Étiquette : 2018


  • Janine Gdalia | Ni d’ici ni d’ailleurs




    NI D’ICI NI D’AILLEURS




    Ni d’ici ni d’ailleurs

    Ramallah
    à la lisière de Jérusalem
    Quelques kilomètres
    Un autre monde
    Passer le checkpoint
    Entrée de prison à ciel ouvert
    Justifier de son identité, de l’objectif

    Le franchissement d’une frontière
    Une frontière entre « pays » ennemis

    La guerre dure trop longtemps
    Le cessez-le-feu remonte à
    un demi-siècle au moins

    Des Palestiniens parfois
    se transforment en assassins

    La peur est là

    Je suis de l’autre côté
    c’est ainsi que me voient les Palestiniens
    Juive soutenant Israël

    Je suis aussi de l’autre côté pour les Israéliens
    Juive soutenant les Palestiniens

    Une fois encore
    Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs

    Je suis pour la paix
    Je suis pour le droit

    Israël a le droit d’exister et de se défendre

    Israël doit se libérer des territoires comme le disait déjà en 1967 Yeshayahou Leibowitz.

    Mon cœur a tremblé en 67
    j’ai cru à une nouvelle extermination

    Mon cœur a soupiré ensuite

    Depuis mon cœur est triste et en colère

    J’ai rêvé avec Sadate, espéré avec Arafat et Rabin.
    J’ai pleuré.
    Je pleure encore

    Aujourd’hui l’horizon est bouché

    Faut-il que des frères s’entretuent sans fin ?

    À Ramallah j’ai pu admirer la beauté de la ville, ses pierres blanches, ses façades. Sa prospérité dans un Orient moderne loin de ce que l’on dit de Gaza libéré de l’occupation israélienne depuis tant d’années.

    J’ai pu admirer ces femmes poètes, fortes sincères, ces femmes dont je me sens si proche, ces poètes de Palestine, ceux du monde arabe et d’ailleurs tous réunis en poésie pour la paix, le dialogue.

    Il manquait cependant à cette fraternité rieuse, chaleureuse, la présence de l’Autre.
    La paix aura fait un pas décisif quand ils seront réunis à Ramallah ou à Haïfa ou Tel-Aviv.
    Mes mots étaient les leurs me dirent plusieurs d’entre eux
    Ceux de leur souffrance
    Éternel déchirement de quitter le pays natal
    De vivre l’exil

    Demain on trouvera le chemin vers la paix !



    Janine Gdalia in Requiem pour Gaza (Collectif de 30 poètes), Color Gang édition, Collection Urgences, 66470 Saint-Génis-des-Fontaines, 2018, pp. 96-97. Préface d’Adonis. Postface en forme de dialogue entre Vincent Calvet et Aymen Hacen.






    Requiem pour Gaza





    JANINE GDALIA





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Color Gang édition)
    une notice bio-bibliographique sur Janine Gdalia (+ un entretien)
    → (sur le site de Color Gang édition)
    la fiche de l’éditeur sur Requiem pour Gaza
    → (sur La Cause Littéraire)
    Requiem pour Gaza, Collectif (lecture de Didier Ayres)





    Retour au répertoire du numéro de mars 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes

  • François Cheng | [Consens à la brisure]




    Haute tour François Cheng
    Ph., G.AdC






    [CONSENS À LA BRISURE]




    Consens à la brisure, c’est là
    Que germera ton trop-plein
    De crève-cœur, que passera,
    Un jour, hors de l’attente, la brise.

    Entre cime et abîme, orage,
    Un faucon guette l’instant de halte.
    À flanc de falaise, une souche
    Lui tend le bras, comme lui hors d’âge.

    Haute tour, tu nous élèves à ta vue, portée
    Par le souffle du soir. Le vol de l’aigle nous rend proche
    L’âme errante des Anciens, mais à l’horizon,
    Ceux qui s’en vont, peu à peu, s’effacent dans la brume.

    Au sommet du mont et du silence,
        rien n’est dit, tout est.
    Tout vide est plein, tout passé présent,
        tout en nous renaît.



    […]




    ENVOI



    Ne quémande rien. N’attends pas
    D’être un jour payé en retour.
    Ce que tu donnes trace une voie
    Te menant plus loin que tes pas.




    François Cheng, Enfin le royaume, quatrains, Éditions Gallimard, Collection blanche, 2018, pp. 50-53, 153.






    Cheng  Enfin le royaume



    FRANÇOIS CHENG


    Cheng
    Source




    ■ François Cheng
    sur Terres de femmes

    L’appel de la mer
    Longtemps à longer cette eau sans âge
    [Oui, nous suivrons le sentier]
    Rose d’indigo
    [Suivre le poisson, suivre l’oiseau]
    Tango toscan



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de l’Académie française)
    une bio-bibliographie de François Cheng





    Retour au répertoire du numéro de mars 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Éric Sautou, La Véranda

    par Angèle Paoli

    Éric Sautou, La Véranda,
    Éditions Unes, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    CE « PRESQUE RIEN À SE DIRE »




    Existe-t-il un lieu plus propice à la rêverie qu’une véranda ? Dans l’imaginaire de tout un chacun, rêve et véranda sont corrélés. En premier lieu, par l’envol du [v] et la vibration du [ʀ]. Une balancelle entre le dedans et le dehors. Entre l’intime et l’étendu. Entre des mondes poreux dont les frontières s’estompent, qui laissent toujours filtrer un rai de lumière. Qui dit véranda dit aussi exubérance florale, chaleur tiède, même au plus vif de l’hiver. La véranda, ses verrières qui captent et le jour et la nuit, convoquent l’exotisme d’un monde floral odoriférant et une démultiplication amplifiée de l’univers.

    Mais rien de semblable dans la véranda d’Éric Sautou. La véranda du poète s’ouvre sur un exergue singulier, à deux personnages claudicants dont les voix ne se rencontrent pas :

    « Voix du rêve, dis-moi ton nom –

    (mais Voix-du-Rêve ne peut rien) »

    Cela déjà est un indice fort.

    Par-delà, les feuilles que l’on y trouve sont souvent (tombées). Comme les fleurs. Et la pluie y est davantage présente que le soleil. C’est que le recueil intitulé La Véranda est une embarcation fragile habitée par les souvenirs liés à la mère défunte, à qui le livre est dédié. « En souvenir de Marcelle Sautou (1928-2014) ». Jadis occupée par la mère, la véranda est ce lieu habité par la mémoire d’un temps arrêté. Depuis longtemps. Sur la solitude et sur la lenteur, sur la répétition des menus gestes du quotidien, sur une semblance de silence et de suspens. Sur l’attente infinie du fils. Et sur l’appréhension de son départ.

    « (c’est toi qui me manques qui me manques le plus) »

    « (mais tu t’en vas déjà) ».

    Le temps appartient au passé, un passé perdu dans le lointain :

    « (c’était il y a déjà longtemps) ».

    Un passé auquel s’est substitué un présent réduit par la vieillesse à une effluence insipide, enclose dans une monotonie qui efface :

    « est-ce que je dors

    est-ce que je vis »

    confie la mère. Et s’effacent ses certitudes. Ce qu’elle est, ce qu’il est. Ce qui compte pour elle est pourtant qu’il soit là. Se contenter de sa présence. Lire ensemble côte à côte. Cette simplicité-là. Est-ce ce qui la rattache à la vie, à elle-même ? À lui ?

    Ainsi, tout, dans la véranda de la mère, est-il empoissé dans le ralenti d’un temps qui passe à l’identique sans que jamais rien ne se passe vraiment. Tout semble être pris dans une sorte d’engluement qui génère le recommencement du même. La répétition inchangée de ce peu dont sont tissés les jours. Ce qu’il reste d’une vie, d’un partage ancien – « d’avoir été deux nous sommes » – se résume à peu de mots. Les mots eux-mêmes se sont absentés. Restent « les feuilles  »/« les fleurs »/« la pluie »/« l’arbre (un olivier) »/« les choses »/« les jours »/« le jardin »… Avec l’absence du fils, le vieillissement, le sentiment d’une vie devenue sans objet, (in)signifiante. Avec, pour unique horizon, la mort.

    La mort est comme la pluie. Elle se manifeste par effleurements « (c’est à peine s’il pleut) » ; à peine suggérée, la mort :

    « il n’est ici que tristesse attendre que frôle (que frôle) ».

    La mort est une passagère furtive. Jamais elle ne s’attarde. Mais elle revient, jour après jour.

    « la mort

    est une idée qui passe (et puis le jour d’après) ».

    Quant à l’échange avec le fils, il se fait davantage dans le silence qu’avec des mots :

    « presque rien à se dire

    nous étions

    mère et fils et c’était

    arrivé ».

    Parfois, dans le reproche de ces mots à lui, qui les éloignent plutôt qu’ils ne les rapprochent, tant l’univers du fils est une énigme :

    « tu écris bien des choses mais ça ne sert à rien

    qu’à dormir

    ou pleurer (qu’à dormir ou pleurer parfois) ».

    Pourtant ce peu qui faisait la trame indistincte des jours, la mère en éprouve le regret ; avec, noués à la gorge, les mots de cet aveu douloureux mais tellement émouvant :

    « tu sais je regrette

    mais maintenant vraiment tout ça

    oh tu sais vraiment tout ça

    que tout ça disparaisse ».

    Ce qui étreint dans la poésie de ce recueil, qui étreint au-delà de ce que nous percevons de la relation qui unit la mère et le fils, au-delà de l’émotion tendre, douce-amère, que cette relation suscite chez le lecteur, c’est la fascination qu’exercent sur la sensibilité du lecteur le jeu des répétitions et leur écho affaibli par les parenthèses. Toute la complexité de ce travail de canevas nostalgique tient dans le contraste entre l’extrême économie des moyens (brièveté des strophes, brièveté extrême du vers, extrême simplicité du vocabulaire et de la syntaxe) et la subtilité qu’entretiennent avec elle répétitions et parenthèses.

    Le poète répète, inlassablement, les mêmes mots. Il les reprend, parfois leur ajoutant une variante ou apportant une infime modification, un mot, à peine ; parfois en complétant de plusieurs mots proches par leurs consonances. La parenthèse fait partie de ces reprises. Elle est susurrement. Chuchotement du même, de peur de… Peut-être. Peur de troubler la litanie des jours, la litanie de ce qui tombe ; de ce qui n’est plus. Mais qui se poursuit dans le mouvement présent de la chute, ce mouvement de tomber qui enserre avec lui le mot « tombe ». On ne sait plus au juste ce qui tombe. Fleurs/feuilles/jours/choses. Séparément et ensemble.

    « c’était il y a déjà longtemps où les choses

    qui tombent

    (les choses ou bien les jours)

    les choses ou bien les jours les feuilles

    (tombés) ».

    Le poète raboute parfois de nouveaux syntagmes aux syntagmes déjà utilisés. Ce qui – par-delà l’effet d’écho qui se prolonge – crée un effet de labyrinthe sonore dans lequel on se perd.

    « personne n’est là je ne sais pas

    comment je fais plus le temps passe

    ce que je dis parfois je ne sais pas

    comment je fais plus le temps passe ce que je fais je ne sais pas ».

    Il arrive que la pensée trébuche sur une ellipse qui laisse la phrase en suspens mais qui rebondit trois vers plus bas, par la répétition d’un même segment. Ainsi de cet ensemble de vers :

    « c’est un autre jour de demain c’est difficile

    nous allons vers les choses qui elles aussi

    de simples feuilles

    et fleurs

    qui elles aussi ».

    Je ne sais pourquoi cette écriture, ce « presque rien à se dire », m’émeut tant. Sans doute en raison de la tonalité en mode mineur de ce recueil qui se clôt sur ce « je-ne-sais-quoi »* nommé silence.

    « deux chaises dans

    la véranda ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli



    ___________
    NOTE d’AP : j’emprunte délibérément ce « je-ne-sais-quoi » au philosophe Vladimir Jankélévitch.






    Veranda






    ÉRIC SAUTOU


    Sautou 2
    Ph. Sébastien Solidon
    Source





    ■ Éric Sautou
    sur Terres de femmes


    Beaupré (lecture d’AP)
    [c’était ça simplement ça] (extrait de Beaupré)
    [Lire les poèmes] (extrait des Jours viendront)
    [assise et seule assise] (extrait de La Véranda)
    À son défunt (lecture d’AP)
    La vie éternelle, I (extrait d’Une infinie précaution)
    [comme le héron je descends de ma fenêtre] (extrait des Vacances)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Éric Sautou
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Éric Sautou





    Retour au répertoire du numéro de février 2019
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Roselyne Sibille, Entre les braises

    par Sylvie Fabre G.

    Roselyne Sibille, Entre les braises,
    éditions La Boucherie littéraire,
    Collection « La feuille et le fusil », 2018.



    Lecture de Sylvie Fabre G.




    UNE CLARTÉ QUE L’OMBRE NE POURRA ABOLIR


    À Roselyne qui nous rappelle
    que la vie ne nous préserve de rien.



    Il y a des signes qui sont comme des apparitions. Et aux moments les plus bouleversants de notre vie, ceux qui touchent à la naissance et à la mort, à l’amour et à l’adieu, d’abord nous foudroient, puis rayonnent à l’intérieur de nous pour nous permettre d’associer à leur silence la parole où tressaillent puis se propagent les ondes de la joie ou de la douleur. Leur enfance jouxte alors leur éternité. Le signe cerné peut être une voix, un regard, la ligne d’un paysage ou d’un livre, une clarté que l’ombre jamais ne pourra abolir.

    Dans le dernier recueil de Roselyne Sibille, Entre les braises, qui vient de paraître aux éditions La Boucherie littéraire, ce signe définitif est une précieuse touche de couleur, le vert émeraude d’un regard, ce « vert d’eau », ce « vert-lumière que donne le soleil à la transparence des feuilles ». Il revient, leitmotiv au long du poème, et toujours inédit, pour y évoquer la présence, l’absence et la présence absente d’un enfant qui a choisi de se donner la mort. La choisissant, il a fait basculer la vie de sa mère dans une autre vie, incertaine et fuyante, dont elle ne sait si elle existe vraiment et où en « est la suite ». Car son être entier de mère étant atteint, elle vit désormais « les mains lasses/les doigts/le cœur trop loin/la tête à l’abri de rien ». Au début du texte en témoigne le basculement des pronoms qui la désignent : le je devient un on, comme si elle avait perdu toute conscience de soi et ne pouvait plus que laisser un moi quotidien, indéterminé, agir à sa place : « on marchera sans les jambes, on remplira la bouilloire, on versera, on servira l’infusion », séries d’actions mécaniques des premiers jours du deuil, non reliées à la chair, à l’esprit de la vivante. La mort en elle semble d’abord gagner, un incendie qui dévore tout et consume jusqu’à l’amour de jadis « devenu un inconnu ». Le vocabulaire récurrent du feu (ou aussi de la glace car en même temps, face à l’incompréhensible, « on a froid partout », écrit-elle) souligne le bouleversement de tous les sentiments ou sensations qui font la vie ordinaire. À la place se sont installées « les insécurités définitives » dont parle Juarroz cité en exergue. Roselyne Sibille montre, jusque dans la typographie du texte, la sobriété le resserrement ou la dispersion des mots au fil des pages, la manière dont la mère et la poète en elle tentent de faire face au deuil insoutenable. Atteinte dans ses fondations les plus profondes, « toute stabilité emportée par la tornade fondamentale », lui restent la révolte, le désespoir, la ruine.

    Car quelle perte peut être pire tragédie que la perte d’un enfant dans de telles conditions, et comment y faire face pour que la mort ne gagne pas aussi en soi et sur tout ? Roselyne Sibille y répond en éclairant la nécessité d’une lutte intime et le pouvoir résilient de la parole. Quand les mots eux-mêmes nous fuient, nous rappelle Entre les braises, c’est la vie qui se tarit. Cette désertion des mots d’abord « engloutis dans un gouffre », le recueil en déroule la reconquête menée au cours des mois et des années qui suivent le drame. En son cœur, la douleur infrangible et la lente montée d’un « oui ». Après « le temps des mots hannetons à la patte cassée », le retour progressif de ceux qui vont lui permettre de rester debout. Car ce sont les mots, vers ou prose (qu’importe le genre dans ce livre mêlant aussi les registres), qui lui permettent « de ne pas se laisser glisser jusqu’à plus rien ». Grâce à leur fil sur la corde d’un dramatique et d’un lyrisme économes, la narratrice va pouvoir affronter l’événement inimaginable, et les déflagrations qui en résultent, au passé présent futur. La construction du livre est à l’image de la reconstruction de la vie. Du magma initial des mots la narratrice va faire un foyer de lumière, en se frayant pas à pas un chemin hors du labyrinthe pour retrouver la juste distance, « pour que le regard vert-lumière soit tissé à sa vie, subtilement, sans la brûlure ».

    Des pages rouge vermillon* de cette brûlure, narratives, interrogatives ou méditatives, à celles ocres*, rares et brèves, du monologue intérieur au présent, se poursuit l’avancée des progrès de la mère vers la vie et l’écriture (du « plomb » du corps au « trop des mots », du « braille » du ciel aux « émeraudes » du regard), est tracé le parcours vers un consentement sans oubli et porté par une source inépuisable d’amour. La voix résonne, et dans son questionnement sans réponse sur ce fils désormais intactile cherche l’ailleurs insaisissable qu’il habite : « Trouverai-je un jour une certitude ? Nulle carte n’existe de cet ailleurs », nous confie la poète. Le tracé bien sûr n’est pas linéaire, les retours en arrière, les doutes, les effondrements sont multiples. L’avancée pourtant est inexorable. « La sonnerie du téléphone, beaucoup trop tôt le matin » la strie encore mais le poème du fils mort et de sa mère vivante s’écrit, « debout face au vide », dans la vérité du plus jamais et de l’invisible présence sur cette Terre.

    Les dernières pages, blanches*, inscrites comme les toutes premières dans le temps de l’écriture et dans la réalisation concrète du recueil, fruit désormais prêt à être livré, reviennent sur l’expérience vécue en une signifiante énumération qui rétablit définitivement le lien entre « mon fils, mon élan, mon souffle, mes mots ». Celle-ci met ainsi en lumière la matière et l’esprit, la langue et l’âme de sa traversée. Du plus intime au plus universel, en mère courageuse et poète d’une grande humanité, Roselyne Sibille la termine par un acte de foi, une ouverture offerte à elle-même et au lecteur : « l’écriture comme un fil de vie », l’écriture qui « saute le feu », nous garde, vivants et morts, nous assure-t-elle, ensemble dans son éternité.



    _____________________
    * L’alternance des couleurs de pages est une idée qui relève du choix exclusif de l’éditeur.



    Sylvie Fabre G.
    D.R. Texte Sylvie Fabre G.
    pour Terres de femmes







    Roselyne Sibille  Entre les braises





    ROSELYNE SIBILLE

    Roselyne Sibille
    Source




    ■ Roselyne Sibille
    sur Terres de femmes


    Entre les braises (lecture d’AP)
    Les Langages infinis (extrait)
    [Pose ton visage dans une brèche] (extrait de Lisières des saisons)
    Lisières des saisons (lecture de Florence Saint-Roch)
    Ombre monde (lecture de Marie Ginet)
    Roselyne Sibille | Liliane-Ève Brendel, Lumière froissée (lecture d’AP)
    Nuit ou montagne (poème extrait de Lumière froissée)
    [L’ombre est une ligne de crête] (poème extrait d’Ombre monde)
    La tendresse me racine (poème extrait du recueil Versants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le souffle des mondes
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions La Boucherie littéraire)
    la page de l’éditeur sur Entre les braises




    ■ Autres lectures de Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes


    Caroline Boidé, Les Impurs
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman
    Ludovic Degroote, Un petit viol, Un autre petit viol
    Pierre Dhainaut, Après
    Alain Freixe, Vers les riveraines
    Luce Guilbaud, Demain l’instant du large
    Emmanuel Merle, Ici en exil
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation
    Angèle Paoli, Lauzes
    Pierre Péju, Enfance obscure
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit, par Sylvie Fabre G.
    Didier Pobel, Un beau soir l’avenir
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau
    Une terre commune, deux voyages (Tourbe d’Emmanuel Merle et La Pierre à 3 visages de François Rannou)






    Retour au répertoire du numéro de février 2019
    Retour à l’ index des auteurs


    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Sylvie Fabre G. | Une terre commune, deux voyages

    Chroniques de femmes – EDITO

    Chronique de Sylvie Fabre G.




    UNE TERRE COMMUNE, DEUX VOYAGES
    _____________________




    En poésie avec Emmanuel Merle
    et François Rannou




    Où vont les poèmes qui nous sont donnés comme parole sans cesse commencée ? Où vont-ils ces adressés, si ce n’est au fond de nous-mêmes, dans ces rêves d’un réel qui nous hante, nous habite mais toujours nous échappe ? Nourris à la pointe de nos regards, au clair-obscur de notre mémoire, gravés dans la pierre du temps, ils nous appellent à les suivre dans l’espace résonnant des mots, vers ou prose, pour y rejoindre la vie vécue mais surtout la vie réinventée qu’offrent aux hommes les voix de l’écriture et de la lecture. Car les poèmes, s’ils comblent un instant l’immense fossé des siècles et la distance qui nous sépare les uns des autres, sont capables de nous conduire à l’orée de la contrée où se bâtissent nos destins, leurs légendes et leurs vérités.

    C’est ainsi que ces derniers mois de 2018, j’ai touché grâce à eux aux rives d’une île au nom d’Irlande, en découvrant deux livres, Tourbe d’Emmanuel Merle, publié aux éditions Alidades et La Pierre à 3 visages de François Rannou, publié aux éditions LansKine. Une terre commune, deux voyages extérieurs et intérieurs pour lesquels leurs auteurs nous orientent en mettant en exergue des citations du même grand poète irlandais, Seamus Heaney.



    Chacun de ces textes est construit en triptyque dont les volets vont l’un après l’autre nous proposer une initiation singulière.

    Dans la première partie de Tourbe, Emmanuel Merle évoque une longue marche dont le poème initial révèle le centre et la portée : « Être là. Toute une vie pleine ». Un être-au-monde vécu à travers le bouleversement que suscite en lui le paysage de l’ouest de l’Irlande, lieu de frontière où se rejoignent l’eau, la terre et « l’autre terre, la tourbe / cette pâte qui lève ». Entrer dans son temps cosmique et dans son espace peuplé d’une histoire souvent tragique, et tout devient signes pour celui qui les regarde et les interprète à la mesure d’un vécu-rêvé. L’empreinte des vies passées, les douleurs inscrites en ce sol et ses propres souvenirs du perdu font naître chez le poète le sentiment aigu de l’exil. Éprouvé tel un avant-dire, un avant-lieu, l’île devient le pays où l’enfance, « heureuse ou maudite », se rejoue. Car à défaut de nous sauver, celle-ci peut seule nous donner la force d’espérer malgré la mort : « Nous irons encore au bois vibrant », nous promet le poète. Et quand ses figures, père, mère et enfant, montagne, arbres et chien, ressurgissent dans leur gloire et dans leur poussière, nous avançons avec elles, « poussés dans le dos par la vie ».

    La marche dans le paysage ouvre la mémoire, la vision et la langue. En Irlande le poète la vit à la fois comme remontée vers le passé — les morts « qui se soulèvent » sont ces hommes et ces enfants victimes d’une des grandes famines du XIXe siècle ainsi que l’atteste l’évocation de la croix dressée au bord du lac Doo Lough — et descente dans le présent puisqu’elle le renvoie à toutes les autres victimes que charrie notre époque. Le lyrisme sobre de son écriture, les images récurrentes du sang et de « la tourbe qui l’aspire », affrontent les mystères de notre destinée, car, écrit-il, si « chaque nuit verse le sang du ciel / sur la terre », chaque jour aussi la lumière, la parole du monde, / qui prononce nos ombres passantes / et nous identifie nous est offerte.

    Dans le court poème central du recueil, il semble pourtant que la mélancolie gagne sur toute confiance. Et en même temps que le pas du poète, son souffle vital, ralentit, les vers libres se raccourcissent et se groupent en tercets sans ponctuation. L’Irlande devient une terre improbable, « désamarrée », « une île des morts » qui finit elle-même par disparaître et la traversée de sa lande « un embourbement ». Le corps du narrateur contaminé se transforme à son tour, « pourrissant » et « tourbeux ». L’île des enfances paraît s’éloigner à jamais et c’est sur l’image, saisissante, d’un homme « dos au soleil / dans un cercueil ouvert comme une barque » que se clôt cette partie à la tonalité tragique, toujours à mi-chemin entre rêve et réalité.

    La mort qui vient d’être évoquée dans la concrétude du vivant devenant cadavre est bien l’absolu réel pour Emmanuel Merle, pour qui nulle île, nul ailleurs, n’existe : à l’homme, seule « Reste la terre », intitulé de la troisième partie dont les vers libres retrouvent plus d’amplitude et une ponctuation mais sans italiques, la tonalité n’étant plus la même, presque apaisée, comme au-delà du désespoir. Le voyage reprend dans une Irlande au « ciel enroché », mais d’une lumière où les morts et les vivants dansent et pleurent, ensemble pour cette éternité humaine dont parlait Jankélévitch. Le poète établit les liens entre les âges et les cultures en mettant en relation les anciens récits, les légendes celtes et la mythologie grecque qui offrent aux hommes leurs fables et leurs sagesses. Les noms de lieux et de dieux essaiment dans les vers et font lever en nous l’imaginaire et la puissance sonore de la nomination : Aran, Inis Môr, Moher, Cliften, Burren… L’humanité est Une : « La guerre de Troie a eu lieu en Irlande aussi », nous dit le poète, et le royaume des morts d’Ulysse est une « waste land ». Si les anciens dieux partout « ont émigré », si la terre est parfois « comme le fond d’un tableau abandonné », nos mots pourtant continuent à résonner et « l’enfance reparle ». La beauté terrible, magique, du paysage réinvestit le poème. Le poète, qui avance à nouveau dans le présent de sa « plaine de tourbe », de ses montagnes sous le ciel changeant, nous en brosse un tableau primitif et vivant. En peintre lettré, il note les variations de la lumière : sans fin, comme sont sans fin les migrations des hommes et des arbres sur cette île. En ce royaume voué aux eaux, à l’air et à la pierre il nous fait croire que les mots, plus nus, y circulent mieux, et que l’écart entre soi et le monde, entre soi et l’autre s’y amenuise jusque dans l’amour et la langue. La violence du vent force à « être deux pour rester debout », nous confie-t-il. Et il remarque que là-bas, comme ici, les hommes qui se savent dans le passage dressent des cairns pour indiquer la direction à ceux qui viendront après. Tourbe, c’est autant l’aube que le crépuscule du monde.






    Emmanuel Merle  Tourbes 4
    Emmanuel Merle, Tourbe, Éditions Alidades,
    Collection Création, 2018.






    Car la tourbe, comme la langue, est matière d’origine, conservation de mémoire, embrasement de vie et de mort, tous les poètes en Irlande le sentent. Dans « La Femme de la tourbière blanche », première partie de La Pierre à 3 visages (d’Irlande) de François Rannou, livre construit autour de trois visages de femmes, le poète évoque lui aussi le sud-ouest de l’île mais dans un temps encore plus ancien. La première qui parle dans ses vers est une autre victime, non de la faim mais d’un châtiment infligé pour une faute qu’elle a oubliée : « Aurais-je volé ou bien / pire encore à leurs yeux sales ? / M’ont enfermée là… ». La tourbe qui l’a engloutie, digérée, « momi fiée », a donc conservé son corps, il est aujourd’hui arraché par des ouvriers « à forts coups de bêche », et c’est sa voix surgie des ténèbres qui révèle sa longue attente d’un « baiser » ressuscitant. Symbole d’une nouvelle naissance, aussi brutale que miraculeuse, le poète restitue son long monologue à la première personne où l’amour devient éveil du sommeil primordial, conscience brûlante. La parole poétique, chez François Rannou comme chez Emmanuel Merle, nous unit à ceux qui nous ont précédés en en prolongeant l’histoire. Mais la typographie en double colonne du poème de François Rannou, mots et phrases scindés par la gouttière qui sépare les deux colonnes, va plus loin, elle entretient l’écho d’une écriture oghamique jadis gravée sur les pierres verticales de l’Irlande ancienne. L’empathie du poète, passée dans le discours imaginé de la femme, double le point de vue interne et introduit dans son texte une oralité plus théâtralisée que purement lyrique.

    Passage et entremêlement des temps, « Next Station », deuxième partie de La Pierre à trois visages, va renforcer la différence des écritures par un retour au présent inscrit dans l’incantation d’un chant jazzy où nous reconnaissons le souffle haletant de notre modernité : « Ce sont les falaises de notre âme qui / s’enfoncent dans le rythme du temps Beat Beat Beat ces lignes re- / pliées délivrées quelles en sont / les épiphanies ? », écrit François Rannou qui trouve une langue, une prose aux effets sonores pour épouser l’énigme de la vie et le foisonnement des voix qui se croisent. Moins de lyrisme, du quotidien et une tout autre rythmique, ajoutés à peu de nature et un espace urbain absent chez Emmanuel Merle. La déambulation du narrateur entre rêve et réalité se fait dans une Irlande où le voyage est d’abord saisie d’un réel familier qui surgit, file, craque, se dérobe, noie « les mots dans la tête ». Stations, trains et taxis, ponts, rues et bâtiments glissent ou se télescopent, des dialogues se doublent s’attrapent, les silhouettes des passants, les amants s’y fondent, et dans la baie de Dublin la mer au loin se perçoit « comme une lanterne magique ». La rencontre sensuelle et mélancolique de la femme et du narrateur, vécue ou imaginée, sauve-t-elle « quelque chose de l’oubli du rêve » quand les mots de chacun luttent contre la solitude et la séparation, contre le vide et la fin de l’enfance dont parle le poème en italiques de Brian Lynch ? Il fournit en tout cas quelques clefs sur les métamorphoses de l’être et les portes laissées battantes. L’entièreté du chant central s’apparente alors à la pierre dressée « sous le vent » où est gravée l’histoire de notre humaine présence.

    La dernière partie du livre (« La pierre à trois visages »), comme déjà la première, est la mise en œuvre d’une écriture avec la lecture « dans son mouvement », ce à quoi François Rannou nous a habitués dans d’autres textes. Il aère la verticalité des vers en augmentant l’interlignage, encadre celle-ci par deux proses horizontales (l’une en romain en tête de page, l’autre en italique en pied de page) pour que le poème mette en branle ensemble les différentes modalités de sa parole et la manière de les déployer dans la polyphonie. Trois visages, trois voix s’y déroulent, celle du narrateur, celle du poète qui réfléchit sur le poème en train de s’écrire — « notre bouche, dit-il, nous prononce mais notre parole est toujours de l’autre côté, dehors toujours » — et celle de la femme, la vivante, qui elle se réclame « d’une mémoire plus ancienne et plus fraîche que celle de nos gestes ». Sur l’échelle de la beauté et de l’amour en leur quête, la voix poétique et amoureuse, nous souffle le poète, se tient un instant au moins hors « des flux économiques », hors du temps circonscrit. La femme attend « la lumière » quand le poète espère la création, « les fraîches algues syntaxiques », et s’invente la « chorégraphie intérieure » où les mots seraient ses alliés, de l’autre côté du gouffre où le monde, la langue et la mort les retiennent. Et c’est comme si, en cette Irlande de tourbe et de vent, se trouvaient réunis en chacun des personnages les conditions pour « rassembler le puzzle », passer « la porte » grande ouverte cette fois, et toucher ensemble un instant « le point sublime » où il ne peut être pourtant question de demeurer toujours.

    Terre d’Irlande, dans ses lieux où se manifestent les morts, où se remémorent, aiment, souffrent et disparaissent les vivants ; dans ses paysages où les éléments se conjuguent avec les voix pour faire entendre ce qui hante, illumine ou fait créer les hommes ; au cœur de son histoire, passée présente, et de ses mythes, deux poètes : Emmanuel Merle, François Rannou. Avec leurs différences langagières et pensives, ils écrivent l’enfance de la vie et de l’écriture, nous invitant à un voyage vécu comme une initiation. Leur poésie, proche pour l’un de la peinture et pour l’autre de la musique, utilise toutes les ressources du vers et de la prose poétique, toute l’intensité de leurs images et de leur chant pour nous ramener à l’essentiel dont chacun porte les preuves et les traces : la beauté violente d’un monde mortel et la nécessité d’une parole pour le dire, l’abîme du temps, l’énigme du mal, l’amour et la douleur inaliénables.


    Sylvie Fabre G.
    D.R. Texte Sylvie Fabre G.
    pour Terres de femmes






    François Rannou  La Pierre à 3 visages (d'Irlande)
    François Rannou, La Pierre à 3 visages (d’Irlande),
    Éditions LansKine, 2018.




    EMMANUEL MERLE


    Vignette Emmanuel Merle





    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes

    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait d’Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle






    ___________________________________

    FRANÇOIS RANNOU


    François Rannou
    Source




    ■ François Rannou
    sur Terres de femmes

    [Voix tombées derrière le mur] (extrait de La Pierre à 3 visages (d’Irlande) )



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur La Pierre à 3 visages (d’Irlande)






    ___________________________________

    SYLVIE FABRE G.


    Sylvie Fabre G.
    Source



    ■ Sylvie Fabre G.
    sur Terres de femmes


    Lettre des neiges éternelles (extrait de La Maison sans vitres)
    Piero, l’arbre (autre extrait de La Maison sans vitres)
    Le rêveur d’espace [hommage à Claude Margat] (autre extrait de La Maison sans vitres)
    [À l’orée] (poème issu du recueil L’Intouchable)
    L’Approche infinie (note de lecture d’AP)
    Sylvie Fabre G. par Sylvie Fabre G. (auto-anthologie poétique comprenant plusieurs extraits de L’Approche infinie)
    [C’est un matin doux et amer](poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Trouver le mot (autre poème issu du recueil L’Autre Lumière)
    Dans l’attente d’un prolongement qui se meurt (note de lecture d’AP sur Corps subtil)
    Corps subtil (poème issu du recueil Corps subtil)
    La demande profonde
    Frère humain (note de lecture d’AP)
    Frère humain (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [La pensée va, et vient à ce qui revient] (poème issu du recueil Frère humain)
    Celle qui n’était pas à sa fenêtre (extrait issu du recueil Le Génie des rencontres)
    L’Intouchable (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    Quelque chose, quelqu’un (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’AP)
    Tombées des lèvres (note de lecture d’Isabelle Raviolo)
    [Plus forte que la forêt] (poème issu du recueil Tombées des lèvres)
    [Bien sûr le chant s’apaise dans le soir] (poème issu du recueil La Vie secrète)
    Maison en quête d’orient (poème issu du recueil Les Yeux levés)
    Jean-Pierre Chambon, Le Petit Livre amer, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon, Tout venant, par Sylvie Fabre G.
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre par Sylvie Fabre G.
    Patricia Cottron-Daubigné, Visage roman, par Sylvie Fabre G.
    Alain Freixe, Vers les riveraines, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle, Ici en exil, par Sylvie Fabre G.
    Emmanuel Merle & Thierry Renard, La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Angèle Paoli, Lauzes
    Pierre Péju, Enfance obscure, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’État du ciel, par Sylvie Fabre G.
    Pierre Péju, L’Œil de la nuit, par Sylvie Fabre G.
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu, par Sylvie Fabre G.
    Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, par Sylvie Fabre G.
    Fabio Scotto, La Peau de l’eau, par Sylvie Fabre G.
    Roselyne Sibille, Entre les braises, par Sylvie Fabre G.
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    L’au-dehors
    → (dans les Chroniques de femmes)
    L’Amourier | Le Jardin de l’éditeur par Sylvie Fabre G.
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Anne Slacik par Sylvie Fabre G. : Anne, la sourcière
    → (dans les Chroniques de femmes)
    Ludovic Degroote | Retisser la trame déchirée, par Sylvie Fabre G.
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Sylvie Fabre G. (+ poème issu du recueil L’Approche infinie)





    Retour au répertoire du numéro de février 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Jennifer Barber | A Poet of Medieval Spain




    A POET OF MEDIEVAL SPAIN





    The caliph gone. The moon

    unrisen in the garden.
    In the tall grass, a gazelle.

    *

    This isn’t a young love.

    I know you
    and I don’t.

    I’m pouring
    a second cup of wine.

    *

    Almonds. Figs. The slow
    highway I trace

    in the valley of your spine
    and beyond: we are

    not required to
    complete the design —
    we have no permission to refrain.

    *

    A breeze from the coast,
    ripened on oranges,

    scatters a flock of swallows
    with one hand,
    a spray of terns with the other.
    Wind that speeds the journey,
    wind that splinters masts,

    I fear what comes next.



    Jennifer Barber, Given Away, Kore Press, Tucson, Arizona, 2012.






    Jennifer Barber  Given away









    UN POÈTE DE L’ESPAGNE MÉDIÉVALE






    Le calife est parti. La lune

    ne s’est pas levée dans le jardin.
    Dans l’herbe haute, une gazelle.

    *

    Ce n’est pas un amour de jeunesse.

    Je te connais
    et je ne te connais pas.

    Je sers
    une deuxième coupe de vin.

    *

    Des amandes. Des figues. Le lent
    chemin que je trace

    dans la vallée de ta colonne
    et au-delà : nous ne sommes pas

    tenus de compléter le dessin —
    nous ne sommes pas autorisés
    à nous abstenir.

    *

    Une brise de la côte,
    mûrie sur les oranges,
    disperse une volée d’hirondelles
    d’une main,
    une gerbe de sternes de l’autre.

    Toi qui accélères le voyage,
    toi qui fends les mâts,

    j’ai peur de ce qui va venir.



    Jennifer Barber, Délivrances, La Rumeur libre éditions, 2018, page 59. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuel Merle.






    Jennifer Barber  Délivrances





    JENNIFER BARBER


    Jennifer_barber_medium
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Kore Press)
    la fiche de l’éditeur (en anglais) sur Given Away
    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    une notice bio-bibliographique sur Jennifer Barber
    → (sur le site des éditions La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Délivrances
    → (sur Terre à ciel)
    d’autres poèmes de Given Away | Délivrances, traduits par Emmanuel Merle





    Retour au répertoire du numéro de février 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Éric Sautou | [assise et seule assise]




    Veranda 2
    la véranda
    feuilles
    et feuilles
    tombées
    Ph., G.AdC








    [ASSISE ET SEULE ASSISE]





    assise
    et seule assise encore dans
    la véranda
    assise
    et assise encore dans
    la véranda
    feuilles
    et feuilles
    tombées




    les fleurs
    toutes les fleurs
    les feuilles
    tombées




    son visage
    où tout recommençait (les fleurs)




    (c’est toi qui me manques qui me manques le plus)




    les mots
    les fleurs
    puis d’autres encore
    les fleurs




    d’avoir été nous deux nous sommes




    (c’était il y a déjà longtemps)




    c’était il y a déjà longtemps où les choses
    qui tombent
    (les choses ou bien les jours)




    les choses ou bien les jours les feuilles
    (tombés)
    (sans y arriver jamais)




    les feuilles
    (tombées)




    c’est le fil de mes pensées ce n’est plus rien






    Éric Sautou, La Véranda, Éditions Unes, 2018, pp. 14-16.






    Veranda





    ÉRIC SAUTOU


    Sautou 2
    Ph. Sébastien Solidon
    Source





    ■ Éric Sautou
    sur Terres de femmes


    La Véranda (lecture d’AP)
    À son défunt (lecture d’AP)
    Beaupré (lecture d’AP)
    [c’était ça simplement ça] (extrait de Beaupré)
    [Lire les poèmes] (extrait des Jours viendront)
    La vie éternelle, I (extrait d’Une infinie précaution)
    [comme le héron je descends de ma fenêtre] (extrait des Vacances)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Éric Sautou
    → (sur le site des éditions Unes)
    la fiche de l’éditeur sur La Véranda
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Éric Sautou





    Retour au répertoire du numéro de février 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa,
    La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2018.
    Préface d’Édith de La Héronnière.
    Peinture de couverture de Cécile A. Holdban.



    Lecture d’Angèle Paoli




    ENTRE CHARMES ET SORTILÈGES




          Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    La petite musique du titre agit comme une brûlure légère, comme une épine ensorcelante. Une nostalgie qui s’immisce sous les mots, glissant d’un poème à l’autre, dans la rondeur du silence et dans la rumeur des vagues.


    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa.



    Ce titre leitmotiv imprime sa broderie tout au long des neuf chants qui composent le recueil de Julien Bosc. Une broderie tout en ajours, tout en finesse et tout en mélancolie.

    À la croisée du ciel et de la mer a lieu la rencontre. À la croisée de quatre couleurs se nouent les prémices du récit, dans le mystère de ses mots à elle, « dont le dernier mot / est l’écho silencé du premier ».

    La rencontre se poursuit entre. D’autres couleurs, plus vives, plus chaudes mais toujours dans l’interstice de l’entre-deux.

    « Entre bleu et vert » / « entre gris et noir » d’abord. Puis « entre orange et rose » / « entre rouge et jaune ».

    Entre estran et terre.

    Et, très vite, entre amour et mort.

    Mais ce sont ses mots à elle — « les mots du corps » — qui servent de sésame à l’écriture. C’est avec eux que le récit aurait pu prendre son essor. Et que pourtant celui-ci se brise pour renaître plus avant de ses cendres :


    « Ainsi du semblant du récit ne resta-t-il plus qu’une ombre
    imparfaite et mouvante
    agitée par des courants violents et contraires. »



    Puis, plus loin, « des versets s’amuïssant refluèrent », qui ouvrirent la voie au poème et aux « mots à venir ».

    De cet échange de voix, il reste entre nos mains ce recueil d’une poésie lyrique ciselée jusque dans sa beauté extrême, jusque dans son extrême recherche. Sans pour autant que l’émotion qui s’en dégage en soit affaiblie. Tout au contraire. Les ciselures avivent l’émotion d’une touche singulière qui fait de chaque poème un chant alterné à deux voix, un carmen ouvragé et mystérieux.

    C’est à travers son regard à lui — « la vigie du poème » —, regard de poète attentif à l’autre et au moindre détail saisi au vol, qu’elle survient, dans les différentes phases de ses apparitions. Annoncée, toujours, par le leitmotiv « elle avait sur le sein des fleurs de mimosa ». Le refrain égrène à sa suite de menues variations, comme le vent emporte dans les embruns la robe de la belle. « La dévoilant longue et blanche », nue et liane, « vent debout dans la nuit faussement silencieuse ». Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Que fait-elle sur ce promontoire, livrée à la violence des rafales, dans ce paysage marin-cosmique, à la croisée du rêve où tous les possibles se rencontrent et se confondent ? De quel deuil cherche-t-elle le pansement ? Qu’est son amour devenu ? Amant défunt dont elle s’abîme à ranimer les braises. Quel est cet autre qui s’avance à sa rencontre ? À qui s’adresse-t-elle, perdue-éperdue, sinon au vent : « Ah vent errant de la parole désœuvrée » ? Se sont-ils parlé ? Du bout des lèvres peut-être, « la voix sans voix ». Ce qu’il reste de leur échange est peu de chose. Ce sont


    « [l]es mots en réserve du poème inlassablement replié
    sur lui-même
             Les à peine deux ou trois larmes de rien contre lesquelles on ne
    peut mais ».



    Et dans la bouche cet « âpre goût d’inachevé ».

    Entre confidence et échange, le récit se poursuit. La belle continue d’habiter le poème et de laisser sa vie dériver sous les mots. Jusqu’à appréhender — peut-être — le désir enivrant de « conjurer la mort. » Mais la mort toujours rôde et le vent déraisonne qui sème le doute et repousse à plus tard « l’avant-silence du récit. » Elle est fille des flots, quelque peu magicienne. Aventurière malmenée par le deuil et renaissant sans cesse de ses blessures. La poursuite inassouvissable de son amant se révèle un leurre et les gestes qu’elle s’essaie à reconduire la laissent endolorie :


    « Au réveil        
    De ce poème qui le maintenait vivant
    Je ne sus plus que les premiers mots. »



    Le temps s’écoule et les saisons, qui ramènent la belle endeuillée sur la rive. Dans un murmure, elle livre les mots de son chant :


    « J’avais sur le sein des fleurs de mimosa. »



    Mais les mots eux-mêmes échappent, qui se dérobent. Restituer ce qui fut dit de leur dernier échange, et qui parlait de cet amour, se compte sur les doigts de la main.

    Entre rêve et rumeur de la mer, le poème achève de se dévoiler. Libérant un à un, entre charmes et sortilèges, les secrets d’un thrène sans pareil.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Bosc mimosa





    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Source




    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur le site des éditions la tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2019
    Retour à l’ index des auteurs
    Retour à l’ index des « Lectures d’Angèle »

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Evelyne Boix-Molès | [Le temps séjourne]




    [LE TEMPS SÉJOURNE]





    Le temps séjourne.

    À mes mains,
    la main des siècles,
    à ma bouche,
    langues qui savent

    la soif des millénaires.

    Silex. Galet. Sable…
    Et les touches d’un instrument,

    sous mes doigts.

    L’ébauche sourit ;
    c’est qu’elle connaît les pleurs, les soleils.
    Le blé meurt,
    c’est qu’elle devient farine, la pierre.

    Aux corps, les massacres.
    Aux corps, chaque mot, son poids de terre,
    ses battements d’ailes.

    Et ce soir, au corps de la fatigue,
    un invisible merci (le mutisme,
    compact, empêche ; le blanc s’effrange,
    le bleu désaltère, m’enlace le silence).

    Larmes du marbre,
    larmes de l’arbre ;

    le temps nidifie ;

    pâle soleil.



    Evelyne Boix-Molès, Se taire et se taire, Al Manar, Collection Poésie, 2018, pp. 22-23. Prix du premier recueil de poèmes 2020.






    Evelynee Boix-Molès  Se taire et se taire





    EVELYNE BOIX-MOLÈS


    Boix-Molès
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    une notice bio-bibliographique sur Evelyne Boix-Molès





    Retour au répertoire du numéro de janvier 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement

    par Michel Ménaché

    Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement,
    Éditions Unicité, 2018.



    Lecture de Michel Ménaché




    À l’âge où l’avenir se rétrécit, vient le temps des nostalgies, des souvenirs prégnants ou des brumes de mémoire, la brûlure récurrente des séparations et des deuils. Anne-Lise Blanchard revient sur les instants de bonheur, les chagrins, les surprises de l’existence dans un recueil achronique de fragments autobiographiques, à la troisième personne. « Elle » fait jaillir le merveilleux là où les gens pressés ne perçoivent que l’ordinaire banalité du quotidien. Depuis Hölderlin, cette aptitude de l’accueil relève d’une sensibilité exacerbée à habiter poétiquement le monde. Et c’est en poète que l’auteure cisèle ses proses sensuelles dans lesquelles les odeurs, les couleurs, les rires et les larmes retrouvent leur fraîcheur native. Émotion et légèreté s’accordent dans une tonalité délicate. Avec une économie de mots, un art de l’ellipse qui fixent l’éphémère sur la page, sans lui briser les ailes…

    Dès les premières pages, le rapport tactile et olfactif aux êtres aimés est prépondérant. Enfant, la narratrice reconnaît la présence de la mère à l’odeur de fleur d’oranger  :


    « elle embrasse sa main. Elle se cache dans son cou ».


    Elle a grandi, vécu une première relation amoureuse. Ellipse suggestive  :


    « Ils apprennent leurs mains les yeux fermés. Sans mots. Sans oreilles. »


    Et quand elle va devenir mère, il y a comme un renversement des rôles sous la peau :


    « Elle est de plus en plus légère. L’enfant la porte ».


    Joie profonde éprouvée comme une harmonie totale avec la nature :


    « Ses pieds dansent et l’enfant danse avec elle à l’unisson des mousses et des sources. »


    Du souvenir d’une naissance proche à celui d’une disparition imminente, on retrouve la même confiance, la même tendresse partagée, sobrement évoquée :


    « Elle n’a pas peur. Elle emporte le dernier sourire. »


    Parfois, c’est un détail infime qui a retenu un instant l’attention et qui ne s’est pas effacé de la mémoire, un oiseau qui s’est invité à table, posé sur une assiette. Un autre jour, le sauvetage d’un chaton juste né dont la mère trop âgée n’a pas de lait. Un ciel d’hiver derrière la vitre. Théâtre des choses vues. Parti pris de l’œil.

    Quelques scènes plus intenses recréent un lien fort après des années d’éloignement. Par exemple, un malentendu filial enfoui qui se dénoue au hasard. De passage chez ses parents, la narratrice entend une sonate au piano qu’elle n’identifie pas, demande à la mère si c’est la radio. Celle-ci lui apprend que c’est le père qui joue. Elle n’en revient pas, s’approche, très émue :


    « Elle pleure. Allégeance. »


    Le père lève le voile sur cet instrument qu’elle aussi, enfant, aurait voulu apprendre à jouer. C’était l’époque des vaches maigres, les premières années difficiles après le rapatriement des Français d’Algérie. Réponse abrupte :


    « Mais ma petite, tu voulais que je te dise que je n’avais pas un rond. »


    Autre souvenir marquant d’une visite au cimetière décrite en quelques touches brèves d’une fine poésie. Nettoyage et fleurissement de la tombe familiale. Apaisement intérieur. Délicatesse des trois dernières phrases, parfait tercet lyrique en prose :


    « Un nuage passe sur le soleil. Le soir peut descendre. Elle a bordé ses morts. »


    Une vie d’amour mais une vie émiettée par l’absence répétée du « visiteur », père des deux enfants. L’ellipse métaphorique touche le lecteur avec justesse :


    « Elle l’attend. Sa vie entière est une salle d’attente dont elle aura eu à cœur de renouveler les couleurs. »


    Sans doute ont-ils dansé leur vie mais quand la famille se retrouve démembrée, la solitude pèse encore davantage. Chagrin et nostalgie :


    « Elle pleure tout ce qui s’est défait […] Enfants où êtes-vous ? »


    « Écrire, c’est justifier une vie », affirme Annie Ernaux. Pour Anne-Lise Blanchard, c’est aussi, par-delà les blessures de l’existence, dans la ferveur de l’instant, infuser la joie et les larmes dans l’encre.



    Michel Ménaché
    D.R. Texte Michel Ménaché
    Pour Terres de femmes







    Blanchard 400px






    ANNE-LISE BLANCHARD


    Anne-Lise Blanchard
    Source




    ■ Anne-Lise Blanchard ▼
    sur Terres de femmes


    [Combien de joies vivons-nous en une vie ?] (extrait des Jours suffisent à son émerveillement)
    Éclats
    [La nuit vient en dormant] (extrait d’Épitomé du mort et du vif)
    Le Soleil s’est réfugié sous les cailloux (lecture d’AP)
    [Hurlements sirènes] (extrait du Soleil s’est réfugié sous les cailloux)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Elle est à marée




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel d’Anne-Lise Blanchard
    → (sur le site des éditions unicité)
    la fiche de l’éditeur sur Les jours suffisent à son émerveillement




    ■ Autres lectures de Michel Ménaché
    sur Terres de femmes


    Mireille Fargier-Caruso, Comme une promesse abandonnée
    Maram al-Masri, Métropoèmes
    Paola Pigani, Le Cœur des mortels
    Florentine Rey, Le bûcher sera doux






    Retour au répertoire du numéro de janvier 2019
    Retour à l’ index des auteurs

    » Retour Incipit de Terres de femmes