Étiquette : 2020


  • Martine Audet | [Parfois]



    Martine Audet montage 1







    [PARFOIS]



    Parfois je cherche à conserver
    le silence d’une réponse.

    Parfois j’écrase les nuits
    de glace bleue
    entre mes paumes.

    Peu de mots exigent ma voix.

    Rien, dans le carnet,
    ne se fixe longtemps.

    Je laisse aux êtres de l’enfance
    la parfaite solitude.




    Martine Audet, Rêve sur rêve, éditions La tête à l’envers, Collection fibre·s animée par Jean-Marc Barrier, 2020, s.f. Dessins d’Alexandre Hollan.





    Martine Audet  Rêve sur rêve 1




    MARTINE AUDET


    Martine Audet portrait





    ■ Martine Audet
    sur Terres de femmes


    Dos




    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur L’île, l’infocentre littéraire des écrivains québécois)
    une notice bio-bibliographique sur Martine Audet
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    une notice biographique sur Martine Audet
    → (sur le site des éditions La tête à l’envers)
    la fiche de l’éditeur sur Rêve sur rêve
    → (sur Voix d’ici, répertoire audio de la poésie québécoise)
    de nombreux poèmes dits par Martine Audet et José Acquelin
    → (sur Lyrikline)
    plusieurs poèmes de Martine Audet (extraits du recueil Les Manivelles, éditions de l’Hexagone, Montréal, 2006) dits par leur auteure
    Martine Audet lit un extrait de Rêve sur rêve





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  • Francesco Scarabicchi | Sixième prélude



    SESTO PRELUDIO



    Come discreta e intatta
    alla quiete d’un mese
    a sé m’attrasse
    l’ora del pomeriggio

    di pietre e vie infinite
    e un vento d’aria
    a sponda d’ancoraggio
    dove il vento finisce,

    nell’eterna stagione
    d’alba ferma,
    immobile sui rami
    e sulle cose.




    Francesco Scarabicchi, Il prato bianco, l’Obliquo, 1997 ; reed. Giulio Einaudi Editore, Collezione di poesia 442, 2017, pagina 91.






    Francesco Scarabicchi  Il prato bianco bis








    SIXIÈME PRÉLUDE


    Comme discrète et intouchée
    par la quiétude d’un mois
    vers elle m’a attiré
    l’heure de l’après-midi

    de pierres et de voies infinies
    et un souffle d’air
    au bord de mouillage
    où le temps finit,

    dans l’éternelle saison
    d’aube figée,
    immobile sur les branches
    et sur les choses.




    Francesco Scarabicchi, « Ombres », Un oubli de neige, dessins de Miloš Cvach, éditions érès, Collection Po&Psy, 2020, page 56. Traduit de l’italien par Danièle Faugeras & Pascale Janot.





    Francesco Scarabicchi  Un oubli de neige




    FRANCESCO  SCARABICCHI


    Francesco Scarabicchi portrait





    ■ Francesco Scarabicchi
    sur Terres de femmes


    [Sarai di me l’unica luce ancora] (extrait de L’esperienza della neve)[+ une notice bio-bibliographique]




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions érès)
    la fiche de l’éditeur sur Un oubli de neige
    → (sur Terre à ciel)
    une lecture d’Un oubli de neige par Hervé Martin





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  • Lydia Padellec | [Ma chambre, c’est mon sanctuaire]



    [MA CHAMBRE, C’EST MON SANCTUAIRE]



    Ma chambre, c’est mon sanctuaire. Sur la porte j’ai mis un écriteau : « Défense d’entrer – Ne pas déranger l’enfant qui rêve ».

    J’invite qui je veux. Même la fourmi, le scarabée, le ver de terre et le papillon de nuit sont les bienvenus. Mon thé au pissenlit, aux pétales de marguerite, aux ailes de mouche, est délicieux.

    Tous les chemins mènent à ma chambre. Une petite musique dans mon cerveau me guide au cas où j’oublierais la clé. Je crois bien que vieillir c’est oublier la clé.

    Pourquoi n’est-il pas possible de rajeunir ou de rester enfant ?
    Qui a décidé que ça devait être comme ça ?

    […]

    Qu’on me laisse gribouiller mes poèmes sur les murs de ma chambre. Je ne fais rien de mal. Si les murs sont blancs, c’est forcément pour écrire dessus. Mes cahiers sont trop petits et les lignes me font mal aux yeux. Moi je préfère voir le poème en grand.

    J’aime la pluie quand elle frappe à ma fenêtre. C’est difficile de la faire entrer entièrement dans ma chambre. Sa mélodie d’eau m’aide à apprendre le poème de René Guy Cadou : « Odeur de pluie de mon enfance… »



    Lydia Padellec, Mémoires d’une enfant dérangée, éditions Lunatique, collection « Les mots cœurs », 35500 Vitré, 2020, pp. 43-49, 53-55.





    Lydia Padellec  Mémoires d'une enfant dérangée



    LYDIA PADELLEC


    Lydia Padellec portrait
    Source




    ■ Lydia Padellec
    sur Terres de femmes


    [C’est dans l’intimité du brin d’herbe…] (extraits de Cicatrice de l’Avant-jour)[+ une notice bio-bibliographique]
    Dans la nuit profonde du jour (extrait de Cicatrice de l’Avant-jour)
    Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire) [extraits]
    « Île muette » (extrait de Mélancolie des embruns)
    → (dans l’anthologie Terres de femmes)
    La mère [extrait d’Entre l’herbe et son ombre (Titre provisoire)]




    ■ Voir aussi ▼


    Sur la trace du vent, le blog personnel de Lydia Padellec
    → (sur le site de la Maison des écrivains et de la littérature)
    une notice bio-bibliographique (+ des extraits)
    le site des éditions Lunatique





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  • Julien Bosc, Goutte d’os

    par Angèle Paoli

    Julien Bosc, Goutte d’os,
    éditions Collodion, 2020.
    Texte de préfiguration de Françoise Clédat.



    Lecture d’Angèle Paoli


    « DES OS ET OS-SÈMES DANS LA BOUCHE »




    Ce matin-là, dans ma boite aux lettres, un livre. Un ouvrage de bibliophile, imprimé dans l’Indre sur un vergé 120gr. Couverture typographiée sur pur chiffon d’Écosse 300 gr. Un auteur que j’aime : Julien Bosc. Un titre qui, étrangement, m’évoque l’Ossi di seppia de Montale : Goutte d’os. Une maison d’édition rare : Collodion. Je m’interroge. Ai-je commandé ce livre ? Et, en cette période de clausura, les services de presse en poésie sont plutôt discrets. Au cœur de l’ouvrage, une carte de visite des éditions Collodion. Signée de l’éditrice Claire Poulain. Le livre m’est adressé de la part de la poète et amie Françoise Clédat. Cette découverte m’émeut. Et l’attention me touche. Infiniment. Je savais le lien qui existait entre Françoise Clédat et Julien Bosc. Je savais, qu’outre la poésie et l’écriture poétique, tous deux avaient en partage la Creuse. Françoise Clédat y demeure de longue date. Julien Bosc y avait créé en 2013 sa maison d’édition : « Le Phare du Cousseix ». La première fois que j’ai tenu entre les mains un ouvrage édité par Julien Bosc, c’était en 2017. A ore, Oradour. Un poème de Françoise Clédat. Un poème qui fait aujourd’hui partie d’un plus vaste recueil : Ils s’avancèrent vers les villes.

    J’ai sous les yeux Goutte d’os. Un livre posthume qui, par l’entremise de la poésie, réunit une fois encore deux poètes que j’aime. En texte de préfiguration, une lettre posthume que Françoise Clédat adresse à Julien Bosc. Datée de mars 2020, la lettre dit les liens que la poète avait noués avec le poète de Cousseix. Une lettre où elle dit aussi son émotion et son admiration pour l’« humble absolue radicalité » du poème Goutte d’os. Daté au 24 mars 2018 par Julien Bosc. Écrit entre La Flotte-en-Ré et Cousseix.

    Langue de mer épurée jusqu’à l’extrême de la dénudation, la langue de Goutte d’os est pour Françoise Clédat comme une « langue d’os ». Dénudée, dépeaussée. Jusqu’au plus dense, mais aussi jusqu’au plus ténu et au plus fragile. Une langue dépurée jusqu’à la « quintessence ». Jusqu’à la « goutte d’os ». Osmose de composants non miscibles, eau/os, par alchimie des mots. Ce que Julien Bosc exprime en creux dans cet ultime recueil, et par « creusement de langue », c’est « un amour et une dévastation » :

    « (ah comme on s’aima ma morte) » | « ô le ciel ma morte mon amour ».


    Une tragédie a eu lieu qui entraîne (le poète) dans le basculement entre un avant et un après. De l’amour à la mort. La mort a balayé l’amour, corps éperdu-perdu sans espoir de retour :

    « les os d’une main dans la main

    enlacés :

    là se dit tout

    se disait

    avant

    avant la peau les os incinérés ».

    L’amour la mort (omniprésente) se conjuguent ici avec la mer, dans les poèmes clairsemés sur la page. La mer, sa voix sa peau ses algues. Ses plantes marines — laîches arméries cinéraires — et son écume, ses oiseaux et son ciel. Sa langue ressac qui revient. Palilalie. Et langue trébuche. Répète. « elle dit elle dit ».

    « recoudre

    recoudre

    mais comment      comment les os ? ».

    La langue du poète absenté de lui-même, évidé de mots — « langue muette » — se réduit parfois à des répétitions, à des silences. Mots sans buts, desquamés privés de son (sa) destinataire :

    « mots pour

    sans personne ».

    La mer la mort, l’amour et la merlette cou coupé, dépecée elle aussi, « langue morte » « devenue os ». Le monde est réduit à cendres par la mort comme le sont aussi les mots sur la page, réduction des poèmes. Seuls résistent encore et cherchent un espace quelques vers épars. Le poète parle langue blanche, lavée par les vagues, décapée, dépecée, désossée, mots et phrases raturés, mots repris ravalés. Comme écrits par regret ? Langue blanche et pourtant si tendre, vigilante à l’infiniment-petit-touché-par-la-mort, histoire d’une merlette semblable à la femme aimée, langue d’oiseau devenue os dans le bec, mots désossés de même, d’eux-mêmes, larmes réduites à concrétions légères, calcifiées, « goutte d’os » exhumée de la mer. Qui de la merlette ou du corps aimé/noyé — « ange-mort » — draine le chagrin ? L’un comme l’autre desquamé par le reflux des vagues, violence du vent du sang des déchirures. Une même cruauté.

    Travail des os dans le corps et résistance de la bouche obstruée bouchée jusqu’à étouffement, travail de la langue retenue, tenue de se taire. Écouter les os. Le travail de la langue se fait sur la page

    « où échouer

    — si les creux d’un recueil ».

    Comme les eaux envahissent, les os se répandent emplissent renversent/inversent en X (chiasme) :

    « des os plein les yeux

    de la peau plein les os

    plein les mains

    plein la tête

    plein la bouche ».

    Le lecteur cherche sous les os un sens qui fasse histoire, corps de la merlette déplumée, corps autopsié de noyée. Que reste-t-il ? Sinon

    « la merlette perdue

    voix bec dans les plumes :

    un coquillage »

    sinon

    « la gravure d’un visage

    d’une pure pleine jeunesse »

    « tout un corps

    pas plus épais qu’un os

    enlacé dans une main


    ô mon amour

    ô ma mort ».


    Perte peine raturées amour/mort, l’un et l’autre, l’un comme l’autre. Le souvenir de ce qui fut refait surface, refait mémoire. Souvenir d’un visage qui se dénoue en « un tas d’os enfants ». Mais aussi « os défaits d’un ange échoué ». Langue inutile privée de vie de sel de mer réduite abasourdie

    « mots d’une langue morte

    — bée face la mer ».

    Mots langue voix de l’autre surviennent en italiques :

    « à voix marée basse

    une cinéraire

    mes derniers mots »

    ou encore

    « ci-gît lui       elle

    mort morte

    — barre d’écoute reçue en plein visage ».

    Et les traits longs forment enclave dans le poème. Des apartés se glissent, questionnements et suppositions du poète. Évidés sur le vide, les mots de l’indicible sont emplis de silence. Semis de sens, os, des sèmes dans la bouche « à ne savoir que dire ».

    Reste

    « sur la stèle sur la grève :

    un bouquet d’os en fleur

    toutes blanches ».

    Et l’émotion grande, cachée sous l’impossible à dire.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Julien Bosc montage






    JULIEN BOSC


    Julien Bosc
    Ph. © J-D Moreau
    Source





    ■ Julien Bosc
    sur Terres de femmes


    Le coucou chante contre mon cœur (lecture d’AP)
    [Nous pourrions dire une forêt] (extrait du Coucou chante contre mon cœur)
    [Hormis les lèvres où mourir] (extrait de De la poussière sur vos cils)
    La Demeure et le Lieu (lecture d’AP)
    [marcher chaque jour] (extrait de La Demeure et le Lieu)
    [Nue-pâle sous sa toilette de satin noir] [extrait d’Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa]
    Elle avait sur le sein des fleurs de mimosa (lecture d’AP)
    (Et toi, qui es-tu ?) [extrait de Je n’ai pas le droit d’en parler] (+ une notice bibliographique)




    ■ Voir aussi ▼


    le site des éditions Collodion
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Julien Bosc
    → (sur Terre à ciel)
    Hommage à Julien Bosc, par Isabelle Lévesque
    le site des éditions Le phare du cousseix
    → (sur le blog Mediapart Outre l’écran)
    Julien Bosc (par André Bernold), par Jean-Claude Leroy






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  • Pauline Delabroy-Allard | [C’est un printemps comme un autre]


    Olivier Garros
    Ph. © Olivier Garros,
    première de couverture de Ça raconte Sarah








    [C’EST UN PRINTEMPS COMME UN AUTRE]




    C’est un printemps comme un autre, un printemps à rendre mélancolique n’importe qui. Une année s’est écoulée, une année de musique, une année de frissons, une année de soufre. Elle dit qu’elle veut me quitter, que cette vie qu’on mène est trop tumultueuse, que c’est la tempête. Le capitaine quitte le navire. Elle ne sait pas que je pleure dans ma douche chaque matin, que j’ai mal au ventre chaque soir, que je ne dors plus sans somnifères. Elle dit que je suis la femme de sa vie, son seul et unique amour, elle dit qu’elle ne sait pas ce qu’elle doit faire, continuer cette vie rocambolesque ou bien tout oublier, elle dit que notre amour est la chose la plus merveilleuse et la plus terrible qui lui soit arrivée. Elle dit qu’elle ne sait pas choisir, que c’est un problème, dans la vie. Elle décide de mettre la passion à distance, elle dit qu’on peut essayer de ne se voir plus que deux fois par semaine, pour espacer les moments de folie, pour rendre la vie moins saccadée, moins fulgurante.

    Elle sait se montrer exquise, elle me fait couler des bains, elle me masse le dos, me prépare à manger des choses délicieuses, m’accompagne à des rendez-vous importants, elle dit que je suis sa liberté, son accalmie, sa petite bouffée d’air. Elle sait se montrer odieuse, elle ne répond plus lorsque je lui envoie des messages, elle parle par monosyllabes, s’arrange pour ne pas être disponible, elle dit que je l’étouffe, qu’il lui faut de l’air, de l’air, de l’air.

    Elle se réveille en ayant très faim, elle s’étire comme un félin et demande qu’on prenne un délicieux petit déjeuner. Elle a envie d’aller se promener, ensuite, alors son choix se porte sur Angelina, près des Tuileries. Dans le salon de thé ultrachic, elle est silencieuse, presque éteinte. Il y a comme un trou noir entre nous. Elle mange ses toasts sans un bruit, sans rire tonitruant, sans anecdote à me raconter. Elle sourit à peine quand je fais le clown pour l’amuser. Elle se lève pour aller aux toilettes, sans un mot, sans un regard pour moi. Elle sursaute quand elle sent ma présence dans son dos. Dans le grand miroir doré qui orne les toilettes pour femmes de chez Angelina, au premier étage, avec vue sur le jardin, elle sourit enfin à mon reflet lorsque je la plaque contre le lavabo pour lui faire l’amour en silence, à la sauvette, sa jupe remontée contre l’émail blanc immaculé. Ses soupirs de plaisir ne me rassurent pas.



    Pauline Delabroy-Allard, Ça raconte Sarah, I, 69, éditions de Minuit, 2018 ; éditions de Minuit, collection « double », 2020, pp. 83-84.





    Pauline Delabroy-Allard  montage



    PAULINE DELABROY-ALLARD


    Pauline Delabroy-Allard portrait
    Source




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions de Minuit)
    la fiche de l’éditeur sur Ça raconte Sarah
    → (sur Diacritik)
    Pauline Delabroy-Allard : « le portrait littéraire m’intriguait » (ça raconte Sarah), par Johan Faerber
    → (sur le site de France Culture)
    Les coulisses du prologue de Ça raconte Sarah, par Pauline Delabroy-Allard
    → (sur le site de Libération)
    Ça raconte Sarah, amour et trieste réalité, par Frédérique Roussel





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  • Jackie Plaetevoet | [Je suis née sur une terre saignée]



    [JE SUIS NÉE SUR UNE TERRE SAIGNÉE]




    Je suis née
    sur une terre saignée
    de cailloux éclatants

    quêtant les tessons de l’infime
    pour que jaillisse
    l’alphabet de toute chose

    sonder la nébuleuse
    de ses exubérances

    c’est la seule façon d’exister
    fouiller une à une
    chacune de nos ignorances

    et vaille que vaille
    humer ce vertige
    pour débusquer

    peut-être la consolation.




    Jackie Plaetevoet, La Brièveté d’être, éditions Le Réalgar, collection l’Orpiment, dirigée par Lionel Bourg, 2020, page 31. Photographies de Géraldine Dubois.





    Jackie Plaetevoet La Brièveté d'être 2
    feuilleter





    JACKIE PLAETEVOET


    Plaetevoet  jackie
    Source




    ■ Jackie Plaetevoet
    sur Terres de femmes ▼


    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    Ras de la terre




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Jackie Plaetevoet
    → (sur le site de la mél, Maison des écrivains et de la littérature)
    une fiche bio-bibliographique sur Jackie Plaetevoet
    → (sur le site des éditions Le Réalgar)
    la fiche de l’éditeur sur La Brièveté d’être
    le site des éditions Sang d’encre





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  • Alain Nouvel | [Tu bois, aux sources de la foudre]


    [TU BOIS, AUX SOURCES DE LA FOUDRE]



    Tu bois,

    aux sources de la foudre,

    un arbre aux sèves de lumière.

    Tu bois,

    aux sources de la soif, la foudre.

    Tu es la foudre

    et foudroyé.

    Tu es le mur et l’emmuré,

    tu es le voyant et l’aveugle

    et tu frappes aux portes des pierres

    et tu respires l’eau de mer,

    parfois jaillit du mur, une rivière.


    Tu es le fou,
    la foudre
    qui transforme en graines les pierres
    et fais pousser des arbres
    instantanés.



    Alain Nouvel, Pas de rampe à la nuit ?, La Centaurée, 2020, s.f. Encres de Valérie Ghévart.






    Pas de rampe bis
    ALAIN  NOUVEL


    Alain Nouvel portrait 2
    Ph. D.R.




    ■ Alain Nouvel
    sur Terres de femmes


    Anton (lecture d’AP)
    Au nom du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest (lecture d’AP)



    ■ Voir aussi ▼

    → (sur le site de Mediapart)
    une notice bio-bibliographique sur Alain Nouvel



    ■ Voir encore
    sur Terres de femmes


    Terres de femmes | Terre di donne : 12 poètes corses, par Alain Nouvel






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  • [Anne-Marie Garat, II] Piero della Francesca | La Madonna del Parto



    Piero della Francesco  Madonna del parto 2

    Piero della Francesca, Madonna del Parto, v. 1455,
    Museo della Madonna del Parto, Monterchi








    LA MADONNA DEL PARTO



    Ainsi apprenons-nous que les livres nous lisent plus que nous ne les lisons, qu’ils nous écrivent plus que nous les écrivons, ils déchiffrent le mystère dont nous avons seuls la clé, ainsi peuplons-nous le monde de présences avec lesquelles nous sommes d’intelligence, nous en courons le péril extrême mais c’est à ce prix que l’imaginaire instruit l’exacte réalité de nos vies.

    Mêmement les images, les films, et les tableaux, et non, mon si cher ami Enzo Battistini n’avait pas ignoré qui j’étais le jour d’hiver où il me conduisit au village de Monterchi voir la Madonna del Parto que dit-on y peignit Piero della Francesca en mémoire de sa mère native du village, longtemps reléguée puis oubliée dans une chapelle du cimetière où celle-ci reposait, fresque ruinée de moisissures et d’eaux de ruissellement avant qu’elle ne fût sauvée, restaurée puis exposée dans l’ancienne école, petite bâtisse en contrebas du village où nous l’avions visitée au soir tombant, par un détour que j’imputais à sa mélancolie et dont ma compagnie lui donnait l’alibi, quand aujourd’hui je crois qu’il ne m’y conduisit que parce que, ayant perçu ma détresse la veille quand j’avais subitement fondu en larmes dans son imprimerie, il avait pensé, avec la discrétion et le tact dont il était capable et sans montrer d’émotion, que ce tableau donnerait quelque réponse occulte à mon tourment.

    Le peu de recul qu’offraient la pièce exigüe et l’éclairage en veilleuse qui, autant qu’il épargne les pigments, confère à la fresque son aura magique, me firent paraître la Vierge telle une géante en sa robe bleue, encadrée d’anges jumeaux soutenant son dais d’or, une des rares œuvres qui représentât la Vierge enceinte. Encore que souvent elle y couvre son ventre du manteau virginal ou le ceint d’un ruban marial, quand ici elle expose avec orgueil et souveraineté le dôme renflant sa robe dont, d’un doigt paradoxal, elle écarte et referme à la fois la fente par laquelle il saille. Geste sans pareil qui fit couler bien d’encre et par lequel elle désigne le lieu de la conception – devant lequel nous sommes comme les petits enfants posant avec l’avidité ingénue de leur faim de connaissance la question la plus vieille et la plus brûlante de notre jeune humanité : d’où viennent les enfants ? Si nous spéculons sous des formes dissidentes de la raison, de la science ou de la philosophie, généticiens ni astrophysiciens n’en résolvent l’énigme, et si toute mère désigne en son ventre personnel l’origine du monde, la paternité reste sans solution, invaincu le mystère de la conception et des voies spirituelles par lesquelles s’accomplit celle-ci. C’est le génie de Piero d’avoir résumé ce que toute vie s’épuise à formuler en une création qui, comme toute œuvre d’art, n’est que la place où s’absente le monde pour se représenter, et il m’a fallu si longtemps pour déchiffrer ce que j’appris ce jour-là de la Madonna del Parto

    […]

    Ainsi le regard de la Madonna del Parto, entre toutes Vierges de la Renaissance, donne-t-il à quiconque la visite, si ignorant ou savant soit-il, dans un sentiment mêlé de paix et d’angoisse la conviction qu’elle parle sa langue intime à tout un – disais-je à Tomaso en marchant sur le chemin, son bras si lourd, si chaud sur mon épaule. Nous irons à Monterchi, mon amour, voir la Vierge et ses anges jumeaux, nous y emmènerons nos bébés parce que si je suis celle qui vous aime, que vous aimez, qui se proclamait nullipare et satisfaite de l’être et mit bas nos deux grenouilles, c’est que ce soir-là sans doute Enzo a rempli pour moi sans le savoir cet office, dont nous nous chargeons parfois si étourdiment, celui du messager, moins ignorant et obtus qu’on ne le croit, du passeur qui ouvre à son insu des brèches dans notre existence et, d’un mot que nous croyons sans conséquence, d’un geste ou d’un acte apparemment anodin, change magiquement la direction de nos vies – faites-moi une déclaration d’amour, là tout de suite, Tomaso, sur notre chemin de grâce. Amen.



    Anne-Marie Garat, La Nuit atlantique, éditions Actes Sud, Domaine français, 2020, pp. 294-296.





    Anne-Marie Garat  La Nuit Atlantique



    PIERO DELLA FRANCESCA


    Piero della Francesca  Autoritratto
    Piero della Francesca, Autoritratto
    Storie della vera Croce, v. 1466 (affresco)
    Arezzo, San Francesco





    ■ Piero della Francesca
    sur Terres de femmes


    Yves Bonnefoy | Une silencieuse ordalie
    Erri De Luca, Piero della Francesca
    [Anne-Marie Garat, I] Piero della Francesca | La Madonna del Parto
    Michaël Glück, L’Enceinte
    Mario Luzi | Près de la reine de Saba
    Angèle Paoli | [Te souviens-tu de la Madonna del Parto ?]
    Bernard Simeone | Madonna del Parto
    12 octobre 1492 | Cole Swensen, Mort de Piero della Francesca





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  • Hélène Fresnel | En avançant vers l’Est


    EN AVANÇANT VERS L’EST
    (extrait)




    Le plus absent des absents allume souvent nos lendemains

    Peu d’informations sur ses pas quand ils résonnent ici et là
    Mais dans le vide on voit la sueur où s’en va randonner le temps
    C’est bien le chemin qui palpite aux quatre sangs de nos questions
    C’est bien le boulevard des questions qui se console au grand soleil




    Hélène Fresnel, « Franchir non s’affranchir (2017-2018) : En avançant vers l’est », Une terre où trembler, éditions de Corlevour, 2020, page 78. Préface de Zéno Bianu.





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    HÉLÈNE FRESNEL

    Hélène Fresnel 4
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    ■ Voir | écouter aussi ▼


    le site d’Hélène Fresnel
    → (sur le site des éditions de Corlevour)
    la fiche de l’éditeur sur Une terre où trembler
    → (sur YouTube)
    dans le cadre du Printemps des poètes, Hélène Fresnel lisant le poète Mahmoudan Hawad (15 avril 2020)






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  • Frédéric Jacques Temple | L’Oregon Trail



    Oregon trail 2
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    L’OREGON TRAIL*


    à Jean Carrière**        



    Et moi aussi j’ai pris la diligence
    qui passe au large de Chimney Rock
    dans l’herbe jaune du souvenir

    J’ai vu les sauges grises
    de la rivière Platte
    et les yuccas témoins du Poney Express
    dans le soleil cheyenne

    Les coyotes fuyaient devant nos montures
    furtifs
    comme les femmes des tribus sans retour

    Au loin montait la poussière des troupeaux
    mugissant vers les vieilles odeurs
    nocturnes
    de l’aventure morte

    Et le long fouet sec
    claquait dans le vent
    sur les collines infinies
    de Scriven’s Ranch

    Et j’entendais gémir les lents chariots mormons
    dans les ornières
    sous le regard fantôme des Indiens
    morts.




    Frédéric Jacques Temple, Foghorn in La Chasse infinie et autres poèmes, Éditions Gallimard, Collection Poésie/Gallimard n° 548, 2020, page 43.



    _______________
    * La piste de l’Oregon, longue de 3 200 kilomètres, permettait aux voyageurs du XIXe siècle de franchir les montagnes Rocheuses.
    ** Jean Carrière (1928-2005) a obtenu le prix Goncourt pour L’Épervier de Maheux. Le poème fait écho à leur expédition dans la Drailhe des Cévennes. Pour Temple qui l’admirait, Carrière a moins été victime de son succès et des milieux littéraires que d’une spirale de l’échec (Frédéric Jacques Temple, « Une œuvre dans la tourmente », Divagabondages, Actes Sud, Collection « un endroit où aller », 2018, pp. 252-256).







    Frédéric Jacques Temple  La Chasse infinie





    FRÉDÉRIC JACQUES TEMPLE (1921-2020)


    Frederic Jacques Temple Ph. ©Pierre Bolszak
    Ph. © Pierre Bolszak
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    ■ Frédéric Jacques Temple
    sur Terres de femmes


    Mai 2011 | Frédéric Jacques Temple, De la musique avant toute chose (extrait de Divagabondages)
    Un clou pour voyager (extrait de Par le sextant du soleil)
    Méditerranée (poème extrait de Phares, balises et feux brefs)
    Été (poème extrait de Profonds pays)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur La Chasse infinie
    → (sur ActuaLitté)
    Temple, la poésie partie en infinie chasse de rencontres
    → (sur Terres de femmes)
    9 novembre 1972 | Prix Goncourt pour L’Épervier de Maheux de Jean Carrière







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