’une sort de scène, l’autre fait son entrée. « Chaque femme est une nouvelle terre ». Chaque nouvel amour s’inscrit dans le précédent et annonce peut-être celui qui est à venir. Mais toujours revient comme une vague de fond le souvenir de la première femme. Et, avec elle, la nostalgie de ce qu’a été cet amour et qui ne sera jamais plus.

    « Je t’ai aimée Doriane.

    On aime son bourreau. Sa première femme c’est la mer la première fois.

    Qu’y puis-je si cette mer était un bourreau ? »

    La séduction est école de vie. Chaque jour apporte sa nouveauté. D’où vient que ce sourire n’est pas inconnu à Virginie ? Il vient « de l’intérieur de moi », dit la narratrice. Rien n’arrête, rien ne vient s’interposer. Autres lieux autres attentes autres visages, superpositions entre le déjà vu et l’à venir. Dans l’espace labyrinthique du hammam, les odalisques lascivement déployées sont parées pour le plaisir. L’univers est celui-là même longuement fantasmé par les peintres orientalistes. Un même décor, un même alanguissement, une même indolence. Ici règnent « luxe calme et volupté ». Dans une sorte d’état extatique, Virginie traverse et confie :

    « Je suis dans l’étymologie de la femme, elle est là dans toute sa splendeur, à sa toilette, à sa détente, entre elles, en train de rire, dans cette vaste pièce divisée en six petites pièces où je n’ose m’aventurer, clouée sur place, des rigoles d’eau coulent entre mes sourcils, entre mes seins, Sylvie me demande si je vais bien. C’est trop beau, lui dis-je. Elle rigole elle aussi. L’art retrouve son innocence ici. Dans un des tableaux, une jeune fille se lave les cheveux au robinet incrusté dans le mur. Dans un autre, une femme remplit un seau bleu qu’elle verse ensuite sur son amie qui accueille l’eau froide à petits cris. Le troisième tableau me réserve la somnolence de trois corps et d’un ventre esquissé en oreiller. »

    Pour qui a fait l’expérience du hammam (en France ou ailleurs), ces lignes renvoient à un espace féminin incomparable. Tout cliché sur le corps féminin se noie devant la beauté et devant l’âge, quels que soient les profils et contours qu’offrent ces nudités.

    « L’étymologie de la femme ». L’expression me laisse sans voix. « Merci pour cette femme ». Qui ose cette vérité.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Valéry Meynadier  Divin danger





    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Daou (extrait de Divin danger)
    [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la page de l’éditeur sur Divin Danger
    → (sur Aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Divin Danger




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Renée Vivien | Atthis (poème extrait d’Évocations)
    → (sur Terres de femmes)
    Natalie Clifford Barney | C’était, je me rappelle…



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  • Valéry Meynadier | Daou



    DAOU




    Le Daou. Un corps. Juste baiser. Tu me plaisais bien. Comme tu me dis aujourd’hui : je t’aime un peu.

    Piégée.

    Je sentais en toi le commencement de mon cri. Juste une sensation.

    Quant à te décrire, tu m’en vois dans l’impossibilité. Tu ressembles plus à l’élément qu’à l’être humain et déjà, ce n’est plus vrai, les mots n’ont pas de prise sur toi.

    Tu as de grandes oreilles de petite souris.

    Voilà, déjà, tu as les oreilles décollées. Un visage de plein air, un sommeil de plein air, près de toi, je prends une autre respiration.

    Je te croyais une fantaisie charnelle, tu es mon abécédaire, ma soif et ma faim.

    Et mon sommeil n’en croit pas ses rêves. Lui, implacable guerrier solitaire, tu lui manques, il te cherche la nuit.

    Il me réveille, me demande où tu es…

    Hier, ton corps était là, chez moi — interlude sans nudité.

    Je m’enfonçais dans le mur sous la pression de tes doigts, de ta langue… sous une latitude où les règnes se confondent, le ciment devenait mousse… j’escaladais des prières abruptes comme des montagnes —

    Quand le téléphone a résonné

    […]

    – « Fais l’amour ! Le monde t’oubliera »

    Dans mon élan du monde qui oublie, je me retourne. Il est là. Assoupi sur le canapé. Il nous garde au chaud dans sa somnolence. Je respire.

    Un corps. Juste un corps.

    Je n’ai pour mémoire que mon sexe aujourd’hui.

    Il était en train de naître quand ma tante m’a dérangée.

    Mes lèvres balbutiaient une langue nouvelle.

    Ce corps, cette fille aux petits yeux fripons clos sur cet instant, au cœur des choses…

    Juste une fantaisie charnelle.

    Je croyais.

    C’est en aimant qu’on devient quelqu’un d’autre.

    Ma tante n’a jamais aimé de sa vie. Elle est restée imperturbablement elle-même jusqu’à cette misère qui suinte de sa langue.

    Mêler sa langue à une autre langue, c’est ça qu’elle devrait faire.

    […]

    C’est la nuit qu’elle me manque. Mon sommeil est amoureux de son sommeil. Ça ne m’était jamais arrivé d’aimer un sommeil.

    En général, c’est une matière qui m’embarrasse chez l’autre.

    Là…

    Quelquefois, elle s’endort sur moi, je sens un à un tous ses muscles se relâcher. Son souffle s’apaise. Sa bouche s’ouvre délicatement, elle me bave dessus absolument relâchée. Je ne savais pas encore que son petit corps pouvait se bander à ce point.

    On a dormi ensemble avant de faire l’amour.

    Dormir ne regarde que soi, pensais-je avant.

    Le sommeil de cette fille me regarde, me dis-je aujourd’hui. Je n’ai jamais rencontré un sommeil pareil.

    Eau massive, noyade sans noyade, je nage en elle quand elle dort, je ne peux plus jamais mourir, mon souffle est ailleurs qu’en mes poumons.

    Moitié femme moitié air. Juste de quoi vivre.

    Je vais apprendre à dormir comme le dauphin, d’un seul hémisphère.

    De l’autre, je nous observe.

    Qu’est-ce qui fait que j’aime dormir avec toi ?

    Jouir, à la rigueur. Mais dormir…

    La première chose quand elle s’en va : trouver le calme.

    Respirer.

    Chez moi c’est trop plein d’elle.

    Fuir la brûlure de l’espace que laisse l’orgasme derrière lui.

    Fuir au plus loin de nous.

    Je dois l’oublier, l’oublier, sinon, c’est moi que j’oublie. Je ne me reconnais plus.

    Jouir avec elle me coûte cher, très cher.

    L’oublier me demande une véritable mise en œuvre de détachement.

    Architecte en détachement, vous connaissez ?



    Valéry Meynadier, Divin danger, éditions Al Manar, Collection Erotica, 2017, pp. 35-39. Dessins Albert Woda.





    Valéry Meynadier  Divin danger





    VALÉRY MEYNADIER


    Valéry Meynadier
    Source




    ■ Valéry Meynadier
    sur Terres de femmes


    Divin danger (lecture d’AP)
    [Je veux choyer votre absence] (extrait de La Morsure de l’ange)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Valéry Meynadier
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la page de l’éditeur sur Divin Danger
    → (sur Aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Divin Danger





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  • Yves Cossic | Entendre



    ENTENDRE



    D’un pas tranquille
    Viendras-tu du fond de la forêt
    Entendre
    Du bourdon de l’abeille la vérité du jour ?

    Vers quelle chaleur luxuriante
    Pencheras-tu pensive
    poitrine crue ?


    Or,
    Voici que douant d’une force d’amitié
    L’élan de tes bras,

    Tu vibres, soudaine,
    Entière,
    Comme vibre, goulu,
    L’oiseau nouveau-né dans la mousse du nid.


    À peine venue auprès de l’Apache
    Qui pose sa peine
    Au bord du chemin familier,

    Soudaine,
    Et comme forte du silence de l’univers,
    Tu lèves ton corps frissonnant du moment de
    dire…..


    Ou d’ouvrir ta main en labour,

    Ta main forte d’un sanglot de joie,

    Tu frissonnes,

    Entière,

    D’une minérale splendeur.



    Cossic, Le Lever du jour, Éditions Folle Avoine, 2017, pp. 36-37.







    Cossic  Le Lever du jour






    YVES COSSIC


    Yves Cossic




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Télégramme)
    Poésie. Yves Cossic libre penseur



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