Étiquette : 2020


  • Florence Noël | Sarabande


    SARABANDE
    (extrait)




    c’est là : le bougé du sujet, le flouté du dire que peint la feuille parmi ses sœurs et chacune liée à la souplesse de la branche, chacune et toutes ensemble dessinant le verbe, et sa gésine dans le désir d’un moineau pour l’envol, toutes en chacune s’animent,

    c’est là : dans le bougé des sèves, poussée organiste, ligneuse impatience – infléchie d’un soubresaut – dans le bougé des lèvres gonflées et si tendues dans le vouloir te dire,

    c’est là : l’à peine relié au trop, le fleuve ancré dans le filé du ciel, bougé d’un regard perdu de cible éperdu et perdant, le regard qu’on ne peut, le regard entier, et si osé le regard qui nous cloue nu et pantelant,



    Florence Noël, « Deuxième mouvement : Sarabande », Branche d’acacia brassée par le vent, Huit mouvements sur des photographies de Pierre Gaudu, Le Chat polaire, 1348 Louvain-la-Neuve (Belgique), 2020, page 19.






    Florence N 1






    FLORENCE NOËL


    Florence Noël






    ■ Florence Noël
    sur Terres de femmes


    un entretien avec Florence Noël
    Solombre (lecture d’AP)
    [tu dis c’est l’heure jaune] (extrait de Solombre)
    L’Étrangère (lecture d’AP)
    [parler de soi] (poème extrait de L’Étrangère)
    Initiation au crépuscule
    [Donnez-nous des pierres] (Vases communicants)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    autant revivre en mon jardin




    ■ Voir aussi ▼


    le site de Pierre Gaudu
    panta rei, les dits de la clepsydre de Florence Noël






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  • Alain Duault | Comprendre la poésie


    COMPRENDRE LA POÉSIE
    (extrait)




    Dans quelle « île » peut-on apercevoir la beauté, par quelle fente du ciel ? Dans le fond d’une grotte ou au sommet d’une montagne-vigie ? Peut-être dans l’eau qui la cerne, bleue, verte, changeante – et transparente quand je m’approche, quand j’essaie de la saisir entre mes mains ? Peut-être dans le reflet de la lumière sur une épaule inconnue ? Alors que la beauté est comme. Le ciel, le secret de la grotte, la transparence de l’eau, le désir que fait naître la peau. Le beau serait-il donc ce qui retient le temps dans la forme, contre la pourriture, contre la corruption ? Quand Milan Kundera écrit que « la laideur s’empare du monde », il ne pointe en fait qu’une réalité sociologique, un effet – dont la cause demeure le désir de beauté que manifeste en creux une telle phrase. La beauté nous est nécessaire, résistance à la putréfaction, expression d’une sorte de chœur au fond de nous, au fond de la langue, résurgence face à la violence illimitée du monde et à la dégradation de plus en plus grande de nos destins misérables ? Ou n’est-elle qu’une immanence à découvrir, à interroger – puisqu’elle ne nous appartient pas, jamais ? Ou bien encore n’existe-t-elle que dans la célébration, la poésie, l’art, la musique ?



    Alain Duault, « Comprendre la poésie », La Poésie, le ciel, Petite méditation lyrique, éditions Gallimard, Hors série Littérature, 2020, page 78.





    Alain Duauly  La Poésie  le ciel couv



    ALAIN DUAULT


    Alain Duault
    Source




    ■ Alain Duault
    sur Terres de femmes


    [Il n’est peut-être pas trop tard] (poème extrait de La Cérémonie des inquiétudes)
    [Tempêtes tempêtes] (poème extrait de L’Effarant Intérieur des ombres)
    Le dos (poème extrait de Nudités)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Gallimard)
    la fiche de l’éditeur sur La Poésie, le ciel
    l’humeur d’Alain Duault (le blog d’Alain Duault)






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  • Claire Malroux | Invisible Protée


    INVISIBLE PROTÉE
    (extrait)




    Jour après jour le jour s’absente, nous laisse
    dans une double nuit
    d’où nous pourrions ne jamais revenir
    ni savoir si nous serons où nous étions, sans le fanal
    qui dans l’espace envahi d’épisodes clandestins
    nous guide, et tels qu’en nous-mêmes nous réveille

    C’est que malgré les fleurs et les couronnes
    que sur son lit nous empilons
    le temps est à notre image, quelque chose de nu, sans gloire,
    traversant notre sommeil en fleuve aveugle
    vers nulle mer, comme nous-mêmes, étourdiment,
    dévalons la pente de la vie




    Le temps au miroir du marais s’arrête,
    sourd aux bruits d’alarme, râles de l’herbe tranchée
    par les vaches en exil entre les bras d’eau,
    plongeons de rats musqués, lourds envols de grues,
    grincement sur le sentier de monstres mécaniques
    montrant les dents au promeneur échappé du piège
    des ronces, orties, chardons, bouses d’autres saisons

    Quadrilatères de l’angoisse, humides mouchoirs
    dans l’immense main bleue, ras de terre
    ramenant de tous côtés de l’horizon à la terre
    Seul le tintinnabulement d’une haie de saules
    brise par intervalles l’enchantement immobile
    un son d’aucun monde comme l’envers du vent



    Claire Malroux, « Invisible Protée », Météo Miroir, éditions Le Bruit du temps, 2020, pp. 57-58.





    Claire Malroux  Météo miroir





    CLAIRE  MALROUX


    Claire Malroux 4
    Source





    ■ Claire Malroux
    sur Terres de femmes


    À la poésie (un autre poème extrait de Météo Miroir)
    [Quel que soit son destin] (poème extrait de Soleil de jadis)




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Le Bruit du temps)
    la fiche de l’éditeur sur Météo Miroir
    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Claire Malroux






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  • Jean-Claude Pinson, Pastoral

    par Angèle Paoli

    Jean-Claude Pinson, Pastoral,
    De la poésie comme écologie,

    éditions Champ Vallon, Collection recueil,
    01350 Ceyzérieu, 2020.



    Lecture d’Angèle Paoli


    POUR EN FINIR MUSAÏQUEMENT AVEC LE MONDE





    Poésie et écologie peuvent-elles aller l’amble ? La poésie est-elle concernée par la catastrophe écologique qui guette notre humanité ? Pour quelles raisons la poésie devrait-elle se préoccuper d’une menace dont nous sommes les auteurs responsables / irresponsables ? Quelle place la Nature occupe-t-elle aujourd’hui dans l’espace poétique ?

    Telles sont les questions ouvertes, nourries de réflexions et lectures multiples, que Jean-Claude Pinson soulève et aborde dans Pastoral. Dans cet essai philosophique, qui comporte en sous-titre De la poésie comme écologie, Jean-Claude Pinson interroge – tout au long des six chapitres qui composent son ouvrage – les liens que la poésie entretient de longue date avec la Terre et avec la Nature. C’est ce « pacte pastoral » que l’auteur se propose de revisiter avec nous. De découvrir ou de redécouvrir en suivant à ses côtés le cheminement d’une pensée affutée qui fait son miel de la fréquentation fertile de poètes d’écrivains et de philosophes qui ont jalonné l’Histoire de la littérature tout au long des siècles. Une réflexion qui guide la lecture depuis les origines, depuis l’« Écologie première » et ses « affinités électives » jusqu’à l’ultime, l’« Écologie dernière », aux confins de notre disparition. Imminente et comme programmée. Chemin faisant, d’un fragment à l’autre (chaque chapitre se subdivise en plusieurs fragments dont chacun est l’objet d’analyses), nous croisons nombre d’écrivains – Pierre Michon, Jean-Jacques Rousseau, Michel Serres, Giorgio Agamben – et de poètes. Mallarmé, Baudelaire, Rimbaud, Bonnefoy, Schiller, Hölderlin, Nerval, Jaccottet, Trassard, Pouchkine, Leopardi, Hocquard, Bouquet (Stéphane), Foglia (Aurélie), Jean-Paul Michel, Prigent, Vinclair… et tant d’autres. Chemin faisant aussi, Jean-Claude Pinson aborde de multiples concepts de sa propre facture, depuis la « zoopoétique » et la « musaïque » jusqu’au « pastoraliat » …en passant par le « pacte pastoral », l’« hantologie », « le luxe et le potlatch », le balnéaire et la beauté, le politique, « la solastalgie » et le « féminariat ». Pour en arriver à la question ultime, celle de notre disparition : comment habiter poétiquement le monde des temps ultimes ? Entre temps, ou en attendant, Jean-Claude Pinson invite à une prise de conscience forte qui rejoint le rêve pastoral des origines : « la poésie demeure porteuse d’une indéconstructible promesse d’habitation poétique de la Terre. »

    Jean-Claude Pinson part d’un constat qui puise ses racines dans l’examen précis de tout un panel d’œuvres. Entre poésie et Nature, il existe depuis toujours une étroite connivence. En atteste l’omniprésence de la Nature comme thème dominant et récurrent des cultures, quelques origines qu’elles aient. Ce constat ne porte pas seulement sur la poésie. Il porte aussi sur le roman (dont, au XVIIe siècle, L’Astrée d’Honoré d’Urfé est en France le phare le plus éminent). Les différences entre l’un et l’autre genre, dans le rapport que chacun entretient avec la Nature, viennent de ce que la poésie décrit d’autres manières d’être au monde. Là où le roman cherche à rendre compte de « la vérité du monde social », la poésie, elle, fonde sa vérité sur « l’expérience sensible ». Nature et poésie sont liées par une affinité élective millénaire. De ce lien naît un mode d’expression propre à la poésie. Lui-même en lien étroit avec un mode d’être. La poésie comme ontologie en quelque sorte.

    Mais, interroge l’auteur de Pastoral, qu’entendre par le mot « Nature » ? Jean-Claude Pinson fait d’emblée référence à la phusis des Anciens. Ce concept des philosophes grecs – traduit par natura chez les Romains – englobe les idées de naissance, de croissance et de génération. Dans sa relation avec la poésie, la Nature est à considérer dans une acception très large, qui prend en compte le cosmos, ses espaces infinis, la Terre, la nature, l’ensemble de l’espace habitable. L’Oekumène.

    Cependant, cette vision qui a inspiré tant de poètes a aussi été décriée par d’aucuns, jusqu’à vouloir la faire disparaître. Ainsi de Mallarmé qui déclare : « La Nature a eu lieu, on n’y ajoutera pas ». Avec Mallarmé, la nature devenue inutile, la poésie entre dans la « modernité ». À la Nature, délestée de tout ce dont elle était porteuse, succède l’artifice et son règne triomphant. En dépit des résistances que la Nature a engendrées, notamment au XIXe siècle, une forme de « sauvagerie » refait surface, qui se répand et qui réaffirme ses droits. Ainsi la philosophe Virginie Maris réhabilite-t-elle – dans La Part sauvage du monde – la toute-puissance de la Nature face aux nombreux prédateurs qui n’ont de cesse de l’anéantir aux fins d’exercer librement leur pouvoir sur l’écoumène. De même le poète Jean-Christophe Bailly réaffirme-t-il la résistance exemplaire de la Nature. Laquelle, « par-delà les hommes… est et continue d’être l’habitacle et le lieu, la somme déployée des espaces où les formes de vie viennent s’inscrire ».

    Et Jean-Claude Pinson de conclure son propos par cette assertion :

    « Entre les trois (Cosmos-Terre-Vie), Nature se déploie comme un continuum. Et c’est bien, phénoménologiquement du moins, ce continuum que nous habitons. »

    Ne voulant pas me risquer à trop disserter sur la somme d’analyses dont Pastoral est constitué – l’entreprise, du reste, relèverait d’un défi quasi intenable –, je me contenterai ici de reprendre certains des noms ou des mots cités ou parsemés supra, lesquels constituent aussi des têtes de chapitres ou de paragraphes de l’ouvrage.

    Ainsi du terme Zoopoétique.

    Qui dit Nature dit aussi « biotope ». Et qui dit poésie dit aussi « chant ». Entendons par là logos comme « régime d’énonciation », prosodie – et donc musique –, rythme. Ainsi le « pastoral » est-il intimement lié à la poésie, comme l’est le chant à tous les sons du biotope. L’ensemble de ces liens rend compte d’une « façon d’habiter la langue », de se mettre « à l’écoute de la nature (Nature) et d’en répercuter la vibration, l’écho de harpe éolienne (ou l’illusion d’un tel écho), sans pourtant que puisse être comblé l’abîme qui sépare le langage du réel. » Une « façon » aux résonances archaïsantes qu’il faut cependant distinguer du logos, « vecteur de l’entreprise moderne d’appréhension scientifique et de mise à disposition technique du monde ». Une disjonction qui accentue l’écart entre Nature et Culture.

    L’un des grands précurseurs de l’« écopoétique » est Jean-Jacques Rousseau qui met en avant « l’hypothèse d’un lien presque organique, corporel du langage et de la Nature ». Entre cri, chant animal et langage humain, la parenté existe, qui permet d’établir un lien étroit entre « écopoétique » et « zoopoétique ».

    Certains écrivains éprouvent plus que d’autres ce sentiment de continuum entre poésie et Nature. Un sentiment d’appartenance tellement puissant qu’il peut s’apparenter à une formulation du sacré. C’est le cas de l’œuvre de Pierre Michon portée par une dimension pastorale forte. Dans les Vies minuscules ou Le Roi du bois, certains récits mettent « en scène un sentiment extatique de la Nature comme totalité englobante et sacrée. »


    Du pacte pastoral

    Pour bien appréhender le « pacte pastoral », c’est vers Thoreau qu’il faut se tourner, Thoreau pour qui l’être humain fait partie « intégrante de la Nature ». Pourtant, selon Michel Serres, le « contrat social » l’emporte pour la majorité d’entre nous sur le « contrat naturel ». Mais, ajoute Jean-Claude Pinson, Michel Serres affirme que « la Terre nous parle en termes de forces, de liens et d’interactions, et cela suffit à faire contrat. »

    Loin en amont de Michel Serres et de son Contrat naturel, le critique américain Paul de Man – à qui l’on doit l’idée et l’expression même de « pacte pastoral » – écrit dans la revue Critique (juin 1956) que « le thème pastoral est le seul thème poétique, qu’il est la poésie même ». Parce qu’il est « la problématique même de l’Être ». La dimension ontologique de la poésie renvoie ainsi à la dimension ontologique du pastoral.

    Pour autant, il ne faudrait pas s’imaginer que cette conception résout les conflits inhérents à la nature humaine. À commencer par celui qu’engendre la distinction entre langage commun et langage poétique. De cette réconciliation improbable, le poète sort fragilisé. « La conscience poétique est une conscience malheureuse qui aspire à la réconciliation avec la Nature, quand le langage, en sa négativité, signifie pour l’homme la séparation d’avec cette même Nature. »


    Le langage musaïque

    La crise du langage, à corréler avec nombre d’autres crises, me conduit à prêter toute mon attention à l’analyse du « musaïque ». Ce néologisme (musaico), on le doit au philosophe italien Giorgio Agamben. Pour Agamben en effet, le drame du langage vient de ce que nous avons oublié l’expérience du « musaïque ». Que nous avons effacé le rapport de l’homme à la Muse. Que nous avons disjoint la parole de ses origines. Au langage « musaïque », devenu inaccessible, incompréhensible, s’est substitué un bavardage proliférant dont sont accablées nos sociétés. Un langage « sans marge, ni frontière ». Le langage bavard n’est pourtant qu’un leurre qui masque la perte ancienne de la voix originelle. De sorte que le poète « tourné vers un lieu originaire de la parole hors d’atteinte », « célèbre et commémore la voix qu’il n’a plus ».

    Jadis accordées autour de l’expérience musaïque, aujourd’hui oublieuses de leur relation à la Muse, les sociétés contemporaines se sont désintégrées. Et l’homme, emporté dans le tourbillon de la logique de l’hybris, « oublie de prêter l’oreille à l’étrangeté a-logique qui murmure depuis ce lieu « musaïque » (et hors d’accès) de la parole. »

    Dans ce contexte, le poème est et demeure le seul langage à même de restituer le lien perdu avec la Nature. Le seul susceptible de remonter à la source, en amont du logos. Le seul susceptible de renouer avec l’expérience originelle, de faire entendre encore un chant « animiste » « où trouve à se dire, sensoriellement, affectivement, musicalement, « animalement », un sentiment inoublié de la Nature. » Aussi appartient-il à la poésie de renouer avec le « pacte pastoral » dont elle était détentrice. « Aux poètes, aux artistes échoirait ainsi d’être les hussards verts de la Terre ».

    Ainsi donc, même si elle est déchirée par la double tension qui la secoue – « l’archi-événement du langage » (lequel permet d’établir la distinction homme / animal) / « l’archi-mouvement de la Nature » –, la poésie demeure « bien écologie première, pulsion en direction de cette introuvable origine « musaïque » dont le sentiment d’appartenance à la Phusis continue de lui parler. »

    Loin d’être un essai qui conduirait à une forme d’abattement ou de dépression, Pastoral est un livre qui revitalise la pensée, la renouvelle, la dépoussière et la désenglue. La régénère. La réflexion très vaste et très diversifiée que cet ouvrage propose touche à de multiples univers poétiques : par exemple, celui, en pleine ébullition « carnavalesque », de Prigent, ou celui, prônant la révolution, de l’univers « politico-explosif » de Stéphane Bouquet ; parmi eux, d’aucuns voient dans le poème le moyen de contrer « la lumière aveuglante d’un biopouvoir (celui du capital) s’insinuant au plus intime de la vie ». Ainsi des mots-lucioles que la poète Aurélie Foglia fait circuler dans son recueil Grand-Monde. D’autres, se tenant éloignés de la tentation nihiliste, voire anarchisante, continuent de célébrer la beauté et le don. Ainsi les proses de Philippe Jaccottet, soucieux de « rétablir dans ses droits » « le beau naturel ». Un « parti pris de la beauté » qui culmine chez le post-hölderlinien Jean-Paul Michel qui opte, par la médiation de l’hymne, pour « une incessante surrection d’être ». Quant à La Sauvagerie de Pierre Vinclair, grande épopée de plus de cinq cents pages, elle rassemble autour du poète toute une communauté de poètes. Communauté de « voix singulières », que fédèrent ici « non seulement la force d’une intention (la commune préoccupation d’une action poétique en faveur de Gaïa) », mais aussi « la force d’une forme, celle du dizain ».

    Face à une ouverture de si large empan, le lecteur est emporté, quelles que soient ses propres affinités, sur les voies vivifiantes de la Nature et de la poésie, les deux étant in fine indissociablement liées.


    Vers une écologie dernière

    « Le monde va finir », écrivait Baudelaire dans Fusées. La prophétie est-elle en train de se précipiter ? De devenir réalité ? « Que faire alors du poème »  ? Comment en finir « musaïquement » avec le monde ?

    Pour Jean-Claude Pinson, « un poète peut nous aider à penser la poésie en tant qu’écologie dernière », à en « habiter poétiquement la très sombre teneur, sans renoncer pourtant ni à l’élan « résurrectionnel » de la poésie […] ni à l’idée d’une vie poétiquement « joyeuse » ». Le poète dont il est ici question est Giacomo Leopardi. Poète « physicien ». Poète « chanteur de blues ». Il n’est que de relire L’Éloge des oiseaux pour se convaincre que, de la saudade qui diffuse en chacun de nous ses notes mélancoliques, peut surgir un concert « joyeux ». Un concert qui accompagnera les derniers vivants jusqu’aux abords du néant.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Pinson Pastoral





    JEAN-CLAUDE PINSON


    Jean-Claude Pinson
    Source





    ■ Jean-Claude Pinson
    sur Terres de femmes


    (lecture d’AP)
    [Bucoliques feuillées] (extrait de )
    Gagarine de la marine (extrait d’Alphabet cyrillique)
    Poéthique (lecture d’AP)




    ■ Voir aussi ▼


    le site officiel de Jean-Claude Pinson






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  • Jacques Réda | Testament


    TESTAMENT
    (extrait)




    Il se peut que la Muse rie
    Elle-même, sous ces rameaux
    Tirés de la sauvagerie
    Où se cachaient les animaux
    Humains, enfants de la Nature.
    Domestiqué par la culture
    Du savoir, il produit des fleurs
    Presque toutes de rhétorique :
    Même le poète lyrique
    Se tient au rang des bateleurs.

    Il a fallu l’énorme orage
    Orchestré par Victor Hugo
    Pour retrouver un peu la rage
    Saine du Franc, du Hun , du Goth ;
    L’amertume de Baudelaire,
    L’impatience et la colère
    De Lautréamont et Rimbaud
    Qui, précipitant le ravage,
    Mirent la parole sauvage
    En désaccord avec le Beau.

    Ainsi qu’en somme au siècle Seize,
    On crut pouvoir l’aménager
    D’abord comme un parc à l’anglaise,
    Ici verger, là bocager
    Puis, de Marot jusqu’à Malherbe,
    On vit graduellement l’herbe
    Des sous-bois tourner au gazon,
    Les layons se border de chaînes,
    Fûts des hêtres et troncs des chênes
    S’aligner comme en garnison,

    Le plus souvent douze par douze
    Au garde à vous ou paradant
    Tout au long de chaque pelouse
    Où les causeurs, en bavardant,
    Démontraient ainsi que leur monde,
    Quand on le surveille et l’émonde,
    Est bien à coup sûr le meilleur :
    Un univers où tout gravite
    Autour du Soleil dont l’orbite
    Tient clerc, serf, prince et rimailleur.

    […]

    Mais quand la langue se rebelle
    Contre elle-même, par dépit,
    Elle qui fut hardie et belle
    Et ne connaît plus de répit
    Qu’elle ne trouve un artifice
    Ou ne consente un sacrifice
    Qui mime ses premiers élans
    Et le naturel de ses charmes,
    Elle sent croître ses alarmes
    Enchérit sur les insolents :

    Se farde à l’excès, se débraille,
    Jure, fume, rote, boit sec,
    Prend des poses à la canaille
    Comme les filles de Lautrec ;
    Ivre, au besoin, se prostitue,
    Rigole, insulte, s’évertue,
    Faute de plaire, à faire peur
    Avec des mines de sorcière
    Et, dans la fange ou la poussière,
    Prend pour extase sa stupeur.

    Mais sait-on ce qu’elle y contemple ?
    D’aucuns disent : c’est l’Absolu.
    D’autres la donnent en exemple
    D’un temps désormais révolu :
    La poussière qu’elle va mordre
    Est tout ce qui reste d’un ordre
    Dont le poète a secoué
    Le joug. Donc que nul ne s’encombre
    Du vieux rafiot vers qui sombre :
    Seuls des gâteux l’ont renfloué.

    Allons, la rime, à quoi ça rime ?
    Que chaque horrible travailleur
    Qu’elle veut charmer la réprime,
    Le pire y sera le meilleur.




    Jacques Réda, « Testament », Le Testament de Borée, Fata Morgana, 2020, pp. 37-40.





    Jacques Réda  Le Testament de Borée





    JACQUES RÉDA


    Jacques_reda_sete_20150726 (1)
    Jacques Réda
    Sète, festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée
    31 juillet 2015
    Ph. ©Pierre Kobel






    ■ Jacques Réda
    sur Terres de femmes


    24 janvier 1929 | Naissance de Jacques Réda
    L’aurore hésite
    La course
    L’homme et le caillou
    4 mars 1970 | Jacques Réda, Il s’est mis à neiger (hommage à Jean-Philippe Salabreuil)




    ■ Voir aussi ▼


    le site Jacques Réda
    → (sur Terres de femmes)
    Bernadette Engel-Roux | Le nom des choses [Une lecture de Jacques Réda, extrait]






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  • Ananda Devi | [En apnée]


    [EN APNÉE]



    En apnée

    Parce qu’il m’est trop lourd de respirer ce qui n’existe plus
    Parce que ce ne sont pas les poumons mais la mémoire
    qui respire

    Les souvenirs ne nourrissent pas leur femme – ils
    la dessèchent – la font de paille et d’orge – un pain
    quotidien d’amertume

    Ne me buvez pas : le goût frelaté de la mort rôde.



    En apnée

    Parce qu’il arrive que l’air oublie son rôle, se raréfie

    Comme s’il se croyait au sommet de l’Annapurna ou de
    la Nanda Devi

    Hélas je grouille plus bas que l’air, plus bas que la terre,
    plus bas que la mer


    L’île est une presqu’île rattachée par les pieds à une barre
    de fer rouillée
    qui traverse nos douceurs pour nous dire : souvenez-vous.



    En apnée

    Comme si au bord du Gange ou du Grand Bassin tu
    aspirais les chants liturgiques

    qui promènent dans ton corps l’indécence des croyances,
    celles qui, toujours, te trahissent

    te font croire aux grandes puissances des mères et des
    pères

    avant de les dissoudre en poussière


    Tu sais que respirer c’est t’emplir de la suie des vies

    dont il ne reste plus rien que la langue des flammes

    corps qui se disloquent, chœurs entonnés par les cloches

    vêtus de jaune vêtus de noir vêtus de blanc

    le Gange ne s’arrêtera nulle part, ni pour les prieurs ni
    pour les mourants

    encore moins pour les absents

    remonter le Gange c’est remonter à la source du vivant

    avant n’était que chant – ils ont chanté avant que de savoir

    et ils sont oublié avant que d’être

    et ils sont morts avant que de devenir

    et ils ont disparu lorsque

    la dernière cloche a sonné.




    Ananda Devi, Danser sur tes braises suivi de Six décennies, éditions Bruno Doucey, collection « L’autre langue », 2020, pp. 40-42.





    Ananda Devi  Danser sur tes braises





    ANANDA DEVI


    Ananda Devi 3
    Source





    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Bruno Doucey)
    la notice de l’éditeur sur Danser sur tes braises
    → (sur YouTube)
    Ananda Devi, 5 Questions pour Île en île
    le site officiel d’Ananda Devi






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  • Florence Robert, Bergère des collines | Notes d’agnelage, du 20 mars au 25 avril

    Éphéméride à rebours




    Florence Robert et l'une de ses brebis
    Florence Robert et l’une de ses brebis prête à mettre bas
    Source








    NOTES D’AGNELAGE, DU 20 MARS AU 25 AVRIL




    Naissances. Boursouflures, sang, liquides visqueux, poches, chairs outrées, outrancières, sanguines, ce qui s’est savamment construit en cinq mois se détache, travail des hormones et des chairs profondes, le miracle est tout entier sous mes yeux, dans mes mains, l’agneau qui arrive a l’air mort, blafard et mou, couvert de sa poche, puis, un hoquet, ça part, un faible bêlement parfois, ça commence au grand air après cinq mois de refuge dans la plus douce des grottes. Les agneaux naissent déjà malaxés par la vie du troupeau, les rythmes, les rots de rumination, la presse des ventres, ils connaissent. Et c’est toute la fragilité d’être dehors qui est troublante, après ces mois de brassage maritime. Comme il est sec, l’air. Comme est dur le sol, comme est lourde la mère qui se couche trop près de son petit. Chaque matière a sa consistance, rude, éprouvée. Après l’indéfini du liquide amniotique, après le long sommeil du venir au Monde, la mortelle subtilité des choses se prononce. La vie profère sa vérité simple et sans appel. Il faut y aller, ou non. Un hoquet, la tête se redresse, le mucus s’écoule et libère les naseaux, la mère lèche avidement le liquide qui couvre son dernier-né. Premières secondes.

    Il faudra de quoi les nourrir, un liquide facile à digérer, complet, riche en protéines pour grandir vite, facilement accessible, à la douce température du corps, distribué à volonté, et riche en anticorps. Il faut du colostrum puis du lait dans un pis à deux trayons. Ça tombe bien, la nature est bien faite. Les plus vigoureux, encore tout humides, font leur première tétée en moins de quinze minutes. D’autres auront besoin d’aide à plusieurs reprises. Et quelle histoire parfois pour mettre enfin le trayon dans la bouche avide et maladroite. Surtout que les agneaux détestent qu’on leur touche la tête. Quelle patience, quelle expertise, quand l’agneau est humide, froid maintenant, tout collant et qu’on est très fatigué. Il est arrivé à chacun d’avoir envie de laisser tomber, il boira plus tard, ou jamais, cet imbécile. Si l’agneau est très faible, il faut tout de même le faire téter en asseyant la brebis, en le couchant entre ses jambes, en déclenchant la succion par l’envoi d’un petit jet de lait sur la langue, mais pas trop de lait, qui risque de l’engorger e de le dégoûter de téter, puis introduire le trayon dans la bouche. Si l’agneau tète, il est sans doute sauvé. Sinon, il est mal parti. Un coup à prendre, dit-on. Il est hors de question de s’énerver, l’impatience est bannie de notre maternité !

    Va-t-il respirer, s’est-il levé, a-t-il bu, n’ai-je pas oublié de désinfecter le cordon de celle-ci, de celui-ci, cent fois, les questions et les réponses se succèdent. Notre vigilance est intense. Nous n’arrêtons pas.

    Les placentas, qu’il faut absolument enlever du fumier, me font l’effet de serpents vigoureux mollement animés, et mes mains en gardent une sensation étonnamment présente et… mouvante, comme si je les tenais encore. Fouiller les brebis procure la même impression, au cœur même de l’animal, parfois très loin, jusqu’au deux tiers de l’avant-bras. Une fois la main engagée, yeux ouverts, les yeux au bout des doigts, je ne vois plus rien, tout est rouge. Rouge sang, rouge vivant. Un agneau est là et je ne sens que ses os. Chair et liquide amniotique se mélangent, je ne peux distinguer que les os du crâne et des pattes avant, et, parfois, de façon inquiétante, un œil mou sous la pression.

    […]




    Florence Robert, Bergère des collines, éditions Corti, Collection Biophilia, n°18, créée par Fabienne Raphoz, 2020, pp. 81-83.





    Florence Robert  Bergère des collines






    FLORENCE ROBERT


    Florence Corbière
    Source





    ■ Voir | écouter aussi ▼


    → (sur le site des éditions Corti)
    la fiche de l’éditeur sur Bergère des collines (+ un autre extrait [PDF])
    → (sur Colibris)
    Chronique : La Bergère des Corbières #5 « Fin de gestation : des émotions fortes ! », par Florence Robert
    → (sur YouTube)
    Le pastoralisme en Corbières. Parole d’éleveur : Florence Robert






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  • Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel

    par Angèle Paoli

    Joël Vernet, L’oubli est une tache dans le ciel,
    éditions Fata Morgana, 2020.
    Dessins de Joël Leick.



    Lecture d’Angèle Paoli


    L’INFIME BRUISSEMENT DU TEXTE





    Je lis un ouvrage dont l’auteur est actuellement hors d’atteinte. Les textes rassemblés sous le titre L’oubli est une tache dans le ciel sont pourtant bien les siens. De très belles proses poétiques qu’accompagnent des dessins de Joël Leick. Des dessins comme des bulles. Des bulles d’air ou d’eau, d’une légèreté translucide, traversées de branches brindilles feuilles et traces. Traversées de silence. Comme les proses. Poète et peintre sont en symbiose parfaite. Tout vibre dans ce très bel ouvrage édité par Fata Morgana.

    Il n’est qu’à parcourir les titres que le poète a choisis pour ces proses et de les relier aux titres des nombreux ouvrages déjà écrits et publiés pour reconnaître une présence. Discrète. Lovée à travers quelques mots fondateurs, des mots très simples, souvent les mêmes. Maison / Jardin / Sous-bois / Libellule / Merle / Mante religieuse / Lézard / Papillon / Chat / Tilleul / Herbes / Lumière / Noir / Neige / Silence / Oubli / Rumeur / Lettre / Signe / Sable… Des mots qui parlent déjà du poète. De Joël Vernet. Qui, en quelque sorte, le résument. Je lis ces proses, je les savoure. Je me perds dans les chemins, je me perds dans les hautes herbes. M’interromps un instant au seuil d’une maison isolée, livrée à la lumière éclatante de l’été et scintillante de neige l’hiver. Et je l’imagine, lui, le poète. Je le retrouve tel que je l’ai laissé après ma lecture des Carnets du lent chemin. Je le retrouve à l’identique. Pourtant ici, dans ce nouveau recueil qui vient de me parvenir en son absence, il n’y a ni dates ni noms de lieux. Tout ancrage spatio-temporel s’est estompé. Demeurent les collines et les crêtes, les sentes que le marcheur arpente, méditant sur le temps qui passe et sur ce qui le fait vivre, lui, le rêveur, le nomade infatigable. Ce qui le fait vivre ? Presque rien. Trois fois rien. Une mante religieuse, un papillon élégiaque, un chat paresseux et doux, un lézard égaré dans la maison et dont il se sent si proche :

    « N’es-tu pas ce frêle lézard pris au piège, celui qui est allé ici et là, abandonnant son père, sa mère, ses paysages par idiotie pour se lancer dans l’aventure ? Un piège s’est refermé sur toi… ».

    « Je me suis émerveillé d’un rien », écrit le poète.

    Et de ce rien surgit un « alphabet nouveau », que le poète s’est approprié de longue date et qu’il a fait sien. Autant de menues choses, compagnes du silence et de la solitude qui l’absorbent des heures durant et n’ont de sens que pour lui qui sait s’en saisir dans leur profondeur. Et puis il y a les mots, et puis il y a les phrases. La vie même. Sa vie de poète. C’est dans cette proximité avec le minuscule, le minime, l’infime, qu’il peut

    « commencer à vivre, à écrire, ce qui est la même chose, le même chemin pas plus épais qu’une aile de libellule, qu’un serment ancien. Ce serment, je l’ai prononcé enfant sans même ouvrir la bouche, dans un silence indestructible. »

    Ce sont ces mots de toujours, et le serment de faire silence, qui remettent le poète en lien avec l’enfance, avec la lointaine disparition du père, si brutale et si cruelle ; avec la disparition récente de la mère dont il retrouve la présence/absence à la vue du chemisier bleu abandonné au dos d’une chaise. Une tache de ciel, à peine. Mais un bleu qui persiste au plus fort de l’oubli. La mère ? Une disparition, un retrait discret, un effacement qui reste sur le seuil, un silence qui voit. Et qui entraîne le poète sur la voie d’une perception irréversible :

    « Quand ma mère est morte, je me suis senti très vieux, glissant dans un autre temps, sur une autre pente. »

    Face au désarroi, une seule chose possible. Écrire.

    « Écrire permet peut-être de retrouver une forme de grâce, une échappée, une espérance. »

    Ce que le poète entreprend, fidèle à lui-même et fidèle à ses choix. Marcher écrire sentir méditer. « Les carnets sont mon seul espoir », écrit-il dans « La maison où vivre avec le silence. » Et, quelques lignes plus loin :

    « les poèmes sont des compagnons inestimables. »

    Les poèmes, la maison. Le tilleul. La petite table sous la fenêtre. Tout cela forme un tout. Un ermitage. Un lieu unique d’observation du monde. Mais un lieu détaché, à l’abri des innombrables nuisances. Avec l’arbre géant comme compagnon fidèle avec qui converser, afin d’affiner et de poursuivre la quête de l’inatteignable :

    « J’ai cherché une écriture ayant la pureté d’un diamant, la souplesse d’une herbe, la force d’un torrent. Un souffle. Cela m’a pris une vie… ».

    Là où d’autres, connaissances et amis, s’acharnent à poursuivre les biens-de-ce-monde, lui, le poète, travaille à leur effacement. Être dans l’observation d’un escargot ou dans l’oubli momentané du monde. L’oubli de son insoutenable bavardage et de son fracas. De son « grondement » sourd. Que seul le silence de la maison, un « silence ravageur », rend véritablement audible. Paradoxe du silence. À la fois jalousement courtisé et jalousement craint. Oublier aussi les livres lus qui n’ont fait qu’obscurcir le monde. Ne s’en tenir qu’à ce qui existe autour de soi, au plus près. Éclaircir le paysage, mettre au jour, donner de la lumière à ce peu qui existe encore.

    « L’amour du monde serait là, devant nous, nu. Les pages vibreraient dans l’azur, comme ce ne fut jamais le cas, jusqu’à ce jour. »

    Il y a pourtant, dans cette mémoire nomade à la recherche de l’oubli, des noms qui reviennent et qui hantent durablement. Des noms de poètes aimés sur qui le marcheur se penche et à qui il écrit, par-delà les nuages. Khlebnikov et Mandelstam. Ou encore Marina :

    « Je pose cette lettre sur ton âme endormie. Je vois une boîte, à Elabouga, qui le recevra. C’est la boîte du ciel […] Tout poème n’est qu’une simple lettre que la vie a tachée d’un peu de sang. D’un peu de joie. »

    Il suffit de se mettre à l’écoute de « l’infime bruissement » du texte pour déceler ce qui vibre dans la page. Le livre redevient alors cette part de miracle vivant qu’en deçà des mots le lecteur cherche en filigrane.



    Angèle Paoli
    D.R. Texte angèlepaoli





    Vernet oubli





    JOËL VERNET

    Joel Vernet
    Source




    ■ Joël Vernet
    sur Terres de femmes


    Les petites routes (extrait de L’oubli est une tache dans le ciel)
    Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [lecture d’AP]
    Décembre 2010 | Joël Vernet, Carnets du lent chemin, Copeaux (1978-2016) [extrait]
    [De Rimbaud […] tu n’auras jamais rien su] (extrait de Mon père se promène dans les yeux de ma mère)
    30 août 1994 | Joël Vernet, Le Regard du cœur ouvert




    ■ Voir aussi ▼


    → (sur remue.net)
    Joël Vernet /marcher vers un ciel de pierre
    → (sur Le Nouveau Recueil) Joël Vernet, ou l’esthétique de la trace, par Sylvie Besson (
    fichier Word)






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  • Marie-Claire Bancquart | [Ces gants anciens]


    [CES GANTS ANCIENS]



    Ces gants anciens sentent l’iris
    et la prière
    d’une jeune femme à qui Dieu indiffère
    mais non pas le jour qui verrait le calme entrer
    dans son cœur.

    Dieu, cet inconnu,
    pourrait être l’arbre du jardin
    ou tel nuage
    traversé d’oiseaux.

    Mais Dieu
    n’est-il pas le nom le plus connu, le plus probable,
    donné à nos désirs ?




    Marie-Claire Bancquart, De l’improbable, précédé de Mo(r)t, éditions Arfuyen, collection Les Cahiers d’Arfuyen, volume 242, 2020, page 38. Postface d’Aude Préta-de Beaufort.





    Bancquart  improbable





    MARIE-CLAIRE BANCQUART


    Marie-Claire Bancquart
    Image, G.AdC





    ■ Marie-Claire Bancquart
    sur Terres de femmes


    Intervalle (extrait d’Avec la mort, quartier d’orange entre les dents)
    Buis
    Liturgique (poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    Ressac (autre poème extrait de Dans le feuilletage de la terre)
    [Habiter l’herbe et le trèfle] (poème extrait de Figures de la Terre)
    Figures de la Terre (lecture d’AP)
    Impostures (lecture d’AP)
    [Comment vivre dans une maison sans jardin] (extrait de Qui vient de loin)
    [Qu’avez-vous fait] (extrait de Terre énergumène)
    [Il y a du jeu] (poème extrait de Tracé du vivant)
    [Une ville aimée luit et crie] (autre poème extrait de Tracé du vivant)
    [Toi, l’herbe] (poème extrait de Violente vie)
    Violente vie (lecture d’AP)
    → (dans l’anthologie poétique Terres de femmes)
    En Angleterre
    → (dans la galerie Visages de femmes)
    le Portrait de Marie-Claire Bancquart (+ un poème issu du recueil La Mort, quartier d’orange entre les dents)



    ■ Voir aussi ▼


    → (sur le site des éditions Arfuyen)
    la page de l’éditeur sur De l’improbable de Marie-Claire Bancquart
    le site personnel de Marie-Claire Bancquart
    → (sur La Pierre et le Sel)
    Marie-Claire Bancquart, vers une incertitude sereine, par Roselyne Fritel






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  • Adeline Baldacchino | [De l’autre côté de la nuit]


    [DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA NUIT]



    De l’autre côté de la nuit c’est comme
    le revers invisible d’une île au petit matin
    la mer l’entoure et tu ne vois que la côte
    sous le vent que ses flancs dénudés
    son âme mise à nu tandis que son corps
    défendu se dérobe
    et tu descends longtemps parmi les pins
    tu dois descendre plus bas pour
    atteindre la plage où l’on se délivre
    des premières énigmes
    et le grand nuage liquide
    de la mer y dévoile enfin son secret.




    Je sais que tu sais que l’on sait
    qu’ailleurs dans le monde à deux pas
    peut-être même derrière la porte
    à côté de la nôtre – et l’âne qui braie
    s’en moque éperdument –
    l’on meurt je sais que tu sais
    qu’on passe notre temps sur la terre
    entre deux instants de cristal
    appontés l’un à l’autre malgré
    leurs échardes de diamant noir
    qu’on est venu qu’on repartira qu’il est
    juste l’heure de s’aimer.



    Adeline Baldacchino, De l’étoffe dont sont tissés les nuages, Carnets grecs, éditions L’Ail des ours, Collection Grand Ours/ n°2, 2020, pp. 26-27.





    Baldacchino 1





    ADELINE BALDACCHINO


    Adeline_baldacchino octobre 2017
    Source





    ■ Adeline Baldacchino
    sur Terres de femmes


    Le perroquet à la langue de bois (poème extrait du Chat qui aimait la nuit)
    Théorie de l’émerveil (lecture d’AP)
    Jour 7 (extrait de Théorie de l’émerveil)
    13 poèmes composés le matin (pour traverser l’hiver)[lecture d’AP]




    ■ Voir aussi ▼


    → (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes)
    une fiche bio-bibliographique sur Adeline Baldacchino
    → (sur Terre à ciel)
    un entretien d’Adeline Baldacchino avec Sabine Huynh (+ 7 poèmes inédits et une notice bio-bibliographique)
    le blog d’Adeline Baldacchino






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