Étiquette : 2019


  • Isabelle Alentour | [Jamais d’abord, ni contre]





    [JAMAIS D’ABORD, NI CONTRE]




    Jamais d’abord, ni contre, la densité d’un corps et le geste qui efface.

    Qui tient au poids du silence.

    Tout ce dont la langue fut coupée.

    Tout ce qui se putréfie d’être tu.

    Écrire.

    Peu.

    Donner un nom à ce qui échappe : le trop intime, le monstrueux.

    Écrire avec la retenue des forêts.

    Sans souffrance inutile pour les arbres manquants.

    En dessous des épaules démarrent les brumes.

    Coagule le sang.

    Rien ne s’ouvre qui permette l’avant.

    À mon poignet un autre mutisme.

    Ça ne finit pas, non, ça ne finit pas.

    (Ne pouvoir écrire, seconde mort)





    Douleur       
    dédouble
    chaque
    minute
    casse en deux chaque
    sourire
    ou bourgeon enivré de printemps


    Nul arbre où grimper
    (cabane où s’abriter)
    nulle pluie où tomber
    ni moineau vers le sud pour s’envoler

    Dehors
    le soleil (cet insouciant)
    continue de tourner





    Ne prononcez pas ces mots.

    La seconde mort.

    Celle qui se troue d’un blanc après que tout est fini.

    L’oubli des victimes.

    Non, ne vous fatiguez pas à prononcer ces mots.

    Les égouts de l’histoire s’en chargeront.




    Isabelle Alentour, « V – Comme dans un rêve », Ainsi ne tombe pas la nuit, Éditions iXe, Collection racine de iXe, 2019, pp. 52-54.






    Ainsi ne tombe pas la nuit 2




    ISABELLE  ALENTOUR
    [PELLEGRINI]



    Isabelle Pellegrini





    ■ Isabelle Alentour
    sur Terres de femmes


    [Lac étal comme un épuisement] (extrait de Je t’écris fenêtres ouvertes)
    [Heures douces d’un après-midi d’été] (extrait de Louise)
    Louise (lecture d’AP)
    Makapansgat (lecture de Philippe Leuckx)
    [Je me sens vieillir] (extrait de Makapansgat)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [Pour ne pas perdre la pluie] (poème inédit, 2013)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions iXe) la fiche de l’éditeur sur Ainsi ne tombe pas la nuit d’Isabelle Alentour
    → (sur Terre à ciel) une page sur Isabelle Alentour [+ mini-entretien avec Roselyne Sibille]
    → (sur Ce Qui Reste) une page sur Isabelle Alentour





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  • Éric Sautou | [Lire les poèmes]





    [LIRE LES POÈMES]




    103.


    Lire les poèmes (on ne les lit plus guère).


    104.


    j’écris je pense à toi


    quelque chose (comme le souvenir qui nous épuise)
    fleurs (disait-elle) qui nous redonnent l’oubli j’étends mon linge au beau milieu j’étais une enfant une hirondelle dans l’église où j’avançais mon père mes frères et sœur ma mère (tombée du ciel dans sa cuisine)


    il n’y a pas d’autre maison (disait-elle) que celle où tu n’es plus d’autre cœur à mon cœur je m’arrête (m’arrête) au reflet dans l’eau qui me hante car depuis toujours (disait-elle) depuis toujours j’étais là


    les trottoirs les avenues les cinémas comme ils viennent (disait-il) ou le jardin (ensauvagé) la lumière du temps s’y dépose et vivre (disait-il) écrire plus encore m’en éloigne


    la maison (disait-elle) je suis assis (disait-il) au fond du puits de ta maison (mais je ne comprends pas)


    poèmes (disait-il) qui sont toujours un peu la même chose c’est l’arbre (disait-elle) qui brûle dans le froid de la froide saison


    les jours (disait-il) sont-ils les mêmes de ma vie la tristesse (infatigable disait-elle) qui n’est pas toi qui n’est pas mienne (la tristesse de tous)


    105.


    (vers le calme fleuve des morts)





    Éric Sautou, « septembre-décembre (2014) », 103, 104, 105, Les jours viendront, éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2019.






    Sautou  Les-jours-viendront






    ÉRIC  SAUTOU


    Sautou 2
    Ph. Sébastien Solidon
    Source





    ■ Éric Sautou
    sur Terres de femmes


    À son défunt (lecture d’AP)
    Beaupré (lecture d’AP)
    [c’était ça simplement ça] (extrait de Beaupré)
    La vie éternelle, I (extrait d’Une infinie précaution)
    [comme le héron je descends de ma fenêtre] (extrait des Vacances)
    La Véranda (lecture d’AP)
    [assise et seule assise] (extrait de La Véranda)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Éric Sautou
    → (sur Terre à ciel)
    une page sur Éric Sautou





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  • Delfine Guy | Expédiée dans l’Arctique






    Grande Papillon tirage de tête
    Delfine Guy, tirage de tête de La Grande Papillon






    EXPÉDIÉE DANS L’ARCTIQUE




    Après avoir longtemps couru dans la neige
    j’étais devenue transparente
    Les luges tatouaient sur mon dos
    d’amples fleurs noires

    et je m’étalais comme un habit fantôme
    accueillant dans mes manches
    multitude d’enfants

    ils n’étaient pas miens
    riaient d’une grimace de glace
    et tétaient l’absence
    par mes fibres inodores

    Le paradoxe de l’ourse polaire
    s’est maintenu au chaud
    mon pelage est une planète vierge
    L’océan pourtant prisonnier

    me fait don de clefs robustes
    ce sont mes crocs

    ils luisent tout autour de ma langue
    tandis que je m’éveille
    du plus long des hivers

    et que je souris à l’homme au sexe dressé

    Mes deux seins bombés tournent en lune et soleil





    Delfine Guy, La Grande Papillon, Poèmes & dessins, éditions Al Manar, Collection Poésie, 2019, pp. 34-35.






    Grande Papillon






    DELFINE   GUY


    Delphine Guy




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de la revue Décharge)
    une lecture de La Grande Papillon par Jacques Morin
    → (sur le site des éditions Al Manar)
    la fiche de l’éditeur sur La Grande Papillon





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  • Laura Tirandaz | Guayasamín






    Anne Slacik  Tirandaz
    Anne Slacik, planche 4 de Signer les souvenirs
    Source








    GUAYASAMÍN




    Loin de moi ces mains nouées ces os

    brûlés par le travail
    ces petits vendeurs enfants à cigarettes à coca
    Loin de moi ces costumes sans parade
    ces oiseaux sans envol
    Loin de moi son cou brisé dans son cadre noir
    sa peau jaune ses yeux sans pupille
    La madre de los Andes
    Un visage sans mot une souffrance plate unie
    qui refuse de se distraire
    Celle qui noie le rouge dans le lait
    Celle qui se penche sur l’enfant
    Loin de moi
    Cette douceur
    ces sourcils qui se rejoignent et s’apaisent
    un toit pour le vent des Andes
    un refuge pour la poussière des laves sèches
    Loin de moi
    Celle qui tient au silence
    Celle dont les poignets se détachent





    Laura Tirandaz, Signer les souvenirs, Æncrages & Co, Collection Écri(peind)re, 2019, s.f. Gravures d’Anne Slacik. Prix de la Découverte poétique Simone de Carfort de la Fondation de France 2016.






    Laura Tirandaz  Signer les souvenirs  3






    LAURA  TIRANDAZ


    Laura Tirandaz
    Source




    ■ Laura Tirandaz
    sur Terres de femmes

    Signer les souvenirs (lecture de Philippe Leuckx)
    [Sillons des dunes sillons des cous des femmes] (extrait de Sillons)



    ■ Voir aussi ▼

    le blog de Laura Tirandaz
    → (sur le site du Marché de la Poésie)
    une fiche bio-bibliographique sur Laura Tirandaz
    → (sur le site d’Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Signer les souvenirs de Laura Tirandaz





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  • Florence Noël, Solombre

    par Angèle Paoli

    Florence Noël, Solombre,
    éditions Le Taillis Pré, 6200 Châtelineau, Belgique, 2019.
    Frontispice de Pierre Gaudu.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « LA CÉDILLE DU ÇA »




    Solombre. Serait-ce, inconnu, le toponyme d’un pays oublié ? Celui d’une région perdue dans les ombrés des cartes ? Ou peut-être la dénomination d’un espace de solitude, intime et intérieur ? Solombre. La désignation d’un espace onirique, un lieu en demi-teinte, une pénombre, un chiaroscuro ? Mi-ombre mi-soleil. « [M]i-neige et nuit de moitié ». Un lieu de contraste violent, tout aussi bien, livré à l’oxymore, tel que le suggère le poète Octavio Paz dans quelques vers d’Expiration :

    Soleil de l’ombre Solombre aveuglante

    [Sol de sombra Solombra cegadora]

    Mes yeux vont enfin voir l’inentrevu

    Ce qu’ils perçurent sans le percevoir

    Le verso des visions et la vue.

    Solombre. Un titre choisi par Florence Noël, en écho à Octavio Paz que la poète cite dans l’épigraphe de son dernier recueil. Dans le sillage d’Octavio Paz, la poète tente de débusquer ce qui s’éclipse à la vue, ne serait-ce que l’espace d’un instant ou le temps d’un poème. Fixer l’image saisie sur le vif. Formes mouvements rumeurs couleurs, glyphes et paraphes inscrits sur la page. Impalpables et fuyants comme les frimas ou les flocons de neige. Des tableaux de genre d’où émergent, mystérieux et noyés de brumes hivernales, ces paysages de novembre, balayés de bourrasques, paysages du Plat Pays traversés par les vents du Nord. Mer terres et ciels s’agrègent sur des horizons effilochés de pluies. Paysages d’un autre temps, médiéval peut-être, un temps de mémoire pour dire le passage du temps, de la vie à la mort. Nuit cloches fleuves. Parfois surgit une ombre, la silhouette d’un homme seul traversant les champs à cheval, longeant des routes silencieuses. Il est là, dès le poème d’ouverture, qui chevauche : « c’est l’homme avançant vers sa mort / mourant aux autres… ». Et la lectrice que je suis va l’amble à ses côtés, certaine de chevaucher dans des contrées similaires à celles des toiles de Brueghel, paysages bleuis de neige :

    « tantôt la nuit éteint son aile

    arase les labours ridés d’argent

    une corneille y craque

    le silence

    entrouvre le noir

    grisé de sel

    des fossés friment la mort

    là dort l’appétit

    d’une nuit sans pareille ».

    La nuit, tout au long de cette première section — car il y en a une seconde, intitulée « Fourbure » —, la nuit égrène sa présence. Fuites et ressacs, déferlements. Le leitmotiv sillonne ses flux, ses efflorescences. D’un poème à l’autre. Et livre sa part d’ombre et sa part de plaintes. « La nuit fuit » / « la nuit reflue » / « la nuit s’étiole » / « les nuits nubiles »… La nuit dans ses extravagances, la nuit et ses excès :

    « fastueuse nuit

    terrassière sous

    la lame d’une lune

    revenue des enfers ».

    Pourvoyeuse de « matin noir », l’aube parfois point, qui fait « effraction » sous les « portes closes ». Sombres, les images de novembre sont marquées du sceau de visions douloureuses, solitude et deuil, doléances mordues de silence. « [N]uits rompues par fuites / et ferments. » La poète à l’affût s’arrime au déroulé de « l’heure blanche », avide de ses menus mystères ; elle interroge le « dire la rage lente des feuilles / pour déchirer leur pulpe ». Derrière ces dits de givre se glisse cet autre que l’on attend. L’« homme revenu / des confins » ; l’amant au « pelage/albinos ». Le « tu » vacille, d’elle à lui ou d’elle à elle :

    « tu dis c’est l’heure jaune ».

    Ou encore

    « c’est le jaune de l’heure que tu cherches ».

    Un « tu » qui transparaît aussi dans le nous :

    « aux fenêtres

    nous épinglons des astres

    trions les ciels des cartes

    jouons sur les morts…

    alors nous retournons le portrait

    face au mur ».

    Ou encore, naufragé de sa solitude, ce « nous », sombré, é/perdu :

    « et nous

    absents d’étreintes

    flottant à demi-mot

    sur la tranche des lèvres ».

    La nuit. Quelle est celle qui existe vraiment ? interroge la poète. La nuit ne serait-elle pas rien d’autre qu’un alibi du rêve, qu’une antichambre du néant et de la mort ? Des bruits et des rumeurs diffusent des messages nocturnes que seule la dormeuse semi-éveillée parvient à décrypter. La nature elle-même, démunie et gelée, souffre de ses blessures. Enclos dans une même prison glacée, les hommes et les arbres éprouvent une même difficulté à vivre et à aimer. Sentinelles de miséreux aux gestes inaccomplis, ils partagent une même pauvreté de corps et d’âme. En réponse à la supplication lancée dans la tristesse surviennent l’insecte et ses « battements d’ailes », en signe minuscule d’espoir.

    « coi de tristesse

    féconde

    un insecte joue

    sur ma joue

    le parfum sec

    des battements d’ailes ».

    Je ne saurais dire en quoi, au juste, les poèmes de « Fourbure », la seconde section du recueil, diffèrent de ceux de Solombre. Peut-être la mélancolie de « Fourbure » y est-elle plus douce, plus apaisée ? Peut-être aussi ai-je moi-même inconsciemment renoué peu à peu avec les paysages noyés du Nord, « alliance de densité / entre ce ciel lourd et cette bombance / spongieuse du sol… » ? Avec ces tableaux de genre où solitude et silence se disputent l’hiver.
    Affleurent dans « Fourbure » de semblables variations sur la lumière, captatrice de l’instant, confrontée le plus souvent à des zones d’ombre. Mais davantage encore à la pesanteur. Laquelle prend toute son ampleur et sa force sous la plume de la poète Mimy Kinet, citée en exergue :

    « La lumière prenait appui sur ses épaules

    il ne savait pas comment se décharger de cette grâce… ».

    Pour Florence Noël, la « fourbure » est corrélée à l’écriture. Et la fatigue d’écrire à la vacuité du dire :

    « je n’ai rien d’autre

    à vous dire

    que le verbe qui s’écaille

    dans ma main de labeur ».

    Comment se libérer de cette fatigue de dire, de ce « faix » trop lourd, lorsque les mains s’épuisent de tant de mots fourbus, de tant de lassitude à poser sur la page « le verbe qui s’écaille » ? Pourtant la griserie est sensible, qui gagne la poète, à recourir aux mots, parfois les plus insolites et les plus précieux, les plus innovants et rares – « on écueille/les rigoles ». En aède accoutumée au chant, la poète inventive joue avec les mots, leur proximité sonore, les glissements de sens, dépoussiérant leur étymon latin – « les humeurs / y percolent » ; la « parmélie », sa forme de bouclier rond – et, en arrière-plan, l’idée de la couleur parme qui se glisse. Et annonce peut-être le « mauve » qui, quelques pages plus loin, gagne le ciel du soir.

    De ces polysémies singulières irradie un mystère plus grand encore, comme dans ces trois vers :

    « c’est tue que

    je m’évertue

    à chanter ».

    Que dire de l’énigme portée par la vanité de la « tentation de la fatalité » ?

    « car rien

    jamais

    n’égalera la misère de Job. »

    Quant à la « fourbure », l’image en est disséminée à travers nombre de variations sonores – « fêlure », « engelures », « nervure », « froidure », « déchirure »… Une image reprise aussi dans son sens premier, de façon allusive, chaque fois qu’il est question de marche, de pieds, de pattes et de trot. Ainsi de ces quatre vers où le terme « avaloir » désigne la pièce de harnais à l’arrière des cuisses des chevaux…

    « on écueille

    les rigoles

    les avaloirs

    ces yeux noirs

    d’une terre aveugle ».

    La poésie de Florence Noël ouvre des sentes de lectures inépuisables et tout un chacun peut y cheminer à sa guise, avec sa sensibilité propre. Le livre refermé, la nuit s’efface, laissant la poète à sa fatigue inachevée, aux gerçures qui couvrent au matin les pages « d’une calligraphie joyeuse » — ces « mystiques méconnues / que gel et nuit fendillent ». Persiste alors cette interrogation latente qui filtre à travers mots : que restera-t-il des mystérieux écrits desséchés ? Sans doute ne laisseront-ils percer que très peu de soleil tandis que la poète, elle, qui ne souhaite rien dire d’autre que ce peu qu’elle nous livre, se réduira à moins que « la cédille du ça ». Ainsi se clôt la boucle amorcée dans « Fourbure ». Perdure la présence poétique d’un recueil dont la force à mes yeux n’a d’égale que la grande beauté.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Florence Noël  Solombre





    FLORENCE NOËL


    Florence Noel portrait





    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    Sarabande (extrait de Branche d’acacia brassée par le vent)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Pierre Gaudu





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  • Laurine Rousselet | [franchir la porte]





    [FRANCHIR LA PORTE]




    franchir la porte       stupéfaction
    l’odeur du désir collé à nos bouches
    bloquer le thorax démesurément
    fenêtre sombre
    plein soleil se cache
    s’entendre griffonner       strier
    déborder du rectangle de la pièce
    nos embardées pour nous quitter plus

    vrombissements      impulsions       précisions
    s’accoupler       fouetter       galoper

    le corps passionnément
    dans un soulagement partagé
    additionne le trouble à l’insensé
    chargées de nos manques
    les cuisses même y répondent

    l’intensité explose aux flancs
    sur ta peau des lettres de passage
    accidents       ailes       foudroiements
    ruine balance
    qui dira quel est son sens ?

    remplir présent
    impose au cœur de se fixer
    s’enfler de la mort pour ouvrir chemin
    les marches rouges pour nous enraciner
    attendre soir d’été
    l’avancée dans le corps toujours
    pour balayer secrets

    l’horreur te quitte, le temps d’une virgule
    délire de l’immensité pulvérisant l’espoir
    à l’intérieur ruine balance
    transport       dévoration       les yeux roulent
    se perdre dans la vitesse       s’ancrer
    horizon avalé       pliure       tremblement
    claquement d’eau       déformation
    à l’assaut de l’océan le silence éclate

    éprouver forces opposées
    quand l’œil se dégage de l’encrier
    pour rapidement replonger
    quarante et un ans carillonnent
    à la fréquence d’un trait par brassage

    assis à la table le sens
    désir       crâne       doigt       coïncidence
    le danger dans la vision de l’enjambée
    l’absence souffre de résidus
    d’odeurs repêchées sur la rade
    intense avalée de lumière blanche

    le galop vers l’explosion
    l’infirmité au-dessus du manifeste
    lundi couvre noyade
    l’écriture minuscule se gonfle
    de petits signes tourbillonnent
    s’avancent à vide dans le soir





    Laurine Rousselet, Ruine balance, éditions Isabelle Sauvage, Collection « Présent (im)parfait », 2019, pp. 37-38.






    Rousselet_couv-Ruine






    LAURINE  ROUSSELET


    Laurine Rousselet par Hubert Haddad
    Hubert Haddad,
    Portrait de Laurine Rousselet, 2006





    ■ Laurine Rousselet
    sur Terres de femmes


    [le concret s’avance au creux de la main] (extrait de Nuit témoin)
    [la débâcle vient du réel] (extrait de Journal de l’attente)
    [en haut du temple] (autre extrait de Journal de l’attente)
    Nuit témoin (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    [illisibilité afflux soulèvement]



    ■ Voir | écouter aussi ▼

    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Laurine Rousselet
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une lecture de Ruine balance
    → (sur lelitteraire.com)
    une lecture de Ruine balance par Jean-Paul Gavard-Perret
    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la page de l’éditeur sur Ruine balance de Laurine Rousselet
    → (sur Levure littéraire 12)
    Laurine Rousselet, Syrie, ce proche ailleurs (lecture d’AP)





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  • Michèle Finck | [Cette fois nous parvenons à travailler]





    [CETTE FOIS NOUS PARVENONS À TRAVAILLER]




    Ane liban

    Ane liban
    Ph. angèlepaoli





    Cette fois     nous parvenons     à travailler
    Enfin.     Je vois     ton cœur rouge     pendu
    À ton cou     comme un collier
    De sang     un caillot     mais tu     t’obstines
    À travailler.     Tu m’envoies     mot à mot
    Des morceaux     de ton diplôme     par mails.
    Je les corrige.      Te les renvoie.      Je les recorrige.
    Bras de fer     avec     chaque lettre.
    Les mots     te     manquent.
    Les mots     me     manquent.
    Ensemble     nous trouvons les mots     ensemble.
    Toi     affamée     de mots
    Français.     Affamée.
    Tous les mois     tu prends     le bus     tintinnabulant
    De Nice     pour venir     me voir     Shéhé
    À l’université     de Strasbourg     et travailler avec moi.
    Tu viens     toujours     avec un cadeau.
    Pour rien     au monde     tu ne viendrais sans
    Cadeau.     Ta fierté     orientale.     Farouche.
    Un jour     tu m’offres     une peinture.
    Tu me dis :      « C’est ma     maison
    En Syrie.     Ma     maison     à moi Shéhé
    Vous comprenez ? »
        Une autre fois
    Tu     me fais connaître     les poèmes
    De     Maram     al-Masri.
    Nous travaillons     à l’unisson.
    Bouchée     par bouchée     fille     venue
    D’enfer     je te fais     aimer     Duras
    Sarraute     Ernaux.     Tu me fais
    Aimer     Hala Kodmani.
    Livres     ouvrent     les murs.
    Nous     luttons     mot     par     mot.
    Toi     sur les échasses rouges sang     de l’Histoire.
    Toi     femme-saxifrage.
    Mais     le jour de la     délibération
    (« Et mon grand-père a un âne »)
    Mes collègues     comprennent-ils
    (Shéhé     Hors     Shéhé)
    Que ton     diplôme     est     un cri ?
    Un mémoire     sans rien
    De commun     avec ceux
    Des étudiants     qui n’ont pas     bu
    Le noir     de l’Histoire ?     Qui n’ont pas
    Porté     L’Ange de l’Histoire
    Sur leur épaule ?     Ton diplôme :
    Un mémoire     écrit     avec ton sang.
    Un diplôme     pour     « sortir du noir » dis-tu.
    Un ovni     conquis     de haute     lutte
    Commune.     Toi et moi :     Ensemble.
    Toi et moi          psalmodions     en chœur :
    « Et mon grand-père a un âne ».





    Michèle Finck, Poésie Shéhé Résistance, 10, Fragments pour voix, éditions Le Ballet Royal, collection du Grand Ballet, 2019, pp. 27-28.






    Finck Shéhé






    MICHÈLE   FINCK


    Portrait de Michèle Finck
    Image, G.AdC




    ■ Michèle Finck
    sur Terres de femmes

    [Chostakovitch, Tsvetaïeva, Akhmatova] (poème extrait de La Troisième Main)
    [Pier Paolo Pasolini, Mamma Roma] (poème extrait de Connaissance par les larmes)
    Connaissance par les larmes (lecture d’AP)
    Pitié (poème extrait de L’Ouïe éblouie)
    La Troisième Main (lecture d’Isabelle Raviolo)
    Sur un piano de paille (lecture d’AP)
    Variation 9 :: À Glenn Gould 1981 (poème extrait de Sur un piano de paille)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Le Ballet Royal)
    la fiche de l’éditeur sur Poésie Shéhé Résistance





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  • Isabelle Lévesque, Chemin des centaurées

    par Angèle Paoli

    Isabelle Lévesque, Chemin des centaurées,
    éditions L’herbe qui tremble, 2019.
    Peintures de Fabrice Rebeyrolle.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « ACCROÎTRE LE SONGE
    D’UN BOUQUET IMMORTEL »





    Les fleurs. Le chemin. Pour la poète Isabelle Lévesque, les deux sont indissociables, comme les lianes de la salsepareille qui se tressent au chêne qu’elles enserrent. Ainsi du Chemin des centaurées, son dernier recueil de poésie publié par les éditions L’herbe qui tremble.

    Avant même que ne s’ouvre la sente qui mène au poème, deux voix sont présentes. Deux voix chères à la poète. La voix d’Éric Sautou, la voix de Thierry Metz. Un « je » énonce l’appartenance au chemin (Thierry Metz) ; un « nous » conjugue le partage (Éric Sautou). Une troisième voix point, celle de la poète, pour dire le « commencement ». Quatre vers président à la création poétique. Douze mots suffisent à annoncer l’attente de l’autre.

    Manque encore une étape au lecteur avant qu’il ne s’engage sur le fil des mois et des saisons. Avant qu’il ne rejoigne à son tour, patiemment, « le chemin de fleurs ». Lointain encore. Le « chemin des centaurées ».

    Un poème d’ouverture, aussi mystérieux qu’isolé, en trois strophes, réparties sur neuf vers. Le verso du miroir, un tain griffé de deux assertions qui disent l’état d’esprit de la poète :

    « [N]ous sommes

    passants de notre histoire relue.

    Le signe vif,     serment silencieux,

    ne craint ni l’oubli ni la nuit. »

    Chemin des centaurées peut alors s’ouvrir, qui s’inscrit dans la course des saisons solaires et se décline sur cinq mois que signent le passage des fleurs et le gué de l’amour. Un parcours floral amoureux où alternent mousses et aubiers, anémones et boutons d’or, colza et pommiers, « jacinthes (ensevelies) »… Et coquelicots, aussi : la fleur aimée parmi toutes par la poète. De mars au solstice d’été, et tant soit peu au-delà, le chemin se parcourt de vif en vif, depuis l’éclat doré de la première de couverture, sa lumière puissante où s’ancrent deux fleurs, deux silhouettes au bleu profond tacheté de rouge. Jusqu’aux ramures sombres de l’arbre qui clôt le recueil, puissamment dressé et solitaire. Dix peintures jalonnent l’ouvrage. Superbes. Une explosion de couleurs et de beauté. Par sa force et sa lumière vibratile, la peinture de Fabrice Rebeyrolle est un appel fulgurant à s’engager derrière les mots, dans les senteurs de sous-bois, à la recherche de ce qui fut. Passage.

    Avec « Mars » s’ouvre « L’Arche » qu’introduit la première toile du peintre, pareille à des lés vert-de-gris, piquetés de pépites rouges voletant librement dans l’espace. Une fête de couleurs. Puis vient « Avril », questionné dans son identité : « Son Nom »  ? Éclate alors le bleu Rebeyrolle. Pleine page. Moucheté de blanc. Bleu centaurées ? Les pétales esquissés de la fleur évoquent ceux de l’iris. Viennent « Mai » et sa « Ronde », soulignés par le peintre par un mélange subtil de blancs mousseux, de verts d’eau et de bruns. Au centre, une fleur enclose dans un froissement de pétales crème. Autour d’elle satellitent météores brunes et éclats de soleil. « Juin » frémit. « Tonnerre ! ». Les fleurs blanches s’éparpillent qui flottent mer et ciel sur un horizon de bleu. « Depuis le solstice » — « Souverain penché » — est annoncé par une toile singulière que se partagent, de manière inégale, les anthracites et le jaune d’or. Une coulée jaune et rouge divise la toile à la verticale. Pareille à une cheminée de volcan. Tandis qu’à l’horizon une nappe fauve striée de bandes vermillon recouvre le cratère. D’autres toiles ponctuent le poème. Une fleur rouge aux pétales sombres occupe une page d’« Avril » ; en juin s’envolent trois fleurs montgolfières, écloses dans une évanescence de blancs grisés. Avec, toujours, ici et là, une touche de vermillon. Dans la dernière section du recueil, deux rouges vifs éclatent flamboyants. Fête de coquelicots sur un jaune solaire. Mais les centaurées ? Leur bleu, on s’en souvient, se rencogne sur l’or vibrant de la première de couverture, toutes les nuances de l’azur essaimant au long des pages. La ronde des fleurs est ainsi bouclée. Ronde des fleurs et des saisons. Du bleuet vivace au coquelicot. Ronde de l’amour, depuis son éclosion jusqu’au déclin qu’annonce l’orage.

    L’arche de « Mars » ouvre l’avancée, de poème en poème. Elle est arceau de branches et de frondaisons qui se penche sur les amants, sur leur alliance en voie de germination. Sur fond de « bleu léger », de gel, encore, de « brumes », toujours.

    « Les buissons témoignent : nous sommes

    le passage assidu des branches nues. »

    Traverser, cela ne se fait pas aussi aisément. L’hiver, porteur de songes, persiste par touches. Il laisse en suspens les questions et il égare. L’attente perdure, qui a séparé les amants : « Je t’attendais, l’hiver fut creusé d’âpres jours blancs. » D’autres arches surgissent, celle du colza et celle des pommiers, qui signent l’union « pour le soleil, l’éclat, naître. » Puis vient celle, plus visuelle et plus tendre, de l’âme et de l’amour :

    « Âme.

    En circonflexe.

    Amour. »

    Mais toujours s’affirme le désir de cheminer ensemble, de faire mémoire du vécu, de « recommencer ». L’hiver se clôt sur l’alliance renouée :

    « Au printemps premier, ta préférence

    de rêve me cercle. La nuit revient

    pour éveiller ce mystère. »

    Survient avril, ses promesses « en semences de ciel ». S’affirme le désir. « Je » omniprésent :

    « Je t’ai cherché. J’ai pris appui sur nos images :

    coque bleue, embarcations, île Tomé… ».

    Qui est cet autre ? Ce « tu » dont le lecteur cherche la trace à travers semis des mots et semis des îles (de Tomé à Féroé) :

    « tu es ancré, muré, ponctué de signes

    où coule l’encre diluée. »

    L’autre semble ne subsister que dans les souvenirs, et la vie de la poète se dilue elle aussi, ancrée sur l’absence. Laquelle alimente l’écriture. Ce qui subsiste de ce qui fut, c’est la souffrance, porteuse de sa part d’incompréhension. Mystérieux, les vers laissent affleurer des bribes de sens. Ambiguïtés qui se dérobent à la clarté. Jouer sur l’indicible, tel est le don de la poète :

    « Où tu reviens ne cède pas :

    les passants se retournent,

    rien ne se résout. »

    Tout en cheminant, la poète tisse son œuvre. Passée ; en devenir. Parsemée de lucioles perceptibles. Toujours un même fil court d’un recueil à l’autre. « Fil de givre », « Nu fil d’avril ». « Fil de l’écriture ». « Fil blanc ». Patiemment la poète-tisseuse crée au fil du temps le monde auquel elle croit ou aspire, qu’elle crée pour assurer sa respiration. Un monde en symbiose avec son être. Le sous-bois est son livre. Les chemins qu’elle ouvre à travers mousses et plantes sont autant de liens qu’elle noue avec la poésie. L’arbre, les vallons, la forêt, le passé, les mots, les feuilles et les mains de l’aimé sont les signes qui relient entre eux tous les anneaux de l’arche. Quelque chose des jeux de l’enfance, mystère et initiations, demeure encore dans la relation amoureuse que la narratrice-poète entretient avec l’autre et avec le passé qu’ensemble ils ont partagé. « Avril », incertain encore, joue entre promesses de renouveau et de vitalité et se tient sur ses gardes. Car le temps est cruel, qui éconduit, disperse, efface. Ruine :

    « Demain

    nous serons bredouillants affamés,

    écrivant notre histoire depuis précipiter. »

    « Mai » s’ouvre en clarté et en rondeur. Le « jour blanc de l’aube » / la « pâleur de guerre de mai » / les « anémones fines et blanches ». La ronde — et ses complices, tout un champ sémantique de mots riverains par le sens ou par les sonorités — noue avec son cercle la danse des amants. Les jeux se précisent. La poète invente les signes qui l’unissent à l’être aimé. Elle est celle qui nomme, elle est celle qui donne vie à l’existence de l’autre.

    « Je te vois : tu ne bouges pas. »

    Et quelques vers plus bas, dans le même poème :

    « Je t’effleure. Lorsque je danse autour de toi,

    tu deviens un nom – tu es

    l’écorce et la sève. »

    Le « je » et le « tu » conjuguent en alternance leurs verbes et se retrouvent en « nous ». La ronde et ses passions ébauchent les cercles du futur :

    « Je t’emmènerai.

    Nous écrirons les contraires

    et poserons ici les feuilles. »

    Quant à l’arche de mars, elle poursuit son œuvre d’alliance. L’heure est à la perfection des signes. Tout se vit autour. Danse ivre entre rêves et arbres :

    « Nous goûtons le retour. Agapes.

    — Lumière. »

    Le « chemin de paille » de mai conjugue avec bonheur présent et futur. Les premiers bleuets — autre appellation des centaurées — font leur apparition. Des indices bleus se disséminent à travers strophes, qui gagnent l’or des blés. Couleurs et sons fusionnent dans les vers. Comme sur les toiles de Fabrice Rebeyrolle.

    Juin bleu balance. Entre poème bleu et blé. Entre rêves vécus, rires et larmes, étreintes et jeux ; entre éclairs de lucidité, souvenirs et espoirs. Des signes avant-coureurs s’immiscent, qui atteignent coquelicots et amants. Puis éclatent :

    « Au tableau, quelle ombre soudain ?

    Tonnerre ! »

    Le désordre amoureux se métamorphose. Sur les lèvres, les mots jaillissent, couleurs de griffes et de sang, le ton se fait menace, la guerre couve puis éclate. Les interrogations fusent, qui blessent. Lorsque le calme revient qui laisse place aux larmes — « Quand il a plu sur le jour, que reste-t-il ?… —, la tonalité élégiaque a gagné les poèmes de juin :

    « Je dissous la peine,

    les images fixes. Je photographie les larmes.

    Il pleut si fort ! »

    La poète-narratrice n’est jamais à court de ressources. Elle reprend ses esprits, remodèle ses projets, retrouve son chemin d’alliances : « berceau, arche/de brindilles bleues ». Avec l’éclaircie, la déesse reprend souffle, qui façonne à nouveau le futur et l’être aimé :

    « Tu serreras le corps chaud et frais

    des contraires, tu seras unique offert

    en sacrifice de jour sur le blé du soleil

    à midi, pleine cible ».

    Mais le destin de l’amant est autre et la séparation approche. Les promesses rejoignent « les tiroirs secrets ». Les bras de l’amant « remontent des armes de centaurées ».

    Avec le solstice donné à vivre dans la solitude s’affirme la défaite. Fleur souveraine, le coquelicot penche, son corps léger soumis à l’éphémère. Un seul jour suffit à sa splendeur et à son inclinaison. Tout se compte/se décompte/se conte sur un même chiffre. Une seule date — 25 août —, emblématique du désir. Rencontre et retrouvailles. Promesses de renouement avec le chemin des centaurées.

    L’Ulysse voyageur reviendra-t-il ?

    « Je t’emmènerai

    sur le chemin des centaurées. »

    Ainsi promet la poète, toute au charme de son désir. Car son rêve d’été est intact.

    « Accroître le songe

    d’un bouquet immortel. »

    La ronde des jours solaires interrompue, le dialogue se renoue, intense, avec le peintre Fabrice Rebeyrolle. Ensemble la poète et le peintre parviennent à une osmose parfaite pour un recueil de poésie-peinture éblouissant de lumière et de beauté.


    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Centaurées





    ISABELLE LÉVESQUE


    Isabelle Lévesque
    Source




    ■ Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Mai | La Ronde (extrait de Chemin des centaurées)
    Chemin des centaurées (lecture de Pierre Dhainaut)
    [Les feuilles envolées du peuplier] (extrait d’ En découdre)
    [Oh, ce désordre de disparaître !] (extrait de Nous le temps l’oubli)
    C’est tout c’est blanc
    [Entends, c’est jour, la forme aimantée du point] (poème extrait de Ravin des Nuits que tout bouscule)
    [Nous vaut la force courant le vent] (poème extrait de Va-tout)
    Nous le temps l’oubli (note de lecture d’AP)
    [Oh, ce désordre de disparaître !] (poème extrait de Nous le temps l’oubli)
    Ossature du silence (note de lecture d’AP)
    [Ouvre et lis entre les lignes] (poème extrait du Fil de givre)
    Le Fil de givre (lecture d’AP)
    Le Fil de givre (lecture de Jean Marc Sourdillon)
    [Peine singulière] (poème extrait d’Un peu de ciel ou de matin)
    Ravin des Nuits que tout bouscule (note de lecture d’AP)
    [Les serments] (poème extrait de Le tue braccia saranno)
    Va-tout (note de lecture de Jean-Louis Giovannoni)
    Voltige ! (note de lecture d’AP)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque | L’origine de l’écriture | [Si léger… tu cours] (extraits de La Grande Année)
    Pierre Dhainaut | Isabelle Lévesque, La Grande Année (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Territoire
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait d’Isabelle Lévesque (+ un poème extrait de Va-tout)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions L’herbe qui tremble)
    la fiche de l’éditeur sur Chemin des centaurées




    ■ Voir encore ▼

    → (sur Terres de femmes)
    Fabrice Rebeyrolle, un peintre gardien du feu (article de Sylvie Fabre G.)
    le site Fabrice Rebeyrolle




    ■ Notes de lecture (55) d’Isabelle Lévesque
    sur Terres de femmes


    Max Alhau, Les Mots en blanc
    Marie Alloy, Cette lumière qui peint le monde
    Gabrielle Althen, Soleil patient
    Françoise Ascal, Noir-racine précédé de Le Fil de l’oubli
    Edith Azam, Décembre m’a ciguë
    Gérard Bayo, Jours d’Excideuil
    Mathieu Bénézet, Premier crayon
    Véronique Bergen, Hélène Cixous, La langue plus-que-vive
    Claudine Bohi, Mère la seule
    Paul de Brancion, Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
    Laure Cambau, Ma peau ne protège que vous
    Valérie Canat de Chizy, Je murmure au lilas (que j’aime)
    Fabrice Caravaca, La Falaise
    Jean-Pierre Chambon, Zélia
    Françoise Clédat, A ore, Oradour
    Colette Deblé, La même aussi
    Loïc Demey, Je, d’un accident ou d’amour
    Sabine Dewulf, Et je suis sur la terre
    Pierre Dhainaut, Après
    Pierre Dhainaut, Ici
    Pierre Dhainaut, Progrès d’une éclaircie suivi de Largesses de l’air
    Pierre Dhainaut, Vocation de l’esquisse
    Pierre Dhainaut, Voix entre voix
    Armand Dupuy, Mieux taire
    Armand Dupuy, Présent faible
    Estelle Fenzy, Rouge vive
    Bruno Fern, reverbs    phrases simples
    Élie-Charles Flamand, Braise de l’unité
    Aurélie Foglia, Gens de peine
    Philippe Fumery, La Vallée des Ammeln
    Laure Gauthier, kaspar de pierre
    Raphaële George, Double intérieur
    Jean-Louis Giovannoni, Issue de retour
    Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite
    Cécile A. Holdban, Poèmes d’après suivi de La Route de sel
    Sabine Huynh, Les Colibris à reculons
    Sabine Huynh, Kvar lo
    Lionel Jung-Allégret, Derrière la porte ouverte
    Mélanie Leblanc, Des falaises
    Gérard Macé, Homère au royaume des morts a les yeux ouverts
    Béatrice Marchal, Au pied de la cascade
    Béatrice Marchal, Un jour enfin l’accès suivi de Progression jusqu’au cœur
    Jean-François Mathé, Retenu par ce qui s’en va
    Dominique Maurizi, Fly
    Dominique Maurizi, La Lumière imaginée
    Emmanuel Merle, Dernières paroles de Perceval
    Nathalie Michel, Veille
    Isabelle Monnin, Les Gens dans l’enveloppe
    Jacques Moulin, L’Épine blanche
    Cécile Oumhani, La Nudité des pierres
    Emmanuelle Pagano, Nouons-nous
    Hervé Planquois, Ô futur
    Sofia Queiros, Normale saisonnière
    Jacques Roman, Proférations
    Pauline Von Aesch, Nu compris





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  • Julien Bosc | [marcher chaque jour]





    [MARCHER CHAQUE JOUR]





    marcher chaque jour
    une heure au moins
    souvent pour un aller-retour à la rivière
    — que se taisent brouhahas et redites
    et viennent
    s’ils veulent bien
    quelques mots et désordres de phrases qui
    au retour
    rimeront peut-être à quelque chose       de pas trop superflu

    emprunter deux échelles au voisin paysan
    (une double et une de toit)
    incliner la première sur le chéneau
    monter et poser la seconde sur le versant       exposé aux gèles et vents du nord
    et
    là-haut
    vigie sans proue ni mer — mais saisie de vertige —
    repasser ce rampant dont quelque cinquante tuiles s’étaient désagrégées tels s’effeuillent
    les schistes des falaises

    à l’heure du poème
    la sale sensation
    parfois
    de faire feu de tout bois

    puis
    après coup
    hormis ses à-côtés
    preuve est là             que rien n’a été dit





    Julien Bosc, La Demeure et le Lieu, suivi de Jacques Lèbre, Quelques bribes ̶ gagnées sur la mélancolie, éditions Faï fioc, 54200 Boucq, 2019, pp. 57-59.






    Julien Bosc La demeure et le lieu






    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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    » Retour Incipit de Terres de femmes


  • Mireille Fargier-Caruso, Comme une promesse abandonnée

    par Michel Ménaché

    Mireille Fargier-Caruso, Comme une promesse abandonnée,
    Éditions Bruno Doucey, Collection Soleil noir, 2019.



    Lecture de Michel Ménaché




    Dans son dernier recueil au titre nostalgique, Comme une promesse abandonnée, Mireille Fargier-Caruso s’interroge sur les désillusions et le désenchantement d’une génération habitée par « le désir fou de vivre » qui s’opposait à toutes les oppressions, qu’elles fussent exercées au nom du socialisme totalitaire ou dans la sphère du libéralisme déshumanisé. Si sa poésie se défend de tout didactisme, l’auteure ne se tient pas à l’écart et pose un regard inquiet sur « l’avenir ceinturé » de « notre espèce en débâcle ». Après avoir rêvé de s’accorder au monde, elle tente de goûter encore le chant du « merle moqueur », de combler le manque en recueillant toujours précieusement « le pollen d’une histoire perdue ».

    Si la foi de l’auteure en l’homme s’obstine à perdurer afin que vivre ait encore un sens, elle admet que pour elle « le ciel s’est tu depuis longtemps ». Elle oppose au pessimisme ambiant l’optimisme gramscien de la volonté et de l’action : « la vie se gagne ». Surtout, la vigueur régénératrice de l’amour la porte encore :

    « tous les soupirs des lits défaits

    de la tendresse à nos genoux

    cela nous rend plus fort ».

    Sans nier les fragilités du corps vieillissant qui rendent plus vulnérable, épuisent l’énergie vitale. L’écriture à la fois nerveuse, elliptique, rend compte de cette tension physique et morale qui s’exacerbe :

    « un jour le corps

    trahit notre confiance

    l’innommé nous déborde ».

    Le couperet de l’âge n’épargne personne. L’urgence du poème le crie sans épanchement, presque froidement :

    « pas de compte à rebours de sursis

    au bout de l’allée si courte

    quelques pelletées dessus

    définitif ».

    Jusqu’au vertige du néant, rendu perceptible par le raccourci d’une antithèse abrupte : « le rien est là si plein ». La poésie de Mireille Fargier-Caruso est d’autant plus expressive qu’elle ne dilue ni l’émotion ni l’angoisse existentielle, elle cristallise le sens, avec une économie d’images volontiers paradoxales, sans intention rhétorique :

    « très tôt on entend le silence

    comme réponse à nos questions

    on sait l’horizon troué ».

    La violence du monde, « les massacres à côté de nous », la multiplication des laissés-pour-compte, les cadavres d’enfants rejetés sur les plages, l’injustice grandissante, tous les saccages indignes résonnent dans le poème comme le gong d’une défaite des idéaux perdus ou dévoyés :

    « les écrasés

    les enlisés

    les en retrait

    les minuscules

    l’insensibilité indispensable qui dissout l’inacceptable

    ranger ses émotions

    ravage ».

    Mais l’auteure se refuse au renoncement, l’espérance du poème frémit encore :

    « vomir toute la souffrance

    un jour il faudra bien

    pour pouvoir dire ensemble

    la vie est à nous ».

    Les utopies évanouies cependant reviennent en mémoire. Elles étaient tellement fortes, tellement fédératrices :

    « on avait cru que le Nord et le Sud

    se partageraient le soleil

    on avait chassé l’au-delà

    par plus tard

    on voulait tellement croire

    l’espoir rebondit toujours ».

    Le consumérisme orchestré, le formatage des esprits continuent de nous déshumaniser : « devenir n’est pas l’avenir ». Une dérision inquiète traverse la fin du recueil ponctuée d’un vers récurrent résumant le décervelage de masse : « du pain des jeux et stéréo ». Et demain ?

    Loin de tout nihilisme, Mireille Fargier-Caruso continue de porter haut « l’émotion / des foules solidaires ». Sa poésie élague le passé des « jours abîmés / tous les chemins où Poucet s’est perdu ». Et de l’enfance retrouvée aux « lendemains qui déchantent », l’auteure garde les yeux ouverts, sans illusion :

    bien sûr on veut y croire

    l’étoile du berger en repère

    on en oublierait presque

    on vit moins longtemps que nos rêves

    […]

    resteront ‘‘les voix écrites’’

    des étoiles dans les yeux des enfants ».

    Et de citer Nietzsche à la toute fin du recueil : « Nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité. »



    Michel Ménaché
    pour Terres de femmes
    D.R. Texte Michel Ménaché






    Mireille Fargier-Caruso  Comme une promesse abandonnée




    MIREILLE FARGIER-CARUSO


    Mireille Fargier-Caruso  portrait NB
    Source





    ■ Mireille Fargier-Caruso
    sur Terres de femmes


    [D’un coup de dent soudain] [L’hiver avance] (extraits de Comme une promesse abandonnée)
    L’arôme du silence
    [Tu avances] (poème extrait du recueil Ce lointain inachevé)
    Entendre
    Gorgée d’eau pour les lèvres sèches
    Presque rien… l’eau du poème où se désaltérer (article sur le recueil Ces gestes en écho)
    [S’arracher] (poème extrait d’Un lent dépaysage)
    silence d’avant le souvenir (poème extrait du recueil Ces gestes en écho)
    [sur la plage] (extrait de Couleur coquelicot)
    → (dans l’Anthologie poétique Terres de femmes)
    On a vingt ans (poème extrait du recueil Un peu de jour aux lèvres)




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Mireille Fargier-Caruso




    ■ Autres lectures de Michel Ménaché
    sur Terres de femmes


    Anne-Lise Blanchard, Les jours suffisent à son émerveillement
    Maram al-Masri, Métropoèmes
    Paola Pigani, Le Cœur des mortels
    Florentine Rey, Le bûcher sera doux





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