Étiquette : 2017


  • Jean Le Boël | [femme noire | toujours vêtue de ta couleur]


    [FEMME NOIRE | TOUJOURS VÊTUE DE TA COULEUR]
    (extrait)



    à Léopold Sédar Senghor



    femme noire
    toujours vêtue de ta couleur
    et de la lumière

    voici que tu n’es plus nue
    voici qu’ils vocifèrent
    qu’ils colonisent ton ventre
    qu’ils te veulent leur esclave volontaire

    femme
    qu’il leur faut violer
    et sans trêve soumettre
    jusqu’à ton nom qu’ils interdisent
    fille de la négritude

    de qui de quoi se vengent-ils

    oublient-ils ton sein
    et ta main qui les façonnèrent

    n’entendent-ils ton cri et ta voix
    qui toujours est vie

    j’avais rêvé crocodiles, barrissements
    et palabres sous l’arbre
    palmeraies paisibles et industrieuses
    peuples dignes partageant
    les fruits de la terre aux mille couleurs

    j’ai vu des villes énervées
    énormes
    pressées de poussière
    et d’ordure

    j’ai reconnu la violence et la misère
    les vieilles lunes qu’on ressasse
    dans l’oubli de ses propres fautes
    les chimères de l’argent et de l’exil

    j’ai douté

    jusqu’à ton bras
    jusqu’à tes yeux
    pleins de fraternelle lumière

    ce qui te manque ce n’est pas la mer
    l’océan glauque et aveugle de toute sagesse
    ni les collines boisées
    de l’étroit paradis des peurs enfantines

    c’est le sommeil qui n’a
    pas de rêve
    pas de corps
    qui a dévoré ses envies
    qui a bu toutes les soifs
    et se meurt dans l’indifférence polie des pierres



    Jean Le Boël, et leurs bras frêles tordant le destin, éditions Henry, Collection Les Écrits du Nord, 62170 Montreuil-sur-Mer, 2017, pp. 61-62-63. Couverture d’Isabelle Clement.






    Jean Le Boël  et leurs bras frêles tordant le destin,






    JEAN LE BOËL


    Jean Le Boël
    Source




    ■ Jean Le Boël
    sur Terres de femmes


    [Ce lien que nous étions] (extrait de Clôtures)
    [il se peut que](extrait de Jusqu’au jour.Prix Mallarmé 2020)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la SGDL)
    une notice bio-bibliographique sur Jean Le Boël





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  • Daniel Blanchard | [Année après année]






    Daniel Blanchard  Bruire 4
    Dessin de Farhad Ostovani,
    in Daniel Blanchard, Bruire, L’Atelier contemporain, p. 11.







    [ANNÉE APRÈS ANNÉE]



    Année après année,
    L’horizon par-dessus les yeux.
    Je regarde en arrière.




    Un piano lointain,
    le tourbillon des martinets…
    le soir tombe sur nous.




    Le regard fugitif
    sur la rivière en fleur s’endort.
    Halte brève….




    Le ciel qui précipite,
    voile de neige sur les yeux…
    Une pensée sans mots.




    Eau qui remue dans l’eau,
    haleine au fil du vent tiède…
    (souvenir d’un regard)




    Daniel Blanchard, Bruire, L’Atelier contemporain, François-Marie Deyrolle éditeur, 2017, pp. 22-23-24.
    Dessins de Farhad Ostovani.







    Daniel Blanchard  Bruire




    ______________________________
    NOTE : Ouvrage disponible en librairie le 14 novembre 2017.






    DANIEL BLANCHARD

    Daniel Blanchard
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    la fiche de l’éditeur sur Bruire de Daniel Blanchard
    → (sur le site de L’Atelier contemporain)
    d’autres extraits de Bruire [PDF]
    → (sur le site de P.O.L éditeur)
    une fiche bio-bibliographique sur Daniel Blanchard
    → (sur lelitteraire.com)
    une note de lecture de Jean-Paul Gavard-Perret sur Bruire





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  • Hélène Lanscotte | [pas seulement le nombre la multitude]


    [PAS SEULEMENT LE NOMBRE LA MULTITUDE]



    pas seulement le nombre la multitude qui juxtapose
    pareillement

    pas seulement les tournesols à face noire la dessiccation
    de leurs tiges l’abandon résigné

    mais l’absorption dans la surface le laminé clinquant
    la disparition des vivants l’obéissance des œillères dans
    les yeux

    seulement la solitude qui s’en va vers tout ce qui est seul
    vers ce qui jamais ne s’unira à elle

    encore la clandestine




    pas seulement déjouer l’évidence en revenir stupéfaite
    chaque fois infléchir la tête la fleur dans son œuvre

    mais encore se laisser aller à la joie pour ne pas mourir




    pas seulement le lapidaire précieux comparable étonnement

    mais la reprise fine le raccommodage de fils par-delà la
    béance des rompus enjoints de poursuivre chevauchées
    d’allées et de venues pour l’épaisseur de l’histoire en son
    nom

    encore le choix d’unir les nœuds



    Hélène Lanscotte, Ajours, 43 ouvertures pour commencer le jour, Éditions Isabelle Sauvage, Collection présent (im)parfait, 2017, pp. 21-22-23.






    Lanscotte.jpg 3






    HÉLÈNE LANSCOTTE


    Helene Lanscotte




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Hélène Lanscotte
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Ajours d’Hélène Lanscotte





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  • Nimrod, Gens de brume

    par Angèle Paoli

    Nimrod, Gens de brume,
    éditions Actes Sud, Collection Essences, 2017.



    Lecture d’ Angèle Paoli




    J’AI ATTEINT LE SUD DE MON ÊTRE




    Parler du sortilège des parfums n’est pas chose aisée. S’il y a un orfèvre en la matière, c’est bien le poète Nimrod. Avec ce petit opus intitulé Gens de brume, le poète offre au lecteur son coffret de santal. Un écrin, tout nouvellement arrivé, d’où émanent tout à la fois les odeurs de l’enfance et les exhalaisons envoutantes de l’adolescence ; puis bien d’autres fragrances où s’affrontent et se rencontrent souvenirs de Provence et d’Italie, saveurs de saisons de voyages et toute une gamme de sensations qui s’osmosent dans le creuset magique des phrases de Nimrod. Ici, dans ce texte subtil, s’opèrent toutes les correspondances avec un talent et une élégance dont seul le poète des bords du Chari détient le savoir et le secret. Peut-être la brume qui émane du fleuve joue-t-elle un rôle dans l’atelier de parfumeur du poète ? Peut-être contribue-t-elle à ce qu’advienne la magie ?

    C’est au bord du fleuve que se forge le sortilège. Dès l’enfance. Rien de plus puissant que cette montée dans la lenteur qui ouvre la voix aux parfums. De là il prendra son envol, déploiera ses essences majestueuses et s’accomplira pleinement sous d’autres cieux, en terres de Provence, « sur la route des vignes » où le vol même d’« une buse esquissait le profil d’un improbable flacon. »

    Trois temps pour traverser le temps d’une vie, trois temps concentrés dans l’exigence d’une écriture pour dire ce qui fut « le parfum d’estime » composé au saut du lit par l’enfant. Avec pour sésame l’odeur alléchante de « la bouillie de riz à la pâte d’arachide » concoctée par la mère. Avec la mère, le cosmos est tout entier contenu dans le grain de riz, cette « étoile comestible », savamment préparée. La dégustation de la bouillie s’accompagne du sourire maternel et le bonheur se lit dans les regards échangés/esquivés.

    « Des senteurs d’amande, de lait, de miel et de soleil caressent la peau de mon visage comme si quelque puissance migrait de mon ventre vers mon sternum en passant par ma gorge pour s’échapper en sueurs toutes fines par le milieu de mon crâne »

    Soudain relayée sur le chemin de l’école par l’odeur des harengs, l’odeur première semble un moment menacée. Heureusement, les manguiers veillent. « Gardiens de la mémoire », ils obligent l’odeur de harengs, cependant elle aussi très prisée par l’enfant, à refluer pour laisser le passage à celle du sucre. Quelques pages encore pour dire le baptême fluvial noyé, sur les bords du Chari, par la présence imprévue de la « fiancée mystique ». Odile. La fée. La grande initiatrice de la « carte du tendre » du poète — embaumé des « fragrances d’Onalia » dont le « parfum subtil ne se développe qu’une fois » — s’éloigne. Le premier ravissement cède la place à un tout autre, celui de la libération d’un amour. « Je suis si faible soudain, comme ravi par la pensée d’être enfin libéré d’Odile. » Cependant quelque chose d’infini et d’éternel demeure, à jamais gravé sous la peau du jeune homme. Une langue particulière, constellée de toutes sortes d’odeurs qui se marient se superposent se croisent et rivalisent :

    « Cette première amorce de discours sur le parfum accroît son importance en moi, qui le rend aussi insaisissable qu’une luciole dans les plis de la nuit. »

    Quelques pages, enfin, pour évoquer le temps de Sauve, temps adulte, amours et séparations, et le poète de conclure ce récit enchanteur (à plus d’un titre) avec ces mots qui disent la quiétude :

    « Assurément, j’ai atteint le sud de mon être ! Je me suis acquis un royaume inespéré. Chaque atome respiré, c’est comme si en son sein un ver à soie filait l’étoffe de mon futur linceul. J’y mourrai en transparence, parfumé par des mûres qui le sont tout autant. »

    Ainsi se clôt le récit d’une vie tout entière tissée par le soin de trois femmes. Trois initiatrices. Expertes en onguents et en charmes odorants. Trois amantes. Passion/Séparations/Libérations.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Nimrod  Gens de brume





    NIMROD


    Nimrod-02
    Ph. D.R. Olivier Roller
    Source





    ■ Nimrod
    sur Terres de femmes


    Des « paroles plus précieuses que l’or » (chronique d’AP)
    L’enfant n’est pas mort (lecture d’AP)
    [J’ai aimé ma mère] (poème extrait de Sur les berges du Chari, district nord de la beauté)
    [je suis la dernière figure de l’homme] (poème extrait de Babel, Babylone)
    L’herbe (poème extrait d’En Saison)
    Sous les étoiles
    Sur les berges du Chari (lecture d’AP)
    [Tu poseras ton faix] (poème extrait de J’aurais un royaume en bois flottés)
    Le roman s’achève (poème extrait de Petit Éloge de la lumière Nature)
    Le Temps liquide (lecture d’AP)
    En remontant le Lac Tchad (extrait du Temps liquide)
    La Traversée de Montparnasse (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Point)
    un entretien de Nimrod avec Valérie Marin La Meslée
    → (sur e-littérature.net)
    une fiche bio-bibliographique et de nombreux articles d’Alice Granger sur les ouvrages de Nimrod
    → (sur fr.wikipedia)
    une fiche bio-bibliographique sur Nimrod





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  • 4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]

    « Poésie d’un jour

    Éphéméride culturelle à rebours


    [SOUS LE BRUISSEMENT DU SANG]



    Sous le bruissement du sang, ce qui parle.
    En haut, dans l’éclat terne, le geai bleu
    et roux. Laisse entrer le monde, disait-il.

    4 novembre 2012



    Il se frotte l’œil, regarde tout autour.
    Quelque chose en lui s’arrête. Soudain,
    il ne voit rien d’autre que ce qu’il voit.

    5 novembre 2012



    Le goût du café, la danse des mésanges.
    Ça se rapproche, dit-il — la lumière entre
    et se retire —, c’est presque là.

    6 novembre 2012



    Vite, pense-t-il, vite. Le jour est bas. Quelqu’un
    hurle quelque part. Comment l’entendre ?
    Comment ne pas l’entendre ?

    8 novembre 2012



    Une fois encore — la même — le pouce
    blessé, la brume qui refait les couleurs
    et le coq aveugle dans le silence de midi.

    11 novembre 2012



    Ensuite — ensuite ? — une clarté tombée
    du haut parmi ailes et feuilles. La terre
    pèse un peu plus, dit la voix.

    11 novembre 2012



    Et maintenant, refaire maintenant : la
    main, le ciel, le buisson et la lampe. Les
    mots sont des doigts. Ce qui parle ne
    dit pas mais montre.

    12 novembre 2012



    Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri, tweets, Éditions Érès, Collection Po&psy in extenso, Toulouse, 2017, s.f. Dessins de Danielle Desnoues.






    Ancet - quelque chose comme un cri - tweets




    JACQUES ANCET


    Jacques Ancet
    Source




    ■ Jacques Ancet
    sur Terres de femmes


    [Le chant du même oiseau n’a pas cessé de me poursuivre] (extrait de Huit fois le jour)
    Dans l’indéfini (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’égarement
    L’identité obscure (extrait du chant 9 de L’Identité obscure)
    [Je cherche] (extrait de L’Âge du fragment)
    Image et récit de l’arbre et des saisons (lecture d’AP)
    Je reviens
    [On dit quelqu’un] (extrait des Travaux de l’infime)
    On voit toujours (extrait de Puesto que él es este silencio)
    Oublier l’heure (extrait de Chronique d’un égarement)
    L’âge du fragment (extrait de La Vie, malgré)
    [Mais c’est parce qu’il est tard] (extrait de Voir venir Laisser dire)
    14 juillet | Jacques Ancet, Comme si de rien
    10 décembre 2001 | Jacques Ancet, Un morceau de lumière
    4 novembre 2012 | Jacques Ancet [Sous le bruissement du sang, tweet]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Érès)
    la fiche de l’éditeur sur Quelque chose comme un cri de Jacques Ancet
    → (sur Esprits Nomades)
    une page Jacques Ancet
    Lumière des jours, le blog de Jacques Ancet





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  • Matthieu Gosztola | [Les masques | Nous parlent]



    Villa d'Este  Tivoli
    Ph., G.AdC
    Les masques | Nous parlent | À chaque instant








    [LES MASQUES | NOUS PARLENT]




    Les masques
    Nous parlent

    À chaque instant
    Ils nous disent

    Nous parlant
    Ils parlent de nous

    Nous parlant
    Ils nous font advenir

    Qu’advient-il de nous ?
    Qu’advient-il de vous ?

    Chaque « je » est un « nous »
    Chaque « je » est un « vous »

    *

    Vous vous retournez
    Pour parler

    Vous parlez

    Vous vous taisez

    Vous faites
    Quelques pas

    Vous ouvrez
    La première porte

    Vous entrez
    Dans le jardin

    Vous effleurez
    Les ruines
    Avec votre émotion

    (Votre émotion
    Est une main
    Frémissante)

    Ce que vous voyez
    Partout
    C’est ce qui redonne

    (Ces ruines
    Ce ne sont pas des ruines)

    À notre langue
    À nos mœurs

    Leur mystère
    Et leur sensibilité

    Chaque fois
    Que vous lisez Hypnerotomachia Poliphili
    Vous en êtes convaincu

    Davantage



    Matthieu Gosztola, « III. Les masques » in Ce masque, éditions des Vanneaux, 2017, pp. 163-164.






    Matthieu Gosztola  Ce masque.jpg 2







    MATTHIEU GOSZTOLA


    Matthieu-gosztola
    Source



    ■ Matthieu Gosztola
    sur Terres de femmes

    15 juillet 1925 | Matthieu Gosztola, lettre-poème (extrait de Lettres-Poèmes | Correspondance avec Gaudí)
    Matthieu Gosztola, Lettres-Poèmes | Correspondance avec Gaudí (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    le site de Matthieu Gosztola





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  • Emmanuel Moses | [Je ferme les yeux]


    [JE FERME LES YEUX]



    Je ferme les yeux et je vois une ombre, sans visage, sans bouche
    Une ombre, rien de plus
    Oui, ce matin-là il s’est passé quelque chose sur le quai devant l’hôtel
    Sous les palais décrépis et jaunes hantés par des centaines de générations de fantômes
    Je crois me souvenir d’un couple de tourterelles sur le rebord d’une fenêtre
    De chiens errants, efflanqués et aux prunelles ardentes
    D’un vieillard apparu soudain en haut des marches qui de la ruelle descendaient jusqu’au fleuve
    Ce vieillard aurait-il baragouiné quelque phrase sur l’arbre en le pointant du doigt ?
    Je pense que là où la mémoire faillit, s’arrête abruptement, la fiction prend la relève
    Sans même qu’on y fasse attention d’ailleurs
    Mais dans mon cas, où s’arrête la mémoire et où commence la fiction ?
    Et si elles étaient aussi étroitement mêlées dans mon récit que les tresses des jeunes filles de là-bas [?]



    Emmanuel Moses, Dieu est à l’arrêt du tram, Gallimard, Collection blanche, 2017, page 20.






    Emmanuel Moses  Dieu est à l'arrêt du tram





    EMMANUEL  MOSES


    Emmanuel_moses_didier_pruvot_flammarion
    Ph. © Didier Pruvot/Flammarion
    Source





    ■ Emmanuel Moses
    sur Terres de femmes


    Dona (lecture d’AP)
    [Aujourd’hui j’ai ouvert le journal de l’éternité](autre extrait de Dieu est à l’arrêt du tram)
    [La pluie donne un soir inachevé](poème extrait de Dona)
    La fleur « Shortia » (extrait de Polonaise)
    [Derniers feux](extrait d’Ivresse)
    Ivresse (lecture de Gérard Cartier)
    [Je suis allée au puits](extrait de Comment trouver comment chercher)
    [La mer, à peau de cétacé](extrait du Paradis aux acacias)
    Quatuor (lecture d’AP)
    [Mais voilà il y a un au-delà des apparences](extrait de Quatuor)
    Tout le monde est tout le temps en voyage (lecture d’AP)
    Tardives (poème extrait de Tout le monde est tout le temps en voyage)
    [Mettre un éléphant dans un poème](extrait d’Un dernier verre à l’auberge)
    [Le cahier vide et le cahier qui se remplit](extrait du Voyageur amoureux)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Galaade)
    une notice bio-bibliographique consacrée à Emmanuel Moses
    → (sur le site des éditions Galimard)
    la fiche de l’éditeur sur Dieu est à l’arrêt du tram d’Emmanuel Moses





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  • Pierre Voélin | [Être dans le pas des chevaux] [To Follow The Horses’ Hoof Steps]


    [ÊTRE DANS LE PAS DES CHEVAUX]



    Être dans le pas des chevaux
    et leurs crinières blanchies par le froid
    et leurs pas plus lents sur les prés mouillés

    ou le longe des lisières immobiles
    avec le loir ou le soleil chauve

    à naître
    à disparaître
    dans la courbe des étoiles ocellées
    Père de toute fin et des commencements

    à l’abri d’une clairière là-bas
    avec les colchiques et l’herbe rase
    dans le tintement grêle des sonnailles
    au plus lointain de la mémoire des feuilles



    Pierre Voélin, « Dans la langue des fougères » in La Lumière et d’autres pas, La Dogana, Collection « Poésie », Genève, 1997, page 58.







    Voelin_lumiere








    [TO FOLLOW THE HORSES’ HOOF STEPS]



    To follow the horses’ hoof steps
    and their manes whitened by the cold
    and their slower gait over the wet meadows

    or along the motionless edges of woods
    with the dormouse or the bald sun

    to be born
    to vanish
    in the curve of the eyelike stars
    Father of every end and all beginnings

    in the shelter of a clearing down there
    with the autumn crocuses and the mowed grass
    in the shrill jingling of the bells
    in the remote reaches of the memory of leaves



    Pierre Voélin, “In the Language of Ferns”, Light and Other Footsteps/La Lumière et d’autres pas, in To each unfolding leaf, Selected poems: 1976-2015, The Bitter Oleander Press, New York, 2017, page 181. Translated from the French by John Taylor.







    Pierre Voélin  To Each Unfolding Leaf






    _______________________
    Le 13 novembre 2017, à Lausanne, la Fondation Pierrette Micheloud remettra son Grand Prix de Poésie 2017 à Pierre Voélin, pour l’ensemble de son œuvre.






    PIERRE VOÉLIN


    Voelin-nb
    Ph. © ladogana.ch
    Source





    ■ Pierre Voélin
    sur Terres de femmes

    Le nom des pluies (extrait de Sur la mort brève)



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la Fondation Rilke)
    une notice bio-bibliographique sur Pierre Voélin
    → (sur empreintes.ch)
    une fiche de Nathalie Riera sur To each unfolding leaf, Selected poems: 1976-2015 [PDF]
    → (sur le site de la Radio Télévision Suisse francophone)
    Pierre Voélin : « Des Voix dans l’autre langue » (Entre les lignes, 7 août 2016)





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  • Seyhmus Dagtekin | [Ville se déguisera]


    [VILLE SE DÉGUISERA]




    Ville se déguisera       en
    chemin cunéiforme
    en nuage boisé en       bois
    qui dévore ses rennes
    champ qui engloutit ses chemins
    lac qui ne sait choisir sa couleur
    maison qui recrache ses cannes
    en bonhommes de neige sur les routes
    /
    Ville se déguisera       en singe
    en cerf       en sanglier qui ne
    se reconnaît dans ses reflets
    elle se changera en       miroir
    qui dévore ses images
    /
    Ville se fardera en champ
    qui coupe ses ailes
    pour ne plus avoir à voler
    elle se révèlera faim
    se révèlera               soif
    qui n’a plus à se dire ni rêve
    ni                      sommeil
    au pied de nos belles montagnes



    Seyhmus Dagtekin, Dès que mon pied touche l’eau (extrait) in Phœnix, Cahiers littéraires internationaux, numéro 26, Été 2017, pp. 16-17.






    Phoenix 26 2






    SEYHMUS DAGTEKIN


    Seyhmus Dagtekin
    Source



    ■ Seyhmus Dagtekin
    sur Terres de femmes

    Je voudrais (poème extrait d’Au fond de ma barque)
    Rêves légers, nuit claire (poème extrait d’Élégies pour ma mère)
    [Te voici entre routes et sables] (poème extrait de Juste un pont, sans feu)



    ■ Voir aussi ▼

    le site officiel de Seyhmus Dagtekin
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien de Cécile Guivarch avec Seyhmus Dagtekin (juin 2009)





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  • Alain Freixe, Contre le désert

    par Angèle Paoli

    Alain Freixe, Contre le désert,
    L’Amourier éditions, Collection “Fonds Poésie”, 2017.



    Lecture d’ Angèle Paoli




    DU POÈTE AU MARCHEUR, LES MÊMES ANNEAUX DE SOLITUDE ET DE SILENCE




    Qu’y a-t-il « derrière les étangs », « derrière les cols », « derrière les jours » ? Et qu’y a-t-il, au-delà, derrière les fenêtres avaleuses de ciel, de nuages, sinon le noir béant sur le vide ?

    Puisqu’il faut accepter le gouffre pour pouvoir habiter « l’Abîme de l’existence humaine », il faut entrebâiller les ouvertures, pratiquer l’écart, s’infiltrer dans les interstices laissés apparents derrière « les lunettes d’approche » — expression empruntée par Alain Freixe à une toile de René Magritte (La Lunette d’approche, 1963), et intitulé du poème d’ouverture. Faire reculer sans cesse les étendues toujours plus grandes du désert. Et s’insurger, peut-être, s’il est encore possible de le faire, avec ce peu qui reste « contre ». Contre l’avancée toujours plus prospère de ce qui musèle, et aller voir, avec un œil qui écoute, ce qui murmure encore sous les pierres. Rester en éveil « contre toutes les réquisitions du monde ». C’est ce qu’Alain Freixe invite à faire, à travers les fragments rassemblés dans son dernier recueil poétique — Contre le désert —. Aller chercher, derrière les murs, derrière ce que l’œil à lui tout seul ne peut voir ou se refuse à voir. Solliciter « l’œil au-delà de l’œil ». Aller fureter derrière « [c]e que cache la vue » (Bernard Noël). Pour cela, « jouer de l’oblique, aborder de côté, du côté de la coulisse ». Et tenter, par ces subterfuges — reflets, « emblèmes, « images », « miroirs » —, d’approcher cet insaisissable que le poète travaille au corps (des mots), d’en cerner la substance. Il y a le ciel, ses mouvances liquides, l’eau des ruisseaux et des étangs. Avec, inaccessibles mais toujours présentes, les montagnes, leurs promesses de solitude et de silence.

    « La solitude et le silence. Deux anneaux. Deux ondes. Deux rythmes accordés. Serpent noir qui ondule jusqu’à se cacher dans ma langue. » (« L’automne est sans pitié » in « Reprises »)

    « Les miroirs ?/On les traversera », affirme le poète en conclusion du poème liminaire et en réponse à sa première interrogation-négation : « Les miroirs ?/On ne s’en guérira pas. » Comment ? Et par où traverser ?

    « Dans la nuit des poèmes », écrit Alain Freixe. Et il ajoute : « Ou celles des images ». « Quand l’œil fend les paupières et la langue les secrets. »

    Tant pis si le miroir est « vide ». Pourvu qu’il soit « vivant ». Car que cache-t-il derrière ses reflets ? Rien de sûr, ni de réconfortant. Rien que le fracas du monde et ses eaux tellement noires, tellement désespérées qu’il arrive que le poète, avec d’autres, ait envie « de mettre le ciel des mots à l’orage ». Et « de faire voler en éclats toutes les portes de la réalité. » Le vent de la révolte gronde qui rugit contre ce qui reste. « Ravin noir et mouillères obscures. »

    « Que l’arrière passe devant ! Le dessus dessous !

    Que le rien d’en haut fasse nid ici.

    Que dans les éclats. Les brisements. S’établisse un calme de débâcle »

    s’insurge Alain Freixe.

    Quant aux images, le poète en revendique l’usage, haut et clair :

    « Oui, j’ai besoin d’images

    de prises de sang

    sur le monde

    de prises de vue

    de cadrages

    et leur hors-champ

    des images

    et ce vent

    qu’elles descellent

    dans les murs

    de l’air »

    Les images, comme les miroirs, sont indispensables au poète, car elles font partie du gué. Elles offrent une possible passerelle entre des univers étrangers l’un à l’autre. Associant les contraires, créant échos et correspondances. Couleurs et murmures se fondent, sans transition des unes aux autres. Elles sont aussi expression d’un espoir, lien désirable entre hier et demain :

    « l’avancée toujours possible

    vers d’autres images

    d’autres mots

    d’autres jours »

    (« Le sens le soir les images » in « Reprises »)

    Elles font perdurer la passion, au-delà de ce qu’elle fut, comme il se dit dans cette très belle strophe du poème « Le blanc de l’églantier » :

    « Faudra-t-il ces trous dans la langue, ces images qui au fil tendu du poème font ombre si grande que le désir y risque sa chanson perdue pour qu’au bout ce soit enfin le jour, quelque chose comme un matin et ses braises où suspendu un feu tremble dans l’absence des flammes  ».

    En aucun cas, le poète ne peut se satisfaire des apparences. Il s’agit pour lui de faire rendre à la langue ses forces insaisissables. Ses secrets. Libre est le poète, qui libère les eaux de la rivière et libère les mots. Dès lors, suivre le poète dans les poèmes-jalons qui forment gué, d’une section à l’autre du recueil. Lui emboîter le pas. Avec lui repriser les images du passé avec celles du présent, les reprendre, morceaux de prose, poèmes, les remâcher, revenir en arrière pour relever, reprendre encore et renouveler, d’une forme poétique à l’autre, ranimer la pigmentation des couleurs. Et accepter de se perdre. Dans le labyrinthe des paysages des mots des souvenirs des images. Accepter de se risquer, avec le poète, dans la fusion imprévue des éléments du langage :

    « Main risquée dans l’écart des noms, se cognant parfois aux parois d’un défilé de langue, perdant des eaux dans un labyrinthe de rocs et d’écume ».

    Accepter de se laisser surprendre dans le dernier poème par l’adresse inattendue et mystérieuse « À la belle matineuse », ce motif très Rinascimento étant peut-être ici une métaphore de la langue.

    Le miroir, chez le poète, prend des formes multiples. Ainsi retrouve-t-il son côté inversé dans la combe au fond de laquelle coule la Castellane. De même la rivière dans son miroitement. Qui sépare un présent que n’émaille plus qu’une « ardente et triste lumière » d’un passé où la vie se vivait dans les livres.

    Avec les miroirs, ses feux et ses jeux, s’en viennent la lumière, ses plissés innombrables et changeants sur l’eau des étangs et froissements des feuilles dans les arbres. Pourtant, « [à] regarder, entre hier et aujourd’hui », le poète s’avoue « sans prise/sur ce paysage/debout sur les jours ».

    « c’est d’autres yeux

    dans mes yeux

    qu’il me faudrait voir

    s’ouvrir

    c’est d’autres syllabes

    qu’il me faudrait épeler »

    avoue-t-il, dans le même poème : « J’habite une autre nuit ».

    Les yeux s’attardent sur les couleurs. Hier lumineuses, fanées aujourd’hui. Les couleurs comme la lumière ont pris des teintes passées, progressant vers « la transparence d’un blanc laiteux ». Pour que se produise à nouveau le fusionnement des sensations et que le bleu retrouve l’intensité aveuglante d’un « ciel en majesté », il faudrait faire jouer les « lunettes d’approche ». Peut-être alors, couleurs/rumeurs/formes, toutes pourraient se mettre de la partie. Il faudrait que l’œil écoute afin d’assurer le passage du dehors vers le dedans.

    Il ne reste dès lors qu’à repriser/reprendre/relever les mots d’hier avec ceux d’aujourd’hui pour réconcilier passé et présent, images englouties encore perceptibles mais qui échappent à une emprise heureuse.

    « Je m’endors j’écris

    où les routes sont coupées

    et les pas assurés

    de s’égarer. »

    Que reste-t-il, lorsque le sentiment dominant est celui d’une perte irrémédiable ? Pour un homme tel qu’Alain Freixe, si intensément proche de la nature, de son souffle primordial, de sa puissance, il reste à s’élancer vers les hauteurs. « C’est le moment de prendre le chemin de la montagne, l’heure d’aller vers celle qu’on ne pénètre pas, celle qui entre en vous. Cornes hautes du pic Madres », écrit-il dans le poème en prose « Sans plus attendre ». Car de la montagne le poète connaît le langage. Des signes qui ne trompent pas l’interpellent et le poussent à grimper, toujours plus avant « derrière les cols » ; « à s’enfoncer dans toujours plus de silence ». Non pas pour s’approprier cette part d’elle qui résiste, impénétrable, mais pour se laisser prendre par elle. Inversion des rôles de l’amant et de l’amante. Du poète au marcheur, ce sont les mêmes anneaux de serpents qui structurent l’âme entière, vouée à la solitude et au silence.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Alain Freixe  Contre le désert




    ALAIN  FREIXE


    Alain Freixe par Marc Monticelli





    ■ Alain Freixe
    sur Terres de femmes

    Contre le désert (lecture de Michel Diaz)
    Bleu plié au noir
    Septième pas (extrait de Comme des pas qui s’éloignent)
    Vers les riveraines (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Vers les riveraines (lecture d’AP)
    À l’étrangère (extrait de Vers les riveraines)
    [on serait à couvert sous les arbres] (autre extrait de Vers les riveraines)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de L’Amourier éditions)
    une page sur Contre le désert
    → (sur Terres de femmes)
    Alain Freixe & Raphaël Monticelli | Chère
    P/oésie, le blog d’Alain Freixe : La poésie et ses entours
    → (sur Terres de femmes)
    Serge Bonnery et Alain Freixe, Les Blessures de Joë Bousquet, 1918-1939 (lecture d’AP)





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