Étiquette : 2019


  • Béatrice Bonhomme | Tharros




    Tharros
    « Tu t’appelles Tharros
    Et le pied rencontre cette vieille pierre
    Qui a son origine dans ton sang »
    Source








    THARROS
    (extrait)





    Grains de sable
    Galets minuscules
    Bonbons de sucre doux
    Cailloux blancs lisses et ronds
    Veinés de vert, de rose et de bleu
    Galets, gravier aussi fin
    En sucre coloré qui fond à bouche.




    Les cactus se mêlent aux roseaux
    Dans un paradoxe botanique
    Les dunes de sable vont leur ronde
    En diminutif de Sahara marin




    […]




    À salive salée de l’eau
    Le paysage
    Le vert presque doré du blé
    Et puis des palmiers au duvet lisse d’enfants
    Aux cheveux fins de fontaines
    Aux giclures de feux d’artifice
    Aux cheveux soyeux de bêtes
    Aux crinières de juments.




    Ton nom secret Tharros,
    Dans l’unité du bleu
    Tu t’appelles Tharros
    Et le pied rencontre cette vieille pierre
    Qui a son origine dans ton sang
    Dans tes parents qui ont créé en cyprine et sperme
    Le nom de bleu.




    Tu t’appelles Tharros ou Tipaza
    Tu as ce nom-là au moment d’eau vive
    Qui fait corps avec la mer et le ciel
    Tu as reçu ce nom-là
    Par-delà leur mort et la tienne
    Les cendres dispersées de Carqueiranne
    Là où se pose le vol silencieux des colombes
    Sur la pierre dallée de la tombe
    Tu as ce nom-là Tharros
    Toi devenue antique pierre de sang
    Vieux galet d’os.





    Béatrice Bonhomme, « Tharros » in Les Boxeurs de l’absurde, éditions L’Étoile des limites, Collection Parlant seul, 46100 Fourmagnac, 2019, pp. 86, 87, 89, 90, 91.






    Béatrice Bonhomme  Les Boxeurs de l'absurde





    BÉATRICE  BONHOMME


    Béatrice Bonhomme Bourdelas 2
    D.R. Ph. Laurent Bourdelas





    ■ Béatrice Bonhomme
    sur Terres de femmes

    Mutilation d’arbre (lecture d’AP)
    Le pacte des mots
    Passage du passereau
    [Les petits chevaux de Tarquinia]
    Poumon d’oiseau éphémère
    Sauvages
    T’écrire adolescent
    La terre rouge
    Tes nuits sont devenues mes jours
    Variations du visage & de la rose (lecture de France Burghelle Rey)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Un lacis de sang et d’ombre
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d’oiseau éphémère et l’excipit de Mutilation d’arbre



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur la site des éditions L’Étoile des limites)
    la fiche de l’éditeur sur Les Boxeurs de l’absurde
    → (sur Terres de femmes)
    Kaléidoscope d’Enfances
    → (sur Wikipedia)
    une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
    → (sur Terres de femmes)
    La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
    → (sur le site de la Revue d’art et de littérature, musique)
    un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 – décembre 2008)





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  • Françoise Louise Demorgny | point












    point




    un point est un lieu au sein duquel on ne peut distinguer         
    aucun autre lieu que lui-même


    Que le point en géométrie soit la plus petite portion concevable de l’espace, soit, mais qu’il n’ait ni longueur ni largeur ni épaisseur, voilà qui est impossible à croire malgré la confiance que je voue au maître.
    Qu’entre deux points d’une droite on doive loger une infinité de points achève de me confondre.
    En somme, si je comprends bien, entre deux points voisins de cette ligne, si l’on a le geste fin et délicat, on peut intercaler des milliards et des milliards de pointillés et dans les intervalles, encore des milliards et des milliards de points. J’aimerais le voir faire, lui, le maître !
    Je deviens une petite fille circonspecte. À qui on ne la fait pas.
    L’idée chemine avec difficulté dans mon esprit jusque sous l’édredon de plumes mais à force à force, à la longue, elle réconcilie dans mon esprit deux mondes qui jusque-là s’opposaient vaguement. Au fond, le maître et sa définition du point rejoignent Monsieur le Curé et sa version de l’âme.
    L’impondérable me tombe dessus pour longtemps.




    Françoise Louise Demorgny, Pointillés, éditions Isabelle Sauvage, Collection singuliers pluriel, 29410 Plounéour-Ménez, 2019, pp. 46-47.





    Françoise Louise Demorgny  Pointillés





    FRANÇOISE   LOUISE  DEMORGNY


    Demorgny_francoise-e1541761034266
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    une notice bio-bibliographique sur Françoise Louise Demorgny
    → (sur le site des éditions isabelle sauvage)
    la page de l’éditeur sur Pointillés
    → (sur En attendant Nadeau)
    une note de lecture de Marie Étienne sur Pointillés





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  • Jean-Louis Bernard | [Ailleurs est une éclaircie que je cultive]



    [AILLEURS EST UNE ÉCLAIRCIE QUE JE CULTIVE]





    Ailleurs est une éclaircie que je cultive. J’aimerais y donner couleur à des paysages de perte, dans le doux épuisement de lieux désaccordés. Escorté par un feu glacé rendant mes empreintes habitables.

    Ailleurs, mes foulées se taisent en cadence sur les prairies tourbeuses et les feuilles d’oubli. Il neige des légendes et des vaisseaux brûlés. Sous l’emprise du soir, le long coulis des vagues grises. Dans la nuit illimitée, le pas forcé des nostalgies. Envie de faire halte pour peindre le vent, pas les herbes qu’il couche ou les branches qu’il brise, juste en lui sa nudité sauvage. Peut-être faudrait-il faire l’offrande d’une ellébore pour pouvoir tracer son nom secret, comme il faut le rire des ponts pour étancher la soif des fleuves.

    Ailleurs trouvent refuge nos bienveillances recrues de siècles, nos défaites nettoyeuses d’effigies. Pour moi qui suis de l’autre rive, le dit de l’eau y est fable aux lèvres lentes. On y échange une grappe, une ombre, une amnésie, quelques gestes fantômes arqués sur nos sommeils.

    Protégé par la pellicule invisible du songe, reprendre sans se retourner le chant pérenne des origines et des exils.



    Jean-Louis Bernard, Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone, Collection Surya, 17102 Saintes, 2019, page 45. Encre de Silvaine Arabo.





    Jean-Louis Bernard  Cahiers des chemins qui ne mènent pas





    JEAN-LOUIS BERNARD


    Jean-Louis Bernard 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions Alcyone)
    la fiche de l’éditeur sur Cahiers des chemins qui ne mènent pas





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  • Sereine Berlottier | Dans la lumière diffuse des bourgeons



    DANS LA LUMIÈRE DIFFUSE DES BOURGEONS
    (extrait)






    de l’autre côté des flammes
    le gris parfait de la cendre

    ce cri, on ne s’y dérobe pas

    cette bouche sans parole
    n’est pas sans pouvoir

    je te regarde
    comme on écrit la nuit dans le noir
    un rêve à ne pas oublier

    tu sauras des choses qui m’échapperont
    (je m’échapperai entièrement)

    braise cachée, souterraine
    témoin de ce qui est vu

    un rayon noir sous nos pupilles

    >entièrement vivante dans ce futur où
    je tombe, où je tomberai

    très peu de lumière ajuste les angles
    derrière les rideaux silencieux

    la recherche d’une force
    poings fermés
    pas plus grands qu’une noix

    sommeil
    dessine l’île battue de courants
    imprévisibles sous les paupières rouges

    un oiseau fait danser une branche
    il disparaît

    quelque chose a surgi dans l’ombre

    bouche très sombre
    affûte
    falaise d’encre où chanter




    Sereine Berlottier, « Dans la lumière diffuse des bourgeons », Ciels, visage, éditions LansKine, 2019, pp. 54-55. Dessin de couverture : Delphine Bretesché.





    Sereine Berlottier  Ciels  visage





    SEREINE  BERLOTTIER


    Sereine-Berlottier
    Source




    ■ Sereine Berlottier
    sur Terres de femmes

    Au bord (lecture d’AP)
    [plus jamais je ne rejoindrai | l’intérieur de mon visage] (extrait d’Au bord)
    Louis sous la terre (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions LansKine)
    la fiche de l’éditeur sur Ciels, visage
    → (sur le site de la Mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Sereine Berlottier





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  • Florent Papin, Payne

    par Angèle Paoli

    Florent Papin, Payne,
    éditions La tête à l’envers, 2019.
    Gravures de Renaud Allirand.



    Lecture d’Angèle Paoli




    « C’ÉTAIT UN SONGE PEUT-ÊTRE »




    Payne. Il est rare qu’un titre m’ait d’emblée autant déconcertée. De même que les seize sections qui composent le recueil. Au prime abord, le mot « Payne » n’a rien évoqué en moi. Aucun écho. Ni chant ni couleur. S’agissait-il d’un toponyme ? Était-ce le nom d’un acteur, d’un cinéaste ou d’un chanteur d’opéra ? « Payne » me tournait dans la tête. Je roulais le galet de ce mot sous la langue, qui peinait à franchir le [y]. Un léger mamelon qu’il me fallait gravir ?

    Dans ce mot isolé, sans déterminant ni adjectif, j’ai d’abord entendu [pɛn]. Mais le « peine » du poena latin. Dont l’acception m’évoque un « châtiment » ou une « souffrance ». Au fil des pages, j’ai cherché des indices ou bien des occurrences. Le mot « peine » est bien attesté par deux fois dans l’ouvrage. Dans l’expression « à peine » et dans celle, plus sibylline, de « liqueurs de peine ». À plusieurs reprises, au fil des vers, il est pourtant bien question de « tourment ». Quelque chose d’irrémédiable semble s’être produit. Serait-ce un lent cheminement qui se solde par une absence ? Un accident mortel, peut-être ? Une déchirure douloureuse que trahit cet aveu :

    « Car il était des absences qui comptaient pour regard ».

    Me le suggère corrélativement, en première de couverture, le filet vertical noir de la gravure de Renaud Allirand. Une faille prononcée (ou une fêlure) qui déchire un horizon gris-bleu, et qui disjoint l’intitulé du titre Payne du nom de l’auteur, Florent Papin. La blessure aurait donc un nom. Et la peine pourrait être celle de l’auteur du recueil. Soudain, alors que j’achève ma lecture de l’ouvrage, surgit le mot « Payne ». Dans le dernier poème. Dans l’expression « gris de Payne ». J’ignorais tout du « gris de Payne » jusqu’au moment où, dans le paratexte, en pied du premier rabat de couverture, j’ai découvert cette phrase :

    « Les gravures réunies dans l’ouvrage ont été encrées en gris de Payne, mélange de couleurs froides et minérales qui tend vers le gris-bleu ardoise. »

    Je connaissais le bleu de Prusse, le rouge fuchsia du magenta, le bleu-vert du cyan, la pourpre impériale ou cardinalice, le violet de la mauve. Mais j’ignorais qu’il existât un gris de Payne (lequel Payne porte une capitale à l’initiale du mot). Peut-être cet anthroponyme ou anthropotoponyme est-il une réminiscence de la géographie amoureuse du Tendre ? Mais je fais probablement fausse route. Je retourne de ce fait aux gravures, au nombre de cinq, parfois proches de certaines toiles suprématistes, qui s’insèrent entre les poèmes. Je l’avoue, c’est bien par là que s’est vraiment faite ma véritable entrée dans le recueil.

    Alors oui, les couleurs. J’énumère posément chacune d’entre elles. Grisâtre. Blanc. Noir. Bleu-gris. Gris de Payne. Sans oublier le jaune du frêne et les deux pointes de rouge. Mais c’est le blanc qui a le dessus, qui draine avec lui (dans le contexte du recueil) l’idée de « blême » :

    « Le cerfeuil rougirait mais les eaux resteraient blêmes ».

    Le monde dans lequel évolue le poète et dans lequel pénètre, sur la pointe des pieds, la lectrice que je suis, est un monde minéral. Roches et sols, pierres et gravier, gypses et schistes ; glaces et grêles, silts et limaille, briques, tuf et tourbe… Salpêtre. Un minéral auquel se marie une végétation bien particulière de pierriers, touffes et broussailles accrochées aux parois des montagnes. Un paysage de sapins, de mélèzes, de pentes et de cassures, de verticalités et d’aiguilles. Un univers hostile au « murmure de ciment froid » et de « lumière glacée. » Mais aussi un univers d’attente et de rétention pour des jeunes gens impatients d’entrer en action et sans doute de se lancer à l’assaut des à-pics :

    « De l’autre côté de l’hiver

    Nous attenions sans fin

    Je me rappelle très bien ce tourment d’active

    Intrépide au front des eaux résurgentes

    Nous figurions dix-huit ».

    Et cette strophe, à la fin du chant II, qui fait allusion à un passé vécu et aux images que celui-ci charrie dans la mémoire :

    « Que l’on insiste à dire ce qu’il y aura eu de beau

    À nous laisser surprendre

    En plein mime

    Suspendus et comme ébouriffés de bruyère

    Tandis qu’un sol gelé flanchait à nos arrières

    Répandu au seuil de brasiers mal éteints ».

    Parvenue à ce seuil de lecture, je prends conscience de l’absence totale de points de ponctuation dans le recueil. Si ce n’est dans l’accroche numérotée de chacun des poèmes. Une absence qui confère à l’ensemble sa fluidité musicale. Ce qui m’avait échappé à première lecture s’est imposé dès lors comme une évidence. Le paysage recule. Ses couleurs incolores refluent à l’arrière-plan pour céder place au chant. Lequel est servi par un riche champ lexical disséminé dans les poèmes. Musique chant silence soupir murmure atonal voix timbre… Servi aussi par une insistance sur la répétition. Un ressassement intérieur qui passe à la fois par les allitérations (ici en [s]) et par le refrain. Panser la souffrance. Le poème se fait parfois mélopée racinienne ou mallarméenne :

    « Et l’on y soupirait la lente dépossession des feuilles

    Comme soupire au soir la tourbe des pleins nord

    C’était un songe peut-être

    Insoupçonnable en son vouloir divers

    — N’oubliez rien des chevelures, n’oubliez rien des jambes

    C’était un songe peut-être

    Mais d’où le tenaient-ils ? »

    Un chant déchirant. Un chant qui pulse aussi sous la violence, celle des terres et celle que subissent les hommes ; violence qui transparaît dans la manière qu’a le poète de façonner les phrases. Une écriture qui déroute, qui ne se livre (ou ne se révèle) que peu à peu, dans la patience, après plusieurs lectures. Pour révéler, comme en ombres chinoises, les contours de cette « fable hermétique  ». De sorte que la lectrice, un peu désemparée par la singularité de ces poèmes, s’arrime elle aussi aux mots et aux phrases, comme les « dix-huit » aux gerbes et aux cassures qui les entourent. Comme dans les documents palimpsestes, le sens se fait jour peu à peu. En filigrane se dévoilent les faits, et les clameurs laissent place à la clarté sublime du chant :

    « Demain se débrouilleront les pas

    Mais que ce chant-ci soit des plus clairs

    Dans le faillir même

    À la levée des buttes

    Dressées sans coquillages ni briques ».

    Dans un contexte où dominent les temps du passé, le futur d’anticipation du premier vers ainsi que le vœu formulé dans la suite du poème mettent en relief l’intensité bouleversante de ce qui a eu lieu.

    Cheminement à travers un songe douloureux, Payne est remémoration de ce qui a été vécu. En attestent les derniers vers :

    « Tout cela est vrai

    Et à présent, je me rappelle ».

    Le vers final incite à reprendre les chants da capo. À les intérioriser dans le silence. Afin d’en percevoir, dans l’intime de la lecture, toutes les nuances et toutes les subtiles vibrations.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Florent Papin  Payne





    FLORENT  PAPIN


    Florent Papin
    Source




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Payne





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  • Bernard Perroy & Cédric Merland | [Je m’émerveille du feu]



    Merland 3
    Ph. Cédric Merland (Noirmoutier),
    in Chaque mot retrouvé,
    éditions La Centaurée, 2019.







    [JE M’ÉMERVEILLE DU FEU]






    Je m’émerveille du feu,
    des visages, des mers

    Sous le soleil passant,
    la terre se dore

    et marche à l’horizontale,

    même si elle tourne parfois
    sans phare ni boussole,

    nous laissant
    un paysage en vrac

    sur les épaules

    (à Jean-François Mathé)

    B.P





    Je compte mes pas

    ceux de mes paysages

    et ceux des campagnes
    que l’on traverse
    comme des hivers

    il y a une ville au loin
    dont les ruelles dansent

    attisent ma curiosité

    la lune m’accompagne
    vers toutes ces chaleurs

    humaines

    C.M




    Bernard Perroy & Cédric Merland, Chaque mot retrouvé, éditions La Centaurée, 2019, s.f. Photographies de Cédric Merland (Noirmoutier).





    Bernard Perroy Cédric Merland  Chaque mot retrouvé





    BERNARD  PERROY


    Bernard Perroy 2
    Source




    ■ Bernard Perroy
    sur Terres de femmes

    Nuit du proche et du lointain (extrait de Je n’ai d’autre désir)
    [Tu marches] (extrait de Cœur à cœur)




    ■ Voir aussi ▼

    le site de Bernard Perroy





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  • Sabine Huynh, Parler peau

    par Angèle Paoli

    Sabine Huynh, Parler peau,
    Æncrages & Co, collection Voix de chants, 2019.
    Dessins de Philippe Agostini.
    Exergue de Philippe Rahmy.



    Lecture d’Angèle Paoli




    LE GRAND POÈME DE LA CHAIR




    Parler peau. Quel titre que celui-là ! Fascinant parce qu’incisif ! Concentré dans l’alternance serrée de l’allitération en [p] à l’initiale des deux mots. Et des voyelles ouverte | fermée | ouverte. Un titre qui claque et qui roule, qui claque et qui déferle. Trois syllabes pour amorcer un programme dont la peau est l’objet. Par le choix d’un tel titre (si évident et si naturel qu’il en devient quasi exceptionnel), Sabine Huynh annonce son désir d’aller droit au cœur de l’échange amoureux, au plus proche dans le corps-à-corps du dire la parole amoureuse : poétique et physique. Ou inversement. Peu importe tant les deux sont liés, intimement arrimés l’un à l’autre.

    Le programme annoncé par le titre est repris en exergue par une longue citation empruntée à Phil Rahmy. Une manière de rendre hommage au grand ami si tôt disparu.

    Dans la citation en trois temps de l’exergue, il est question « des corps fragiles » et du « don total de nous » ; de la primauté du langage : « Rien, hormis la transformation du corps en langage » ; puis de la guérison : « Je guéris. Je ne sais pas de quoi. Mais je guéris ».

    Après la page d’exergue, une dédicace ajoutée entre parenthèses explicite le projet :

    « (Rapprochements physiques pour H.) ».

    Mais le projet tient-il sa promesse ?

    OUI, dans les moindres replis et jeux de langues, jeux de mains et jeux du corps entier, cils à cils. « Mots semés sexe à sexe ». Les poèmes sont brefs, qui se suivent sans relâche, sans ponctuation et sans majuscules, souffle à souffle. Petits pavés esthétiques jetés sur la page.

    Le recueil de Sabine Huynh suit la trajectoire de Phil Rahmy. Au plus près et au plus fidèle. En quelques strophes, la poète évoque d’abord le ravage, solitude immense, désertion du corps, manque et soif, langue raidie, mal-être intense, mots de bris et de violences, guerres et tourments, inconsolables, béance d’une plaie ancienne, cicatrices jamais refermées.

    Vient alors le temps inespéré du don total qui passe par l’appel intime et feutré du « viens » :

    « viens nous connaissons l’eau la pluie nous attend » […] « viens c’est fortune de mer » […] « viens ».

    Temps des projets où se jointoient l’éros et l’universel : « nos langues iront laper la source d’un monde recommencé ».

    Temps qui réconcilie les contraires en des arabesques infinies « dessus » ͠ « dedans » ͠ « dehors » ͠ « partout ». Danse de mots brûlants qui abolit les frontières et inscrit les amants dans un présent éternel :

    « ça vole papillons partout ».

    Vitesse de l’écriture qui fuse de page en page dans une voltige de fricatives voisées, vent visage vertige, gerbe foisonnante d’allitérations en [v].

    Le poème parfois se mue en une composition où se condense la syllabe finale du titre, ce [po] qui se réitère pour dire à travers l’aveu la fluidité des caresses, pour dire l’obsession des corps :

    « le corps frémit de l’envie de toucher la peau pense aux mains – vibrer encore et encore parler peau – pencher vers demain peut-être les caresses composent ce qui ressemble aux premiers serments ».

    La poète connaît l’art de dire beaucoup du corps-à-corps amoureux, avec ce peu de mots qui file de page en page. C’est avec ce peu qui « contient tout » que commence la réparation. Les orages anciens s’éclipsent, mémoire en retrait, effacement momentané des horreurs du présent. Tout à son « trésor » de peau, le langage réconcilié retrouve la langue fertile, moisson de mains et de paumes qui gomment les traces jusqu’alors indélébiles.

    Ce qui se vit ici, c’est l’urgence du dire, urgence du parler peau ; urgence de retenir entre les doigts le flux qui innerve les corps et la langue ; urgence de la restauration de soi qui passe par la fête des sens et par la fête des mots. Une urgence à dire qui bouscule la grammaire. Invente – dans l’ardeur d’une « langue sauvée des eaux » – un ordre nouveau qui ouvre un chemin inédit de lumière et de joie. Le corps de l’amant invente le monde. Un paysage mouvant prend forme sous les caresses, qui rassemble dans un même tempo rondeurs et « torsions », « trajets » et « arcades », « enroulements », « renversements » et « égarements ». Miracle de la mosaïque amoureuse qui recrée le temps de l’innocence. Ainsi se compose le grand poème de la chair, riche de promesses et du désir de vivre.

    Rarement poème d’amour, tout en saveur érotique, force et tendresse conjuguées à l’envi, n’a atteint semblable splendeur. Magnifique.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Sabine Huynh  Parler peau





    SABINE  HUYNH


    Sabine Huynh. Photo Miriam Alster 2016
    Ph. Miriam Alster (2016)
    Source





    ■ Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    [sans attaches] (extrait de Parler peau)
    Avec vous ce jour-là / Lettre au poète Allen Ginsberg (note de lecture d’AP)
    Les Colibris à reculons (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Les Colibris à reculons (note de lecture de Sabine Péglion)
    Kvar lo (note de lecture d’Isabelle Lévesque)
    Kvar lo (note de lecture d’AP)
    [Au fond de ta gorge] (extrait de Kvar lo)
    La Mer et l’Enfant (note de lecture d’AP)(+ une notice bio-bibliographique)
    Lettre à Tieri Briet (chronique)
    [Pourquoi toujours ma voix se brise avec ces mots] (extrait de Tu amarres les mots)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Là où elle naît
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)




    ■ Voir aussi ▼

    presque dire (le site de Sabine Huynh)
    → (sur le site d’Æncrages & Co)
    la fiche de l’éditeur sur Parler peau




    ■ Notes de lecture de Sabine Huynh
    sur Terres de femmes

    Matthieu Baumier, Le Silence des pierres
    Blandine Longre, Clarities
    Sylvie-E. Saliceti, Je compte les écorces de mes mots
    Romain Verger, Fissions





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  • Maria Desmée | À l’infini



    Lune  guidu
    Ph., G.AdC






    À L’INFINI
    (extrait)





    Parfois la lune éclaire un sourire
    Celui que tu m’as confié en partant
    Je le dépose sur le bord de la fenêtre
    L’histoire s’écrit des deux côtés
    Du dehors et du dedans




    Dans l’ombre des mots
    Je cherche les mots de l’ombre
    La lumière débarque
    Avec son cortège de couleurs
    Se tisse alors une trame
    Qui me ramène au rivage

    Face à face
    L’horizon se dissipe
    Il dépose quelque chose d’immense
    Comme une flottaison dans l’espace




    Main tendue chaleur d’un regard
    Et la frontière se dissipe
    Trame de mots inonde la parole
    Et je peux enfin te dire
    Ce qui creuse les falaises ouvertes

    Tu me regardes
    Me saisis

    Je te dois un retour

    Nous entrons dans le temps
    À grande vitesse




    Maria Desmée, « À l’infini » in De quelle nuit, Éditions Henry, Collection La main aux poètes, 2019, pp. 76-78.





    Maria Desmée  De quelle nuit





    MARIA  DESMÉE


    Maria Desmée 2
    Source




    ■ Maria Desmée
    sur Terres de femmes

    [No way to sleep this night] (extrait de Paris, New York, Cleveland)
    [La forme que prend le mot] (extrait de Diagonale du désir)




    ■ Voir aussi ▼

    → (sur Encres vagabondes)
    une lecture de De quelle nuit par Brigitte Aubonnet





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  • Benjamin Guérin | [Je me suis arrêté au bord des grands hêtres]



    [JE ME SUIS ARRÊTÉ AU BORD DES GRANDS HÊTRES]




    Je me suis arrêté au bord des grands hêtres
    ces arbres dont la tête ressemble tant à ma main
    ouverte et lacérée sans fin
    des lignes de la vie.

    En ces troncs j’ai creusé mon abri, qui m’isole et protège,
    pendant mon sommeil, comme un père, attendri.

    En ce lieu, l’habitant est nu
    il doit trouver seul son habit.
    Les pierres les premières y pourvoient
    elles façonnent la voûte de son pied
    et les chutes épaississent ses chairs.
    Il s’habille de cuir. Il est sans habitudes.
    Les chemins accordent son souffle
    et sans cesse à contre-courant
    il tend ses nerfs comme les haubans
    jusqu’à la rupture jusqu’au cri
    pour encore remonter le vent.




    Benjamin Guérin, « Chants de la tour » in Chants du voyageur, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2019, page 58. Encres de Jean-Gilles Badaire.





    Benjamin-guerin-chants-du-voyageur





    BENJAMIN  GUÉRIN


    Benjamin Guérin





    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Benjamin Guérin
    → (sur La Cause Littéraire)
    une recension de Chants du voyageur par Didier Ayres
    → (sur Presque dire)
    une recension de Chants du voyageur par Sabine Huynh





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  • Anne Calas | [Mon île fantastique et joyeuse]



    Calas +







    [MON ÎLE FANTASTIQUE ET JOYEUSE]




    Mon île fantastique et joyeuse tu viens noyer
    Ma transparence, les raisons de toutes
    Nos édifications intimes, colosses
    De pierres volcaniques sous des dehors
    De douce et lente euphorie
    Marcher là, courir, monter en selle
    Revêtir les habits de Molière je regarde
    Tes boucles brunes sur la photo
    Ta fossette, ingénue, prudente, innocente.
    Il est parfois des cépages comme
    Des espèces animales disparaissant
    Dans le courant de nos archéologies
    Intimes de
    Nos grottes de nos
    Mystères

    Il faut imaginer que nous soyons femmes-

    Oiseaux que nous soyons sommets de la falaise

    Sternes fuligineuses, archipels façonnant

    Le nombril du monde, ton galet orangé

    Magnétique, me berçant doucement




    Anne Calas, « Mireille, intime d’où je viens », in « II. Lignes d’aubes, terres », Déesses de corrida, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2019, page 71.





    Anne Calas  Déeesses de corrida





    ANNE  CALAS

    Anne Calas





    ■ Anne Calas
    sur Terres de femmes


    Val cosmique (autre poème extrait de Déesses de corrida)
    [Ni princesse, ni d’hier ni d’aujourd’hui] (extrait d’Honneur aux serrures)
    Honneur aux serrures (lecture d’AP)
    Littoral 12 (lecture d’AP)
    Yves di Manno | Anne Calas | [par transparence d’une vitre] (extrait d’Une, traversée)




    ■ Voir aussi ▼


    le site personnel d’Anne Calas
    → (sur le site personnel d’Anne Calas)
    une lecture de Déesses de corrida par Jean-Paul Auxeméry [PDF]
    → (sur le site des éditions Flammarion)
    la page de l’éditeur sur Déesses de corrida





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