Étiquette : 2017


  • Françoise Clédat, Ils s’avancèrent vers les villes

    par Angèle Paoli

    Françoise Clédat, Ils s’avancèrent vers les villes,
    Tarabuste éditeur, Collection DOUTE B.A.T., 2017.



    Lecture d’Angèle Paoli


    AU-DELÀ DES EXTINCTIONS MULTIPLES, SA MORT D’ELLE




    Le désordre du monde, chaos inhérent à l’existence humaine, a dicté à Françoise Clédat l’entreprise considérable et exigeante à laquelle elle s’est attelée pour écrire son tout dernier ouvrage : Ils s’avancèrent vers les villes. Pourquoi pareille entreprise ? Sans doute pour tenter de comprendre ce qui pousse toujours les hommes, de manière inexorable, vers davantage de barbarie. Mais sans doute aussi pour tenter de trouver réponse à la question : comment vivre, dans un tel contexte ? Comment s’octroyer un espace de respiration ?

    Ainsi la poète avance-t-elle, démunie, mais résolue, à travers siècles, parmi les horreurs perpétrées depuis la nuit des temps, génocides tueries massacres destructions massives, crimes exemplaires contre l’humanité, cruautés extrêmes au service de l’extermination. Sous toutes les formes, depuis les plus anciennes jusqu’aux plus novatrices et aux plus sophistiquées qui puissent exister. Pour rendre compte de ce désordre opiniâtre, chevillé à la barbarie humaine, Françoise Clédat a opté pour le « désordre alphabétique », sous-titre de l’imposant recueil qui est le sien. Car l’écriture est au centre. « Écriture d’avant l’alpha », « écrire l’histoire » – « litanie du nombre » / « litanie des ruines » – et écriture d’aujourd’hui

    « poésie réitérant acte de foi

    puissance du souffle et de la voix

    esprit enfin projeté dans la lettre ». [in « YODH » (i,j) « Jericho »]

    L’alphabet auquel la poète se réfère est l’alphabet phénicien, lequel émerge

    « il y a 3 000 ans (Liban Syrie Palestine partiellement)

    Se propage

    Au monde entier ».

    Vingt lettres au total dont les glyphes (ou graphèmes) ouvrent un nouveau chapitre. Lequel prend appui sur le nom d’une ville. Des temps anciens ou des temps modernes. ’ALEPH (a) : Alep ; BETH (b) : Bethléem / Belfast ; HE (e) : Ebla ; HET ou HETH (h) : Hiroshima ; NUN (n) : Nankin (1937) ; SAMEKH (x) : Xandu (Xanadu)…

    Le livre est par ailleurs construit selon un « dispositif » distribué en deux parties : Les Villes (25 villes) / La Vie belle (19 poèmes).

    Précédée d’un long prologue poétique, l’œuvre de Françoise Clédat s’ouvre sur une double dédicace : « À vous mes perdus » / « À vous mes vivants » où s’énonce le souhait spécifique de la poète adressé à chacune des catégories.

    Suit une page où l’on peut lire en exergue deux vers empruntés au poème du prologue, lesquels livrent une définition du livre :

    « Ils s’avancèrent vers les villes

    est l’éclat d’une fin qui commence ».

    Définition parachevée quelques pages plus loin par la suivante :

    « Ils s’avancèrent vers les villes est un

    Rêve

    Dont on ne se souvient pas une

    Phrase dont on se souvient

    Leur éclat

    — Glyphe ou graphème —

    D’alphabet ».

    Ainsi le lecteur se trouve-t-il d’emblée confronté à sa propre fin. Le livre est l’amorce (les prolégomènes) de cette fin annoncée. La mort préside au grand œuvre de Françoise Clédat. « La Disparition suprême » est confirmée par l’exergue emprunté à Stéphane Mallarmé (fragment 46 d’Hérodiade). Qu’enrichissent les réflexions sur la mort d’Alvaro Mutis — « Chaque poème un pas vers la mort » —, de Heiner Müller — « Dans le vide de l’air, élucubrations de têtes pourries » — et de Montaigne — « Tout ce qui est au-delà de la mort simple me semble pure cruauté ».

    Le prologue est à lui seul un poème riche en pistes où engager la réflexion et la lecture. Outre les deux définitions qui éclairent le sens du projet de la poète sont évoqués le rapport nom / nombre, le glissement « euphonie / acrophonie / cacophonie », pris dans le « bégaiement de l’histoire », l’opposition « meurtre » / « amour » ; oubli / anamnèse ; le travail érudit qui a présidé à l’élaboration du grand poème épique de Françoise Clédat :

    « A vif

    Fréquentation hallucinée

    Livresque

    De la

    Destruction ».

    Pareille à l’archéologue cherchant à assembler les tesselles exhumées du sol, Françoise Clédat assemble patiemment, chapitre après chapitre, les poèmes des villes et, aède accomplie, recompose l’histoire de chacune d’elles en une épopée qui la caractérise, à la fois précise et documentée, mais aussi très personnelle. Ainsi du long poème de Xandu — Xanadu I /Xanadu II — qui, remontant l’histoire des exaltantes épopées de Marco Polo et de Kubilaï Khan, croise le rêve du poète Samuel Taylor Coleridge – A Vision in a Dream – « Vision de poète halluciné » reprise au XXe siècle par Jorge Luis Borges dans l’une de ses Enquêtes.

    Magnifique poème,

    « Histoire d’or

    écrite

    encre noire

    calame de bambou sur papyrus

    unique manuscrit original

    en écriture verticale mongole

    subsistant à nos jours »

    qui se clôt dans « La Vie belle » par ces vers étroitement liés à la poète, conception et art (le X au centre) :

    « L’auteure sort de la

    phrase du rêve

    Rejoint dans le texte

    Une qui a pris nom « croise l’épée »

    Par tel croisement

    Rêve et texte

    Lui font en exit signe d’exister

    Appel au monde par où

    naît

    Sort

    Effrayant sortir d’être si grand

    si peu

    Que boucles bordent

    X refend » (in X [NÉE SOUS]).

    Écrire serait alors « Défaire pour faire », s’effacer pour faire advenir l’autre. Pour ce faire, il convient de retrouver le « contexte perdu », de le ramener à la surface pour en révéler la forme, la procédure, l’horreur. Avec, pour certaines des villes avancées, une comptabilisation exacte du nombre de bombes lancées et du nombre de victimes. Le travail de recherche sous-tend le travail poétique. Pourtant, face à l’entreprise à accomplir, le doute s’insinue sous forme d’interrogations qui fragilisent la poète :

    « N’ayant légitimité victime ni témoin

    Ne savons où notre place pour

    en écrire

    Ni si cette place existe ».

    Cependant la poésie demeure. « Fragile » et « paradoxale ». Elle est garde-fou, injonction préventive, peut-être :

    « Ne pas oublier la poésie ».

    Le nombre de poèmes varie selon la ville qui est présentée (de 1 à 4). Mais viennent s’ajouter d’autres poèmes qui appartiennent à la seconde section, celle que la poète a intitulée « La Vie belle ». Cet intitulé n’apparaît que dans la table des matières. Ainsi donc l’ouvrage se présente-t-il sous une forme labyrinthique qui ne se dévoile qu’en cours de lecture. Le labyrinthe dans lequel le lecteur se trouve happé – la lecture des poèmes et le décryptage des villes s’avèrent passionnants – est un labyrinthe de la destruction.

    La Vie belle. Est-ce une antiphrase ? Ou bien le lecteur va-t-il pouvoir s’octroyer une pause, une respiration ? Les deux sont envisageables. De manière alternée. Ainsi de l’aleph. Les deux poèmes intitulés « Alzheimer » sont consacrés à la mère de la poète. « Alzheimère ». À l’image « dégradée » que la mère aimée présente :

    « AL — Heim —

    Ma mère en maison

    Déraison ».

    Construits sur le tâtonnement de la pensée – un terme par ligne —, les poèmes disent l’image inversée de la mère à partir de mots en « d » qui ponctuent la description propre à la sénescence : « déraison » / « défuie » / « décrite » / « détruite » / « édenté » / « dégradante » / « dégradée » / « dentelles ».

    Suivent trois autres poèmes pour dire l’amour / la mort. Françoise Clédat triture déstructure travaille sur les associations phoniques élide compose associe scinde en néologismes les mots valises qu’elle crée au passage : « verbenommant » / « démeurt » / « dé-joug » / « insuffire  ».

    Parfois, usant d’une barre oblique (slash), elle disjoint un syntagme d’un autre.

    L’amour / la poésie sont les contrepoids nécessaires, vitaux, pour rétablir un semblant d’équilibre dans l’univers ténébreux qui est le nôtre. Quel autre pouvoir ? Quelle autre force possible ? Cela peut-il suffire ? Ne pas renoncer.

    Au rébus que l’histoire insensible « à nos sens » présente comme une forme tentaculaire innovant sans cesse dans la course au désastre, Françoise Clédat cherche la douceur. Elle la trouve dans le contact de la main qui se prête à la caresse. Le poème devient parfois poème en prose, empreint d’une douceur inattendue. C’est là, au cœur de ces enroulements de phrases, que Françoise Clédat dévoile un peu plus d’elle-même, toujours avec réserve. Le « je » s’investit de sa présence, revenant sur le passé et sur l’enfance (perdue). Une anamnèse de l’intime s’affirme.

    « […] [S]itôt le poème enregistré la légèreté m’est revenue son flux de gaieté, c’est alors que je nous ai pris par la main. »

    Sans pour autant que la poète perde de vue la violence qui conduit à la mort :

    « Comme

    C dire animaux doux mots avant que

    Conduits à l’abattoir ».

    Dans ces moments de douceur ressurgit l’éros qui dit la jouissance jumelle partagée du doux lien de l’échange. Mais toujours plane, par-delà les extinctions multiples, sa mort d’elle. Silencieuse souterraine lovée dans les sinuosités de la phrase, sûre dans sa lenteur qui va vers sa fin composée de multiples fines particules d’instants qui construisent une vie pour mieux la déconstruire, la défaire pour aller insensiblement vers une silencieuse extinction :

    « Je vis en avant de ma consumation à peine si je sais qu’elle me suit toutes mes vies passées réduites à cette mince traîne résiduelle mèche lente qu’alimente la flamme qui la détruit sa course vers une extrémité que nulle explosion ne dynamise mais simple épuisement de substance ma silencieuse extinction ».

    Un Grand Œuvre que ce livre sur l’écriture. Une somme impressionnante passionnante bouleversante. À lire à relire dans la lenteur, dans le désordre des lettres et des villes. Inépuisable livre d’une immense richesse qui, par-delà le dessein de la poète, recèle des poèmes d’une émouvante beauté. Poèmes où plane la présence absence de l’aimé, à jamais perdu.

    « Quand prise ne suis qu’à ce moment je prenne oh ! entière corps mien par tien d’âme à jamais ne distingue tant aimer ce comble

    Qu’être prise c’est prendre oh ! par creux et manque t’appelle et tue n’être que flux

    Tout en toi monte miroir ce qui monte mien oh ! regarde et me prends que prise et reprise sans fin te prendre. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli







    Françoise Clédat  Ils s'avancèrent vers les villes





    FRANÇOISE CLÉDAT


    Françoise Clédat





    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante [note de lecture de Marie Fabre]
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    La nuit de l’ange (note de lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
    L’Ange Hypnovel (extrait)
    A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (note de lecture d’AP)
    (où le chant sans l’organe) (extrait d’EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    [Se calmer. Reprendre souffle] (extrait de Mi(ni)stère des suffocations)
    Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    Une baie au loin (Turnermonpère) [note de lecture d’AP]
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)




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  • Françoise Clédat | Gemelle



    GEMELLE

    j’y mêle
    vile
    et femelle



    Comme
    C dire animaux doux mots avant que
    Conduits à l’abattoir




    1



    Comme me promenant dans la campagne sous le ciel immense un pur sourire m’est venu aux lèvres je nous ai pris par la main toi petit garçon moi petite fille à dévaler le chemin dans le dernier soleil suspendu au-dessus des bois noirs, à respirer la bonne odeur des génisses qui nous enveloppait soudain le long des prés humides, j’ai pensé qu’il n’y avait qu’à toi que je pouvais parler de l’odeur des génisses, que toi qui pouvais la respirer avec moi au présent de notre commune enfance rire et rire encore de ses rajeunissants effets de génissement, et en telle confusion de sonorités me suis arrêtée —ayant un instant cru tenir, quasi indolore, la lettre de notre jeunesse perdue.






    GEMELLE



    2



    Comme partie de la maison pour aller vers la rivière il faisait presque chaud bien qu’en hiver la campagne silencieuse et vide — la faillite maternelle m’est tombée dessus je ne suis parvenue à la secouer qu’en écrivant sur mon smartphone le silence de la campagne l’obsolescence de sa splendeur (carnet emporté mais crayon oublié sur la table), sitôt le poème enregistré la légèreté m’est revenue son flux de gaieté, c’est alors que je nous ai pris par la main.






    GEMELLE



    3



    Comme elle aime et doux mots avant que magnifiée par leurs
    échanges caressants
    la double forme d’une érotique que relancent l’évocation de ton corps — le désir fou la jouissance inépuisable qu’il suscite — et cette autre évocation que fait lever ta voix par-delà la teneur des propos et l’entente qu’ils manifestent, une proximité si confiante qu’elle approche au plus près une région que je relie à cette gémellité d’enfance que toi seul me fais éprouver.




    Françoise Clédat, « GIMMEL, GIMAL, GHIMEL ou GUIMEL (c, g) », Ils s’avancèrent vers les villes, Tarabuste éditeur, Collection DOUTE B.A.T., 2017, pp. 59-61.







    Françoise Clédat  Ils s'avancèrent vers les villes





    FRANÇOISE CLÉDAT


    Françoise Clédat





    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d’AP)
    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante [note de lecture de Marie Fabre]
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    La nuit de l’ange (note de lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
    L’Ange Hypnovel (extrait)
    A ore, Oradour (lecture d’Isabelle Lévesque)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (note de lecture d’AP)
    (où le chant sans l’organe) (extrait d’EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    Mi(ni)stère des suffocations (lecture d’AP)
    [Se calmer. Reprendre souffle] (extrait de Mi(ni)stère des suffocations)
    Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    Une baie au loin (Turnermonpère) [note de lecture d’AP]
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)




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  • Ludovic Degroote | [Autour figé, amorti, sans attente]



    [AUTOUR FIGÉ, AMORTI, SANS ATTENTE]




    Autour figé, amorti, sans attente, comme si on y était nous aussi défait de tout mouvement, porté là ailleurs, avec seul dans la gorge qui grommelle le nœud qui grossit ; on regarde, le temps de s’arrêter ça ne veut rien dire, on s’imagine tout reconnaître, on ne voit rien.





    Ni vraiment dehors ni dedans totalement, on s’échappe de tout sans sortir de rien, on marche, on continue, ciel bleu, ciel gris, mer bleue, mer grise.





    Ça vient de si loin, une simple résonance qui atteint, et secoue ; sur la digue, dans le vent, c’est bon. Même sans vent, et même sans digue. Brut c’est meilleur.





    Emboitant le pas, toujours en train de se quitter, écrivant ailleurs, d’une même voix.





    Ce qu’on vit pèse plus que la solitude des autres réunie. On est généreux le temps d’un mot, qui dure le temps qu’on le dit.





    On est là les yeux fermés, exactement comme si c’était une attente. Quand la pluie mouille, l’intérieur est d’abord atteint au cœur, ça va ensuite autour ; là où l’intérieur et le dehors se confondent c’est le plus impossible à toucher, là où la tête repose, au plus près.





    L’imprécision du vide au-dedans emporte tout, pas grand-chose qui ne nous y ramène, la digue, on la recommence — pas plus en dehors d’elle-même ne tiennent les choses qu’elles ne tiennent à l’intérieur de nous.





    Coincé au milieu du flot portant devant, on se retourne sur des images qui reviennent sur les mots qu’elles cachent quand on veut les balayer, les images, elles font comme si elles calmaient les choses, et nous dans le même temps.





    Les mots qui se tiennent au-dehors sont écrits du bout du corps, ils ont quitté l’histoire qui les a menés à cette solitude, pas de paix davantage, ça ne ralentit rien, au bout les cadavres s’empilent, par falaises, comme une épaisse image couleur millefeuille foncé.





    Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes, 1995, rééd. 2017, pp. 35, 36, 37.







    Ludovic Degroote  La Digue 2






    LUDOVIC DEGROOTE


    Vignette ludovic degroote
    Source



    ■ Ludovic Degroote
    sur Terres de femmes

    Am Timan, Tchad (extrait de ligne 4)
    [chacun nous vivons avec des polyphonies intérieures] (extrait de Monologue)
    [j’aimerais faire quelque chose de tout ça] (extrait de josé tomás)
    josé tomás (lecture d’AP)
    Monologue (Sotto voce de Jean-Louis Giovannoni)
    Retisser la trame déchirée (note de lecture de Sylvie Fabre G.)
    un peu plus au bord
    zambèze (lecture d’AP)
    3 ciels d’ici
    Christine Delbecq | Ludovic Degroote, ChaosCarton




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  • Marie Alloy | [Taire]



    [TAIRE]




    Marie Alloy  L'Empreinte du visible 3
    Source







    Taire.

    Le silence de la peinture pour enterrer les mots.

    Trop de mots encore, dedans, dehors et face à face.

    Devant la peinture, le silence n’est pas mutisme mais murmure du visible en deçà des mots.



    Lumière fluctuante, comme les lieux, temps, saisons.

    Juste un pays de peinture, sans frontières, avec un sol et un horizon, à découvrir en l’inventant et le donnant à voir.

    Terre peinte qui tient sa réalité de n’être pas du monde réel mais ouvre une possibilité en nous de mieux le recevoir.

    Peinture, terre réelle qui permet d’accéder à la réalité du poème et du réel vivant.



    Morceaux de mots que la couleur extrait de la matière traînée par le geste jusqu’à constituer la chair même de la peinture. Palimpseste d’écritures peintes formant paysage mental plus qu’exploration picturale.

    Ici millefeuille de pensées parmi les couleurs et les empreintes. Ici forêt de mots invisibles sous les branches et les reflets du ciel.

    Là, ronces entremêlées de visions, désirs inaudibles comme vapeurs montées de la peinture même. Nature touffue, complexe, profusion enchevêtrée de fougères et lianes incommensurables où se sont effacés les derniers mots du regard.



    […]



    D’un seul mot, d’une seule tache de couleur, naît un monde, à entrevoir, ne fût-ce qu’un instant. Balayée par le vent des gestes, la toile se lève, au gré du temps intérieur, de la main légère ou du cœur lourd, de la pensée occupée ou de la grâce soudaine.

    La toile serait un archipel de tentatives, le regard en suspens avant le geste, la couleur choisie par intuition, la forme comme trouvée dans un ciel de traîne à la recherche d’une embellie soudaine.



    Marie Alloy, « Avec et sans les mots » in L’Empreinte du visible, Éditions Al Manar, Collection “La Parole peinte”, 2017, pp. 34-35-36.






    Marie Alloy  L'Empreinte du visible 2






    MARIE   ALLOY


    Marie-Alloy-atelier-20131
    © Ph. JP Vidal
    Source





    ■ Marie Alloy
    sur Terres de femmes

    Cette lumière qui peint le monde (lecture d’Isabelle Lévesque)




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Marie Alloy
    → (sur le site de Marie Alloy)
    une page sur L’Empreinte du visible




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  • Ovide | Hermaphrodite



    HERMAPHRODITE



    Leuoconé a dit. L’histoire merveilleuse a captivé les oreilles :
    Des filles nient qu’elle ait pu avoir lieu, d’autres rappellent que les vrais
    dieux peuvent tout. Mais Bacchus n’est pas parmi eux.
    On réclame Alcithoé, ses sœurs se sont tues.
    De sa navette elle fait courir les fils sur sa toile dressée :
    « Je tairai, dit-elle, les amours du berger
    Daphnis, de l’Ida, qu’une nymphe en colère contre une rivale
    a changé en rocher : si grande la douleur qui brûle les amants.
    Je ne dirai pas qu’autrefois, sous une loi nouvelle de nature,
    Sithon a été ambigu, un peu homme, un peu femme.
    Je ne dirai rien de toi, maintenant diamant, autrefois très fidèle au petit
    Jupiter, Celmis. Des Curètes nés d’une large pluie
    ou du Crocus changé avec Smilax en petites fleurs,
    je ne dirai rien : je captiverai vos esprits d’une douce nouveauté.
    D’où lui vient sa mauvaise réputation, pourquoi dans ses eaux de mauvaise vigueur,
    Salmacis énerve et ramollit son corps qui y est plongé ?
    Écoutez. La cause est cachée, le pouvoir de la source est célèbre.
    Un enfant de Mercure et de la déesse de Cythère
    est nourri par les naïades sous les grottes de l’Ida.
    Il a un visage où mère et père
    peuvent être reconnus : son nom aussi il le tire d’eux.
    Il fait trois fois cinq années, il quitte
    les montagnes paternelles et laisse l’Ida nourricière,
    se réjouit d’errer en lieux inconnus, de voir des fleuves
    inconnus, le plaisir amenuise sa fatigue.
    Après les villes de la Lycie, celles de la Carie,
    voisines de la Lycie : il voit ici un étang d’eau
    diaphane jusqu’au fond du sol, ici ni roseaux de marais,
    ni algues stériles, ni joncs de pointe aigüe,
    mais une surface transparente : les bords du lac sont cerclés
    d’un gazon vif et d’herbes toujours bien vertes.
    Une nymphe y habite. […]



    Ovide, Les Métamorphoses, Livre IV, 271-302, Éditions de l’Ogre, 2017. Traduit du latin par Marie Cosnay. Texte latin établi par Georges Lafay. Préface de Pierre Judet de La Combe. Postface de Marie Cosnay. Prix de traduction Nelly-Sachs 2018.




    Ovide Sachs






    OVIDE




    ■ Ovide
    sur Terres de femmes


    Pretium vitae (extrait d’Amores)
    Héroïdes, Lettre de Didon à Énée
    Tristes Pontiques, traduit du latin par Marie Darrieussecq (note de lecture d’AP)
    Tristes Pontiques (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des Éditions de l’Ogre)
    la fiche de l’éditeur sur Les Métamorphoses d’Ovide (Traduction du latin par Marie Cosnay)




    ■ Voir encore ▼


    → (sur Terres de femmes)
    16 décembre 2019 | Marie Cosnay, La malle d’Algérie




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  • Jacques Lovichi | [la femme qui n’est pas dans ma maison]



    [LA FEMME QUI N’EST PAS DANS MA MAISON]



    1. La femme qui
    n’est pas
    dans ma maison
    pour y bourdonner comme ruche
    celle dont je n’entends
    jamais
    sonner le pas
    galet que retourne la vague
    est absence
    comme la mer
    veillant aux frontières du vide

    elle est la femme
    qui
    n’est pas
    au monde.




    2. Celle qui m’eût aimé
    peut-être
    et qui peut-être m’eût haï
    a oublié de naître
    un jour
    et c’est un vide à ma fenêtre
    un silence pour mon retour
    une absence
    comme l’amour

    elle est
    la femme qui n’est pas
    au monde.




    3. Celle que j’attendis
    en vain
    aux seins lourds
    à la croupe ronde
    et dont parfois je rêve encor
    à la fois
    brune    rousse    blonde
    avec bientôt des fils d’argent
    celle qui
    contre moi
    s’endort
    sans laisser de trace sur ma couche
    est absence
    comme la mort

    elle est la femme qui n’est pas au monde.



    Jacques Lovichi, « LAMERLAMOURLAMORT chanson », in Mythologies de haute mer et autres textes, Jacques André éditeur, Collection Poésie XXI n° 40, 2017, pp. 43-44-45.






    Lovichi  Mythologiees de haute mer 2
    JACQUES LOVICHI



    Lovichi Portrait 2





    ■ Jacques Lovichi
    sur Terres de femmes

    Mort du Sultan des Asphodèles (+ une notice bio-bibliographique)
    Mourir dans l’île (lamentu)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Jacques André éditeur)
    la notice de l’éditeur sur Mythologies de haute mer




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  • 8 février 2008 | Friederike Mayröcker, Scardanelli

    « Poésie d’un jour

    Éphéméride culturelle à rebours



    SUR LE COBENZL



    ce petit coin de terre où l’hydrant peint
    en bleu : clapote tandis que les cimes des chênes
    vers le Cobenzl : gravissant le sentier forestier presque plat bordé
    d’enclos à chevaux où aussi ânesses et chèvres
    rouges puis gagnant le rondeau belvédère où le regard vagabonde
    des hauteurs obscures aux vallées éclatantes : uni mur-
    mure du fleuve entre leurs bras, plus tard
    la part sombre de la forêt où PARENTES voix de miel d’oiseaux
    jusqu’au sentier où les humides (phalliques) racines
    tandis que du ravin terriblement surgi à
    droite les bêtes dociles : brebis laineuses remontaient comme
    si des ailes leur étaient poussées — ah cette urgence de saisir ta
    main pour ne pas devoir céder au besoin
    de me précipiter dans l’abîme (à celui dépourvu de fleurs)
    lorsque l’œil malade le gauche se mit à larmoyer : le cil
    1 pure fontaine battante 1 ondée de larmes les lachrymae,
    John Dowland

    8.2.08



    Friederike Mayröcker, Scardanelli [Suhrkamp Verlag, Berlin, 2012], Atelier de l’agneau éditeur, Collection transfert, 2017, page 22. Traduit de l’allemand (Autriche) par Lucie Taïeb. Postface de Marcel Beyer.






    Scardanelli 2





    FRIEDERIKE MAYRÖCKER


    Friederike Mayrocker
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur En attendant Nadeau)
    Dans les jardins étrangers (lecture de Scardanelli de Friederike Mayröcker par Mireille Gansel)
    → (sur aller aux essentiels)
    d’autres extraits de Scardanelli



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  • Françoise Clédat, A ore, Oradour

    par Isabelle Lévesque

    Françoise Clédat, A ore, Oradour,
    Le phare du cousseix, 2017.



    Lecture d’Isabelle Lévesque




    Cecile Reims
    Gravure originale de Cécile Reims
    pour l’édition « grand papier » – tirage limité
    d’A ore, Oradour
    Source







    AUJOURD’HUI ORADOUR



    Une voix humaine et simple souffle dans les poèmes des mots courts : « (ces enfants) ». S’agit-il d’un chœur, d’une conscience qui s’exprime ? Rien de démonstratif ni d’ostentatoire dans ce lamento où passe le silence des morts.

    Et maintenant, Oradour, où dans nos mémoires ? De quoi Oradour est-il le nom ? Quel est le sens de cet épisode monstrueux ?

    La première partie du poème de Françoise Clédat précise l’étymologie latine du nom propre. Orador, en occitan, c’est un oratoire, mot formé sur os, oris qui désigne la bouche, celle qui crie. L’histoire d’Oradour est pleine de cris. Elle commence avec ceux du crieur public qui rassemble la population, continue avec ceux des soldats lançant leurs ordres. Puis ce sont les cris des victimes.

    Les sons du nom du village se dispersent dans d’autres mots, comme « adorer », verbe qui appelle un complément. Quel autre complément que « ces enfants », si nombreuses jeunes victimes ? On entend distinctement « or », l’adverbe temporel, qui signifie « à cette heure », aujourd’hui, en ces différents mots car Oradour échappe à tout champ de signification ordinaire.

    Tout, dans le lexique, dans son apparente simplicité, semble entrer naturellement dans le poème fondé avec évidence sur la lettre [o]. « O de Œil (phénicien ‘ayin) », est-il précisé. Car notre lettre [o] est héritée de la lettre phénicienne appelée ‘ayin. C’est l’origine, mais aussi le néant, enseigne la kabbale. « O », bouche qui crie et vortex où tout disparaît, là vit le cœur du livre.

    Le passé simple claque au milieu des présents, il coupe en deux le temps (avant/après), l’heure a sonné :

    cercle d’

    Origine

    la pupille

    n’être plus qu’initiale qui fut

    Organe

    au noir de chaque œil fœtus effaré

    (dans le ventre de sa mère conçu pour la

    catastrophe et tous deux l’ignorent)

    Un commentaire isolé énonce l’absurde : c’était donc pour cette fin que les mères avaient conçu et porté leurs enfants ? La logique bascule et place le scandale entre parenthèses, isolément, aveuglément comme une excroissance monstrueuse du poème. Impossible de s’échapper. Suivront les conséquences déployées sur plusieurs vers : le silence « criant » des enfants, la vie réduite, de l’œil à la bouche. Le cri resté en suspens :

    œil

    comme bouche

    troué

    Les corps ont été brûlés, démembrés, pour empêcher toute identification. Les parenthèses marquent le scandale, indicible tant est faible le dire. L’arrachement du jeune être réduit dans l’adverbe léger, répété, « à peine », puisque la vie à peine amorcée a été ôtée.

    Quelques vers des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné, à la rescousse, sont cités, qui relient entre eux des massacres à quatre siècles de distance. Le poète baroque épouvanté évoque le « vieillard », à qui tout est ôté : « Que ce corps ruiné de bresches en tous lieux, / Laisse voler l’esprit dans le chemin des cieux ».

    Les enfants d’Oradour ont connu ce destin dans l’église de leur village. Ce village, la poète le dit « si pareil au [s]ien », comme une mère est si pareille à une autre mère et un enfant à un autre enfant.

    La deuxième partie du poème répète les récits des rares survivants de ce 10 juin à 16 heures :

    Les enfants des écoles

    les bébés dans les bras de leurs mères

    les femmes

    tout le groupe des enfants des femmes

    par soldats armés conduits vers l’église

    « [C]ercle » et « population encerclée » se font écho dans ce poème où le polyptote a déjà donné ses munitions de mots. La tournure passive livre les innocents au massacre, simplement (on est alors passé de l’acéré des vers de D’Aubigné à la simple évocation en parataxe des victimes et du fait). L’église est le lieu clos des prières, des oraisons, c’est l’oratoire originel d’Oradour. Comme l’oculus phénicien protège les bateaux, l’église devrait protéger les fidèles rassemblés, 350 femmes et enfants. Vers l’inexorable : « conduits », « attente », « pas encore peur ». Cette fois le cri, qui voudrait le pousser ? Le lecteur ? Le poète ?

    Les soldats furent enfants avant d’être soldats

    Obéissance forcée ou volontaire c’est

    un enfant toujours qui devient un soldat

    Les soldats de la division Das Reich étaient âgés d’à peine vingt ans. Leurs mères pensaient sans doute à eux alors qu’ils tuaient d’autres mères et grands-mères, d’autres enfants :

    le plus jeune des enfants a huit jours,

    six ont moins de six mois

    L’obéissance des soldats était-elle encore celle de l’enfance ? Était-elle « forcée ou volontaire » ? (Des « Malgré-nous » composaient aussi la division de soldats.)

    Le meurtre sera perpétré sur celui que fut le soldat, sur l’enfance qu’il a vécue. À cette équation imparable contribuent les reprises de mots qui tissent le texte et rapprochent peu à peu les êtres humains (victimes / bourreaux) les uns des autres.

    La coupe des vers place à l’attaque et en évidence le [o] obsédant de l’horreur :

    Mon enfant est-il m

    ort asphyxié par manque d’

    oxygène inhalation d’

    oxyde de carbone arrêt cardiaque hém

    orragie avant que les flammes ne le m

    ordent ivre de peur et de d

    ouleur […]

    Chaque mot coupé nous fait buter pour aboutir au mot « ogre ». Mais contrairement à ceux des contes, les « ogres » ici ont des noms, ceux des officiers qui commandèrent le massacre : Lammerding, Diekmann, Kahn, Barth, tous d’abord enfants d’une mère. Le massacre rejoint les autres barbaries — toutes se ressemblent en terme d’horreur et ce [o] polymorphe et asséné devient signe de ralliement pour ceux que la raison a désertés — qui aboutissent au carnage :

    Occis enfants

    des

    Oradours de Biélorussie Grèce Italie Tchécoslovaquie

    des

    Osmaniyés d’Arménie

    des actualisés massacres d’

    Occident Afrique Orient Moyen-Orient

    La troisième partie montre ce qu’ont vu les hommes arrivés après le départ des soldats, sans invention, dans la parole sèche des constats des témoins (on aurait aimé que soient citées les sources précises de ces témoignages et les noms des témoins) :

    Deux enfants enlacés

    Un enfant assis tête penchée

    Petits restes dans voiture d’enfant

    Consumés

    Certains démembrés

    Crânes jambes bras thorax

    Petit pied dans un soulier

    Jonchant le sol ou pêle-mêle hâtivement

    Jetés dans fosse l’

    Odeur

    (Ont raconté l’odeur)

    Et puis ce sont les gestes d’après, rassemblés en des infinitifs qui sonnent comme des devoirs terribles (déblayer, exhumer, transporter…), ils aboutissent au décompte effrayant des victimes.

    La dernière partie du poème nous place dans les ruines d’Oradour aujourd’hui, classées, immobiles pour conserver la mémoire de l’horreur. Or la conjonction du titre nie le nom, or rien ne peut être dit par la poésie qui soit parlant :

    conjonction de ce qui s’écrit échoue à écrire

    Le cri du livre répond au silence des bouches closes.



    Isabelle Lévesque
    D.R. Isabelle Lévesque
    pour Terres de femmes






    Françoise Clédat  A ore  Oradour






    FRANÇOISE CLÉDAT


    Françoise Clédat





    ■ Françoise Clédat
    sur Terres de femmes

    L’Adresse de Françoise Clédat | Portrait d’Iseut en survivante [note de lecture de Marie Fabre]
    Quoi de toi mort quand mort ? (extrait de L’Adresse)
    La nuit de l’ange (note de lecture d’AP sur L’Ange Hypnovel)
    L’Ange Hypnovel (extrait)
    EtnaXios, autour de l’oiseau-fauve-vautour de Françoise Clédat (note de lecture d’AP)
    (où le chant sans l’organe) (extrait d’EtnaXios + notice bio-bibliographique)
    Gemelle [extrait d’Ils s’avancèrent vers les villes]
    Ils s’avancèrent vers les villes (lecture d’AP)
    Mi(ni)stère des suffocations (lecture d’AP)
    [Se calmer. Reprendre souffle] (extrait de Mi(ni)stère des suffocations)
    Rivière et Alaskas (lecture d’AP)
    (maintenant je git) [extrait d’Une baie au loin]
    Une baie au loin (Turnermonpère) [note de lecture d’AP]
    [Disparition] (extrait de Petits déportements du moi)
    Du jour à personne
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    Je vis une histoire d’amour
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Françoise Clédat (+ un extrait d’EtnaXios)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le phare du cousseix)
    la fiche de l’éditeur sur A ore, Oradour




    ■ Autres notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris




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  • Février 2012, Oran | François Beaune, La Lune dans le puits

    Éphéméride culturelle à rebours



    ORAN, FÉVRIER 2012



    En 2001, me raconte Abdeslam dans un restaurant de poissons vide, je suis rédacteur en chef de La Voix de L’Oranie, un petit canard sans prétention.

    Ce jour-là, on m’annonce qu’il y a eu un massacre dans le village de Granin, près d’Arzen. Je m’y rends de très bon matin, et je prends avec moi un appareil photo, car je fais aussi des photos pour le journal.

    On arrive au village. Les gens m’embrassent pour les condoléances. Ils me disent tous que leurs fils ne sont pas morts égorgés, mais par balles. Et on sent qu’ils veulent s’en convaincre. Pour éviter la culpabilité, par déni, pour ne pas penser à leurs souffrances. Des couteaux aiguisés ont pu faire souffrir la victime, et plus elle souffre, plus elle est lavée de ses péchés.

    Je me rends au carrefour où selon mes sources dix personnes ont été égorgées. Les terroristes ont établi un faux barrage et ont tué les passagers d’un Karsan Peugeot, un genre de minibus. En effet le Karsan est bien là, ainsi qu’une voiture et une moto. Il y a du sang partout, une casquette, un paquet de cigarettes ouvert. Les gens ont été massacrés à la pioche, à la hache et ensuite au couteau. Ceux qui n’ont pas résisté ont été sacrifiés comme des moutons. Les autres ont tenté de lutter. Deux gars d’Arzen, qui allaient assister à un mariage, ont été éventrés et énucléés. Je fais des photos.

    Arrive une 4L. Deux jeunes hommes devant, et une femme à l’arrière. Elle a un certain âge. Les jeunes lui montrent une tache de sang, entre deux palmiers nains : c’est ici, expliquent-ils.

    Elle plonge sur l’endroit et se met à embrasser la flaque séchée. Ses doigts s’enfoncent dans la terre. Elle relève la tête, le soleil passe à travers les aiguilles du tamaris, et là je rate la photo de ma vie, mais je n’ose pas, la douleur de cette dame, dans le sang de son fils, me touche au fond du cœur, et j’ai peur de m’en prendre à son âme.



    François Beaune, La Lune dans le puits, Histoires vraies de Méditerranée, éditions Gallimard, Collection Verticales, 2013 ; éditions Gallimard, Collection folio, n° 6289, 2017, pp. 350-351.






    François Beaune  La Lune dans le puits






    FRANÇOIS BEAUNE


    François Beaune
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur La Lune dans le puits de François Beaune




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  • Lionel Ray | Résurrection



    Lionel Ray Sete 2017
    Lionel Ray au festival Voix Vives
    de Méditerranée en Méditerranée (Sète),
    juillet 2017
    D.R. Ph. Guy Bernot
    Source







    RÉSURRECTION



    Même le blanc sera couleur nocturne
    Nous serons solitaires parmi les ruines
    Dans l’attente vaine d’un futur antérieur

    Les pages elles-mêmes nous serviront de masques
    Têtes sanglantes comme celle du Baptiste et les fenêtres
    N’ouvriront plus que sur des horizons fantasques

    Nous connaîtrons des ruissellements d’aristoloches
    Des vacillements des fanfares
    Des élégances de diamant de stèle de menhir

    Des cristallisations de volubilis des lectures d’eau morte
    Entre estampes et caprices désastres et triomphes
    Et les oiseaux qui s’évaporent sous le soleil

    Des effondrements de ciels profonds et soudain
    Habitables En attendant le colloque des traces
    Des coulures les semis des étincelles

    Enfin les plus hautes tours Il y aura des matinées
    Heureuses au fil des rivières nous saluerons
    La patience des heures les dernières glaces

    La musique sinueuse des labours et la germination

    Enfin d’un éternel sommeil



    Lionel Ray, « La neige du temps » in Souvenirs de la maison du Temps, poèmes, Éditions Gallimard, Collection Blanche, 2017, pp. 73-74.






    Lionel Ray  Souvenirs de la maison du Temps





    LIONEL RAY


    Ray Kobel
    Lionel Ray au festival Voix Vives
    de Méditerranée en Méditerranée (Sète)
    le 27 juillet 2010
    Ph. : Pierre Kobel
    Source





    ■ Lionel Ray
    sur Terres de femmes

    Navigation interstellaire (poème extrait d’Entre nuit et soleil)
    Tu cherches la lettre perdue (poème extrait de Syllabes de sable)
    [Tu serais un arbre calme] (autre poème extrait de Syllabes de sable)
    Viatique



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Souvenirs de la maison du temps
    → (sur Texture)
    une lecture de Souvenirs de la maison du Temps par Michel Baglin
    → (sur le site de L’Humanité)
    Lionel Ray lisant un extrait [« Théâtre »] de Souvenirs de la maison du Temps au festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée (Sète) le 24 juillet 2017
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Lionel Ray
    → (sur le site de Poésie/première)
    une page sur Lionel Ray
    → (sur La Pierre et le Sel)
    « Lionel Ray, poète lyrique à trois têtes », une contribution de Jean Gédéon



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