Étiquette : 2018


  • Iboshi Hokuto | [Ouvrant les journaux]




    Iboshi extrait







    [OUVRANT LES JOURNAUX]




    Ouvrant les journaux
    lorsque je lis un article
    sur les Aïnous,
    surgissent à chaque fois
    des pensées qui me tourmentent


    Il n’existe plus

    de pureté aïnoue

    à l’heure d’aujourd’hui

    Je regretterai toujours

    les villages d’autrefois


    En souhaitant vivre
    mais également mourir
    comme un Aïnou
    le cœur attristé je peins
    les motifs chers à mon peuple


    Reprenez courage

    ô mes frères aïnous

    Il faut souhaiter

    De grandir et prospérer

    Sur la terre comme au ciel


    Voilà que la nuit
    déjà s’est bien avancée
    Soudain malgré moi
    songeant à mes compagnons
    je me mets à sangloter



    Iboshi Hokuto | 違星北, poète aïnou (1901-1929), Chant de l’étoile du nord, carnet, édition bilingue français/japonais, Éditions des Lisières, Collection Aphyllante, 26110 Nyons, décembre 2018, pp. 36-37. Traduction et adaptation Fumi Tsukahara et Patrick Blanche. Préface de Gérald Peloux.






    Iboshi Hokuto  Chant de l'étoile du nord




    _________________________________

    Note de l’éditeur : première traduction française d’un poète aïnou, le Carnet d’Iboshi Hokuto est le témoignage poétique d’une lutte pour la reconnaissance d’un peuple. Premiers habitants de l’île d’Hokkaïdo annexée au Japon en 1869, les Aïnous (terme signifiant « les hommes », « les êtres humains ») ont dû attendre 2008 pour que l’État japonais reconnaisse leur statut d’autochtones. Avec beaucoup d’humour et parfois d’amertume, celui que l’on appela le Takuboku des Aïnous nous conte à travers ses tankas (133) et quelques haïkus (21), les vicissitudes de sa vie et de son peuple. Refusant la soumission à la langue et à la culture dominantes, Iboshi Hokuto fera de sa courte vie un appel à la dignité et œuvre de résistance.





    IBOSHI HOKUTO


    Iboshi Hokuto




    Né en 1901, Iboshi Hokuto fait partie des pionniers (avec Batchelor Yaeko et Moritake Takeichi) d’une littérature moderne aïnoue en langue japonaise. Auteur de poésie, d’essais, de contes et d’un journal, il vivra de petits boulots et luttera jusqu’à sa mort en 1929 pour la dignité de son peuple.




    ■ Voir aussi ▼

    le site des éditions des Lisières





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  • Laurent Grison | Ne rien dire




    NE RIEN DIRE




    1



    Ne rien dire
    écouter le grondement de la houle
    Ne rien dire
    compter les coques fracassées par l’orage

    (Eux ils percevaient les bruits de fluctuation les cris les épanchements thoraciques les râles)

    Ne rien dire
    scruter l’horizon
    Ne rien dire
    plisser les yeux

    (Eux ils voyaient de grandes vagues noires menacer le ciel)

    Ce que tu dois faire :
    oublier ceux de l’autre rive
    effacer tes idées en tête
    dissoudre tes idées en corps

    (Eux ils croyaient revenir un jour le jour d’après d’après quoi ils ne savaient pas)





    2



    Tu ne veux plus entendre l’écho
    des lames de fond
    qui chassent le sommeil

    Tu ne veux plus marcher sur la peau des disparus
    collée aux brisants dont les mots délavés
    pleurent les sans nom

    Tu ériges un monument
    avec une petite boîte en carton vide
    tu écris             À la gloire du noyé inconnu

    La conscience vaguement apaisée
    tu t’éloignes de la digue
    et ne penses à rien d’autre qu’au soleil





    3



    Des touristes au ventre rouge et blanc
    allongés sur les transats bleus d’une plage privée
    regardent nonchalamment la mer

    Un yacht s’éloigne du rivage
    c’est beau s’extasie un homme
    bon vivant qui aime les voyages

    Une petite veste d’enfant rose
    déchirée et gonflée d’algues
    flotte près de la jetée

    Une femme aux seins nus écrase un mégot dans le sable
    et marmonne d’une voix dégoûtée
    que les gens sont sales





    4



    Ne rien dire
    caresser la surface de l’eau d’une main rêveuse
    Ne rien dire
    respirer l’air chaud mêlé de crème solaire

    (Eux ils sentaient l’odeur répugnante des barbares excités par le sang)

    Tu te plains souvent :
    du clapotis de l’existence
    De l’ennui des repas à heure fixe
    de la monotonie

    (Eux ils ont été dévorés par les bouches de cuir dans un terrible crissement de soufflet)

    Ne rien dire
    tuer le temps
    Ne rien dire
    sidérer le silence

    (Eux ils n’ont pas eu le temps de saluer la vie avant de partir)



    (Poème inédit, 2018)



    Laurent Grison in Anthologie Sidérer le silence, Poésie en exil, Cinquante poètes d’ici et d’ailleurs. Anthologie dirigée par Laurent Grison. Éditions Henry, collection Les Écrits du Nord, F-62170 Montreuil-sur-Mer, 2018, pp. 56-58.






    Anthologie sidererer-le-silence-ed-henry-novembre-2018-couverture





    LAURENT GRISON


    LAURENT GRISON
    Source




    ■ Laurent Grison
    sur Terres de femmes

    Rhizomes (poème extrait du Chien de Zola)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Traversées, revue littéraire)
    une chronique de Marc Wetzel sur l’anthologie Sidérer le silence
    → (sur le site des éditions Henry)
    la fiche de l’éditeur sur l’anthologie Sidérer le silence
    → (sur Terres de femmes)
    Jean-Baptiste Para | Poème en délit de solidarité (poème extrait de l’anthologie Sidérer le silence)




    ■ Voir encore ▼

    le site de Laurent Grison
    → (sur le site du magazine Diacritik)
    Marielle Macé ou que peut la littérature ? Sidérer, considérer. Migrants en France, par Johan Faerber





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  • Paule du Bouchet | Point final





    Truinas
    Chapelle de Truinas (Drôme) au-devant du petit cimetière
    où repose le poète André du Bouchet
    D.R. Ph. angelepaoli (12 juillet 2018)







    POINT FINAL



    Vers la fin de sa vie, il me disait souvent : « Tu verras, le temps se rétrécit de plus en plus. » À l’automne, dans la Drôme, face à la montagne, l’ombre gagnait la maison bien avant le coucher du soleil. Les journées se faisaient courtes. Nous sortions dans le dernier jour. Mon père chaussait ses bottes, mettait une écharpe. Nous remontions le chemin de Truinas. Il y avait ce côte à côte, chargé de tout ce qui avait déjà été dit, de tout ce qui ne le serait jamais. Dans le tournant, lorsqu’il avait plu, il fallait contourner une grande flaque. Ça glissait, nous nous tenions la main. Ensuite, le chemin monte jusqu’à la route. Il prenait son courrier à la boîte aux lettres, souvent nous poussions jusqu’à la mairie, marchant d’un bon pas sur l’asphalte sonore. Il avait sa canne en coudrier, celle avec laquelle il s’amusait à nous poursuivre lorsque nous étions enfants en nous menaçant de nous « bastonner ». Parfois nous faisions halte chez un agriculteur qui offrait un verre de vin rêche. On entrait dans la salle sombre, on s’asseyait autour de la table, on parlait de l’orage, de la chasse, d’une recette de cuisine. Le soir tombait. On allumait le plafonnier qui faisait un rond orangé sur la table. Il y avait des silences, on servait une dernière goutte. Mon père se levait, nous prenions congé. On revenait dans la nuit, sur le chemin je lui tenais le bras dans l’obscurité.


    *


    À l’instant de finir, je repense au « point final » évoqué par lui peu de temps avant de mourir. Sur le moment, je l’avais entendu stricto sensu, le « point » achevant son dernier livre, celui de tous les livres. Il me semble aujourd’hui d’une nature différente qu’au moment de commencer ces lignes. De quel point final s’agit-il, lui pour qui le sentiment de l’essentiel était indissociable de celui de l’inachevé ?

    Dans sa postface, intitulée « L’infini et l’inachevé », au recueil L’Œil égaré dans les plis de l’obéissance au vent consacré à Victor Hugo, mon père cite ce dernier : « La pensée c’est l’illimité. Exprimer l’illimité, cela ne se peut. Devant cette énormité immanente, les langues bégaient. » Et de poursuivre en commentaire : « On sera toujours stupéfait de la facilité verbale inouïe dont dispose ce poète pour qui le propre de l’essentiel est de ne pouvoir s’exprimer et dont le propre du talent est de toujours masquer l’essentiel. La “création bègue”, “l’énigme qui a peur du mot”, cette grande nature qui n’affleure que par lambeaux. » Lorsqu’il écrivit ce texte, il avait vingt-sept ans. C’était l’année de ma naissance.





    André du Bouchet Hugo





    Cette « grande nature qui n’affleure que par lambeaux », c’était aussi lui. Mon père. Il me semble à présent que le « point final » évoqué à l’hôpital ce jour d’avril 2001, mois de sa mort, rendait possible de faire du « lambeau » un tout, d’envisager l’infini et l’inachevé. Et de conclure la proposition qui fut sienne sa vie durant, que nous entendîmes dans sa bouche toute notre enfance : « Je me mets au monde moi-même chaque jour. »

    Et du même coup de se retirer comme on ferme la porte.



    Paule du Bouchet, Debout sur le ciel, récit, éditions Gallimard, Collection Blanche, 2018, pp. 114-116.






    Paule du Bouchet  Debout sur le ciel






    PAULE DU BOUCHET


    Paule du Bouchet
    Source




    ■ Voir | écouter aussi ▼père

    → (sur le site de France Culture)
    Paule du Bouchet : « Écrire, c’était trouver mon en moi » (émission Par les temps qui courent par Marie Richet, 1er mai 2018)
    → (sur le site de France Culture)
    André du Bouchet (émission Du jour au lendemain par Alain Veinstein, 19 avril 2011)
    → (sur le site de Radio Télévision suisse)
    Présence d’André du Bouchet (Entre les lignes, émission du 14 janvier 2013)




    ■ André du Bouchet
    sur Terres de femmes

    19 avril 2001 | Décès d’André du Bouchet
    En pleine terre
    Le moteur blanc
    sur la terre immobile




    ■ Voir encore ▼

    → (sur Terres de femmes)
    20 avril 2001 | Philippe Jaccottet, Truinas
    → (sur Terres de femmes)
    Isabelle Baladine Howald, La Douleur du retour (note de lecture d’AP)





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  • Georges Guillain | [Il n’y a pas de poésie descriptive]





    [IL N’Y A PAS DE POÉSIE DESCRIPTIVE]





    quand même

    il n’y a pas de poésie descriptive


    rien ne se représente ou rien n’est jamais là
    totalement


    que nous
    du ciel


    et dessous


    la main qui tremble simplement
    ces gros paquets partout de nerfs
    aboutissant à des images



    alors


    on dira
    que sur les toits ce sont des souvenirs d’école
    des histoires qui glissent


    un coin du monde saisissant
    par les yeux


    bien maté


    qui nous traverse
    se reconstruit


    en ordre inverse



    ou
    rien


    peut-être/au bout du compte/
    après // que sera lancée dans l’espace
    cette heure retranchée/quatre/
    trois/deux/


    une////


    et puis personne/pour le chiffre/fatal/
    plus un oiseau/


    qu’une pomme qui vient rouler/


    partout


    son rouge




    Georges Guillain, Compris dans le paysage, LD éditions / Les Découvreurs, 62200 Boulogne-sur-Mer, 2018.






    Georges Guillain  Compris dans le paysage




    GEORGES  GUILLAIN


    Georges Guillain  portrait





    ■ Georges Guillain
    sur Terres de femmes

    six août | Georges Guillain, Compris dans le paysage
    Que ce lieu pour rester (extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Novembrer tout y revient patauger] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà que tu es devenu poreux] (autre extrait d’Avec la terre, au bout)
    [Voilà] (extrait de Parmi tout ce qui renverse)
    Tant que nous sommes (extrait d’Un bouquet pour les morts)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (dans la poéthèque du site du Printemps des Poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Georges Guillain
    → (sur le site des éditions LD)
    une note de l’éditeur sur Compris dans le paysage





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  • Marilyne Bertoncini | [En nageant jusqu’au bout de ton rêve]





    [EN NAGEANT JUSQU’AU BOUT DE TON RÊVE]



    En nageant jusqu’au bout de ton rêve
    tu parviens
    outre la porte des songes
    sous les algues flottantes du sommeil

    dans l’aurore de blancs coquillages



    Là comme aux tout premiers temps
    les choses espèrent être
    dites
    et dans l’attente d’un destin
    balbutient d’éphémères formes



    En ce lieu inversé sous l’eau de ton sommeil
    les étoiles en mourant filent vers leur désastre
    et les ramiers picorent leurs miettes de
    lumière
    dans les prairies du ciel



    Sois attentif alors à ne jamais fixer
    la lumière
    sinon l’ombre minuscule d’échardes de soleil
    lacèrerait la peau du monde

    Qui le rapiècerait ?



    Marilyne Bertoncini, « Conseils de survie pour le monde à l’envers », Mémoire vive des replis, éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, Collection Poésie n° 20, 2018, pp. 77-80. Texte et photos de Marilyne Bertoncini.






    Marilyne Bertoncini  Mémoire vive des replis




    MARILYNE  BERTONCINI


    Bertoncini
    Source




    ■ Marilyne Bertoncini
    sur Terres de femmes

    Mémoire vive des replis (lecture de Sophie Brassart)
    À l’ombre du mûrier (extrait de L’Anneau de Chillida)
    La Dernière Œuvre de Phidias (lecture d’AP)
    [Ici… Là] (extrait de La Dernière Œuvre de Phidias)
    Labyrinthe des nuits (lecture d’AP)
    La Noyée d’Onagawa (lecture d’AP)
    [Je l’imagine] (extrait de La Noyée d’Onagawa)
    Sable (extrait)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Marilyne Bertoncini
    → (sur Recours au poème)
    plusieurs pages sur Marilyne Bertoncini
    Minotaur/a, le blog de Marilyne Bertoncini
    → (sur le site de la revue Texture)
    une lecture de Mémoire vive des replis de Marilyne Bertoncini, par Philippe Leuckx





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  • Laure Gauthier, Je neige (entre les mots de villon)

    par Angèle Paoli

    Laure Gauthier, Je neige (entre les mots de villon),
    Éditions LansKine, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « PARTIR DANS LA LANGUE POUR SE DÉPARTIR »




    Le titre-diptyque du recueil de Laure Gauthier — Je neige (entre les mots de villon) — renvoie aux deux panneaux qui constituent ce recueil. La question qui se pose d’emblée, avant même que d’ouvrir le livre, est celle du lien qui unit l’un à l’autre. L’un et l’autre. L’insert entre parenthèses « (entre les mots de villon) » n’est-il qu’un ajout servant à expliciter le syntagme premier ? Ou bien en est-il un complément autonome ? Si tel est le cas, qui est le « Je » ? Quel est son propos ? Et quel est son jeu ?

    L’image que m’évoque le verbe « neige » est une image de légèreté, celle de la presque inconsistance du flocon. La parenthèse, elle, suggère l’idée d’un mouvement, de l’extérieur vers l’intérieur ; une circulation feutrée entre les mots. Feutrée ? Voire ! La suite le dira. Les mots ? Ceux de Villon. « Je » et « Villon » se trouvent l’un en tout début de titre, l’autre en clôture. Le jeu qui se noue au cœur de cette construction semble s’établir entre la poète Laure Gauthier et le poète François Villon.

    À feuilleter l’ouvrage, je sais que l’un et l’autre panneaux de ce livre-diptyque se complètent tout en se distinguant. « Je neige » constitue un ensemble interligné — poème ou scène de pièce de théâtre — dans lequel les lignes de blancs ont une fonction de respiration et de pause. Et la présence successive des mentions en gras joue le rôle de didascalies. Bien entendu, le lecteur pense également à une partition musicale. Jusqu’à « l’Auberge final » où s’échangent les voix 1 et 2. Avec, en répons de clôture, la voix de Villon. Le second panneau du diptyque est un texte en prose composé au carré, les blocs de paragraphes étant annoncés par des intertitres. Est-ce un essai ? Peut-être, mais alors un essai à contre-courant, comme il appert dès l’incipit. Il n’est qu’à lire les infinitifs qui disent le projet :


    « Dire les mots absents de la poésie de Villon, parler depuis les interstices entre ses mots.

    S’enfoncer dans la béance

    Faire entendre ce qui reste quand on met à terre les poèmes. Le mouvement qui ondoie sous les mots, ou juste avant les mots. Cette impulsion d’écrire qui a été la sienne.

    Ressaisir l’ondulation entre la vie du poète et son œuvre […] Dire le devenir poème ».


    Un peu plus loin viennent les conseils sur les écueils à éviter :

    « Ne pas redire plus mal les ballades, poser à terre les biographies et les archives. » Ne pas retomber dans le piège « Villon guimauve, Villon excrément, Villon souillé ». « Mais plutôt chercher la neige avant la neige ».

    « C’est ça l’idée », et c’est ce projet-là que la poète traque dans la première partie de son livre. S’insinuer entre les mots de Villon, le faire « polyphoner » à travers voix afin de mettre en résonance la vie avec l’œuvre sans que l’une obscurcisse l’autre, toujours en maintenant la tension qui circule de l’une à l’autre. Ondulations et mouvements qui prennent appui sur les écarts, les absences, les trous et omissions.

    Soudain je m’interroge. Je vois quelque chose de paradoxal dans mon entreprise, celle qui me conduit à venir superposer mes propres mots (mais lesquels ?) sur ceux de Laure Gauthier ; qui elle, de son côté, infiltre sa voix par-dessous les voix, démultipliées, du poète :

    « trois voix,

    peut-être quatre,

    celles de françois villon, des autres, de ses autres ».

    Que vais-je pouvoir dire ? Quelle est ma place ? Où ? Quelle doit être ma posture ? Gloser sur la bio-graphie du poète est exclu. Gloser sur les mots de Laure Gauthier n’est pas davantage satisfaisant et pourrait relever de la paraphrase ou de l’imposture. Comment expliciter mieux qu’elle ne le fait elle-même ce qu’elle développe excellemment dans la seconde partie de Je neige : « (entre les mots de villon) ». Où me glisser ? Entre les mots, sans doute, mais lesquels et surtout comment ?

    L’objet du livre de Laure Gauthier est de se glisser sous la langue de François Villon. De faire résonner ce qui meut le poète, pris entre le tourbillon de sa vie et le mouvement impétueux de ses mots. Saisir ce mouvement, ce passage des actes à l’œuvre. La neige avant la neige. Avant qu’elle ne se forme et ne tombe. Comment s’y prendre ? Surtout ne pas combler les trous. Ne pas remplacer les blancs par des commentaires et des notices. Éviter cet écueil-là. Ne pas faire du Jean Teulé. S’en tenir le plus éloigné possible. Mais que fais-je pourtant d’autre que d’ajouter des commentaires à ce qui existe déjà ? Y compris en glosant sur ce que la poète elle-même rejette de son côté ?

    Revenir à l’essentiel. Et s’y tenir. Essentiel qui est : Je neige. Cet essentiel-là est un défi. Qui s’inscrit dans l’exact prolongement du précédent recueil — Kaspar de pierre. L’objet poursuivi par la poète est le même. Avec une radicalité plus grande encore. Ne pas lagardiser. Dynamiter tout le fatras biographique qui obscurcit le texte lui-même, son phrasé, son inventivité, sa fantaisie, la multiplicité des formes explorées, sa richesse, son originalité :

    « laisser bruisser le mouvement

    entre

    les mots »

    dit la voix de villon

    ou encore, disent les « Voix autres » :

    « Entre les mots se passe ma vie blanche,

    qui charrie quelques glissades hors du chemin ».

    Les voix qui interviennent rendent compte de ce travail de réduction ; voix anonymes parfois condensées dans un « haha » ou un « héhé » ; se contentent de dialoguer en se renvoyant la balle par aphorismes interposés :

    « Mais celui qui perd, perd tout. »

    Et la Voix 4 de rebondir :

    « Le perdant et le gagnant au jeu ont le même gibet ».

    Lorsqu’elles se retrouvent toutes ensemble, les voix miment le « jargon » de certaines ballades de Villon, ce qui conduit à entendre une discordance facétieuse, impénétrable aux non-initiés et à tous ceux qui n’entendent goutte aux jongleries villonesques :


    « Prince glaïeul aux ances roncies

    Crocheter la glotte

    Pour la poe du soufflant

    Et frappées en hurterie

    Au signe je plante du blanc

    Dans ma turterie ».


    À ces voix se mêlent les voix de Villon et sans doute aussi celle(s) de la poète. La première occurrence de la voix de Laure Gauthier se situe dans le paratexte de la dédicace adressée à ses « plus que parents » (Jacques Gauthier-Brenet et Maya Gauthier-Paintault), en écho explicite au huitain LXXXVII du Testament :

    « Item, et à mon plus que père,

    Maître Guillaume de Villon ».

    La poète est également présente sous d’autres semblances. Ainsi apparaît-elle dès l’ouverture de Je neige, reconnaissable dans la longue itération des consonnes à l’intérieur d’un même mot — « m’étouffffffe » ou « enrrracinée », procédé stylistique qu’elle avait employé dans Kaspar de pierre. On la retrouve encore dans son emploi d’anachronismes : « Jamais d’Abyssinie  » — allusion à l’exil de Rimbaud en parallèle à ceux de Villon ; ou avec les « Chansons de la Madelon ».

    Quant à Villon, il est présent sous les voix qui s’entrecroisent et derrière les mots qui le caractérisent. Taverne / amour / cloître / sorbonne / gibet / meurtre / exil / banni / coups et cloches… qui sont les pièces du puzzle des faits et actes de sa vie. Mais le poète se fait entendre dans maintes références à son écriture et à son travail poétique, comme c’est le cas dans cette strophe :


    « écrire, c’est vous faire croire au refrain

    à la rose

    votre devenir rondeau

    Mais

    si je vous endors de strophes

    Et vous caresse d’images

    dans le dernier vers

    je vous mets le nez dans l’usage ».


    On retrouve la pensée de Villon, comme ce qui a façonné son œuvre, dans les propos de révoltes estudiantines tenus par la voix 1  :


    « Du fer, de la couleur, ça bouge dans les rues

    secoue le cocotier du sens commun

    Une jarretelle au-dessus de l’équarrissoir

    Un chapeau pour annoncer le pain du boulanger

    Faux hiéroglyphe tagué sur la syntaxe des rues

    L’ordre des choses hoquette ».


    Visionnaire, Laure Gauthier, au moment où elle compose sa polyphonie-Villon ? Contestataire, en tout cas. Comme le poète. Ou comme ses comparses. Ainsi le sous-entendent les dires de la voix 1, à nouveau :


    « on est tous des enfants jetés avant l’eau du bain

    alors faire déraper les virgules, déraisonner,

    distribuer ce qu’on n’a pas avant de perdre ce que l’on est

    vider la phrase de son sang avant qu’ils ne l’attrapent

    Mes méchouis de lettres ! ».


    Alors, oui, Laure Gauthier le dit elle-même : elle s’engouffre dans les blancs de Villon qu’elle met en branle pour que s’entendent ses doutes et sa colère, comme les « pas de côté » de Villon continuent de les faire sourdre à nos oreilles. Il y a une même hauteur de diapason entre « dire et écrire » et « écrire et dire ». Une semblable obsession qui se réalise dans l’enharmonie de l’inachèvement. « Dire le devenir poème ». Et pour parvenir à cet extrême : « Partir dans la langue pour se départir ». Un pari, ô combien difficile et ambitieux, mais idéalement abouti. Avec, en prime, le plaisir exaltant de re-découvrir, entre rires et larmes, la belle langue de Maître François.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Gauthier Villon






    LAURE GAUTHIER


    Laure Gauthier
    Source




    ■ Laure Gauthier
    sur Terres de femmes

    J’écris toujours dans la neige [extrait de je neige (entre les mots de villon)]
    Marche 1 [kaspar de pierre]
    kaspar de pierre (lecture d’Isabelle Lévesque)
    kaspar de pierre (lecture d’AP)
    [Réinvestir la forêt] (extrait de La Cité dolente)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Laure Gauthier)
    une notice bio-bibliographique
    → (sur linked in)
    une fiche bio-bibliographique
    → (sur le site Les Découvreurs/éditions LD)
    une lecture de je neige (entre les mots de villon) de Laure Gauthier, par Georges Guillain
    → (sur le site Libr-critique)
    une lecture de je neige (entre les mots de villon) de Laure Gauthier, par Christophe Stolowicki





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  • Jean-Pierre Chambon, Noir de mouches (extrait)





    NOIR DE MOUCHES (extrait)




    Au bout d’un moment, j’ai eu soif et j’ai voulu aller chercher de l’eau au suintement du robinet de la cuisine. Quand j’ai soulevé le verre, la mouche qui paraissait morte s’est tout à coup envolée.


    Avec le même morceau de tunique à l’étoffe grenue, j’ai commencé à nettoyer la culasse de l’arme que j’avais laissée appuyée au mur près de la fenêtre. Il s’en dégageait une vieille odeur légèrement piquante de poudre et de métal. En bas, dans la rue, la scène s’était confusément modifiée. Les ombres allongées sur le sol paraissaient d’un noir plus dense. Elles donnaient l’impression de s’être mises à ramper. Elles étaient cernées d’un grouillement frénétique, criblées d’un piquetage de traits qui en masquaient les contours comme sous de rageurs coups de crayon. J’ai pointé le fusil et regardé par la lunette du viseur. Au-dessus des formes calcinées vibraient des essaims de mouches.


    Les mouches voltigeaient de plus en plus vite, comme emportées dans un tournoiement moléculaire. Je voyais scintiller leurs ailes dans la lumière qui amorçait son déclin.




    Jean-Pierre Chambon, Noir de mouches, éditions L’Auberge des vents, Grenoble, 2018, s.f. Dessins de Philippe Chambon.






    Chambon  Mouches 2





    JEAN-PIERRE CHAMBON


    Jean-Pierre Chambon  en vignette
    Source




    ■ Jean-Pierre Chambon
    sur Terres de femmes


    L’Écorce terrestre (lecture de Cécile A. Holdban)
    L’Écorce terrestre (lecture d’AP)
    [Je touche le grain du silence] (extrait de L’Écorce terrestre)
    Des lecteurs (extrait)
    Des lecteurs (lecture d’AP)
    Détour par la Chine intérieure (poème extrait du Petit Livre amer)
    Le Petit Livre amer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Fleurs dans la fleur]
    Fragments d’un règne (poème extrait du Roi errant)
    [Sur le papier la lumière](extrait de Sur un poème d’André du Bouchet)
    [À partir de l’inaliénable singulier] (extrait de Tout venant)
    Tout venant (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Zélia (lecture d’Isabelle Lévesque)
    L’invention de l’écriture (extrait de Zélia)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (extraits)
    Jean-Pierre Chambon | Marc Negri, Fleuve sans bords (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Noir de mouches par Jean-Paul Gavard-Perret





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  • Isabelle Lévesque, Le Fil de givre

    par Jean Marc Sourdillon

    Isabelle Lévesque, Le Fil de givre, éditions Al Manar,
    Collection Poésie, 2018. Peintures de Marie Alloy.



    Lecture de Jean Marc Sourdillon



    L’HYPOTHÈSE D’ISIS


    La mort avait-elle choisi, arrêtant d’un signe, les promesses fécondes ?



    Au commencement du geste d’écrire, il y a chez Isabelle Lévesque, on peut du moins le supposer pour ce livre, l’événement d’une perte ou d’une séparation. Quelque chose a été perdu, de primordial, quelque chose de nécessaire pour vivre… Sans doute quelqu’un, un père, un amour, mais aussi la parole qui allait avec, la parole née naturellement de la plénitude pour la soutenir, et qui a pour nom poésie.

    Tout est « loin » désormais, à distance.

    Voilà pourquoi écrire, qui est une manière de prolonger, fût-ce artificiellement, dans le présent ce qui a été perdu, est pour elle vitale :

    Elle écrit, c’est sa vie.

    Mais ce qui s’est perdu, avec la relation qui permettait de vivre, c’est précisément ce qu’il faudrait écrire : « le poème ». Le poème qui tenait ensemble, ou plutôt qui demeure la seule trace vivante de cela qui autrefois tenait ensemble ce qui injustement a été séparé.

    Portant haut les mots, tu lisais les poèmes.

    Tout se passe, dans l’écriture, comme si le poème au commencement avait explosé – soufflé par une déflagration – et qu’il était désormais derrière celle qui écrit, souffle coupé, comme s’il était devenu perpétuellement manquant.

    Du poème il ne reste que des bribes, du grand feu de la vie ensemble, ne restent que des braises. Nous ferons poème de bribes. Avec tout cela comment faire un présent ?

    D’abord, semble-t-il, en prenant acte de la dispersion inaugurale : Nouer les mots au feu de la dispersion.

    Oui, mais comment un tel geste, aussi paradoxal, aussi contradictoire, se manifeste-t-il concrètement dans l’écriture ? Par le recueil et la disposition des bribes restantes. On voit des mots, des signes jetés en vrac sur la page, sans liens, sans fils, sans syntaxe ni coordination, parfois même sans articles. Ce sont les simples pièces d’un puzzle sans l’image qui les rassemble. Ou la partition déchirée d’une chanson dont il ne reste que quelques mots sans la mélodie qui les portait sur le silence. Accord disloqué, poème brisé, dévoré par le silence.

    Souffle – à peine, léger.

    Conte, s’il vole.

    Fée change, baguette souple, coudrier,

    Trace où vit le soir, et l’alerte

    or et le jour,

    l’or trouvé

    dans les légendes.

    Un poème en pièces détachées. Voilà tout ce qu’on a. Les fragments dispersés d’un conte qu’il faudrait écrire. Mais manque ce qui permettrait de les mettre en ordre : la magie d’un commencement, la baguette qui fait surgir la source sous le silence ou le souffle qui soutient les mots au-dessus de lui, ce qu’on appelle tout simplement la parole. Pas d’intrigue ni de mélodie, pas d’unité ou de cohésion atteignables dans ce moment du temps. L’écriture serait la seule ressource, mais où trouver le commencement ? Là est la déchirure.

    La dispersion sera ce point de départ.

    Du poème dont on a perçu la grande forme englobante autrefois dans l’écoute, ne restent peut-être que des bribes. Mais ces bribes sont infiniment précieuses, braises d’instants autrefois vécus et surgissant dans le présent à la faveur des mots qui les nomment. Ou plutôt signalées par eux, désignées au loin par des sortes de notes, juste un mot ou deux comme on en griffonne à la hâte pour ne pas oublier, des sortes de pense-bêtes, d’indices sur quoi s’appuie la mémoire. Voilà pourquoi, au moyen des mots, il faut aller chercher une à une ces braises, les recueillir sinon les rassembler, les faire tenir dans un même moment, sur une même page même si manque le fil qui les tenait. C’est en quoi consiste le geste d’écrire. Une conquête sur le silence et l’oubli, une manière de « cogner » à coups de mots le temps qui toujours éloigne et décompose, grand pourvoyeur de vide.

    Voilà tout ce qu’on peut, voilà à quoi ressemble un poème d’Isabelle Lévesque dans ce livre. Un poème d’un ici et d’un présent empêchés. Séparés. Un poème sans le poème mais qui le suppose, c’est en quoi il est tout de même poème. Un poème qui se souvient de ce qu’a été la poésie et qui croit encore en elle, et tend éperdument vers elle sans pouvoir la trouver.

    C’est pourquoi, on le comprend, toute son écriture est un appel. Une façon de se tourner en l’appelant vers celui qui tenait en cercle le jour autour de lui et rendait possible le poème, sa totalité claire, son unité soutenant, illuminant la vie, faisant d’elle un feu continu et ordonné. Et ainsi, par ce geste, cet appel, ce qui se tente, difficilement mais non vainement, c’est de susciter à nouveau le poème qui donnait au jour sa perfection circulaire d’absolu, le soir tenant au matin sans passer par la fin.

    C’est dans l’appel, Isabelle Lévesque l’a bien compris, dans « l’invocation tutoyante »1, que se situe la possibilité d’un commencement. Si écrire est d’abord disposer les éléments recueillis dans un même silence, une même blancheur sur la page, comme le fait naturellement la glace, qui laisse le florilège, trace à peine, c’est surtout par l’adresse qu’on peut sortir de l’isolement et de la séparation. C’est en s’adressant à celui (ou celle) qui tenait en ordre le temps et lisait les poèmes. En lui disant « tu », en tentant de le rejoindre, de reconstituer avec lui le pronom « cousu au point de lune » de la communauté perdue que seul aimer peut inventer. Ce « nous » ouvert sans quoi il n’est pas de « je » ni de poème, ni même de vie continue à l’intérieur du temps puisque celui-ci travaille en sens contraire à la défaire.

    On retrouve là, peut-être quelque chose du grand chant courtois. Par l’adresse, par la parole, on s’avance vers celui qui toujours au loin appelle et sans cesse se dérobe. Mais qui par sa seule présence ou son souvenir indique une direction, fait de la distance une sorte de chemin, et permet ainsi que se recrée le fil qu’on a perdu, d’une histoire, d’un sens, d’une mélodie qui par son ordre rend la vie musicale, lumineuse, simplement vivable ou humaine. Sortie de l’inertie et du hasard.

    Le « tu » à qui l’on s’adresse, ou parce qu’on s’adresse à lui dans le poème, en même temps qu’il féconde à distance une parole, l’oriente, a le pouvoir de mettre en ordre, comme autrefois il le faisait, les éléments qu’on lui propose. Alors ta venue changeait l’ordre et nous, certains, cheminions.

    C’est ce qu’il veut : que celle qui écrit, par ses mots, fasse ressurgir un ordre, et au cœur de cet ordre une vie qui pourrait illuminer de l’intérieur comme un feu ou un baiser le présent qui s’est glacé. Il est celui qui montre l’exemple, qui enseigne à dire oui.

    Tu veux. Des poèmes.

    Je m’attèle. Tu souris. Alors possible.

    Je ferai, juré, les phrases ou les vers.

    Le poème, toute l’entreprise poétique devient alors une sorte de lettre qu’on écrit en dépit de la fin et de la séparation à l’être absent parce que même dans son absence, par les mots avec lesquels on s’adresse à lui, il peut se faire guide, suggérer lui-même ces mots et conduire vers le lieu du confluent des vies : J’entends les mots que tu hisses et les nuages rejoints se font torrents .

    Je voudrais formuler à propos de la poésie d’Isabelle Lévesque une hypothèse. On le sait, dans le célèbre mythe de l’Egypte antique, Osiris a été assassiné par Seth, son frère, jaloux de ses amours avec leur sœur commune, Isis, déesse du Nil et de la fécondité. Il a été non seulement assassiné mais aussi démembré et les morceaux de son corps ont été éparpillés dans le vaste paysage de la vallée du Nil. Isis par amour pour Osiris veut retrouver ces morceaux épars afin de pouvoir ensuite les rassembler, reconstruire et ranimer ce corps dépecé, littéralement lui rendre vie. L’écriture selon Isabelle Lévesque obéit, me semble-t-il, au même projet. Elle recueille elle aussi les morceaux du grand corps, du grand poème dispersé. Et, dans ce livre, elle est là, debout devant la tâche qui s’impose à elle. Et elle se pose la question d’Isis : comment faire pour que l’unité se refasse et que la vie revienne, circule à nouveau ?

    Face à la dispersion, sa réponse, on l’a vu, est dans la disposition et l’adresse. Il faut dans le cours des jours, entre soirs et matins, maintenir la relation, parler à cela qui gît en morceaux devant soi, présenter par la parole ces morceaux, les disposer sur la page en attendant le souffle improbable, générateur d’unité et de vie. Mais comment être sûr qu’il viendra ? L’adresse, la disposition, si elles permettent un commencement, ne suffisent pas pour donner l’accomplissement. C’est pourquoi d’autres réponses se suggèrent dans ce livre. Elles le sont parfois sous la forme d’une question comme si celui à qui elle s’adresse répondait par l’interrogative, esquivant l’affirmation et testant la capacité d’aimer ou d’espérer de celle qui écrit : crois-tu ? Crois-tu en la possibilité du poème ? En son pouvoir de redonner vie et forme à ce qui a été perdu et détruit ? La croyance ou la confiance est une réponse. Une autre est donnée, esquissée tout à la fin ; elle est dans une certaine façon d’utiliser la parole : la promesse. Il s’agirait, si l’on comprend bien, de s’appuyer sur les promesses autrefois fécondes, au temps où l’autre était là et lisait les poèmes, pour fonder dans l’aujourd’hui défait l’unité du poème et sa plénitude rêvée autour d’un avenir qui n’existe pas encore mais envisagé comme possible, mais projeté. Tout autant que son contenu, c’est la forme de la promesse, parole performative, l’acte de tenir effectivement parole, qui, parce qu’elle fait se relier le passé et l’avenir par-dessus le présent défaillant, permet d’instaurer une unité dans le temps, de littéralement tenir le temps et de substituer au fil de givre fragile et glacé le fil de vivre qui sous-tend de son chemin d’or toute poésie authentique et vivante.

    La dispersion est peut-être la condition du temps. On a pu l’appeler parfois « désastre », le désastre du sens surgissant au cœur même de l’écriture. La poésie, tout en étant lucide, consiste à ne pas se borner à le constater mais à chercher à le dépasser par tous les moyens que le langage et l’imagination mettent à notre disposition, à inventer des solutions à chaque fois singulières et nouvelles pour en sortir. Là, comme le montre ce livre courageux et exigeant, dans le refus de la résignation, est sans doute la fragile force de la parole poétique, là sa raison d’être et sa nécessité.

    Il se peut alors que, par une sorte de miracle, même si ce mot peut sembler étrange à celle qui écrit, un poème s’esquisse, fugitivement, évasivement, et que l’on soit d’un coup porté au bord des retrouvailles le long d’un fil incandescent.

    Ce que nous fûmes résonne.

    Image morcelée avant le soir.

    Braises et ricochets. Sur la mer,

    fragments dispersés du jour

    à la lumière des baisers.



    Jean Marc Sourdillon
    D.R. Texte Jean Marc Sourdillon



    1. La formule est de Jérôme Thélot dans La Poésie précaire (PUF, 1997)



    _________________________
    [Une version abrégée de ce texte a été publiée dans La Nouvelle Quinzaine Littéraire, n°1196, parue le 16 juin 2018]






    Isabelle Lévesque  Le Fil de givre






    ISABELLE  LÉVESQUE


    Isabelle Lévesque
    Source




    ■ Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes

    [Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
    [Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
    Le Fil de givre (lecture d’AP)
    C’est tout c’est blanc
    [Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
    Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
    Chemin des centaurées (lecture d’AP)
    Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
    [Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l’oubli)
    Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
    [Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
    Ossature du silence (note de lecture d’AP)
    [Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
    Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
    [Les serments] (poème extrait de Le tue braccia saranno)
    Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
    Voltige ! (note de lecture d’AP)
    Isabelle Lévesque | Pierre Dhainaut, La Grande Année (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Territoire
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un poème extrait de Va-tout)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur Le Fil de givre
    → (sur Paysages écrits n°30 – octobre 2018)
    une lecture du Fil de givre par Sanda Voïca
    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Isabelle Lévesque




    ■ Notes de lecture (54) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Laurence Chaudouët | [Je rêve de mots geysers]





    Laurence Chaudouet
    « l’envie de courir de plonger dans l’eau vive »
    Ph., G.AdC







    [JE RÊVE DE MOTS GEYSERS]



    Je rêve de mots geysers
    de mots creusant mes veines
    me redonnant le lièvre bondissant dans l’aube
    l’envie de courir de plonger dans l’eau vive
    portant mon corps au ciel
    et ma peau à l’écorce
    enjambant les montagnes
    escaladant l’abîme
    et portant sur ma langue
    la graine imperceptible de chaque instant défait.


    Ouvrez-vous arbres ensevelis
    Par le soleil vous éveillez au cœur
    Le bruit inconsolable du vent.




    Laurence Chaudouët, La Présence de l’aube, Éditions Alcyone, Collection Surya, 2018, pp. 54-55.






    Laurence Chaudouët  La Présence de l'aube





    LAURENCE CHAUDOUËT


    Laurence Chaudouët
    Source



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la page de l’éditeur sur La Présence de l’aube de Laurence Chaudouët
    → (sur Recours au Poème)
    une page sur Laurence Chaudouët





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  • Cécile A. Holdban, Toucher terre

    par Angèle Paoli

    Cécile A. Holdban, Toucher terre,
    éditions Arfuyen, Collection « Les Cahiers d’Arfuyen »,
    n° 238, 2018.



    Lecture d’Angèle Paoli





    HOLDBAN Cécile
    « Au commencement était l’O de mon nom »
    Ph. : Yvon Kervinio
    Image, G.AdC







    « C’EST LE VENT QUI NOUS MEUT »



    «  Il y a des pierres dans sa langue, de l’eau et des cailloux. » Il y a aussi des oiseaux, beaucoup d’oiseaux, des fleurs, des étoiles et des papillons, la nature entière, mer et cosmos. Et la terre et les saisons. Il y a de l’aile et de l’eau dans son nom, l’O d’Ophélie, l’O du sommeil et l’O de l’oubli.

    « Au commencement était l’O de mon nom

    une aurore liquide jaillissant de la nuit

    l’ovale encerclé de mon visage

    émergeant de l’eau. »

    L’O qui surgit ici, au détour d’un poème, c’est celui de la poète Cécile A. Holdban. La terre que le regard foule et l’esprit qui la traverse, c’est la terre poétique de son dernier recueil. Toucher terre. Pour accompagner ce titre, la poète a choisi un détail d’un dessin de Nicolas Dieterlé : Pays secret de poésie. Le paysage, de montagne et d’arbres baignés de lumière, est traversé par un cycliste aérien et solitaire courbé sur son vélocipède. À la fois malicieuse et inattendue, l’illustration de la première de couverture fait sourire. Et intrigue. Sans doute parce qu’elle renvoie le lecteur à l’enfance, à la magie qui parfois s’en dégage encore, par le détour de la mémoire, au monde onirique qui la nimbe. Elle renvoie aussi à l’univers propre de la poète et au lien étroit qu’elle revendique avec le poète Nicolas Dieterlé.

    Mais l’enfance de la narratrice-poète est loin désormais. Il ne reste de ce temps que les ritournelles de quelque comptine, d’un air ancien, le souvenir d’une « robe bleue pendue à un cintre ». Elle est ce qui « demeure » dans la mémoire d’un passé heureux et que l’eau tremblée du miroir ne peut ramener à la surface. La vie depuis longtemps a changé de sens, changé d’espace. Partout autour de soi des murs se sont dressés. La nuit est devenue « une soupe épaisse tournant autour du gouffre ». Nul ne sait d’où vient le mal. Le fait est qu’il est à l’œuvre. La mort engendre la mort. Et les « corps sont des corps vides qui demeurent et nourrissent une terre lourde de ses ombres ». Le passé semblait pourtant devoir durer toujours, ayant précieusement gardé secrètes ses promesses de bonheur.

    « Nous avions des mains fraîches au logis

    des mains pleines de mémoire

    des mains pleines de saisons.

    C’est un mal qui nous rend invisible. »

    S’ouvre ainsi le recueil Toucher terre, sur un monde dévasté. La présence quasi contiguë d’un poème de Paul Celan (extrait de Grille de parole), fournit la clé de l’alphabet muet auquel poète et lecteur se trouvent confrontés :

    « Est venu, venu.

    Est venu un mot, est venu,

    est venu par la nuit,

    voulait luire, voulait luire. »

    Les liens de Cécile A. Holdban avec le monde de la poésie sont nombreux. Cécile est une authentique lectrice de poésie. Elle est aussi une traductrice. Un aspect de son travail qui n’est pas négligeable. Certains poèmes qu’elle a traduits — hongrois et américains — avoisinent ici ses propres poèmes. Ainsi établit-elle des parentés explicites avec les poètes qu’elle côtoie, qu’elle fréquente et qu’elle aime. Howard McCord, Linda Pastan, Janos Pilinszky, Sándor Weöers dont elle s’inspire pour créer, en écho au sien, son propre poème « Xénie ». D’autres poètes surgissent sous sa plume. Alejandra Pizarnik, Edgar Poe, dont les vers apparaissent en italiques. Des emprunts, qui appartiennent désormais à chacun d’entre nous, se glissent parfois à l’improviste dans le poème. Ainsi ces quatre vers parmi lesquels le lecteur reconnaît le titre d’un ouvrage de Christian Bobin :

    « pourtant nous durons

    dans cette obstination à chercher

    l’étincelle, la part

    manquante. »

    D’autres fois, certains vers en italiques ne sont pas identifiables. Sans doute s’agit-il de traductions inédites à partir de comptines hongroises ou de poèmes puisés à la source originelle de la poète : la Hongrie.

    « Le sud n’est rien, elle est fille de l’est, des Pâques et des septentrions.

    Les oiseaux de ses mains rappellent la clarté et le froid de l’enfance. »

    écrit la poète dans « Le figuier » (in « Voix »).

    Quant à l’épigraphe qui ouvre la section « Labyrinthe », il est emprunté au poète et ami Jean-Pierre Chambon. Le lecteur en retrouve un écho dans le poème À travers (in IV, « Toucher terre »)  :

    « on frotte ses paumes contre le miroitement des glaces

    en espérant les traverser ».

    La présence d’Arthur Rimbaud se révèle essentielle. Suivant le chemin de son aîné, Cécile A. Holdban se veut voyante. Dans un monde labyrinthique devenu illisible, un monde hérissé de murs, où la mort l’emporte sur le vivant, il y a grande nécessité à ouvrir les yeux et à percer les ombres :

    « on doit tenir droit

    les mots nous guident. Il faut y planter les ongles

    si on ne voit pas au-delà

    des yeux. » (in L’alphabet, I, « Labyrinthe »)

    Plus loin, dans le poème intitulé L’O, la poète, Ophélie rimbaldienne, écrit :

    « Diapason : dans le ciel un vaisseau

    soulève, précis, la paupière du monde

    dans sa mue, devenus voyants

    nous observons en silence

    déchiffrons les strates du visible

    nos doigts tremblent

    devinant les traces à demi effacées

    de la blessure d’eau. »

    Enfin survient le titre — C’est la mer allée avec le soleil —, en écho à Rimbaud et à son poème « L’Éternité » (in « Demeure », II).

    Se faire voyant est nécessité, car la fêlure est profonde qui brise l’équilibre originel, et la folie guette. Mais se faire voyant n’est pas simple. Voir clair dans l’opacité qui englobe le monde est chose malaisée, car « illusion et vérité sont structure et moelle d’un même paysage. ». Aux augures de jadis, la poète oppose sa lucidité et s’adresse cette injonction :

    « Sois l’espace entier, la fenêtre où voir est sans limite. »

    Et d’ajouter ce vers :

    « L’horizon : on le mesure à ce qui tremble

    Par-delà les lignes possibles. Le temple est transparent. » (in Templum, « Voix », III)

    Parfois un simple geste suffit, qui joue comme une respiration :

    « Les yeux clairs

    elle se lève pour regarder le temps

    frapper à la fenêtre »

    Ce geste simple, le lecteur le retrouve dans le très beau poème final, ce « Toucher terre » qui donne son titre au recueil :

    « Toucher terre lentement, à l’abri des sous-bois,

    des cyclamens mauves, des lianes de ronces

    les flammes des bruants voletant

    entre l’ombre des haies

    simplement toucher terre ».

    Poème après poème, la poète s’exerce à redonner vie au langage. Il y a en elle quelque chose de Déméter :

    « je te sème de mes doigts d’équinoxe.

    Je te disperse ».

    Il faut, selon la poète, délivrer les mots des gangues qui les enserrent ; il faut se désencombrer ; ouvrir grand l’espace mémoriel ; accepter de désenclaver la langue. Jusqu’à « divaguer la mer et l’inverser ». C’est le conseil que la poète adresse au prophète Jonas. Pourtant, même si le regard s’exerce à considérer l’envers du monde, le labyrinthe ne cède pas. Qui brouille jusqu’au silence. La poète persiste malgré tout à penser et à croire que « quelque chose résiste encore », que demeurent les choses simples :

    « Rondeur du fruit

    lustre d’une feuille

    volupté de l’espace

    le ruissellement de l’eau et le vent dans les branches

    qui les délivrent. »

    Mais qui est donc la poète Cécile A. Holdban ? Au détour d’un quatrain apparaît une très belle définition ; une définition qui se décline en exact contrepoint à Jonas :

    « berger sans bâton ni carte

    je marche en moi-même

    pour puiser ce qui me constitue

    sans l’aide du miroir ».

    Elle est aussi ce vaisseau clair qui ouvre devant lui/devant elle des espaces infinis. Invisibles et insaisissables. Des espaces de beauté pure. Comme le sont ces trois vers. Magnifiques :

    « Ce ne sont pas les pierres

    Ni les os qui demeurent,

    C’est le vent qui nous meut. »



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Holdban Toucher terre






    CÉCILE A. HOLDBAN


    Cecile A. Holdban




    ■ Cécile A. Holdban
    sur Terres de femmes

    Îles (poème extrait du recueil Toucher terre)
    À la fenêtre (poème extrait du recueil Ciel passager)
    Ciel passager (présentation publique de Thierry Gillybœuf)
    Hiéroglyphes (poèmes extraits du recueil L’Été)
    [Il n’est pas d’autre lieu que celui de l’absent] (poème extrait de La Route de sel)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Poèmes d’après suivi de La Route de sel (lecture d’Emmanuel Merle)
    [Suspendre ma voix] (poème extrait du recueil Un nid dans les ronces)
    Xénie
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Je ne tuerai point]



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Nouveau Recueil) une lecture de Toucher terre par Jean-Marc Sourdillon
    → (sur Recours au Poème) une lecture de Toucher terre par Pierre Tanguy
    → (sur le site de la mél [maison des écrivains et de la littérature]) une notice bio-bibliographique sur Cécile A. Holdban





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