Étiquette : 2020


  • Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur,
    éditions le Réalgar,
    collection l’Orpiment dirigée par Lionel Bourg, 2020.
    Postface de Jean-Claude Leroy.



    Lecture d’Angèle Paoli


    FAIRE MÉMOIRE DE « L’HUMBLE FRATERNITÉ »




    Écrire pour énoncer ce qui persiste de non-dit et de douleur, écrire pour dénoncer. Même si. Même si « la langue manque ». Écrire pour dénoncer l’ampleur de la catastrophe qui ne cesse de se répandre et de nous engloutir. Écrire pour tenter de vivre dans un monde devenu de longue date irrespirable. Vivre malgré l’horreur qui tisse ses ramifications d’amont en aval du temps. Et, pour vivre malgré tout, que faire d’autre sinon s’en remettre au chant des oiseaux, à leur voix bienveillante, à leur présence réconfortante ? Quoi d’autre sinon écrire ces menus bonheurs qui survivent dans la tourmente ?

    Julien Bosc, poète d’intense sensibilité et poète tourmenté, laisse derrière lui un dernier chant, publié à titre posthume. Le coucou chante contre mon cœur. Ce chant, d’aucuns ont pu en découvrir, à travers des extraits, le souffle prenant. C’était en 2017, lors d’une ultime rencontre du poète avec son public. Vaste et poignant, le chant draine dans les poèmes passé et présent, histoire personnelle et histoire des hommes, l’une à l’autre indéfectiblement liées. Le chant est épopée, qui tient à la fois de l’intime et du conte africain, mêlant rêves et vécu, l’expérience du manque et celle des plus profonds désirs. L’abandon et le désarroi. Le poète se fait aède des temps obscurs qui sont les nôtres. Vivre et se taire sont désormais inconciliables. Comment supporter le silence et l’indifférence qui encagent les tragédies d’aujourd’hui dont nous sommes les témoins passifs ? Et dont chacun porte en soi une part de responsabilité !

    « Qui pour entendre leurs cris ?

    Personne ou si peu

    Qui pour les secourir ?

    Une poignée

    La seule qui pourra dire après

    Nous savions tous

    Vous avez laissé faire

    Les coupables c’est vous

    Et vous c’est moi

    À qui la langue manque :

    Pour dénoncer. »

    Ainsi se clôt le chant du poète par ces mots vibrants qui secouent et mettent chacun de nous au pied du mur.

    La geste du poète est grandement liée au lieu de vie qu’il s’est choisi. Un lieu de vie et d’écriture qui apparie mer et campagne, jardin et écume, oiseaux des charmilles et fous de Bassan. L’espace trouve ici sa symbiose « au milieu de l’océan-la-maison ». C’est « un îlot de même pas cinq cents mètres carrés/À mille et mille lieues des côtes ».

    Ce lieu est le « phare » où abriter la détresse, loin du lieu des origines, loin de la tragédie qui a engendré la détresse. Lieu d’exil et de solitude où « tout oublier du dedans ».

    « Du phare mon lieu ma peine mon exil j’ai vue sur les quatre océans

    Les mers intérieures

    Vue sur l’humanité aveugle et sourde… ».

    Pourtant, face à « l’innommable » et à la folie, les chemins s’entrecroisent où s’entremêlent formes et êtres, vagues et forêts, oiseaux et fleurs, images et souvenirs. Situer dès lors importe peu, comme l’énonce le poème anaphorique d’ouverture, où s’énumèrent tous les possibles :

    « Nous pourrions dire une forêt

    Ou le bord de la mer

    Ou la mer

    Ou la nuit de la mer la nuit de la forêt

    Ou les mois sans pluie les feuilles sèches sous les pieds

    Ou les brisures de coquillages

    Ou rien

    Ou cette porte repeinte couleur ciel quand il est à l’orage

    Ou n’être plus là

    Ou plus rien plus un mot plus rien que le blanc dans la nuit. »

    Dizain après dizain, les chants de la geste se suivent, qui alternent les tableaux où se disent, sous forme d’inventaire, des vérités générales au présent toujours actuel ou des infinitifs à valeur impérative. Autant d’actes à accomplir pour tenter de juguler la souffrance et continuer à vivre.

    « Parler malgré l’ablation de la langue » pour dire et pour nommer les composantes d’une réalité qui échappe et qui s’épuise. Qui saigne et qui se meurt. Pour dire l’étourdissement que suscite l’incompréhension.

    « Mais comment ?

    Comment suis-je arrivé là ? »

    Au cœur du questionnement survient le retour sur le passé, l’aveu de ce qu’il fut. Marqué des signes qu’un enfer indélébile a semés en lui et que le poète tente de s’approprier. Nommer pour comprendre. Juste nommer, pour ne pas oublier. Émerge au cœur du chant l’aveu de la judaïté originelle, source de bien des maux.

    « Je porte en moi les souffrances d’un nom […]

    Si sont miens les chants ou souffrances de ce nom

    C’est que respire en moi le grand amour du Livre.

    Non pas celui qui fut offert

    Allégé de voyelles

    Celui qu’il faut écrire

    Partant de rien… ».

    Des maux auxquels viennent s’adjoindre les maux d’aujourd’hui, le sacrifice de milliers de naufragés, suppliciés de nos mémoires brèves et de nos indifférences.

    Autant de désastres qu’accompagne une cohorte de sentiments douloureux et de déchirures. Folie, exil, extrême solitude. Avec pour découverte la solitude de la nature, désormais unique compagne consolatrice et bienfaisante. C’est sans doute dans cette présence fidèle que le poète puise la force de réapprendre à vivre. Au plus près des gestes premiers, gestes vitaux. Lesquels sont nécessaires pour

    « Inventer l’ombre

    Recréer une langue

    L’apprendre l’écrire s’y perdre et en revenir ».

    Il arrive que le chant s’ouvre sur des horizons plus vastes et plus tragiques. La mer ne charrie-t-elle pas avec elle son poids récurrent de chairs sacrificiées ? Comment vivre avec cette violence ? Comment ne pas entendre les voix qui sourdent au creux des vagues ? Comment supporter cette réalité nouvelle « d’un monde abandonné des nécessaires humanités » ? Au milieu de sa nuit, dévoré par les voix des fantômes qui hantent sa mémoire, le poète se met à l’écoute de ce qu’elles ont à lui dire.

    « Chaque nuit des fantômes se redressent chuchotent

    Je les écoute

    Écoute et entends effaré ma propre voix. »

    Chanter alors, écrire pour témoigner, dans la suite des pages, de leur présence. Ou au contraire :

    « Tout silencer ».

    Homme déchiré et à vif, anéanti, à l’extrême démuni face à l’hourban qui menace, le poète s’étonne de ne plus rien sentir. À l’écoute cependant de ce que la nature lui offre, il reste sensible à la fascinante richesse des oiseaux, son ultime consolation.

    « Si la mélancolie survient le coucou chante contre mon cœur. »

    De cette présence unique et généreuse, seule susceptible de ne rien demander en retour, il faut se souvenir :

    « N’oublions pas ce qu’eux seuls savent offrir :

    Une multitude de couleurs afin de réjouir l’âme et déchirer la nuit. »

    De ce magnifique chant douloureux, faire mémoire de « l’humble fraternité ».



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Bosc coucou montage




    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur Le coucou chante contre mon cœur
    → (sur remue.net)
    Le coucou chante contre mon cœur, par Jacques Josse
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • 29 juin 1878 | Lucien Suel, La Justification de l’abbé Lemire, IV

    Éphéméride culturelle à rebours

    « Poésie d’un jour



    Lemire PDF







    IV




    bachelier des sciences    Lemire à Vieux-Berquin
    et aussi bachelier des    serait parti pour Rome
    lettres le jeune Jules    études théologiques la

    bourse du diocèse pour    fils de paysan n’était
    un séminariste mais la    pas compatible avec le
    situation modeste d’un    coût de ce long séjour

    italien fils du peuple    Émile Lobbedey il sera
    demeure dans le peuple    évêque d’Arras mourant
    l’autre ira à ta place    là pendant la première

    grande guerre mondiale    Cambrai et pas de Rome
    voici Jules-Auguste au    pour lui la volonté de
    grand séminaire donc à    fer du supérieur Sudre

    ultramontain férule et    la formation interne à
    méfiance vis à vis des    une théologie pratique
    sciences le zèle est à    d’affligeante pauvreté

    retour à Hazebrouck en    l’abbé Dehaene demande
    surveillant remplaçant    à son jeune pion Jules
    pour la philosophie et    d’abandonner l’idée de

    préparer la licence de    ordonné prêtre éternel
    lettres puis à Cambrai    consacré doigts lèvres
    le 29 juin 1878 il est    ciseaux de l’évêque et

    tonsure blanche à plat    rentrée des classes en
    ventre en aube blanche    professeur philosophie
    sur les dalles glacées    et rhétorique latin et

    grec encore là d’où il    collège de sa jeunesse
    vient à Hazebrouck sur    l’adolescent de retour
    la terre de Flandre au    janvier 1879 Stéphanie

    meurt novembre 1879 au    le petit devenu prêtre
    tour de Védastine deux    leur petit Jules tu es
    tantes mortes et juste    sacerdos in aeternam ô

    Ma Tante et ô Ma Tante    cheveux et les ciseaux
    dans le ciel et encore    médaillon de Védastine
    une fois une mèche des    médaillon de Stéphanie

    des corbeaux déchirent    d’eau froide au-dessus
    le ciel d’aube dans la    du cimetière là-bas au
    rafale les bourrasques    coeur de Vieux-Berquin




    Lucien Suel, La Justification de l’abbé Lemire [éditions Mihàly, 1998], IV, éditions Faï fioc, 2020.



    __________________
    NB : Ce poème en quarante-deux épisodes conte la vie, l’oeuvre et la mort de l’abbé Lemire. Un texte visuel et expérimental où l’auteur emploie un vers de son invention, le vers justifié, dont le nombre de signes, caractères et espaces, est défini à l’avance.





    Lucien Suel La Justification de l'abbé Lemire  3




    LUCIEN SUEL


    Lucien Suel
    Source




    ■ Lucien Suel
    sur Terres de femmes


    La Justification de l’abbé Lemire (lecture d’AP)
    Sombre Ducasse
    [Le terril]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    Ivar Ch’Vavar & camarades | Le Jardin ouvrier
    Silo-ACADEMIE 23, le blog de Lucien Suel
    → (sur la revue x)
    une notice bio-bibliographique sur Lucien Suel





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  • Léon Bralda, À l’aube de la voix

    par Michel Diaz

    Léon Bralda, À l’aube de la voix,
    éditions Donner à Voir,
    Collection / Série Petits Carrés, 2020.
    Gravures de Lionel Balard.



    Lecture de Michel Diaz



    À l’aube de la voix, nous dit la quatrième de couverture, est un texte qui répond à « l’impérieuse nécessité pour ce poète […] de toujours revenir par le travail d’écriture à la maison natale, en ces abords de la jeunesse qui ont irrémédiablement façonné sa perception du monde ».

    Ce livre, dédié à un vieil ami de l’auteur, et aux parents du premier, évocation de leur maison et de jours d’insouciance, est bien une tentative de retour amont sur les terres d’enfance, comme le souligne aussi, au dos de la page de faux-titre, l’annonce en exergue :

    « Au plus loin de ma vie, dans le vacarme incessant où se déchirent les matins jeunes, il fut un lieu clos, un jardin où le ciel reposait dans la douceur de vivre et le bonheur d’une famille ».

    La notice de présentation de l’auteur, en fin d’ouvrage, qu’accompagnent neuf gravures, nous rappelle que le poète Léon Bralda et le plasticien Lionel Balard ne sont qu’une seule et même personne.

    Si le plasticien illustre les textes du poète et s’en fait l’écho dans de sobres et belles images que le seul recours au noir et blanc contribue efficacement à « dramatiser », le poète laisse deviner le plasticien qu’il est en même temps. En ce sens, la publication de ce livre par les éditions Donner à Voir nous semble on ne peut plus pertinente ! En effet, et davantage, nous semble-t-il, que dans ses autres textes, le côté « visuel » de cette écriture semble s’y inviter avec plus de prégnance encore. C’est aussi bien, en éclairs de réminiscence, la silhouette de « la mère aimante et sombre derrière les volets », que « le long trottoir d’asphalte et de poussière », « le chat maigre endeuillé par la nuit pourpre », « l’éclat fulgurant du jour sur le corps des fenêtres », ou encore « la porte endeuillée où rouillent quelques clous ». Mais c’est aussi le ciel « lourd d’un orage  », « un jour de pluie posé sur les carreaux de la fenêtre », « ces fronts de vigne dans leur parfaite géométrie »… Images de la langue poétique dont la référence explicite à l’environnement ou à ce qu’en fait la mémoire, suscite aussitôt les images d’un monde dont s’empare l’esprit du lecteur et qui parlent à l’œil de son imaginaire, lui laissant tout loisir de les faire siennes.

    Cette « perception du monde » évoquée plus haut est ici d’ordre « expérimental », celle que façonnent les sens d’un enfant qui découvre et s’imprègne du monde, s’y avance pour s’y inscrire ou, plus exactement, s’y aventure, déjà lourd des questions qu’il ne cessera plus de se poser face à cette ouverture d’inconnu qu’est l’énigme de l’existence.

    L’expérience sensorielle du monde, c’est ce qui emplit le champ du vacant, y plante ses repères, y sème ses possibles, en nourrira sa nostalgie. C’est, en premier lieu, bien sûr, le regard et ce qui s’y est déposé, « la déraison d’un ciel de mai, quand saignent les lilas », « le blé révélé par un soleil latent » et « court au terme des moissons », « l’herbe qui jaillit comme le sein de lait offert à la terre natale », « les thuyas de l’allée, au pied d’un mur d’enceinte », la pluie « sur les rosiers, les iris et les statues de ciment qui peuplaient le jardin », c’est « la beauté d’une lueur pendue loin derrière les bâtisses ». Ce qui s’invite à cette faim de monde, ce sont aussi les bruits, partition en fond de mémoire, le murmure des fontaines qui « prendront dans l’herbe et jusque sur les vitres », les mêmes thuyas qui « se font encore entendre », qui « chuchotent parfois sous le débord du vent », les volets et les portes qu’on ouvre, le ciel « avec ses grondements et ses râles de bête ». Partition où s’accrochent encore des éclats de voix humaines, ce si lointain « à tout à l’heure, mon garçon », « ces mots, depuis toujours, pour prendre l’heure dans le matin, sur le chemin des écoliers », ceux des leçons jadis apprises et qui ânonnent, dans le souvenir, « les siècles de l’Histoire que gouvernent les cartes, les lois aux temps écrits qui accordaient le verbe », ces voix qui, plus tard, « viendront broder aux pas de la marmaille le moindre souffle d’air », les cris accompagnant « les jeux qui auront germé dans l’heure vagabonde de la récréation », le cri d’appel au « chien échappé de l’enclos depuis la veille ». Images visuelles et sonores, olfactives encore, puisque ces « terres avaient l’odeur des romarins, des menthes et des tilleuls », qu’au creux de la cave régnait « l’odeur du jour mourant de trop de solitude », que flottait parfois cette odeur sur les « terrains vagues dans lesquels ont brûlé, à chaque canicule, les ronces et les chardons ». Mais aussi odeurs de la mort dont on fait, à cet âge, la première expérience, celle de la bête « crevée depuis longtemps déjà », des eaux qu’elle a souillées, qu’on enfouit au fond d’une fosse tandis que « des enfants s’étaient assis sur le bord du talus et jetaient leur visage dans l’ordinaire des immeubles ». Expérience parmi les plus décisives puisque « le jardinier venait de retourner un peu de terre et [que] nous savions quelle énigme se formait à l’endroit du labeur ».

    Expérience que forgent les jeux de l’enfance : jeux de l’apprentissage de la vie, en même temps que jeux de guerres et de mort, les uns étroitement mêlés aux autres puisque, comme l’écrit l’auteur, « [n]ous mimions l’agonie et l’horreur des batailles, et nos mots étaient ceux des gorges incendiées ». Puisque, ajoute-t-il, « [n]ous mourions aux confins de nos joies […] Nos guerres avaient le poids du jour et l’heure de nos cris », et que « dans les jeux de l’enfance, nous jetions les désastres d’autrefois ».

    Mais Léon Bralda est l’un de ces poètes auxquels la lumière n’est pas spontanément et naturellement accordée. Il serait plutôt de ceux-là qui travaillent à la gagner, s’efforçant d’habiter poétiquement le monde comme nous le conseillait Hölderlin, et qui peuvent revendiquer ce qu’ils en ont conquis sur le sombre et la terre des jours. Il est de ceux sur qui le ciel de l’existence fait peser son poids de pénombre, ceux pour qui leur ciel de poète est quelquefois lourd à porter (je cite inexactement de mémoire ces mots de lui écrits ailleurs). Parce que « le ciel est lourd de n’être au fond qu’un jeu pour l’enfance profonde ».

    Pour Léon Bralda, les territoires de l’enfance ne sont pas exclusivement ceux des « verts paradis » baudelairiens. Pour ce qui le concerne et qui remonte en ses écrits, de façon récurrente, « il y avait l’enfant et toutes les ténèbres qui mordaient l’œil sous le trop-plein de la jeunesse ». Et si, pour cet enfant qui inventait l’enfance, le monde s’ouvrait sur son secret, il y avait aussi pourtant « les sauts allant à la lumière et le soleil éteint derrière chaque allée ». Car lumière et ombre vont de pair dans l’apprentissage du monde, comme elles vont de pair, et s’épaulant, sur les chemins rugueux des hommes. Parce que, écrit le poète, « on n’a pas dix ans quand les cris mordent aux portes closes, que jaillissent les branches hideuses du regard ». Car aussi l’enfance « laisse l’enfant venir dans le silence pour des rires épars et des bruits sourds de chairs que mange la colère ». Premiers bonheurs glanés dans l’innocence des rires et des jeux, alors que déjà la nuit rôde, que se font mordantes les peurs, que s’ouvre au fond de l’insouciance cette « chambre effrayée par le bruit de la nuit. Une mort qui tissait du sang au ventre noir, qui se faisait pressante et avide de tout ». Puisque encore l’enfant a peur, « dans le mystère de l’enfance » et que, du monde qui le cerne, comme de celui qui l’attend, il observe déjà et pressent ce que ce monde contient de violence irréductible et d’irrémédiable incompréhensible. Saison d’enfance, « impudique saison soumise à la question, vieille âme enchevêtrée dans l’hystérie du monde », saison d’une innocence provisoire où l’on entend déjà « battre le pouls de tous les morts ». Saison où l’être en devenir, prêtant l’oreille, serait capable d’entendre aussi, et sans chercher à les comprendre, dans le bruissement du vent dans les arbres et les murmures des statues, tous les secrets de la terre, sans encore savoir que « c’est de là que les rêves surviennent… » Et avec eux, une fois pris par les soucis des jours et dans les tenailles du temps, « des lendemains d’étoiles et des restes d’orties […] De là qu’advient le doute, ou la parole pour le dire ».

    Car à l’enfant succède le poète, qui n’a que sa parole pour tisonner parmi les mots, en ressusciter quelque braise, essayer de sauver ce qu’ils ont oublié et ne savent plus dire. Se souvenir, c’est prendre aussi le risque d’écorcher ses pas sur les pierres vives du temps, de blesser sa mémoire aux ronces de la nostalgie, en tout cas de se confronter à la perte de tout et de tous, d’endosser la tristesse. Tourner son regard en arrière, mais avancer pourtant (que faire d’autre ?), ce poids d’ombre sur les épaules, dans l’ornière des heures.

    « Mon pas est lent », écrit Léon Bralda, dans l’incipit de son livre, « [e]t je suis de ceux-là qui passent comme tant d’autres, par habitude ! Qui sarclent le rêve au fond de la ravine […]. Ils sont passés comme je passe : le corps lourd et douloureusement fermé sur ce peu de bonheur qui l’habite ».

    Lumière et ombre, avons-nous dit, se partagent ces pages, sans que la seconde pourtant prenne décisivement le pas sur l’autre. « Je buvais l’instant doux de la vie douce », lit-on. « J’allais le cœur halant jusqu’à la paix des âmes. » Mais l’ombre aussi, parfois, est accueillante et douce. Pour preuve, ces lignes qui évoquent, dans une lumière de clair-obscur qui pourrait nous faire penser à quelque peinture de Georges de La Tour, un intérieur paisible et amical :

    « Il y avait l’enfant et le soir survenu, l’ombre d’un cerisier cassant la nuit derrière la baie vitrée et le téléviseur qui racontait le monde ».

    Scène complétée par cette autre :

    « Sur le couvre-lit rouge : un chat dormant de son sommeil de chat et d’autres nuits à faire au-delà de la nuit. Un miroir ciselé d’ombres imparfaites, quelques éclats chauds des phares de voitures jetés depuis la route à travers la fenêtre ».

    Scène qu’évoque ce poète qui est aussi bien plasticien, sans effets dramatiques ni théâtraux, scène de la vie quotidienne qu’en peinture on appelle scène de genre. Qui n’est, en l’occurrence, ici, qu’une scène de bonheur simple, mais de celles dont les racines s’enfoncent au tréfonds de l’âme, de celles que l’oubli ne saurait prendre à la mémoire et que le corps « tient d’un amour infaillible, à l’étroit de l’humain ».

    Que faire d’autre qu’avancer, espérer qu’une aube se lève à l’horizon du jour ? Et espérer, comme l’enfant, se rassurant contre la peur du noir, que le jour revienne. « Et le jour reviendrait. » Parole de poète aussi, qui quête sa lumière :

    « Le soir, c’est sûr ! Il se fera d’argile à l’aube de la voix… Et le jour reviendra, c’est sûr ! Et le jour reviendra ».

    Comment d’ailleurs ne pas revendiquer cette espérance dans (et contre) le désespoir du monde ? Que peut promettre d’autre un homme debout, et en marche, qui n’avance qu’en faisant corps avec la poésie ? Parole de poète encore : c’est ainsi que Léon Bralda donne à ses mots la force douce et vigoureuse des images afin qu’ouverts à ce qu’il attend d’eux, ils libèrent cela qui en eux-mêmes cherche à aller plus loin que leur toujours trop étroite détermination, et qu’allégés du poids des vaines nostalgies, ils remontent vers un de ces clairs de terre dont la poésie nous éclaire.



    Michel Diaz
    D.R. Texte Michel Diaz
    pour Terres de femmes
    [13 mai 2020]






    Leon Bralda  A l'aube de la voix





    LÉON BRALDA


    Léon Bralda
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur Semaine de la poésie)
    une notice bio-bibliographique sur Léon Bralda





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  • Lydie Dattas | L’obstacle du chagrin


    L’OBSTACLE DU CHAGRIN




    Rien ne m’enlèvera la joie d’être vivante :
    je chérirai la vie jusqu’à mon dernier souffle.
    Le bonheur me rendait la vie intolérable
    à l’âge où je voulais mourir pour être heureuse.
    Le malheur me prenait le meilleur de mon temps,
    le bonheur se plaignait de ne jamais me voir
    quand le soleil soudain s’est mis de mon côté.
    J’ai franchi d’un seul coup l’obstacle du chagrin :
    j’ai revu le sourire incroyable des roses
    et ce bleu plus profond que toutes nos pensées.
    La joie ne pourra plus assombrir mon esprit,
    je vis sous un soleil que j’ai trouvé en moi.




    Lydie Dattas, Le Livre des anges [Gallimard, 2003], suivi de La Nuit spirituelle et de Carnet d’une allumeuse, Collection Poésie/Gallimard n° 553, 2020, page 149. Préface de Christian Bobin.





    G04123 (2)
    feuilleter le livre




    LYDIE DATTAS


    Lydie Dattas portrait 3
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur Le Livre des anges (Poésie/Gallimard)
    → (sur le site du Printemps des poètes)
    une notice bio-bibliographique sur Lydie Dattas





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  • Patricia Cottron-Daubigné, Femme broussaille, la très vivante

    par Gérard Cartier

    Patricia Cottron-Daubigné, Femme broussaille, la très vivante,
    Les Lieux Dits éditions, Collection 2Rives, 2020.
    Dessins de Mélissa Fries.




    Lecture de Gérard Cartier


    ARCIMBOLDA




    C’est l’un de ces livres enfantés par une rencontre qui pousse un écrivain, confronté à une matière étrangère, à se renouveler. On connaît la large palette de Patricia Cottron-Daubigné, des courtes proses de Croquis-Démolition (La Différence, 2011), récit d’une longue grève ouvrière, jusqu’aux poèmes sur les migrations de Ceux du lointain (L’Amourier, 2017), qui plongent parfois dans le mythe, et aux vers amoureux de Visage roman (L’Amourier, 2014). Elle nous surprend pourtant avec ces poèmes d’une verve sauvage et presque animale, accordés aux œuvres de Mélissa Fries qui les ont inspirés, comme en témoigne le cahier d’une douzaine d’œuvres inséré en tête du recueil : des dessins au crayon gras sur lavis, parfois hybridés de photos, dont les lignes enchevêtrées enserrent des formes végétales, animales, ou humaines, en particulier des fragments de corps féminins.

    Femme broussaille, la très vivante forme un triptyque dont la partie centrale, composée de courts poèmes, est une « naissance du monde ». Étrangement, l’autrice prend la voix de l’amant (« ô chère… ») pour louer le coffret secret, l’œil buissonnant qui troue l’image et qu’on ne peut mettre en mots qu’en le niant. La poésie n’est pas une table à dissection ; on ne peut pas dire l’anatomie crûment : une métaphore y pourvoit. Les blasons féminins du passé abondent en images botaniques ; pour peindre leur maîtresse, les poètes ont longtemps invoqué les roses, les lys et les fruits : toute amante est une Arcimbolda. Ici, au cœur des jardins d’Épicure, c’est un dahlia noir qui fleurit dans les broussailles, parfois hanté par un insecte ou un oiseau :

    noir dahlia

    et quel rouge dans le noir

    plus noir que la nuit

    et rouge venu dans le secret

    émouvant […]

    Quoique relevant de la même thématique, les deux parties latérales du triptyque ont une tonalité assez différente. Ici, c’est la femme qui parle. La dévotion fait place au chant des forces primitives, qui s’exalte parfois jusqu’au délire dionysiaque. Plus que dans le mythe, celui-ci plonge volontiers dans le Moyen Âge : la femme y est cet être étrange et fascinant qui vient « des sorcières / et des sabbats ». Une poésie de l’excès, donc, qui lorgne (sans excès) vers le surréalisme. Le poème est une cérémonie qui accompagne celle de l’amour : « je parle à la lune de / nos ventres gourmands ». On est loin de la sévérité de Ceux du lointain. Portrait de l’autrice en saint Sébastien :

    Je recommence

    je n’épuise pas mes forces

    malgré les clous les flèches

    fichés dans ma chair

    je fraye avec le hasard

    avec les mots avec les sourires

    cachés avec la beauté du jour

    la douceur des chairs femme

    je regarde « l’intraitable beauté du monde »

    la touche la bois m’en saoule

    je remercie l’horizon

    de couler en moi.

    Un aspect original du recueil, au regard du canon de la littérature érotique, est ce qu’il dit de la condition des femmes. Patricia Cottron-Daubigné rappelle l’état de sujétion sociale dans lequel elles ont longtemps été tenues : « ô le petit étouffoir / et le silence comme règle / avec le sang… ». De même, dans l’amour, la femme était montrée essentiellement passive. La littérature érotique a longtemps été l’apanage des hommes : « Tant de fois peintes / au pinceau lascif / du regard… ». Cela a beaucoup changé. C’est même presque aujourd’hui le contraire. Les femmes chantent l’amour physique avec une liberté et souvent, dans la diversité des voix, un bonheur d’écriture qui bouleverse notre vision – qu’on pense à Environs du bouc (Comp’Act, 2005) de Sophie Loizeau ou à Iris, c’est votre bleu (Le Castor Astral, 2008) d’Ariane Dreyfus. La liberté gagnée par les femmes, c’est aussi celle de dire à haute voix la « belle insolence de la chair lumineuse ».



    Gérard Cartier
    D.R. Gérard Cartier
    pour Terres de femmes







    Patricia Cottron-Daubigné  montage





    PATRICIA COTTRON-DAUBIGNÉ


    Patricia_Cottron_Daubigne-2





    ■ Patricia Cottron-Daubigné
    sur Terres de femmes


    Ceux du lointain (lecture d’AP)
    [Je marche seul avec mon fils](extrait de Ceux du lointain)
    Visage roman (lecture de Sylvie Fabre G.)




    ■ Autres lectures de Gérard Cartier
    sur Terres de femmes


    Jean-Pascal Dubost, & Leçons & Coutures II
    Alain Guillard, Quête du nom
    Cécile Guivarch, Vous êtes mes aïeux
    Emmanuel Moses, Ivresse
    Muriel Pic, Élégies documentaires





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  • Karen Alkalay-Gut | Exil


    EXILE




    My mother strode forward with her jaw uplifted.
    She made sure we found a place in every new world.
    My father lagged behind with steps longing only to return.
    But there was never a place to go back.
    Home no longer existed the minute you needed to leave.
    You could grieve all you like but you had to keep breathing.
    Their pasts were reserved only for their dreams.
    They didn’t even dare tell. Who knows what would occur
    If they tried to bind old faiths with new lives.
    A child of refugees, I seek their secrets, their sweet memories,
    The suffering they hid, willingly and unwillingly,
    The part of them that would make me whole.








    EXIL




    Le menton levé, ma mère avançait d’un pas décidé.
    Elle s’assurait que nous trouvions notre place dans chaque monde nouveau.
    Mon père traînait des pieds qui languissaient après le retour.
    Mais il n’y avait jamais nulle part où revenir.
    La maison n’existait plus à partir du moment où vous deviez partir.
    Vous pouviez pleurer tout votre saoul mais vous deviez continuer à respirer.
    Leur passé était confiné dans leurs rêves.
    Ils n’osaient même pas raconter. Qui savait ce qui pouvait arriver
    s’ils essayaient de lier de vieilles croyances à de nouvelles vies.
    Enfant de réfugiés, je cherche leurs secrets, leurs doux souvenirs,
    le chagrin qu’ils taisaient, exprès et involontairement,
    cette partie d’eux qui me compléterait.




    Karen Alkalay-Gut, Survivre à son histoire, poèmes d’Holocauste, édition bilingue, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2020, pp. 24-25. Traduction de l’anglais par Sabine Huynh.





    Survivre à son histoire




    KAREN ALKALAY-GUT


    Karen_Alkalay-Gut portrait
    Source




    ■ Karen Alkalay-Gut
    sur Terres de femmes


    Survivre à son histoire (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Survivre à son histoire
    → (sur Terre à ciel)
    Karen Alkalay-Gut, traduite par Sabine Huynh





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  • Julien Bosc | [Nous pourrions dire une forêt]


    [NOUS POURRIONS DIRE UNE FORÊT]




    Nous pourrions dire une forêt
    Ou le bord de la mer
    Ou la mer
    Ou la nuit de la mer la nuit de la forêt
    Ou les mois sans pluie les feuilles sèches sous les pieds
    Ou les brisures de coquillages
    Ou rien
    Ou cette porte repeinte couleur ciel quand il est à l’orage
    Ou n’être plus là
    Ou plus rien plus un mot plus rien que le blanc dans la nuit.


    Parler malgré l’ablation de la langue
    L’émiettement des sèmes
    Ce qui doit être dit mais ne peut
    Le désastre pas si lointain du passé
    Le feu et les cheveux dans le feu
    Les corps et les noms partis en fumée
    La prière des morts à peine dite ou pas
    Les mots qui saignent
    La main dans l’autre
    L’enfant serré contre un sein à l’heure de la très grande peur.


    Je ne sais ce qui m’arrive
    Fors ce silence
    Cette traversée
    Dans le passé de la forêt ou la mer
    Tantôt un fou de Bassan
    Tantôt une chevêche
    Il et elle très âgés
    Qui les ailes faibles
    Qui borgne
    Un cri un baiser.




    Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur, éditions le Réalgar, collection l’Orpiment dirigée par Lionel Bourg, 2020, pp. 7-8. Postface de Jean-Claude Leroy.





    Julien Bosc  Le coucou chante




    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    Goutte d’os (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bio-bibliographique)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur Le coucou chante contre mon cœur
    → (sur remue.net)
    Le coucou chante contre mon cœur, par Jacques Josse
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque





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  • Roselyne Sibille, Les Langages infinis



    LES LANGAGES INFINIS
    (extraits)





    Ce que j’entends
    et ce que je devine
    dans les trajectoires

    agitées      anguleuses
    des chauves-souris
    le froufroutement des sauterelles surprises
    l’arrêt du lézard tête intriguée
    et tous les autres
    que l’on croit muets





    La nature inscrit l’arbre
    à la pointe du jour
    et l’écoute pousser


    La lumière caresse l’incertitude


    On écoute les totems
    Le vent les suit





    Les aurores si fines
    Quand glissent les couleurs

    Parfois la lune
    les regarde
    s’entretenir






    Roselyne Sibille, Les Langages infinis, in Une prairie de poèmes suivi de Les Langages infinis, éditions L’Ail des ours/n°3, 2020, pp. 43-45. Œuvres de l’artiste Renaud Allirand.





    Roselyne Sibille  Une prairie de poèmes





    ROSELYNE SIBILLE



    Roselyne Sibille
    Source




    ■ Roselyne Sibille
    sur Terres de femmes


    Entre les braises (lecture d’AP)
    Entre les braises (lecture de Sylvie Fabre G.)
    [Pose ton visage dans une brèche] (extrait de Lisières des saisons)
    Lisières des saisons (lecture de Florence Saint-Roch)
    Ombre monde (lecture de Marie Ginet)
    Roselyne Sibille | Liliane-Ève Brendel, Lumière froissée (lecture d’AP)
    Nuit ou montagne (poème extrait de Lumière froissée)
    [L’ombre est une ligne de crête] (poème extrait d’Ombre monde)
    La tendresse me racine (poème extrait de Versants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Le souffle des mondes
    Sabine Huynh | Roselyne Sibille, La Migration des papillons (extrait)





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  • Édith Azam | [Tout s’ouvre et c’est dedans]



    [TOUT S’OUVRE ET C’EST DEDANS]



    Tout s’ouvre et c’est dedans
    c’est à l’intérieur que ça souffle
    Pupille et Deuxième Homme
    se languent l’un à l’autre.
    La chair les sexes
    en intimes
    la chair les sexes :
    ça langage.
    Deuxième Homme
    Pupille
    On imaginera :
    ils font l’amour.
    Les yeux ouverts
    on imagine
    eux le vivent…
    Et Bestiole s’endort.



    Les petits ronds d’espace
    où Bestiole s’endort
    l’amour bredouille :
    — Deuxième Homme —
    chuchote-moi…
    Et lui suspendu à ses lèvres
    la fera à nouveau trembler…




    Édith Azam, Bestiole-moi Pupille, éditions La tête à l’envers, 58330 Crux-la-Ville, 2020, pp. 36-37.





    Azam montage





    ÉDITH AZAM


    Edith Azam
    Source





    ■ Édith Azam
    sur Terres de femmes


    Décembre m’a ciguë (lecture d’Isabelle Lévesque)
    « Je voudrais devenir oiseau » (lecture de Décembre m’a ciguë par AP)
    [Je dis le mot : mourir] (extrait de Décembre m’a ciguë)
    Il n’y a cette perte de moi (extrait du Mot il est sorti)
    [Je regarde mes mains] (extrait d’Oiseau-moi)
    Suis-moi
    Édith Azam | Bernard Noël | Retours de langue (lecture d’AP)
    Édith Azam | Bernard Noël | [comment ça s’ouvre un corps] (extrait de Retours de langue)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    IL RESTERA MON SIGNE




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la page de l’éditeur sur Bestiole-moi Pupille
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    Édith Azam disant un extrait de Bestiole-moi Pupille





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  • Adeline Baldacchino | Le perroquet à la langue de bois



    LE PERROQUET À LA LANGUE DE BOIS
    (extrait)




    Le perroquet avait la gueule de bois
    mais plus encore la langue.

    Il n’en pouvait plus de répéter
    à longueur de journée
    des éléments de langage
    du langage à perroquet
    qu’on apprend dans les cages
    pour bercer les oiseaux
    que l’on croit idiots.

    N’en pouvait plus de répéter
    les mots dénués
    de tout sens et même
    de leur part de non-sens
    de leur ferveur
    et de leur brillance
    de tout ce qui les rendait
    lumineux et doux
    fougueux et féroces
    avides et nécessaires.

    N’en pouvait plus de redire
    des choses qui n’avaient
    rien à dire
    des mots sans portée
    des mots comme on en dit
    quand on ne sait pas quoi dire :
    il se félicitait sans cesse
    de bonnes actions
    qu’il n’entreprendrait jamais
    promettait sans cesse
    d’entreprendre
    de bonnes actions
    qu’il ne réaliserait jamais
    racontait sans cesse
    de bonnes actions
    dont nul ne se souvenait.

    C’étaient des mots en boucle
    parés de leur aura
    de grands aras
    des mots verts et bleus
    qui sonnaient creux.

    C’étaient des mots pâlis
    par l’usage qu’on en fait
    des mots salis
    par l’usage qu’on n’en fait pas
    des mots sans foi ni loi
    qui ne disaient
    rien de ce que l’on voulait entendre.

    […]



    Adeline Baldacchino, Le Chat qui aimait la nuit, 13 contes cruels et doux illustrés par Gaël Cuin, éditions Rhubarbe, 2020, pp. 93-94.






    Adeline Baldacchino  Le Chat qui aimait la nuit, 13  contes cruels et doux illustrés par Gaël Cuin, éditions Rhubarbe, 2020,





    ADELINE BALDACCHINO


    Adeline_baldacchino octobre 2017
    Source




    ■ Adeline Baldacchino
    sur Terres de femmes


    [De l’autre côté de la nuit] (poème extrait de De l’étoffe dont sont tissés les nuages)
    Théorie de l’émerveil (lecture d’AP)
    Jour 7 (extrait de Théorie de l’émerveil)
    13 poèmes composés le matin (pour traverser l’hiver)[lecture d’AP]




    ■ Voir aussi ▼


    le blog d’Adeline Baldacchino
    → (sur le site des éditions Les Hommes sans Épaules)
    une notice bio-bibliographique sur Adeline Baldacchino
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Adeline Baldacchino
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien d’Adeline Baldacchino avec Sabine Huynh (+ 7 poèmes inédits et une notice bio-bibliographique)





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