Étiquette : 2020


  • Alda Merini | [È un petalo la tua memoria]


    Alda Merini  portrait Guidu
    Image, G.AdC







    [È UN PETALO LA TUA MEMORIA]



    È un petalo la tua memoria
    che si adagia sul cuore,
    e lo sconvolge.
    Addio, come ogni sera,
    oltre le fratture c’è un cadavere
    eretto di discorso,
    sembra un frammento di un’eutanasia
    ma tu mi uccidi come sempre, amore,
    e riapri i miei eterni giacimenti.
    I sepolcri del Foscolo, gli addii
    di certe mani che non sono sepolte
    ed emergono futili dal nulla
    a chiedere giustizia di parole.







    [TON SOUVENIR EST UN PÉTALE]



    Ton souvenir est un pétale
    qui se couche sur mon cœur
    et le ravage.
    Adieu, comme chaque soir,
    au-delà des fractures il y a un cadavre
    érigé de parole,
    on dirait le fragment d’une euthanasie,
    mais tu me tues comme toujours, amour,
    et tu rouvres mes éternels gisements.
    Les sépulcres de Foscolo, les adieux
    de certaines mains qui ne sont pas ensevelies
    et émergent futilement du néant
    pour demander justice aux mots.




    Alda Merini, « L’amore | L’amour », La Folle de la porte à côté [La pazza della porta accanto, Bompiani, Milano, 1995 ; rééd. 2019], suivi de La poussière qui fait voler, conversation avec Alda Merini, éditions Arfuyen, Collection « Les vies imaginaires », 2020, pp. 24-25. Traduit de l’italien par Monique Baccelli. Préface de Gérard Pfister.






    Alda Merini  La Folle de la porte à côté




    ALDA MERINI


    Alda Merini portrait 1 couleur
    Source





    ■ Alda Merini
    sur Terres de femmes


    La Folle de la porte à côté (lecture d’AP)
    Après tout même toi | Dopo tutto anche tu
    Ma poésie est vive comme le feu
    Mare
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    Il mio primo trafugamento di madre




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel Alda Merini, créé par les quatre filles d’Alda Merini
    → (sur Fine Stagione)
    plusieurs poèmes d’Alda Merini (avec leur traduction en français)





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  • Jordi Pere Cerdà | Un vent végétal


    ECORCE
    el fil llunyà
    que aparenta la pell
    amb l’escorça de l’arbre
    Ph., G.AdC








    UN VENT VEGETAL




    Un vent vegetal passeja
    ses arrels sobre el meu rostre
    cercant el fil llunyà
    que aparenta la pell
    amb l’escorça de l’arbre.
    Llepa pausadament
    amb carícia llarga,
    repetida, infinita,
    feta d’escuma densa,
    de bravor blanejada,
    de granes que parteix
    l’impuls pesent del viure.
    Jo em sento al ventre el part
    anguniós del mascle,
    un borronar de sang
    enrogint l’arç del goig.
    Ensems un vast deliqui
    ve a entebeir la terra
    molla de neus passades ;
    em sadolla un desmai,
    per la barra dels ossos,
    com una morta secreta,
    com un viure immortal.







    UN VENT VÉGÉTAL




    Un vent végétal promène
    ses racines sur mon visage
    cherchant le fil lointain
    qui apparente la peau
    à l’écorce de l’arbre.
    Il me lèche lentement
    d’une caresse longue,
    répétée, infinie,
    faite d’écume dense,
    d’ardeur contenue,
    de graines fendues
    sous le poids de l’élan vital.
    Je sens à mon ventre la naissance
    tourmentée du mâle,
    un bourgeonnement de sang
    qui fait rougir la ronce de mon plaisir.
    En même temps une vaste extase
    vient tiédir la terre
    humide des neiges passées ;
    je suis comblé par un vertige
    qui traverse mes os,
    comme une mort secrète,
    comme une vie immortelle.




    Jordi Pere Cerdà, La Peau de Narcisse [La Pell del Narcís, Poesia completa, Viena Edicions, Barcelone, 2013] in Comme sous un flot de sève, anthologie poétique (édition bilingue catalan-français), Œuvres poétiques | Domaine catalan, éditions La Rumeur libre, collection La Bibliothèque, 2020, pp. 64-65. Traduit du catalan par Étienne Rouziès.






    Cerda




    JORDI PERE CERDÀ


    Jordi Pere Cerda
    Source


    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site de La rumeur libre)
    la fiche de l’éditeur sur Comme sous un flot de sève
    → (sur le site de France Culture)
    Surpris par la nuit – Jordi Pere Cerdà, poète catalan (1re diffusion : 20/12/2001), par Jean-Baptiste Para – Avec Jordi Pere Cerdà, Lionel Richard (universitaire) et Marie-Claire Zimmerman (critique littéraire) – Réalisation Viviane Noël





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  • Abdellatif Laâbi | Un cran au-dessus de la vie


    UN CRAN AU-DESSUS DE LA VIE




    S’absenter
    pour rejoindre la présence
    Pas marcher
    voler
    Retrouver les saveurs du corps
    le tien d’abord
    et celui de l’aimée
    Respirer sous l’eau
    dans la gueule du volcan
    Franchir le mur de la raison
    D’un souffle
    ouvrir les sept serrures
    de ta propre boîte noire
    À chaque halte
    planter une forêt vierge
    d’arbres de la connaissance
    du doute
    et de l’émerveillement
    Composer
    avec les fleurs rares de l’intelligence
    l’élixir de la bienveillance
    Se mesurer aux géants
    des contes
    qui ont bercé ton enfance
    Vivre
    Un sacré cran
    au-dessus de la vie
    hors du chaos




    Abdellatif Laâbi, Presque riens, Le Castor Astral, 2020, pp. 47-48.






    Abdellatif Laabi  Presque riens 2




    ABDELLATIF LAÂBI


    Abdellatif Laâbi portrait 2
    Source


    ■ Abdellatif Laâbi
    sur Terres de femmes


    La langue de ma mère (poème extrait de L’Étreinte du monde)
    Tu passes sans passer (poème extrait du Spleen de Casablanca)


    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site du Castor Astral)
    la fiche de l’éditeur sur Presque riens
    le site d’Abdellatif Laâbi





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  • Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (extraits)


    [TERRE AIMÉE DES CHEMINS CREUX]




    terre aimée des chemins creux
    des talus et des lisières
    terre de l’éveil et de l’adieu
    terre natale ou sépulcrale
    sur laquelle empiète le ciel

    terre commune à jamais promise
    familière et toujours étrangère
    terre sauvage menacée
    terre aux cultures empoisonnées
    terre désolée des champs de carnage

    terre des jardins émerveillés
    que l’aube lustre de rosée
    terre que viennent picorer les oiseaux
    où tu dispersas les semences et les cendres
    et dans laquelle je replace enfin
    cette motte de terre




    Jean-Pierre Chambon in Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre, éditions Méridianes, Collection Duo, 34000 Montpellier, 2020, page 11.





    [J’ÉCRIS ARBRE]




    j’écris arbre et c’est déjà
    une forêt qui s’avance
    une forêt dans ma tête
    une forêt dans la tienne

    à chacun sa forêt
    de mots
    d’images

    et de silences

    de mousses au pied des arbres
    de vies sous les mousses

    et crabes dans la canopée

    ciel



    et terre




    Michaël Glück in Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre, éditions Méridianes, collection Duo, 34000 Montpellier, 2020, page 2.






    Chambon Gluck 2




    JEAN-PIERRE CHAMBON


    Jean-Pierre Chambon  en vignette
    Source




    ■ Jean-Pierre Chambon
    sur Terres de femmes


    L’Écorce terrestre (lecture de Cécile A. Holdban)
    L’Écorce terrestre (lecture d’AP)
    [Fleurs dans la fleur]
    [Je touche le grain du silence] (extrait de L’Écorce terrestre)
    L’invention de l’écriture (extrait de Zélia)
    Des lecteurs (lecture d’AP)
    Des lecteurs (extrait)
    Noir de mouches (extrait)
    Le Petit Livre amer (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Détour par la Chine intérieure (poème extrait du Petit Livre amer)
    Fragments d’un règne (poème extrait du Roi errant)
    [Sur le papier la lumière](extrait de Sur un poème d’André du Bouchet)
    Tout venant (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [À partir de l’inaliénable singulier] (extrait de Tout venant)
    Un écart de conscience, II (extrait)
    Zélia (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Jean-Pierre Chambon | Marc Negri, Fleuve sans bords (lecture d’AP)







    MICHAËL GLÜCK


    Gluck Portrait
    Source




    ■ Michaël Glück
    sur Terres de femmes


    Choral des Septantes, 6 (extrait de Ciel déchiré, après la pluie)
    « cette chose-là, ma mère… »
    …Commence une phrase (lecture d’AP)
    [commence une phrase] (extrait de …Commence une phrase)
    L’Enceinte (lecture d’AP)
    Matières du temps (extrait de D’après nature)
    [le ciel emporte le reflet des îles](extrait d’Errances célestes)
    [nous sommes venus d’un ciel à l’envers] (extrait d’Un livre des morts)
    [où de vivants piliers] (extrait de Poser la voix dans les mains)
    Passion Canavesio | Passion-Judas (lecture d’AP)
    [Certains matins les mots] (extrait de Tenir debout dans le grand silence)
    Tournant le dos à (lecture d’AP)
    [toujours avoir à se justifier devant la norme] (extrait de Tournant le dos à)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Terres de femmes)
    Jean-Pierre Chambon | Michaël Glück, Une motte de terre (lecture de Sylvie Fabre G.)
    le site des éditions Méridianes





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  • Maud Thiria, Blockhaus

    par Angèle Paoli

    Maud Thiria, Blockhaus,
    éditions Æncrages & Co, Collection Ecri(peind)re, 2020.
    Encres de Jérôme Vinçon. Préface de Jean-Michel Maulpoix.



    Lecture d’Angèle Paoli


    LA FORGE NOURRICIÈRE DE MAUD THIRIA





    Un mot unique peut-il contenir à lui tout seul un univers d’écriture ? Peut-il à lui seul contenir un être tout entier et son langage ? À lire Blockhaus, le dernier recueil de Maud Thiria, il semble bien que oui. Toute une enfance se trouve en effet ici rassemblée, dans ces deux syllabes qui font bloc pour n’en former qu’un : Block/Haus//Blockhaus. Deux syllabes qui témoignent d’une terre dévastée, une « terre lorraine » meurtrie par un passé sanglant. Deux syllabes pour un mot unique, fiché en pleine mémoire d’enfance de la poète. Ainsi que dans sa chair d’adulte, Blockhaus, bloqué là, muscles et os formant rempart aux émotions et à la vie. Un bloc qui s’immisce en « cheval de troie ». Et qui cible au plus intime. Jusqu’à ne plus faire qu’un seul corps avec la poète. « L’ennemi est dans la place ». Un leitmotiv qui revient de manière itérative sous la plume de Maud Thiria :

    « l’ennemi est dans la place

    tu es blockhaus devenue

    t’armant de plus en plus contre la nuit

    en ta propre langue remuée de l’intérieur

    là où ça frappe sur le grain de ta voix » .

    Il faut toutefois attendre la toute fin du recueil pour que ces mots-là, cette réalité-là et la vérité qui en surgit, remontent à la surface et qu’apparaissent

    « dans les vieux murs fissurés

    des trouées de lumière

    inespérées ».

    Entretemps, la poète évolue, au gré et au cœur des souvenirs, sur son chemin d’enfance, entre une maison de famille « hors champ » et le « blockhaus du fond du jardin ». Ici, point de grenier recélant des malles aux trésors débordant d’un précieux butin qui aurait traversé les temps. Ici, rampant de forêts en cachettes, la poète s’agrippe à son « monticule de béton brut », cherchant une possible respiration loin du monde. Cherchant à libérer son corps

    « bloqué là cheval de troie

    mot ennemi dans ta propre langue

    corps ennemi de ton propre corps ».

    Cherchant sa voix/voie dans l’écriture et par l’écriture, la poète procède par étapes. D’un groupe de leitmotive à l’autre. À chaque nouveau leitmotiv est franchie une nouvelle marche qui permet de regrouper plusieurs poèmes articulés sur les mêmes reprises :

    « comme étrangère » / « tu te souviens » / « depuis toujours » / « si seulement tu pouvais t’envoler » / « tu te demandes si » / « l’ennemi est dans la place ».

    L’expression récurrente – et ses multiples variations — est celle qui ouvre sur le passé, sorte de souvenir-sésame :

    « comme étrangère

    tu te souviens ».

    Dès lors, dès le poème d’ouverture, la poète redevient l’enfant-animal qu’elle était, grimpant et s’agrippant, grattant et creusant la terre meurtrie. Enfant griffée toujours prête à s’ensevelir dans trous et repaires pour y observer le monde, de haut et de loin. Sans être vue. Enfant sauvage, rebelle tapie en son terrier. Terre sienne et pourtant étrangère, odeurs d’humus et de sang ; terre de contrastes, aimée sans doute pour ses groseilles et ses girolles, mais davantage haïe, « orties ronces barbelés » ; terre peuplée d’ombres et de mitrailles ; qui jamais ne la quitte et qui toujours l’obsède. Et vers laquelle toujours elle revient :

    « comme étrangère

    cette terre

    où tu reviens toujours

    te blottir te bloquer

    le dos

    les mains les os

    tapie ».

    Te blottir/te bloquer/te tapir. Tels sont les gestes primordiaux de l’enfant sauvage ; gestes antinomiques et pourtant indissociables qui la fondent en profondeur et qui la blessent continûment. Les seuls qui soient à même de concilier peur instinctive et repli sur soi, recherche instinctive de repli-protection et de rondeur maternelle. C’est sans doute que la « terre étrangère » est intimement liée à la langue des origines et aux premiers vocables. À la langue de la mère. Laquelle est « langue inconnue » qui se heurte à son bloc d’os, la cisaille et la mord. Bloc de violence que ce mot de blockhaus qui condense et fusionne en lui seul tous les obstacles arrimés à l’enfance. Le principal et le plus douloureux étant celui qui relie l’enfant à sa langue maternelle :

    « et des mots comme des pierres

    lancées contre toi

    en jets de langue maternelle ».

    Blockhaus. Issu de cette langue maternelle, le mot catalyse en ses consonnes dures les interrogations de la poète :

    « s’il s’était appelé autrement

    ta vie aurait-elle été la même ?

    quelle vision pour la casemate au fond du jardin

    si le mot ne retient pas toute la brutalité du monde ? »

    À première vue en effet, le mot « casemate », d’origine italienne, « ne retient pas toute la brutalité du monde ». Mais ce substantif cache bien son jeu, dissimulant dans son étymologie une maison qui n’a rien d’un cocon. Mais qui renvoie à bien autre chose. Une maison inquiétante, en lien avec la folie (casa matta). La maison des fous. Folie collective que celle-là, qui conduit à la guerre et à la destruction ? Folie maternelle ? Folie qui irrigue les vaisseaux sanguins et met chacun en équilibre instable sur le fil de la lame ?

    Pour Maud Thiria, seul compte l’effet bombe du mot blockhaus :

    « blockhaus fait comme une petite tombe en toi » / « cette maison des morts en toi ».

    Il se trouve cependant que ce mot étranger, qui contient en lui tous les déchirements, toutes les forces de la souffrance, ouvre aussi les portes du salut, lequel passe en premier lieu par le combat avec l’ange :

    « là où l’os bloque sous le muscle

    sens encore la force des ailes qui poussent ».

    « tu te sens pousser des ailes », écrit la poète après en avoir à plusieurs reprises exprimé le désir :

    « — si seulement tu pouvais t’envoler —

    du haut de ce mot étranger

    tu te sens pousser des ailes

    loin de la langue maternelle

    la fissurant de l’étrange

    rassurant ».

    De cette lutte avec l’étr/ange naît la poésie de Maud Thiria. La poète a fait de son tourment — le blockhaus de l’enfance —, son armature, sa forge nourricière d’où naissent sa « langue propre » et le « grain » particulier de sa voix.

    Un très beau recueil qu’accompagnent et ponctuent, denses et élégantes, les encres noires de Jérôme Vinçon.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Maud Thiria  Blockhaus




    MAUD THIRIA


    Maud Thiria
    Source




    ■ Maud Thiria
    sur Terres de femmes


    [tu te demandes si] (extrait de Blockhaus)
    Brindilles (extraits)
    [chercher à prendre corps] (extrait de Mesure au vide)
    Sous les fauteuils, 1




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site personnel de Maud Thiria)
    une notice bio-bibliographique sur Maud Thiria
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Maud Thiria
    → (sur Terre à ciel)
    Maud Thiria Vinçon : poésie et traces
    → (sur le site des éditions Æncrages & Co)
    la page de l’éditeur sur Blockhaus
    → (sur le site Les Découvreurs)
    une lecture de Blockhaus par Georges Guillain
    le site de Jérôme Vinçon





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  • Raymond Farina | Les papillons d’Apollinaire


    LES PAPILLONS D’APOLLINAIRE


    IM Apollinaire Wobouyo


    Lorsque ta palette déploie
    tes papillons dans leurs pochettes
    cette bruissante mosaïque
    s’envole dans des noms étranges
    tracés finement par ta plume
    et tes mots, le temps d’un poème
    — comme si tu étais vivant —
    racontent ces légers défunts
    que tu as chassés dans la brousse :
    Papilio dardanus,
    l’habile magicienne
    et Papilio antimachus,
    qui plane autour des cimes,
    Precis, le minuscule,
    le vif, le versatile
    qui change de couleur
    en changeant de saisons,
    Epitola toujours en deuil
    avec sa fine frange noire,
    la sarcastique Charaxes
    qui sait narguer les prédateurs
    en se déguisant en toxique
    — « Prends garde à toi, si tu me manges
    tu seras mangé par la mort ! »




    Raymond Farina, Hétéroclites in Notes pour un fantôme suivi de Hétéroclites, N & B éditions, 31770 Colomiers, 2020, page 67.





    Raymond Farina  Notes pour un fantôme



    RAYMOND FARINA


    Raymond Farina
    Source





    ■ Raymond Farina
    sur Terres de femmes


    [Dans ta maison sur les nuages] (extrait d’Anachronique)
    Que faire maintenant (extrait d’Éclats de vivre)
    La Gloire des poussières (lecture de Sabine Dewulf)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique sur Raymond Farina
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Raymond Farina
    → (sur le site de Guy Allix)
    une page sur Raymond Farina
    → (sur Recours au Poème)
    plusieurs pages consacrées à Raymond Farina
    → (sur Terre à ciel)
    plusieurs pages consacrées à Raymond Farina
    → (sur Gattivi Ochja)
    un poème extrait d’Anecdotes de Raymond Farina, traduit en corse par Stefanu Cesari
    un entretien de Régis Louchaert avec Raymond Farina (PDF)
    → (sur L’Or des livres)
    La poésie de Raymond Farina : Anecdotes et Epitola Posthumus
    → (sur le site de N & B éditions)
    la fiche de l’éditeur sur Notes pour un fantôme suivi de Hétéroclites





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  • Boris Ryji | [L’enfant juif]


    Mальчик-еврей принимает из книжек на веру
    гостеприимство и русской души широту,
    видит березы с осинами, ходит по скверу
    и христианства на сердце лелеет мечту.
    Следуя заданной логике, к буйству и пьянству
    твердой рукою себя приучает, и тут —
    видит березу с осиной в осеннем убранстве,
    делает песню, и русские люди поют.
    Что же касается мальчика, он исчезает.
    А относительно пения — песня легко
    то форму города некоего принимает,
    то повисает над городом, как облакό.







    À Lena Tinovskaïa



    L’enfant juif lit des livres et croit vraiment
    que l’âme russe est vaste et hospitalière,
    dans les bosquets il voit des bouleaux, des trembles
    et chérit le rêve de devenir chrétien.
    Selon la même logique, il s’entraîne avec zèle
    au débridement et à l’ivrognerie,
    et quand il voit les bouleaux, les trembles
    parés des couleurs de l’automne,
    il en fait une chanson que tous les Russes entonnent.
    On ne saurait dire ensuite où le gamin est passé.
    Il reste le chant qui tantôt prend sans peine
    La forme d’une ville, tantôt la survole comme les nuées.




    Boris Ryji, La neige couvrira tout, édition bilingue, Cheyne éditeur, collection D’une voix l’autre, 2020, pp. 74-75. Traduit du russe et préfacé par Jean-Baptiste Para.





    Boris Ryji  La neige couvrira tout




    BORIS RYJI | Борис Борисович Рыжий (1974-2001)


    Boris Ryji portrait 2
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de Cheyne éditeur)
    la fiche de l’éditeur sur La neige couvrira tout





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  • Emmanuel Merle | Migrant


    Migrant,


    voyageur immobile, amarré
    mais sans ancre,
    arbre,
    tu es saisi dans ta marche,
    toujours je fais le premier pas vers toi.

    Il me semble pourtant que parfois
    tu te penches, même tu t’approches,
    certains soirs d’été quand l’ombre des choses
    devient immense,
    ou des jours de février — l’air
    est alors si sec, si coupant, que ta branche
    casse comme un bras gelé.

    Tu as des gestes perdus, des contradictions :
    c’est ta mémoire qui veut dire,
    une sève d’un pays ancien.




    Emmanuel Merle, « Le livre de l’arbre », Habiter l’arbre, éditions Voix d’Encre, 2020, page 58. Encres d’Élisabeth Bard.





    Emmanuel Merle  Habiter l'arbre



    EMMANUEL MERLE


    Emmanuel Merle
    Source




    ■ Emmanuel Merle
    sur Terres de femmes


    Amère Indienne
    [Cape Cod]
    Le Chien de Goya (lecture d’AP)
    Cet ancien lieu (poème extrait de Démembrements)
    Démembrements (lecture d’AP)
    Ici en exil (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Le rouge] (extrait de Dernières paroles de Perceval)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’Isabelle Lévesque)
    Dernières paroles de Perceval (lecture d’AP)
    ils attendent ce qui (extraits du Grand Rassemblement)
    [Je me discerne davantage dans le miroir de la couleur](extrait des Mots du peintre)
    [Ramper sur la glace](extrait de Nord, seul point cardinal)
    [Tout est matière, sauf ma décision] (extrait de Olan)
    Tourbe (lecture d’AP)
    [Il n’y a plus d’arbres] (extrait de Tourbe)
    [Une promesse, dis-tu]
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | La Chance d’un autre jour, Conversation (lecture de Sylvie Fabre G.)
    Emmanuel Merle & Thierry Renard | [Jour de pluie ici aussi]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site de la mél [Maison des écrivains et de la littérature])
    une fiche bio-bibliographique sur Emmanuel Merle
    → (sur le site des éditions Voix d’encre)
    la fiche de l’éditeur sur Habiter l’arbre





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  • Isabelle Baladine Howald | [Je pense à toi qui n’a plus de corps]


    [JE PENSE À TOI QUI N’A PLUS DE CORPS]




    Je pense à toi qui n’a plus de corps     je te sens pourtant
    encore contre moi
    je sens tellement ton corps qui n’existe plus       je te vois
    dedans les yeux fermés        je ferme les yeux pour te voir
    et te sentir contre moi revient
    ton  odeur ta douceur ton souffle        tout ce que j’aimais
    tant
    la sensation d’opacité, peau, carrure, contours, tessitures

    ce chatoiement de toi en moi

    nous fermons les  yeux  quand  il  n’y  a  plus  rien  à  voir
    se souvenir est « mémoire d’aveugle »

    tu n’as plus les yeux ouverts

    je te vois dedans  et je pense  tout le temps  mon âme qui
    est ton âme




    Isabelle Baladine Howald, Fragments du discontinu, éditions Isabelle Sauvage, collection présent (im)parfait, 29410 Plounéour-Ménez, 2020, page 53.





    Howald Fragments du discontinu



    ISABELLE BALADINE HOWALD


    Isabelle Baladine Howald
    Ph. © Vincent Muller
    Source





    ■ Isabelle Baladine Howald
    sur Terres de femmes


    [Je — court à la mort] (extrait d’Hantômes)
    La Douleur du retour (lecture d’AP)
    Mouvement d’adieu, constamment empêché (lecture d’AP)





    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Isabelle Sauvage)
    la fiche de l’éditeur sur Fragments du discontinu
    → (sur Poezibao)
    une lecture de Fragments du discontinu par Anne Malaprade





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  • Michel Diaz, Le Verger abandonné

    par Angèle Paoli

    Michel Diaz, Le Verger abandonné,
    éditions Musimot,
    03800 Le Mayet d’École, 2020.
    Préface de David Le Breton.



    Lecture d’Angèle Paoli


    UN CHANT NOUVEAU DE LA DISPARITION





    Quel Éden hors d’atteinte se cache derrière Le Verger abandonné ? Le titre qu’a choisi Michel Diaz pour la porte d’entrée de son dernier recueil ne laisse rien augurer de ce que le poète a imaginé. Pas davantage l’illustration de la première de couverture. Une photo de Pierre Fuentes. Une photo en noir et blanc de troncs décharnés entourés d’herbes folles. En arrière-plan, en fond grisé, un horizon marin ou peut-être une mer de nuages. Le mystère reste entier. En feuilletant ce bel ouvrage de format 18 x 14 cm (à l’italienne), le regard roule sur les titres : « Première lettre à Pénélope » ; « Troisième lettre à Laërte » ; « Quatrième lettre à Télémaque »… Aucun autre patronyme ou toponyme n’arrête le regard. Pas même celui d’Ulysse. Pourtant ces lettres sont bien les siennes. C’est lui qui raconte, c’est de lui qu’il parle, et c’est aux siens qu’il s’adresse. Dix-huit lettres au total, sans réponse aucune ni signature. Ulysse écrit successivement à son épouse (sept lettres), à son vieux père (six lettres), à son fils (cinq lettres).

    « Ô mon épouse aimée » / « Quand je serai là, devant toi, mon vieux père » / « Mon cher fils ».

    L’objet de ces différentes lettres, non datées, porte sur l’annonce du retour prochain d’Ulysse dans son île natale. Toutes s’organisent autour du « verger », du souvenir que le héros grec en a gardé. Il est le lieu unique auquel Ulysse abordera avant que de rencontrer les siens, le métacentre qui occupe les rêves du navigateur, l’« axis mundi » dont parle David Le Breton dans sa préface. Ainsi, dans la première lettre qu’il adresse à Pénélope, Ulysse, revenant sur le passé des amants qu’ils furent, évoque-t-il le souvenir édénique du verger, analogon d’une passion amoureuse partagée, allégorie d’un bonheur lumineux qui s’étire dans la lenteur :

    « Nous les aimions, oliviers, amandiers et figuiers, ces troncs déjà robustes aux branches surchargées de fruits quand s’annonçait l’automne. Dans leur ombre tu te couchais, abandonnée comme une barque neuve et creuse dans laquelle je me glissais ».

    Dans la seconde lettre qu’il adresse à Laërte, Ulysse imagine leur prochaine rencontre au verger. Rencontre au cours de laquelle le voyageur, absent de l’île depuis vingt longues années, devra affronter la défiance paternelle et prouver son identité. Puis, dictant son désir à son vieux père, il l’enjoint de faire ce qu’il lui demande :

    « Je te demanderai ensuite, plus simplement, de me suivre au verger ».

    « Tu viendras avec moi. Tu devras venir, je t’y aiderai en te soutenant de mon bras. Tu verras ».

    Se remémorant les souvenirs partagés avec le vieux Laërte – dont il ignore s’il est toujours de ce monde —, par trois fois Ulysse s’immisce dans la tête du vieillard et imagine ce que sera son propos :

    « Tu me demanderas ce que je sais… » / « Tu me demanderas ce que tu veux savoir et ce que tu attends de moi… » / « Tu me demanderas, pour autre preuve, les paroles que nous disions quand nous restions sur place jusqu’à la tombée de la nuit, et je te les dirai. »

    Pour ce qui est de Télémaque, c’est dans la seconde lettre, confiée « au rouleau de la vague », qu’Ulysse en vient à évoquer le verger. Ce lieu de l’intime, tout à la fois ouvert et clos, offert jadis par Laërte, jadis entretenu par Ulysse, laissé à l’abandon en l’absence de son propriétaire, est désormais envahi d’herbes folles et à l’état sauvage. C’est là qu’à son retour Ulysse veut se ressourcer. Là qu’il aspire à venir méditer et à se recueillir avant que de se présenter à Pénélope. Viennent ensuite les ordres, agencés à partir d’impératifs ou de verbes au futur à valeur impérative. « Voilà la mission que je te confie ». Ce que Télémaque devra faire avant l’arrivée de son père, c’est nettoyer le verger, le débroussailler afin qu’y pénètre la lumière, abattre et élaguer les arbres. Reconnaître les « signes » incisés jadis par Ulysse. Préparer la couche « de feuilles sèches » ; déposer tout autour les libations propres aux rituels auxquels Ulysse désire se consacrer. Puis, une fois le retour accompli, et achevé le rituel des retrouvailles avec les siens, Télémaque aura pour mission d’abattre tous les arbres, afin qu’Ulysse puisse « tourner la dernière page du livre. » Sacrifice nécessaire pour que puisse advenir le nouveau verger.

    N’est-ce pas là un préambule déguisé de l’inévitable disparition d’Ulysse ? Peut-être l’aventurier sait-il au fond de lui-même que, pour que puisse véritablement advenir le fils, il est nécessaire que le père s’efface. Ulysse pressent-il que son retour en l’île n’aura pas lieu ? Que ses lettres précédentes ne sont en définitive qu’un leurre ? Il a beau essayer de se convaincre de son retour imminent en ordonnançant, pour chaque destinataire, les stratégies de son discours, ne sait-il pas intimement que, quoi qu’il fasse, sa seule vérité demeure le mensonge ? Il a beau se décrire comme l’homme qu’il est devenu aujourd’hui, harassé par d’interminables errances, corps et visages burinés par les vents et le sel, il n’en demeure pas moins toujours le chatoyant Ulysse, sans cesse louvoyant, toujours enclin à céder aux sirènes du moment, toujours insatisfait dès qu’il prolonge son séjour sur une terre hospitalière. Mais aussi bien, saisi par la sempiternelle nostalgie qui le taraude, n’est-il pas prompt à reprendre la mer en direction d’Ithaque ? Une destination jamais nommée par Michel Diaz.

    « Nostos ». Le retour. Et la douleur qui l’accompagne. Ce pincement inexplicable qui toujours pousse le navigateur à revenir sur son passé. À emprunter en sens inverse les mêmes sillages. À imaginer que la terre qu’il a quittée depuis si longtemps l’accueillera à bras ouverts. Tel est le mal qui ronge Ulysse, celui-là même qu’il confie à Laërte :

    « Je n’ai de lancinante nostalgie que pour ce point d’attache que me sont ma terre et les miens. »

    Et, dans la seconde lettre qu’il adresse à Pénélope, ne donne-t-il pas priorité aux arbres, témoins de leurs tendres épousailles d’antan et témoins par anticipation narrative de leurs prochaines retrouvailles ? Car, écrit-il,

    « mon impatience à les revoir […] est toujours devant moi, sculptée comme une proue de bois massif dans la certitude de mon retour » .

    C’est donc là, au cœur du verger, qu’Ulysse le vaillant et l’infatigable a ancré ses racines. C’est là, entre les arbres du verger, que s’arrime le désir acéré du « nostos ».

    Le retour en l’île aura-t-il vraiment lieu ? La lectrice que je suis en doute. Même si le récit homérique de l’Odyssée met en scène ce retour. Le récit poétique de Michel Diaz est tout en nuances et subtilités, et se joue des obstacles. À commencer par ceux qui agitent l’âme d’Ulysse.

    « Quand allons-nous nous retrouver » ? écrit-il à Pénélope dans sa troisième lettre. Submergé par les doutes et par les questionnements, peut-être retrouvera-t-il sous les grands arbres le réconfort dont il a besoin. Et l’assurance que le désir de Pénélope pour son époux est toujours aussi ardent :

    « Eux me raconteront les interminables travaux de tes doigts solitaires, qui brodent et débrodent sous la cape ténébreuse de l’absence, leurs caresses intimes dans la grotte veuve de ton désir. »

    Avec Télémaque, les interrogations sont plus directement formulées :

    « Quelle raison, dis-moi, ai-je de revenir ? Et d’ailleurs, le pourrais-je encore quand bien même je le voudrais ? ».

    Ainsi évolue le tourment d’Ulysse, en proie à mille questions. Mais il y a bientôt, réel ou imaginaire, le surgissement inattendu d’une terre inhospitalière qui s’interpose entre son désir et les craintes qui le réfrènent. Cette terre volcanique, inquiétante et déserte, livrée au soufre, aux vapeurs infernales et à la cendre. C’est à la cinquième lettre à Pénélope que survient, inconnu de tous, ce « théâtre de fumerolles ». Ulysse est-il vraiment sincère, lorsque, dans sa sixième lettre à Pénélope il écrit ?

    « Ainsi, j’avance… sans me laisser gagner pourtant par le renoncement. »

    Ne s’est-il pas déjà engagé sur la voie du repli et de la résignation ?

    À Laërte, Ulysse confie :

    « Je t’écris d’un lieu triste, inaccessible aux larmes ».

    Puis ajoute, quelques phrases plus loin :

    « En vérité, ici, en marche vers nulle part, nous sommes dans les mains du temps qui, redevenu pierre, a gardé souvenir des corps ensevelis. On ne sait plus quand, ni par qui. »

    Plus loin, dans sa troisième lettre à Télémaque, Ulysse confie :

    « Il n’est d’ailleurs pas difficile d’imaginer que nous avons ici touché la fin du monde. Tout autant physique que temporelle. Que tout est consommé. »

    Voici donc Ulysse parvenu « du côté des fantômes », dans un entre-deux où il n’est plus tout à fait vivant mais pas non plus tout à fait mort. Déjà la voix de Laërte tremble dans sa mémoire, ramenant avec elle les « images fulgurantes de l’enfance ». Déjà la mort s’avance. Et c’est vers elle qu’Ulysse s’achemine. Vers l’unique rencontre qui tienne. À la rencontre de lui-même.

    « Sur ce chemin qui ne serait rien d’autre que la voie des dieux. »

    Ainsi, plus le temps des retrouvailles approche et plus s’éloignent le « verger abandonné » et les promesses ardentes du retour. C’est qu’en cours de route et en cours d’écriture, Ulysse a compris qu’il était la proie des illusions chatoyantes qui lui servaient jadis de carapace. Aujourd’hui, avec le temps et l’expérience, la carapace est ébréchée et il n’y a plus aucun projet qui vaille. Revenir sur ses pas est impossible. Étranger à lui-même, comment pourrait-il convaincre les siens que c’est bien Ulysse qui s’avance devant eux ? Lui-même ne se reconnaît pas. Plus. Ni dans ce qu’il fut jadis ni dans ce qu’il est aujourd’hui devenu. Que faire alors, sinon « disparaître » ? « Disparaître de tout et de soi. » Sage résolution. Inévitable issue. Dont Ulysse tente de convaincre Pénélope du bien-fondé. Ainsi écrit-il dans son ultime lettre :

    « Vivre, après tout, n’est sûrement rien d’autre que suivre ce chemin qui va de nulle part à nulle part. Dans le dépouillement et le délaissement progressifs de soi-même. »

    Reste l’amour qu’il leur a été donné de vivre, et c’est déjà beaucoup. Reste aussi le récit, trace douloureuse d’un narrateur tourmenté qui assume désormais le bilan d’une vie. Un récit envoûtant que ce Verger abandonné. Un récit de magicien à la manière d’Ulysse, dont les lecteurs de l’Odyssée savent quels secrets il détient. Des secrets dont le héros grec semble avoir transmis à Michel Diaz la beauté et le talent cachés. Un art hérité des aèdes. Même si le poème du Verger abandonné est, pour qui l’écoute vraiment, un « chant qui rend un son nouveau ». Comme la figure mélodique d’un lamentu, un chant de la disparition.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli






    Michel Diaz  Le Verger abandonné





    MICHEL DIAZ


    Michel Diaz
    Source




    ■ Michel Diaz
    sur Terres de femmes


    Comme un chemin qui s’ouvre (lecture d’AP)
    Ce qui gouverne le silence (extrait de Comme un chemin qui s’ouvre)
    clair-obscur (extrait de Lignes de crête)
    [de tourbe] (extrait d’Offrandes Olivia Rolde)




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Michel Diaz




    ■ Notes de lecture de Michel Diaz
    sur Terres de femmes


    Jeanne Bastide, La nuit déborde
    Alain Freixe, Contre le désert
    Françoise Oriot, À un jour de la source





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